Nations Unies

CAT/C/NAM/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

1er février 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Namibie *

Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Namibie (CAT/C/NAM/2) à ses 1478e et 1481e séances (CAT/C/SR.1478 et 1481), les 18 et 21 novembre 2016, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1496e séance, le 1er décembre 2016.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de la Namibie mais regrette qu’il ait été soumis avec seize ans de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie depuis l’examen de son rapport initial en 1997. Le Comité prend note de l’assurance donnée par la délégation que l’État partie soumettra désormais régulièrement et en temps voulu ses rapports au titre de la Convention.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre son rapport conformément à la nouvelle procédure facultative, car celle-ci améliore la coopération entre l’État partie et le Comité et sert de fil conducteur à l’examen du rapport et au dialogue avec la délégation. Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie lors de l’examen du deuxième rapport périodique.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 4 décembre 2007 ;

b)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 16 avril 2002 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 26 mai 2002 ;

d)La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le 23 juillet 2004 ;

e)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 25 juin 2002 ;

f)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 16 août 2002 ;

g)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 16 août 2002 ;

h)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 16 août 2002 ;

i)La convention (no 29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930, la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, et la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, le 15 novembre 2000.

Le Comité salue également les mesures législatives ci-après prises par l’État partie dans les domaines intéressant la Convention :

a)La loi no 8 de 2000 relative à la lutte contre le viol ;

b)La loi no 24 de 2003 portant modification du Code de procédure pénale ;

c)La loi no 4 de 2003 relative à la lutte contre la violence familiale ;

d)La loi no 16 de 2001 relative à l’éducation ;

e)La loi no 3 de 2015 relative à la prise en charge et à la protection des enfants.

Le Comité salue en outre les initiatives ci-après lancées par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention :

a)Le Plan d’action national relatif aux droits de l’homme 2015-2019 ;

b)La campagne de prévention de la torture, lancée le 19 mars 2015 ;

c)Le Plan national de lutte contre la violence sexiste 2012-2016.

Le Comité accueille avec satisfaction la visite effectuée en 2011 par le Rapporteur spécial sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement et les visites réalisées en 2012 par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a reconnu qu’il était important d’incorporer un article consacrant l’interdiction absolue de la torture dans sa législation et accueille également avec satisfaction le projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture, mais il relève avec inquiétude que, tant que le projet de loi n’aura pas été adopté, la législation namibienne ne contiendra pas de définition de la torture. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que les traitements cruels, inhumains et dégradants ne sont pas entièrement couverts par les dispositions de ce projet, notamment par la définition de la notion de victime (art. 1er et 16).

L ’ État partie devrait accélérer l ’ adoption du projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture, en veillant à ce que la version définitive de la loi prévoie une définition de la torture conforme aux dispositions de la Convention et à ce que les actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants soient pleinement couverts par ce texte .

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité est préoccupé par le caractère fragmenté et incomplet de la reconnaissance des garanties juridiques fondamentales dans la législation de l’État partie, qui repose essentiellement sur des normes établies par la jurisprudence qui n’englobent pas toutes les garanties fondamentales, en particulier le droit de la personne privée de liberté : a) d’être informée de ses droits dans une langue qu’elle comprend ; b) de contacter rapidement un membre de sa famille ou toute autre personne de son choix ; c) d’être examinée sans délai par un médecin indépendant ; et d) d’être présentée devant un tribunal dans les vingt-quatre heures. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles de nombreuses personnes sont maintenues en garde à vue au-delà du délai de quarante-huit heures et ne bénéficient pas effectivement de l’assistance d’un avocat dès le début de leur détention (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les garanties juridiques fondamentales soient consacrées par des dispositions législatives adéquates et ne reposent pas simplement sur la jurisprudence. Il devrait également veiller à ce que tous les détenus bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales , à savoir  :

a) L e droit pour l ’ intéressé d ’ être informé dans les plus brefs délai s , dans une langue qu ’ il comprend, de ses droits, des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre lui  ;

b) L e droit de prendre rapidement contact avec un membre de sa famille ou toute autre personne de son choix  ;

c) L e droit de s ’ entretenir dans les meilleurs délais et en toute confidentialité avec un avocat qualifié et indépendant ou d ’ avoir accès à une aide juridictionnelle gratuite en cas de besoin  ;

d) Le droit d ’ être examiné par un médecin indépendant  ;

