Observations finales concernant le neuvième rapport périodique de la Colombie *

Le Comité a examiné le neuvième rapport périodique de la Colombie (CEDAW/C/COL/9) à ses 1661eet 1662eséances (voir CEDAW/C/SR.1661 et CEDAW/C/SR.1662), le 19 février 2019. La liste de points établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/COL/Q/9 et les réponses de l’État partie, dans le document CEDAW/C/COL/Q/9/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le neuvième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie de son rapport de suivi concernant les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/COL/CO/7-8/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation, conduite par la Ministre déléguée aux affaires multilatérales, Adriana Mejia Hernandez. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de l’intérieur, du Bureau du Procureur général, de la Cour constitutionnelle, du Congrès, de la Commission nationale du pouvoir judiciaire chargée de l’égalité des genres, du Bureau du Conseil présidentiel pour l’égalité des femmes, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente de la Colombie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis dans la mise en œuvre de réformes législatives depuis l’examen, en 2013, du rapport de l’État partie valant septième et huitième rapports périodiques (CEDAW/C/COL/7-8) et se félicite en particulier de :

* Adoptées par le Comité à sa soixante-douzième session (18 février-8 mars 2019).

a)l’adoption de la résolution 845/2018 sur le programme intégral de garanties pour les dirigeantes et les défenseuses des droits de la personne ;

b)la promulgation du décret 672/2017 portant modification de la structure du département administratif du Bureau du Président, y compris le Bureau du Conseil présidentiel pour l’égalité des femmes ;

c)l’adoption de la loi 1822/2017, qui porte le congé de maternité à 18 semaines et le congé de paternité payé à 8 jours ouvrables ;

d)l’adoption de la loi 902/2017, qui reconnaît l’économie domestique et permet aux femmes rurales de bénéficier en priorité des programmes d’accès à la terre ;

e)l’adoption de la loi 1719/2014, qui prévoit des mesures visant à garantir l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles, en particulier celles commises dans le cadre du conflit armé ;

f)la signature, le 24 novembre 2016, de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable par le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire et de son adoption par le Congrès six jours plus tard ;

g)l’adoption de la loi 1761/2015, qui fait du féminicide une infraction à part entière ;

h)la promulgation du décret 2733/2012, qui régit l’application de l’article 23 de la loi 1257/2008 et prévoit un dégrèvement fiscal pour les entreprises qui emploient des femmes victimes de violences.

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et normatif en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, et se félicite en particulier de :

a)la promulgation du décret 1418/2018, qui porte création du Forum de haut niveau sur les questions de genre appelé à coordonner l’application des dispositions de l’Accord de paix relatives au genre ;

b)l’adoption du document 3918/2018 du Conseil national de la politique économique et sociale, qui définit la marche à suivre pour parvenir à l’égalité des genres dans le cadre de la réalisation des objectifs de développement durable ;

c)l’adoption de la résolution 1904/2017 du Ministère de la santé et de la protection sociale sur les droits des personnes handicapées en matière de procréation ;

d)la promulgation du décret 1036/2016 portant adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la traite d’êtres humains pour la période 2016-2018 ;

e)l’adoption du document 3784/2013 du Conseil national de la politique économique et sociale, qui établit une stratégie de protection et de garantie des droits des femmes victimes de conflit armé ;

Le Comité se félicite que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié, le 9 mai 2014, la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n° 189) de l’Organisation internationale du travail (OIT).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité de jure (dans la loi) et de facto (effective) des genres, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il exhorte l ’ État partie à reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Congrès, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général et principales préoccupations

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie en ce qui concerne la paix, la sécurité et la justice grâce à la signature en 2016 de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable. Ce dernier a créé un précédent important pour la participation des femmes aux négociations et la prise en compte des questions de genre dans les accords. Il constitue d’une base solide qui permettra aux femmes de réaliser leurs droits fondamentaux dans l’État partie. Toutefois, le Comité s’inquiète de la lenteur qui caractérise l’application des dispositions de l’Accord relatives au genre et du manque d’harmonisation avec le plan national de développement. Il s’inquiète également de ce que les menaces et violences, y compris les violences sexuelles, à l’égard des défenseuses des droits de la personne semblent avoir fortement augmenté depuis la signature de l’Accord et de ce que les droits des femmes les plus vulnérables, en particulier les Afro‑Colombiennes et les femmes autochtones, rurales, lesbiennes, bisexuelles, transgenres et handicapées, continuent d’être gravement bafoués sans que les victimes ne soient protégées par l’État ou aient accès à la justice.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer d ’ urgence l ’ application des dispositions de l ’ Accord de paix relatives au genre et de les harmoniser avec le plan national de développement, afin que les femmes les plus vulnérables soient protégées et aient accès à la justice dans l ’ État partie.

