Nations Unies

CRPD/C/URY/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

30 septembre 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial de l’Uruguay *

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Uruguay (CRPD/C/URY/1) à ses 269e et 270eséances (voir CRPD/C/SR.269 et SR.270), tenues les 15 et 16 août 2016 respectivement. À sa 288e séance, le 29 août 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie et le remercie de ses réponses écrites (CRPD/C/URY/Q/1/Add.1) à la liste des points à traiter établie par le Comité (CRPD/C/URY/Q/1). Il remercie la délégation de l’État partie du dialogue constructif qu’il a entretenu avec elle et relève avec satisfaction que l’État partie, par l’intermédiaire de sa délégation, s’est engagé à mettre sa législation en conformité avec la Convention.

II.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

Le Comité note avec satisfaction les lois et politiques publiques qui renferment des dispositions relatives aux droits des personnes handicapées, en particulier la loi no 18651 de 2010, qui constitue une nouvelle étape vers la mise en place d’un système de protection des droits des personnes handicapées.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Obligations et principes généraux (art. 1er à 4)

Le Comité constate avec préoccupation que leslois, politiques et programmes publics contiennent encore des dispositions relatives aux droits des personnes handicapées et une terminologie péjorative qui ne sont pas conformes à la conception du handicap axée sur les droits de l’homme.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan pour la révision, l’abrogation, la réforme ou l’adoption de lois et de politiques, y compris la Constitution politique de l’État partie, en vue de reconnaître les personnes handicapées comme pleins sujets de droits de l’homme, conformément à la Convention.

Le Comité est préoccupé par le statut du Programme national du handicap (Pronadis), soit celui de simple programme relevant du Ministère du développement social.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le Programme national du handicap soit une entité nationale permanente dotée de ressources humaines et financières suffisantes et spécifiques pour s’acquitter de son mandat.

Le Comité constate avec préoccupationque ni les notions visées par les articles premier et 2 ni les principes de la Convention ne sont correctement compris, et que certains critères employés pour certifier le handicap ne sont pas normalisés ni conformes auxdits articles et principes.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour revoir la définition juridique du handicap en vue de l’aligner sur les principes et articles de la Convention et, ensuite, pour établir un système de certification unique du handicap qui dénote une conception axée sur les droits de l’homme des personnes handicapées.

Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées ne sont pas suffisamment consultées, par l’intermédiaire de leurs organisations, lors de l’adoption de politiques et de programmes qui les concernent.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un mécanisme de consultation permanente des personnes handicapées, y compris des enfants, par l’intermédiaire de leurs organisations, pour ce qui est de l’adoption de lois et de politiques et des autres questions intéressant ces personnes.

B.Droits spécifiques (art. 5 à 30)

Égal ité et non-discrimination (art.  5)

Le Comité relève avec préoccupation que la législation ne reconnaît pas que le refus d’aménagement raisonnable constitue une forme de discrimination à l’égard des personnes handicapées dans des domaines autres que l’emploi. Il est également préoccupé par l’absence de politiques visant à lutter contre les discriminations multiples et croisées. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de mécanismes de plainte accessibles pour signaler les cas de discrimination fondée sur le handicap, et de l’absence de mécanismes de réparation.

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître dans sa législation que le refus d’aménagement raisonnable constitue une forme de discrimination fondée sur le handicap dans tous les domaines de la participation, et de le réprimer. Il lui recommande également d’inclure les formes de discrimination multiples et croisées dans son dispositif législatif de lutte contre la discrimination. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre des mesures qui garantissent l’existence de moyens accessibles pour signaler des faits de discrimination fondée sur le handicap, ainsi que de mécanismes de réparation.

