Observations finales sur le sixième rapport périodique de la Suisse *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de la Suisse (CEDAW/C/CHE/6) à ses 1927e et 1928e séances (CEDAW/C/SR.1927 et CEDAW/C/SR.1928), tenues le 21 octobre 2022.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son sixième rapport périodique, qui répond à la liste de points et de questions établie avant la soumission (CEDAW/C/CHE/QPR/6). Il le remercie aussi de son rapport faisant suite à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/CHE/CO/4-5/Add.1). Il se félicite de la présentation faite oralement par la délégation et des précisions complémentaires qu’elle a apportées en réponse aux questions posées oralement par les membres du Comité au cours du dialogue.

Le Comité salue la délégation multidisciplinaire de l’État partie, qui était dirigée par la Directrice du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, Sylvie Durrer, et comprenait également des représentants de la Conférence suisse des déléguées à l’égalité entre femmes et hommes, du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, des Offices fédéraux des assurances sociales, de la justice, de la police et de la santé publique, du Secrétariat d’État à l’économie, du Secrétariat d’État aux migrations, de la section Diplomatie des droits de l’homme du Département des affaires étrangères, de l’Office fédéral de la statistique et de la Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2016, des quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de l’État partie (CEDAW/C/CHE/CO/4-5et CEDAW/C/CHE/CO/4-5/Corr.1) dans la réalisation de réformes législatives, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)Nouvelles dispositions législatives autorisant le mariage pour toutes et tous en 2022, comme suite à la majorité écrasante s’étant prononcée en faveur de cette mesure lors de la votation de 2021 ;

b)Modifications à la loi sur l’égalité entre femmes et hommes en 2020 pour renforcer le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale ;

c)Programme législatif pour la période 2019-2023 contenant quatre mesures liées à l’égalité ;

d)Loi fédérale visant à renforcer la protection des victimes de violence, y compris la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en 2018.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer le cadre institutionnel et politique destiné à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité femmes-hommes, comme l’adoption des mesures suivantes :

a)Plan d’action national pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique pour la période 2022-2026 ;

b)Stratégie Égalité 2030 et le plan d’action correspondant ;

c)Stratégie de développement durable à l’horizon 2030 et le plan d’action correspondant, dans lesquels l’égalité entre les femmes et les hommes occupe une place importante ;

d)Plan d’action national pour la période 2018-2022 pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité.

Le Comité se félicite qu’au cours de la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie ait ratifié (en 2017) la Convention d’Istanbul , qui est entrée en vigueur en 2018.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté au niveau international aux objectifs de développement durable et appelle à la réalisation de l ’ égalité de droit et de fait entre les genres, en application des dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il rappelle l ’ importance de l ’ objectif 5 et de l ’ intégration des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans l ’ ensemble des 17 objectifs. Il exhorte l ’ État partie à mettre en avant le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable et à adopter des politiques et stratégies pertinentes à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne la contribution essentielle du pouvoir législatif à la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée fédérale , dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant que l ’ État partie ne soumette son prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

Le Comité réitère sa préoccupation quant au fait que l’État partie n’a toujours pas levé la réserve qu’il a formulée concernant les articles 15 2) et 16 1) h).

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (voir CEDAW/C/CHE/CO/3 , par.  12, CEDAW/C/CHE/CO/4-5 , par.  9) et prie instamment l ’ État partie d ’ indiquer dans son prochain rapport périodique, s ’ il est toujours pertinent, un calendrier pour la levée de la réserve qu ’ il a formulée concernant les articles 15 2) et 16 1) h) relatifs à la loi régissant le régime matrimonial applicable avant le 1 er janvier 1988.

Mise en œuvre et visibilité de la Convention

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour renforcer la mise en œuvre et la visibilité de la Convention au niveau fédéral, notamment les actions engagées par le groupe de travail interdépartemental, qui est composé de différents bureaux fédéraux et dirigé par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes. Il note les efforts entrepris au niveau local pour renforcer la visibilité de la Convention, notamment les références à cet instrument dans les plans d’action communaux et les plans d’adoption de nouvelles lois. Tout en étant conscient de leur indépendance vis-à-vis de la Confédération, le Comité note avec inquiétude les grandes disparités existant entre les cantons suisses dans la mise en œuvre de la Convention.

Le Comité, prenant en considération la responsabilité juridique et le rôle de chef de file de la Conf édération, recommande à l ’ État partie de renforcer la coordination effective de ses structures à tous les niveaux afin d ’ assurer une application uniforme de la Convention et une protection égale des droits des femmes sur l ’ ensemble du territoire.

Le Comité prend note des mesures prises pour faire connaître la Convention, comme le lancement d’une vidéo explicative. Toutefois, il s’inquiète du fait que, dans l’État partie, les femmes ne sont pas suffisamment conscientes de leurs droits au titre de la Convention et des voies de recours dont elles disposent pour les faire valoir.

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer les mesures visant à faire connaître la Convention, la jurisprudence du Comité au titre du Protocole facultatif, ses recommandations générales et ses recommandations à l ’ État partie, notamment par une plus large utilisation des outils numériques.

