Nations Unies

CED/C/ZMB/COAR/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

14 avril 2023

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales formulées en l’absence du rapport de la Zambie attendu au titre de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.À ses 423e et 424e séances, qui se sont tenues les 20 et 21 mars 2023, le Comité des disparitions forcées a examiné les réponses que la Zambie avait apportées à la liste de points établie en l’absence du rapport attendu au titre de l’article 29 (par. 1) de la Convention. À sa 437e séance, le 29 mars 2023, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.La Convention est entrée en vigueur pour la Zambie le 4 mai 2011. En application de l’article 29 (par. 1) de cet instrument, l’État partie était tenu de présenter, avant le 4 mai 2013, un rapport sur les mesures qu’il aurait prises pour s’acquitter des obligations mises à sa charge par la Convention. Or, il ne l’a pas fait, malgré plusieurs rappels. En conséquence, le Comité a décidé d’examiner en séance publique les mesures que l’État partie avait prises pour remplir ses obligations découlant de la Convention, en l’absence de rapport, conformément à l’article 50 de son règlement intérieur, et a adopté une liste de points à sa vingtième session (12 avril‑7 mai 2021). Il accueille avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie à la liste de points, qui ont été complétées par les déclarations faites oralement par la délégation au cours d’un dialogue constructif.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction de certaines des mesures législatives prises par l’État partie, en particulier du projet de loi n° 25 de 2022 portant modification du Code pénal, qui abolit la peine de mort, de la loi n° 1 de 2011 sur la lutte contre la violence fondée sur le genre, et de la loi n° 11 de 2008 sur la lutte contre la traite des êtres humains.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Renseignements d’ordre général

Respect de la Convention

4.Le Comité considère qu’au moment de la rédaction des présentes observations finales, les cadres législatif et institutionnel de l’État partie et les pratiques de ses autorités compétentes n’étaient pas conformes à la Convention pour ce qui était de prévenir, de faire cesser et de réprimer comme il convenait les disparitions forcées. Il se félicite qu’une étude de l’impact des dispositions législatives et réglementaires sera réalisée prochainement afin de juger de la nécessité d’élaborer une nouvelle législation sur les disparitions forcées.

Indérogeabilité de l’interdiction de la disparition forcée

5.Le Comité constate avec préoccupation qu’en vertu de l’article 25 de la Constitution, les libertés individuelles peuvent être restreintes en cas de guerre ou d’état d’exception. En outre, il note avec regret que l’État partie n’a pas fait mention de lois ni de mesures visant à garantir qu’aucune circonstance exceptionnelle ne puisse être invoquée pour justifier la disparition forcée, à laquelle nul ne saurait être soumis (art. 1).

6. Le Comité recommande à l’État partie d’inscrire expressément l’interdiction absolue de la disparition forcée dans le droit interne afin de satisfaire aux dispositions de l’article 1 (par. 2) de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité note que le budget alloué à la Commission nationale des droits de l’homme a été augmenté et lui est versé régulièrement. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles la Commission n’est toujours pas financièrement autonome et ne fonctionne toujours pas de manière efficace et indépendante.

8. Le Comité recommande à l’État partie de garantir le bon fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme, en la dotant des ressources financières, techniques et humaines dont elle a besoin pour mener à bien ses activités sur l’ensemble du territoire national, notamment en ce qui concerne les disparitions forcées et la détention secrète, et en établissant clairement la durée minimale du mandat de ses membres ainsi que les motifs de révocation et la procédure applicable en pareil cas. Il lui recommande également de veiller à ce que la Commission nationale des droits de l’homme fasse mieux connaître ses attributions et compétences et sensibilise le public, les organisations de la société civile et les autorités nationales et locales à la question des disparitions, notamment des disparitions forcées.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1 à 7)

Informations et données statistiques

9.Le Comité note que l’État partie possède une base de données sur les « personnes portées disparues ». Cependant, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques ventilées sur les personnes disparues, notamment sur les cas de disparition forcée au sens de l’article 2 de la Convention (art. 1, 2, 3, 12 et 24).

10. L’État partie devrait produire sans délai des informations statistiques exactes et à jour sur les personnes disparues, en les ventilant par sexe, orientation sexuelle, identité de genre, âge, nationalité, lieu d’origine et origine raciale ou ethnique. Ces informations devraient renseigner sur les dates des disparitions et sur le nombre de personnes disparues qui ont été localisées, vivantes ou mortes, et mettre en évidence les cas de disparition forcée qui auraient été commis par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, au sens de l’article 2 de la Convention.

