Nations Unies

CCPR/C/106/D/1891/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 décembre 2012

Français

Original: espagnol

C omité des droits de l’homme

Communication no 1891/2009

Décision adoptée par le Comité à sa 106e session(15 octobre-2 novembre 2012)

Communication p résentée par:

J. A. B. G. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

9 mars 2009 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 10 août 2010 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

29 octobre 2012

Objet:

Étendue de l’examen en cassation par le Tribunal suprême espagnol

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs non étayés

Questions de fond:

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation

Articles du Pacte:

14 (par. 3 c)) et 5

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Annexe

Décision du Comité des droits de l’hommeen vertu du Protocole facultatif se rapportantau Pacte international relatif aux droits civilset politiques (106e session)

concernant la

Communication no 1891/2009 *

Présentée par:

J. A. B. G. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

9 mars 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est M. J. A. B. G., de nationalité espagnole, né le 21 septembre 1944. Il affirme être victime d’une violation par l’Espagne des droits qui lui sont reconnus en vertu du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il n’est pas représenté par un conseil. Quand il a envoyé sa communication, il se trouvait détenu au Centre pénitentiaire Madrid VI.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En 1998, la chambre centrale d’instruction no 3 de l’Audiencia Nacional a engagé une action (procédure no 313/1998) à l’encontre de l’auteur, accusé d’avoir participé, de concert avec d’autres personnes, à la réalisation d’opérations bancaires et de transferts de fonds en provenance et à destination de l’Espagne, aux fins du blanchiment de capitaux obtenus par le trafic de stupéfiants.

2.2En 2001, la chambre centrale d’instruction no 5 a engagé une deuxième action à l’encontre de l’auteur. Celui-ci était accusé d’avoir tenté, dans le courant de l’année 1990, d’introduire dans le pays, de concert avec d’autres personnes, une importante quantité de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud, en cherchant à cette fin des fournisseurs et un navire pour le transport de la marchandise jusqu’au territoire de l’État partie. L’auteur aurait contacté le propriétaire du navire et effectué plusieurs paiements aux fins du transport du chargement de drogues.

2.3Le 28 janvier 2004, l’Audiencia Nacional a reconnu l’auteur coupable de délit contre la santé publique et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans et à une amende de 600 000 euros. L’auteur s’est pourvu en cassation, affirmant qu’une erreur de fait avait été commise dans l’appréciation de la preuve et que des faits présentés dans le jugement comme ayant été prouvés, en réalité ne l’avaient pas été au cours du procès.

2.4Le 27 avril 2006, le Tribunal suprême a fait droit au pourvoi en cassation formé par l’auteur, annulant le jugement rendu par l’Audiencia Nacional le 28 janvier 2004 et acquittant l’auteur du délit contre la santé publique. Le Tribunal a examiné de manière approfondie l’appréciation des preuves faite par l’Audiencia Nacional et a établi que la condamnation se fondait essentiellement sur les preuves constituées par les déclarations des «repentis», faites cinq ans après les faits, et que l’on manquait d’éléments concrets ou factuels pour corroborer ou étayer les témoignages livrés.

2.5Le 27 juillet 2005, l’Audiencia Nacional a statué dans l’affaire no 313/1998 et a condamné l’auteur à une peine d’emprisonnement de trois ans et trois mois et à une amende de 1,8 million d’euros pour blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants. En septembre 2005, l’auteur s’est pourvu en cassation devant le Tribunal suprême, alléguant qu’il y avait eu violation du droit au secret des correspondances téléphoniques et du droit à la présomption d’innocence, et application incorrecte des articles 301 et 302 du Code pénal relatifs au recel de fonds et au blanchiment de capitaux. Il a affirmé que les écoutes téléphoniques utilisées comme preuves à charge avaient été autorisées sans motif valable, que ni le titulaire de la ligne téléphonique ni les personnes chargées des écoutes n’étaient nommément indiqués dans l’ordonnance y relative, et qu’il n’avait pas pu interroger l’auteur de la dénonciation. Il a également affirmé que l’accusation n’avait pas prouvé, même au moyen de preuves indirectes, qu’il s’était effectivement rendu coupable de trafic de stupéfiants, ni qu’il avait eu connaissance des activités de blanchiment de capitaux provenant de faits illicites. Le parquet a également fait appel du jugement, faisant valoir la circonstance aggravante que constituait l’appartenance de l’auteur à une organisation.

