Nations Unies

CCPR/C/100/D/1768/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

29 octobre 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

Centième session

11-29 octobre 2010

Décision

Communication no 1768/2008

Présentée par:

Fabienne Pingault-Parkinson (représentée par un conseil, Me Alain Lestourneaud)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

France

Date de la communication:

5 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 10 mars 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

21 octobre 2010

Objet:

Placement arbitraire en hôpital psychiatrique et déni de justice

Questions de procédure:

Épuisement des voies de recours internes; étaiement des allégations; examen par une autre instance internationale

Questions de fond:

Détention arbitraire; traitement inhumain; droit à un recours effectif

Articles du Pacte:

7, 9, 10 et 14

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 a) et b))

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (centième session)

concernant la

Communication no 1768/2008**

Présentée par:

Fabienne Pingault-Parkinson (représentée par un conseil, Me Alain Lestourneaud)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

France

Date de la communication:

5 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 21 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Mme Fabienne Pingault-Parkinson, ressortissante française, née le 15 juin 1964. Elle se considère victime d’une violation par l’État français des articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte. Elle est représentée par un conseil, Me Alain Lestourneaud. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour la France respectivement les 4 février 1981 et 17 mai 1984.

1.2Le 4 juin 2008, à la demande de l’État partie, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a décidé que la question de la recevabilité devait être examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a épousé M. Étienne Parkinson en 1988. Dans le courant de l’année 1997, le couple Pingault-Parkinson, parents d’une fille adoptive, a traversé une crise conjugale. Le 1er décembre 1997, le mari de l’auteur n’est pas rentré au domicile conjugal, et celle-ci est demeurée sans nouvelles de sa part pendant une semaine. Très inquiète, elle s’est rendue à la gendarmerie puis a contacté le bureau de son mari en Suisse où on lui a indiqué qu’il venait travailler tous les jours, sans plus d’explications. Le mari de l’auteur s’est présenté au domicile conjugal le 6 décembre 1997. Vers 14 heures, l’auteur a constaté l’absence de sa fille adoptive de la maison. Elle a compris qu’elle avait été éloignée du domicile par le mari sans son accord. À 18 heures, le docteur Woestelandt, médecin homéopathe, s’est présenté au domicile conjugal à la demande du mari qui est également son patient, pour discuter avec l’auteur. Il lui a déclaré «soit vous allez voir le psychiatre que je vous indique, soit je vous interne». L’auteur, infirmière depuis 1988, n’a pas pensé qu’il avait l’autorité pour le faire, n’ayant de plus jamais été informée par son propre médecin traitant qu’elle avait besoin d’un quelconque suivi psychiatrique. De plus, dans le cadre de la procédure d’adoption, quelques années auparavant, plusieurs examens médico-psychologiques avaient été effectués avec succès en vue de la déclarer apte à l’adoption de l’enfant. Vers 20 heures, elle a reçu un appel des pompiers lui demandant son adresse. À 20 h 30, les pompiers et le médecin des urgences de l’hôpital de Thonon-les-Bains sont arrivés et ont conduit l’auteur à l’hôpital, contre son gré.

2.2À son arrivée au service des urgences, une infirmière lui a demandé des renseignements administratifs. Le docteur Schmidt, médecin assistant au Centre hospitalier de Thonon-les-Bains, est venu lui poser quelques questions auxquelles l’auteur a répondu calmement. Le père de l’auteur, avec lequel les relations sont distantes, et son mari sont arrivés à l’hôpital et le docteur Schmidt les a interrogés devant elle, sans qu’elle puisse intervenir pour rectifier ce qu’elle estimait être inexact. Elle a demandé à quitter le bureau. Vingt à trente minutes plus tard, le médecin l’a rappelée et lui a fait part de sa décision de l’interner. À aucun moment elle n’a fait l’objet d’un véritable examen médical, médico-psychologique ou même psychométrique visant à mettre en évidence un trouble de nature à justifier la mesure d’internement forcé. À aucun moment l’auteur n’a constitué un danger quelconque pour elle-même ou pour autrui. Le docteur Schmidt, en présence de l’auteur, a demandé au mari s’il voulait signer la demande d’hospitalisation à la demande d’un tiers, ce qu’il a refusé, demandant au père de l’auteur de signer à sa place, ce que ce dernier a fait.

2.3Durant l’hospitalisation de onze jours (du 6 au 17 décembre 1997) dans le service du docteur Girard, l’auteur aurait été privée de tous ses vêtements et effets personnels, revêtue d’une blouse blanche, enfermée dans une chambre, sans possibilité d’en sortir ni de contacter quiconque. Des neuroleptiques lui auraient été administrés autoritairement par l’infirmier de nuit, sous la menace de piqûres si elle ne les absorbait pas volontairement. Durant toute son hospitalisation, l’auteur n’aurait reçu aucune information sur ses droits de contester la mesure d’internement forcée prise à son encontre.

2.4À la sortie de l’hôpital le 17 décembre 1997, le docteur Girard aurait déclaré au frère de l’auteur qu’ «elle n’a aucune indication pour rester dans mon service» et qu’il avait subi une pression importante de la part du mari et du père pour qu’il maintienne la mesure d’internement prise. Durant les mois qui ont suivi, le mari a contacté le docteur Girard pour obtenir des renseignements lui permettant d’obtenir la garde de l’enfant.