Applicabilité directe de la Convention

Le Comité se félicite de la publication par la Commission fédérale pour les questions féminines d’un guide de la Convention pour la pratique juridique. Il note que, selon la doctrine de l’État partie, les instruments internationaux ratifiés sont directement applicables si les normes qu’ils contiennent sont suffisamment précises et dénuées de conditions pour pouvoir s’imposer directement aux autorités chargées d’appliquer la loi. Toutefois, le Comité note avec préoccupation qu’au vu des informations figurant dans le sixième rapport périodique de l’État partie, les tribunaux cantonaux se réfèrent rarement à la Convention et à ses décisions et recommandations et qu’il ressort des informations fournies par la délégation de l’État partie que la Convention n’a été appliquée directement que dans peu d’affaires judiciaires. Plus précisément, il fait part de son inquiétude quant aux points suivants :

a)L’application directe de la Convention dans les procédures judiciaires reste limitée et discrétionnaire, ce qui témoigne également d’une connaissance insuffisante de cet instrument par le système judiciaire ;

b)Il n’y a ni jurisprudence ni autre orientation judiciaire sur l’applicabilité directe de la Convention, qui ne semble pas non plus faire partie du programme de formation systématique des juges ;

c)On manque de données sur le nombre d’affaires judiciaires dans lesquelles la Convention a été appliquée directement.

Le Comité, rappelant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/CH E /CO/4-5 , par .  13), recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour que les tribunaux puissent appliquer la Convention dans le s procédures judiciaires et administratives . En particulier, il recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer systématiquement la capacité des juges, des procureurs, des avocats et des responsables de l ’ application des lois concernant l ’ application et l ’ utilisation directes de la Convention dans les procédures judiciaires  ;

b) De collecter des données sur les affaires judiciaires dans lesquelles la Convention a été appliquée directement aux niveaux fédéral, cantonal et communal.

Obligations extraterritoriales de l’État

Le Comité se félicite de l’engagement international de l’État partie en faveur de la protection universelle des droits de l’homme. Il note toutefois avec inquiétude que l’État partie a bloqué à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) des propositions visant à assurer un accès équitable aux vaccins afin de défendre les droits de propriété intellectuelle et que de nombreuses femmes souffrent de manière disproportionnée des conséquences d’un accès entravé aux vaccins, car leurs responsabilités traditionnelles en matière de prise en charge et leur surreprésentation parmi les premiers intervenants les exposent directement à la maladie à coronavirus (COVID-19).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir et promouvoir l ’ accès des femmes aux vaccins au niveau mondial.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour délivrer des visas aux femmes participant à des conférences internationales à Genève. Il regrette toutefois que de nombreuses femmes, en particulier celles originaires des pays du Sud, soient confrontées à des procédures de demande de visa coûteuses et lourdes, ce qui constitue un obstacle considérable à la représentation des femmes en situation de marginalisation.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faciliter la procédure de demande de visa afin de permettre aux femmes de toutes les régions géographiques de participer aux conférences internationales.

Le Comité note avec préoccupation que les politiques de l’État partie en matière de secret fiscal et financier peuvent avoir un effet négatif sur la capacité d’autres États, en particulier du Sud, de mobiliser le maximum de ressources disponibles pour assurer le respect des droits des femmes.

Le Comité réitère ses précédentes observations finales [ CEDAW/C/CH E /CO/4-5 , par.  41 a) ] et recommande à l ’ État partie de procéder à des évaluations indépendantes, participatives et périodiques des effets extraterritoriaux de ses politiques en matière de secret bancaire et d ’ impôt sur les sociétés sur les droits des femmes et l ’ égalité de fait, en veillant à ce que ces évaluations soient menées de manière impartiale et à ce que la méthodologie et les résultats soient rendus publics.

L’accès des femmes à la justice

Le Comité regrette l’absence d’informations statistiques sur le nombre de femmes bénéficiant d’une aide juridictionnelle gratuite. Il note que, selon une étude réalisée en 2019 par le Centre suisse de compétence pour les droits humains, la probabilité d’être parties à une procédure devant le tribunal fédéral était beaucoup moins grande pour les femmes que pour les hommes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des informations statistiques sur le recours à l ’ aide juridictionnelle gratuite. Il lui recommande également d ’ analyser dans l ’ optique des questions de genre les facteurs qui dissuadent les femmes de participer à des procédures judiciaires et les obstacles qu ’ elles peuvent rencontrer lorsqu ’ elles demandent une aide juridictionnelle gratuite.

Le Comité est préoccupé par les stéréotypes sexistes au sein de l’appareil judiciaire, qui dissuadent les femmes victimes de violences fondées sur le genre de porter plainte.

Le Comité, rappelant sa Recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès à la justice, recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures, y compris la mise en œuvre de programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités pour l ’ ensemble du personnel du système judiciaire et des étudiants en droit sur les droits des femmes et l ’ égalité des genres, afin d ’ éliminer les préjugés et les stéréotypes discriminatoires sexistes dans le système judiciaire  ;

b) De veiller à ce que ces mesures contribuent, en particulier, à assurer que la crédibilité et le poids voulus sont accordés aux points de vue, aux arguments et aux témoignages des femmes, en tant que parties et témoins dans les procédures judiciaires, ainsi qu ’ à remédier aux préjugés judiciaires quant à ce qui est considéré comme un comportement approprié pour les femmes.

Femmes et paix et sécurité

Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie de quatre plans d’action nationaux consécutifs pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité. Il note avec inquiétude le manque d’informations sur le nombre de femmes participant aux délégations appelées à négocier et aux missions de paix des Nations Unies, et sur leur rôle dans ces forums.