e ) L e droit d ’ être présenté , dans un délai de quarante-huit heures, devant une autorité judiciaire compétente, indépendante et impartiale  ;

f ) L e droit de contester la légalité de la détention dans le cadre d ’ une procédure d ’ habeas corpus et de voir sa détention consignée dans un registre sur le lieu de détention et dans un registre central des personnes privées de liberté.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité prend note des explications fournies par la délégation au sujet des contraintes budgétaires, mais il demeure préoccupé par le manque d’informations concernant l’application des recommandations de l’Ombudsman, qui pour la plupart ne nécessitent pas des dépenses de l’État. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état du caractère limité du mandat du Bureau de l’Ombudsman, en particulier en ce qui concerne sa capacité d’effectuer des visites régulières et inopinées dans les lieux de privation de liberté et de recruter son propre personnel (art. 2).

L ’ État partie devrait modifier la loi de 1990 relative à l ’ Ombudsman afin de consolider le mandat du Bureau de l’Ombudsman et de renforcer l ’ indépendance de cette institution, en particulier pour ce qui est de la réalisation régulière de visites inopinées dans les lieux de privation de liberté. L ’ État partie devrait veiller à ce que l e Bureau de l’ Ombudsman dispose de ressources financières suffisantes pour recruter son propre personnel et s ’ acquitter efficacement de ses fonctions , conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ( Principes de Paris ) , et faire en sorte que les recommandations formulées par le B ureau de l ’ Ombudsman soie nt effectivement mises en œuvre .

Détention avant jugement

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour réduire la durée de la détention avant jugement, notamment par la création de deux tribunaux spéciaux de première instance dans le district de Windhoek et la mise en œuvre du projet de formation de magistrats dans le cadre duquel 52 futurs juges et procureurs ont été formés entre 2008 et 2012. Il demeure néanmoins préoccupé par les informations faisant état de la lenteur excessive de la justice et de la durée encore extrêmement prolongée de la détention avant jugement, ce qui porte préjudice aux détenus. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que, dans les lieux de détention provisoire, les délinquants mineurs sont souvent détenus avec les adultes.

L ’ État partie devrait accélérer la modernisation et la réforme de la justice et prendre des mesures pour réduire la durée de la détention avant jugement en examinant la possibilité de recruter des juges supplémentaires et d’appliquer d es peines de substitution non privatives de liberté, conformément à l’Ensemble de r ègles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo). L’État partie devrait veiller à ce qu’il existe suffisamment de quartiers pour mineurs afin que tous les mineurs en conflit avec la loi soient séparés des adultes en détention provisoire.

Conditions de détention

Le Comité prend note des projets de l’État partie visant à accroître les capacités d’accueil de ses centres de détention, mais il constate avec préoccupation que les chiffres fournis dans le rapport de l’État partie révèlent une répartition inégale de la population carcérale entre tous les établissements pénitentiaires du pays, certains étant surpeuplés tandis que d’autres ne sont pas entièrement occupés. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que certains condamnés sont détenus dans des postes de police et ne sont pas séparés des prévenus. Le Comité est vivement préoccupé par le taux élevé de VIH parmi les détenus, par la réticence à prendre des mesures de prévention de la transmission du VIH et par l’absence de statistiques officielles sur le nombre total de détenus infectés et sur leur accès aux antirétroviraux. Le Comité est en outre préoccupé par les informations faisant état du manque de personnel, de l’insuffisance de la nourriture et de l’absence d’accès aux services médicaux dans les établissements pénitentiaires, ce qui touche particulièrement les détenus malades.

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention et veiller à ce qu’elles soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), et notamment  :

a) Réduire le taux de surpopulation en augmentant la capacité des centres de détention et en répartissant mieux les détenus entre tous les établissements  ;

b) Séparer les prévenus des condamnés  ;

c) Mettre en place des mécanismes et des mesures pour prévenir et enrayer la propagation du VIH dans les établissements pénitentiaires tout en respectant les droits de l’homme des détenus concernés  ;

d) Étoffer les effectifs du personnel pénitentiaire  ;

e) Améliorer la qualité et la quantité des rations alimentaires et de l’eau ainsi que des soins de santé offerts aux détenus et aux condamnés, en particulier à ceux qui sont porteurs du VIH.