Femmes handicapées (art. 6)

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de plan pour l’égalité des chances des hommes et des femmes, que les politiques publiques en matière de handicap ne mentionnent pas expressément les femmes et les filles, et qu’il n’existe ni politiques ni stratégies de prévention et de répression de la violence à l’égard des femmes et des filles handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie d’inclure les femmes handicapées dans les plans et stratégies du programme Pronadis et de l’Institut national de la femme, et de réviser les politiques relatives au handicap de façon à y intégrer une perspective de genre, et les politiques visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes de façon à y intégrer la dimension du handicap. Il recommande également que ces actions soient menées en concertation avec les organisations qui représentent les femmes et les filles handicapées. Le Comité recommande à l’État partie de prêter atte ntion aux liens entre l’article  6 de la Convention, son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles ha ndicapées, et les cibles  5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable, pour éliminer toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles handicapées, en encourageant leur participation pleine et effective à la société.

Enfants handicapés (art.  7)

Le Comité note avec préoccupation que la législation relative à l’enfance ne fait pas expressément mention du principe de non-discrimination et que cette lacune a des effets disproportionnés sur les enfants handicapés. Il relève aussi avec inquiétude qu’il n’existe pas de mesures de protection visant à prévenir l’abandon de filles et de garçons handicapés et que beaucoup d’entre eux sont encore placés en institution, et s’inquiète du manque de données concernant ces enfants.

Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer le principe de non ‑ discrimination dans la loi n o 17823 (Code de l’enfance et de l’adolescence) et de renforcer la protection des filles et garçons handicapés afin de garantir leurs droits et l’égalité des chances et favoriser ainsi leur insertion dans la famille, la collectivité et la société ; il lui recommande aussi de prévoir des ressources suffisantes pour appliquer ce texte de manière effective. Le Comité recommande à l’État partie de prêter attenti on aux liens entre l’article  7 de la Convention et les cibles 10.2 et 10.3 des objectifs de développement durable, pour intégrer pleinement les garçons et filles handicapés, en leur garantissant l’égalité des chances et en encourageant l’adoption des lois, des politiques et des mesures nécessaires pour lutter contre la discrimination.

Sensibilisation (art. 8)

Le Comité est préoccupé par la persistance de préjugés et de stéréotypes négatifs à l’égard des personnes handicapées au sein de l’État partie. Il s’inquiète également de l’absence de stratégies visant expressément à faire connaître le contenu de la Convention et l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, et de l’existence de campagnes privées comme le Téléthon, qui renforcent le modèle caritatif de prise en charge des personnes handicapées.

Le Comité encourage l’État partie à s’employer, en collaboration avec les organisations de personnes handicapées, à lutter contre la discrimination et les stéréotypes à l’égard des personnes handicapées au moyen de campagnes publiques de sensibilisation aux personnes handicapées et de promotion de la perception des personnes handicapées en tant que sujets de droits de l’homme menées auprès du grand public, des agents de l’État et des acteurs privés, y compris les médias.

Accessibilité (art. 9)

Le Comité note avec préoccupation que les transports, l’environnement physique et les services d’information et de communication ouverts au public ne sont pas pleinement accessibles aux personnes handicapées, en particulier dans l’intérieur de l’État partie. Il s’inquiète aussi de l’absence d’organe national chargé de veiller à la bonne application des normes d’accessibilité et de sanctionner tout manquement.

Conformément à son observation générale n o 2 (2014) sur l’accessibilité, le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre un plan d’action pour appliquer les principes d’accessibilité aux transports, à l’environnement physique, à l’information et à la communication, selon le principe de la conception universelle, dans les zones tant rurales qu’urbaines ; ce plan devra comprendre des audits, être assorti de délais précis et prévoir des sanctions en cas de non-application, et les organisations de personnes handicapées participeront à toutes les étapes de son élaboration et de sa mise en application et, en particulier, du suivi de la mise en œuvre. Le Comité recommande à l’État partie de prêter atte ntion aux liens entre l’article  9 de la Convention et les cibles  11.2, 11.3 et 11.7 des objectifs de développement durable.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