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ intensifier ses efforts pour assurer une participation égale des femmes aux délégations qui négocient les processus de paix et aux missions de paix des Nations Unies, y compris aux niveaux décisionnels, et de recueillir des données statistiques à cet égard.

Mécanisme national pour la promotion des femmes

Le Comité se félicite de la Stratégie Égalité 2030 adoptée par l’État partie, de la perspective interdisciplinaire qui sous-tend la stratégie afin de faire face à la situation des femmes dans toutes les domaines de la vie et des plans de l’État partie pour évaluer et améliorer régulièrement les mesures prises pour en assurer la mise en œuvre. Il note toutefois avec inquiétude que si la budgétisation tenant compte des questions de genre est considérée dans l’objectif de développement durable no 5 comme un outil pour atteindre l’égalité des genres, elle n’a pas été incluse dans la Stratégie Égalité 2030 et qu’une motion parlementaire à cet égard a été rejetée.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ introduire une budgétisation tenant compte systématiquement des questions de genre à tous les niveaux afin de garantir que les allocations financières bénéficient également aux femmes et aux hommes.

Le Comité prend note de l’allocation de ressources financières à des projets et organismes de protection des droits des femmes et de l’égalité des genres, notamment l’adoption de budgets spécifiques pour la mise en œuvre de plans d’action pour l’égalité dans les cantons de Zoug, du Tessin et du Jura et une augmentation du budget dans le canton de Glaris. Il note toutefois avec inquiétude que :

a)Six cantons ne disposent pas d’un bureau de l’égalité (Appenzell Rhodes-Intérieures, Nidwald, Obwald, Schaffhouse, Thurgovie et Zoug) ; que le bureau de l’égalité du canton d’Obwald a été fermé ; que les bureaux de l’égalité des cantons de Berne et de la ville de Zürich ont vu leur existence ou leur budget remis en question ; et que le bureau de l’égalité du canton d’Argovie a été fusionné avec le bureau des seniors afin de réduire les coûts administratifs ;

b)L’élargissement des compétences cantonales en matière de mise en œuvre des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes ne s’est pas systématiquement accompagné d’une allocation de ressources supplémentaires.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ éliminer les disparités cantonales en matière de financement de la protection des droits des femmes et de l ’ égalité des genres et de veiller à ce que chaque canton dispose d ’ un bureau de l ’ égalité  ;

b) De veiller à ce que l ’ élargissement des compétences cantonales pour la protection des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes soit assorti de ressources supplémentaires adéquates.

Le Comité note que, selon la délégation, l’administration fédérale prévoit la prise en compte systématique du genre dans sa stratégie de numérisation.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en compte systématiquement le genre dans sa stratégie de numérisation. Il lui recommande également de prendre des mesures ciblées pour éviter les préjugés sexistes en matière de numérisation, prévenir la fracture numérique entre femmes et hommes et associer pleinement les femmes à l ’ élaboration de solutions numériques.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite de l’introduction en 2021 d’un quota de 30 % pour la représentation des femmes dans les conseils d’administration et de 20 % pour les directions dans les entreprises de plus de 250 salarié(e)s. Il note également que la Stratégie Égalité 2030 prévoit un seuil de 40 % pour la représentation féminine dans les organes de direction des entreprises associées à l’administration fédérale (conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de l’ordonnance RS 172.220.12 sur la rémunération et sur d’autres conditions contractuelles convenues avec les cadres du plus haut niveau hiérarchique et les membres des organes dirigeants des entreprises et des établissements de la Confédération). Il note toutefois avec inquiétude que les initiatives visant à promouvoir l’égalité de participation dans différents domaines de la société, comme l’emploi des groupes de femmes défavorisées, notamment les migrantes et les réfugiées, ainsi que les femmes handicapées, sont insuffisantes pour surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales, telles que des programmes de sensibilisation et de soutien, des recrutements ciblés et des quotas, conformément à l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin de promouvoir l ’ égalité de fait des femmes et des hommes dans tous les domaines où les femmes en situation de vulnérabilité sont sous-représentées et défavorisées, comme l ’ emploi, les postes de direction et la politique  ;

b) De réaliser des programmes de sensibilisation du grand public à la nécessité de quotas obligatoires, notamment pour réaliser les changements structurels, sociaux et culturels nécessaires pour corriger les formes et les effets passés et actuels de la discrimination à l ’ égard des femmes.

Stéréotypes

Le Comité note avec préoccupation que des stéréotypes discriminatoires sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société persistent dans l’État partie. Il est également concerné par :

a)Les préjugés et les formes de discrimination croisée à l’égard des femmes issues de minorités et des femmes migrantes, qui entravent leur participation sur un pied d’égalité à la société ;

b)L’absence de législation spécifique pour assurer le respect des normes en matière d’égalité des genres dans les médias ;

c)Les représentations stéréotypées des femmes dans les médias et la sous-représentation des femmes parmi les professionnels des médias ;

d)Le fait que les femmes soient la cible de 80 % des discours de haine en ligne et qu’il n’existe actuellement aucune interdiction expresse des discours de haine sexistes et misogynes.

