Nations Unies

CED/C/MLI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

24 novembre 2020

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Rapport soumis par le Mali en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, attenduen 2012 *

[Date de réception:5novembre 2020]

Table des matières

Page

Sigles et abréviations3

I.Introduction4

II.Cadre juridique et institutionnel de l’interdiction de la disparition forcée5

A.Cadre juridique5

B.Cadre institutionnel8

III.Mise en œuvre des dispositions de la Convention8

IV.Conclusion19

Sigles et abréviations

CEDEAO

Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CNDH

Commission Nationale des Droits de l’Homme

CREDD

Cadre Stratégique pour la Relance économique et le Développement Durable

CP

Code pénal

CPP

Code de procédure pénale

PIB

Produit Intérieur Brut

I.Introduction

1.Le présent rapport, qui couvre la période allant de 2013 à 2019, a été élaboré en application de l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 20 décembre 2006, à New York, par la 61ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, signée à Paris le 6 février 2007 par le Mali, et entrée en vigueur le 23 décembre 2010.

2.Conformément paragraphe 1 de cet article : « Tout État Partie présente au Comité, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, un rapport sur les mesures qu’il a prises pour donner effet à ses obligations au titre de la présente Convention, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État Partie concerné ».

3.Il convient de signaler que le Gouvernement de la République du Mali a ratifié le 1er juillet 2009 la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

4.Aussi, en vertu des articles 31 et 32 de la Convention, le Gouvernement de la République du Mali reconnait la compétence du Comité des disparitions forcées pour connaître des communications émanant des individus ou de tout autre État Partie.

5.Le Mali est un pays exclusivement continental, enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest et couvrant une superficie de 1 241 238 km2 dont les 65 % sont désertiques ou semi‑désertiques. Il est l’un des pays les plus vastes d’Afrique de l’Ouest, partageant environ 7 651 km de frontière avec sept (7) pays que sont : l’Algérie au nord, le Burkina Faso au sud‑est, la Côte d’Ivoire au sud, la Guinée au sud-ouest, la Mauritanie au nord-ouest, le Niger à l’est et le Sénégal à l’ouest.

6.Comptant 14 528 662 habitants en 2009 (Recensement général de la Population et de l’Habitat (RGPH 2009)), la population du Mali est estimée à 19 418 000 habitants en 2018. En effet, en 2018, 47,2 % de la population totale avaient moins de 15 ans, les 15-64 ans représentaient 50,6 % et les 64 ans et plus représentaient 2,2 % de la population totale (DNP). Au rythme de croissance moyenne de 3,6 % par an, l’effectif de la population malienne doublera presque tous les 20 ans avec toutes les conséquences que cette évolution peut avoir sur les ressources naturelles, les besoins de scolarisation, d’emploi et de santé des individus.

7.Selon les résultats du dernier RGPH 2009, 70 % de la population vivent en milieu rural et travaillent dans le secteur primaire. C’est une population très jeune avec 59,5 % de moins de 19 ans. Les femmes représentent 50,4 % de la population. Le taux de croissance démographique annuel s’élève à 3,6 %.

8.Le Mali est un espace de brassage ethnique et culturel. Sa population est composée de musulmans, de chrétiens et d’animistes. L’économie malienne est basée sur l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat, le commerce, le tourisme, les mines, l’industrie, les petites et moyennes entreprises, etc.

9.Aujourd’hui, en termes de déconcentration, le Mali comprend 410 circonscriptions administratives dont dix-neuf (19) Régions, un (01) District (Bamako), soixante (60) Cercles, 330 Arrondissements et 754 Communes.

10.En termes de décentralisation, le pays compte 825 collectivités territoriales dont dix (10) Régions, un (01) District (Bamako), soixante (60) Cercles et 754 Communes.

11.Le Gouvernement a approuvé par le Décret no 2016-0889/P-RM du 23 novembre 2016 le Cadre Stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable (CREDD 2016-2018), comme document de politique nationale. Ce document est le 4ème du genre car il fait suite aux trois précédentes générations, à savoir le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP 2002-2006), le Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (CSCRP 2007-2011) et le Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (CSCRP 2012-2017). Il est une opérationnalisation de la vision de l’Etude Nationale Prospective (ENP) « Mali 2025 » et se fonde aussi sur les Objectifs du Développement Durable (ODD), les priorités du Plan pour la Relance Durable du Mali (PRED 2013-2014), du Programme d’Action du Gouvernement (PAG 2013-2018), du Programme de Développement Accéléré des Régions du Nord (PA/RN) ainsi que les nouveaux défis découlant de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.

12.Selon les résultats de mise en œuvre du CREDD, le taux de croissance du PIB de l’Economie malienne s’est établi à 5,8 % en 2016 contre 6,0 % en 2015. Ce taux était de 4,5 % en 2009 contre 5 % en 2008 et 4,3 % en 2007. Le taux de pauvreté monétaire est passé de 47,20 % en 2015 à 46,80 % en 2016 contre 47,1 % en 2013 à 46,9 % en 2014. Le seuil de pauvreté est passé de 177 000 FCFA en 2015 à 175 000 FCFA en 2016. Cette baisse est expliquée par celle du taux d’inflation annuel. De plus, le Mali est très vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux des produits de base pour l’essentiel composés de trois produits : coton, or, bétail, ses principales exportations. La pauvreté continue d’affecter près d’un malien sur deux. En dépit de la croissance économique enregistrée en 2015, 2016 et 2017, la prévalence de la pauvreté n’a pas diminué significativement.

13.Pays de civilisation millénaire, le Mali puise les racines de sa pratique politique actuelle et des droits de l’homme dans sa propre histoire et dans les valeurs universelles de démocratie.