Le Comité juge préoccupant que le système national d’urgence(loi no 18621) ne prévoie pas de protocoles spécifiques pour la prise en chargedes personnes handicapées en cas d’urgence nationale. Il est aussi préoccupé par la faible diffusion des manuels et guides pratiques pour l’appui aux personnes handicapées dans les situations de risque de catastrophe, par la méconnaissance par le personnel de la protection civile des droits des personnes handicapées, et par le fait que les itinéraires d’évacuation sont peu accessibles, à l’échelle nationale.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place pour le personnel de la protection civile une formation continue aux droits de l’homme des personnes handicapées. Cette formation devra prévoir la diffusion des instruments élaborés aux fins de l’inclusion des personnes handicapées dans les stratégies de réduction des risques de catastrophe et la prise en considération de l’accessibilité dans les infrastructures et les itinéraires d’évacuation.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

Le Comité constate avec préoccupation que certains textes législatifs de l’État partie, en particulier les articles 37 et 80 de la Constitution ainsi que le Code civil (modifié par la loi no 17535 relative aux personnes sous tutelle totale), sont contraires aux dispositions de la Convention et créent une discrimination à l’égard des personnes handicapées, dont ils restreignent la capacité juridique.

Conformément à l’article  12 de la Convention et à son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, le Comité recommande à l’État partie d’abroger toute disposition juridique qui limite partiellement ou totalement la capacité juridique des personnes handicapées, et de prendre des mesures concrètes pour établir un modèle de prise de décisions assistée qui respecte l’autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées, en remplacement des régimes de prise de décisions substitutive.

Le Comité est préoccupé par les restrictions imposées aux personnes handicapées quant à l’exercice de leur droit de posséder des biens et d’en hériter, de contrôler leurs finances ou d’avoir accès aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier aux mêmes conditions que les autres.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir le droit de toutes les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres , de posséder des biens ou d’en hériter, et d’avoir accès aux prêts bancaires, aux hypothèques et à l’ensemble des services financiers.

Accès à la justice (art. 13)

Le Comité est préoccupé de constater que l’État partie n’a encore effectué aucun aménagement procédural visant à rendre effectif l’accès de toutes les personnes handicapées à la justice. Il relève aussi avec inquiétude que des obstacles, essentiellement juridiques, empêchent les personnes qui ont été déclarées incapables ou qui sont placées en institution de participer de manière effective aux procédures judiciaires.

Le Comité invite instamment l’État partie à allouer suffisamment de ressources humaines et financières à la mise en œuvre du Plan national d’action aux fins d’accès à la justice et à la protection juridique des personnes handicapées dans l’optique de la Convention. Il lui recommande aussi d’adopter les mesures législatives, administratives et judiciaires nécessaires pour éliminer toute restriction empêchant les personnes handicapées de participer de manière effective à une procédure quelle qu’elle soit. Il lui recommande également de procéder aux aménagements procéduraux voulus, notamment l’assistance personnelle et les services de médiateur, en particulier les interprètes en langue des signes, pour garantir la participation effective des personnes handicapées aux différents aspects de la procédure judiciaire. Le Comité recommande à l’État partie de prêter atte ntion aux liens entre l’article 13 de la Convention et la cible  16.3 des objectifs de développement durable pour ce qui est de garantir à tous l’accès à la justice.

Le Comité fait part de sa préoccupation quant au peu de progrès accomplis pour mettre en œuvre les observations formulées par le Comité des droits de l’enfant en ce qui concerne l’administration de la justice pour mineurs, ce quia une incidence particulière sur les jeunes présentant un handicap psychosocial et intellectuel. Il relève avec une préoccupation particulière que le Code de l’enfance et de l’adolescence ne respecte pas les droits de l’homme consacrés dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées et que, par conséquent, les jeunes handicapés ne sont pas dûment pris en considération.

