Nations Unies

CCPR/C/ZAF/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

27 avril 2016

Français

Original : anglais

Comité des droit s de l’homme

Observations finales concernant le rapport initial de l’Afrique du Sud *

Projet établi par le Comité

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Afrique du Sud (CCPR/C/ZAF/1) à ses 3234e et 3235e séances (CCPR/C/SR.3234 et 3235), les 7 et 8 mars 2016. À sa 3258e séance, le 23mars 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Afrique du Sud et les renseignements qu’il contient, mais regrette qu’il ait été soumis avec quatorze ans de retard. Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été donnée d’engager un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures que celui-ci a prises, depuis que le Pacte est entré en vigueur, pour en appliquer les dispositions. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/ZAF/Q/1/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CCPR/C/ZAF/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives et institutionnelles que l’État partie a prises, en particulier :

a)L’adoption, le 25 juillet 2013, de la loi visant à prévenir et à combattre la torture, qui érige la torture en infraction pénale ;

b)L’adoption, le 29 juillet 2013, de la loi visant à prévenir et à combattre la traite des personnes, qui est entrée en vigueur le 9 août 2015 ;

c)L’adoption, en 2008, de la loi relative à la justice pour mineurs, entrée en vigueur le 1er avril 2010, qui renforce la protection des enfants en conflit avec la loi ;

d)L’adoption de plusieurs réformes législatives et institutionnelles visant à combattre la violence à l’égard des femmes, notamment la loi de 2003 sur la violence intrafamiliale et la loi de 2007 portant modification du droit pénal (infractions sexuelles et questions apparentées), le rétablissement des juridictions spécialisées dans les infractions à caractère sexuel, et la création des centres de soins Thuthuzela ;

e)L’établissement, en 2011, de l’Équipe spéciale nationale chargée de combattre la discrimination et la violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité ou l’expression de genre réelles ou supposées des personnes visées, et le lancement de la Stratégie nationale d’intervention en faveur des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, en 2014 ;

f)L’adoption de la loi sur l’interruption de grossesse, en 1996, et d’autres mesures visant à améliorer l’accès à l’avortement médicalisé, qui ont entraîné une baisse notable de la mortalité et de la morbidité maternelles.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’entrée en vigueur du Pacte en 1998, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 28 août 2002 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 30 novembre 2007 ;

c)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 12 janvier 2015 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 30 juin 2003, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 24 septembre 2009 ;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 18 octobre 2005.

Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration faite par l’État partie au titre de l’article 41 du Pacte, le 18 juin 1987, par laquelle il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications interétatiques.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte en droit interne

Le Comité prend note de l’apparente contradiction entre le texte de la Constitution, selon lequel une disposition directement applicable d’un accord international approuvé par le Parlement est réputée faire partie du droit interne, et les renseignements figurant dans le document de base (HRI/CORE/ZAF/2014, par. 95), qui indiquent que les dispositions d’un traité international ne peuvent pas être invoquées devant les tribunaux, qui, de leur côté, ne peuvent pas les appliquer directement. Le Comité relève également que deux communications individuelles seulement ont été soumises au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte depuis 2002, ce qui pourrait dénoter un manque de connaissance du Pacte et du Protocole facultatif (art. 2).

L ’ État partie devrait envisager de prendre des mesures pour donner pleinement effet aux dispositions du Pacte dans le droit interne et déployer des efforts plus énergiques pour faire mieux connaître le Pacte et le Protocole facultatif parmi les juges, les avocats, les procureurs et le public en général. En cas de violation du Pacte, l ’ État partie devrait garantir l ’ accès à un recours utile, comme le prévoit le paragraphe 3 de l ’ article 2.

Inexécution des décisions rendues par les juridictions nationales

Le Comité prend note de la décision de la Haute Cour de North Gauteng, qui a estimé qu’en s’abstenant d’arrêter Omar El-Béchir, Président du Soudan, en juin 2015, alors qu’un mandat d’arrêt avait été délivré par la Cour pénale internationale, les autorités avaient pris une décision contraire à la Constitution, et juge préoccupant que le Président El-Béchir ait été autorisé à quitter le pays en violation d’une ordonnance provisoire de la Cour (art. 2 et 14).

