Nations Unies

CCPR/C/102/D/1531/2006

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale*

24 août 2011

Français

Original: espagnol

C omité des droits de l’homme

102 e session

11‑29 juillet 2011

Constatations

Communication no 1531/2006

Présentée par:

Jesús Cunillera Arias (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

27 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 27 novembre 2006 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/95/D/1531/2006 − décision concernant la recevabilité du 10 mars 2009

Date de l ’ adoption des constatations:

26 juillet 2011

Objet:

Renonciation à la représentation par un avocat et un avoué dans un procès pénal

Questions de procédure:

Défaut de fondement; incompatibilité ratione materiae

Questions de fond:

Égalité devant les tribunaux et les coursde justice

Article du Pacte:

14 (par. 1)

Articles du Protocole facultatif:

2 et 3

Le 26 juillet 2011, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en vue de son adoption en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1531/2006.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (102e session)

concernant la

Communication no 1531/2006**

Présentée par:

Jesús Cunillera Arias (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

27 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Date concernant la recevabilité:

10 mars 2009

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 2011,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1531/2006, présentée en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, datée du 27 juillet 2006, est Jesús Cunillera Arias, de nationalité espagnole. Il se déclare victime de violations par l’Espagne des paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des paragraphes 1 et 3 b) et d) de l’article 14, de l’article 16 et de l’article 26. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 avril 1985. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 31 mars 2007, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a accédé à la demande de l’État partie qui souhaitait que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits exposés par l’auteur

2.1Le 21 novembre 2002, l’auteur a déposé une plainte pour imprudence, infraction définie à l’article 467, paragraphe 2, du Code pénal, devant la chambre d’instruction no 13 de Madrid, contre une avocate et un avoué qui avaient été commis d’office dans une action civile dans laquelle il était le demandeur. L’avocate et l’avoué avaient été désignés conformément à la loi, et l’auteur n’avait pas confiance en eux. Ils ne l’avaient jamais tenu informé de l’état de la procédure, ne l’avaient jamais consulté, n’avaient pas contesté les recours et, à l’audience préliminaire, l’ont empêché d’intervenir et de proposer des preuves.

2.2Après avoir cité les parties à comparaître, sans que l’auteur en soit notifié et sans que la nouvelle avocate fasse recours ou lui donne la moindre information, la chambre no 13 a prononcé un non-lieu provisoire. L’auteur a demandé une copie du dossier de l’affaire, ce qui lui a été refusé.

2.3En date du 1er mai 2003, l’auteur a déposé un recours en rétractation contre l’ordonnance de non-lieu, dans lequel il invoquait notamment le paragraphe 3 c) de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (droit de tout accusé de se défendre lui-même). Il faisait aussi valoir que le ministère d’un avocat et d’un avoué n’était obligatoire que devant la juridiction pénale ou civile et ne l’était pas devant la juridiction prud’homale ni dans les procédures auprès des administrations publiques alors que ces affaires étaient souvent plus complexes. L’auteur demandait que son recours soit accueilli, même s’il n’était pas présenté par un avoué, et qu’on l’autorise à choisir un avocat sur la liste des avocats commis d’office pour l’assister, et non le remplacer, de sorte qu’il interviendrait personnellement dans tous les actes de la procédure sans avoir besoin de la signature de l’avocat, et qu’une copie de toutes les pièces du dossier lui soit remise. Le recours a été rejeté le 17 juin 2003, entre autres motifs pour défaut de comparution, parce qu’il ne satisfaisait pas aux dispositions de l’article 118 de la loi de procédure criminelle.

2.4.Le 23 juin 2003, l’auteur a adressé à la chambre d’instruction no 13 un nouveau recours − en réformation et subsidiairement en appel − qui a été rejeté le 26 juin 2003. Il a formé un recours auprès de l’Audiencia Provincial de Madrid, qui l’a rejeté en date du 10 novembre 2003. L’Audiencia Provincial signalait que l’article 761 de la loi de procédure criminelle impose aux particuliers qui veulent exercer l’action pénale ou civile, d’être représentés par un avoué et défendus par un avocat et précise que c’est une condition qui doit impérativement être respectée et qui n’enfreint aucune loi ou aucun traité international. L’auteur n’ayant pas respecté cette condition, l’Audiencia a rejeté le recours. Un recours formé contre cette décision a été rejeté en date du 15 janvier 2004.