Enquêtes sur les allégations de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Comité prend note de la création de la Direction des enquêtes internes, qui est chargée de traiter les plaintes déposées contre des membres de la police nationale, mais il s’inquiète du manque d’indépendance de cet organe. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’informations sur le nombre de plaintes déposées, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre des membres des forces de police pour des actes relevant de la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’enquête sur la mort en garde à vue de William Cloete, survenue le 1er avril 2007 (art. 12).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les cas de décès en garde à vue et toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent immédiatement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale menée par un mécanisme indépendant et à ce qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les personnes soupçonnées de ces faits . Il devrait aussi veiller à ce que les personnes reconnues coupables soient condamnées à des peines proportionnelles à la gravité des actes commis.

Procès pour haute trahison de Caprivi

Le Comité note que les accusés des procès pour haute trahison de Caprivi ont bénéficié d’une aide juridictionnelle gratuite, mais il est préoccupé par les informations indiquant que les intéressés ont été privés d’autres garanties juridiques fondamentales et ont été gravement torturés au cours de la procédure. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aucune enquête n’a été menée afin de déterminer si les éléments de preuve utilisés dans le cadre de ces procès avaient été obtenus par la torture. En outre, il est préoccupé par la durée prolongée de la détention avant jugement des prévenus, certains ayant été privés de liberté pendant plus de quinze ans, et par des cas de décès en détention. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’enquêtes ouvertes à la suite des déclarations récentes de l’inspecteur général de la police nationale, qui a reconnu que certains des suspects dans les procès pour haute trahison de Caprivi avaient été soumis à la torture (art. 2, 6 et 15).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire en sorte que les procès pour haute trahison de Caprivi soient menés avec diligence , en veillant à ce que tous les détenus bénéficient rapidement d ’ un procès équitable et à ce que les éléments de preuve obtenus par la torture soient écartés . L ’ État partie devrait immédiatement prendre des mesures efficaces pour garantir que toutes les allégations de privation de s gar anties juridiques fondamentales, d ’ actes de torture et de décès en détention donnent effectivement lieu à une enquête impartiale.

Impunité pour les actes de torture

Le Comité prend note de la politique de réconciliation nationale de l’État partie, qui a été adoptée après l’indépendance et inscrite dans le préambule de la Constitution, mais constate avec préoccupation que de graves allégations faisant état d’actes de torture commis pendant les luttes pour la libération n’ont pas fait l’objet d’une enquête, ce qui pourrait conduire à l’impunité pour ces crimes. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de violations massives des droits de l’homme, y compris d’actes de torture, commises pendant l’état d’urgence déclaré après la tentative de sécession dans la région de Caprivi en août 1999. En outre, il note avec préoccupation que l’état d’urgence a rendu prescriptibles des infractions graves telles que la torture, ce qui a fait obstacle à l’ouverture d’enquêtes sur les actes commis pendant cette période et à l’engagement de poursuites contre leurs auteurs. Le Comité est également préoccupé par des informations indiquant qu’aucune enquête n’a été menée sur les allégations récentes de torture mettant en cause des membres des forces de l’ordre (art. 2).

Le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ interdiction absolue de la torture est une norme de jus cogens reconnue et que le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention stipule clairement qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu ’ elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture. L e fait de soumettre les actes de torture à des règles d ’ amnistie ou de prescription est contraire à l ’ objet et au but de la Convention ainsi qu ’ à la jurisprudence du Comité. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations d ’ actes de torture et de mauvais traiteme nts donnent lieu à une enquête et à des poursuites et à ce que les personnes reconnues coupables de ces faits soient condamnées à des peines appropriées, y compris s’il s ’ agit d es actes commis dans le contexte de la lutte pour la libération et pendant l ’ état d ’urgence, en août 1999. L’État partie devrait aussi veiller à ce que toutes les allégations de torture mettant en cause des membres des forces de l’ordre fassent l’objet d’une enquête et de poursuites et à ce que les personnes déclarées coupables de ces actes soient condamnées à des peines appropriées.

Compétence universelle

Le Comité prend note de ce que le projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture prévoit l’établissement de la compétence universelle pour le crime de torture, mais il note avec préoccupation qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 8 de ce projet, l’engagement de poursuites contre un agent de l’État pour des actes de torture commis en dehors du territoire namibien est subordonné à l’autorisation écrite du Procureur général (art. 5).

Avant d ’ adopter le projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture, l ’ État partie devrait en modifier le paragraphe 2 de l ’ article 8 pour que l ’ exercice de la compétence universelle dans les affaires de torture ne soit pas laissé à la seule discrétion du Procureur général.