Le Comité, rappelant ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/CH E /CO/4-5 par .  23), recommande à l ’ État partie de prévenir et d ’ éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires dans tous les domaines, notamment par  :

a) Des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation pour mettre fin aux stéréotypes discriminatoires sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société  ;

b) La collecte et l ’ analyse de données sur les stéréotypes et la discrimination à l ’ égard des femmes issues de minorités et des femmes migrantes, afin d ’ élaborer et de mettre en œuvre des politiques et des programmes pour les combattre efficacement  ;

c) L ’ adoption de mesures temporaires spéciales pour accélérer la réalisation de l ’ égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention, en tant que mesure supplémentaire pour lutter contre les stéréotypes sexistes  ;

d) L ’ adoption d ’ une législation empêchant la publicité sexiste au niveau fédéral, similaire à la loi de 2019 visant à prévenir la publicité sexiste adoptée dans le canton de Vaud  ;

e) Une analyse approfondie sur les préjugés sexistes dans les reportages et la représentation dans les médias  ;

f) L ’ adoption d ’ une législation interdisant expressément les discours de haine fondés sur le sexisme et la misogynie, à l ’ instar de l ’ article 261 bis du Code pénal qui interdit les discours de haine fondés sur le racisme.

Pratiques préjudiciables

Le Comité prend note de la promesse de l’État partiede verser 240 000 francs suisses par an au Réseau suisse pour la prévention de l’excision jusqu’en décembre 2023. Il note également l’indication de la délégation selon laquelle la crainte d’être soumis à des mutilations génitales féminines est un motif reconnu de demande d’asile dans l’État partie. Il reste préoccupé, toutefois, par le fait que, malgré l’interdiction des mutilations génitales féminines, environ 22 000 femmes et filles ont subi ou ont été menacées de subir de telles mutilations selon les estimations de 2018. En outre, ces pratiques font l’objet d’un très faible nombre de signalements, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mener des campagnes de sensibilisation et de mettre en place des mécanismes de signalement tenant compte de la dimension de genre, y compris aux postes frontières, dans les aéroports et les gares, pour les femmes et les filles victimes ou menacées de mutilations génitales féminines  ;

b) De dispenser une formation obligatoire sur les mutilations génitales féminines aux professionnels de la santé.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, en 2017, de la Convention d’Istanbul ainsi que du plan de mise en œuvre correspondant. Il prend également note de l’adoption, en 2018, de la loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes de violences, qui supprime l’exigence d’une procédure de conciliation et la perception de frais judiciaires. Il note en outre que la lutte contre la violence fondée sur le genre est une priorité de la Stratégie Égalité 2030 et que, depuis 2021, les organisations menant des projets sur la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre reçoivent un financement de l’État. Il se félicite enfin de l’augmentation des budgets consacrés à l’aide aux victimes et aux centres d’accueil ainsi que de l’introduction de services de conseil en ligne dans le canton de Zurich. Le Comité note toutefois avec inquiétude :

a)La forte prévalence et la sous-déclaration de la violence domestique et de la violence sexuelle à l’égard des femmes ainsi que du harcèlement sexuel et du harcèlement obsessionnel des femmes et des filles dans l’État partie ;

b)La proposition actuelle de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États tendant à la révision et au renforcement de la législation incriminant le viol, qui contient une définition du viol qui n’est pas fondée sur l’absence de consentement et n’est donc pas conforme aux normes internationales ;

c)Les articles 192 2), 193 2), 187 3) et 188 2) du Code pénal, qui punissent les infractions sexuelles considérées comme moins graves que le viol et donnent au juge le pouvoir discrétionnaire d’envisager une réduction de la peine ou un acquittement complet, si l’auteur a contracté mariage ou conclu un partenariat avec la victime, même lorsque celle-ci est un enfant [art. 187 3)] ;

d)Selon une étude de l’Université des sciences appliquées de Zurich, les taux de condamnation pour viol varient considérablement d’un canton à l’autre ;

e)Les femmes dont le statut de séjour est lié à celui de leur mari et qui quittent cette relation en raison de violences domestiques peuvent, sous certaines conditions, prolonger leur autorisation de séjour seulement si leur mari est un ressortissant suisse ou un titulaire d’un permis de séjour permanent, et seulement si les violences atteignent un seuil de gravité strict ;

f)Selon une analyse de 2019 de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales, il existe des écarts importants entre les cantons en matière de financement des foyers et des hébergements d’urgence et de la capacité d’accueil.

Le Comité, rappelant sa Recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la Recommandation générale n o  19, et ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/CH E /CO/4-5 , par.  27), recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour lutter contre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles fondées sur le genre, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes et de filles défavorisées. Il recommande également à l ’ État partie  :

a) De renforcer systématiquement les capacités des forces de l ’ ordre, des magistrats, des travailleurs sociaux et des professionnels de la santé en ce qui concerne les méthodes d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte de la dimension de genre, afin d ’ éviter une victimisation secondaire, et de veiller à ce que les femmes qui signalent des violences fondées sur le genre aient accès à des services de soutien adéquats tenant compte de la dimension de genre et des spécificités culturelles et soient protégées des représailles et du dénuement  ;

b) De réaliser une analyse pour cerner les raisons de la sous-déclaration de la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, afin d ’ élaborer des mesures adaptées pour encourager et faciliter les signalements  ;

c) D ’ adopter une législation qui incrimine expressément toutes les infractions liées au harcèlement obsessionnel  ;