2.5L’auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Il invoquait le paragraphe 3 c) de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel tout accusé a le droit de se défendre lui-même, et demandait l’annulation des décisions judiciaires précédentes qui l’empêchaient d’exercer le droit d’avoir un avocat en qui il avait confiance et de comparaître et de se défendre lui-même en étant assisté et non supplanté par l’avocat qui aurait sa confiance. Le 20 juin 2005, le Tribunal constitutionnel a rejeté ce recours au motif que l’auteur n’avait pas respecté la condition prévue au paragraphe 1 de l’article 81 de la loi organique relative au Tribunal constitutionnel, qui dispose que les actes de procédure devant cette juridiction doivent être réalisés avec la représentation d’un avoué et l’assistance ou les conseils d’un avocat.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les faits décrits constituent une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Pacte, des paragraphes 1 et 3 b) et d) de l’article 14, de l’article 16 et de l’article 26. Il fait valoir que la législation espagnole refuse aux particuliers le droit de comparaître eux-mêmes devant les juridictions civiles et pénales et les oblige à désigner un «représentant» de force et sans leur accord. En outre, il est impossible d’intenter une action en justice contre un représentant déloyal car il faut pour ce faire avoir une connaissance directe des actes de procédure, ce qui est refusé aux personnes représentées.

3.2L’auteur souligne que le droit de comparaître seul doit être appliqué également à toutes les parties, et non pas uniquement au défendeur. Il ne refuse pas l’assistance d’un avocat à condition que celui-ci ait sa confiance et ne prétende pas le supplanter, et que lui‑même puisse agir devant le juge, être notifié de tous les actes de procédure et ne pas être d’accord avec l’avocat, c’est-à-dire qu’il puisse agir en toute liberté pour défendre ses droits.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans une note verbale datée du 31 janvier 2007, l’État partie conteste la recevabilité de la communication, qu’il estime dénuée de fondement. Étant donné que l’auteur n’est pas accusé d’une infraction pénale, le paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte n’est pas applicable. En outre, le Pacte ne garantit pas un droit d’engager une action en justice sans l’assistance d’un avocat ni au civil, ni au pénal. Cet élément n’est pas inclus dans le Pacte, qui vise uniquement la défense d’une personne accusée d’une infraction, situation dans laquelle l’auteur ne s’est jamais trouvé.

4.2L’État partie renvoie à plusieurs communications dont les auteurs se déclaraient victimes de violations du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26 du Pacte parce qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de comparaître devant le Tribunal constitutionnel sans être représentés par un avoué, condition qui n’est pas exigée lorsque la personne qui fait recours est licenciée en droit. L’État partie rappelle que le Comité avait déclaré ces communications irrecevables parce que, comme le Tribunal constitutionnel l’avait fait lui‑même valoir, l’obligation d’être représenté par un avoué se justifie par la nécessité qu’une personne connaissant le droit soit chargée d’introduire le recours devant cette juridiction.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie relativesà la recevabilité

5.1Dans une réponse du 3 juillet 2007, l’auteur a commenté les observations de l’État partie. Il rappelle que le droit de se défendre lui-même, comme tout autre droit, doit s’appliquer également à toutes les parties, et non pas uniquement au défendeur. Il invoque donc le principe de l’égalité devant les tribunaux consacré au paragraphe 1 de l’article 14 et l’interdiction de la discrimination inscrite dans l’article 26 du Pacte.

5.2L’auteur fait remarquer que les décisions du Comité citées par l’État partie ne s’appliquent pas à son cas, qui porte sur le droit de se défendre soi-même auprès de la juridiction pénale. La loi de procédure civile et la loi de procédure pénale espagnoles refusent expressément à tous les individus sans exception, y compris aux avocats en exercice, le droit de se défendre soi-même. Les décisions citées par l’État portent uniquement sur le recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, qui a ses propres règles.

Décision du Comité sur la recevabilité

6.1À sa quatre-vingt-quinzième session, le 10 mars 2009, le Comité a examiné la recevabilité de la communication.

6.2L’auteur fait valoir que, en application de la législation procédurale espagnole, il n’a pas pu agir seul, sans l’assistance d’un avocat et d’un avoué, devant la juridiction civile et la juridiction pénale, ni participer activement lorsque l’avocat et l’avoué commis d’office n’agissaient pas pour défendre ses intérêts dans le cadre du procès auquel il était partie. Il affirme que ces faits constituent une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 2, des paragraphes 1 et 3 b) et d) de l’article 14, de l’article 16 et de l’article 26 du Pacte. Le Comité a cependant estimé que l’auteur n’avait pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son grief de violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 2, de l’article 16 et de l’article 26 et a donc déclaré cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.3Concernant le grief de violation du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14, le Comité a rappelé que ces dispositions consacraient des droits applicables uniquement à toute personne accusée d’une infraction pénale. Tel n’était pas le cas de l’auteur, qui ne pouvait donc se prévaloir de ces dispositions. Par conséquent, cette partie de la communication est incompatible ratione materiae avec les dispositions du Pacte et a donc été déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.4L’auteur invoque aussi le paragraphe 1 de l’article 14 et affirme notamment que le droit de se défendre soi-même, comme tout autre droit, doit s’appliquer également à toutes les parties, et non pas uniquement au défendeur. Le Comité a considéré que l’auteur avait suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et que la plainte soulevait des questions relatives au droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal. En outre, les faits de la cause diffèrent de ceux qui faisaient l’objet des autres communications dans lesquelles l’obligation d’être représenté par un avoué devant le Tribunal constitutionnel était contestée. En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité a considéré que cette partie de la communication était recevable.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans une note du 2 octobre 2009, l’État partie fait part de ses observations sur le fond de la communication. Il demande au Comité que la communication soit rejetée au motif que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées et qu’aucune disposition du Pacte n’a été violée.