L ’ État partie devrait continuer d ’ enquêter sur les circonstances de l ’ inexécution de l ’ ordonnance provisoire de la Cour visant le Président El-Béchir et faire le nécessaire pour garantir la mise en œuvre des décisions rendues par les juridictions nationales, y compris dans les affaires intéressant les obligations de l ’ État partie au titre des instruments internationaux .

Mécanismes de contrôle et de suivi

Tout en reconnaissant l’important travail qu’accomplissent les institutions de l’État chargées d’exercer un contrôle sur l’action des pouvoirs publics intéressant la protection des droits consacrés dans le Pacte, le Comité s’inquiète des nombreuses difficultés auxquelles se heurtent ces organes de contrôle, notamment des restrictions budgétaires, un manque d’indépendance institutionnelle à l’égard des administrations faisant l’objet du contrôle, et des mandats et compétences limités. Le Comité prend note de l’intention de l’État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais reste préoccupé par l’absence de surveillance indépendante et régulière des lieux de privation de liberté autres que les prisons (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les organes de contrôle soient institutionnellement indépendants, financés comme il convient et dotés de pouvoirs et de fonctions qui leur permettent d ’ examiner les plaintes et d ’ enquêter rapidement et efficacement, de demander des comptes aux autorités, et de donner aux victimes de violations des droits de l ’ homme accès à un recours utile. L ’ État partie est également invité à accélérer les préparatifs en vue de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et devrait mettre en place un système de surveillance régulière et indépendante de tous les lieux de détention, ainsi qu ’ un dispositif confidentiel de réception et de traitement des plaintes émanant de personnes privées de liberté.

Commission Vérité et réconciliation

Le Comité félicite l’État partie du travail accompli par la Commission Vérité et réconciliation en matière d’enquête sur les violations flagrantes des droits de l’homme commises pendant la période de l’apartheid. Il constate toutefois avec préoccupation que les recommandations de la Commission n’ont pas été pleinement mises en œuvre, en particulier s’agissant des poursuites à engager contre les auteurs, des investigations à mener sur les disparitions et des réparations appropriées à accorder à toutes les victimes (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait intensifier les efforts qu ’ il déploie pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission Vérité et réconciliation, enquêter sur les violations graves des droits de l ’ homme documentées par la Commission, y compris les cas de disparition forcée, poursuivre et punir les auteurs et assurer une réparation ap propriée à toutes les victimes.

Racisme et xénophobie

Le Comité est préoccupé par les nombreuses manifestations de racisme et de xénophobie, notamment les agressions violentes visant des ressortissants étrangers et des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui font des morts et des blessés et provoquent des déplacements ainsi que des destructions de biens. Le Comité est également préoccupé par l’incapacité des autorités à prévenir et réprimer les agressions racistes et xénophobes et à faire en sorte que les auteurs rendent compte de leurs actes (art. 2, 6, 7, 9, 17, 20 et 26).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et faire cesser toutes les manifestations de racisme et de xénophobie, protéger toutes les communautés d ’ Afrique du Sud contre les agressions racistes et xénophobes, et améliorer la réponse policière aux violences visant des non-ressortissants. Des enquêtes devraient être diligentées systématiquement en cas d ’ allégations d ’ agressions racistes et xénophobes ou d ’ autres crimes motivés par la haine ; les auteurs devraient être poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et des réparations adéquates devraient être accordées aux victimes. L ’ État partie devrait également adopter dans les meilleurs délais une législation adéquate qui interdise expressément les infractions motivées par la haine et les discours haineux .

