Nations Unies

CCPR/C/100/D/1354/2005

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

1er novembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Centième session

11-29 octobre 2010

Constatations

Communication no 1354/2005

Présentée par:

Leonid Sudalenko (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

10 novembre 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 1er février 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

19 octobre 2010

Objet:

Refus de la possibilité de se porter candidat à la chambre basse du Parlement du Bélarus

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Droit à l’égalité devant les tribunaux; droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial; droit de prendre part à la conduite des affaires publiques; droit d’être élu sans restrictions déraisonnables et sans distinction; droit à une égale protection de la loi sans discrimination

Article(s) du Pacte:

2, 14 (par. 1), 25 (par. a) et b)) et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

Néant

Le 19 octobre 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1354/2005 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (centième session)

concernant la

Communication no 1354/2005**

Présentée par:

Leonid Sudalenko (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

10 novembre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 19 octobre 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1354/2005 présentée au Comité par M. Leonid Sudalenko conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Leonid Sudalenko, de nationalité bélarussienne, né en 1966 et résidant à Gomel (Bélarus). Il se déclare victime de violations par le Bélarus de l’article 2, du paragraphe 1 de l’article 14, des paragraphes a) et b) de l’article 25 et de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté.

Exposé des faits

2.1L’auteur se présente comme un opposant au régime en place au Bélarus. Depuis 2001, il est membre du Parti civique unifié et depuis 2002, Président de la section de l’association «Initiatives civiles» pour la ville de Gomel et membre de l’Association des journalistes bélarussiens. Depuis 2002, il travaille comme conseiller juridique pour l’entreprise publique Lokon, sise à Gomel.

2.2Le 9 août 2004, la Commission électorale de district de la circonscription électorale no 49 de Khoyniki a enregistré un groupe d’initiative composé de 57 personnes formé pour recueillir des signatures d’électeurs en soutien à la candidature de l’auteur aux élections de 2004 à la Chambre des représentants de l’Assemblée nationale (Parlement). L’auteur affirme que la Commission électorale de district a fait preuve de partialité à son encontre dès le tout début du processus électoral, lorsque son groupe d’initiative collectait les signatures d’électeurs en sa faveur. Il explique que les membres de ce groupe ont été victimes de discrimination de la part des agents de l’État et que la Commission électorale a failli à son obligation de prendre en temps voulu les mesures nécessaires pour garantir le respect de la législation électorale.

2.3L’auteur cite les incidents ci-après à l’appui de ses griefs:

a)Le 14 août 2004, l’auteur a été informé par écrit par un membre de son groupe d’initiative, Mme N. K., que des responsables du Comité exécutif du district de Bragin avaient fait pression sur elle et sur d’autres membres du groupe, en particulier Mme N. T. et Mme M. S., pour qu’elles refusent de collecter des signatures d’électeurs en soutien à la candidature de l’auteur et les avaient menacées de licenciement et d’autres «problèmes». Le 16 août 2004, l’auteur a dénoncé les pressions exercées sur les membres de son groupe d’initiative auprès notamment de la Commission électorale de district, de la Commission électorale centrale chargée de superviser les scrutins et la conduite des référendums républicains (ci-après Commission électorale centrale) et du Comité exécutif du district de Bragin. Le 18 août 2004, l’auteur a été informé par la Commission électorale centrale que sa plainte avait été transmise au Bureau du Procureur. Le 13 septembre 2004, le Bureau du Procureur de la région de Gomel a transmis la plainte de l’auteur au Procureur du district de Bragin. Le 23 septembre 2004, le Procureur du district de Bragin a transmis la plainte de l’auteur au chef par intérim du Département des affaires intérieures du district de Bragin. Aucune réponse n’a été reçue du Département des affaires intérieures du district de Bragin. Le 2 septembre 2004, la Commission électorale de district a informé l’auteur que deux de ses membres avaient rencontré des responsables du Comité exécutif du district de Bragin, qui avaient déclaré que les allégations des membres du groupe d’initiative «ne correspondaient pas à la réalité». La Commission électorale de district a reconnu qu’elle n’avait pas pu rencontrer Mme N. T. et Mme N. K. mais qu’elle était néanmoins parvenue à la conclusion que leurs allégations ne correspondaient pas à la réalité.