d) De modifier la définition du viol dans le Code pénal de façon à la fonder sur l ’ absence de consentement, conformément aux normes internationales  ; de modifier les article 192 2), 193 2), 187 3) et 188 2) du Code pénal afin de supprimer toute disposition permettant à l ’ autorité judiciaire de réduire les peines ou d ’ acquitter les auteurs d ’ infractions sexuelles de nature moins grave que le viol en raison de leur mariage ou de leur partenariat avec la victime  ;

e) De procéder à une analyse pour identifier les raisons des fortes disparités cantonales en matière de condamnation des viols afin de prendre des mesures correctives efficaces  ;

f) De modifier l ’ article 50 de la loi fédérale sur les étrangers et l ’ intégration afin de garantir que toutes les femmes victimes de violences domestiques ou sexuelles puissent quitter leur conjoint violent sans perdre leur statut de résident, indépendamment de la gravité des violences subies et de la nationalité ou du statut de résident de leur conjoint, de retirer en conséquence sa réserve à l ’ article 59 de la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et la violence domestique et d ’ assurer le renforcement requis des capacités des autorités chargées de l ’ immigration  ;

g) De mettre en œuvre les recommandations de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales formulées en réponse à leur analyse de la capacité d ’ accueil ainsi que la recommandation complémentaire de la Conférence de l ’ aide aux victimes.

Trafic et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des filles. Il note toutefois avec inquiétude que les taux de poursuite et de condamnation ainsi que les peines prononcées dans les affaires de traite sont généralement faibles, avec des écarts entre les cantons, ainsi que l’absence de services de soutien dans plusieurs cantons pour les victimes de la traite, dont 86 % sont des femmes. Il note également avec inquiétude :

a)L’absence d’une pleine intégration dans le droit interne de la définition de la traite des êtres humains contenue dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le fait que l’article 182 du Code pénal ne mentionne pas expressément la non-pertinence du consentement à l’exploitation d’une victime de la traite ;

b)Les femmes sans statut de résidence, en particulier les demandeuses d’asile dont la demande a été rejetée, courent un risque accru d’être exploitées en travaillant dans des ménages privés, la restauration ou les salons de manucure, en étant contraintes à la mendicité ou en participant à des activités criminelles telles que le vol, et l’enquête sur ces cas est entravée car le travail forcé n’est pas clairement défini dans l’article 182 du Code pénal ;

c)Les mesures en place pour identifier les victimes de la traite sont insuffisantes et il n’existe pas de programmes complets de protection des victimes prévoyant un hébergement spécifique, des mesures de réadaptation et de réintégration, des traitements médicaux, des conseils psychosociaux et une réparation, y compris une indemnisation ;

d)Les victimes de la traite, en particulier les femmes migrantes, n’ont pas automatiquement droit à un permis de séjour temporaire si elles ne coopèrent pas avec la police et les autorités judiciaires ;

e)La loi sur l’aide aux victimes conditionne l’aide financière aux victimes de la traite à la résidence au moment du crime.

Le Comité, rappelant la R ecommandation générale n o  38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations mondiales et ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/CHE/CO/4-5 , par.  29), recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre la législation en totale conformité avec le Protocole relatif à la traite des personnes et de clarifier la définition juridique du travail forcé à l ’ article 182 du Code pénal  ;

b) D ’ adopter rapidement le nouveau Plan d ’ action national sur la prévention de la traite des êtres humains pour la période 2023-2027  ;

c) De renforcer les capacités des agents de la force publique, des travailleurs sociaux et du personnel médical en matière d ’ identification précoce et d ’ orientation des victimes de la traite et des femmes et filles à risque, en particulier les femmes migrantes et les filles non accompagnées, vers les services appropriés  ;

d) De réaliser une analyse pour déterminer les raisons à la fois du faible nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines infligées dans les affaires de traite ainsi que des écarts importants entre les cantons et des services limités d ’ aide aux victimes dans plusieurs cantons, afin d ’ élaborer des mesures ciblées pour remédier à cette situation  ;

e) D ’ accorder un permis de séjour temporaire à toutes les victimes de la traite, indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec la police, et de veiller à ce que les autorités adoptent toujours une approche tenant compte du genre et centrée sur la victime.

Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée de l’exploitation des femmes dans la prostitution dans l’État partie. Il note avec inquiétude qu’environ 85 % à 95 % des femmes soumises à la prostitution sont des migrantes, souvent en situation irrégulière. Il note également avec inquiétude qu’un nombre croissant de femmes et de filles résidant dans l’État partie sont attirées dans l’industrie de la prostitution par la méthode dite du « loverboy ». Il fait part de sa préoccupation concernant :

a)Le lien entre la traite et l’exploitation de la prostitution, la majorité des femmes soumises à la prostitution ayant, selon les estimations, été introduites dans l’État partie par le biais de la traite ;

b)Les rapports indiquant que les femmes soumises à la prostitution sont régulièrement victimes de violences sexistes, psychologiques et physiques et que, selon une étude réalisée en 2010 par le Département de psychiatrie générale et sociale de l’Université de Zurich, de nombreuses femmes prostituées présentent des troubles mentaux liés à la violence sexiste et à la « contrainte » que représente la prostitution ;

c)L’absence d’un dispositif destiné à aider les femmes prostituées à sortir de la prostitution si elles le souhaitent.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mener des programmes d ’ éducation et de sensibilisation pour faire prendre conscience aux femmes et aux hommes de la forte exposition des femmes soumises à la prostitution , en particulier les femmes migrantes, à la violence sexiste, à l ’ exploitation et à la discrimination raciale, d ’ élaborer des stratégies de prévention et de réduire la demande de prostitution dans l ’ État partie  ;

b) De mettre en place des programmes de transition, prévoyant notamment des possibilités d ’ emploi de substitution, pour les femmes qui souhaitent quitter la prostitution et de s ’ assurer que ces programmes couvrent aussi les besoins de leurs enfants  ;

c) De veiller à ce que les femmes qui abandonnent la prostitution aient accès à des refuges et à des services de soutien adéquats.