Le Comité exhorte l’État partie à donner suite aux observations formulées par le Comité des droits de l’enfant en ce qui concerne la justice pour mineurs ( voir CRC/C/URY/CO/3-5, par. 70 ) et à faire en sorte que le Code de l’enfance et de l’adolescence prévoie, conformément à la Convention, que les jeunes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel soient pris en considération. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les jeunes handicapé s bénéficient d’un accès adapté à la justice, en mettant à leur disposition les aménagements raisonnables dont ils ont besoin du fait de leur handicap.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

Le Comité est préoccupé par l’existencede textes normatifs tels que la loi no 9581 de 1936 relative à la santé mentale, qui prévoit la privation de liberté d’une personne handicapée sur la base de l’existence réelle ou supposée d’un handicap psychosocial. Il juge préoccupant également que les personnes déclarées non responsables d’un acte délictueux en raison d’un handicap puissent faire l’objet de mesures de sécurité, y compris être placées en détention pour une durée indéterminée. Il est en outre préoccupé par la situation des personnes handicapées privées de liberté dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention.

Le Comité demande instamment à l’État partie de réexaminer et de réformer son dispositif législatif, notamment la loi sur la santé mentale et le Code pénal, afin de mettre ses textes en conformité avec les dispositions de l’article 14 et de protéger de manière effective les garanties d’une procédure régulière pour les personnes handicapées, en particulier celles qui ont un handicap psychosocial ou intellectuel, en leur fournissant l’appui dont elles ont besoin pendant les procédures judiciaires. Le Comité exhorte l’État partie à protéger juridiquement, par l’intermédiaire du Bureau du Défenseur du peuple, tous les droits des personnes handicapées, en fournissant aux intéressés les services d’assistance juridique voulus et en veillant à ce qu’ils bénéficient des garanties d’une procédure régulière. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures afin que les établissements pénitentiaires soient accessibles et de procéder à des aménagements raisonnables à l’intention des personnes handicapées.

Le Comité est préoccupé par la situation des personnes handicapées qui sont internées dans des hôpitaux psychiatriques ou d’autres types d’établissement de long séjour en raison de leur handicap, sans qu’elles y aient consenti librement et en toute connaissance de cause, et il s’inquiète particulièrement du sort des filles et garçons handicapés en situation d’abandon qui sont placés en institution au motif de cette situation.

Le Comité invite instamment l’État partie à interdire le placement forcé de personnes en institution au motif qu’elles sont handicapées, et à prendre des mesures en vue d’abolir la pratique de l’internement ou de l’hospitalisation sans consentement. Pour l’application de ces recommandations, les directives du Comité sur l’article 14 de la Convention devront être prises en considération.

Droit de ne pas être soumis à la torture (art. 15)

Le Comité juge préoccupante l’insuffisance des ressources allouées à la prévention et au suivi des cas de torture ou d’autres traitements considérés comme cruels, inhumains ou dégradants dans les centres accueillant des personnes handicapées privées de liberté.

Le Comité recommande à l’État partie de mobiliser des ressources humaines et financières suffisantes pour renforcer les fonctions du mécanisme de prévention et de protection contre la torture. Il lui recommande également de prendre les mesures voulues pour qu’une formation théorique et pratique soit dispensée à tou t le personnel de ces lieux de privation de liberté afin de garantir le respect des droits de l’homme des personnes handicapées.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

Le Comité constate avec préoccupation que, dans les politiques de l’État partie relatives au handicap, les mesures prévues pour éliminer la violence à l’égard des femmes handicapées n’ont pas toutes été mises en œuvre. En outre, il juge préoccupant que d’autres personnes handicapées, en particulier les enfants et les personnes placées en institution, ne disposent pas des mécanismes voulus de protection contre la violence et la maltraitance .

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts et de doter sa législation et ses politiques de toutes les dispositions nécessaires pour garantir que toute personne handicapée bénéficie de mesures de prévention et de protection contre l’exploitation, la violence et la maltraitance, et que les victimes bénéficient de la réadaptation voulue, dans un environnement adapté . En outre, le Comité exhorte l’État partie à enquêter dûment sur tous les cas d’exploitation, de violence et de maltraitance commis à l’encontre de personnes handicapées, principalement à l’encontre de femmes et d’enfants, afin de garantir que tous les cas sont dépistés, font l’objet d’une enquête et, le cas échéant, donnent lieu à des poursuites. Il l’invite également à recueillir régulièrement des données et des statistiques sur la situation des personnes handicapées eu égard à la violence, à l’exploitation et à la maltraitance.

