NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/91/D/1385/200514 novembre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑onzième session15 octobre‑2 novembre 2007

CONSTATATIONS

Communication n o  1385/2005

Présentée par:

Benjamin Manuel (représenté par un conseil, M. Tony Ellis)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle‑Zélande

Date de la communication:

6 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision du Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 14 avril 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

18 octobre 2007

Objet: Réincarcération, pour qu’il exécute le reste de sa peine de réclusion à perpétuité pour meurtre, d’un détenu en liberté conditionnelle suite à un comportement violent

Questions de fond: Détention arbitraire

Questions de procédure: Épuisement des recours internes; justification de la plainte aux fins de la recevabilité; qualité de victime

Articles du Pacte: 7, 9 (par. 1, 2, 3 et 4), 10 (par. 1 et 3), 14 (par. 1, 2, 3 a) et b), et 7), 15, 26

Articles du Protocole facultatif: 1, 2, 5 (par. 2 b))

Le 18 octobre 2007, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1385/2005 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑onzième session

concernant la

Communication n o  1385/2005*

Présentée par:

Benjamin Manuel (représenté par un conseil, M. Tony Ellis)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle‑Zélande

Date de la communication:

6 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 18 octobre 2007,

Ayant achevé l’examen de la communication n° 1385/2005 présentée au nom de M. Benjamin Manuel au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Benjamin Manuel, de nationalité néo‑zélandaise, né en 1967. Il affirme être victime de violations par la Nouvelle‑Zélande des droits qui lui sont garantis à l’article 7, aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 9, aux paragraphes 1 et 3 de l’article 10, aux paragraphes 1, 2, 3 a) et b) et 7 de l’article 14, à l’article 15 et à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, M. Tony Ellis.

Exposé des faits

2.1En juillet 1984, l’auteur a été reconnu coupable de meurtre et condamné à la réclusion à perpétuité. Le 18 janvier 1993, il a bénéficié d’une libération conditionnelle. Pendant qu’il était en liberté, il a commis d’autres infractions dont il a été jugé coupable et pour lesquelles il a été condamné: en février 1993, il a été reconnu coupable de conduite avec un taux d’alcool excessif et condamné à une amende de 500 dollars et à un retrait de permis de six mois; en mars 1993, il a été reconnu coupable de violation des termes de sa libération conditionnelle pour ne pas s’être présenté aux autorités, et condamné à cent cinquante heures de travaux d’intérêt général; en mai 1994, il a été reconnu coupable de recel d’un bien volé, et condamné à une amende de 200 dollars; en octobre 1995, il a été déclaré coupable d’atteinte à l’ordre public, de préjudice intentionnel et de menaces verbales, et condamné à une amende de 400 dollars; en novembre 1995, il a été reconnu coupable de conduite dangereuse d’un véhicule (ayant renversé sa sœur en faisant marche arrière), de conduite avec un taux d’alcool excessivement élevé et d’atteinte à l’ordre public, et condamné à quatre mois d’emprisonnement. Il a également été accusé de voies de fait sur une personne de sexe féminin mais a été acquitté après sa réincarcération.

2.2Le 29 janvier 1996, l’auteur a été libéré après avoir exécuté la peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné en novembre 1995. Le même jour, le Directeur du Département des services pénitentiaires a adressé, en application de l’article 107 I de la loi sur la justice pénale (ci‑après dénommée «la loi»), à la Commission des libérations conditionnelles une demande pour qu’il soit réincarcéré. Les arguments avancés étaient que l’auteur avait été condamné pour plusieurs infractions qui lui avaient valu une peine totale de deux mois d’emprisonnement, qu’il était en liberté sous caution après avoir été accusé d’une autre infraction (voies de fait sur une personne de sexe féminin) et qu’il fallait, pour des raisons de sécurité publique, qu’il reste en détention, compte tenu des infractions commises et de son comportement qui laissait de plus en plus à désirer. Le Directeur du Département des services pénitentiaires a également demandé que soit prononcée une ordonnance provisoire de réincarcération en application de l’article 107 J de la loi dans la mesure où l’auteur faisait peser un risque immédiat sur la sécurité du public.

2.3Le 31 janvier 1996, le Président de la Commission des libérations conditionnelles, un juge de la Haute Cour, a, en application de l’article 107 J de la loi, ordonné la réincarcération provisoire de l’auteur en attendant que la Commission tienne une audience, le 29 février 1996. Le 1er février 1996, l’auteur s’est spontanément présenté à la police et a été arrêté en application d’un mandat provisoire. Le 13 février 1996, il a accepté par écrit que l’audience que devait consacrer la Commission à l’examen de la demande de réincarcération soit reportée au 19 mars 1996. L’audience a eu lieu à cette dernière date. L’auteur y était représenté par un conseil, qu’il avait consulté par téléphone avant la date de l’audience et rencontré vingt minutes avant le début de celle‑ci.

2.4La Commission, composée d’un juge de la Haute Cour et de quatre autres membres, a émis par écrit une ordonnance définitive de réincarcération, estimant que i) la violation par l’auteur des termes de sa libération conditionnelle, ii) le fait qu’il ait commis d’autres infractions pendant qu’il était en liberté conditionnelle et iii) son comportement donnant à penser qu’il commettrait d’autres infractions s’il restait en liberté avaient été suffisamment établis (selon le critère de la plus grande probabilité). De manière plus générale, la Commission a jugé qu’il y avait de sérieux motifs de conclure que l’auteur constituait un risque pour la sécurité du public. Après avoir examiné les condamnations, les rapports établis par les services pénitentiaires, les difficultés qu’avait l’auteur à maîtriser ses accès de colère et son problème d’alcool ainsi que les avis de l’agent de probation compétent, la Commission a estimé qu’il était nécessaire d’agir pour prévenir de futures infractions et confirmé l’ordonnance provisoire de réincarcération. La Commission a donné un avis favorable quant à l’examen par le Département des services pénitentiaires d’une possibilité de libération temporaire, en application de la loi sur les institutions pénitentiaires, pour permettre à l’auteur de suivre un traitement contre l’alcoolisme en établissement. En conséquence, le 19 mars 1996, un mandat de réincarcération a été décerné en application de l’article 107 L de la loi; l’auteur a donc été réincarcéré et est resté en prison depuis lors. Il n’a pas exercé son droit de faire appel de l’ordonnance de réincarcération, garanti à l’article 107 M de la loi.

2.5À compter du 9 décembre 1996, la Commission a examiné le cas de l’auteur tous les six à douze mois refusant d’autoriser sa libération mais faisant une série de recommandations à différents stades (libération temporaire pour suivre un programme de soins en établissement, permission de trois jours pour suivre un programme de traitement de l’alcoolisme, permission temporaire pour suivre un programme de prévention de la violence, placement dans un service spécial pour Maoris, placement dans un service d’autotraitement, travail d’intérêt général, etc.). En détention comme au cours des programmes de soins, l’auteur a manifesté à plusieurs reprises un comportement inapproprié. Il n’a à aucun moment demandé un contrôle judiciaire ni exercé son droit, instauré en juillet 2002, de demander le réexamen par une commission à composition différente d’aucune des décisions prises par cet organe après sa réincarcération.

