Nations Unies

CERD/C/ZMB/CO/17-19

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

3 juin 2019

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Zambie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la Zambie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques (CERD/C/ZMB/17-19) à sa 2724e séance (voir CERD/C/SR.2724), le 2 mai 2019. À sa 2734e séance, le 9 mai 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques. Il relève toutefois que le rapport a été soumis avec neuf ans de retard et invite l’État partie à respecter à l’avenir les délais fixés pour la soumission des rapports.

3.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pu envoyer une délégation pour présenter son rapport et engager un dialogue avec le Comité à sa première séance, le 1ermai 2019, mais salue les efforts déployés pour qu’une représentante de la Mission permanente à Genève soit présente le lendemain. Toutefois, la représentante n’a pas été en mesure de répondre aux questions posées et le Comité a estimé que les réponses, qui devaient lui être communiquées quarante-huit heures après la séance du 2 mai 2019 mais lui étaient parvenues soixante-douze heures après, n’étaient pas à la hauteur de ses attentes. Le Comité souhaite rappeler à l’État partie que le dialogue est un élément clef de l’examen du rapport et que c’est une opportunité unique pour le Comité et l’État partie de nouer un dialogue constructif et approfondi, ce qui permet au Comité, parallèlement au rapport soumis par l’État partie et à d’autres renseignements communiqués, de constater les progrès accomplis et d’indiquer à l’État partie les domaines où de nouveaux efforts sont nécessaires. Il exhorte l’État partie à être présent et prêt à dialoguer de façon constructive avec lui dans le cadre de l’examen du prochain rapport périodique.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les mesures législatives, institutionnelles et générales ci-après prises par l’État partie :

a)L’adoption, en 2015, de la loi no 15 portant modification de la loi relative à l’emploi et, en 2008, de la loi no 8 portant modification de la loi relative aux relations industrielles et professionnelles, qui disposent que la race, la couleur et l’appartenance ethnique et tribale d’un employé ne peuvent pas constituer un motif valable pour mettre fin à la relation de travail ;

b)L’adoption, en 2015, de la loi no 22 relative à l’équité et à l’égalité entre les sexes et, en 2014, de la politique nationale révisée en faveur de l’égalité des sexes ;

c)La création, en 2010, du Comité sur l’intégrité du système d’immigration, qui est chargé de prévenir les actes de discrimination raciale et de xénophobie commis par des agents du Service de l’immigration et d’enquêter sur ces actes.

5.Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2011.

6.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À ce sujet, le Comité se félicite que l’État partie ait reçu la visite d’un grand nombre de titulaires de mandat.

C.Préoccupations et recommandations

Collecte de données

7.Le Comité relève que le document de base commun et le rapport de l’État partie contiennent des données statistiques sur les groupes ethniques et les réfugiés. Il note toutefois avec préoccupation que les données proviennent principalement du recensement de 2000 et du rapport analytique national du recensement de la population de 2003 et regrette l’absence des données ventilées et actualisées nécessaires pour évaluer correctement la situation de différents groupes, en particulier les minorités ethniques (notamment les Asiatiques et les Européens), les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, ce qui limite le Comité dans sa capacité d’analyser la situation de ces groupes, notamment de connaître leur statut socioéconomique et les éventuels progrès réalisés grâce à la mise en œuvre de stratégies et de programmes ciblés (art. 1).

8. Conformément aux paragraphes 10 à 12 de ses principes directeurs en matière d’établissement de rapports (CERD/C/2007/1) et à ses recommandations générales n o 4 (1973) concernant l’établissement de rapports par les États parties en application de l’article premier de la Convention et n o 8 (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de recueillir et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données complètes et actualisées sur la composition démographique du pays ainsi que des données ventilées sur la situation socioéconomique des minorités ethniques, notamment les Asiatiques et les Européens, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, afin que le Comité dispose d’une base empirique pour évaluer l’exercice, dans l’État partie, des droits consacrés par la Convention.

Application de la Convention dans l’ordre juridique interne

9.Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour intégrer pleinement la Convention dans la législation nationale. Il regrette également de ne pas disposer d’informations sur les d’affaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées devant les tribunaux nationaux ou appliquées par eux (art. 2).