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de protocoles pour consigner, surveiller et superviser les conditions de fonctionnement des institutions où des personnes handicapées vivent encore.

Le Comité invite instamment l’État partie à mettre en place un mécanisme indépendant de su ivi, conformément au paragraphe 3 de l’article  16 de la Convention, chargé de consigner, surveiller et superviser les conditions de tout centre où vivent des personnes handicapées.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

Le Comité juge préoccupant que l’État partie continue d’appliquer la loi no 9581 de 1936, relative à la prise en chargedes malades psychiatriques et les règles relatives aux soins de santé mentale prescrites par le Ministère de la santé publique.

Le Comité recommande à l’État partie de revoir la loi n o 9581 de 1936 et les règles relatives aux soins de santé mentale prescrites par le Ministère de la santé publique, de manière à faire du consentement libre et éclairé des personnes handicapées, y compris de celles qui ont été déclarées incapables, une condition sine qua non de tout traitement médical ou de toute intervention chirurgicale, en particulier les traitements ou interventions à caractère invasif ou ayant des effets irréversibles, tels que la stérilisation et les interventions chirurgicales pratiquées sur les enfants intersexes.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

Le Comité est préoccupé par l’absence d’initiatives concrètes visant à abandonner le placement des personnes handicapées en milieu fermé et à mettre en place dans la société des dispositifs d’accompagnement qui permettraient à ces personnes de mener une vie autonome. Il est aussi préoccupé par les incohérences entre le programme d’aide personnelle et la persistance de l’approche médicale dans l’application de la loi sur les aidants.

Le Comité encourage l’État partie à persévérer dans ses efforts visant à refuser tout nouveau placement en institution et lui recommande de lancer, en concertation avec les organisations de personnes handicapées, un plan, assorti de délais précis et doté d’un budget suffisant, pour abandonner le placement en milieu fermé des personnes handicapées , notamment celles présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, qui garantisse aux intéressés l’accès aux services et aux aides nécessaires, y compris l’assistance personnelle, en vue de les amener à une vie autonome dans la société.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

Le Comité est préoccupé par la non-application des normes relatives à l’accessibilité des émissions de télévision officielles portant sur les processus électoraux ou diffusés en situation d’urgence ou en cas de catastrophe naturelle, et de l’inefficacité des mécanismes administratifs et judiciaires en cas de non-application. Il note aussi avec préoccupation que les normes et procédures relatives à l’utilisation du braille, de la langue des signes et d’autres formes de communication ne sont pas conformes à la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application des textes normatifs pertinents et de transmettre, par des moyens, modes et formes de communication accessibles , toutes les informations publiques destinées à la population générale, en particulier celles qui concernent des processus nationaux, des situations d’urgence ou des catastrophes naturelles.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

Le Comité est préoccupé par la persistance, dans le Code civil, de dispositions qui empêchent les personnes présentant un handicap psychosocial et intellectuel de se marier et refusent aux personnes handicapées le droit de se marier et de fonder une famille selon leurs préférences. Il est aussi préoccupé par l’absence des mesures d’accompagnement nécessaires aux personnes handicapées pour exercer leurs droits en matière de procréation dans des conditions d’égalité.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger les dispositions qui restreignent l’accès des personnes présentant un handicap psychosocial et intellectuel au mariage et de prendre les mesures d’accompagnement nécessaires pour appuyer les familles qui ont des enfants handicapés et pour que les personnes handicapées, en particulier les femmes, puissent exercer leurs droits à la maternité ou à la paternité sans discrimination et dans des conditions d’égalité avec les autres personnes.