2.6Le 25 avril 2007, le Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation formé par l’auteur dans l’affaire no 313/1998. S’agissant de la peine prononcée, il a accueilli le recours du parquet, qui avait dénoncé une erreur commise par l’Audiencia Nacional dans le calcul du nombre d’années de privation de liberté correspondant à l’infraction commise compte tenu des circonstances aggravantes, notamment de l’appartenance de l’auteur à une organisation. Il a donc porté la peine à quatre ans et sept mois d’emprisonnement pour blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants. L’auteur joint une copie du jugement, dans lequel il est indiqué que le Tribunal suprême estime que la mesure de restriction du secret des correspondances téléphoniques était clairement et objectivement justifiée compte tenu des informations communiquées par la Garde civile, et notamment du témoignage livré par l’auteur de la dénonciation, lui-même impliqué dans l’opération de blanchiment, et que la non-divulgation de l’identité de celui-ci ainsi que le fait qu’il n’ait pas été possible de l’interroger ne portaient en aucun cas atteinte aux droits de l’auteur puisque ces informations n’avaient pas été examinées en tant qu’éléments de preuve mais uniquement prises en compte par la Garde civile et le juge d’instruction pour justifier les écoutes téléphoniques. Au sujet de l’inexistence de l’infraction, du non-respect du droit à la présomption d’innocence et de l’application incorrecte des articles 301 et 302 du Code pénal qui sanctionnent le blanchiment de capitaux avec la circonstance aggravante d’appartenance à une organisation, le Tribunal a relevé que, conformément à sa jurisprudence, pour prouver l’existence du délit de blanchiment de capitaux au sens de l’article 301 du Code pénal, il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu une condamnation préalable pour trafic de stupéfiants, ni que la réalité de l’infraction ait été établie; il suffisait en effet de prouver qu’un lien existait entre l’auteur et des activités liées au trafic de drogues dont il pouvait être établi qu’elles étaient à l’origine des fonds, et que la connaissance de ces faits ou du moins de certaines informations permettait de déduire raisonnablement l’illégalité de la provenance des fonds, sans que l’intéressé puisse invoquer l’ignorance de faits qu’il n’avait à aucun moment cherché à élucider. À ce sujet, le Tribunal a fait observer que les faits prouvés démontraient que l’auteur avait effectué, avec d’autres personnes, des échanges de devises, des opérations bancaires sous une identité fictive ou usurpée, et avait procédé, de manière dissimulée, au transfert d’importantes sommes d’argent. Cette manière de procéder indique que l’auteur avait des faits une connaissance suffisante pour pouvoir déduire la provenance illicite des fonds.

2.7En juin 2007, l’auteur a formé un recours en amparo contre les décisions rendues par l’Audiencia Nacional et par le Tribunal suprême le 27 juillet 2005 et le 25 avril 2007, respectivement; il estimait que ses droits à la présomption d’innocence, au respect de la vie privée et à une procédure régulière avaient été violés et que ces décisions étaient arbitraires et portaient atteinte au principe de légalité; le procès pénal à l’issue duquel il avait été condamné avait en effet duré dix ans, se prolongeant indûment alors qu’il s’agissait d’une procédure abrégée. Le 29 septembre 2008, le Tribunal constitutionnel a décidé de rejeter le recours, l’auteur n’ayant pas démontré «l’importance constitutionnelle particulière» de celui-ci, et a ordonné le classement de l’affaire.

2.8L’auteur déclare qu’il a épuisé les recours internes et que la condition fixée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif est donc remplie.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’Espagne a violé son obligation au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il demande au Comité de déterminer d’office si les faits présentés dans sa communication révèlent la violation d’autres droits énoncés dans le Pacte.

3.2L’auteur déclare avoir été privé du droit d’appel et du droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées à son encontre. Il a contesté, aussi bien dans le pourvoi en cassation que dans le recours en amparo, tous les éléments du jugement et n’a pas fait valoir uniquement les vices de forme. Il affirme avoir été néanmoins privé, dans la pratique, du droit de faire appel de la condamnation prononcée par l’Audiencia N acional.

3.3L’auteur se plaint de la durée excessive du procès à l’issue duquel sa responsabilité pénale a été établie; la procédure s’est en effet ouverte en 1998 et a pris fin le 27 septembre 2008, lorsque le recours en amparo formé contre le jugement rendu par l’Audiencia Nacionala été déclaré irrecevable. Cette procédure censée être abrégée a duré environ dix ans: cinq ans devant la chambre d’instruction, deux ans devant l’Audiencia Nacional,deux ans devant le Tribunal suprême, puis encore un an devant le Tribunal constitutionnel, avant que celui-ci rejette le recours en amparo. L’auteur ajoute que ces retards n’étaient en aucun cas justifiés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 15 octobre 2009, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur la recevabilité de la communication et a demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable pour abus du droit de plainte, non-épuisement des recours internes et défaut de fondement, en vertu de l’article 3, du paragraphe 2 b) de l’article 5 et de l’article 2 du Protocole facultatif, respectivement.