14.Le présent rapport a été élaboré par le Comité Interministériel d’Appui à l’Elaboration des Rapports Initiaux et Périodiques de mise en œuvre des Conventions ratifiées par le Mali (CIMERAP), créé par Décret no 09-049/PM-RM du 12 février 2009, dont le secrétariat est assuré par le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale (MAECI).

15.Ce Comité regroupe les représentants nommément désignés de tous les Départements ministériels, la CNDH ainsi que ceux des organisations de la société civile afin d’assurer une plus grande implication des différents acteurs concernés dans le processus d’élaboration des rapports périodiques par notre pays.

16.Le présent rapport fait l’état des lieux au Mali de la mise en œuvre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

II.Cadre juridique et institutionnel de l’interdiction de la disparition forcée

A.Cadre juridique

a)Dispositions constitutionnelles et légales

17.La Constitution du 25 février 1992 de la République du Mali, dans ses articles 1, 3, 4, 5, 6, 9 et 10, consacre le caractère sacré et inviolable de la personne humaine, reconnait que tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne et garantit la liberté de pensée, de religion, d’opinion, de résidence, d’aller et venir à toute personne dans le respect de la loi.

18.La Constitution assure également à toutes les personnes, sans discrimination, tous les droits de l’homme. Elle souscrit à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

19.La République du Mali, en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, intègre dans sa législation interne les définitions telles qu’elles y sont contenues et les principes généraux qui y sont annoncés, en vertu de l’article 116 de la Constitution qui dispose que : « les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par l’autre partie ».

20.Toutefois, le crime de disparition forcée ne constitue pas une infraction autonome au Mali. Aujourd’hui, le Code pénal (CP) prend en compte la dimension collective de l’infraction de disparition forcée. Toutefois, concernant la dimension individuelle de cette infraction, il existe un besoin de transposition de la Convention dans la législation nationale.

b)Engagements internationaux, régionaux et bilatéraux

21.La République du Mali est partie à plusieurs instruments juridiques bilatéraux, régionaux et internationaux. Ces instruments ont vocation à s’appliquer à la situation des disparitions forcées.

1.Sur le plan international

22.Au titre des instruments internationaux, nous pouvons citer :

Le Statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale ;

La Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, du 14 décembre 1973 ;

La Convention internationale sur la prise d’otages, du 17 décembre 1979 ;

La Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, du 10 mars 1988 ;

La Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction des mercenaires, du 4 décembre 1989 ;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 19 janvier 2004 ;

La Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, du 15 décembre 1997 ;

La Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, du 9 décembre 1999 ;

La Convention-cadre d’assistance en matière de protection civile, du 22 mai 2000 ;

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles additionnels, du 15 décembre 2000 ;

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966 ;

La Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide, du 9 décembre 1948 ;

La Convention des Nations Unies contre la corruption, du 9 décembre 2003 ;

La Convention de l’Organisation de Coopération islamique (OCI) pour combattre le terrorisme international, du 1er juillet 1999.

2.Sur le plan régional

23.Au titre des instruments régionaux, il y a notamment :

La Convention de l’Organisation de l’Unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, du 14 juillet 1999 ;

La Convention A/P1/7/92 de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire, du 29 juillet 1992 ;

La Convention A/P1/7/92 de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire, du 11 janvier 1995 ;

La Convention d’extradition /A/P1/8/94 de la CEDEAO, du 12 juin 1995 ;

L’accord de coopération judiciaire entre le Mali, le Niger et le Tchad, du 9 mai 2017.

3.Sur le plan bilatéral

24.Au titre des accords bilatéraux, nous avons essentiellement :

La Convention sur le transfèrement des condamnés entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 10 mai 2018 ;

La Convention sur l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 10 mai 2018 ;

La Convention sur l’Extradition entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 10 mai 2018 ;

La Convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 10 mai 2018 ;

Le Mémorandum d’Entente en matière de Coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 10 mai 2018 ;

Le Protocole de Coopération entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et populaire sur l’échange de connaissance et d’expériences dans le domaine juridique et judiciaire, signé le 15 mai 2017 ;

La Convention sur l’entraide judiciaire en matière civile, familiale et pénale entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la Fédération de Russie, signée le 31 août 2000 ;

La Convention de Coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire, signée le 28 janvier 1983 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République du Congo Brazzaville, signée le 4 mai 1964 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République du Niger, signée le 22 avril 1964 ;

La Convention de Coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République du Ghana, signée le 31 août 1977 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, signée le 11 novembre 1964 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Guinée, signée le 20 mai 1964 ;

La Convention de Coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République Tunisienne, signée le 29 novembre 1965 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée le 8 avril 1965 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République de Haute-Volta, signée le 3 décembre 1963 ;

La Convention générale de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie, signée le 25 juillet 1963 ;

L’Accord de Coopération en matière de justice entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République Française, signée le 9 mars 1962.

B.Cadre institutionnel

a)Les structures gouvernementales de lutte contre les disparitions forcées

25.Le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme est le Département d’ancrage de la lutte contre les disparitions forcées au Mali, à travers la Direction nationale des Affaires judiciaires et du Sceau, les Cours et les Tribunaux (articles 31 et suivants, Code de procédure pénale).

26.Le Ministère de la Sécurité et de la Protection civile à travers les unités d’enquêtes de la police et de la gendarmerie.