Participation à la vie politique et publique dans des conditions d’égalité

Le Comité note avec satisfaction que, lors des élections parlementaires de 2019, 42 % des candidats élus au Conseil national étaient des femmes. Il note toutefois avec inquiétude que la représentation des femmes au Conseil des États reste faible (26 %) et que la tendance positive observée au niveau fédéral ne s’est pas encore traduite aux niveaux cantonal et communal. Il note aussi avec inquiétude ;

a)Les cas de sexisme, d’abus et de violence sexiste à l’encontre des femmes en politique dans l’État partie, dont il est fait état dans une étude de l’Union interparlementaire et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;

b)La sous-représentation persistante des femmes candidates dans la couverture médiatique à l’approche des élections, qui constitue un obstacle majeur à la participation des femmes à la vie politique et publique ;

c)L’absence de réglementations en matière du congé de maternité rémunéré au Conseil national, au Conseil des États et aux conseils cantonaux et communaux, ou l’incohérence des réglementations existantes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des quotas minimums pour la représentation des femmes et des hommes dans les assemblées législatives aux niveaux fédéral, cantonal et communal, y compris les femmes appartenant à des minorités  ;

b) De mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des hommes politiques, des médias et du grand public afin de mieux faire comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, à la vie politique et publique est une condition indispensable à la pleine application de la Convention et à une société moderne et démocratique  ;

c) D ’ enquêter sur toutes les formes de harcèlement et de violence sexiste à l ’ encontre des femmes politiques et des candidates, y compris la violence en ligne et les discours de haine, de poursuivre en justice leurs auteurs et d ’ offrir une réparation effective aux victimes  ;

d) D ’ harmoniser les réglementations relatives à la représentation pendant la maternité et à l ’ allocation de maternité pour les femmes parlementaires à tous les niveaux et de mettre en place des structures d ’ accueil pour les enfants du personnel administratif, des membres du gouvernement et des membres du Parlement.

Le Comité note avec satisfaction que le pourcentage de femmes au sein du Département fédéral des affaires étrangères est passé de 47 % à 52 % entre 2011 et 2021. Il note toutefois avec inquiétude que le pourcentage de femmes occupant des postes de direction reste faible, puisqu’elles ne représentent que 24 % des ambassadeurs et 20 % des chefs de mission.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour encourager une culture de la durabilité, de l ’ équité et de l ’ inclusivité dans le monde diplomatique, notamment en établissant des quotas pour le recrutement de femmes par le biais du Concours diplomatique.

Éducation

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité des genres dans le système éducatif. Il note toutefois avec inquiétude que certains matériels pédagogiques, qui peuvent être choisis à la discrétion de l’enseignant, contiennent encore des représentations stéréotypées des femmes et des hommes. Il note également avec inquiétude que :

a)Dans le système scolaire, les étudiantes et les étudiants sont appelés à faire des choix de carrière à un âge précoce, alors elles (ils) sont particulièrement sensibles aux stéréotypes liés au genre, ce qui amène souvent les filles à choisir des domaines d’études et des parcours professionnels traditionnels qui offrent moins de revenus et de possibilités de carrière que les choix de carrière traditionnellement masculins ;

b)Les questions de genre ne sont pas prises en compte dans les enseignements du tronc commun du baccalauréat.

Rappelant sa R ecommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De passer en revue les matériels pédagogiques disponibles afin de supprimer les stéréotypes sexistes et de promouvoir l ’ égalité des genres et la représentation des femmes et des hommes dans toute leur diversité  ;

b) De sensibiliser aux droits des femmes et à l ’ égalité des genres ainsi qu ’ à la nécessité de mettre en évidence et de combattre les stéréotypes sexistes discriminatoires dans les programmes scolaires à tous les niveaux et de dispenser une formation systématique correspondante aux enseignant (e) s et aux aspirant (e) s au métier d ’ enseignant  ;

c) D ’ encourager l ’ orientation des femmes et des filles vers des domaines d ’ études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques et les technologies de l ’ information et de la communication.