b)Le 31 août 2004, un membre du groupe d’initiative de l’auteur, Mme A. L., a demandé au Comité exécutif du district de Khoyniki de viser et de certifier les listes de signatures d’électeurs collectées en faveur de l’auteur. Le Vice-Président du Comité exécutif du district de Khoyniki, qui était en même temps Président de la Commission électorale de district, a visé les listes de signatures mais a refusé de les remettre à Mme A. L. Le même jour, Mme A. L. a porté plainte auprès de la Commission électorale régionale au sujet de ce refus de restituer la liste de signatures, tout comme l’auteur auprès du Procureur du district de Khoyniki. L’auteur a fait valoir en particulier que l’élection du Vice-Président du Comité exécutif du district de Khoyniki comme Président de la Commission électorale de district était contraire à l’article 11, partie 2, du Code électoral. Le 3 septembre 2004, le Procureur du district de Khoyniki a transmis la plainte de l’auteur au Président de la Commission électorale de district. À une date non précisée, l’auteur a dénoncé le refus de restituer les listes de signatures auprès de la Commission électorale centrale. Le 7 septembre 2004, la Commission électorale centrale a fait savoir à l’auteur que les listes de signatures avaient déjà été remises à Mme A. L. avant qu’il ne soumette sa plainte et que l’élection du vice-président du Comité exécutif du district de Khoyniki à la présidence de la Commission électorale de district n’était contraire à aucune des dispositions du Code électoral. L’auteur renvoie à l’article 11, partie 1, du Code électoral et affirme que dans la pratique, l’exécutif exerce un contrôle sur les commissions électorales.

2.4À une date non précisée, le groupe d’initiative de l’auteur ayant collecté un nombre suffisant de signatures d’électeurs en sa faveur, l’auteur a été désigné comme candidat aux élections de 2004 à la Chambre des représentants pour la circonscription électorale no 49 de Khoyniki.

2.5Le 16 septembre 2004, la Commission électorale de district a refusé d’enregistrer l’auteur comme candidat. Elle a invoqué l’article 45, partie 7; l’article 48, parties 9 et 10, et l’article 68, partie 6, du Code électoral et estimé que l’auteur avait fourni des données personnelles qui ne correspondaient pas à la réalité. Le deuxième motif invoqué pour refuser l’enregistrement était la distribution de brochures contenant des renseignements sur les activités de la coalition électorale connue sous le nom de «V plus» (Cinq plus), qui étaient censées présenter les activités d’un candidat potentiel à un siège de député à la Chambre des représentants. Ces brochures contenaient une photographie de l’auteur et des renseignements le concernant.

2.6À une date non précisée, l’auteur a fait appel du refus d’enregistrement auprès de la Commission électorale centrale. Le 23 septembre 2004, celle-ci a rejeté l’appel en confirmant les conclusions de la Commission électorale de district, qui avait établi que l’auteur avait fourni de faux renseignements concernant son lieu de travail. La Commission électorale centrale a noté que l’auteur avait indiqué dans le questionnaire qu’il travaillait comme conseiller juridique pour la société Lokon et conclu que ceci n’était qu’un emploi secondaire, étant donné que le travail principal de l’auteur était la direction de la section d’«Initiatives civiles» pour la ville de Gomel. En revanche, elle a rejeté le deuxième motif de refus d’enregistrement, relatif à la diffusion de matériel électoral, qu’elle a jugé sans fondement.

2.7L’auteur affirme que la Commission électorale centrale a fait une erreur en concluant que l’emploi qu’il occupait au sein de la société Lokon était un emploi secondaire et qu’il devait donc nécessairement avoir un autre employeur principal. Il fait valoir que l’association «Initiatives civiles» ne peut pas être considérée comme un employeur, dans la mesure où il n’a signé aucun contrat de travail avec celle-ci et qu’il n’a pas d’emploi du temps et ne reçoit aucune rémunération pour son travail au sein de l’association.