Infraction autonome de disparition forcée et peines appropriées

11.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle une étude de l’impact des dispositions législatives et réglementaires sera effectuée afin de déterminer si une nouvelle loi doit être adoptée. Il rappelle toutefois que, pour satisfaire à l’obligation qui leur est faite à l’article 4 de la Convention, les États parties doivent considérer la disparition forcée comme une infraction autonome. En outre, il constate que l’État partie ne qualifie toujours pas expressément la disparition forcée de crime contre l’humanité, selon les normes établies à l’article 5 de la Convention (art. 2, 4 et 5).

12. Le Comité recommande à l’État partie de se hâter :

a) D’inscrire la disparition forcée dans la législation interne en tant qu’infraction autonome, définie conformément à l’article 2 de la Convention, et de la qualifier de crime contre l’humanité, selon les normes établies à l’article 5 de la Convention ;

b) De faire en sorte que la disparition forcée soit passible de peines appropriées qui tiennent compte de son extrême gravité.

Responsabilité pénale des supérieurs et devoir d’obéissance

13. Le Comité constate avec préoccupation que la législation pénale de l’État partie ne prévoit pas la mise en cause de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques dans les conditions établies à l’article 6 (par. 1 b)) de la Convention et n’exclut pas expressément l’invocation du devoir d’obéissance pour justifier une disparition forcée (art. 6 et 23).

14. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pénalement responsable et de punir comme il convient toute personne qui commet une disparition forcée, l’ordonne ou la commandite, tente de la commettre, en est complice ou y participe, conformément à l’article 6 (par. 1 a)) de la Convention. L’État partie devrait en outre veiller à ce que la législation nationale établisse expressément la responsabilité pénale des supérieurs et prévoie l’interdiction d’invoquer les ordres ou les instructions d’un supérieur pour justifier une disparition forcée, conformément à l’article 6 (par. 1 b) et 2) de la Convention.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Allégations et enquêtes sur les disparitions forcées

15.Le Comité prend note des informations que l’État partie lui a communiquées au sujet de la disparition d’anciens réfugiés rwandais. Cependant, il regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information concernant les allégations de disparitions forcées commises par des membres des forces de l’ordre. Il constate avec préoccupation qu’aucune des enquêtes ouvertes à la suite de ces allégations n’a encore abouti à des condamnations, ce qui entretient un climat d’impunité (art. 1, 11, 12 et 24).

16. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les allégations de disparition forcée fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale dans les meilleurs délais, même en l’absence de plainte pénale officielle, et que les responsables soient poursuivis et condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes.

17.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements précis sur les mécanismes permettant de garantir que les membres des forces de l’ordre ou des forces de sécurité et les autres agents de l’État soupçonnés d’avoir participé à la commission d’un crime de disparition forcée ne participent pas à l’enquête sur les faits qu’ils auraient commis (art. 12).

18. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des dispositions législatives prévoyant expressément que tout agent de l’État, civil ou militaire, soupçonné d’avoir participé à la commission d’un crime de disparition forcée soit suspendu de ses fonctions dès le début de l’enquête et pendant toute sa durée, sans préjudice du respect du principe de la présomption d’innocence.

19.Le Comité prend note des informations que l’État partie a fournies au sujet des disparitions forcées qui auraient été commises pendant les élections générales de 2016, mais regrette qu’aucune information ne lui ait été communiquée sur les résultats des enquêtes menées à cet égard, notamment sur la disparition des personnes suivantes : Humphrey Jupiter Nkonde (journaliste) ; Sikaile Sikaile, Sonely Mwenya, Chileshe Mulenga et Kayata Zhying (membres du Parti unifié pour le développement national) ; Cheelo Katambo (représentant de l’équipe média du Parti uni pour le développement national). Il constate avec préoccupation qu’à ce jour, personne n’a été tenu responsable de ces actes (art. 12).

20. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin que toutes les disparitions forcées, sans exception et indépendamment de la date à laquelle elles ont été commises, donnent lieu sans délai à des enquêtes impartiales, et que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, de sorte qu’aucun acte de disparition forcée ne reste impuni.