Cadre législatif et normatif

Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour consolider son cadre législatif sur le genre depuis le dernier examen de 2013. Il se réjouit en particulier qu’un pacte pour l’égalité des femmes figure dans le projet de plan national de développement pour la période 2018-2022. Il prend également note du document 3918/2018 du Conseil national de la politique économique et sociale, qui définit la marche à suivre pour qu’il soit tenu compte de l’égalité des genres à toutes les étapes de la réalisation des objectifs de développement durable. Il s’inquiète cependant de ce que les dispositions du projet de plan national de développement relatives au genre ne soient pas encore assorties de crédits budgétaires précis. Il se dit également préoccupé par l’absence de mesures législatives et normatives ciblant efficacement la discrimination croisée à laquelle les femmes appartenant à des groupes vulnérables font face.

Rappelant sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que le pacte pour l ’ égalité des femmes soit correctement pris en compte dans les plans de développement territorial, que des objectifs et des indicateurs soient définis pour mesurer et surveiller son application et que des ressources humaines et financières suffisantes soient mises à disposition pour qu ’ il soit appliqué dans tout le territoire de l ’ État partie  ;

b) d ’ appliquer dans sa législation la définition complète de la discrimination à l ’ égard des femmes et des filles qui figure à l ’ article 1 de la Convention, d ’ interdire toute discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article 2 b), de s ’ assurer que la législation couvre tous les motifs prohibés de discrimination, notamment qu ’ elle protège les femmes autochtones, les Afro-Colombiennes et les femmes rurales, handicapées, lesbiennes, bisexuelles et transgenres contre les discriminations dans la sphère publique comme dans la sphère privée, et qu ’ elle couvre toutes les formes de discrimination croisée.

Accès à la justice

Le Comité se félicite des mesures prises pour améliorer et élargir l’accès des femmes à la justice et prend note en particulier des critères relatifs à l’égalité appliqués dans l’administration de la justice et dans l’évaluation des juges et des programmes de renforcement des capacités s’agissant des questions de genre mis en place pour les concours. Il accueille avec satisfaction les initiatives visant à étendre la présence du Bureau du Procureur général aux régions rurales. Il demeure cependant préoccupé par les capacités institutionnelles limitées du pouvoir judiciaire, notamment dans les zones rurales, et par l’ampleur de l’impunité dont jouissent, en particulier, les auteurs de féminicides, de violences sexuelles et de violences contre les défenseuses des droits de la personne, actes dont un nombre disproportionné de victimes sont des femmes appartenant à des groupes vulnérables telles que les femmes autochtones, les Afro-Colombiennes et les femmes rurales, handicapées, lesbiennes, bisexuelles ou transgenres.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer le système judiciaire, notamment en y affectant des ressources financières, techniques et humaines spécialisées supplémentaires afin de pouvoir traiter les affaires de manière rapide, soucieuse des questions de genre, non discriminatoire et compétente sur l ’ ensemble du territoire, en particulier dans les régions rurales  ;

b) de consolider le Bureau du Procureur général et d ’ étendre sa présence aux régions rurales  ;

c) de permettre aux femmes autochtones, aux migrantes, aux Afro-Colombiennes et aux femmes handicapées de mieux accéder à la justice en faisant en sorte que les informations relatives à la présence des institutions judiciaires et aux droits relatifs à la régularité des procédures soient largement diffusées, y compris en langues autochtones et en langue des signes et par d ’ autres moyens de communication, et que des aménagements soient prévus pour ce qui est de la procédure et de l ’ âge  ;

d) d ’ étoffer les programmes de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats et des policiers concernant l ’ application de la Convention  ;

e) d ’ accroître le nombre de juges et de procureurs spécialisés dans les questions de violence sexuelle, comme l ’ avait recommandé le Comité dans ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/COL/CO/7-8 , par. 18)  ;

f) d ’ assurer l ’ accès des femmes et des filles à des services d ’ aide juridique et d ’ entreprendre des campagnes de sensibilisation visant à informer les femmes et les filles des droits qui leur sont garantis par la Convention.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité salue la signature de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, ainsi que la création du Forum de haut niveau sur les questions de genre. Néanmoins, il se dit préoccupé par le fait que les dispositions de l’Accord de paix relatives à l’égalité des genres soient appliquées plus lentement que d’autres volets de l’Accord, et par le fait que le volet du Plan-cadre de mise en œuvre portant sur l’intégration des questions de genre ne soit pas assorti d’une enveloppe budgétaire. Il constate également avec préoccupation que l’État reste peu présent dans de nombreuses régions et que des groupes armés continuent de menacer la population civile et de recruter des enfants dans des anciennes zones de conflit.