27.Le Ministère de la Défense et des anciens Combattants à travers les structures opérationnelles de l’État-major général des armées, la Direction de la justice militaire, les unités prévôtales de la gendarmerie et les unités d’enquêtes de la gendarmerie.

b)Les autres structures de lutte contre les disparitions forcées

28.Les autres structures de lutte contre les disparitions forcées sont, entre autres :

La Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) ;

Les Organisations et associations de protection et de défense des droits de l’homme et de la Société civile intervenant sur le territoire malien.

III.Mise en œuvre des dispositions de la Convention

Article 1

29.Au Mali, aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée.

30.Les mesures d’ordre administratif, notamment la mise en place de l’état d’urgence, n’impactent en rien l’application effective de l’interdiction des disparitions forcées.

31.Les textes en vigueur ne prévoient pas de déroger à l’interdiction de la disparition forcée. Pendant l’état de guerre ou d’instabilité, les Forces de Défense et de Sécurité sont engagées suivant des règles d’engagement et dans le strict respect des Conventions de Genève et de ses 3 Protocoles additionnels dont le Mali est signataire.

32.En effet, cette interdiction est également sous tendue par les dispositions du Code de justice militaire. Cependant, l’article 28 du Code pénal dispose « Il n’y a ni crime ni délit :

1.Lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ou de légitime défense de soi –même ou d’autrui ;

2.Lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ;

3.Lorsqu’il a agi en vertu d’un commandement de la loi ou d’un ordre de l’autorité légitime. ».

Article 2

33.Aucun texte législatif ou règlementaire au Mali ne définit ni la disparition forcée ni ses éléments constitutifs.

34.Cependant, nous pouvons retrouver l’esprit de cette définition dans la législation malienne en examinant les dispositions du Code pénal en son livre 3, titre et chapitre 1er (article 1er) : des crimes contre l’humanité (chapitre I, article 29, point i). Sont alors invoquées les dispositions des articles 237 à 244 du Code pénal relatives aux arrestations illégales, séquestrations de personnes, prises d’otages, enlèvements de personnes, traites, gages et servitudes de personnes, trafics d’enfants ou celles de l’article 29 du même texte lorsque l’infraction peut prendre la qualification de crime contre l’humanité.

Article 3

35.En matière d’interdictions et de poursuites, prévues à l’article2 ci-dessus de la Convention, le Code pénal malien s’applique. Il s’agit des dispositions de la section IX, paragraphe I du Code portant sur les arrestations illégales et séquestrations de personnes de la prise d’otage, notamment de l’article 237 à 242.

Article 4

36.À l’article 29 ci-dessus cité, le Code pénal incrimine la disparition forcée.

37.Cependant aucun texte législatif ne fait de la disparition forcée une infraction pénale autonome conformément à l’esprit de l’article 2 de la Convention. Elle est cependant suffisante à elle seule pour qualifier l’infraction de crime contre l’humanité et entrainer une condamnation à mort contre son auteur.

38.La distinction fondamentale entre l’infraction de disparition forcée et les autres infractions similaires, telles que l’enlèvement ou l’arrestation arbitraire réside dans le fait que la première est qualifiée de crime contre l’humanité, imprescriptible et punie de la peine de mort (article 32) tandis que les secondes sont qualifiées de crimes punis de la réclusion à perpétuité ou réclusion à temps, donc prescriptibles (articles 237 et suivants du CP).

39.Sauf si cette infraction est érigée en infraction autonome séparée de celle de crime contre l’humanité pour recevoir une sanction différente.

Article 5

40.Dans le Code pénal (article 29), la disparition forcée est citée parmi les actes qualifiés de crimes contre l’humanité tel que prévu par le droit international, et comme tel, elle est imprescriptible et punie de la peine de mort (article 32).

41.Par conséquent, tout auteur ou complice de disparition forcée sera puni de la peine de mort.

Article 6

42.L’article 28 du CP énonce la non-responsabilité pénale de l’État. Aussi, les principes de la responsabilité pénale, conformément au droit international, ne sont pas correctement définis.

43.Cette disposition du Code pénal énonce la non-responsabilité pénale tout court. En effet, c’est à travers la théorie de la complicité, prévue par les articles 24 et 25 du Code pénal qu’il sera possible, au Mali, d’établir la responsabilité pénale d’un complice actif (supérieur hiérarchique par exemple), par ordre, aide, assistance, injonction … ou passif pour avoir laissé commettre une infraction, sans risque pour eux et pour les leurs, sans rien faire pour empêcher sa commission et sans en dénoncer le ou les auteurs.

44.Cependant, la législation nationale permet la poursuite contre toute personne publique impliquée dans un cas de disparition forcée. Exemple :

L’affaire Ministère public contre Amadou Haya SANOGO et autres, pendante devant la Cour d’Assises ;

Le cas du journaliste Birama TOURE demeure encore non élucidé. Cependant, des enquêtes sont en cours.

45.À ce jour, il n’existe pas de régime de responsabilité pénale qui vise expressément les cas de violation de la Convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Néanmoins, pour ce qui concerne la responsabilité du supérieur, l’article 24 du Règlement du Service dans l’Armée (RSA) bannit « l’obéissance passive » dès lors que le subordonné est tenu de pénétrer l’esprit et la lettre des ordres au risque d’engager sa propre responsabilité.

46.Lorsqu’un subordonné écope d’une sanction suite à un refus d’exécuter un ordre qu’il juge illégal, il a le droit d’exercer les voies de recours administratifs (hiérarchique et gracieux).

Article 7

47.Relecture en cours du Code pénal, en attendant, c’est l’article 29 du Code pénal qui est d’application et qui fait de cette infraction un crime contre l’humanité.

48.Au Mali, en matière de disparition forcée, la peine maximale établie par le Code pénal est la peine de mort.