21.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations au sujet des mesures législatives et pratiques qu’il avait prises pour que les victimes de disparition, y compris de disparition forcée, puissent facilement déposer plainte et que les proches des personnes disparues puissent facilement participer à la phase de recherche et d’enquête. Il regrette également qu’aucune information n’ait été communiquée sur les mécanismes chargés de garantir une coordination et une coopération efficaces entre toutes les autorités intervenant dans la recherche de personnes disparues et dans les enquêtes sur des disparitions présumées, ni sur les accords de coopération mutuelle et d’entraide judiciaire qui existent avec d’autres États parties (art. 12, 14 et 15).

22. Le Comité invite l’État partie à :

a) Prendre sans attendre des mesures visant à faciliter le dépôt de plaintes pour disparition aux personnes ayant un intérêt légitime et la participation aux recherches et à l’enquête aux proches des personnes disparues, et veiller à ce que les proches des personnes disparues et les autres personnes ayant un intérêt légitime soient tenus informés de l’état d’avancement de la procédure et de ses résultats ;

b) Faire en sorte que les autorités intervenant dans la recherche de personnes disparues et dans les enquêtes sur des cas de disparition présumée soient dotées des ressources financières, techniques et humaines dont elles ont besoin pour s’acquitter de leurs tâches avec diligence et efficacité ;

c) Favoriser l’interaction et la coordination entre toutes les institutions nationales qui interviennent dans les procédures concernant des cas de disparition, notamment en établissant des mécanismes et canaux de communication qui permettent l’échange d’informations, à l’intérieur des institutions et entre les institutions, de manière systématique, instantanée et souple, selon les besoins, et en faisant en sorte que les informations soient accessibles et bien gérées ;

d) Veiller à ce que les autorités intervenant dans une enquête sur une disparition forcée aient bien accès en temps voulu à l’ensemble des documents et autres renseignements pertinents que pourraient détenir les organismes publics, en particulier les services de renseignement, l’armée et les forces de sécurité.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

23.Le Comité prend note des dispositions législatives existantes en matière d’extradition et de non-refoulement, en particulier de l’article 31 de la loi sur l’extradition et de l’article 23 de la loi no 1 de 2017 sur les réfugiés. Il prend également note des informations fournies par l’État partie au sujet de la signature avec le Rwanda d’un traité d’extradition qui s’applique aux personnes soupçonnées d’être impliquées dans le génocide des Tutsis. Cependant, il relève avec préoccupation que, selon les informations disponibles, le cadre normatif ne prévoit pas de procédures ni de critères spécifiques et bien définis pour établir et évaluer le risque de disparition forcée qui pèserait sur une personne visée par une procédure d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition dans le pays de destination. Il regrette que rien ne lui permette de savoir s’il est possible de faire appel d’une décision d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition et, dans l’affirmative, quelles sont les autorités à saisir et les procédures applicables, et si ces procédures ont un effet suspensif (art. 16).

24. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le principe de non-refoulement, consacré par l’article 16 (par. 1) de la Convention, soit strictement respecté en toutes circonstances. À cette fin, l’État partie devrait :

a) Veiller à ce que des procédures et des critères spécifiques et bien définis permettent d’établir et d’évaluer, par la voie d’un examen individuel approfondi réalisé par une autorité ou un organisme indépendant, le risque de disparition forcée qui pèserait sur une personne visée par une décision d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition dans le pays de destination, et, si ce risque existe, empêcher que la personne en question soit expulsée, refoulée, remise ou extradée ;

b) Veiller à ce que les assurances diplomatiques données par un État requérant soient examinées avec le plus grand soin et ne soient pas acceptées lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne courrait un risque réel et immédiat d’être soumise à une disparition forcée ;

c) Garantir l’effet suspensif des recours contre une décision autorisant une expulsion, un refoulement, une remise ou une extradition.

Détention secrète et garanties juridiques fondamentales

25.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’y a pas de lieux de détention secrète sur son territoire ainsi que des informations concernant les conditions de détention prescrites par la loi no 37 de 2021 sur l’administration pénitentiaire, mais reste préoccupé par le fait que la détention secrète n’est pas expressément interdite et qu’il n’existe pas de garanties effectives contre celle-ci (art. 17).