Éducation (art. 24)

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de politique globale de l’éducation inclusive et que l’éducation spécialisée et séparée prévaut à tous les niveaux d’enseignement, des évaluations étant faites sur la base du handicap. Il est également préoccupé par l’absence de formation à l’éducation inclusive pour les enseignants, ce qui empêche la transition vers un système éducatif inclusif.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre un plan de transition, assorti d’une feuille de route, vers l’éducation inclusive de qualité, à tous les degrés d’enseignement jusqu’à l’enseignement supérieur, en formant des enseignants et en mettant à disposition les mesures d’accompagnement et les ressources nécessaires, comme le braille et la langue des signes, et en prenant particulièrement en considération les personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial. Il lui recommande aussi de mettre en avant et d’intégrer les droits des personnes handicapées comme composante obligatoire de la formation des enseignants et d’adopter une politique d’acceptation en ce qui concerne l’admission d’étudiants handicapés. Le Comité recommande en outre à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation à l’intention de la société en général, des écoles et des familles de personnes handicapées afin de promouvoir l’éducation inclusive et de qualité. Il lui recommande de prêter atte ntion aux liens entre l’article  24 de la Convention, son observation générale n o  4 (2016) sur le droit à l’éducation inclusive et les cibles  4.1, 4.5 et 4.a des objectifs de développement durable.

Santé (art. 25)

Le Comité est préoccupé par le fait que les services de santé ordinaires ne sont pas accessibles aux personnes handicapées, en particulier dans l’intérieur du pays. Il s’inquiète également du manque de professionnels dûment formés pour garantir le droit au consentement libre et éclairé, pour fournir des soins de santé intégrés aux personnes handicapées et répondre aux besoins spécifiques de ces dernières.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des plans et de mobiliser les ressources nécessaires pour faire en sorte que les services de santé de base, y compris les services de santé sexuelle et procréative et l’information en la matière, soient accessibles aux personnes handicapées. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les personnels des services de santé ordinaires reçoivent une formation à la communication avec les personnes handicapées et à leur prise en charge, dans les lieux de l’État partie où sont prodigués des soins de santé, en respectant le consentement libre et éclairé et les droits consacrés par la Convention. Le Comité recommande à l’État partie de prêter atte ntion aux liens entre l’article  25 de la Convention et les cibles 3.7 et 3.8 des objectifs de développement durable.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

Le Comité est préoccupé par l’absence de données sur les personnes handicapées qui ont accès à des services et à des programmes de réadaptation ainsi que par l’inexistence de ces services et programmes dans l’intérieur de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes handicapées, sur l’ensemble de son territoire, l’accès à des services et programmes de réadaptation de proximité aux fins de l’inclusion dans la société et la communauté.

Travail et emploi (art. 27)

Le Comité est préoccupé par le taux de chômage élevé des personnes handicapées. Il observe également avec préoccupation que le quota institué pour faciliter l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique n’est pas respecté. Il juge préoccupant également le manque d’informations sur les emplois et la pyramide des salaires des personnes handicapées dans le secteur privé.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre des stratégies spécifiques pour accroître l’employabilité, dans le secteur public, des personnes handicapées sans emploi, notamment au moyen de programmes de formation professionnelle . Il lui recommande également de recueillir les données sur l’employabilité dans le secteur privé sur le marché du travail ordinaire. Le Comité recommande à l’État pa rtie de s’inspirer de l’article  27 de la Convention pour la réalisation de la cible 8.5 des objectifs de développement durable.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

Le Comité relève avec préoccupation le nombre de personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour garantir aux personnes handicapées un niveau de vie décent, et pour atténuer les effets de l’appauvrissement lié au handicap, en particulier parmi les groupes qui subissent des discriminations croisées, comme les femmes, les enfants et les personnes âgées handicapés. Ces mesures doivent notamment prévoir que la couverture des frais liés au handicap soit garantie et que les programmes et stratégies de réduction de la pauvreté répondent aux besoins spécifiques des personnes handicapées en étroite collaboration avec des organisations représentatives de ces personnes. Le Comité recommande à l’État partie de prêter attention aux liens entre l’article 28 de la Convention et les cibles 1.3 et 1.4 des objectifs de développement durable.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

