Nations Unies

CCPR/C/100/D/1583/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

1er novembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Centième session

11-29 octobre 2010

Décision

Communication no 1583/2007

Présentée par:

Josef et Vlasta Jahelka (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Josef et Vlasta Jahelka

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

22 janvier 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 14 août 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

25 octobre 2010

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne la restitution de biens

Questions de procédure:

Abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (centième session)

concernant la

Communication no 1583/2007 **

Présentée par:

Josef et Vlasta Jahelka (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Josef et Vlasta Jahelka

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

22 janvier 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 25 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication sont M. Josef Jahelka, né le 1er novembre 1948, et Mme Vlasta Jahelka, née le 2 mai 1952. Ils sont tous deux ressortissants des États-Unis d’Amérique et de la République tchèque. Ils se déclarent victimes d’une violation par la République tchèque de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1En 1975, les auteurs ont acheté une maison familiale portant le numéro 289 à Chrast, près de Pilsen, ainsi qu’une parcelle de terrain portant le numéro 454. En août 1983, ils ont fui la Tchécoslovaquie et en 1989 ils ont obtenu la nationalité américaine, perdant de ce fait leur nationalité tchécoslovaque, qu’ils ont recouvrée en 2005. Confisquée après leur fuite, leur propriété est actuellement détenue par la municipalité de Chrast.

2.2Le 27 mars 1996, le tribunal de district de Pilsen a rejeté la requête en restitution de biens déposée par les auteurs en application de la loi no87/1991 et de la décision n° 164/1994 de la Cour constitutionnelle, au motif que les auteurs n’avaient pas la nationalité tchèque.

2.3Le 2 mai 1997, la Cour suprême a rejeté le recours des auteurs en indiquant que les conditions de la restitution de leurs biens en vertu de la loi no 119/1990 n’étaient pas remplies, puisque les auteurs n’avaient pas la nationalité tchèque. Le 12 janvier 1998, la Cour constitutionnelle a estimé qu’en appliquant la loi no 87/1991, le tribunal de district n’avait pas violé le droit des auteurs à la propriété et à un procès équitable, vu que les auteurs ne remplissaient pas la condition de nationalité.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs affirment que la République tchèque a violé leurs droits en vertu de l’article 26 du Pacte en appliquant la loi no 87/1991 qui fait de la nationalité tchèque une condition de la restitution de biens.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 1er février 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond. Il clarifie les faits présentés par les auteurs. Les 12 et 13 juillet 1989, respectivement, les auteurs ont perdu leur nationalité tchécoslovaque et le 29 juillet 2004, ils ont recouvré la nationalité tchèque. L’État partie fait valoir que les auteurs ont perdu leurs biens du fait d’une décision du tribunal de district du 8 février 1984 les condamnant pour avoir commis une infraction pénale en quittant la République tchèque. Le 14 février 1991, cette décision a été infirmée conformément à la loi no 119/1990 relative à la réhabilitation judiciaire.

4.2Le 27 mars 1996, le tribunal de district a rejeté la requête en restitution de biens déposée par les auteurs au motif qu’ils ne remplissaient pas la condition de nationalité fixée par la loi no 87/1991. Le 8 juillet 1996, le tribunal régional de Plzen a rejeté le recours des auteurs. Le 2 mai 1997, la Cour suprême a également rejeté leur appel, déclarant que la loi no 87/1991 était lex specialis pour toutes les réclamations visant la restitution de biens et que les exigences de la loi, y compris l’exigence de nationalité, devaient être respectées. Le 12 janvier 1998, le recours constitutionnel des auteurs a été rejeté pour défaut manifeste de fondement.