26. Le Comité recommande à l’État partie de garantir, en droit et en pratique, que nul ne soit détenu en secret, y compris en veillant à ce que toute personne privée de liberté jouisse de toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées à l’article 17 de la Convention. À cette fin, l’État partie doit :

a) Veiller à ce que les personnes privées de liberté soient uniquement placées dans des lieux de privation de liberté qui sont reconnus officiellement et contrôlés, et ce , à toutes les étapes de la procédure ;

b) Faire en sorte que toute personne, indépendamment des faits qui lui sont reprochés et dès le début de sa privation de liberté, ait effectivement accès à un avocat et que ses proches, toute autre personne de son choix et, si elle est étrangère, les autorités consulaires de son pays de nationalité soient informés de sa privation de liberté et de son lieu de détention ;

c) Faire en sorte que toutes les privations de liberté sans exception soient consignées dès leur commencement, quelle que soit la nature du lieu de privation de liberté (voir par. 27 et 28 ci-dessous) ;

d) Garantir le droit d’introduire un recours à toute personne privée de liberté ou, si celle-ci est dans l’incapacité d’exercer elle ‑même ce droit parce qu’elle serait soumise à une disparition forcée, à toute personne ayant un intérêt légitime, afin que le tribunal saisi statue à bref délai sur la légalité de la privation de liberté et ordonne la libération si cette privation de liberté est illégale.

Registres des personnes privées de liberté

27.Le Comité prend note de l’existence d’un registre officiel des détentions. Cependant, il constate avec regret que, faute d’informations, il ne sait pas quel type de données y sont enregistrées ni si de tels registres existent dans les lieux de privation de liberté de toutes natures, y compris les centres pour mineurs en conflit avec la loi, les postes de police, les centres de détention pour migrants et les établissements de santé mentale. En outre, il relève avec préoccupation que l’accès à l’information est subordonné à une procédure de contrôle par les forces de sécurité intérieure et regrette que peu d’informations claires lui aient été communiquées au sujet de cette procédure et des mesures prises afin de prévenir et de sanctionner les agissements décrits à l’article 22 de la Convention (art. 17 et 22).

28. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte :

a) Que tous les cas de privation de liberté sans exception, dès le début de la privation de liberté et quelle que soit la nature du lieu de privation de liberté, soient consignés dans des registres officiels, normalisés, à jour et interconnectés comportant au moins les informations requises par l’article 17 (par. 3) de la Convention ;

b) Que les registres des personnes privées de liberté soient remplis et mis à jour avec rapidité et exactitude, et contrôlés régulièrement ;

c) Que les fonctionnaires qui n’enregistrent pas tous les cas de privation de liberté, qui enregistrent des informations inexactes ou incorrectes, qui refusent de fournir des informations ou qui fournissent des informations inexactes soient soumis à une enquête en bonne et due forme et sanctionnés.

Formation relative à la Convention

29.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles il n’existe pas de formation régulière portant spécifiquement sur la Convention et sur l’infraction de disparition forcée. Il prend également note de la demande de l’État partie de bénéficier de possibilités de formation sur la Convention.

30. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le personnel militaire ou civil chargé de l’application des lois, le personnel médical, les agents de la fonction publique et les autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde ou le traitement de personnes privées de liberté, y compris les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l’administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation portant sur la disparition forcée et sur la Convention, comme le prévoit l’article 23 (par. 1) de cet instrument.

31. Le Comité recommande à l’État partie de contacter l’antenne du Haut ‑ Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans la région pour en savoir plus sur la façon de dispenser une formation portant sur l’application de la Convention.

5.Mesures visant à protéger et à garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Définition de la notion de victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

32.Le Comité relève avec préoccupation que la définition de victime qui figure dans la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains n’est pas conforme à celle qui est énoncée à l’article 24 de la Convention et s’applique uniquement lorsque la disparition forcée va de pair avec la traite. Il relève aussi avec préoccupation que le droit interne ne prévoit pas un régime de réparation intégrale qui respecte pleinement les dispositions de l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention.