Emploi

Le Comité se félicite de la modification apportée en 2020 à la loi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui a introduit l’obligation pour les entreprises de 100 salarié(e)s ou plus de réaliser une analyse interne de l’égalité des salaires tous les quatre ans. Toutefois, il note avec inquiétude que les femmes employées dans les petites entreprises, qui sont majoritaires dans l’État partie, ne bénéficient pas de cette disposition, que la modification ne prévoit pas de sanctions et qu’une fois qu’une entreprise a démontré que ses salaires sont non discriminatoires, l’obligation d’analyse de l’égalité de rémunération ne s’applique plus. Il note également avec inquiétude que la discrimination salariale fondée sur le genre persiste dans l’État partie et que :

a)Les femmes travaillent essentiellement dans des professions moins rémunérées où elles sont traditionnellement majoritaires et elles sont toujours sous-représentées dans les postes de direction ;

b)Les femmes représentent un faible pourcentage de la main-d’œuvre scientifique et technologique, en particulier dans les secteurs axés sur le développement des technologies numériques, ce qui contribue à créer et à perpétuer les préjugés sexistes dans les services numériques ;

c)Les femmes sont sous-représentées dans le personnel des universités, alors qu’elles sont majoritaires dans les effectifs d’étudiants universitaires ;

d)La loi sur l’égalité entre femmes et hommes ne protège pas suffisamment les femmes contre les représailles dans le cadre de revendications professionnelles.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter un dispositif plus efficace pour analyser la discrimination salariale fondée sur le genre et y remédier, qui aurait des objectifs limités dans le temps, s ’ appliquerait aux entreprises de toutes tailles et devrait être réactivé régulièrement  ;

b) D ’ augmenter les rémunérations dans les professions traditionnellement féminines, telles que les soins, et de mener des programmes de sensibilisation pour mieux faire comprendre l ’ importance de ces professions et la valeur que leur accorde la société et pour y promouvoir un équilibre entre les genres  ;

c) D ’ adopter des mesures ciblées, telles que des quotas et un recrutement préférentiel des femmes, afin d ’ accroître l ’ emploi des femmes dans le monde universitaire et dans le domaine des sciences et de la technologie  ;

d) De modifier les dispositions législatives pour garantir que les femmes puissent exprimer des revendications professionnelles sans craindre des représailles ou d ’ autres retombées négatives.

Santé

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour garantir l’accès des femmes et des filles à des soins de santé de qualité. Il note toutefois avec inquiétude que :

a)Selon une étude de 2018, de nombreuses compagnies d’assurance facturent aux femmes, notamment aux trentenaires, des primes plus élevées pour les formules d’assurance complémentaires couvrant les séjours hospitaliers, en raison de leur aptitude à la procréation ;

b)Le rejet d’une motion déposée en 2019 au Conseil national, qui visait à rectifier le système actuel prévoyant des cotisations plus élevées pour les femmes que pour les hommes en ce qui concerne l’assurance maladie non obligatoire pour arrêt de travail à laquelle les employeurs peuvent décider de souscrire pour leurs salarié(e)s ;

c)Les femmes migrantes en situation irrégulière ont un accès limité aux soins de santé dans la pratique, car elles risquent d’être expulsées lorsque les prestataires de soins de santé les signalent aux autorités d’immigration ;

d)L’accès aux contraceptifs modernes n’est pas inclus dans les plans d’assurance maladie de base, ce qui touche de manière disproportionnée les femmes et les filles, en particulier celles qui n’ont pas de moyens suffisants et sur lesquelles pèsent souvent la responsabilité de la contraception ;

e)Les femmes à faible revenu séropositives ont un accès limité à des services de santé de la qualité requise ;

f)Des interventions chirurgicales inutiles sont réalisées sur des enfants intersexués dans le but de « normaliser » leurs organes génitaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation afin d ’ interdire la discrimination à l ’ égard des femmes en ce qui concerne les primes d ’ assurance et de veiller à ce que les coûts supplémentaires de l ’ assurance maladie liés à la procréation soient subventionnés afin que les femmes ne soient pas considérées comme des mères par défaut et que celles qui ont des enfants ne soient pas pénalisées. Il recommande en outre à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les femmes migrantes en situation irrégulière aient effectivement accès aux hôpitaux et aux services de soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et reproductive, en supprimant toute obligation de déclaration pour les prestataires de soins de santé publics et privés  ;

b) De fournir un accès gratuit aux contraceptifs modernes et de réaliser des programmes de sensibilisation pour faire comprendre que la contraception est une responsabilité partagée entre les femmes et les hommes  ;

c) De garantir un accès total et gratuit au traitement antirétroviral pour toutes les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida  ;

d) D ’ incriminer expressément les interventions chirurgicales sur les organes génitaux des enfants intersexués, sauf si elles sont médicalement nécessaires.

Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit de l’interdiction de la stérilisation sans le libre et plein consentement de la personne, la stérilisation des femmes et des filles âgées de 16 ans et plus jugées « incapables de discernement » est exceptionnellement autorisée en vertu des articles 7 et 8 de la loi sur les stérilisations.

Le Comité, se référant aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées ( CRPD/C/CHE/CO/1 , par.  36), recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ interdire la stérilisation des femmes et des filles handicapées sans leur consentement préalable, éclairé et libre, sans exception  ;

b) D ’ abroger toute disposition légale permettant le consentement substitué  ;

c) D ’ offrir réparation et soutien aux femmes et aux filles victimes de stérilisation forcée.