10.Le Comité invite l’État partie, comme précédemment (CERD/C/ZMB/CO/16, par. 10), à incorporer pleinement la Convention dans son droit interne et lui demande de faire figurer dans le prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes prises à cet égard. En outre, il recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées, notamment en s’appuyant sur la formation, pour faire en sorte que les juges, les procureurs, les avocats et les membres des forces de l’ordre connaissent suffisamment les dispositions de la Convention pour les appliquer selon qu’il convient. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples précis d’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Définition de la discrimination raciale

11.Le Comité relève que le référendum constitutionnel, organisé en août 2016 pour modifier la Charte des droits de l’État partie, n’a pas abouti et que par conséquent, les articles 11 et 23 de la Constitution n’ont pas pu être modifiés, contrairement à ce que le Comité avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CERD/C/ZMB/CO/16, par 9 et 11). Il reste préoccupé par ce qui suit :

a)Si elle inclut la « race », l’« appartenance tribale », le « lieu d’origine » et la « couleur » parmi les motifs de discrimination interdits, la définition de la discrimination raciale donnée aux articles 11 et 23 de la Constitution n’est toujours pas pleinement conforme à l’article premier de la Convention, puisqu’elle continue d’exclure « l’ascendance » et « l’origine nationale ou ethnique » ;

b)Le paragraphe 4 de l’article 23 de la Constitution autorise toujours à déroger durablement à l’interdiction de la discrimination à l’égard des non-ressortissants et aux questions relevant du droit des personnes et du droit coutumier ;

c)En vertu de l’article 11 de la Constitution, le droit de chacun de ne pas être l’objet de discrimination ne s’applique qu’à un nombre restreint de droits, essentiellement civils et politiques ;

d)Il n’existe pas de loi générale contre la discrimination qui soit conforme à l’article premierde la Convention ;

e)Des dispositions discriminatoires existent encore dans des lois, notamment dans le droit coutumier de certains groupes ethniques (art. 1 et 2).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’étudier d’autres moyens de modifier les articles 11 et 23 de la Constitution afin de les rendre conformes à la Convention, en incluant l’« ascendance » et l’« origine nationale ou ethnique » parmi les motifs de discrimination interdits, en assurant la pleine application, sans restriction aucune, de l’interdiction de la discrimination raciale et en garantissant le droit de chacun de ne pas faire l’objet de discrimination dans la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ;

b) D’adopter une loi générale contre la discrimination, qui comporte une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention ;

c) De passer en revue les dispositions législatives, notamment celles du droit coutumier, qui peuvent donner lieu à des formes de discrimination directes ou indirectes et d’introduire si nécessaire les modifications voulues, conformément à la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

13.Le Comité note avec satisfaction que l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme a de nouveau accordé le statut « A » à la Commission zambienne des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par l’absence de processus officiel de sélection et de nomination des membres de la Commission, par l’insuffisance des ressources budgétaires allouées à la Commission pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat, par les conflits d’intérêts réels ou perçus de certains membres qui mènent des activités politiques et par l’application insuffisante des recommandations proposées par la Commission, qui étaient de nature à renforcer l’application de la Convention.

14. Rappelant sa recommandation générale n o 17 (1993) concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’établir et de mettre en œuvre un processus officiel de sélection et de nomination des membres de la Commission, d’accorder à celle-ci les ressources financières nécessaires pour qu’elle puisse s’acquitter efficacement de son mandat, de veiller à ce que les membres travaillent à plein temps pour éviter tout conflit d’intérêt s réel ou perçu et d’appliquer les recommandations formulées par la Commission afin de renforcer l’exercice des droits consacrés par la Convention.

Plaintes pour discrimination raciale et voies de recours

15.Le Comité prend note des actes de discrimination raciale dont auraient été victimes des travailleurs zambiens, en particulier ceux qui travaillent dans de grandes exploitations commerciales et des exploitations minières appartenant à des expatriés. Il relève toutefois avec préoccupation qu’aucune plainte pour discrimination raciale n’a été portée devant les tribunaux nationaux entre 2007 et 2017, qu’une seule plainte a été déposée auprès de la Commission zambienne des droits de l’homme et que six plaintes l’ont été auprès du Ministère du travail et de la sécurité sociale. Il s’inquiète également de l’absence de renseignements sur les plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations et sanctions prononcées ainsi que sur les réparations accordées aux victimes de la discrimination raciale (art. 2).