Non-refoulement

Le Comité relève que le projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture prévoit l’interdiction du refoulement, conformément à la Convention, et prend acte des assurances données par la délégation selon lesquelles aucune personne n’a été expulsée vers un pays où elle risquait d’être soumise à la torture. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que le paragraphe 1 de l’article 24 de la loi no 41 de 1999 relative à la reconnaissance et à la réglementation du statut de réfugié prévoit, sous réserve des dispositions de son article 26, la possibilité d’expulser des réfugiés reconnus et des personnes bénéficiant d’une protection si cela est dans l’intérêt de la sécurité nationale, entre autres motifs. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, ni adhéré à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ni à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Le Comité accueille avec intérêt les renseignements fournis par la délégation sur le nombre de réfugiés congolais actuellement présents sur le territoire de l’État partie, mais regrette l’absence d’informations sur leur statut juridique et sur le nombre et l’origine de ceux à l’encontre desquels des ordonnances de renvoi (avis d’expulsion) ont été émises. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que la loi no 7 de 1993 relative au contrôle de l’immigration dispose que les personnes reconnues coupables de sodomie ont l’interdiction d’entrer sur le territoire namibien (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger le paragraphe 1 de l ’ article 24 de la loi n o  41 de 1999 relative à la reconnaissance et à la réglementation du statut de réfugié afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l ’ article 3 de la Convention, lequel é dicte l’interdiction absolue d’expulser une personne vers un État où elle risque d’être soumise à la torture  ;

b) De ratifier la Convention de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie  ;

c) D’annuler toute ordonnance de renvoi ( avis d ’ expulsion ) émise à l’encontre de demandeurs d ’ asile provenant de l ’ est de la République démocratique du Congo et d ’ autoriser ces demandeurs d ’ asile à rester en Namibie jusqu ’ à ce que la situation en République démocratique du Cong o soit propice à un rapatriement librement consenti  ;

d) De veiller à ce que les personnes qui courent le risque d ’ être persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ne soient pas refoulées et aient accès à l ’ asile dans des conditions d ’ égalité et sans discrimination  ;

e) D ’ abroger les dispositions de la loi n o  7 de 1993 relative au contrôle de l ’ immigration qui interdisent à une personne reconnue coupable de sodomie d ’ entrer sur le territoire n amibie n .

Violence sexuelle et sexiste, y compris violence familiale et violences faites aux enfants

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour sensibiliser le public à la question des violences faites aux femmes et aux enfants, mais il partage les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’homme concernant le nombre élevé de femmes tuées par leur conjoint ou compagnon (voir CCPR/C/NAM/CO/2, par. 23), et d’enfants victimes de violences sexuelles, notamment de viol. Le Comité s’inquiète en outre de l’inaction de l’État face aux allégations de viol émanant de femmes appartenant à la communauté san. Le Comité s’inquiète également du faible nombre de poursuites intentées contre les auteurs présumés de viol et de l’absence de mécanisme permettant d’obtenir la délivrance immédiate d’ordonnances de protection et relève avec préoccupation les informations montrant que des affaires de viol sont jugées par des tribunaux coutumiers, qui n’établissent pas la responsabilité pénale de l’auteur et sont susceptibles de ne pas indemniser pleinement les victimes.

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mieux faire connaître le phénomène des violences faites aux femmes et aux enfants. Il devrait également veiller à ce que les enfants soient sensibilisés à cette question et, à cette fin, former les enseignants, en utilisant les nouvelles technologies de l’éducation, en mettant en place des cours de formation et en élaborant des programmes d’enseignement et des manuels scolaires. Il devrait veiller à ce que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sans délai sur les allégations de violence, notamment de viols d’enfants et de femmes, dont de femmes appartenant à la communauté san , et à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées. L’État partie devrait dispenser une formation spécialisée aux membres de police et aux fonctionnaires chargés de faire respecter la loi afin de les sensibiliser aux violences sexuelles. Il devrait prendre des mesures efficaces pour mettre en place des programmes spéciaux et instaurer des peines distinctes pour les cas dans lesquels la victime est mineure et, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, tenir compte de la stigmatisation dont les enfants victimes de violences peuvent faire l’objet, de leur besoin particulier de mesures de renforcement de la confiance et de l’impossibilité pour eux de saisir la justice. L’État partie devrait fortement réprouver le règlement extrajudiciaire d’affaires de violence sexuelle et veiller à ce que tous les tribunaux, y compris les tribunaux coutumiers, rendent la justice dans le respect du principe de la primauté du droit et des normes internationales relatives aux droits de l’homme.

Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués sont soumis à des mauvais traitements en détention et que les femmes transgenres sont détenues avec des hommes, ce qui les expose à un risque élevé d’agression sexuelle. Le Comité est également préoccupé par des informations montrant que les cas de violence, de harcèlement et de mauvais traitements, de viol et de meurtre de lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués ne font pas l’objet d’enquêtes et que les auteurs de ces actes ne sont ni poursuivis ni punis. Le Comité relève aussi avec inquiétude les informations faisant état de violences infligées à des homosexuels par des membres des forces de l’ordre et par la stigmatisation que subissent ces personnes, compte tenu en particulier du fait que les relations sexuelles entre hommes adultes consentants constituent une infraction pénale.

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués contre les menaces et contre toute forme de violence , en particulier dans les lieux de détention, notamment en séparant les femmes transgenres des détenus de sexe masculin. L ’ État partie devrait veiller à ce que les cas de violence à l ’ égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués fassent immédiatement l’objet d’ enquê tes impartiales et approfondies et à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine. L’État partie devrait examiner la possibilité de dépénaliser les relations sexuelles e ntre hommes adultes consentants.

Pratiques traditionnelles néfastes

Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation concernant les mesures prises pour garantir que les pratiques traditionnelles respectent la dignité humaine, mais il reste préoccupé par la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes et aux filles. En particulier, il est préoccupé par la coutume dénommée « olufuko », dans le cadre de laquelle des mariages d’enfants sont célébrés et des rites d’initiation sexuelle pratiqués, et par le fait que ces actes ne font pas l’objet d’enquêtes et que les responsables ne sont ni poursuivis et ni condamnés à des peines.

L ’ État partie devrait continuer de mener des campagnes intensives d’information afin de sensibiliser les communautés et l’ensemble de la population namibienne aux effets des pratiques traditionnelles préjudiciables. L ’ État partie devrait redoubler d’ efforts pour éliminer ces pratiques en les érigeant en infraction, en menant des enquêtes et en poursuivant les responsables, dont les chefs traditionnels qui participent à ces rites et les encouragent .

Stérilisation forcée de personnes infectées à VIH

Le Comité prend note de la directive sur les méthodes de planification familiale et la stérilisation que le Ministère de la santé et des services sociaux a publiée à la suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême de Namibie en l’affaire Government of Namibi a v. LM and others , dans lequel la stérilisation forcée de personnes infectées à VIH a été déclarée inconstitutionnelle. Le Comité demeure toutefois préoccupé par l’absence de renseignements sur les mesures législatives et administratives spécifiques prises par l’État partie pour mettre la pratique en conformité avec la Constitution et pour prévenir et incriminer la stérilisation forcée de personnes infectées à VIH.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures législatives et des politiques pour prévenir et incriminer la stérilisation forcée de personnes infectées à VIH, en particulier en définissant clairement l ’ obligation d ’ obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de l ’ intéressé avant une opération de stérilisation et de faire mieux connaître l’existence de cette obligation au personnel médical.

Administration de châtiments corporels aux enfants

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 3 de 2015 relative à la prise en charge et à la protection de l’enfant, qui complète la loi no 16 de 2001 relative à l’éducation et incrimine l’administration de châtiments corporels dans la famille, dans le système pénal et dans les structures assurant une protection de remplacement, mais il est préoccupé par l’absence de renseignements sur son application effective et sa mise en œuvre.

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les lois interdisant les châtiments corporels soient effectivement appliquées et à ce que toute s les allégation s de châtiments corporels fassent l’objet d’une enquête et à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine . L ’ État partie devrait également mener des campagnes de sensibilisation sur les effets préjudiciables des châtiments corpor els sur les enfants et informer le public de l’interdiction frappant ce type d’acte .

Violence à l’égard des personnes vendant des services sexuels

Le Comité est préoccupé par les allégations et informations faisant état de sévices et de mauvais traitements infligés à des personnes vendant des services sexuels par certains éléments insubordonnés de la police namibienne et par certains membres du personnel médical. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que des meurtres de personnes vendant des services sexuels n’ont pas donné lieu à des enquêtes et que les auteurs n’ont été ni poursuivis, ni condamnés à des peines appropriées.