Personnes vivant avec le VIH/sida

Le Comité salue les efforts considérables faits par l’État partie pour promouvoir et protéger la vie et la santé des personnes vivant avec le VIH/sida, mais il reste préoccupé par la persistance de la stigmatisation et de la discrimination à leur égard et par les obstacles qui empêchent ces personnes, et parmi elles plus particulièrement les femmes et les personnes vivant dans les zones défavorisées et les zones rurales, d’accéder aux services de santé dans des conditions d’égalité (art. 2, 6 et 26).

L ’ État partie devrai t poursuivre ses efforts pour :

a) Accroître l ’ information sur le VIH/sida afin de combattre les préjugés, les stéréotypes négatifs et la discrimination à l ’ égard des personnes viva nt avec le  VIH/sida ;

b) Adopter rapidement le projet de politique nationale relative au VIH, aux infections sexuellement transmissibles et à la tuberculose et mettre en application sa politique relative à la santé en matière de sexualité et de procréation, en particulier concernant les adolescents ;

c) Veiller à ce que toutes les personnes exposées au VIH/sida ou vivant avec le VIH/sida aient accès, dans des conditions d ’ égalité, aux soins et traitements médicaux, y compris à des services de conseil appropriés.

Traditions et pratiques culturelles préjudiciables

Le Comité est préoccupé par la persistance des pratiques traditionnelles ou culturelles préjudiciables comme l’ukuthwala, les tests de virginité et la sorcellerie, ainsi que par des informations portant à croire que des pratiques d’« initiation » provoquent des décès et des blessures. Le Comité s’inquiète également de l’existence dans l’État partie, en droit et dans la pratique, de mariages coutumiers polygames, qui sont contraires au principe de non-discrimination dans le mariage et les relations familiales consacré dans le Pacte (art. 2, 3, 6, 7, 17, 24 et 26).

L ’ État partie devrait modifier la loi relative à l ’ enfance afin d ’ interdire que l ’ on soumette des enfants, quel que soit leur âge, à des tests de virginité, et prendre des mesures efficaces, notamment sous la forme de campagnes d ’ éducation, pour lutter contre les pratiques traditionnelles, coutumières ou religieuses préjudiciables. Il devrait également prendre des mesures appropriées pour faire reculer la polygamie, en vue de la faire disparaître. Les écoles initiatiques devraient être strictement réglementées et contrôlées dans tout le pays.

Violence fondée sur le sexe, le genre, l’orientation sexuelle et l’identité de genre

Tout en saluant les efforts considérables consentis par l’État partie dans ce domaine, le Comité constate avec inquiétude que la violence fondée sur le genre et la violence familiale demeurent un problème grave dans l’État partie, que le nombre de condamnations pour ce type de faits est faible et qu’il n’existe pas de données ventilées sur ce phénomène. Il est également préoccupé par la persistance de la stigmatisation visant certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre réelles ou supposées ou de leur apparence physique, et par le fait que ces personnes sont victimes de harcèlement, de discrimination et de violences physiques et sexuelles (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre la violence à caractère sexuel, la violence sexiste et la violence familiale et pour faire cesser la discrimination et les violences dirigées contre certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre réelles ou supposées ou de leur apparence physique, notamment en mettant en œuvre la Stratégie nationale d ’ intervention. L ’ État partie devrait aussi faciliter le signalement des infractions à caractère sexuel ou sexiste ainsi que la collecte de données à leur sujet, et veiller à ce que toutes les infractions de ce type donnent lieu sans tarder à des enquêtes approfondies, à ce que les auteurs soient traduits en justice et à ce que les victimes aient accès à une réparation intégrale et à des moyens de protection, notamment à des foyers ou des centres gérés par l ’ État ou par des organisations non gouvernementales dans tout le territoire de l ’ État partie. L ’ État partie devrait également dispenser aux membres des forces de l ’ ordre et au personnel des services de santé une formation appropriée aux questions relatives à la violence familiale et sexiste et à la violence fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre.