16.Le Comité rappelle que, conformément à sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, l’absence de plaintes, de poursuites et de jugements concernant des actes de discrimination raciale ne signifie pas l’absence de discrimination raciale dans un État partie. L’absence de plaintes peut au contraire être le signe d’une mauvaise connaissance des voies de recours judiciaires disponibles, d’un manque de confiance dans le système de justice ou de la peur de représailles de la part des victimes. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour fournir au grand public des informations sur la discrimination raciale et sur les recours juridiques et judiciaires offerts. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu’il aura prises à ce sujet, notamment des données statistiques sur les plaintes soumises à toutes les autorités compétentes et sur leur issue.

Crimes et discours de haine

17.Le Comité relève que la discrimination raciale et l’incitation à la haine raciale sont réprimées par l’article 70 du Code pénal. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’« ascendance » et l’« origine nationale ou ethnique » comme motifs d’incitation à la haine et aux préjugés sont absentes de cette définition ;

b)Les dispositions du paragraphe b) de l’article 4) de la Convention n’ont pas encore été pleinement intégrées dans le droit interne ;

c)Les motivations racistes ne constituent pas une circonstance aggravante pour les actes visés par le Code pénal ;

d)Les cas signalés d’incitation à la haine, à la discrimination et à la violence visant certains groupes ethniques, ainsi que les cas signalés de xénophobie, de violence et d’intimidation à l’égard de non-ressortissants, notamment les agressions physiques et le pillage de commerces pendant les élections de 2016, n’ont pas été abordés dans le rapport périodique de l’État partie (art. 2, 4 et 6).

18. Rappelant ses recommandations générales n o 15 (1993) concernant l’article 4 de la Convention et n o 35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que la définition du discours de haine donnée dans le Code pénal soit pleinement conforme à l’article 4 de la Convention et englobe tous les motifs de discrimination reconnus par l’article premier de la Convention ;

b) D’interdire expressément les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent et de déclarer délit punissable par la loi la participation à ces organisations ;

c) De reconnaître les motivations racistes comme une circonstance aggravante pour tous les actes réprimés par le Code pénal ;

d) De veiller à ce que tous les cas de crimes et de discours de haine donnent lieu à une enquête et à des poursuites et à ce que leurs auteurs soient punis.

Accès à l’aide juridictionnelle

19.Tout en saluant les mesures législatives et administratives prises pour améliorer l’accès à l’aide juridictionnelle, notamment la création de bureaux de la Commission d’aide juridictionnelle dans toutes les provinces de l’État partie et l’ouverture de bureaux de services juridiques dans les tribunaux inférieurs, le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements sur le nombre de personnes qui ont bénéficié de l’aide juridictionnelle gratuite fournie par ces services en vue d’intenter une action pour discrimination raciale ainsi que sur les critères d’accès à ces services.

20. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre la mise en œuvre de ses politiques d’aide juridictionnelle pour garantir aux victimes de discrimination raciale, notamment celles appartenant à des groupes minoritaires, un accès à la justice dans des conditions d’égalité. Il lui recommande aussi de fournir des renseignements sur le nombre de personnes qui ont bénéficié d’une aide juridictionnelle gratuite en vue d’intenter une action pour discrimination raciale ainsi que sur les critères d’accès à ces services.

Mesures spéciales destinées à réduire les inégalités

21.Le Comité prend note des mesures spéciales prises par l’État partie, notamment la loi no 9 (2006) relative à l’autonomisation économique des citoyens et la loi no 11 (2006) relative à l’Agence zambienne de développement, pour promouvoir les droits des « personnes précédemment défavorisées ou marginalisées ». Il est toutefois préoccupé par le fait que ces mesures spéciales sont limitées à certains domaines et souligne l’absence de renseignements sur les mesures législatives et générales qui visent à lutter contre la discrimination dans le contexte des efforts faits pour assurer l’exercice d’autres droits économiques, sociaux et culturels. Il s’inquiète aussi de l’absence de données complètes et ventilées sur les effets qu’ont les mesures spéciales en cours sur les groupes concernés (art. 2 et 5).

22.Conformément au paragraphe 4 de l’article premier et au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention et à sa recommandation générale n o 32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité encourage l’État partie à consulter les communautés concernées de façon à obtenir des renseignements sur les résultats des mesures spéciales en cours. Il recommande qu’à partir des constatations faites, l’État partie étende la mise en œuvre des mesures spéciales afin qu’elles portent sur d’autres domaines prioritaires, avec la participation active des communautés intéressées.

