Nations Unies

CCPR/C/106/D/2169/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 décembre 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 2169/2012

Décision adoptée par le Comité à sa 106e session (15 octobre-2 novembre 2012)

Communication p résentée par:

S. K. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

5 décembre 2011 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

31 octobre 2012

Objet:

Condamnation de l’auteur pour atteinte à l’ordre public

Questions de procédure:

Irrecevabilité pour défaut de fondement

Questions de fond:

Droit de chacun à un procès équitable devant un tribunal impartial; liberté d’expression

Articles du Pacte:

14, 19 et 26

Article du Protocole facultatif:

2

Annexe

Décision du Comité des droits de l’hommeen vertu du Protocole facultatif se rapportantau Pacte international relatif aux droits civilset politiques (106e session)

concernant la

Communication no 2169/2012 *

Présentée par:

S. K. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

5 décembre 2011 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication datée du 5 décembre 2011 est S. K., de nationalité bélarussienne, né en 1975. Il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 2, le paragraphe 1 de l’article 14, le paragraphe 2 de l’article 19 et l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 7 janvier 2010, jour où les chrétiens orthodoxes célèbrent Noël, vers midi, l’auteur a grimpé au sommet d’un arbre de Noël situé sur la place Pobeda («Victoire») de la ville de Vitebsk pour y accrocher le drapeau blanc, rouge, blanc, qui était auparavant le drapeau national. Il a ensuite été arrêté et inculpé pour violation des articles 339 et 363 du Code pénal.

2.2L’auteur indique qu’il est membre du Parti chrétien conservateur du Front national du Bélarus, qui fait partie de l’opposition au régime actuel au Bélarus. Le drapeau blanc, rouge, blanc, qui était le drapeau national du Bélarus de 1991 à 1994, est actuellement considéré comme un symbole historique du pays. L’auteur fait valoir que le drapeau n’est pas interdit et qu’il a pour lui un sens sacré. En l’accrochant à l’arbre, il voulait exprimer son opinion politique.

2.3L’auteur affirme de plus que par ce geste il n’a enfreint aucune loi. Cette forme d’expression d’une opinion politique n’est pas susceptible de restrictions dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la sécurité nationale, ni à l’ordre public, ni à la santé ou à la moralité publiques, ni à la réputation d’autrui.

2.4L’auteur indique que le 14 mai 2010 le tribunal du district Oktyabrsky l’a reconnu coupable d’«actes dangereux pour le public», interdits par les articles 339 et 363 du Code pénal, et l’a condamné à une amende d’un montant de 3 500 000 roubles bélarussiens pour les dommages causés à l’arbre de Noël et aux illuminations. À l’audience, le tribunal n’a pas permis à l’auteur de citer des témoins à décharge.

2.5En date du 25 juin 2010, le tribunal régional de Vitebsk a rejeté le recours formé par l’auteur. La Cour suprême du Bélarus a rejeté son recours le 2 novembre 2011.

2.6L’auteur fait valoir qu’il a épuisé tous les recours internes utiles à sa disposition.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son arrestation et son procès constituent des violations des droits qu’il tient des articles 19 et 26 du Pacte. D’après lui la décision de l’État partie ne reposait pas sur des préoccupations liées à la sécurité nationale, à l’ordre public, à la santé ou à la moralité publiques ou à la réputation d’autrui.

3.2L’auteur ajoute que le fait que la possibilité de citer des témoins à décharge lui ait été refusée constitue une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.2Le Comité fait observer que, bien que l’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 14, ses griefs semblent relever du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte et ont trait principalement à l’appréciation des faits et des preuves. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle c’est généralement aux juridictions des États parties concernés et non à lui qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves, à moins qu’il ne puisse être établi que la conduite du procès ou l’appréciation des faits et des preuves a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité fait observer que les éléments dont il est saisi, notamment les comptes rendus des audiences du tribunal, ne donnent pas à croire que l’impartialité du tribunal ait été douteuse, ni qu’il y ait eu violation du principe de l’égalité de moyens («égalité des armes») ou que l’équité du procès soit sujette à caution pour d’autres raisons. Il conclut donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 14 aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.3Pour ce qui est des griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 2 et des articles 19 et 26 du Pacte, le Comité note que les informations données par l’auteur ne les étayent en rien. Le Comité note de plus qu’en vertu des paragraphes 3 a) et 3 b) de l’article 19 du Pacte, le droit à la liberté d’expression peut faire l’objet de certaines restrictions, notamment afin de protéger l’ordre public. En ce qui concerne le grief de violation des droits protégés par l’article 26, l’auteur n’a pas expliqué en quoi il était distinct des griefs tirés de l’article 19. Il n’a par conséquent pas invoqué de motifs suffisants pour l’étayer aux fins de la recevabilité. Le Comité conclut donc que l’auteur n’a pas étayé les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 2 et des articles 19 et 26 du Pacte aux fins de la recevabilité, et déclare cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), français et espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, chinois et russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]