Accès des victimes de la torture à des recours civils

Le Comité relève avec préoccupation que la loi visant à prévenir et à combattre la torture ne prévoit pas en elle-même la possibilité d’introduire une action civile pour demander réparation d’actes de torture et qu’il faut former une demande en responsabilité civile de common law pour violences (assault) ou pour des infractions apparentées de moindre gravité, puisque la torture n’est pas reconnue comme un délit civil (tort) (art.2 et 7).

L ’ État partie devrait envisager de modifier la loi visant à prévenir et à combattre la torture afin d ’ y incorporer des dispositions traitant spécialement du droit à réparat ion des victimes de la torture.

Châtiments corporels

Le Comité constate avec inquiétude que les châtiments corporels au sein de la famille ne sont pas interdits et qu’ils sont traditionnellement acceptés et largement pratiqués, que la loi autorise toujours les châtiments corporels dans les établissements d’enseignement privés et qu’ils continuent d’être utilisés comme moyen de discipline dans certaines écoles, bien qu’ils y soient interdits par la loi (art. 7 et 24).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes, notamment des mesures législatives, le cas échéant, pour faire cesser le recours aux châtiments cor porels dans tous les contextes.

Usage excessif et disproportionné de la force

Le Comité est préoccupé par les nombreuses informations indiquant que des membres des forces de l’ordre ont employé une force excessive et disproportionnée lors de manifestations, ce qui a abouti à des pertes en vies humaines. Le Comité s’inquiète également de la lenteur de l’enquête menée sur les événements de Marikana, notamment s’agissant d’établir la responsabilité pénale des membres du Service de la police sud-africaine et la responsabilité potentielle de la société d’exploitation minière Lonmin (art. 6, 7 et 21).

L ’ État partie devrait :

a) Accélérer les travaux de l ’ É quipe spéciale et du G roupe d ’ experts internationaux chargés par le Ministère de la police de mettre en œuvre les recommandations de la Commission d ’ enquête sur les événements de Marikana ; modifier les lois et les politiques relatives au maintien de l ’ ordre public et à l ’ usage de la force, y compris létale, par les membres des forces de l ’ ordre ; veiller à ce que toutes les lois, politiques et instructions relatives au maintien de l ’ ordre soient conformes à l ’ article  6 du Pacte et aux Principes de base relatifs au recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires (notamment en ce qui concerne la formation et l ’ équipement) pour éviter que les forces de l ’ ordre et les forces de sécurité ne fassent un usage excessif de la force ou n ’ aient recours à des armes létales dans des situations où cela n ’ est pas justifié ;

c) Veiller à ce que des enquêtes rapides, approfondies, efficaces, indépendantes et impartiales soient diligentées sur tous les incidents dans lesquels les forces de l ’ ordre ont fait usage d ’ armes à feu et sur toutes les allégations d ’ usage excessif de la force, ainsi que sur la possible responsabilité de la société d ’ exploitation minière Lonmin dans les événements de Marikana ; poursuivre et sanctionner les auteurs d ’ exécutions illégales et assurer des recours effectifs aux victimes ;

d) Vérifier que les sociétés assument les responsabilités qui leur incombent en vertu de l ’ ensemble des normes juridiques applicables aux activités du secteur minier.

Violence, torture, mauvais traitements et décès en détention

Le Comité est préoccupé par le nombre de cas signalés de violence, y compris sexuelle, d’usage excessif de la force, d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements à l’égard de détenus, ainsi que de décès résultant des agissements de policiers et d’agents de l’administration pénitentiaire. Il constate également avec préoccupation que les enquêtes menées sur les cas signalés ont rarement donné lieu à des poursuites et à la sanction des responsables (art. 2, 6, 7 et 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les décès survenus en détention et tous les actes de violence commis dans les prisons, qu ’ elles soient gérées par l ’ État ou par une entreprise privée, fassent l ’ objet d ’ enquêtes en bonne et due forme menées par un mécanisme indépendant. Il devrait également veiller à ce que les auteurs de tels actes et leurs complices soient dûment poursuivis et punis conformément à la loi, et à ce que les victimes et leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme de services de réadaptation et d ’ une indemnisation.