Pratiques préjudiciables

23.Le Comité est préoccupé par la persistance des coutumes préjudiciables à l’égard des femmes et des filles, telles que le versement d’une lobola (dot) aux parents de la mariée, qui peut s’apparenter au mariage d’enfants ou au mariage forcé (art. 6).

24.Compte tenu de sa recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour protéger les enfants des coutumes préjudiciables, en particulier dans les zones rurales reculées. Il lui recommande de mener des campagnes d’éducation auprès des collectivités et des régions rurales où des pratiques telles que la lobola sont répandues en vue d’y mettre un terme, d’informer les victimes sur l’accès aux recours judiciaires et d’encourager le signalement des cas. Il prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les dispositions prises pour mettre fin à la lobola et sur leurs effets, ainsi que des données statistiques sur le nombre de cas de lobola signalés, de poursuites engagées et de condamnations prononcées.

Situation des peuples San et Khoï

25.Le Comité relève que l’État partie ne reconnaît pas l’existence des peuples autochtones sur son territoire, ce qui a pour effet de nier les droits des peuples San et Khoï, les premiers habitants de la Zambie, qui vivent dans une grande pauvreté et une situation économique et sociale difficile. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les peuples San et Khoï n’auraient pas accès à leurs terres ancestrales, à l’éducation, au logement, à l’emploi, aux soins de santé et à la participation et à la représentation politiques (art. 2, 5 et 6).

26. Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître pleinement le droit des peuples San et Khoï d’accéder à leurs terres ancestrales et de les utiliser. Il demande aussi à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour répondre aux problèmes que rencontrent les peuples San et Khoï en matière d’accès à l’éducation, au logement, à l’emploi, aux soins de santé et à la participation et à la représentation politiques, et d’informer le Comité des résultats de ces mesures.

Éducation

27.Le Comité prend note de l’adoption en 2011 de la loi no 23 relative à l’éducation, qui garantit à tous les enfants le droit de recevoir une éducation de base gratuite, sans discrimination. Il est toutefois préoccupé par les disparités qui subsistent du point de vue de l’accès des enfants vivant dans les zones rurales, dans des établissements informels, sur des exploitations agricoles communautaires et dans des camps de réfugiés à une éducation et à des ressources pédagogiques de qualité (art. 5).

28. Le Comité recommande à l’État partie de garantir à tous les enfants l’accès à tous les niveaux de l’enseignement et aux ressources pédagogiques, sans discrimination. Il lui demande en particulier de fournir des renseignements sur les programmes d’action éducative ciblant les minorités ethniques dans le but d’améliorer les taux de scolarisation et de réussite, et d’allouer les ressources nécessaires pour garantir à tous les enfants une éducation de qualité.

Situation des personnes atteintes d’albinisme

29.Le Comité est conscient des efforts que l’État partie a déployés pour protéger les personnes atteintes d’albinisme. Il reste toutefois préoccupé par les renseignements selon lesquels des personnes atteintes d’albinisme seraient victimes de discrimination et de stigmatisation fondées sur leur couleur, en particulier en ce qui concerne l’exercice de leurs droits à l’éducation, à l’emploi et à la santé. Il est également alarmé par les informations issues du recensement de 2010 qui indiquent que 46 % des personnes atteintes d’albinisme travaillent à leur compte en raison du manque d’autres possibilités d’emploi et qu’environ 25 % des enfants atteints d’albinisme ne sont pas scolarisés. Il est en outre préoccupé par les renseignements selon lesquels des personnes atteintes d’albinisme, notamment des femmes et des enfants, seraient enlevées, tuées et mutilées à des fins de pratiques rituelles (art. 6 et 7).

30. Le Comité recommande à l’État partie de garantir en priorité le droit à la vie des personnes atteintes d’albinisme. Il l’exhorte à prendre des mesures plus efficaces pour protéger les personnes atteintes d’albinisme de la violence, des enlèvements, de la discrimination et de veiller à ce qu’elles aient accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi dans des conditions d’égalité.