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres voulues pour empêcher que les personnes vendant des services sexuels ne soient soumis es à la torture et à des mauvais traitements , ouvrir une enquête en cas de signalement d’actes de ce type, poursuivre les responsables présumés et condamner ceux qui sont reconnus coupables à des peines appropriées . L ’ État partie devrait en outre prendre des mesures de toute urgence afin que les meurtres signalés de personnes vendant des services sexuels fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites et que les individus reconnus coupables de ces meurtres soient condamnés à des peines adéquates.

Traite des êtres humains

Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’État partie ait ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, il n’est pas encore doté d’une législation réprimant expressément la traite. Le Comité est également préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées, alors qu’on dispose d’informations indiquant que des femmes et des enfants sont victimes de traite dans l’État partie.

L ’ État partie devrait adopter une législation réprimant la traite qui permette de poursuivre les responsables conformé ment aux normes internationales, et enquêter sur to ute personne soupçonnée de traite, la poursuivre et, si elle est reconnue coupable, la condamner à une peine appropriée .

Collecte de données

Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations se rapportant à des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire, ainsi que sur les décès en détention, la violence sexiste et la traite.

L ’ État partie devrait établir des statistiques aux fins du suivi de l ’ application de la Convention à l’échelon national, en y faisant notamment figurer des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations se rapportant à des affaires de torture et de mauvais traitements, de violence sexiste et de traite des êtres humains, ainsi que sur les mesures de réparation, notamment les dommages et intérêts accordés aux victimes et les moyens de réadaptation mis à leur disposition .

Formation

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur la formation relative à des questions liées à la Constitution et aux droits de l’homme qui est dispensée aux membres de la police et des forces de défense nationales, aux agents des services pénitentiaires, aux membres des forces de l’ordre et au personnel médical, mais il demeure préoccupé par l’insuffisance de la formation dispensée aux agents de l’État et à d’autres acteurs concernés sur les dispositions de la Convention. En particulier, la formation des membres de la police nationale et de l’appareil judiciaire, du personnel pénitentiaire et des médecins s’occupant des cas de torture et de mauvais traitements laisse à désirer (art. 2, 10 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les formations spécialisées dispensées aux agents de la police nationale, aux membres de l’appareil judiciaire, dont les juges, les procureurs et les avocats, ainsi qu’au personnel médical et pénitentiaire comprennent systématiquement des modules sur les dispositions de la Convention et de son Protocole facultatif, sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), sur les principes relatifs à la surveillance de la détention provisoire et sur les normes internationales relatives à la protection des droits de l’homme. Dans le cadre de ces formations, des cas concrets devraient être étudiés et la question de la violence sexiste devrait être traitée en détail. L’État partie devrait en outre faire régulièrement le bilan des formations dispensées afin d’en mesurer l’efficacité et les incidences pour ce qui est du plein respect de l’interdiction absolue de la torture et de la prévention de cette pratique. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place des programmes de formation aux méthodes d’enquête non coercitives et de renforcer les garanties de procédure afin que la lutte contre la torture soit efficace et se fasse au moyen de techniques respectueuses de la dignité humaine et du principe de la présomption d’innocence, comme le recommande le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans son rapport intérimaire (voir A/71/298, par. 101 à 103).

Procédure de suivi

Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 7 décembre 2017, des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations concernant respectivement l ’ adoption du projet de loi relatif à la prévention et à la répression de la torture, les conditions de détention et le respect du princip e de non-refoulement (voir par.  9, 17 b) et c) , et 27 c)). L ’ État partie est également invité à informer le Comité des mesures qu ’ il entend prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

Le Comité se félicite de ce que l ’ État partie ait fait part de son intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Il lui recommande de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus de ratification de façon à en devenir partie dans les meilleurs délais, ce afin qu ’ il puisse mettre en place un mécanisme national de prévention, en assurer la pleine indépendance et le doter de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de ses tâches.

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction.

Le Comité invite l ’ État partie à adresser une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l ’ homme et à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie.

L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité et les présentes observations finales dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport, qui sera le tro isième rapport périodique, le 7  décembre 2010 au plus tard. L’État partie ayant accepté d’établir son rapport conformément à la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son troisième rapport périodique soumis en application de l’article 19 de la Convention.