Le Comité juge préoccupant que la déclaration d’interdiction empêche la personne handicapée d’exercer son droit de vote et que les personnes handicapées, essentiellement les femmes, soient peu nombreuses à participer à la vie politique et publique. Il est également préoccupé par le manque d’accessibilité des matériels et des bureaux de vote pour les personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que nul ne soit privé du droit de voter et de participer à la vie politique et publique en raison d’un handicap ou de limitations de sa capacité juridique, et lui recommande aussi de s’attacher davantage à promouvoir l’accès des personnes handicapées aux fonctions électives et au service pub lic. Il lui recommande en outre d’intensifier ses efforts pour garantir que ses procédures, équipements physiques, installations et matériels électoraux soient plein ement accessibles aux personnes  handicapées.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

Le Comité est préoccupé par l’absence de données et d’informations ventilées et comparables sur les personnes handicapées dans l’État partie, dans tous les secteurs, ainsi que par le manque d’indicateurs des droits de l’homme dans les données disponibles. Il s’inquiète également de l’absence, dans les données statistiques, d’indications sur les questions relatives à l’égalité des sexes, aux enfants et à la violence.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la collecte systématique, l’analyse et la diffusion de données ventilées comparables sur les personnes handicapées dans tous les secteurs. Il lui recommande également d’élaborer, en collaboration avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, un système d’indicateurs fondé sur les droits de l’homme. Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de l’article 31 de la Convention pour la réalisation de la cible 17.18 des objectifs de développement durable.

Coopération internationale (art. 32)

Le Comité juge préoccupant que les principes et valeurs de la Convention ne soient pas incorporés systématiquement dans tous les programmes et toutes les politiques de coopération internationale de l’État partie. Il juge préoccupant également que les droits des personnes handicapées ne soient pas pris en considération dans toutes les mesures d’application et de suivi national duProgramme de développement durable à l’horizon 2030.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter, en étroite collaboration avec les organisations des personnes handicapées, une politique de coopération internationale conforme à la Convention et d’introduire les droits des personnes handicapées dans toutes les mesures d’application et de suivi national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, d’entente avec ces organisations .

Application et suivi au niveau national (art. 33)

Le Comité est préoccupé que la Commission nationale honoraire du handicap remplisse à la fois les fonctions de mécanisme de contrôle indépendant et de mécanisme d’application de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour désigner un mécanisme de contrôle qui soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Assistance technique

L’État partie pourra demander aux institutions spécialisées des Nations Unies de lui fournir une assistance technique pour la mise en œuvre des présentes recommandations.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

Le Comité prie l’État partie de lui rendre compte, dans un délai de douze mois à compter de l’adoption des présentes observations finale s et conformément au paragraphe 2 de l’article  35 de la Convention, des mesures prises pour donner suite à la recommandation du C omité qui figure au paragraphe  68 ci-dessus.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer les recommandations figurant dans les présentes observations finales et lui recommande de les transmettre, pour examen et suite à donner , aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux fonctionnaires des ministères compétents, aux membres du pouvoir judiciaire et aux groupes de professionnels concernés (tels que les professionnels de l’éducation, de la médecine et du droit), aux autorités locales et aux médias, en utilisant pour ce faire des stratégies de communication sociale modernes.

Le Comité invite l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, en particulier auprès des organisations non gouvernementales et des organisations qui représentent les personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment dans la langue des signes, et dans des formats accessibles, et de les publier sur la page Internet du Gouvernement consacrée aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

Le Comité prie l’État partie de soumettre son rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques au plus tard le 11 mai 2023 et d’y faire figurer des renseignements sur l’application des présentes observations finales. Il invite l’État partie à envisager de soumettre ce rapport conformément à la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l’État à cette liste de points constituent son rapport périodique.