2.6Le 30 mars 2004, l’auteur a demandé une libération sommaire dans le cadre de la procédure d’urgence prévue par la loi sur l’habeas corpus. Il a argué que sa réincarcération était illégale étant donné que les dispositions de la loi sur la justice pénale n’avaient pas été lues conjointement avec l’article 9 de la loi sur la déclaration des droits, qui interdit les peines excessivement sévères. Il a aussi fait valoir que la Commission des libérations conditionnelles n’était pas compétente pour tenir une audience afin de se prononcer sur sa réincarcération définitive, dans la mesure où l’ordonnance provisoire de réincarcération était illégale. Plus précisément, il n’y avait aucune trace écrite de cette ordonnance, à l’exception d’une référence à celle‑ci figurant dans le mandat de réincarcération et la demande d’ordonnance provisoire ne pouvait de surcroît être faite ex parte. L’auteur a également fait valoir que l’audience finale avait été ajournée sans qu’il ait donné son consentement, ce qui était illégal. Enfin, il a affirmé que l’ordonnance provisoire et l’ordonnance définitive étaient illégales parce que la Commission des libérations conditionnelles, le Département des services pénitentiaires et la police n’avaient pas fait en sorte qu’il soit informé de ses droits d’être représenté par un conseil et de former un habeas corpus et qu’il n’avait pas été traduit promptement devant un tribunal.

2.7Le 2 avril 2004, la Haute Cour a rejeté la requête de l’auteur. S’agissant de l’allégation selon laquelle sa réincarcération était disproportionnée au regard de son comportement, la Haute Cour a estimé que le dispositif prévu par la loi ne limitait pas la réincarcération aux circonstances dans lesquelles des actes de violence graves ou des atteintes à la vie ou à l’intégrité des personnes risquaient d’être commis. Elle a jugé que, compte tenu de son comportement (le fait qu’il conduisait en état d’ivresse et en faisant marche arrière avait renversé sa sœur qui avait perdu connaissance, et le fait qu’il ait agressé sa mère), de sa difficulté à maîtriser sa colère et son problème d’alcoolisme et du risque apparent qu’il commette encore d’autres infractions, la Commission des libérations conditionnelles était fondée à conclure qu’il représentait un grave danger pour autrui.

2.8S’agissant de l’allégation de l’auteur selon laquelle l’illégalité de l’ordonnance provisoire a rendu nulle et non avenue l’ordonnance définitive en vertu de laquelle il a été maintenu en détention, la Cour a estimé que, si l’ordonnance provisoire était illégale, il pourrait prétendre à être indemnisé pour la courte période, allant du 1er février 1996 au 19 mars 1996, durant laquelle il avait été emprisonné en application de celle‑ci; toutefois, selon le dispositif prévu par la loi, le seul lien existant entre les deux ordonnances est d’ordre temporel − lorsqu’une ordonnance provisoire est émise, une ordonnance finale doit être prononcée dans un délai maximum de deux à quatre semaines, sauf décision contraire prise d’un commun accord par les parties. À propos de l’allégation d’impartialité − tirée du fait que le Président de la Commission qui avait émis l’ordonnance provisoire siégeait aussi au sein de la Commission qui avait prononcé l’ordonnance définitive −, la Cour a estimé que le dispositif prévu par la loi était clair à ce sujet et qu’aucun problème juridique ne se posait en la matière.

2.9Pour ce qui est du fait qu’au moment de son arrestation, en application de l’ordonnance provisoire de réincarcération, l’auteur n’a pas été informé du motif de son arrestation et de son droit d’être représenté par un conseil, en violation du paragraphe 1 a) et b) de l’article 23 de la loi sur la déclaration des droits, la Cour a estimé qu’il n’y avait en effet pas de preuve attestant que l’auteur avait bien reçu copie de la notification requise par l’article 107 J 4) mais que la notification portait sur le droit de l’auteur de se faire représenter par un conseil non pas en ce qui concerne la réincarcération provisoire mais en ce qui a trait à l’audience de la Commission. Bien que la violation des droits garantis par l’article 23 puisse justifier l’octroi d’une indemnisation ou l’exclusion de preuves dans le cadre de la procédure d’habeas corpus devant la Cour, elle n’a pas pour autant rendu la réincarcération illégale. En tout état de cause, le fait que l’auteur n’ait pas été informé de ses droits à temps n’a eu aucune conséquence et il n’y a pas eu de tentative pour extorquer des aveux. S’agissant du caractère ex parte de l’ordonnance provisoire, le tribunal a estimé qu’il était clairement envisagé par le dispositif prévu par la loi et ne soulevait donc aucune question. Enfin, en ce qui concerne la question technique de l’absence d’une notification écrite distincte de l’ordonnance provisoire accompagnant le mandat provisoire, le tribunal a estimé qu’un mandat en bonne et due forme constituait une preuve suffisante de l’existence d’une ordonnance.

2.10Le 15 juin 2005, un recours de l’auteur contre cette décision a été rejeté par la cour d’appel. La cour a considéré que, dans le cadre de la procédure sommaire d’urgence prévue par la loi sur l’habeas corpus, la présentation d’un mandat en bonne et due forme était tout à fait suffisante; des griefs, comme ceux formulés dans le cas d’espèce, pour des considérations de droit administratif au sujet des décisions à la base de mandats en bonne et due forme devraient être formulés dans le cadre plus approprié d’une procédure de contrôle judiciaire. Cela dit, la cour a examiné le fond des arguments avancés par l’auteur et a confirmé la décision de la Haute Cour.

2.11Le 3 août 2005, la Cour suprême a rejeté une demande d’autorisation de faire de nouveau appel déposée par l’auteur. Une deuxième requête datée du 4 août 2005 visant à ce que soit prononcée une ordonnance d’habeas corpus a été retirée deux jours plus tard. Le 27 novembre 2006, la Commission des libérations conditionnelles a estimé que l’auteur avait fait d’excellents progrès pour mériter sa libération et lui a donc accordé celle-ci aux conditions habituelles, assorties de conditions spéciales applicables pendant deux ans.

Teneur de la plainte

3.1Les griefs de l’auteur portent sur quatre points généraux: l’ordonnance provisoire de réincarcération du 1er février 1996, l’ordonnance définitive de réincarcération du 19 mars 1996, le maintien de l’auteur en détention et sa capacité de contester sa détention.