49.Toutefois, le Code admet, en son article 18, les circonstances atténuantes dont toute personne peut bénéficier si elle réunit les conditions prévues par les articles 18 à 23 du Code de procédure pénale, en l’occurrence n’avoir jamais fait l’objet de condamnation pénale antérieure.

50.Les circonstances aggravantes de la disposition forcée ne sont pas prévues dans le Code pénal malien, car il prévoit déjà la peine maximale.

Article 8

51.Au Mali, le crime de disparition forcée est imprescriptible.

52.La loi malienne établie l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

Article 9

53.Le crime de disparition forcée n’est pas régi par une loi spéciale permettant de le circonscrire conformément aux normes du droit international applicables.

54.Le Mali est compétent pour tout crime commis sur son territoire peu importe les lieux d’arrestation de l’auteur ou de sa nationalité.

55.L’entraide peut intervenir en toute matière et son champ est illimité.

56.La compétence universelle peut être évoquée. « Extrader ou juger » tel est la position du Mali en matière de coopération pénale internationale.

Article 10

57.En dehors de l’Affaire Amadou Aya SANOGO et complices, il n’existe pas d’autres cas spécifiques de personne soupçonnée d’avoir commis un crime de disparition forcée au Mali .

58.Toutefois, des cas d’allégation de disparition forcée ont fait l’objet d’ouverture d’enquête par les autorités compétentes.

59.Les dispositions législatives ou les mesures de sûreté prévues par la législation du Mali tirent leur fondement de l’article 240 du Code de procédure pénale qui traite de la procédure d’extradition devant la Chambre d’accusation. S’agissant de l’arrestation provisoire, les droits de la personne arrêtée provisoirement sont énoncés dans les articles 238 et 239 du CPP ; celle-ci a le droit d’avoir un conseil et même de contester la validité de la procédure exécutée à son encontre devant la Chambre d’accusation.

60.Les articles 9 aliéna 3 et 10 aliéna 1 de la Constitution garantissent les droits de toute personne privée de sa liberté d’être assistée par un conseil et de se faire examiner par un médecin de son choix. Ces dispositions consacrent ainsi les droits de la défense en République du Mali. À celles-ci s’ajoutent les dispositions des articles 76 et 77 du Code de procédure pénale.

Article 11

61.La loi no 01-079 du 20 août 2001 portant Code pénal au Mali, en ses articles 29 et 32, constitue le cadre juridique permettant à la Cour d’Assises d’exercer la compétence universelle en matière d’infraction de disparition forcée. Seule la Cour d’assises de Bamako est compétente en vertu de la loi no 2019-050 du 24 juillet 2019 portant modification de la loi no 01-080 du 20 août 2001, modifiée, portant Code de procédure pénale étendant la connaissance de cette matière a la compétence exclusive du Pôle Judiciaire Spécialisé de lutte antiterrorisme.

62.Les autorités compétentes sont :

Les procureurs, pour les poursuites ;

Les cabinets d’instruction, pour l’instruction au 1er degré et les Chambres d’accusation pour le 2ème degré de l’instruction et en matière d’extradition ;

Les cours d’assises, pour les jugements des infractions de disparitions forcées au cas où l’État du Mali décide de poursuivre et de ne pas extrader ; tous ces procureurs, juges d’instruction, chambre d’accusation et cour d’assises relèvent de la Cour d’Appel de Bamako dont relève le Pôle Judiciaire Spécialisé.

63.La législation nationale ne fait pas de distinction entre les nationaux et les étrangers. Une fois que l’infraction est constituée, ce sont les modes de preuves et les mesures garantissant un procès équitable dans la législation qui s’appliquent.

64.Dans la législation du Mali, les autorités militaires ne peuvent ni mener des enquêtes ni engager des poursuites en cas de disparition forcée (article 31 du CPP), excepté les cas mettant en cause les forces de défense et de sécurité.

Article 12

65.Au Mali, aucune juridiction n’a été spécialement désignée pour la prise en charge des dossiers de disparition forcée, ce qui élargit la compétence à toutes les juridictions.

66.La disparition forcée, au sens de l’article 29 du Code pénal, relève de la compétence exclusive du Pôle Judiciaire Spécialisé.

67.Des poursuites sont ouvertes en cas de plaintes ou de dénonciation de disparition forcée. Même en l’absence d’une plainte ou d’une dénonciation, le Procureur peut d’office enclencher des poursuites sur la base de simples présomptions.

68.Le Procureur fait un soit-transmis aux unités d’enquêtes (des prévôtés au cas où le fait est imputé à des militaires) pour mener toutes investigations, recueillir tous les indices, faire des perquisitions, auditionner des témoins et dresser un procès-verbal qu’elles transmettent au Procureur compétent. Après examen du procès-verbal et en cas d’infraction avérée ou même de soupçon d’infraction de disparition forcée, obligation est faite au procureur de transmettre le dossier au cabinet d’instruction pour information qui l’instruira à charge et à décharge contre personne nommée ou contre X. À l’issue de l’instruction, le Juge d’instruction prendra soit une ordonnance de non-lieu au cas où les faits ne sont pas établis, soit une ordonnance de transmission de dossier au Procureur général au cas où les faits sont établis. Le Procureur général saisit la Chambre d’accusation qui procède à la mise en accusation devant la Cour d’Assises, chargée de juger l’affaire.

69.En cas de violation du principe de l’égalité de tous devant la loi pour les cas de disparitions forcées ou de non-protection des victimes, celles-ci ont la possibilité de saisir l’Espace d’interpellation démocratique (EID) ou le Médiateur de la République.