Autonomisation économique et avantages sociaux

Le Comité est préoccupé par le nombre important de femmes vivant dans la pauvreté ou exposées au risque de pauvreté dans l’État partie, en raison de leur taux de chômage plus élevé, de leur concentration dans des emplois à temps partiel, précaires et mal rémunérés et de la charge disproportionnée que représentent les soins domestiques non rémunérés. Il note avec inquiétude que ces facteurs se traduisent également par des prestations de retraite plus faibles pour les femmes et par une situation de pauvreté pour les seniors. Il note également avec inquiétude :

a)Les coûts élevés des structures d’accueil des enfants, qui absorbent parfois la quasi-totalité de la rémunération des femmes percevant un faible revenu ;

b)Le rallongement du congé de paternité de deux jours à deux semaines, ce qui, bien que louable, est insuffisant pour promouvoir un partage égal des responsabilités de garde d’enfants entre les femmes et les hommes ;

c)Le faible nombre de femmes handicapées bénéficiant de prestations d’invalidité complètes, en raison de leur sous-représentation dans l’emploi ;

d)Le statut obligatoire de l’assurance maternité, n’est pas pleinement compris par la société, et le fait que cette allocation soit plafonnée à 196 francs suisses par jour, alors que l’assurance obligatoire pour le service militaire ou de défense a un plafond plus élevé ;

e)Les petites entreprises, qui sont souvent dirigées par des femmes, ont moins bénéficié des mesures de soutien dans le contexte la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) que les grandes entreprises.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire face à la discrimination salariale, à la ségrégation professionnelle et au travail domestique non rémunéré des femmes et de recalculer les prestations de retraite pour prévenir la pauvreté des femmes âgées, en mettant fin à la « déduction de coordination » opérée actuelle ment dans le deuxième pilier et sur la base de laquelle seule une partie du revenu est prise en compte comme revenu ouvrant droit à pension, en indemnisant le travail domestique non rémunéré et en maintenant pleinement les femmes dans le système de sécurité sociale pendant les périodes où elles dispensent des soins domestiques non rémunéré s  ;

b) De veiller à ce que toutes les femmes handicapées aient accès à des prestations d ’ invalidité adéquates  ;

c) De supprimer toute ambiguïté quant au caractère obligatoire de l ’ assurance maternité et son plafonnement à 196 francs suisses par jour  ;

d) De veiller à ce que les petites entreprises dirigées par des femmes bénéficient d ’ un soutien adéquat dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et de mesures de redressement équivalentes à celles des grandes entreprises.

Femmes rurales

Le Comité note avec inquiétude que les travailleuses agricoles travaillent plus de 60 heures par semaine en moyenne, selon les estimations, mais que seulement 30 % d’entre elles sont rémunérées et bénéficient d’une protection sociale.

Le Comité, rappelant sa R ecommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, recommande à l ’ État partie d ’ étendre la couverture de sécurité sociale à toutes les agricultrices et aux femmes membres de la famille travaillant dans des exploitations agricoles, et de leur accorder les mêmes droits sur les biens générés par l ’ exploitation en cas de divorce.

Femmes roms

Le Comité se félicite des mesures visant à renforcer l’intégration des femmes roms dans la société. Toutefois, il note avec inquiétude que ces femmes continuent d’être confrontées à des formes de discrimination croisée dans tous les domaines de la vie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses mesures visant à intégrer les femmes roms dans la société et de remédier à leur marginalisation ainsi qu ’ aux formes de discrimination croisée dont elles font l ’ objet.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec inquiétude que le système actuel d’imposition commune pour les couples mariés amène fréquemment le salarié percevant la rémunération la plus faible – souvent la femme – à réduire sa durée de travail voire à abandonner son emploi pour économiser des impôts. Il note également avec inquiétude que les femmes qui divorcent ou se séparent sont souvent confrontées à des conséquences économiques négatives, car nombre d’entre elles sont économiquement dépendantes de leur partenaire, une mère célibataire sur quatre dépendant des prestations sociales et près de deux tiers des bénéficiaires de prestations sociales étant des femmes.

Le Comité, rappelant sa R ecommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter un système d ’ imposition individuelle tel qu ’ il est actuellement en discussion  ;

b) De remédier aux différentes causes profondes du dénuement économique et de la dépendance des femmes, en renforçant leur indépendance financière, en faisant respecter les obligations en matière de pension alimentaire et d ’ entretien des enfants et en augmentant les prestations sociales pour les mères célibataires et les femmes démunies après un divorce.

Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’âge légal du mariage soit de 18 ans, le mariage d’enfants à partir de 16 ans est exceptionnellement autorisé lorsqu’il est considéré comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Rappelant la R ecommandation générale n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et l ’ observation générale n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant (2019) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l ’ État partie de modifier cette disposition et d ’ abroger toutes les exceptions à l ’ âge minimum légal du mariage de 18 ans pour les femmes et les hommes.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de tirer parti de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing et d ’ évaluer plus avant le respect des droits consacrés par la Convention afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient distribuées en temps voulu, dans ses langues officielles, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au G ouvernement, au Conseil fédéral, aux ministères, à l ’ Assemblée fédérale et aux institutions judiciaires, afin de permettre leur pleine application.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf grands instruments internationaux des droits de l ’ homme permettrait aux femmes de mieux jouir de leurs droits humains et des libertés fondamentales dans tous les compartiments de la vie. Il encourage donc l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 16 a), 32 a), 42 d) et 42 f) ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

Le Comité fixera et communiquera la date d ’ échéance du septième rapport périodique de l ’ État partie en fonction d ’ un futur calendrier prévisible de présentation des rapports fondé sur un cycle d ’ examen de huit ans et après l ’ adoption d ’ une liste de points et de questions à traiter, le cas échéant, avant la soumission du rapport par l ’ État partie. Le rapport devrait couvrir toute la période jusqu ’ au moment de sa soumission .

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives concernant le document de base commun et les documents spécifiques à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).