3.2Pour ce qui est de l’ordonnance provisoire, l’auteur affirme que les faits font apparaître des violations des paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10, des paragraphes 1, 2 et 3 a) de l’article 14, de l’article 15 et de l’article 26 du Pacte. Concrètement, il fait valoir que l’ordonnance provisoire de réincarcération ne lui a pas été notifiée (art. 9, par. 1; 10, par. 1; 14, par. 1; 15; 26), qu’au moment de son arrestation en application de cette ordonnance, il n’a été informé ni de son droit d’être représenté par un conseil ou de bénéficier d’une ordonnance d’habeas corpus (art. 9, par. 4), ni des motifs de sa détention (art. 9, par. 2; 14, par. 3 a)), que le mandat de réincarcération était arbitraire ou illégal dans la mesure où il n’était pas accompagné d’une notification écrite séparée de l’ordonnance provisoire (art. 9, par. 1), qu’après son incarcération, en application de cette ordonnance, l’audience de la Commission des libérations conditionnelles prévue pour le 29 février 1996 a été ajournée au 19 mars 1996 et qu’il n’a donc pas été rapidement présenté à une autorité judiciaire, qu’il n’a pas non plus pu participer à une procédure devant un tribunal, un organe judiciaire ou un organe quasi judiciaire (art. 9, par. 3 et/ou 4) et qu’il n’a pas eu la possibilité de contester sa détention (art. 9, par. 4).

3.3Pour ce qui est de l’ordonnance définitive de réincarcération, l’auteur affirme que les faits font apparaître des violations de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 9, des paragraphes 1 et 3 de l’article 10, du paragraphe 7 de l’article 14 et de l’article 15 du Pacte. Concrètement, il fait valoir que la décision de réincarcération était contraire à la loi et que sa mise en détention en application de cette ordonnance était donc arbitraire (art. 9, par. 1). Il affirme en outre que sa détention en application de la décision de le renvoyer en prison pour qu’il purge le reste de sa peine était arbitraire parce qu’elle a été prise pour cause de violation des termes de sa libération conditionnelle, du fait qu’il avait commis de nouvelles infractions violentes pendant qu’il était en liberté et qu’il risquait d’en commettre d’autres encore. Or le risque qu’il se rende coupable d’autres infractions n’est pas assimilable aux «raisons impérieuses» justifiant le maintien en détention telles que définies dans le cadre de l’affaire Rameka c. Nouvelle ‑Zélande, ne constitue pas un motif suffisant de réincarcération compte tenu de la décision du Comité dans l’affaire Stafford c. Royaume ‑Uni, est trop vague pour pouvoir être pris en compte et se rapporte à des infractions qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier le renvoi en prison. L’auteur fait valoir également que sa détention était arbitraire dans la mesure où la Commission des libérations conditionnelles n’était ni indépendante ni impartiale, étant donné: i) que la décision provisoire de réincarcération avait été prise par un membre de la Commission, son président, qui a fait, par la suite, partie des membres de la Commission qui ont pris la décision finale; ii) que le Président était un juge; iii) que la procédure de la Commission ne correspondait pas à celle d’un tribunal et iv) que les bureaux de la Commission étaient situés dans le même bâtiment que le bureau juridique du Département des services pénitentiaires, lequel fournit un appui administratif à la Commission. Pour les mêmes raisons, la Commission a violé le droit de l’auteur à une procédure équitable, qui est garanti au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

3.4L’auteur ajoute, en ce qui concerne l’ordonnance définitive de réincarcération, que la décision a constitué un traitement excessivement sévère, en violation de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. Elle est également incompatible avec le droit, garanti au paragraphe 3 de l’article 9, d’être présentée à un juge après une arrestation ou une mise en détention d’une personne soupçonnée d’une infraction pénale, étant donné le manque d’indépendance de la Commission, dont il est fait état plus haut. Cette mesure n’a pas non plus contribué à la réinsertion sociale de l’auteur, allant ainsi à l’encontre du paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte. L’auteur n’a pas eu en outre la possibilité de donner comme il convient ses instructions à son conseil et n’a pas bénéficié de la présomption d’innocence, garantie par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. La décision de réincarcération va aussi à l’encontre de la règle non bis in idem, reconnue au paragraphe 7 de l’article 14 et/ou du droit à la protection contre une application rétroactive de la loi, garanti à l’article 15. Enfin, la décision de réincarcération est contraire à l’article 26 parce que la Commission s’était fondée pour la prendre sur la question de savoir si l’auteur faisait peser un risque suffisamment grave sur la sécurité publique et/ou parce que certaines questions soulevées par lui ne pouvaient être tranchées dans le cadre d’une procédure sommaire au titre de la loi sur l’habeas corpus.

3.5S’agissant de son maintien en détention après la décision de réincarcération, l’auteur affirme que cette mesure va à l’encontre du paragraphe 1 de l’article 9 et des paragraphes 3 et 4 de l’article 10 du Pacte. Les décisions prises par la Commission après sa réincarcération sont contraires au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, dans la mesure où elles ne sont pas dictées par des raisons impérieuses (ou d’autres motifs compréhensibles). Les résultats et les conclusions du rapport du service psychologique de 1998, présentés à la Commission, étaient erronés et la mesure de détention qui en a résulté était donc arbitraire et illégale. L’auteur fait aussi valoir qu’il a été privé de la possibilité d’être placé en autotraitement et qu’il n’a pas bénéficié de services de réadaptation convenables, en violation du paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte. Enfin, il affirme qu’il est passé d’un régime de sécurité minimale à un régime de sécurité haute à moyenne dès qu’il a déposé sa requête d’habeas corpus.

3.6L’auteur affirme que l’insuffisance des moyens dont il a disposé pour contester sa détention constitue une violation du paragraphe 4 de l’article 9 et de l’article 26 du Pacte. Les recours judiciaires disponibles ne permettent pas d’assurer l’examen que requiert le paragraphe 4 de l’article 9, étant donné i) que, s’agissant du contrôle judiciaire, le recours offert par les tribunaux est discrétionnaire et non obligatoire comme c’est le cas en matière d’habeas corpus, ii) que le contrôle judiciaire ne porte pas sur le fond de la question de la détention au sens de la décision de la Cour européenne dans l’affaire Weeks c. Royaume ‑Uni, iii) qu’une demande de contrôle judiciaire nécessite que l’on acquitte 40 dollars au titre des frais de justice alors qu’un recours en habeas corpus est gratuit et iv) qu’une procédure de contrôle judiciaire est moins rapide qu’une procédure d’habeas corpus. Le fait que certains des griefs soulevés par l’auteur pouvaient faire l’objet d’un contrôle judiciaire mais pas d’une procédure d’habeas corpus est discriminatoire à l’égard des personnes incarcérées, ce qui constitue une autre violation de l’article 26 du Pacte. Enfin, la procédure d’habeas corpus est une procédure urgente et sommaire et ne permet pas de prendre connaissance avant le procès des éléments de preuve détenus par l’accusation, ce qui constitue une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations du 7 novembre 2005, l’État partie conteste l’ensemble de la communication au regard de la recevabilité et du fond. Il affirme, de manière générale, que l’auteur est détenu en application d’une condamnation à une peine de prison après que sa libération conditionnelle a été rapportée. Sa réincarcération initiale s’était faite au motif qu’il pouvait être renvoyé en prison et qu’il faisait peser un risque immédiat sur la sécurité d’autrui. La décision définitive de réincarcération a été prise à la suite d’une audience de la Commission des libérations conditionnelles, durant laquelle l’auteur était présent et représenté par un conseil. Son maintien en détention a été examiné par la Commission tous les six à douze mois (jusqu’à sa libération sous conditions en novembre 2006), en fonction de renseignements constamment mis à jour sur son comportement et son état psychologique ainsi que des remarques de ses conseils. La Commission et le Département des services pénitentiaires ont tous deux consenti de gros efforts pour permettre à l’auteur de suivre des programmes de réinsertion. L’État partie note qu’hormis une demande de libération sommaire en application de la loi sur l’habeas corpus l’auteur n’a contesté aucune des décisions à la base de sa détention, en particulier par le biais d’un réexamen ou d’un contrôle judiciaire des décisions successives de la Commission, en vertu desquelles il était maintenu en détention.