70.À cet égard, il convient de noter le processus d’élaboration en cours d’un avant-projet de loi sur les enquêtes spéciales et d’un avant-projet de loi sur la protection des témoins et des victimes permettront de renforcer l’arsenal juridique de lutte contre les disparitions forcées et de de mieux garantir la protection des victimes et des témoins des cas de disparitions forcées.

Article 13

71.Au Mali, les infractions donnant lieu à extradition ne sont pas déterminées, la disparition forcée n’est donc pas expressément citée dans les traités et accords comme une infraction donnant lieu à extradition. Les situations sont examinées au cas par cas.

72.Dans la loi, la disparition forcée n’est pas qualifiée d’infraction politique ou liée à une politique, elle est qualifiée tout simplement de crime contre l’humanité.

73.Les Chambres d’accusation des Cours d’Appel de Bamako, Kayes et Mopti sont les juridictions qui statuent en matière d’extradition. Elle est refusée pour des motifs purement raciaux, religieux, politiques, laissés à l’appréciation à chaque État. Voir les articles 237 à 249 du Code de procédure pénale.

Article 14

74.Pour les accords et traités conclus par le Mali en matière d’entraide judiciaire, se référer au point A de la deuxième partie du rapport.

75.Le Mali négocie dans les traités qu’il conclut avec d’autres pays l’entraide judiciaire la plus large possible sans détermination des infractions concernées.

Article 15

76.Devant les juridictions, la prise en charge des victimes est faite si elles se constituent régulièrement parties civiles.

77.Des réflexions sont en cours pour légiférer sur la protection des victimes et témoins.

Article 16

78.Le Mali ne dispose pas encore d’une loi relative à la coopération pénale internationale (un avant-projet de loi est en cours d’élaboration avec l’appui technique de l’ONUDC). Cependant, dans la plupart des accords ou traités bilatéraux signés avec d’autres États, il y est fait mention du principe selon lequel l’extradition ne peut s’opérer que pour les infractions décrites dans la demande.

79.En aucun cas l’État ne peut invoquer une quelconque pratique pour refuser l’extradition.

80.Le Premier ministre est l’autorité (administrative) qui prend in fine par décret, c’est‑à‑dire après la phase juridictionnelle, la décision d’extradition.

81.Quand le Premier ministre prend la décision d’extrader une personne, celle-ci n’a aucune possibilité ni de contester cette décision, ni d’obtenir son réexamen. De même, lorsqu’il refuse l’extradition d’une personne, aucune voie de recours n’est ouverte.

82.En général, les agents de l’État chargés d’expulser ou d’extrader les étrangers bénéficient de formation en matière de procédure de remise de police à police (coopération policière).

Article 17

83.Conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements, cruels, inhumains ou dégradants, la loi no 2016-036 du 7 juillet 2016 portant création de la CNDH confère en son article premier, à cette Autorité administrative Indépendante le mandat du Mécanisme national de Prévention de la Torture.

84.L’article 6 de la loi susvisée prescrit, à cette fin, que la CNDH est chargée de :

Faire des visites régulières ou inopinées dans tous les lieux de privation de liberté et tous autres lieux où des personnes seraient détenues ;

Examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté et prévenir la torture et autres peines ou traitements, cruels, inhumains ou dégradants ;

Formuler des recommandations à l’intention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

Présenter des propositions, faire des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en matière de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

Faire le suivi des recommandations formulées et de coopérer avec les organes et mécanismes des Nations unies ainsi qu’avec les organisations et organismes internationaux, régionaux et nationaux qui œuvrent en faveur du renforcement de la protection de toutes les personnes contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

85.Les articles 237 et 238 du Code pénal malien interdisent formellement la détention secrète ou non officielle d’une personne.

L’article 237 dispose que : « Seront punis de cinq à vingt ans de réclusion et facultativement d’un à vingt ans d’interdiction de séjour : 1) Ceux qui, sans ordre des autorités publiques et hors les cas où la loi ordonne de saisir les prévenus, notamment les cas de crime ou de flagrant délit, auront arrêté, détenu ou séquestré une personne quelconque ; 2) Ceux qui, en connaissance de cause, auront prêté un lieu pour exécuter la détention ou la séquestration. Les coupables encourront la peine de mort, si les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées ont été soumises à des tortures corporelles. Si la séquestration a été accompagnée soit de violences n’ayant pas le caractère de tortures corporelles, soit de menaces de mort, la peine sera celle de la réclusion à perpétuité ».

L’article 238 dispose que : « Si la personne arrêtée, détenue ou séquestrée l’a été comme otage soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit, soit en un lieu tenu secret, pour répondre à l’exécution d’un ordre ou d’une condition, les coupables seront punis de la réclusion à perpétuité. Toutefois, la peine sera celle de la réclusion de dix à vingt ans si la personne arrêtée, détenue, ou séquestrée comme otage pour répondre à l’exécution d’un ordre ou d’une condition est libérée volontairement avant le cinquième jour accompli depuis celui de l’arrestation, de la détention ou de la séquestration sans que l’ordre ou la condition ait été exécutée ».

86.L’ordre de privation de liberté peut être donné conformément aux dispositions du (Code pénal par :) Code de procédure pénale par un magistrat de l’ordre judiciaire (article 10 de la Constitution du 25 février 1992) :

Le Procureur de la République ou du Procureur général ;

Le Juge d’Instruction ;

Le Président de la Chambre d’accusation ;

Les Présidents des Chambres de jugement ;

L’Officier de Police judiciaire.

87.L’article 76 du Code de procédure pénale interdit expressément à l’agent de police judiciaire toute mesure privative de liberté (garde à vue) à l’égard d’un suspect.