4.3L’État partie affirme que la communication doit être déclarée irrecevable pour abus du droit de présenter une communication au titre de l’article 3 du Protocole facultatif. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle le Protocole facultatif ne fixe pas de délai précis et un simple retard dans la présentation d’une communication ne constitue pas en soi un abus du droit de plainte. L’État partie indique toutefois que les auteurs ont présenté leur communication le 22 janvier 2007, soit plus de neuf ans après la dernière décision de la juridiction nationale en date du 12 janvier 1998. Il fait valoir que les auteurs n’ont fourni aucune explication valable pour ce retard et que la communication devrait donc être déclarée irrecevable. Il indique en outre qu’il partage l’avis exprimé par un membre du Comité dans son opinion dissidente concernant des communications similaires contre la République tchèque selon lequel, en l’absence d’une définition explicite de la notion d’abus du droit de présenter une communication dans le Protocole facultatif, le Comité est appelé à définir lui-même les délais dans lesquels les communications doivent être soumises.

4.4L’État partie ajoute que la propriété des auteurs a été acquise en 1984, soit longtemps avant la ratification du Protocole facultatif. La communication devrait donc être déclarée irrecevable ratione temporis.

4.5Sur le fond, l’État partie rappelle la jurisprudence du Comité concernant l’article 26, selon laquelle une différence de traitement fondée sur des critères raisonnables et objectifs n’équivaut pas à une discrimination interdite au sens de l’article 26 du Pacte. Il affirme que les auteurs ne satisfaisaient pas à la prescription légale relative à la nationalité, raison pour laquelle leur demande de restitution de biens ne pouvait s’appuyer sur la législation en vigueur. L’État partie rappelle en outre ses observations antérieures dans des cas similaires.

Commentaires des auteurs

5.1Le 1er mars 2008, les auteurs ont présenté leurs commentaires à propos des observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond. Ils font valoir que toutes les juridictions internes qui se sont prononcées sur leur cas ont rejeté leur demande de restitution de biens au motif qu’ils avaient perdu leur nationalité tchèque, conformément à la loi no87/1991, ce qui de l’avis du Comité constitue une violation de l’article 26 du Pacte.

5.2Concernant la question du retard dans la présentation de leur communication au Comité, les auteurs expliquent qu’ils ont été induits en erreur par la dernière phrase de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, qui indique que l’arrêt n’est pas susceptible d’opposition. Ils déclarent en outre que l’État partie ne publie pas les décisions du Comité concernant des cas similaires et qu’ils n’ont eu connaissance de la jurisprudence du Comité que grâce au Bureau de coordination tchèque au Canada.

5.3Les auteurs déclarent en outre que, même s’ils sont conscients que les confiscations ont eu lieu durant l’ère communiste, ils contestent le comportement de l’administration actuelle de l’État partie.

5.4Sur le fond, les auteurs se réfèrent à la jurisprudence antérieure du Comité, à ses observations finales du 27 août 2001 et du 9 août 2007, ainsi qu’à la résolution 60/147 de l’Assemblée générale en date du 21 mars 2006.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité s’est demandé par ailleurs si les violations alléguées pouvaient être examinées ratione temporis. Il note que la confiscation s’est produite avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour la République tchèque, mais que les effets de la nouvelle loi de restitution, qui ne bénéficie pas aux demandeurs n’ayant pas la nationalité tchèque, persistent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la République tchèque, et que le Comité n’est donc pas empêché d’examiner la communication.

6.4Pour ce qui est de l’argument de l’État partie, pour lequel la soumission de la communication au Comité constitue un abus du droit de présenter des communications au titre de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité note que la dernière décision contestée par les auteurs est celle de la Cour constitutionnelle en date du 12 janvier 1998, par laquelle la Cour a rejeté la requête des auteurs pour défaut manifeste de fondement. Une période de neuf ans et dix jours s’est donc écoulée avant que les auteurs ne soumettent leur plainte au Comité, le 22 janvier 2007. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle aucun délai n’est fixé pour la présentation de communications au titre du Protocole facultatif et un simple retard en la matière ne constitue pas, sauf circonstances exceptionnelles, un abus du droit de présenter une communication. À cet égard, il relève que les auteurs ont attendu neuf ans et dix jours après la date de l’arrêt de la Cour constitutionnelle avant de soumettre leur plainte au Comité. Il indique qu’il appartient aux auteurs de faire preuve de diligence et considère qu’en l’espèce ils n’ont fourni aucune explication valable pour le retard dans la présentation de leur communication au Comité. Le Comité considère ce retard comme déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication et déclare par conséquent la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]