Questions soulevées par la réincarcération provisoire

4.2Pour ce qui est de la série de griefs relatifs à l’ordonnance provisoire, l’État partie fait valoir, en ce qui concerne la plainte au titre du paragraphe 1 de l’article 10, que pour que cette disposition puisse être invoquée il faut non seulement qu’il y ait détention mais aussi des souffrances inacceptables. L’affirmation selon laquelle l’auteur a été de façon discriminatoire privé du droit à un procès équitable, qui est garanti aux personnes accusées d’infractions pénales, n’est nulle part étayée et il convient, en tout état de cause, de tenir compte du fait qu’il y a une différence entre les décisions relatives à des accusations pénales et les décisions concernant la libération conditionnelle. Ces plaintes sont par conséquent irrecevables car elles n’ont pas été suffisamment étayées.

4.3Pour ce qui est du fond des griefs relatifs à l’ordonnance provisoire, l’État partie souligne qu’une décision provisoire et une décision finale, confirmées par les tribunaux, sont bien distinctes quant aux faits et au droit, compte tenu des critères différents qui s’appliquent à l’une et à l’autre; de ce fait, un vice dont serait entachée la première n’enlève rien à la validité de la deuxième, sur laquelle est fondée la détention de l’auteur à compter du 19 mars 1996. Pour ce qui est du caractère ex parte de l’ordonnance provisoire, l’État partie note qu’il a de bonnes raisons d’examiner ex parte les demandes de réincarcération provisoire dans la mesure où une personne en liberté conditionnelle dont le comportement a justifié une demande de réincarcération est susceptible de se soustraire à la justice si elle reçoit une notification de la demande de renvoi en prison. Une ordonnance de réincarcération n’impose pas une nouvelle peine, ne faisant que mettre fin à la liberté conditionnelle en obligeant une personne à continuer d’exécuter la peine à laquelle elle avait été condamnée au motif qu’elle représente pour autrui un risque jugé suffisamment grave. Les intérêts de la personne renvoyée en prison sont protégés par la garantie de l’assistance d’un conseil et la tenue d’une audience à brève échéance. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le mandat n’était pas accompagné d’une notification écrite séparée de l’ordonnance de réincarcération, il n’y a aucune disposition à cet effet dans la loi, comme les tribunaux l’ont confirmé.

4.4Pour ce qui est de la question de savoir si l’auteur a été informé des motifs de sa réincarcération au moment de son arrestation en application d’un mandat provisoire, l’État partie note qu’il s’est spontanément présenté à la police un jour après que le mandat a été décerné et qu’il était donc manifestement au courant des motifs de son arrestation; l’État partie se réfère aux constatations du Comité dans l’affaire Stephens c. Jamaïque, selon lesquelles lorsqu’une personne se rend à la police, pleinement consciente des motifs de sa détention, il n’y a aucune violation du paragraphe 2 de l’article 9. De même, le paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte ne s’applique pas à une ordonnance de réincarcération provisoire (ou définitive) dès lors qu’il ne s’agit pas de se prononcer sur une accusation pénale mais de renvoyer une personne bénéficiant d’une liberté conditionnelle en prison pour qu’elle continue d’exécuter sa peine initiale.

4.5Pour ce qui est des allégations concernant le droit à un contrôle de la mesure de détention prise en application d’une ordonnance provisoire de réincarcération, l’État partie affirme que c’est seulement en cas d’arrestation d’une personne soupçonnée d’une infraction pénale qu’il est tenu, en vertu du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte, de présenter cette personne à un juge. Comme l’auteur n’a pas été arrêté ou placé en détention dans ces conditions, la disposition applicable est le paragraphe 4 de l’article 9 relatif au droit de contester devant un tribunal la légalité de sa détention. À cet égard, le 19 mars 1996, l’auteur a comparu devant la Commission des libérations conditionnelles en étant assisté par un conseil, avec lequel il a pu s’entretenir avant l’audience. Il avait la possibilité de demander à tout moment un contrôle judiciaire bien qu’il n’ait cherché à exercer ce droit qu’en mars 2004. Le Comité a confirmé que ce droit n’est pas accordé d’office par l’État partie mais exercé à l’initiative de l’auteur ou de ses représentants.

4.6Pour ce qui est du droit de recours en habeas corpus, l’État partie conteste que le droit garanti au paragraphe 4 de l’article 9 soit assorti d’un droit connexe d’en être informé. L’auteur a eu et continue d’avoir la possibilité d’exercer son droit de recours en habeas corpus à tout moment. L’État partie affirme également que ledit article du Pacte ne confère nullement à une personne le droit d’être informée de son droit de s’entretenir avec un avocat; à cet égard, le paragraphe 1 b) de l’article 23 de la loi sur la déclaration des droits va plus loin que l’article 9 du Pacte. Quoi qu’il en soit, l’État partie rejette l’allégation selon laquelle l’auteur n’a pas été informé de son droit de s’entretenir avec un avocat lorsqu’il a été arrêté en application du mandat provisoire, faisant observer qu’il n’a pas eu la possibilité de faire vérifier cela par un tribunal en raison de la manière dont l’auteur a organisé son recours.

4.7Pour ce qui est du droit à un procès équitable, l’État partie affirme qu’une demande, dont l’acceptation entraînerait la réincarcération d’un prisonnier en liberté conditionnelle pour qu’il continue à exécuter sa peine, n’est pas assimilable à une accusation d’infraction pénale tombant sous le coup de l’article 14. La Cour européenne des droits de l’homme a maintes fois statué que de telles demandes ne constituaient pas une nouvelle accusation, portant uniquement sur la continuation de l’exécution de la peine initiale. Quoi qu’il en soit, même si l’auteur n’a pas été entendu pendant la première phase (durant laquelle une mesure peut être prise sans qu’il y ait audience) il a en revanche eu droit à une audience équitable devant un organe indépendant et impartial, la Commission des libérations conditionnelles, siégeant en formation plénière, au stade de l’adoption de l’ordonnance définitive de réincarcération, audience au cours de laquelle il était présent et était représenté par un conseil.