Article 123 : En matière correctionnelle, si la sanction encourue comporte une peine d’emprisonnement, la détention provisoire peut être ordonnée :

Lorsque la détention provisoire de l’inculpé est l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins soit une concertation frauduleuse entre inculpés et complices ;

Lorsque cette détention est nécessaire pour préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction ou pour protéger l’inculpé, pour mettre fin à l’infraction, pour prévenir son renouvellement ou pour garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice ;

Lorsque l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

Article 82 : En cas de crime flagrant et si le juge d’instruction n’est pas encore saisi, le procureur de la République peut décerner mandat d’amener contre toute personne soupçonnée d’avoir participé à l’infraction. Le Procureur de la République interroge immédiatement la personne ainsi conduit devant lui. Si elle se présente, accompagnée d’un avocat, elle ne peut être interrogée qu’en présence de ce dernier.

Article 83 : En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement, et si le juge d’instruction n’est pas saisi, le Procureur de la République peut placer le prévenu sous mandat de dépôt, après l’avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés… Le juge de paix est tenu de la même obligation pour les détentions qu’il aura ordonnées en vertu du présent article.

Article 114 : Le juge d’instruction peut, selon les cas, décerner mandat d’amener, de dépôt ou d’arrêt. Le mandat d’amener est l’ordre donné par le juge à la force publique de conduire immédiatement l’inculpé devant lui. Le juge d’instruction peut décerner mandat d’amener contre le témoin qui refuse de comparaître sur la convocation à lui donnée conformément à l’article 101 et sans préjudice des peines prévues à l’article 84 du Code pénal. Le mandat de dépôt est l’ordre donné par le juge au régisseur de la maison d’arrêt de recevoir et de détenir l’inculpé. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer l’inculpé lorsqu’il lui a été précédemment notifié. Le mandat d’arrêt est l’ordre donné à la force publique de rechercher l’inculpé et de le conduire à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, ou il sera reçu et détenu. Les mandats sont exécutés sur toute l’étendue du territoire de la République.

Article 199 : Dans les causes dont sont saisies les juridictions correctionnelles ou de police et jusqu’à l’ouverture des débats, le procureur général, s’il estime que les faits sont susceptibles d’une qualification plus grave que celle dont ils ont été l’objet, ordonne l’apport des pièces, met l’affaire en état et la soumet avec son réquisitoire à la Chambre d’accusation. Le procureur général agit de même lorsqu’il reçoit, postérieurement à un arrêt de non‑lieu prononcé par la Chambre d’accusation, des pièces lui paraissant contenir des charges nouvelles. Dans ce cas et en attendant la réunion de la Chambre d’accusation, le président de cette juridiction peut, sur réquisition du procureur général, décerner mandat de dépôt ou d’arrêt.

Article 240 : La Chambre d’accusation statue dans les formes prévues aux articles 246 et 247 ci-dessous ; jusqu’au prononcé de sa décision, sa saisine suspend toutes autres procédures et les mesures et effets s’y rattachant exercés contre la personne extradée ; celle-ci peut toutefois, pendant la période ci-dessus spécifiée, être provisoirement détenue par mandat de dépôt du procureur de la République à l’effet de garantir sa comparution devant la Chambre d’accusation.

Article 76 : Pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire peut être amené à garder à sa disposition une ou plusieurs des personnes visées aux articles 73, 74 et 75 pendant quarante-huit heures. Ces mêmes personnes peuvent encourir les sanctions prévues au Code pénal relatives à la répression de l’opposition à l’autorité légitime.

88.L’autorisation de communiquer pour une personne privée de liberté est garantie par l’article 76, paragraphe 4 en ces termes : « Le procureur de la République peut, d’office ou à la requête d’un membre de la famille de la personne gardée à vue, désigner un médecin qui examinera cette dernière, à n’importe quel moment du délai de garde à vue ». Le paragraphe 6 dudit article dispose que : « Au cours de l’enquête préliminaire, toute personne mise en cause ou victime d’une infraction a le droit de se faire assister à sa diligence, d’un ou plusieurs avocats de son choix ». L’article 171 paragraphe 3 dispose que : « Toutefois, les médecins experts chargés d’examiner l’inculpé peuvent lui poser les questions nécessaires à l’accomplissement de leur mission, hors la présence du juge et des conseils ».

89.Au Mali la CNDH et les autres organisations de défense des droits de l’homme, l’AMDH, le Barreau, le CICR…procèdent régulièrement à l’inspection des lieux de détention. La visite des lieux de détention relève également des procureurs, juges d’instruction et chambres d’accusation conformément aux dispositions du Code de procédure pénale.

90.Le procureur de la République aussi inspecte régulièrement les lieux de détention (Article 53 : « Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale. Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par trimestre ; il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans ces différents locaux ». L’article 218 : « Le président de la chambre d’accusation, chaque fois qu’il l’estimera nécessaire et au moins une fois par an, visite les maisons d’arrêt du ressort de la cour d’appel et y vérifie la situation des inculpés en état de détention provisoire »).

91.La Direction nationale de l’Administration pénitentiaire et de l’Education surveillée (DNAPES) est la structure chargée de la gestion des lieux de détention ; exceptées les unités d’enquêtes de police, de gendarmerie… qui relève du parquet (Procureurs de la République).

92.ces garanties sont offertes par l’article 131 du CPP (CPP) (article 131 : « L’ordonnance de mise en détention et celle de maintien en détention sont susceptibles d’appel par l’inculpé et le ministère public »).

93.Il existe des registres au niveau de tous les lieux de détention retraçant la situation des détenus.