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter, en droit interne, une définition de « victime » qui soit conforme avec l’article 24 (par. 1) de la Convention, afin que toute personne qui a subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée puisse exercer les droits énoncés dans la Convention ;

b) De mettre en place un régime de réparation intégrale qui tienne compte de la situation personnelle des victimes, notamment de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leur origine ethnique, de leur statut social et de leur handicap, ainsi que de toute autre caractéristique pouvant être pertinente dans le contexte national, qui soit pleinement conforme aux dispositions de l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention, qui relève de la responsabilité de l’État et qui soit applicable même si aucune procédure pénale n’a été engagée ;

c) De garantir les droits qu’ont toutes les victimes de disparition forcée, quelle que soit la date des faits et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, de connaître la vérité et d’obtenir pleine réparation.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et de leurs proches

34.Le Comité note avec préoccupation que les proches des personnes disparues peuvent être tenues de demander une « autorisation de déclaration sous serment du décès » de la personne concernée ou un certificat de décès auprès de la Haute Cour de Zambie, et que cette procédure aboutit à l’arrêt des recherches. En outre, il note que la loi sur les testaments et l’administration des successions testamentaires et la loi sur les successions ab intestat régissent la situation juridique des personnes déclarées mortes, mais regrette que la législation nationale ne définisse pas clairement la situation juridique des proches des personnes disparues, du point de vue de la protection sociale, des questions financières, du droit de la famille et des droits de propriété (art. 24).

35. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la situation juridique de toute personne disparue dont le sort n’a pas été élucidé ou qui n’a pas été localisée et la situation juridique des proches de ladite personne soient régies par l’article 24 (par. 6) de la Convention, notamment pour ce qui est de la protection sociale, du droit de la famille et des droits de propriété, sans qu’il soit nécessaire de déclarer que la personne disparue est présumée morte. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de prévoir la délivrance de déclarations d’absence pour disparition forcée dans sa législation.

6.Mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 25)

Législation relative à la soustraction d’enfant

36.Le Comité prend note des informations que l’État partie a communiquées au sujet des procédures applicables pour les adoptions nationales. En outre, il constate que l’article 23 (par. 1) de la loi no 12 de 2022 portant Code de l’enfance protège les enfants contre toute arrestation ou privation de liberté illégale, et prend acte des dispositions de la loi sur l’adoption. Cependant, il regrette de n’avoir reçu aucune information sur les mesures prises par l’État partie pour lutter contre l’adoption internationale illégale ni aucune information sur d’autre formes de placement ou de tutelle d’enfants. Il relève en outre avec préoccupation que les pratiques décrites à l’article 25 (par. 1) de la Convention ne sont pas visées par le Code pénal et que l’État partie ne dispose d’aucune procédure juridique permettant de réviser et, s’il y a lieu, d’annuler une procédure d’adoption, de placement ou de mise sous tutelle d’enfant qui trouve son origine dans une disparition forcée (art. 25).

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir sa législation pénale en vue d’y inscrire les actes visés à l’article 25 (par. 1) de la Convention en tant qu’infractions distinctes, et de prévoir pour ces infractions des peines à la mesure de leur extrême gravité ;

b) De mettre en place des procédures spéciales pour rendre à leur famille d’origine les mineurs visés à l’article 25 (par. 1 a)) de la Convention ;

c) De mettre en place des procédures spéciales permettant de réviser et, s’il y a lieu, d’annuler toute procédure d’adoption, de placement ou de mise sous tutelle d’enfants qui trouve son origine dans une disparition forcée, et de rétablir la véritable identité de l’enfant concerné, en tenant compte de son intérêt supérieur.

D.Réalisation des droits et respect des obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

38. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

39. Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants qu’elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d’une disparition forcée, qu’ils y soient soumis eux-mêmes ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition d’un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l’homme. C’est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l’État partie, de veiller à ce que les questions de genre et les besoins particuliers des femmes et des enfants soient systématiquement pris en compte dans l’application des recommandations figurant dans les présentes observations finales et la réalisation de l’ensemble des droits et obligations énoncés par la Convention.

40. L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l’État partie à promouvoir la participation de la société civile à l’application des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

41. Eu égard à l’article 29 (par. 4) de la Convention et afin de renforcer sa coopération avec lui, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 4 avril 2026, des informations précises et à jour sur la suite donnée à toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l’exécution des obligations énoncées par la Convention depuis l’adoption des présentes observations finales, dans un document établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention . Le Comité encourage l’État partie à associer la société civile, en particulier les organisations de victimes, à la compilation de ces informations, qu’il prévoit d’examiner en 2027.