Questions soulevées par l’ordonnance définitive de réincarcération

4.8Sur le plan de la recevabilité, l’État partie note que l’auteur n’a pas exercé son droit d’interjeter appel auprès de la Haute Cour de l’ordonnance définitive de réincarcération prise en application de l’article 107 M de la loi, appel qui aurait donné lieu à une procédure pendant laquelle la Cour se serait prononcée sur la question de savoir si l’ordonnance était justifiée et, dans le cas contraire, sur la question de savoir si cette ordonnance devait être annulée et le prisonnier libéré. L’auteur n’a pas non plus demandé de contrôle judiciaire (ce qui aurait constitué un recours provisoire également) par la Haute Cour de la décision définitive de réincarcération prise par la Commission pas plus qu’il n’a exercé son droit de demander à la Commission d’examiner son maintien en détention (en application du paragraphe 3 de l’article 97 de la loi) ou de revoir sa décision (en vertu de la loi − adoptée ultérieurement − sur la libération conditionnelle, qui prévoit elle aussi la possibilité de saisir la Haute Cour au cas où la Commission différerait la libération, comme dans le cas d’espèce).

4.9L’État partie fait valoir que tous les griefs invoqués par l’auteur, hormis celui de discrimination alléguée qui est tiré de l’article 26, se prêtaient à un ou plusieurs de ces recours et sont donc irrecevables pour non‑épuisement des recours internes. Plus précisément, les allégations selon lesquelles il y a eu violation de la loi sur la justice pénale, la Commission s’est fondée pour prendre sa décision sur une simple évaluation du risque de récidive, les infractions commises en liberté conditionnelle n’étaient pas excessivement graves, la Commission a apparemment ou manifestement fait preuve de partialité et l’ordonnance de réincarcération était disproportionnée auraient pu être soulevées en appel en application de l’article 107 M de la loi. De même, les griefs de l’auteur tirés du fait qu’il y aurait eu violation de la loi sur la justice pénale, que la Commission se serait fondée pour prendre sa décision sur une simple évaluation du risque de récidive, que l’ordonnance de réincarcération serait disproportionnée, que la Commission aurait apparemment ou manifestement fait preuve de partialité, qu’elle n’aurait pas songé à la réinsertion, qu’il y aurait eu violation du principe de la présomption d’innocence et du principe non bis in idem auraient pu faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Les affirmations selon lesquelles l’évaluation du risque était erronée, les infractions commises n’étaient pas excessivement graves et l’ordonnance de réincarcération était disproportionnée auraient pu être soumises à la Commission dans le cadre d’une demande de réexamen. Les questions de la présomption d’innocence, de la règle non bis in idem et de la rétroactivité auraient pu également, dans le cadre d’une affaire normale, être abordées au moyen d’un recours urgent en habeas corpus.

4.10L’État partie affirme aussi que trois allégations sont irrecevables faute d’avoir été suffisamment étayées, à savoir: i) que la détention de l’auteur n’est pas une simple privation de liberté mais lui a causé des souffrances inacceptables qui soulèvent des questions au titre de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte; ii) qu’il n’y avait pas de plan de réinsertion en violation du paragraphe 3 de l’article 10 (cette allégation est contredite par le fait que le Département des services pénitentiaires et la Commission des libérations conditionnelles ont donné à l’auteur la possibilité de suivre plusieurs programmes de réadaptation, dont ce dernier n’a pas tiré profit dans la mesure où il consommait des drogues en prison et faisait preuve d’absentéisme); iii) qu’il y a eu discrimination dans la mesure où l’existence d’un risque qui a fait l’objet d’une évaluation dans le cadre de l’examen de la demande de réincarcération n’a pas été prouvée au‑delà de tout doute raisonnable et dans les limites de la procédure d’habeas corpus.

4.11Pour ce qui est du fond, l’État partie fait valoir que l’incarcération de l’auteur en application de l’ordonnance définitive n’était pas arbitraire dans la mesure où ce dernier a violé les termes de sa libération conditionnelle, a commis d’autres infractions violentes alors qu’il était en liberté conditionnelle et s’est conduit d’une manière indiquant qu’il allait probablement commettre de nouvelles infractions; la Commission des libérations conditionnelles a estimé qu’il mettait en danger la sécurité du public et que sa réincarcération était donc justifiée.

4.12L’État partie rejette l’allégation selon laquelle la décision de la Commission allait à l’encontre des constatations du Comité dans l’affaire Rameka, dans laquelle le Comité a estimé qu’une mesure de détention devait être justifiée par des raisons impérieuses et être régulièrement examinée par un organe indépendant. Il note que, contrairement aux circonstances de l’affaire Rameka, l’auteur, qui exécutait une peine de réclusion à perpétuité, a bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle avant d’être renvoyé en prison. L’évaluation du risque a été effectuée au stade de la réincarcération et pas seulement lors de la condamnation et la situation a été continuellement examinée depuis son renvoi en prison. Le Comité avait considéré dans l’affaire Ramekaque la Commission des libérations conditionnelles pouvait procéder de manière indépendante à de tels examens. L’auteur n’a pas fait appel ou demandé un contrôle des décisions de la Commission mais la Haute Cour, en examinant la requête en habeas corpus, a estimé que la Commission était habilitée à conclure que l’auteur représentait un sérieux risque de préjudice pour autrui. Cette conclusion n’a pas été contestée devant la cour d’appel.

4.13L’État partie conteste également que la réincarcération de l’auteur soit incompatible avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Stafford, dans laquelle le renvoi en prison du requérant qui était en liberté conditionnelle pour qu’il exécute le reste de sa peine de réclusion à perpétuité a été jugé arbitraire du fait de l’absence de lien causal entre la condamnation initiale pour meurtre et la commission possible d’autres infractions non violentes. L’État partie note que, contrairement aux circonstances de l’affaire Stafford, l’auteur a été renvoyé en prison pour avoir commis des infractions violentes et parce qu’il risquait d’en commettre d’autres. Si l’on souhaite se référer à l’approche de la Cour européenne, les circonstances de l’auteur sont davantage comparables à celles de l’affaire Spence c. Royaume ‑Uni, dans laquelle un comportement sans violence excessive et les facteurs pris en compte quant à l’existence d’un risque pour la sécurité du public ont amené la Cour à conclure que la décision prise n’était pas arbitraire.

4.14Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle l’appréciation du risque n’était pas assez précise ou a révélé un risque très faible, l’État partie, se référant aux évaluations non contestées effectuées par la Commission et la Haute Cour, note que les questions relatives aux motifs à la base de la détention, ainsi qu’au degré de sévérité de la peine et aux conditions de libération, constituent un domaine dans lequel les États parties ont une importante latitude. Ils sont en effet habilités à considérer les infractions pénales commises par les prisonniers en liberté conditionnelle comme l’un des facteurs pouvant justifier leur réincarcération.