4.2L’État partie fait observer que la présentation d’une communication dans laquelle il est demandé au Comité de relever, outre les violations expressément énoncées, d’éventuelles violations supplémentaires dans le récit des faits constitue un abus de droit. Dans le cadre de la procédure d’examen par le Comité de communications émanant de particuliers, il incombe à l’auteur de déterminer, à tout le moins de manière générale, les violations dont il pense avoir été victime, sans employer de termes génériques qui empêcheraient l’État partie d’assurer sa défense.

4.3Les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés pour ce qui est du grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisqu’aucune violation du droit au double degré de juridiction n’a été invoquée, ni dans le pourvoi en cassation ni dans le recours en amparo. Ce dernier était uniquement fondé sur une violation présumée du droit à la présomption d’innocence et du droit au respect de la vie privée. De même, les allégations relatives aux retards excessifs observés dans la procédure n’ont été formulées ni dans le pourvoi en cassation ni dans le recours en amparo. Ce recours a été jugé irrecevable en raison de l’impéritie de l’avocat de la défense, qui avait présenté une demande irrémédiablement insuffisante vu qu’il n’en n’avait pas démontré l’importance constitutionnelle, comme l’exige la législation de l’État partie.

4.4Les allégations de l’auteur relatives aux violations dont il dit être victime ne sont pas suffisamment étayées. La durée du procès n’implique pas en elle-même qu’il y ait eu des retards excessifs, contraires au paragraphe 3 c) de l’article 14; d’autres éléments doivent en effet être pris en compte, en particulier la complexité du dossier − caractéristique courante dans les affaires de blanchiment de capitaux. En tout état de cause, le Tribunal suprême a tenu compte de la durée du procès, au bénéfice de l’auteur.

4.5En ce qui concerne les allégations de l’auteur qui affirme qu’il a été victime d’une violation du droit à la présomption d’innocence, garanti par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait observer que le Tribunal suprême, saisi en cassation contre le jugement de l’Audiencia Nacional en date du 28 janvier 2004, a acquitté l’auteur du chef de délit contre la santé publique, jugeant insuffisantes les preuves retenues contre lui. S’il a ensuite pris en considération cette procédure pour l’examen du dossier no 313/1998, c’était dans l’unique but de déterminer s’il existait un lien ou une proximité entre l’auteur et le milieu de la drogue, sans que cela ait une incidence sur la détermination de la responsabilité pénale.

4.6Pour ce qui est du droit au double degré de juridiction énoncé au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait observer que la décision du Tribunal suprême, qui a réexaminé la décision rendue par l’Audiencia Nacional le 28 janvier 2004 et acquitté l’auteur du délit d’atteinte à la santé publique, démontre que le système de cassation espagnol permet un réexamen complet des preuves produites devant les juridictions inférieures, garantissant ainsi le droit au double degré de juridiction et le droit à la présomption d’innocence. Le Tribunal suprême a donc toute compétence pour examiner les faits, l’administration de la preuve et l’application du droit dans les jugements rendus par les juridictions inférieures, au moyen du pourvoi en cassation.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1En date du 3 février 2010, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité.

5.2L’auteur affirme que sa communication porte uniquement sur la violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Toutefois, la peine prononcée pour blanchiment de capitaux a été alourdie par le Tribunal suprême et les retards observés dans la procédure n’ont jamais été pris en compte au bénéfice de l’auteur. L’auteur estime que ces retards doivent être appréciés au regard du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte.

5.3L’auteur réaffirme que le Tribunal suprême a utilisé des informations relatives au deuxième procès intenté contre lui pour atteinte à la santé publique, à l’issue duquel il avait finalement été acquitté. Il soutient que ces informations ont été utilisées pour établir sa responsabilité pénale. Le Tribunal a ainsi considéré un verdict d’acquittement comme une preuve; c’est pourquoi l’auteur demande au Comité de déterminer si cela peut emporter une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.

5.4Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme n’avoir pu former contre le jugement de l’Audiencia Nacional qu’un pourvoi en cassation, qui ne saurait être considéré comme un recours en appel.

5.5Enfin, l’auteur réaffirme qu’il a épuisé les recours internes, bien qu’à son sens ceux-ci ne soient pas efficaces.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 11 février 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication et a demandé au Comité de déclarer celle-ci irrecevable ou, à défaut, de constater qu’il n’y avait pas eu de violation du Pacte.

6.2Concernant le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’auteur se contente d’énoncer des généralités sur les prétendues limites de l’examen des pourvois en cassation par le Tribunal suprême, sans préciser quels faits ou quels griefs n’ont pas été pris en compte lors de l’examen des pourvois qu’il a lui-même formés.