Article 18

94.Concernant les informations sur une personne détenue, l’article 76, en ses paragraphes 4 et 6 du CP, garantit le droit de toute personne ayant un intérêt légitime d’accéder à l’information relative aux mesures prescrivant la notification faite à la famille, avocat ou toute autre personne liée à la personne détenue.

Article 19

95.Le Mali ne dispose pas de centre médical approprié pouvant traiter sur place l’ADN. Généralement, les prélèvements sont envoyés à l’étranger pour traitement.

96.Pour pallier cette insuffisance, le Mali a adopté la loi no 2018-002/ du 12 janvier 2018, portant création de la Direction générale de la police technique et scientifique. Dans la mise en œuvre de cette loi, un projet d’opérationnalisation d’un centre de traitement d’ADN est en cours au niveau du Ministère de la Sécurité et de la Protection civile.

97.En matière civile, notamment dans une affaire matrimoniale (contestation de maternité ou de paternité), les données recueillies permettent d’éclairer la religion du tribunal ; en matière pénale, par exemple dans une affaire criminelle, l’information étant secrète, les résultats sont versés dans le dossier et les objets conservés au niveau du greffe sous scellés.

Article 20

98.Selon l’article 76 du Code de procédure pénale, il n’y a pas de restriction de l’accès à l’information sur les personnes privées de liberté. Les visites aux personnes privées de liberté sont accordées à toute personne qui en fait la demande.

99.Cependant, compte tenu de la complexité de certains dossiers (atteinte à l’ordre public, sécurité nationale…), le Procureur peut, en dehors de la famille, des conseils et médecins, interdire les visites à toute autre personne ; cette compétence du Procureur relève de son pouvoir administratif et discrétionnaire. En aucun cas cependant cette mesure ne sera applicable au conseil de la personne détenue.

Article 21

100.Suivant les articles 53 et 218 du CPP, les contrôles du Procureur, du Juge d’Instruction et du Président de la Chambre d’accusation aux lieux de détention permettent de vérifier si une personne ayant bénéficié d’une remise en liberté a été véritablement libérée.

101.L’avis de remise en liberté est délivré par le Procureur au régisseur de la prison qui procède immédiatement à la libération de la personne détenue.

102.Le Procureur, le Juge d’instruction, le Président de la Chambre d’accusation et le Régisseur de prisons sont les autorités compétentes pour superviser la remise en liberté.

103.La CNDH et certaines organisations de la société civile veillent également sur le respect de la mesure.

Article 22

104.Au Mali, en matière de procédure pénale, la liberté est la règle et la détention l’exception.

105.Concernant les sanctions des entraves et des manquements à l’obligation d’être interrogé, la procédure au Mali donne la possibilité à toute personne privée de liberté de demander sa mise en liberté à tout moment et à toute étape de la procédure.

106.Par ailleurs, l’article 116 du CPP in fine dispose que : « Tout magistrat ou fonctionnaire qui a ordonné ou sciemment toléré une mesure de détention arbitraire sera puni des peines portées à l’article 76 du Code pénal ».

107.Aussi, il est à noter qu’avec le processus de relecture du CPP, des mesures sont envisagées pour contester une décision de détention arbitraire.

108.L’article 76 du CP, qui va plus loin, dispose en ses termes que : « Seront aussi punis de la peine de cinq à vingt ans de réclusion, les procureurs généraux ou de la République, les substituts, les juges ou les officiers publics qui auront retenu ou fait retenir un individu hors des lieux déterminés par le Gouvernement ou par l’administration publique, ou qui auront traduit un citoyen devant une cour d’assises, sans qu’il ait été préalablement mis légalement en accusation ».

109.Le CPP accorde des garanties dans son article 2, en ces termes : « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un conseil. Les mesures de contrainte dont cette personne peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif d’un magistrat de l’ordre judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. Il doit être définitivement statué sur la prévention ou l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable. Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ».

110.Dans son article 70, le CP dispose également que : « Les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater des détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis de la peine de cinq à vingt ans de réclusion et tenus des dommages-intérêts, lesquels seront réglés conformément aux dispositions de l’article 68 ci-dessus ».

111.Il ressort de l’article 71 que les régisseurs et les surveillants des établissements pénitentiaires qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement ou sans ordre provisoire du Gouvernement, ceux qui l’auront retenu ou refusé de le représenté à l’officier de police judiciaire ou au porteur de ses ordres sans justifier de la défense du procureur de la République ou du juge, ceux qui auront refusé d’exhiber leurs registres à l’officier de police judiciaire, seront considérés, comme coupables de détention arbitraire et punis de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 20 000 à 240 000 francs.

112.L’article 72dispose que : « Tout crime commis par un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions est une forfaiture ».

113.Dans l’article 73, il est dit que tout acte de forfaiture sera puni de cinq ans au moins et de dix ans au plus de réclusion lorsque la loi n’aura pas prévu une peine inférieure ou supérieure.

114.Au-delà du temps de détention légale, le régisseur de la maison d’arrêt doit présenter le détenu au Procureur de la République ou au Juge d’instruction selon le cas, lesquels sont tenus de le faire libérer (articles 122 à 137 du Code de procédure pénale).

Article 23

115.Toutes les personnes intervenant depuis l’enquête préliminaire, la poursuite, l’instruction, le jugement et l’incarcération bénéficient régulièrement de formations spécifiques sur les droits de l’homme.

116.D’une manière générale, une large place est réservée au Droit International Humanitaire dans les programmes de formation des Forces Armées Maliennes : Formation Commune de Base (FCB), Ecoles de formation des sous-officiers et d’officiers et autres formations classiques discontinues. L’Institut national de formation judiciaire prévoit des programmes de formation en droits de l’homme.