4.15Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la décision définitive de la Commission n’était pas impartiale, étant donné que le Président de la Commission, qui a prononcé l’ordonnance provisoire de réincarcération, faisait partie des membres de la Commission qui ont prononcé l’ordonnance définitive, l’État partie note que, juridiquement, les deux décisions étaient totalement distinctes: alors que la première a simplement consisté à conclure à l’existence d’un risque immédiat pour la sécurité d’autrui, la seconde a été prise à l’issue d’une procédure plus complexe, au cours de laquelle l’auteur et son conseil ont fait des observations. S’agissant de l’argument selon lequel la participation d’un juge à l’audience amène à douter de l’impartialité des autres membres de la Commission, l’État partie note que les dispositions visant à assurer l’indépendance de la Commission des libérations conditionnelles varient d’un État à l’autre. Outre que l’auteur n’a pas soulevé cette question devant les tribunaux nationaux, qui ne l’ont d’ailleurs jamais examinée, l’État partie fait observer que, dans le cadre de son système constitutionnel, la nomination d’un juge de la Haute Cour à la Commission des libérations conditionnelles ne porte nullement atteinte à l’indépendance de l’une ou l’autre de ces deux institutions. À propos de l’affirmation selon laquelle le fait que le Département des services pénitentiaires apporte un soutien administratif à la Commission porte atteinte à l’impartialité de cette dernière, l’État partie fait observer que l’appui fourni n’est que d’ordre logistique et ne peut raisonnablement constituer un sujet de préoccupation. S’agissant de l’argument final selon lequel la Commission n’a pas la même procédure qu’une juridiction pénale, l’État partie note qu’il s’agit d’un tribunal spécialisé jouissant d’une plus grande souplesse, qui est souvent à l’avantage des prisonniers, et dont les décisions peuvent être soumises à un contrôle judiciaire.

4.16Pour ce qui est du grief tiré du paragraphe 3 de l’article 9, l’État partie affirme que ce paragraphe est sans objet dans le cas d’une décision de la Commission concernant la liberté conditionnelle, étant donné que cette disposition porte plutôt sur la libération conditionnelle à l’issue d’une condamnation que sur une nouvelle accusation d’infraction.

4.17Pour ce qui est de l’affirmation de l’auteur selon laquelle son consentement écrit à l’ajournement de l’audience de la Commission était entaché d’un vice dans la mesure où il n’avait pas bénéficié de l’assistance d’un conseil, ce qui avait rendu nulles et non avenues l’audience et la détention qui en avaient résulté, en violation du paragraphe 1 de l’article 9, l’État partie constate que ni la Haute Cour ni la cour d’appel n’ont jugé que son consentement n’avait pas été donné librement ou en connaissance de cause. La cour d’appel a également noté que la question pourrait être examinée plus avant dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire qui constitue un moyen plus approprié qu’une procédure sommaire d’habeas corpus pour vérifier le bien‑fondé des allégations de fait de l’auteur. Or ce dernier ne s’est pas prévalu de ce moyen de droit. En conséquence son consentement écrit et l’ajournement de l’audience devraient être acceptés sans autre forme de procès.

4.18S’agissant de l’allégation relative à la présomption d’innocence, l’État partie se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne selon laquelle une réincarcération aux fins de l’exécution de la durée restant à courir d’une peine de prison ne constitue pas une nouvelle condamnation mais le rétablissement de la condamnation initiale. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le principe de la présomption d’innocence n’a pas été respecté − étant donné que la décision définitive de réincarcération était fondée, en partie, sur le fait que l’auteur était en attente de jugement pour voies de fait sur une personne de sexe féminin (accusation dont il a été ultérieurement acquitté) − l’État partie affirme que la Commission n’a pas pris en considération la culpabilité ou l’innocence de l’auteur mais a seulement jugé que son comportement correspondait aux critères fixés dans la loi (par. 6 a), b) et c) de l’article 107 I) et notamment qu’il y avait un risque suffisamment élevé qu’il commette d’autres infractions. La Commission a noté que l’auteur devait répondre d’une accusation devant le tribunal mais n’a émis aucune opinion quant à sa responsabilité pénale.

4.19Pour ce qui est des questions de la règle non bis in idem et de la rétroactivité soulevées par l’ordonnance définitive de réincarcération, l’État partie note les constatations de la Cour européenne selon lesquelles il ne s’agissait pas d’une nouvelle condamnation. Il n’y a pas eu d’alourdissement de la peine puisque la durée de détention de l’auteur correspondait à la condamnation initiale. Sa libération ne signifiait pas non plus qu’il avait achevé d’exécuter sa peine ou l’élément punitif de celle‑ci, au sens des conclusions du Comité dans l’affaire Rameka. Pour ce qui est de la représentation de l’auteur devant la Commission, l’État partie, tout en reconnaissant que ce dernier ne s’est entretenu avec son conseil que le jour de l’audience, croit comprendre qu’il y avait eu auparavant des contacts téléphoniques. Il appartenait en outre à l’auteur de demander l’ajournement de l’audience s’il estimait avoir été mis dans une position désavantageuse, mais il ne l’a pas fait.

Questions soulevées par le maintien en détention

4.20Pour ce qui est de la recevabilité, l’État partie note que chaque décision de la Commission des libérations conditionnelles pouvait être réexaminée ou faire l’objet d’un contrôle judiciaire, recours dont l’auteur ne s’est jamais prévalu. La communication contient d’autres allégations portant sur des faits qui n’ont pas été soumis aux tribunaux. À l’exception d’une plainte au sujet d’une erreur de méthodologie dans une évaluation psychologique faite en 1998, qui n’a pas été portée devant les tribunaux, aucun argument n’a été avancé pour démontrer que les décisions prises ont été incorrectes et arbitraires et ces allégations sont donc irrecevables. Il en va de même pour les griefs tirés du paragraphe 3 de l’article 10.

4.21Sur le fond, l’État partie note que depuis l’ordonnance définitive de réincarcération de 1996, la Commission des libérations conditionnelles a examiné le cas de l’auteur au moins une fois par an et parfois à des intervalles plus fréquents. Chaque fois, elle a refusé de le libérer, après, comme le montre clairement le dossier, un examen minutieux; dans le même temps, la Commission a fait des recommandations visant à aider l’auteur à remédier aux problèmes qui faisaient qu’il risquait de commettre de nouvelles infractions. Toutefois, l’auteur a entravé la réussite des programmes de réinsertion dont il a bénéficié, en en enfreignant les règles et en commettant d’autres fautes, y compris une tentative d’évasion.