Traite des personnes

31.Le Comité salue les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes, en particulier celle des travailleurs migrants, notamment l’adoption en 2008 de la loi no 11 relative à la lutte contre la traite des personnes. Il reste cependant préoccupé par :

a)L’absence d’études, d’analyses et de données ventilées qui permettraient d’évaluer l’ampleur de la traite, aussi bien à destination et en provenance de l’État partie qu’à l’intérieur de celui-ci ;

b)Le retard pris dans l’adoption d’un nouveau plan d’action de lutte contre la traite des personnes et l’absence de renseignements sur les ressources humaines, techniques et financières allouées au Comité interministériel sur la traite des personnes ;

c)L’absence de renseignements sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les trafiquants ainsi que sur les sanctions imposées ;

d)L’absence de renseignements sur l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes d’identification précoce et de système d’orientation normalisés pour les victimes de la traite, en particulier les travailleurs migrants ;

e)L’absence de renseignements sur les ressources humaines, techniques et financières allouées au titre de la protection des victimes de la traite, notamment d’abris et de services juridiques, médicaux et psychologiques.

32. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De collecter systématiquement des données ventilées par sexe, par âge et par origine en vue de mieux combattre la traite et le trafic d’êtres humains ;

b) D’adopter sans tarder un nouveau plan d’action national de lutte contre la traite des personnes et d’allouer au Comité interministériel sur la traite des personnes les ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour en permettre la mise en œuvre  ;

c) De faire appliquer la législation de lutte contre la traite en menant des enquêtes tenant compte du sexe et de l’âge, en veillant à ce que les trafiquants soient poursuivis, reconnus coupables et sanctionnés par des peines appropriées ;

d) De fournir des renseignements sur les mesures prises pour élaborer des normes concernant l’identification précoce des victimes de la traite et leur orientation vers des services appropriés d’assistance et de réadaptation ;

e) D’affecter des ressources suffisantes à la création d’abris facilement accessibles dans toutes les provinces du pays et à la fourniture d’une assistance juridique, médicale et psychosociale adéquate dans ces abris .

Réfugiés et demandeurs d’asile

33.Tout en prenant note de l’adoption en 2017 de la loi no 1 relative aux réfugiés, le Comité est préoccupé par :

a)Les restrictions imposées à la liberté de circulation des réfugiés et des demandeurs d’asile vivant dans des camps et le fait que le droit au travail ne leur est pas automatiquement accordé ;

b)L’absence de renseignements actualisés sur la possibilité qu’ont les réfugiés et les demandeurs d’asile d’accéder à des services de base, notamment en matière de santé et d’éducation, et sur les mesures de protection existantes contre le refoulement ;

c)Les difficultés rencontrées par les réfugiés pour ce qui est d’obtenir un permis de séjour et de s’intégrer localement et l’absence de solutions de réinstallation ;

d)Les conditions insalubres des camps dans lesquels vivent les réfugiés et les demandeurs d’asile (art. 2, 5 et 6).

34. À la lumière de la recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi n o 1 (2017) relative aux réfugiés afin que les réfugiés et les demandeurs d’asile aient le droit d’accéder à l’emploi, aux soins de santé et à l’éducation, jouissent de la liberté de circulation et bénéficient d’une protection efficace contre le refoulement  ;

b) D’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie à long terme qui offre une solution durable en matière d’intégration locale des réfugiés, en particulier en ce qui concerne l’éducation et l’accès à des conditions de vie décentes, car vivre dans des camps ne constitue pas une solution durable ;

c) D’améliorer les conditions matérielles dans les camps de réfugiés et de veiller à ce que les réfugiés et les demandeurs d’asile qui y vivent jouissent d’un niveau de vie adéquat et aient accès à des services sociaux de base ;

d) D’envisager de lever ses réserves aux articles 17, 22, 26 et 28 de la Convention relative au statut des réfugiés.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

35.Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) et la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux ( n o 169) de l’Organisation internationale du Travail. Le Comité engage l’État partie à adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

36. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention . Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

37. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015 ‑ 2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

38. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

39. Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Amendement à l’article 8 de la Convention

40. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième r éunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Document de base commun

41. Le Comité encourage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 2005, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

42. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 30 (situation des personnes atteintes d’albinisme) et 32 b) (traite des personnes).

Paragraphes d’importance particulière

43. Le C omité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8 (collecte de données), 12 (définition de la discrimination raciale), 16 (plaintes pour discrimination raciale et voies de recours) et 34 (réfugiés et demandeurs d’asile), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

44. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Élaboration du prochain rapport périodique

45. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingtième à vingt-sixième rapports périodiques, d’ici au 5 mars 2023, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante - et - onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.