Article 24

117.La législation malienne ne traite pas spécifiquement des définitions de la disparition forcée et de la victime. D’une manière générale, la détermination de la qualité de victime est subordonnée aux dommages subis du fait d’une infraction. Cependant, elle n’emporte réparation que par une constitution régulière de partie civile.

118.L’instruction du juge constitue une garantie permettant de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition et sur le sort de la personne disparue.

119.À défaut d’une loi interne spécifique sur la disparition forcée, la convention sert de base pour permettre au juge d’instruire à charge et à décharge dans le but d’établir la vérité sur les circonstances de la disparition.

120.Au cours de l’instruction, les avocats des victimes sont régulièrement tenus informés de l’avancement du dossier.

121.Au cours de l’instruction, s’il est établi que l’infraction a été perpétrée et que la victime a été identifiée, le juge peut ordonner la restitution du corps ou des restes du corps à la famille.

a)Voir point 71 de l’article 19 ;

b)La réparation pour les victimes peut se faire de façon judiciaire ou extrajudiciaire et celle-ci peut être matérielle, physique et morale ;

c)La procédure concernant le statut juridique d’une personne disparue ou absente est décrite dans les articles 62 et suivants de la loi no 2011-087 du 30 décembre 2011 portant Code des personnes et de la famille au Mali :

Article 62 : « Lorsqu’une personne a cessé de paraître à son domicile et à sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles depuis plus de trois ans, tout intéressé ou le Ministère Public par voie d’action, peuvent former une demande de déclaration de présomption d’absence. La demande est introduite par simple requête devant le tribunal civil du dernier domicile connu du présumé absent, à défaut celui de sa dernière résidence ».

Article 63 : « La requête est communiquée au parquet qui fait diligenter une enquête sur le sort du présumé absent et prend toutes mesures utiles à la publication de la demande, notamment par voie de presse ou par tout autre moyen de communication, y compris à l’étranger, s’il y a lieu ».

Article 64 : « Le tribunal peut désigner un ou plusieurs parents ou alliés, ou, le cas échéant, toutes autres personnes pour représenter le présumé absent dans l’exercice de ses droits ou dans tout acte auquel il serait intéressé ainsi que pour administrer tout ou partie de ses biens. La représentation du présumé absent et l’administration de ses biens sont dans ce cas soumises aux règles applicables à l’administration légale ou à la tutelle. Il en est de même s’il y a lieu en ce qui concerne ses enfants mineurs ».

Article 65 : « Le représentant doit, dès son entrée en fonction, établir et déposer au greffe du tribunal saisi, un inventaire des biens appartenant au présumé absent. Il a pouvoir de faire des actes conservatoires et de pure administration ».

Article 66 : « Le tribunal peut, à tout moment, même d’office, mettre fin à la mission de la personne ainsi désignée. Il peut également procéder à son remplacement ».

Article 67 : « Le tribunal, au vu des résultats de l’enquête, peut constater la présomption d’absence de l’intéressé, au terme d’un délai de deux ans à compter du dépôt de la requête. Il peut confirmer les actes pris en vertu des articles 64 et 65 ci-dessus ».

Section II : de la Déclaration d’absence

Article 68 : « Le tribunal, lorsque le présumé absent ne reparaît pas, trois années après le jugement de présomption d’absence peut être saisi d’une demande aux fins de déclaration d’absence. Il sera procédé à une enquête complémentaire à la diligence du parquet ».

Article 69 : « L’absence peut être déclarée par le tribunal, à la requête de toute partie intéressée ou du ministère public, lorsqu’il se sera écoulé dix années depuis le jugement qui a constaté la présomption d’absence ».

Article 70 : « La requête aux fins de déclaration d’absence est considérée comme non avenue lorsque le présumé absent reparaît ou que la date de son décès vient à être établie, antérieurement au prononcé du jugement ».

Article 71 : « Le dispositif de la décision de déclaration d’absence passée en force de chose jugée est transcrit, à la requête du procureur de la République sur les registres de décès et de mariage du lieu du domicile de l’absent ou ceux de sa dernière résidence. Mention de cette transcription est également faite en marge des actes de naissance et de mariage de la personne déclarée absente ».

Article72 : « Le jugement déclaratif d’absence emporte, à partir de la transcription, tous les effets que le décès de l’absent aurait eus ».

Article73 : « L’annulation du jugement déclaratif d’absence peut être poursuivie, à la requête du procureur de la République ou de toute partie intéressée, lorsque l’absent reparaît ou si son existence est prouvée depuis.) ;

d)La liberté d’association est consacrée par la Constitution ;

e)Pas d’information.

Article 25

122.La législation nationale protège tout individu contre les falsifications de tout document notamment les dispositions des articles 102 et suivants du CP. Cependant elle ne spécifie pas les cas de disparition forcée d’enfant.

123.L’article 17 de l’Ordonnance no 02-062/P-RM du 5 juin 2002 portant Code de protection de l’enfant dispose clairement que l’enfant bénéficie de toutes les garanties du droit humanitaire international citées par les Conventions ratifiées.

124.L’Office national mis en place par l’État pour la prise en charge des enfants appelés pupilles de la République est un dispositif qui permet la prise en charge des enfants dont l’un des parents ou le tuteur légal sont morts, portés disparus ou déportés (la loi no 2016-058 du 27 décembre 2016 instituant les pupilles en République du Mali).

IV.Conclusion

125.Au Mali, la problématique des disparitions forcées est une réalité, comme un peu partout dans le monde. Cependant, il est utile de souligner que les cas de disparition forcée sont très rares. Le Gouvernement fournit de gros efforts afin de protéger au mieux l’ensemble des populations.