2.5L’auteur a décidé de demander réparation du préjudice subi en raison de son internement abusif puisque selon elle la procédure d’internement était entachée d’irrégularité. Tout d’abord, le docteur Woestelandt n’avait aucune compétence médicale pour solliciter l’internement. De plus, le docteur Schmidt ne l’aurait pas examinée avant d’établir un certificat médical le 6 décembre 1997 avant son internement. Enfin, le docteur Girard qui aurait été tenu de rédiger un nouveau certificat médical vingt-quatre heures après son admission, ne l’aurait rédigé que quarante-huit heures après. L’auteur précise qu’elle a réclamé en vain de voir un docteur le dimanche 7 décembre 1997. Or, ce n’est que le 8 décembre qu’elle a vu le médecin et que le certificat a été établi. L’auteur précise aussi que les constatations médicales du «certificat de 24 heures» et du certificat de sortie manquent de cohérence dans la mesure où ils ne visent pas les mêmes pathologies psychiatriques. Ainsi, dans le certificat de sortie, la pathologie indiquée ne serait pas de nature à rendre nécessaires l’internement et l’administration de neuroleptiques. Lorsque l’auteur a demandé à accéder à son dossier médical et administratif en vue d’obtenir réparation, elle n’a obtenu qu’un dossier incomplet. S’agissant de l’implication des autorités judiciaires et administratives telles que le Préfet et le Procureur de la République, l’auteur a été informée par ces autorités qu’elles ne possédaient aucune information ou notification liée à son internement.

2.6Le 15 juin 2001, l’auteur a écrit au Directeur du Centre hospitalier et sollicité réparation de son préjudice, en vain. Le 13 décembre 2001, elle a déposé plainte au tribunal administratif de Grenoble. Entre autres, elle a indiqué au tribunal qu’elle n’avait pas été informée de ses droits lors de son admission, notamment de la possibilité de se pourvoir par simple requête conformément à l’article L.351 du Code de la santé publique devant le président du tribunal de grande instance qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire, aurait pu ordonner sa sortie immédiate. L’auteur a produit divers documents établissant que ses demandes d’accéder à son dossier médical et administratif ont été confrontées à un refus des administrations concernées au motif que les documents de notification n’étaient gardés que pendant un an suivant l’internement. Pour l’auteur, cette impossibilité d’obtenir de tels documents s’explique par le défaut d’accomplissement par l’hôpital des notifications administratives prévues par la loi auprès du représentant de l’État et de la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques, conformément à l’article L.334 du Code de la santé publique. L’auteur demandait enfin aux juridictions de déclarer abusif et irrégulier son internement, en violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

2.7Le 19 janvier 2005, le tribunal administratif de Grenoble s’est déclaré incompétent, au motif que «s’il appartient, d’une part, à l’autorité judiciaire d’apprécier la nécessité d’une mesure ordonnant le placement d’office d’une personne en milieu psychiatrique et, d’autre part, à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de cette mesure, seule l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement dont il s’agit». Le 2 février 2006, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la demande de l’auteur et confirmé le jugement du tribunal administratif. Par arrêt rendu le 1er décembre 2006, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi au motif qu’aucun des moyens de droit soulevés par l’auteur n’était de nature à permettre l’admission de sa requête. Le conseil de l’auteur estime donc avoir épuisé les recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur estime que l’État partie a violé les articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte. Elle estime que son internement dans l’établissement psychiatrique est assimilable à une détention, au sens de l’article 9, paragraphe 1; qu’elle est intervenue arbitrairement, sans motif médical valable et selon une procédure non conforme à la loi; et qu’elle a continué arbitrairement dès lors que la procédure de maintien dans l’établissement était irrégulière (certificat des 24 heures).

3.2S’agissant de la contestation de la détention durant la période de l’internement, l’auteur aurait été privée de son droit d’introduire le recours visé par l’article L.351 du Code de la santé publique, qui lui aurait permis de saisir immédiatement le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, en vue de demander sa sortie immédiate. Cela constituerait une violation de l’article 9, paragraphe 4 et 14, paragraphe 1. Le défaut d’information dont elle a été victime aurait rendu le recours ineffectif. À l’appui de son argumentation, l’auteur cite la jurisprudence du Comité dans l’affaire Bozena Fijalkowska c. Pologne. En l’espèce, le Comité avait écarté l’exception de l’épuisement des voies de recours internes et retenu que l’auteur n’avait pas été en mesure de contester sa détention en temps utile, dans la mesure où elle avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. L’auteur estime également que ses droits ont été atteints dans la mesure où les juridictions administratives n’auraient pas dû se déclarer incompétentes en plein contentieux, puisque ont été contestés à la fois la décision d’admission dans le service du docteur Girard et le déroulement de la mesure d’internement.