2.8À une date non précisée, l’auteur a fait appel de la décision de la Commission électorale centrale auprès de la Cour suprême. Il a fait valoir que le 30 janvier 2003, la Commission électorale du district de Partisan avait refusé d’enregistrer un autre membre du Parti civique unifié, Mme L. S., comme candidate aux élections de 2003 pour le Conseil local de députés, au motif qu’elle avait indiqué dans le questionnaire qu’elle était présidente de l’association publique «Alliance féminine», sans fournir de renseignements sur la rémunération de ce travail. La Commission électorale du district de Partisan s’est appuyée sur les explications données par écrit par le Ministère du travail et de la protection sociale le 27 janvier 2003. Elle a estimé que si une personne n’était pas rémunérée pour son travail, celui-ci ne pouvait pas être considéré comme un emploi contractuel ou désigné comme «lieu de travail». En conséquence, et conformément à l’article 68 (partie 6) du Code électoral, la Commission électorale du district de Partisan a conclu que Mme L. S. avait fourni des données personnelles qui «ne correspondaient pas à la réalité». Cette décision a été confirmée par le Tribunal municipal de Minsk le 10 février 2003 et elle est devenue exécutoire.

2.9Le 30 septembre 2004, l’appel de l’auteur a été rejeté par la Cour suprême; cette décision est définitive et ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation. La Cour suprême a invoqué l’article 68 (partie 6) du Code électoral et a confirmé les conclusions des commissions électorales de district et centrale, selon lesquelles l’auteur avait fourni des données biographiques qui «ne correspondaient pas à la réalité». La Cour suprême a établi en particulier que l’auteur n’avait pas indiqué dans le questionnaire que son emploi chez Lokon était un emploi secondaire et qu’il avait omis d’indiquer son lieu de travail principal. Elle a fondé sa décision sur les éléments suivants: a) la candidature adressée par l’auteur à Lokon pour un emploi secondaire; b) la lettre d’embauche de l’auteur comme conseiller juridique à titre d’emploi secondaire à compter du 11 juin 2002; c) la lettre du Vice-Président de la section d’Initiatives civiles pour la ville de Gomel en date du 5 juin 2002, attestant que l’association ne s’opposait pas à l’emploi rémunéré de l’auteur par Lokon à titre secondaire; d) l’emploi du temps de l’auteur pour son emploi secondaire de conseiller juridique, approuvé par le Directeur général de Lokon le 21 juin 2004.

2.10À une date non précisée, l’auteur a fait appel de la décision de la Cour suprême auprès du Président de la Cour suprême dans le cadre de la procédure de réexamen. Cet appel a été rejeté par le Vice-Président de la Cour suprême le 15 octobre 2004. Le Vice-Président a écarté l’argument de l’auteur selon lequel la société Lokon aurait dû être considérée comme son principal employeur, comme indiqué dans son livret de service. Il a expliqué qu’un emploi secondaire pouvait également être inscrit dans le livret de service à la demande de l’employé, sur la base de la lettre d’embauche pour cet emploi, comme dans le cas de l’auteur. Il a invoqué l’article 343 du Code du travail, qui dispose qu’un emploi secondaire est un emploi rémunéré sur une base contractuelle avec le même employeur ou un employeur différent, pendant les heures qui ne sont pas consacrées au travail principal.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur estime qu’il y a eu violation de l’article 68 (partie 11) du Code électoral en faisant valoir que le refus de la Commission électorale de district de l’enregistrer comme candidat n’était pas fondé sur une décision motivée expliquant quelles données personnelles ne «correspondaient pas à la réalité». Il affirme que cette absence d’explication était délibérée et avait pour but de l’empêcher de soumettre des preuves contraires en appel devant la Commission électorale centrale. Il considère donc que le refus d’enregistrer sa candidature, qui a été confirmé par la Commission électorale centrale, constitue une violation des paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte, qui garantissent le droit de prendre part à la conduite des affaires publiques et de se porter candidat sans aucune des distinctions visées à l’article 2.