Conditions carcérales

Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans certaines prisons de l’État partie, en particulier la surpopulation, le délabrement des infrastructures, les mauvaises conditions d’hygiène, la nourriture de qualité insuffisante, le manque d’exercice, l’absence de ventilation et l’accès restreint aux services de santé. Il relève avec inquiétude les conditions de détention dans les deux prisons de très haute sécurité et les mesures d’isolement imposées, notamment dans la prison de très haute sécurité d’Ebongweni où les détenus sont enfermés vingt-trois heures par jour pendant une période minimale de six mois (art. 10).

L ’ État partie devrait continuer d ’ intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de détention en prenant des mesures concrètes, notamment pour :

a) Réduire la surpopulation carcérale, en particulier en promouvant les solutions de substitution à la détention, en assouplissant les conditions de la libération sous caution, en révisant la politique des quotas d ’ arrestations comme indicateurs de résultats des fonctionnaires de police, et en veillant à ce que les décisions concernant le cautionnement soient prises rapidement et à ce que la détention provisoire ne soit pas d ’ une durée déraisonnable ;

b) S ’ employer plus énergiquement à garantir le droit des détenus à être traités avec humanité et dignité, et veiller à ce que les conditions de détention dans toutes les prisons du pays, y compris celles qui sont gérées par des entreprises privées, soient compatibles avec l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

c) Faire en sorte que les mesures d ’ emprisonnement cellulaire de facto, notamment la mise à l ’ isolement, ne soient appliquées que dans des circonstances exceptionnelles et pour de courtes périodes, d ’ une durée strictement limitée.

Traite des êtres humains et exploitation par le travail

Le Comité prend note des progrès accomplis en ce qui concerne la traite des personnes, mais relève avec inquiétude que l’État partie n’est toujours pas doté de mécanismes appropriés pour identifier et prendre en charge les victimes de la traite. Il salue l’adoption de la loi de 2014 portant modification des relations du travail (loi no 6 de 2014), qui accroît la protection des travailleurs engagés pour un contrat temporaire, mais demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs migrants employés dans l’industrie minière par l’intermédiaire de courtiers en main d’œuvre seraient victimes d’exploitation par le travail (art. 7 et 8).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir et éliminer la traite des personnes et prendre les mesures nécessaires pour réprimer et poursuivre les courtiers en main d ’ œuvre impliqués dans l ’ exploitation de travailleurs en violation des articles 7 et 8 du Pacte. Il devrait également redoubler d ’ efforts pour identifier et protéger les personnes susceptibles d ’ être victimes de la traite et établir un dispositif national d ’ identification et de prise en charge des victimes de la traite.

Accès à la procédure de détermination du statut de réfugié

Le Comité relève avec préoccupation qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir accès aux procédures de détermination du statut de réfugié du fait de la fermeture de plusieurs bureaux d’accueil de réfugiés en zone urbaine, et exprime son inquiétude face aux informations faisant état de l’insuffisance des garanties offertes par la procédure en question. Il est préoccupé par les allégations selon lesquelles certains agents des services d’immigration refuseraient d’octroyer aux demandeurs d’asile des permis de transit au point d’entrée, les exposant ainsi à une arrestation ou une expulsion immédiate. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles ces obstacles auraient favorisé la corruption et accru la vulnérabilité des migrants, en particuliers les enfants, en faisant d’eux des sans-papiers et des apatrides (art. 6, 7 et 13).

L ’ État partie devrait faciliter l ’ accès des demandeurs d ’ asile aux documents qui les intéressent et à des procédures équitables, notamment l ’ accès à des services de traduction et, lorsque l ’ intérêt de la justice l ’ exige, aux services d ’ un conseil. Il devrait faire en sorte que les demandes d ’ asile soient traitées dans les meilleurs délais et que le principe de non-refoulement soit respecté en toutes circonstances.