3.3S’agissant de la réparation du préjudice consécutif à un internement abusif devant les juridictions administratives, garantie par l’article 9, paragraphe 5, il appartient, selon l’auteur, au juge administratif de connaître de l’ensemble de sa demande et donc de statuer sur les irrégularités de procédure et leurs conséquences. La multiplication des obstacles procéduraux constitue une atteinte à son droit de demander réparation de son préjudice au titre du paragraphe 5 de l’article 9, et accessoirement à une violation de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte.

3.4L’auteur estime également que ses garanties ont été atteintes par la façon dont elle a été traitée lors de son internement (enfermée, déshabillée, attribution de neuroleptiques, impossibilité de communiquer avec ses proches). Un tel traitement ne peut se justifier pour quelqu’un qui ne constituait pas un réel et grave danger pour elle-même ou pour autrui. L’auteur considère que ce traitement n’est conforme ni à l’article 7 ni à l’article 10 du Pacte.

3.5L’auteur estime que le Conseil d’État n’a pas respecté son droit à un procès équitable puisqu’il a arbitrairement omis d’examiner certains des moyens tirés du Code de la santé publique, ainsi que de la Convention européenne des droits de l’homme (art. 3 et 5) et du Pacte (art. 7), longuement développés dans le mémoire de l’auteur. À l’appui des violations alléguées, l’auteur se réfère à la communication no 1061/2002.

Observations de l’État partie

4.1En date du 15 mai 2008, l’État partie conteste la recevabilité de la communication présentée par l’auteur, au motif que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées pour le grief tiré de la violation des articles 9 et 14 du Pacte. De plus, les allégations au titre des articles 7 et 10 d’une part, et 14 d’autre part, n’ont pas été suffisamment étayées.

4.2Sur le non-épuisement des voies de recours internes, l’État partie considère qu’il ressort des pièces du dossier que l’auteur n’a pas saisi les juridictions appropriées de l’ordre interne pour se plaindre de ses griefs, alors même qu’elle était assistée depuis le début de la procédure par un avocat, Me Lestourneaud, qui la représente encore devant le Comité.

4.3S’agissant des hospitalisations d’office ou à la demande d’un tiers, la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire était établie au moment de l’hospitalisation de l’auteur et est demeurée constante par la suite. L’État partie cite l’arrêt du tribunal des conflits du 6 avril 1946, Sieur Machinot contre Préfet de police ainsi que l’arrêt plus récent du tribunal des conflits du 17 février 1997, aux termes duquel «s’il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la légalité de la décision administrative ordonnant l’hospitalisation d’office […], l’autorité judiciaire est seule compétente tant pour apprécier la nécessité d’une hospitalisation d’office en hôpital psychiatrique que […] pour statuer sur l’ensemble des conséquences dommageables de cette décision, y compris celles qui découlent de son irrégularité». Dès lors, le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité dite externe de la procédure d’hospitalisation, c’est-à-dire qu’il vérifie que la procédure a bien été suivie conformément à la loi en vigueur. S’il relève une irrégularité, le juge peut annuler la décision d’hospitalisation. Le juge judiciaire quant à lui, se prononce sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation, et sur l’indemnisation des dommages qui peuvent résulter de son caractère abusif ou de son irrégularité.

4.4S’agissant du non-épuisement des voies de recours eu égard à la contestation de la légalité de l’hospitalisation, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas saisi le juge administratif sur la légalité de l’hospitalisation, ce qui ne peut se faire que par le recours en excès de pouvoir demandant l’annulation de la décision du directeur de l’hôpital d’hospitaliser l’auteur à la demande d’un tiers, recours qui doit se faire dans les deux mois qui suivent la décision. En l’espèce, ce n’est que le 17 décembre 2001, soit plus de quatre ans plus tard, que la requérante a saisi le juge administratif. Elle l’a, en outre, saisi «en plein contentieux», lui demandant une indemnisation du préjudice dont elle s’estime victime. C’est donc, selon l’État partie, à bon droit que le juge administratif s’est déclaré incompétent. L’auteur a décidé de poursuivre avec l’appel et le recours en cassation alors même que le juge de première instance avait été très clair sur les raisons de son incompétence.

4.5Eu égard à la contestation de la nécessité de l’hospitalisation et à la réparation des dommages en résultant, l’État partie soutient que l’auteur n’a jamais saisi le juge judiciaire, ni au moment de son hospitalisation pour contester son bien-fondé, ni par la suite pour obtenir réparation de son préjudice. Il souligne que si la dualité de juridictions peut paraître subtile au justiciable, le conseil de l’auteur ne saurait se retrancher derrière sa méconnaissance du droit pour justifier le non-épuisement des voies de recours internes. Dès lors l’État partie conclut à l’irrecevabilité du grief tiré de la violation des articles 9 et 14 du Pacte.