4.22L’État partie note que le dernier examen en date (au moment de la présentation de ses observations) a eu lieu de 13 septembre 2005. Le conseil de l’auteur a cherché à obtenir un ajournement de l’audience de la Commission pour pouvoir préparer convenablement la défense de la requête de l’auteur. La Commission a noté qu’il avait été procédé à plusieurs ajournements pour permettre au conseil d’obtenir des avis d’expert à propos de l’évaluation du risque et a exprimé son souci de faire en sorte que la question soit tranchée dans les meilleurs délais. Elle a donné son accord à l’ajournement de l’audience, étant entendu que celle‑ci aurait lieu dès que le conseil serait prêt, et a noté que la libération de l’auteur nécessiterait l’adoption d’un plan minutieux et un suivi méticuleux et continu, lequel devrait être au centre des débats durant l’audience et que sa décision serait ensuite soumise à l’examen du même organe constitué d’autres membres ou au contrôle de la Haute Cour. Pour ce qui est de l’erreur de méthodologie alléguée dans l’évaluation psychologique de 1998, à l’issue de laquelle il aurait fallu, selon l’auteur, conclure à l’existence d’un risque de récidive moins grand (conclusion contestée par l’État partie), l’État partie note que cette question complexe d’évaluation de faits et de méthodologie n’a pas été soumise aux tribunaux nationaux.

4.23Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle l’auteur est passé d’un régime de sécurité minimale à un régime de sécurité moyenne à élevée au début de la procédure sommaire d’habeas corpus, l’État partie note que l’auteur sait qu’il a été placé dans une zone de plus haute sécurité de la prison pendant un week‑end pour qu’il soit mieux surveillé à un moment d’agitation accru, et que les avantages et les programmes dont il bénéficiait n’ont pas été, dans la mesure du possible, restreints en conséquence. L’État partie note qu’il n’est pas allégué que ce placement a été effectué à titre de sanction ou à d’autres fins illégitimes.

Droit de contester le maintien en détention

4.24L’État partie rejette l’affirmation de l’auteur selon laquelle la décision de la cour d’appel dans le cadre de la procédure d’habeas corpus a constitué une violation de ses droits garantis au paragraphe 4 de l’article 9 et à l’article 26 du Pacte. Il explique qu’une action en habeas corpus peut être intentée par toutes les personnes privées de liberté, y compris les détenus. Pour ce qui est de l’argument selon lequel les moyens de recours judiciaires sont insuffisants au regard du paragraphe 4 de l’article 9 dans la mesure où ils sont discrétionnaires, l’État partie note la déclaration de la cour d’appel selon laquelle il est inconcevable qu’un juge exerce son pouvoir discrétionnaire en refusant d’accorder un recours à une personne illégalement détenue. Pour ce qui est de l’argument selon lequel la nécessité d’acquitter des frais de dossier de 400 dollars néo‑zélandais constitue un obstacle à l’accès à un contrôle judiciaire en tant que recours, l’État partie note que, selon le règlement de la Haute Cour, il peut y avoir une exonération ou un report du paiement de ces frais en attendant qu’une décision soit prise sur la demande d’exonération; en l’espèce, rien n’indique qu’il y ait eu un effet dissuasif sur l’auteur ou qu’une demande d’exonération n’aurait pas été satisfaite. L’État partie rejette aussi l’affirmation selon laquelle une procédure de contrôle judiciaire est plus lente qu’une procédure d’habeas corpus, notant que, selon la jurisprudence des tribunaux nationaux, une audience pour obtenir une mesure provisoire (dans le cadre d’un contrôle judiciaire) peut être engagée aussi vite qu’une procédure d’habeas corpus.

4.25Pour ce qui est des dispositions du paragraphe 4 de l’article 9, l’État partie note que, dans l’affaire Rameka, le Comité a expressément admis que l’examen régulier du maintien en détention par la Commission répondait aux obligations qui y sont prévues. À propos de l’argument selon lequel le contrôle judiciaire n’est pas de «portée assez large», au sens de la décision de la Cour européenne dans l’affaire Weeks, pour satisfaire aux exigences fixées dans les dispositions européennes correspondant au paragraphe 4 de l’article 9, l’État partie note que les griefs invoqués dans l’affaire Weekssont dus à un système de libération conditionnelle dans le cadre duquel la Commission, contrairement à ce qui est le cas dans la présente affaire, n’avait pas de pouvoirs contraignants et accordait des droits de participation restreints au détenu. Le système de contrôle judiciaire actuellement en place en Nouvelle‑Zélande est aussi beaucoup plus avancé que la procédure de recours anglaise, qui était dans une large mesure procédurale en 1987, lorsque le cas de Weeksavait été tranché. Dans le cadre des moyens de recours actuels, il est possible d’examiner la compatibilité avec les normes relatives aux droits de l’homme et d’ordonner la libération lorsque la détention est jugée arbitraire.

4.26Pour ce qui est de l’argument selon lequel la procédure sommaire d’habeas corpus ne répond pas aux exigences du paragraphe 4 de l’article 9, dans la mesure où elle ne permet pas de prendre connaissance avant l’audience des pièces pertinentes du dossier, l’État partie note que dans la mesure où il s’agit d’une procédure urgente, la non‑divulgation de ces pièces avant l’audience vise à éviter tout prolongement indu de l’examen de l’affaire. Au besoin, il est possible de prendre connaissance des pièces du dossier dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire qui peut être menée rapidement; quoi qu’il en soit, le contenu du dossier est divulgué dans le cadre de la procédure devant la Commission de libération conditionnelle et il est possible d’en prendre connaissance, conformément à la loi sur les renseignements officiels, dans un délai de quatre semaines ou plus rapidement si nécessaire.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Dans sa lettre du 23 décembre 2005, l’auteur conteste en bloc les observations de l’État partie. Pour ce qui est de l’ordonnance provisoire, il affirme qu’il n’y avait aucune raison d’agir d’urgence et qu’une audience ex parte n’était pas nécessaire, dans la mesure où il avait passé les deux mois précédents en prison, ayant été rappelé le lendemain de sa sortie de prison. Il affirme également que le fait qu’il n’ait reçu aucune notification de l’ordonnance provisoire est injuste et arbitraire. Il fait valoir que les programmes de réinsertion n’étaient pas suffisamment adaptés à son cas et que les recours disponibles n’étaient pas utiles. Il renouvelle également ses plaintes concernant l’indépendance et l’efficacité de la Commission des libérations conditionnelles, faisant valoir que celle‑ci est toute puissante vis‑à‑vis du détenu et qu’un détenu qui ne coopère pas avec elle peut se retrouver dans une position très désavantageuse. Quant à la question de la notification des raisons de l’arrestation, prévue au paragraphe 2 de l’article 9 du Pacte, l’auteur cherche à faire une distinction avec les constatations rendues par le Comité dans l’affaire Stephens en se fondant sur le fait que, dans cette affaire où la peine de mort était en jeu, l’auteur avait été informé des charges pesant contre lui «dans le plus court délai».

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, le Comité note que certaines des allégations dont il est saisi ont été soumises aux tribunaux nationaux, qui les ont examinées quant au fond en première instance et en appel. Ces allégations, qui portaient uniquement sur les ordonnances provisoire et définitive de réincarcération, étaient: i) que la réincarcération de l’auteur était disproportionnée par rapport à son comportement; ii) que l’illégalité de l’ordonnance provisoire a rendu nulle et non avenue l’ordonnance définitive, en vertu de laquelle l’auteur a été maintenu en détention; iii) que la procédure était partiale, du fait que le Président de la Commission qui avait prononcé l’ordonnance provisoire faisait partie des membres de la Commission qui ont prononcé l’ordonnance définitive; iv) qu’au moment de son arrestation, en application de l’ordonnance provisoire, l’auteur n’a pas été informé des motifs de celle‑ci et de son droit d’être assisté par un conseil; v) que l’ordonnance provisoire de réincarcération avait été prononcée ex parte; vi) que le mandat provisoire n’était pas accompagné d’une notification écrite séparée de l’ordonnance provisoire; et vii) que l’auteur n’avait pas donné son consentement à l’ajournement, pour une courte période, de l’audience finale.