7.2Selon l’État partie, si l’on accepte que la représentation est une condition exigée pour présenter un recours en amparo −ce qui semble ressortir de la décision concernant la recevabilité et a été reconnu par le Comité dans des communications précédentes−, comme l’auteur de la communication n’a pas respecté la condition imposée par le Tribunal constitutionnel d’être représenté par un avoué et assisté par un avocat et comme son recours a été rejeté, il apparaît clairement qu’en l’espèce les recours internes n’ont pas été épuisés. Cet élément n’apparaîtra que lorsque le grief relatif à la représentation auprès du Tribunal constitutionnel aura été rejeté. Si le Tribunal constitutionnel a exigé la représentation, de façon légitime et régulière, sans violer aucune disposition du Pacte, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles concernant la violation alléguée du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

7.3Abstraction faite de ce qui précède, on se rappellera que l’auteur avait porté plainte pour erreur professionnelle contre l’avocate etl’avoué qui lui avaient été commis d’office dans une procédure civile où il était la partie demanderesse. Il est douteux que ce que l’auteur affirme être des erreurs professionnelles, outre qu’il n’a aucunement étayé ses dires, sont vraiment des erreurs. Les erreurs dont il était question dans la plainte concernaient une absence de représentation en justice, faute de mandat − ce qui correspondait à une volonté d’obtenir que l’autre partie ne soit pas entendue − manœuvrebien connue des professionnels du droit, et un acte de procédure pour lequel, comme l’auteur l’admet expressément dans sa plainte, il pouvait comparaître lui-même. L’auteur affirme qu’on ne lui a pas permis de comparaître lui-même mais il n’explique pas exactement de quelle manière. Il ne donne pas non plus d’informations sur le résultat de la procédure civile ni sur les recours qu’il aurait pu former par cette voie. Les rares informations fournies à ce sujet se trouvent dans la plainte pénale et ne sont données que pour attaquer ce que l’auteur appelle «le représentant désigné deforce».L’auteur n’a tenté d’assurer lui-même sa défense que dans le cadre d’une procédure pénale engagée à la suite de la plainte qu’il avait déposée, où n’apparaît aucune intervention d’un avocat mais qui porte seulement son propre nom et sa signature.

7.4Selon l’État partie, le dépôt d’une plainte ne permet pas à son auteur de devenir partie à la procédure pénale, qui est engagée d’office dans le cas d’infractions telles que celles que l’auteur prétendait dénoncer. La plainte n’est qu’un acte par lequel on porte à la connaissance de l’autorité judiciaire la commission d’une infraction présumée mais qui ne confère pas à celui qui la dépose la qualité de partie poursuivante. Les particuliers peuvent devenir partie au procès en se constituant partie civile («querella») mais il n’apparaît pas que l’auteur l’ait fait. Celui-ci joint seulement dans le dossier dont il saisit le Comité une plainte signée uniquement par lui-même. En vertu de ce qui précède, on peut affirmer que l’auteur n’était même pas partie au procès dans lequel il prétendait se défendre lui-même, procès qui ne visait pas non plus à déterminer des droits et des obligations de caractère civil mais à engager une enquête d’office et, éventuellement, à sanctionner une infraction. L’auteur de la plainte avait simplement la qualité d’un plaignantet non pas celle d’une partie à une procédure pénale où il ne comparaissait pas, avec ou sans l’assistance d’un avocat, et où personne ne devait l’assister puisqu’il n’était pas partie au procès.

7.5L’État partie rappelle que personne n’a le droit d’obtenir la condamnation pénale d’autrui et que le Pacte n’oblige pas à donner aux particuliers la possibilité d’agir en tant que partie poursuivantedans une procédure pénale. Outre que l’existence des erreurs que l’auteur attribue à son avocate dans la procédure civile est contestable, sa plainte a donné lieu à une procédure pénale engagée d’office dans laquelle le juge n’a constaté aucune infraction. Il n’existe pas de données objectives permettant d’affirmer qu’une violation du paragraphe 1de l’article 14 du Pacte a été commise ni dans la procédure civile, dont l’auteur ne donne aucun élément permettant de la retrouver, ni dans la procédure pénale.