4.6Au sujet des allégations de mauvais traitements au sens des articles 7 et 10, l’État partie considère que l’auteur ne les a pas suffisamment étayées aux fins de la recevabilité. En effet, elle se limite à considérer que son hospitalisation a constitué un traitement inhumain et dégradant. Or, d’après la jurisprudence du Comité dans l’affaire Fijalkowska, le Comité avait considéré que l’auteur «n’avait présenté aucun argument ni aucune information pour démontrer en quoi ses droits […] avaient été violés» et rappelé qu’une «simple allégation de violation du Pacte ne suffisait pas à étayer une plainte au titre du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité a considéré que l’une comme l’autre de ces plaintes étaient irrecevables, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.». Pour l’État partie, les arguments de l’auteur dans la présente communication n’étant pas plus étayés, le Gouvernement ne voit pas de raison pour le Comité de se départir de la position précitée, et conclut à l’irrecevabilité du grief tiré de la violation des articles 7 et 10 du Pacte.

4.7Sur le caractère insuffisamment étayé des allégations de procès inéquitable devant le Conseil d’État, l’État partie souligne que la décision du Conseil d’État est une décision de non-admission du pourvoi et non pas un jugement sur ses mérites. La procédure d’admission des pourvois en cassation est régie par l’article L.822-1 du Code de justice administrative rédigé comme suit: «Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux.». Cette procédure, souligne l’État partie, vise notamment à réduire les durées de procédure et a été reconnue comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen par la Cour européenne des droits de l’homme. L’État partie conclut à l’irrecevabilité de la communication s’agissant des allégations au regard de l’article 14 du Pacte.

4.8Enfin, l’État partie relève que l’auteur n’affirme pas dans sa communication qu’elle n’a pas engagé de recours devant une autre instance internationale. Dès lors, l’État partie se réserve la possibilité de soulever ultérieurement l’irrecevabilité au titre de l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1 En date du 30 juillet 2008, l’auteur argumente que, contrairement à ce qu’avance l’État partie, la communication initiale indique expressément que l’affaire soumise au Comité ne fait l’objet d’aucune procédure internationale d’enquête ou de règlement.

5.2 Sur l’exception d’irrecevabilité des griefs tirés de l’article 9, paragraphes 1, 4 et 5 et de l’article 14 du Pacte, l’auteur conteste l’interprétation faite par l’État partie de la jurisprudence du Comité dans l’affaire Fijalkowska. À cette occasion, le Comité avait rejeté l’exception d’irrecevabilité pour non-épuisement des voies de recours internes au motif que l’impossibilité pour l’auteur de contester la légalité de sa détention avait soulevé des questions au titre des articles 9 et 14 du Pacte. En effet, tout comme dans son cas, l’auteur n’avait pas été en mesure de contester sa détention en temps utile, dans la mesure où elle avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. Au fond, le Comité avait aussi souligné que le droit de contester sa détention était devenu ineffectif, et avait conclu à une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

5.3Dès lors, l’auteur considère que le Comité est à même, comme dans la jurisprudence précitée, d’examiner la communication sous l’angle des articles 9 et 14. Néanmoins, si celui-ci décide de ne pas appliquer cette jurisprudence au cas de l’espèce, il conviendrait pour le moins de déclarer la communication recevable au titre du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

5.4Sur les griefs tirés des articles 7 et 10, contrairement à ce qu’indique l’État partie, l’auteur a, selon le conseil, précisé dans sa communication initiale en quoi ses droits avaient été atteints.

5.5Enfin, s’agissant des allégations au regard de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte, l’auteur considère que le Conseil d’État, appelé à statuer en dernier ressort, a omis d’examiner les moyens invoqués par l’auteur tels que ceux tirés du Code de la santé publique, ceux tirés des articles 3 et 5 de la Convention européenne ainsi que celui tiré de l’article 7 du Pacte, alors que ces moyens avaient été longuement développés par l’auteur dans son mémoire à l’appui du pourvoi. En effet, le Conseil d’État ne s’est positionné que sur les moyens tirés des articles 6 et 13 de la Convention européenne et 14 du Pacte, en considérant qu’ils n’étaient pas des moyens sérieux. Il n’a en revanche pas statué sur l’article 7 du Pacte.

Décision du Comité concernant la recevabilité

6.1 Le 6 octobre 2009, à sa quatre-vingt-dix-septième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication.

6.2 Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3 Le Comité a noté l’argument de l’État partie, selon lequel les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées s’agissant des griefs tirés des articles 9 et 14 du Pacte. Sur la question de la contestation immédiate de la détention, le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui soutenait que l’auteur n’avait pas saisi le juge judiciaire au moment de son hospitalisation alors qu’elle aurait pu le faire en vertu du Code de la santé publique. Il a noté que l’auteur avait expliqué qu’il lui avait été impossible de contester la légalité de sa détention en temps utile, puisqu’elle n’avait pas été informée des recours possibles lors de son internement et avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. À la lumière des informations mises à sa disposition, le Comité a conclu que cette partie de la communication était recevable en ce qu’elle pouvait soulever des questions au regard de l’article 9, paragraphes 1 et 4, et de l’article 14 du Pacte. Le Comité a également été d’avis que l’État partie n’avait pas suffisamment expliqué la raison pour laquelle le juge administratif n’avait pas pu se prononcer sur la régularité de l’internement de l’auteur et a conclu également à ce sujet à la recevabilité des griefs tirés de l’article 9, paragraphes 1 et 4, du Pacte.