Rétention des immigrants

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état : a) de cas de migrants sans-papiers détenus dans les commissariats de police et les centres de détention ; b) de personnes détenues au Centre de rapatriement de Lindela de manière prolongée sans avoir fait l’objet d’un mandat ; c) de cas de détention prolongée et d’expulsion d’apatrides vers des pays où ils ne sont pas reconnus en tant que citoyens. Il relève également avec préoccupation les mauvaises conditions qui règnent au Centre de rapatriement de Lindela, notamment la surpopulation, le manque d’hygiène et l’absence de services médicaux (art. 6, 9, 10 et 23).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les personnes en attente d ’ expulsion ne soient placées en détention qu ’ en dernier recours, en accordant une attention spéciale aux besoins des personnes particulièrement vulnérables, et à ce que les personnes détenues pour des motifs liés à l ’ immigration le soient dans des locaux spécialement conçus à cet effet. L ’ État partie devrait également redoubler d ’ efforts pour garantir des conditions de vie décentes dans tous les centres d ’ immigration en remédiant à leur surpeuplement, en fournissant des services de santé adéquats et en offrant des conditions sanitaires convenables.

Justice pour mineurs

Le Comité salue la déclaration de la délégation selon laquelle l’âge de la responsabilité pénale sera porté de 10 à 12 ans, les enfants de 12 à 14 ans bénéficiant d’une présomption d’innocence réfragable (doli incapax). Il salue également les efforts faits pour renforcer le système de justice pour mineurs, mais constate avec préoccupation que les ressources financières allouées aux programmes communautaires de déjudiciarisation sont insuffisantes et que les tribunaux ont trop souvent recours au placement dans des centres de protection de l’enfance et de l’adolescence, où les enfants ayant besoin de soins ne seraient pas toujours séparés des enfants en conflit avec la loi (art. 9, 10, 14 et 24).

L ’ État partie devrait allouer les ressources financières nécessaires aux programmes communautaires de déjudiciarisation destinés aux enfants et réduire le nombre d ’ enfants placés dans les centres de protection de l ’ enfance et de l ’ adolescence. Il devrait également veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi soient séparés des enfants ayant besoin de soins. Lorsqu ’ il portera à 12 ans l ’ âge de la responsabilité pénale, l ’ État partie devrait veiller à maintenir le niveau de protection actuellement accordé a ux enfants âgés de 12 à 14 ans.

Protection des défenseurs des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de menaces, d’actes d’intimidation, de harcèlement, d’un usage excessif de la force et d’agressions physiques entraînant parfois la mort, qui seraient imputables à des individus privés et à des agents des forces de police et viseraient des défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui s’intéressent à la responsabilité des entreprises, aux droits fonciers, aux questions de transparence, ainsi que les défenseurs des droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués et des personnes touchées par le VIH. Il prend également note avec préoccupation des informations selon lesquelles les agents des forces de l’ordre ne feraient pas preuve de toute la diligence requise en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l’homme, notamment lorsqu’il s’agit d’enregistrer des allégations de violations des droits de l’homme et de mener des enquêtes sur les cas allégués, et de faire en sorte que les auteurs de telles violations aient à répondre de leurs actes (art. 2, 6, 9, 19, 21 et 22).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit des défenseurs des droits de l ’ homme à la liberté d ’ expression, d ’ association et de réunion pacifique. Il devrait faire en sorte que les fonctionnaires de police soient dûment formés à la protection des défenseurs des droits de l ’ homme. L ’ État partie devrait également mener des enquêtes approfondies sur toutes les atteintes à la vie, à l ’ intégrité physique et à la dignité de ces personnes, traduire en justice les auteurs de tels actes et offrir aux victimes de s voies de recours appropriées.