Commentaires de l’auteur concernant les observations de l’État partie sur le fond

8.1En date du 14février 2010, l’auteur a formulé des commentaires au sujet des observations de l’État partie. Il affirme que le Tribunal constitutionnel ne fait jamais droit au recours en amparo formé pour demander le droit de se défendre soi-même devant la juridiction pénale ou d’autres juridictions, malgré la décision, dans la communication no526/1993, dans laquelle le Comité a conclu que le droit de l’auteur de se défendre lui‑même n’avait pas été respecté, en violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte. Ce n’est que devant les juridictions prud’homales que tout citoyen peut comparaître en personne ou en représenter une autre, quel que soit le montant de la demande ou la nature de l’affaire. Il peut même s’agir de litiges collectifs concernant de nombreuses personnes, et donc d’affaires d’une importance sociale beaucoup plus grande que la majeure partie des litiges ordinaires entre particuliers traités par la juridiction civile ou des infractions pénales négligeables propres à la juridiction pénale.

8.2Dans un État régi par le droit, les citoyens ne peuvent pas se voir imposer un représentant contre leur volonté car tout mandat de représentation est volontaire, et sans consentement il n’existe aucun acte juridique et aucun droit. Le représentant «désigné de force» s’approprie la procédure, sans consulter celui qu’il représente, l’informer de l’avancement du dossier ni répondre à ses demandes; ce dernier n’a ainsi aucune connaissance de la procédure à laquelle il est partie et en perd le contrôle. Il est impossible d’intenter une action en justice contre le représentant déloyal car il faut pour ce faire avoir une connaissance directe des actes de procédure.

8.3L’auteur rappelle qu’il a porté plainte contre une avocate et un avoué qui lui avaient été commis d’office conformément à la loi et en qui il n’avait pas confiance, dans le cadre d’une procédure civile. L’avocate et l’avoué ne l’avaient jamais tenu informé de l’état d’avancement de la procédure, ne l’avaient consulté sur aucun point, n’avaient pas contesté un recours non fondé de la partie défenderesse et, à l’audience préliminaire, l’avaient empêché d’intervenir. Sur la base de la plainte déposée par l’auteur, la chambre d’instruction no 13 de Madrid a ouvert une information. Après avoir seulement cité les parties à comparaître, sans que l’auteur soit notifié et que la nouvelle avocate et le nouvel avoué commis d’office fassent recours ou lui donnent la moindre information, la chambre d’instruction no 13 a prononcé un non-lieu. L’auteur a demandé une copie de l’ordonnance de non-lieu, ce qui lui a été refusé. Dans cette situation, il a demandé à comparaître lui-même, assisté d’un avocat ayant sa confiance, mais cela lui a été refusé. L’Audiencia Provincial de Madrid a admis son recours, sans nier ses droits à comparaître et à se défendre lui-même. En revanche, elle a statué conformément au droit interne et écarté l’applicabilité du Pacte. Par la suite, le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours en amparo affirmant que le droit de se défendre soi-même est un élément central du droit à la défense qui doit être considéré comme essentiel dans la perspective de la Constitution et qui est un élément absolu des droits fondamentaux. L’auteur ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme réaffirme sans équivoque que le droit de se défendre comporte le droit de pouvoir diriger réellement sa propre défense, donner des instructions à ses avocats, interroger les témoins et exercer les autres facultés qui lui sont inhérentes.

8.4L’auteur affirme que, comme tout autre droit, le droit de se défendre soi-même doit être appliqué de manière égale à toutes les parties à un procès, et non pas seulement à une des parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité doit déterminer si l’obligation imposée à l’auteur de se faire représenter par un avocat et un avoué dans un procès pénal où il était le demandeur est contraire au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il prend note des observations de l’État partie concernant l’existence d’une jurisprudence en la matière. Il signale toutefois que les décisions du Comité mentionnées par l’État partie font référence à des plaintes portant uniquement sur l’obligation d’être représenté par un avoué lors des recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Par conséquent, l’objet de ces plaintes diffère de l’objet de la plainte dans le cas d’espèce.

9.3Le Comité considère qu’il peut exister des motifs objectifs et raisonnables qui justifient l’obligation de se faire représenter énoncée dans la législation d’un État, motifs liés par exemple à la complexité intrinsèque des procédures pénales. Par conséquent, et compte tenu des informations dont il est saisi, le Comité estime qu’il n’y a pas de raisons objectives et raisonnables de conclure à une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]