6.4 Le Comité a noté que selon l’auteur, la façon dont elle aurait été traitée pendant son internement arbitraire, notamment le fait qu’elle ait été enfermée, déshabillée, forcée de prendre des neuroleptiques et interdite de communiquer avec l’extérieur, constituerait une violation des articles 7 et 10 du Pacte. Le Comité a considéré que les allégations relatives aux articles 7 et 10 du Pacte avaient été suffisamment étayées.

6.5 L’auteur a considéré enfin que le Conseil d’État n’avait pas respecté son droit à un procès équitable puisqu’il avait rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 7 alors qu’il était pour la première fois présenté devant cette juridiction. Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie, selon lequel la décision du Conseil d’État était une décision de non-admission et non un jugement sur ses mérites, et qu’elle visait à réduire les durées de procédure. Le Comité a considéré que les allégations présentées par l’auteur relativement à l’article 14 avaient été suffisamment étayées. Au vu de ce qui précède, le Comité a considéré que la communication était recevable.

Révision de la décision de recevabilité

7.Le paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur du Comité dispose que lors de l’examen d’une communication quant au fond, le Comité peut revoir la décision de la déclarer recevable, à la lumière des explications ou déclarations présentées par l’État partie en vertu de cet article. Conformément à cette disposition, le Comité considère que, au vu des renseignements et éclaircissements apportés par l’État partie dans ses observations en date du 11 mai 2010, il est nécessaire de réexaminer la recevabilité de la présente communication. Le fondement de cette décision est présenté aux paragraphes 10.1 à 10.4.

Observations de l’État partie concernant le fond de la communication

8.1Le 11 mai 2010, l’État partie a soumis ses observations au Comité. Bien que les observations soient intitulées «Observations sur le bien-fondé de la communication», la plupart des éléments fournis portent davantage sur la recevabilité. Par souci de clarté et étant donné que le Comité a décidé, en application du paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur, de réexaminer la recevabilité de la communication, les parties des observations qui portent uniquement sur le fond de la communication ont été omises. Il s’agit de l’argumentation de l’État partie relative aux articles 7 et 10 du Pacte.

8.2 À titre liminaire, l’État partie souligne que les dispositions législatives relatives aux droits des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation définissent deux types d’hospitalisation sans consentement, à savoir l’hospitalisation d’office et l’hospitalisation à la demande d’un tiers. Le premier cas de figure est régi par l’article L.3213-1 et suivants du Code de la santé publique et concerne les personnes dont l’état de santé mental compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public. La décision est alors prise par le préfet au vu d’un certificat médical. L’hospitalisation à la demande d’un tiers, prévue par l’article L.3212-1 et suivants du Code de la santé publique, est une mesure d’internement prise dans l’intérêt du malade lui-même, pour des raisons strictement médicales. L’auteur n’a pas fait l’objet d’un internement d’office mais d’une hospitalisation à la demande d’un tiers. L’État partie conteste l’argument selon lequel l’auteur n’aurait pas été informée des recours possibles au moment de son hospitalisation. Il mentionne à ce propos une lettre datée du 19 octobre 2001 qui est adressée par le responsable de l’établissement hospitalier en cause et qui confirme que l’auteur a bénéficié pendant son hospitalisation d’une information sur sa situation et ses droits, ceci devant témoin.

8.3Sur la légalité de l’hospitalisation, l’État partie rappelle que les dispositions prévues pour que puisse intervenir une hospitalisation à la demande d’un tiers sont précisées aux articles L.3212-1 et L.3212-2 du Code de la santé publique. Les conditions imposées par la loi ont été respectées, puisque la demande d’admission manuscrite a été établie par le père de l’auteur le 6 décembre 1997 et cette demande comporte les mentions obligatoires; un premier certificat médical concluant que les troubles mentaux de l’intéressée rendaient impossible son consentement aux soins et que son état imposait une prise en charge hospitalière avec une surveillance constante a bien été établi le 6 décembre 1997 par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil du patient; un second certificat a été établi le même jour par un médecin de l’établissement d’accueil; et conformément à l’article L.3212-4 du Code de la santé publique, un certificat a été établi à la suite de l’hospitalisation par un médecin psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil et différent des deux médecins intervenus précédemment; ce certificat confirmait la nécessité de l’hospitalisation. Le 17 décembre 1997, le médecin psychiatrique qui avait établi le certificat des vingt-quatre premières heures d’hospitalisation a conclu à la levée de l’hospitalisation conformément à l’article L.3212-7 du Code de la santé publique, considérant que l’amélioration apportée par le traitement administré à l’auteur permettait le retour à son domicile. La procédure a donc bien été respectée.

8.4L’État partie ajoute qu’il ressort des éléments du dossier, notamment des courriers adressés par le médecin responsable de l’hôpital de la requérante, que celle-ci a bien été informée de ses droits, en présence de ses parents, lors de son hospitalisation. L’absence d’un document attestant cette information, faite en la forme orale, demeure sans incidence sur la validité et la légalité de l’information. La loi ne prescrit en effet aucune forme particulière pour celle-ci. L’État partie insiste sur le fait que c’est en raison de ses propres manquements que l’auteur n’a pas pu saisir le tribunal de grande instance (TGI) d’une demande de sortie immédiate. Si telle avait été son intention l’auteur, qui semblait être en relation avec des tiers, aurait pu demander à ces derniers de saisir le tribunal d’une telle demande en son nom. Or le TGI ne semble avoir été saisi ni pendant l’hospitalisation ni à la sortie de l’auteur d’une demande d’indemnisation.