6.3Les communications présentées au Comité par des particuliers ne peuvent pas renvoyer à des jugements abstraits et généraux sur le système de recours juridictionnels. Dans le cas présent, la communication ne contient pas suffisamment de références concrètes aux éléments ou aux faits prouvés qui sont réputés avoir été réexaminés mais qui, en réalité, ne l’auraient pas été. Il ressort de la jurisprudence du Comité que dans des communications précédentes portant sur la même question, celui-ci a reconnu que le système de cassation était suffisant pour garantir, dans une affaire donnée, le réexamen complet du jugement et de la condamnation conformément au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans une réponse du 26 janvier 2011, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant le fond de la communication.

7.2L’auteur présente un résumé détaillé des origines du recours en appel et du pourvoi en cassation, des différences établies entre les deux par la doctrine juridique ainsi que de la manière dont ils sont régis par la législation de l’État partie et des défaillances qu’ils présenteraient. Il soutient que l’appel est un recours ordinaire, au moyen duquel l’appelant demande à une juridiction supérieure de modifier, conformément au droit, le jugement rendu par une juridiction inférieure sur tout point de fait ou de droit examiné pendant le procès. L’auteur estime que son recours ne saurait être considéré comme un appel, et que le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcés à son encontre a donc été violé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui estime que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes, puisque le recours en amparo a été rejeté par le Tribunal constitutionnel en raison d’un défaut irrémédiable imputable à l’auteur qui n’avait pas montré dans son mémoire l’importance constitutionnelle du recours. De plus, l’État partie relève que dans ce recours et dans le pourvoi en cassation l’auteur n’a pas invoqué une violation du droit au double degré de juridiction. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante et réaffirme que seuls les recours qui ont une chance raisonnable d’aboutir doivent être épuisés. Le recours en amparo n’avait pas de chance raisonnable d’aboutir en ce qui concerne une éventuelle violation du paragraphe 5 de l’article 14, étant donné que selon la jurisprudence du Tribunal constitutionnel l’amparo n’est pas un recours qui permet la révision de la condamnation et de la peine prononcées par les juridictions pénales. D’un autre côté, le Comité note que l’auteur a contesté les décisions rendues par l’Audiencia Nacional à l’issue des deux procès pénaux, en formant deux pourvois en cassation qui ont été rejetés en dernier ressort par le Tribunal suprême, le 27 avril 2006 et le 25 avril 2007 respectivement, et qu’il a ensuite présenté un recours en amparo contre ces jugements, recours qui a été rejeté par le Tribunal constitutionnel le 29 octobre 2008. Le Comité estime donc qu’aucun obstacle, au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, ne l’empêche d’examiner la présente communication.

8.4Le Comité prend acte des allégations de l’auteur qui affirme avoir été privé des droits d’interjeter appel et de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées à son encontre vu que, n’ayant pu que se former en cassation devant le Tribunal suprême, il a dans la pratique été privé de son droit d’interjeter appel de la condamnation prononcée par l’Audiencia Nacional. Le Comité prend note également des arguments de l’État partie selon lesquels le pourvoi en cassation permet un réexamen complet des preuves produites devant la juridiction inférieure, puisqu’il permet de réviser le jugement rendu en procédant à un examen des faits et des preuves ainsi qu’à une vérification de la correcte application du droit.

8.5Le Comité relève qu’avant de statuer, le 25 avril 2007, sur l’affaire no 313/1998, le Tribunal suprême a procédé à un examen approfondi des motifs de cassation avancés par l’auteur, y compris le droit au secret de la correspondance et le droit à la présomption d’innocence ainsi que la qualification correcte du délit, sans se limiter aux éléments de forme du jugement rendu par l’Audiencia Nacional. L’infliction d’une peine plus lourde par le Tribunal suprême s’explique par une erreur de calcul de la part de l’Audiencia Nacional et ne modifie pas substantiellement la qualification du délit; elle reflète simplement le fait que l’appréciation par le Tribunal de la gravité des circonstances du délit justifiait d’infliger une peine plus lourde. Par conséquent, le Comité estime que les griefs soulevés au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et conclut qu’ils sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité prend note du grief de l’auteur concernant la durée excessive (près de dix ans) du procès à l’issue duquel sa responsabilité pénale a été établie; de tels retards seraient selon l’auteur contraires au paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte. Toutefois, compte tenu des arguments de l’État partie qui met en avant la complexité du procès, arguments qui n’ont pas été réfutés par l’auteur, le Comité estime que celui-ci n’a pas suffisamment étayé son grief aux fins de la recevabilité. Par conséquent, il déclare ce grief irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les allégations de l’auteur concernant une violation possible du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte sont également sans fondement et qu’elles sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]