Rappelant sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ accélérer la mise en œuvre des dispositions de l ’ Accord de paix relatives à l ’ égalité des genres, notamment celles portant sur les garanties de sécurité à donner aux femmes dirigeantes et aux défenseuses des droits de la personne et sur la réintégration des ex-combattantes des Forces armées révolutionnaires de Colombie − Armée populaire, et de veiller à ce que des ressources humaines et financières suffisantes soient allouées pour en assurer la bonne application  ;

b) d ’ intégrer au Plan-cadre de mise en œuvre des indicateurs, ventilés par sexe, âge, origine ethnique, race, situation géographique et handicap, afin d ’ assurer un suivi des effets de la mise en œuvre des dispositions relatives à l ’ égalité des genres, et d ’ affecter à celle-ci un budget indicatif  ;

c) d ’ accroître la présence des institutions de l ’ État et l ’ accès aux services de base dans les anciennes zones de conflit, en tenant compte des besoins particuliers des Afro-Colombiennes, des femmes autochtones et des femmes handicapées, d ’ assurer la protection des populations touchées dans les anciennes zones de conflit et de prévenir le recrutement d ’ enfants par des groupes armés.

Défenseuses des droits de la personne

Le Comité se félicite de l’adoption, par la résolution 845/2018, du Programme intégré de garanties en faveur des dirigeantes et les défenseuses des droits de la personne. Cependant, il est préoccupé par la fréquence des homicides, des menaces et des autres violations commises contre les défenseuses des droits de la personne, et par la grande impunité dont jouissent leurs auteurs. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les femmes qui s’emploient à appliquer l’Accord de paix au niveau local et qui cherchent à obtenir réparation pour les victimes de violations de leurs droits fonciers sont particulièrement visées. Il s’inquiète également des informations qui lui ont été rapportées selon lesquelles les défenseuses des droits de la personne qui cherchent à obtenir une protection redeviennent souvent des victimes et que les agents de la force publique utilisent parfois un langage discriminatoire qui fait d’elles une fois de plus des victimes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ assurer une mise en œuvre efficace du Programme intégré de garanties en faveur des dirigeantes et des défenseuses des droits de la personne, notamment en y affectant des ressources financières et humaines suffisantes  ;

b) de suivre la mise en œuvre du Programme intégré de garanties en faveur des dirigeantes et des défenseuses des droits de la personne, et de faire participer les organisations de femmes au processus de suivi  ;

c) d ’ assurer la pérennité de la Stratégie d ’ enquête sur les homicides de défenseurs des droits de la personne et de poursuite des auteurs menée par le Bureau du Procureur général en y affectant des ressources et en renforçant les connaissances en matière de méthodes d ’ enquête sur les violations commises contre des défenseuses des droits de la personne  ;

d) de mener des campagnes de sensibilisation du public pour faire mieux connaître le rôle important des défenseuses des droits de la personne dans la promotion de la paix et des droits fondamentaux  ;

e) de proposer des activités de renforcement des capacités des agents des forces de l ’ ordre en vue de mettre fin aux comportements inadaptés et aux attaques contre les défenseuses des droits de la personne.

Mécanisme national de promotion des femmes

sLe Comité se félicite de l’augmentation du budget alloué au Bureau du Conseil présidentiel pour l’égalité des femmes. Il s’inquiète toutefois de ce que cela ne suffise pas pour que le Bureau mène efficacement toutes les activités dont il a la responsabilité conformément au plan national de développement. Il est également préoccupé par le fait que, malgré la recommandation qu’il avait précédemment formulée à cet effet, l’État partie n’a pas conféré un rang ministériel au Conseil présidentiel pour l’égalité des femmes. Il est en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas correctement renforcé la Commission intersectorielle, comme il le lui avait expressément recommandé dans ses observations finales précédentes (CEDAW/C/COL/CO/7-8 par. 12). Il s’inquiète également de ce que l’Observatoire des questions de genre n’ait pas la capacité d’influer sur l’élaboration des politiques. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les femmes autochtones, les Afro‑Colombiennes et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou handicapées ne sont pas représentées au Bureau du Conseil présidentiel pour l’égalité des femmes.