8.5L’État partie précise en outre que la réparation du préjudice subi à la suite d’une hospitalisation sans consentement ne dépend pas exclusivement de la décision du juge administratif constatant l’irrégularité de l’acte d’hospitalisation. Dans son arrêt du 17 février 1997, le Tribunal des conflits a précisé la nouvelle répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions en considérant que si l’autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles L.333 et suivants du Code de la santé publique, pour apprécier la nécessité d’une mesure de placement d’office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement; que lorsque cette dernière s’est prononcée sur ce point, l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement d’office. L’État partie insiste sur le fait que cette jurisprudence a été confirmée par des arrêts ultérieurs. Le juge judiciaire est donc compétent pour l’ensemble du contentieux de la réparation, que les dommages à indemniser résultent d’illégalité de forme ou de fond. Le juge judiciaire est donc également compétent pour ce qui concerne l’indemnisation de préjudice résultant d’une irrégularité formelle préalablement constatée par le juge administratif. Si le préjudice est lié au caractère inutile de la mesure d’hospitalisation d’office, le juge judiciaire peut être saisi directement. Ce dernier arrêt a donc dissocié le contentieux de la légalité et le contentieux de la responsabilité: une fois la décision de placement appréciée, seul le juge judiciaire est compétent pour en tirer les conséquences au plan de la responsabilité. L’État partie soutient donc que l’auteur aurait pu obtenir réparation de son préjudice, en saisissant le juge judiciaire, si toutefois la responsabilité des autorités médicales était établie.

8.6De plus, l’État partie explique que l’auteur, assistée d’un conseil, aurait dû introduire un recours pour excès de pouvoir deux mois après avoir reçu le courrier de l’hôpital de Thonon en date du 17 décembre 2001. Ce recours aurait permis au juge administratif, le cas échéant, de prononcer la nullité de la décision d’internement avec un effet rétroactif. L’auteur a bien saisi le tribunal administratif dans les délais impartis mais d’un recours de plein contentieux visant à obtenir une indemnisation sans jamais demander l’annulation pour irrégularité de la mesure en cause. Ce n’est donc pas l’absence d’une décision qui a empêché l’auteur de faire constater l’irrégularité de la mesure d’hospitalisation mais bien une erreur de procédure qui relève de sa seule responsabilité, à tout le moins de celle de son avocat. Le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité dite externe de la procédure d’hospitalisation, c’est-à-dire qu’il vérifie que la procédure a bien été suivie conformément à la loi en vigueur. S’il relève une irrégularité, le juge peut alors annuler la décision d’hospitalisation. Le juge judiciaire quant à lui se prononce sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation et sur l’indemnisation des dommages qui peuvent résulter de son caractère abusif ou de son irrégularité. Le juge ne pouvait donc, sans méconnaître ses compétences, se prononcer sur une telle indemnisation. C’est donc à bon droit qu’il a rejeté la demande de l’auteur. L’État partie précise que celle-ci n’a aucunement cherché, en tout cas dans un premier temps, à contester la légalité de la décision d’hospitalisation puisque autrement elle aurait introduit un recours pour excès de pouvoir, mais a bien chercher à obtenir réparation. Il ne peut donc être soutenu que l’auteur n’a pas eu accès à un tribunal.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

9.1Par souci de clarté et étant donné que le Comité a décidé, en application du paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur, de réexaminer la recevabilité de la communication, les parties des commentaires de l’auteur qui portent uniquement sur le fond de la communication ont été omises. Il s’agit principalement des commentaires relatifs aux articles 7 et 10 du Pacte.

9.2Dans ses commentaires datés du 22 juin 2010, l’auteur rappelle les circonstances l’ayant conduite à être internée sous la contrainte à la demande d’un tiers du 6 au 17 décembre 1997. Elle insiste sur le fait que le médecin homéopathe de son mari n’avait pas compétence pour l’interner, qu’à aucun moment elle n’a présenté un comportement agressif ou instable et que lors de l’hospitalisation, elle n’a pas été informée de ses droits. Elle rappelle également le traitement subi pendant son internement à savoir l’administration de neuroleptiques par la contrainte et par conséquent son isolement psychologique pendant toute la durée de l’hospitalisation. Elle rappelle à ce titre que la fiche d’observations progressives communiquée à la demande de l’auteur par les Hôpitaux du Léman dans la procédure interne devant les juges administratifs fait apparaître qu’une injection lui a été administrée dès son arrivée le 6 décembre 1997, qu’elle somnolait dans la journée du 7 décembre et que sa demande de téléphoner à des amis lui a été refusée. L’auteur rappelle que le docteur Girard a déclaré avoir subi une pression importante du mari de celle-ci pour que la mesure d’internement soit maintenue au-delà du 17 décembre 1997.