6.3En ce qui concerne les autres questions dont est saisi le Comité, l’auteur n’a pas montré qu’elles ne pouvaient pas être tranchées de manière satisfaisante par les tribunaux nationaux, i) dans le cadre de l’action en habeas corpus que l’auteur a introduite, ii) au moyen d’un contrôle judiciaire ou iii) dans le cadre d’un appel interjeté conformément à la loi et, en partie, au moyen de la procédure de réexamen prévue par la législation de l’État partie. Le Comité n’est pas convaincu que les différences quant à la nature de ces procédures ou à leur déroulement dans le temps font que celles‑ci ne constituent pas un recours disponible et approprié pour les questions portées devant le Comité. Il s’ensuit que les autres allégations, qui ne sont pas mentionnées au paragraphe 6.2 ci‑dessus sont, au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, irrecevables pour non‑épuisement des recours internes.

6.4En ce qui concerne les questions au sujet desquelles les recours internes ont été épuisés, le Comité note que les arguments selon lesquels l’ordonnance provisoire était illégale parce qu’elle n’avait pas été notifiée par écrit séparément du mandat provisoire et en raison de cette illégalité, l’ordonnance définitive en vertu de laquelle l’auteur a été maintenu en détention était arbitraire ont tous deux été rejetés par les tribunaux nationaux, qui ont jugé ces ordonnances légales. Pour ce qui est de la question de savoir si la procédure devant la Commission des libérations conditionnelles était partiale, dans la mesure où le Président de celle‑ci, qui avait prononcé l’ordonnance provisoire, était aussi membre de la Commission qui avait émis l’ordonnance définitive, le Comité note qu’il est courant, et tout à fait acceptable du point de vue des principes, que des personnels exerçant des fonctions judiciaires prennent des décisions provisoires sur les questions dont ils seront saisis plus tard quant au fond. L’auteur n’a apporté aucun élément susceptible d’infirmer cette constatation. Pareillement, une procédure ex parte peut, en principe, être nécessaire pour agir avec la célérité requise et écarter le risque d’un préjudice grave que le comportement de l’auteur a fait raisonnablement craindre, à condition que la partie concernée ait rapidement la possibilité de défendre sa position. L’auteur a pu se prévaloir de cette possibilité dans le cadre de l’audience à laquelle la Commission s’est prononcée sur l’ordonnance de réincarcération finale. Pour ce qui est du consentement à l’ajournement de l’audience, le Comité note que les tribunaux nationaux ont estimé, en fait, que l’auteur avait donné son consentement, conclusion que le Comité accepte puisque la décision prise en la matière n’a pas été manifestement arbitraire et n’a pas constitué un déni de justice. Au vu de ces éléments, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son allégation concernant ces questions au titre des articles 9, 14 et 26 du Pacte. Elles sont par conséquent irrecevables, faute d’avoir été suffisamment étayées, au regard de l’article 2 du Protocole facultatif. Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle, au moment de son arrestation, l’auteur n’a pas été informé de son droit d’être assisté par un conseil, le Comité considère que cette plainte tirée du paragraphe 2 de l’article 9 du Pacte n’a pas non plus été étayée aux fins de la recevabilité et est donc également irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Pour ce qui est du grief supplémentaire que l’auteur tire du paragraphe 2 de l’article 9 au motif qu’il n’a pas été informé des raisons de son arrestation lorsqu’il a été arrêté en application du mandat provisoire, le Comité relève que la Haute Cour a admis dans le cadre de la procédure engagée devant elle que l’auteur n’avait pas été informé de ces raisons, et qu’une voie de recours était ouverte à celui-ci pour demander réparation. Dans ces circonstances, le Comité conclut que l’État partie, par l’intermédiaire de ses tribunaux, a donné la suite voulue à cette plainte et que l’auteur ne peut donc plus être considéré comme victime au sens du Protocole facultatif pour cette question. Par conséquent, la plainte est irrecevable au regard de l’article premier du Protocole facultatif.

6.6Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur selon laquelle sa réincarcération était disproportionnée et constitutive de détention arbitraire, le Comité estime que cette question soulevée au titre du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte a été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été fournies par les parties.

7.2Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur selon laquelle sa réincarcération n’était pas justifiée par le comportement qui lui était reproché et était par conséquent arbitraire, au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, le Comité doit d’abord déterminer la portée de l’article 9, s’agissant d’une libération conditionnelle anticipée suivie d’un renvoi en prison. À supposer, aux fins du raisonnement, que l’auteur, en étant arrêté en application du mandat provisoire alors qu’il était en liberté conditionnelle, a été privé de sa liberté au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, une telle privation de liberté doit être à la fois légale et non arbitraire. Contrairement aux circonstances caractérisant l’affaire Rameka, une fois réincarcéré, l’auteur a continué d’exécuter une peine qui existait déjà. L’État partie reconnaît que la décision de réincarcération a été prise à des fins de protection/prévention, étant donné que l’auteur représentait un risque futur pour autrui. Pour que cette décision ne puisse pas être jugée arbitraire, l’État partie doit faire la preuve que le renvoi en prison n’était pas injustifié au regard du comportement reproché, et que la détention qui s’est ensuivie fait l’objet d’un examen régulier par un organe indépendant.

7.3Le Comité note, aux fins du raisonnement, que la réincarcération d’une personne, qui avait été condamnée pour une infraction violente puis remise en liberté conditionnelle, pour qu’elle continue d’exécuter sa peine suite à la commission d’infractions non violentes pendant qu’elle était en liberté conditionnelle peut être considérée dans certaines circonstances comme arbitraire au regard du Pacte. Le Comité n’a pas à se prononcer sur cette question étant donné qu’en l’espèce l’auteur, qui avait été condamné pour meurtre, a eu un comportement violent ou dangereux après sa libération conditionnelle. Ce comportement était suffisamment lié à la condamnation initiale pour que son renvoi en prison afin qu’il continue d’exécuter sa peine soit justifié dans l’intérêt de la sécurité publique, et l’auteur n’a pas montré qu’il en était autrement. Le Comité note également que la détention en cours de l’auteur a été examinée au moins une fois par an par la Commission des libérations conditionnelles, organe dont les décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire ce qui, selon le Comité, remplit les conditions nécessaires d’indépendance énoncées dans la décision concernant l’affaire Rameka. Le Comité conclut par conséquent que la réincarcération de l’auteur n’était pas arbitraire au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation du Pacte.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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