3.2L’auteur fait valoir que la partialité avec laquelle il a été traité par la Commission électorale de district en tant que candidat de l’opposition constitue une violation de l’interdiction légale de toute discrimination fondée sur l’opinion politique, énoncée à l’article 26 du Pacte. Il affirme que M. V. K., qui était déjà député à la Chambre des représentants à l’époque en question et qui a été désigné par les autorités en place comme candidat aux élections de 2004 pour la même circonscription électorale que lui, a utilisé des ressources administratives aux fins de sa campagne électorale, en violation de l’article 47 (parties 2 et 3) du Code électoral. Lorsque l’auteur a saisi la Commission électorale centrale pour dénoncer l’utilisation par M. V. K. de ressources administratives à des fins électorales, il a été informé par le Président de la Commission que les activités de M. V. K. faisaient partie de son travail auprès de l’électorat en tant que député élu en 2000, plutôt que de sa campagne pour les élections de 2004 à la Chambre des représentants.

3.3L’auteur affirme que la Cour suprême l’a privé de son droit à l’égalité devant les tribunaux et de son droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26 du Pacte.

Non-coopération de l’État partie

4.Par des notes verbales datées du 1er février 2005, 1er décembre 2006, 16 janvier 2008 et 21 janvier 2009, le Comité a prié l’État partie de lui soumettre ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Le Comité constate qu’il n’a pas reçu les informations demandées. Il regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information concernant la recevabilité ou le fond des allégations de l’auteur. Il rappelle que le Protocole facultatif prévoit implicitement que l’État partie soumette par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation. En l’absence d’une réponse de l’État partie, le Comité doit accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, dans la mesure où elles ont été suffisamment étayées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. En l’absence d’objection de l’État partie, le Comité considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ont été remplies.

5.3Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, formulé par l’auteur au motif qu’il aurait été privé par la Cour suprême de son droit à l’égalité devant les tribunaux et de son droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, le Comité note que ce grief se rapporte essentiellement à des questions directement liées à celles qui relèvent des paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte, à savoir le droit pour l’auteur de prendre part à la conduite des affaires publiques et de se présenter aux élections à la Chambre des représentants. Il note qu’il n’y a aucun obstacle à la recevabilité de la communication au titre des paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte et la déclare donc recevable. En conséquence, le Comité décide qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 14.

5.4Le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs formulés au titre des articles 2 et 26 du Pacte, à savoir qu’il avait été privé de son droit de prendre part à la conduite des affaires publiques et de se présenter aux élections à la Chambre des représentants en raison de ses opinions politiques, et déclare donc la communication recevable.

Examen au fond

6.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

6.2La question sur laquelle le Comité doit se prononcer est celle de savoir si le refus d’enregistrer la candidature de l’auteur aux élections de 2004 à la Chambre des représentants constitue une violation du droit de prendre part à la conduite des affaires publiques et du droit de voter et d’être élu à une charge publique, énoncés aux paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte.

6.3Le Comité rappelle qu’en l’espèce, la Commission électorale de district a refusé d’enregistrer la candidature de l’auteur au motif que celui-ci avait fourni des données personnelles qui «ne correspondaient pas à la réalité», sans toutefois indiquer quelles données étaient spécifiquement visées. Il rappelle en outre que la Commission électorale centrale a fait valoir dans sa décision que l’auteur avait répondu de façon erronée à la question concernant son lieu de travail principal, en indiquant qu’il travaillait comme conseiller juridique pour la société Lokon, et non qu’il dirigeait la section d’Initiatives civiles pour la ville de Gomel. De plus, la Cour suprême a établi que l’auteur n’avait pas indiqué dans son questionnaire que son emploi chez Lokon était un emploi secondaire et qu’il avait omis d’indiquer son lieu de travail principal.