9.3Les démarches entreprises par le mari de l’auteur auprès du juge aux affaires familiales de Thonon-les-Bains lui ont d’ailleurs permis d’obtenir dans un premier temps que la résidence de l’enfant Estelle soit fixée chez lui. Cette décision rendue par ordonnance le 3 juillet 1998 a en revanche été sanctionnée par la cour d’appel de Chambéry par arrêt du 15 octobre 2001. La cour d’appel a en effet considéré qu’il résultait des pièces communiquées par l’auteur et notamment des certificats médicaux de quatre docteurs différents et de la contre-expertise d’un cinquième d’une part que l’auteur ne souffre d’aucune altération de ses facultés mentales ni de troubles psychologiques et d’autre part qu’est crédible la thèse qu’elle présente selon laquelle la crise qui a amené son hospitalisation était la conséquence de la rupture conjugale et ne nécessitait pas une mesure aussi grave qu’une hospitalisation en milieu psychiatrique. Dans le meilleur intérêt de l’enfant, la cour d’appel a donc confié la garde de sa fille adoptive à l’auteur.

9.4En ce qui concerne son placement dans un hôpital psychiatrique, l’auteur souligne que la procédure a été déclenchée par un médecin non spécialiste en psychiatrie, que le certificat médical du Docteur Schmidt a été établi sans un examen médical approfondi et que la procédure a ensuite été entachée d’irrégularité puisque le certificat des vingt-quatre heures n’a pas été établi dans le délai légal. L’article L.335 devenu L.3212-5 du Code de la santé publique dispose que dans les trois jours de l’hospitalisation, le préfet notifie les nom, prénoms, profession et domicile, tant de la personne hospitalisée que de celle qui a demandé l’hospitalisation: a) au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le domicile de la personne hospitalisée; b) au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement. Dans les deux cas, il s’agit du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains. Or par lettre de son conseil du 23 septembre 2002 adressée au Procureur de la République de Thonon-les-Bains, il était demandé délivrance d’une copie de la notification imposée par l’article L.335 cité ci-dessus. Le Procureur a répondu le 22 octobre 2002 qu’il ne possédait pas de dossier et que l’information concernant le placement était faite sous forme d’avis, sans autre précision. Par nouvelle lettre du 23 janvier 2003, le conseil de l’auteur a sollicité des avis d’entrée et de sortie relatifs à l’hospitalisation de l’auteur mais le Procureur a répondu le 29 janvier 2003 que seuls les avis d’hospitalisation parvenus dans l’année étaient conservés au parquet. D’autres autorités administratives telles que la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques ont répondu qu’elles n’avaient pas de tels documents en leur possession puisque l’hospitalisation s’était produite à la demande d’un tiers. L’auteur estime ainsi qu’elle a été arbitrairement privée de liberté et que les contrôles mis en place par la loi se sont révélés inefficaces.

9.5De plus l’auteur s’oppose à l’argument de l’État partie selon lequel elle aurait été informée de ses droits comme l’ont attesté les Hôpitaux du Léman et que l’absence d’un document pour attester cette information, faite en la forme orale, est sans incidence sur la validité et la légalité de l’information. En effet, en matière de privation de liberté, la notification des droits de la personne revêt une importance toute particulière comme l’a rappelé le Groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990, qui a produit son rapport en septembre 1997. La nécessité de mettre en place un régime strict de protection a également été recommandée par l’Assemblé parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa recommandation 1235 (1994) relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme. L’auteur estime que les Hôpitaux du Léman n’ont pas fait preuve de rigueur et qu’ils auraient dû l’informer des recours disponibles au moment de son admission et avant de lui administrer des neuroleptiques contre son gré. L’auteur souligne qu’en tout état de cause, une information donnée sous la forme orale a une personne hospitalisée sans son consentement est inefficace du fait de sa grande vulnérabilité et insuffisante au regard des impératifs et des objectifs du Pacte. S’agissant de la lettre du 19 octobre 2001 du Directeur adjoint des Hôpitaux du Léman, M. Giray, qui affirme à l’auteur qu’elle avait été informée de ses droits, l’auteur considère ce document comme non probant puisqu’il ne précise pas sous quelle forme cette information lui aurait été communiquée ni qui aurait donné cette information prescrite par la loi.

9.6L’auteur précise que lors de la procédure devant le Tribunal administratif de Grenoble, le centre hospitalier a fourni une lettre du Docteur Girard datée du 4 octobre 2001, soit quatre années après l’hospitalisation, selon laquelle l’auteur aurait été informée de ses droits au moment de son admission alors que celle-ci a vu pour la première fois le Docteur Girard le 8 décembre 1997 soit plus de vingt-quatre heures après le début de son hospitalisation. Il n’existe donc aucun document objectif attestant du fait que l’auteur a été informée de ses droits. Même la fiche d’observations progressives communiquée dans le cadre de la procédure par les Hôpitaux du Léman ne mentionne aucune communication de ces droits. L’auteur rappelle enfin la jurisprudence du Comité dans l’affaire Bozena Fijalkowska c. Pologne où le Comité a conclu à la détention arbitraire et au manque de recours effectif et qui, selon l’auteur, est parfaitement transposable aux faits de l’espèce.