Droit à la vie privée et interception de communications privées

Le Comité est préoccupé par le seuil relativement bas de déclenchement d’activités de surveillance dans l’État partie et par la faiblesse relative des garanties, des contrôles et des recours prévus en cas d’atteinte illégale au droit à la vie privée dans la loi de 2002 portant réglementation de l’interception des communications et de la mise à disposition d’informations ayant trait aux communications. Il est également préoccupé par le champ d’application considérable du régime de conservation des données prévu par cette loi. Le Comité est en outre préoccupé par les informations faisant état de pratiques illégales dans le domaine de la surveillance, notamment l’interception massive de communications, menées par le Centre national de communications, et par le retard pris dans la pleine mise en œuvre de la loi de 2013 sur la protection des données personnelles, en particulier du fait du retard pris également dans l’institution d’un régulateur de l’information (art. 17 et 21).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ses activités de surveillance soient conformes aux obligations découlant du Pacte, notamment de l ’ article 17, et pour garantir que toute immixtion dans la vie privée soit conforme aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité. L ’ État partie devrait s ’ abstenir de mener des activités de surveillance de masse des communications privées sans autorisation judiciaire préalable, et envisager de supprimer ou de limiter la disposition imposant la conservation obligatoire de données par des tiers. Il devrait également veiller à ce que l ’ interception de communications par les services de police et de sécurité ne puisse être effectuée que dans le respect de la loi et sous contrôle judiciaire. L ’ État partie devrait améliorer la transparence de sa politique de surveillance et établir dans les plus brefs délais des mécanismes de contrôle indépendants pour prévenir les abus et veiller à ce que chacun ait accès à des voies de recours utiles.

Réclamations foncières

Le Comité accueille avec satisfaction la réouverture du délai de présentation des réclamations foncières et la mise en place d’une politique et d’une législation prévoyant des exceptions à la date butoir du 19 juin 1913 pour prendre en compte les descendants des peuples khoi et san, mais il constate avec préoccupation que l’examen des réclamations soumises à la Commission de restitution en vertu de la loi no 22 de 1994 sur la restitution des terres a pris du retard, et que les communautés khoisanes spoliées avant 1913 ne peuvent pas bénéficier du processus de restitution des terres (art. 27).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ examen des demandes de restitution de terres déposées en vertu de la loi n o  22 de 1994 sur la restitution des terres et de la loi n o  15 de 2014 portant modification de la loi sur le rétablissement des droits fonciers. De plus, il devrait envisager de prendre des mesures législatives pour que la situation des peuples autochtones spoliés de leurs terres avant 1913 soit dûment examinée.

Peuples autochtones

Le Comité relève avec satisfaction que le projet de loi sur la représentation des communautés traditionnelles et khoisanes a été soumis au Parlement en septembre 2015, mais prend note des préoccupations exprimées par les communautés traditionnelles et autochtones, notamment au sujet de certains des critères de reconnaissance. Il constate avec inquiétude que certaines des langues khoisanes sont en passe de disparaître. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que les quotas de pêche de subsistance existants pour les groupes autochtones ont été temporairement annulés sans préavis, des familles se trouvant ainsi sans moyens de subsistance suffisants (art. 2, 25, 26 et 27).

En consultation avec les communautés autochtones et traditionnelles, l ’ État partie devrait réviser le projet de loi sur la représentation des communautés traditionnelles et khoisanes en vue de prendre en considération leurs préoccupations. Il devrait redoubler d ’ efforts pour promouvoir et préserver les langues autochtones khoisanes. L ’ État partie devrait veiller à ce que les communautés pratiquant la pêche à petite échelle ne soient pas victimes de discrimination dans leur accès aux moyens de subsistance traditionnels.

D.Diffusion d’informations concernant le Pacte

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son rapport initial, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que du grand public, afin de les sensibiliser davantage aux droits inscrits dans le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans les langues officielles du pays.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est prié de faire parvenir, dans un délai d’un an après l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 13 (Commission Vérité et réconciliation), 15 (Racisme et xénophobie) et 31 (Conditions carcérales) des présentes observations finales.

50.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 31 mars 2020, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande également à l’État partie d’associer la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que les minorités et les groupes marginalisés, à l’élaboration de son prochain rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser la limite de 21 200 mots.