6.4À cet égard, le Comité rappelle son Observation générale relative à l’article 25, qui pose que l’exercice des droits protégés par l’article 25 ne peut être suspendu ou supprimé que pour des motifs consacrés par la loi et qui soient raisonnables et objectifs. Il note que l’article 68 (partie 6) du Code électoral autorise les commissions électorales à refuser d’enregistrer un candidat lorsque celui-ci a soumis des données qui «ne correspondent pas à la réalité», y compris les données biographiques et les renseignements relatifs aux revenus et au patrimoine.

6.5Le Comité note que l’emploi rémunéré de l’auteur à titre contractuel par la société Lokon est prouvé par les éléments examinés tant par la Commission électorale centrale que par la Cour suprême, et qu’il est donc incontestable, qu’il se soit agi de son emploi principal ou d’un emploi secondaire. Pour ce qui est de la relation juridique entre l’auteur et Initiatives civiles, le Comité prend note de l’argument faisant valoir que, d’après la décision de la Commission électorale du district de Partisan en date du 30 janvier 2003 concernant le refus d’enregistrer la candidature de Mme L. S. aux élections de 2003 au Conseil local de députés et les explications écrites du Ministère du travail et de la protection sociale en date du 27 janvier 2003 (voir par. 2.8 ci-dessus), le travail de l’auteur pour Initiatives civiles ne pouvait pas être considéré comme son emploi principal puisqu’il n’était pas rémunéré. En d’autres termes, même si l’auteur avait indiqué Initiatives civiles comme son «lieu de travail principal» dans le questionnaire de la Commission électorale de district, celle-ci aurait également pu refuser d’enregistrer sa candidature en se fondant sur le même article 68 (partie 6) du Code électoral, compte tenu cette fois des explications écrites du Ministère du travail et de la protection sociale en date du 27 janvier 2003. Le Comité regrette que les autorités de l’État partie n’aient pas répondu à cet argument, soulevé par l’auteur devant la Cour suprême et dans la communication qu’il a adressée au Comité. Le fait que les motifs invoqués pour refuser d’enregistrer la candidature de l’auteur diffèrent de ceux avancés dans le cas de Mme L. S. (voir par. 2.8 ci‑dessus) montre que les dispositions du texte de loi national pertinent peuvent être exploitées pour restreindre abusivement les droits protégés par les paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte.

6.6Le Comité prend note du grief non contesté de l’auteur, qui affirme que la Commission électorale de district a fait preuve de partialité à son égard parce qu’il était un candidat de l’opposition (voir par. 2.2 et 2.3 ci-dessus). Il prend également note de l’allégation de partialité formulée par l’auteur au motif que la Commission électorale centrale n’aurait pas pris de mesures à l’encontre d’un candidat soutenu par le pouvoir en place qui aurait violé la législation électorale (voir par. 3.2 ci-dessus). À cet égard, le Comité note que l’article 25 du Pacte garantit à tout citoyen le droit et la possibilité d’être élu au cours d’élections périodiques honnêtes, sans aucune des discriminations visées au paragraphe 1 de l’article 2, y compris celle fondée sur l’opinion politique.

6.7Compte tenu des informations dont il dispose, et en l’absence de toute explication de l’État partie, le Comité conclut que le refus d’enregistrer la candidature de l’auteur aux élections de 2004 à la Chambre des représentants n’était pas fondé sur des critères objectifs et raisonnables et qu’il est donc incompatible avec les obligations qui incombent à l’État partie en vertu des paragraphes a) et b) de l’article 25, lus conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 26 du Pacte.

7.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des paragraphes a) et b) de l’article 25, lus conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 26 du Pacte.

8.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris une indemnisation, et d’examiner toute future demande relative à la désignation de l’auteur comme candidat aux élections dans le strict respect du Pacte. L’État partie est également tenu de prendre des mesures pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent à l’avenir.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, l’État partie s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est en outre invité à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]