9.7L’auteur réitère ses précédents arguments selon lesquels le juge administratif n’aurait pas dû se déclarer incompétent au profit des juridictions judiciaires dans la mesure où ont été contestés aussi bien la décision d’admission que le déroulement de la mesure d’internement au sein de l’établissement administratif psychiatrique. La multiplication des obstacles procéduraux constitue une atteinte à son droit de demander réparation de son préjudice et accessoirement une atteinte à son droit d’accéder à un juge garanti par l’article 14, paragraphe 1, du Pacte. Dans l’hypothèse où le Comité estimerait justifiée l’organisation interne prévoyant la compétence des autorités judiciaires en matière de réparation, l’auteur demande que celui-ci se prononce néanmoins sur les violations alléguées du Pacte. Elle rappelle à ce titre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Francisco c. France dans laquelle la Cour a évoqué la question de la dualité de compétence entre les juridictions administratives et judiciaires, considérant que le droit à réparation garanti par l’article 5, paragraphe 5, de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ne peut naître que lorsqu’une violation de l’article 5, paragraphe 1, a été préalablement initiée soit par la Cour elle-même, soit par les juridictions nationales.

9.8L’auteur considère que l’article 14, paragraphe 1, a non seulement été violé puisqu’il ne lui a pas été permis d’avoir un accès effectif à un tribunal du fait de la multiplication des obstacles procéduraux mais aussi parce que le Conseil d’État a arbitrairement omis d’examiner l’ensemble des moyens soulevés par la requérante et en particulier ceux tirés du Code de la santé publique, des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 7 du Pacte.

Fondement de la révision de la décision de recevabilité

10.1Le Comité prend note des éclaircissements fournis par l’État partie selon lesquels l’auteur aurait eu la possibilité d’introduire un recours pour excès de pouvoir dans un délai de deux mois à compter de la réception du courrier des Hôpitaux du Léman daté du 17 décembre 2001 qui refusait d’entrer en matière sur une quelconque indemnité, mettant ainsi un terme au recours gracieux engagé par l’auteur. Le Comité note que, selon l’État partie, ce recours aurait permis au juge administratif, le cas échéant, de prononcer la nullité de la décision d’internement avec un effet rétroactif. Le Comité note que selon l’État partie, l’auteur a bien saisi le tribunal administratif dans les délais impartis mais d’un recours de plein contentieux visant à obtenir une indemnisation sans jamais demander l’annulation pour irrégularité de la mesure en cause; que ce n’était donc pas l’absence d’une décision qui avait empêché l’auteur de faire constater l’irrégularité de la mesure d’hospitalisation mais bien une erreur de procédure qui relève de sa seule responsabilité, à tout le moins de celle de son avocat. Le Comité note que cet élément n’a pas été contre-argumenté par l’auteur.

10.2S’agissant de la contestation immédiate de la légalité de la détention, en vertu de laquelle l’auteur aurait pu introduire un recours visé par l’article L.351 du Code de la santé publique pour demander au Président du tribunal de grande instance (TGI) sa sortie immédiate, le Comité constate que les faits présentés par l’auteur sont contestés par l’État partie qui considère que l’auteur a bien été informée de ses droits; que l’absence d’un document attestant cette information, faite en la forme orale, demeure sans incidence sur la validité et la légalité de l’information, la loi ne prescrivant aucune forme particulière pour celle-ci. Sans qu’il ait à se prononcer sur la question de savoir si l’auteur avait bel et bien été informée de la possibilité d’introduire un recours au titre de l’article L.351 du Code de la santé publique, le Comité souligne que l’auteur n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas contesté le manque d’information reçue lors de son hospitalisation au terme de son internement, soit devant le juge administratif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir soit devant le juge judiciaire afin de contester l’opportunité de l’hospitalisation et d’obtenir réparation du préjudice subi.

10.3Par ailleurs, en ne saisissant pas a) le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir d’une part, puis b) le juge judiciaire pour apprécier la nécessité de la mesure de placement à la demande d’un tiers et demander réparation d’autre part, l’auteur s’est elle-même privée de son droit à réparation garanti par l’article 9, paragraphe 5, puisqu’elle n’a pas diligemment épuisé les recours internes à sa disposition.

10.4Au vu de l’ensemble des informations fournies par les parties mais surtout de la lumière faite par l’État partie sur la procédure interne administrative et judiciaire, et nonobstant les importantes questions de fond qui auraient pu être pertinentes, le Comité conclut à l’irrecevabilité de la communication pour non-épuisement des voies de recours internes au regard des articles 9 et 14 du Pacte.

10.5Le Comité note que l’auteur a fait valoir une violation de l’article 7 devant le Conseil d’État. Cependant, au vu de ce qui précède et des éclaircissements apportés par l’État partie, il semble clair au Comité que le conseil de l’auteur n’a pas saisi les juridictions appropriées afin de faire valoir ses droits et que par conséquent les recours internes n’ont pas été épuisés au regard des articles 7 et 10 du Pacte.

11.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et à l’État partie.

[Adopté en français (version originale), en anglais et en espagnol. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]