Rappelant sa précédente recommandation ( CEDAW/C/COL/CO/7-8 par. 12), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de conférer un rang ministériel au Bureau du Conseil présidentiel pour l ’ égalité des femmes, en vue d ’ en renforcer la capacité d ’ influer sur la formulation, la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques relatives à l ’ égalité des genres et à la promotion des femmes et de renforcer son rôle de coordination à tous les niveaux du Gouvernement, en particulier au niveau ministériel  ;

b) de renforcer le rôle de la Commission intersectorielle dans la coordination de la mise en œuvre des politiques publiques relatives à l ’ égalité des genres, notamment aux niveaux régional et local  ;

c) de renforcer la capacité de l ’ Observatoire des questions de genre à travailler en coordination avec les institutions universitaires et à influer sur les politiques publiques relatives aux questions de genre  ;

d) de veiller à ce que les femmes autochtones, les Afro-Colombiennes et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou handicapées soient représentées au Conseil présidentiel pour l ’ égalité des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note des activités visant à renforcer les organisations de femmes, telles que les cours de formation politique à l’intention des femmes proposés dans des municipalités et l’intégration d’approches différenciées dans la politique publique relative aux victimes. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales visant à accélérer la pleine intégration des femmes dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier ceux de la politique, de l’éducation, de l’emploi et de la santé, notamment en tenant compte des besoins particuliers des groupes de femmes vulnérables.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément à l ’ article 4 1) de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin d ’ accélérer la pleine intégration des femmes dans les domaines de la santé, de l ’ emploi, de l ’ éducation et de la politique et dans les autres domaines visés par la Convention, notamment en ciblant les groupes de femmes vulnérables.

Stéréotypes sexistes de caractère discriminatoire et pratiques préjudiciables

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des services pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires, et prend note en particulier du projet conjoint du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense portant sur les nouvelles formes de masculinité, dont la première phase cible les forces de sécurité. Il se félicite également des activités menées conjointement avec des organisations autochtones dans le but d’éliminer les mutilations génitales féminines. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance, dans la vie publique et dans la vie privée, de stéréotypes sexistes et de conceptions sexistes des rôles profondément enracinés, et par la pratique des mutilations génitales féminines qui se maintient dans certaines communautés autochtones.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ élaborer sans plus tarder une stratégie globale visant à faire évoluer les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et au sein de la société, comme il le lui a recommandé précédemment [ CEDAW/C/COL/CO/7-8 par. 14 a)]  ;

b) de redoubler d ’ efforts pour faire évoluer les stéréotypes sexistes profondément ancrés et discriminatoires, notamment en intensifiant les campagnes de sensibilisation visant les secteurs de l ’ éducation et de la santé ainsi que la culture politique, dans le but d ’ éliminer les stéréotypes concernant les rôles des hommes et des femmes  ;

c) d ’ intensifier les actions menées conjointement avec les communautés autochtones pour mettre en œuvre le plan d ’ action visant à éliminer les pratiques préjudiciables sur le territoire de l ’ État partie, en particulier les mutilations génitales féminines.

Violences à l’égard des femmes fondées sur le genre

Le Comité accueille avec satisfaction les directives élaborées par le Bureau du Procureur général dans l’optique de garantir la diligence raisonnable dans les enquêtes sur les affaires de violence à l’égard des femmes, ainsi que les mécanismes d’application de l’accord 10554/2016 concernant l’obligation de prendre en compte le critère de genre dans les affaires de violence contre les femmes. Il est cependant préoccupé par le nombre croissant et toujours élevé de cas de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris de féminicides et de violences dans les institutions, ainsi que par l’impunité qui entoure ces actes. Il est également préoccupé par la mise en œuvre limitée de la loi 1257/2008 sur les services de santé destinés aux victimes et par le peu de moyens disponibles pour offrir des services intégrés, notamment des foyers d’accueil, aux victimes dans les zones rurales. Il prend note des efforts déployés par l’État partie pour renforcer le rôle des commissaires à la famille et celui des procédures types relatives aux mesures de protection. Il est toutefois préoccupé par le fait que ces commissaires à la famille ne disposent pas de ressources financières et humaines suffisantes, qu’ils relèvent des municipalités et que leurs responsabilités sont trop nombreuses.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre d ’ urgence et selon un calendrier précis un plan national de prévention de la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris la violence dans les institutions, en ciblant particulièrement les femmes autochtones, les Afro ‑ Colombiennes et les femmes rurales, handicapées, lesbiennes, bisexuelles ou transgenres  ;

b) de veiller à ce que des ressources suffisantes soient durablement consacrées à la mise en œuvre de la loi 1257/2008 relative aux services intégrés et accessibles à dispenser aux victimes dans les zones rurales, en particulier en ce qui concerne les services de santé et les foyers d ’ accueil  ;

c) d ’ envisager de placer les commissaires à la famille sous l ’ autorité du Ministère de la justice, de simplifier leurs mandats et de leur allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin de renforcer leur action  ;

d) de veiller à ce que les directives du Procureur général sur la diligence raisonnable dans les enquêtes sur les affaires de violence à l ’ égard des femmes soient effectivement appliquées par tous les acteurs du système judiciaire.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité se félicite des mesures judiciaires prises pour prévenir la traite des femmes et des filles et en poursuivre les auteurs. Il relève que l’État partie a adopté une stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes pour la période 2014‑2018 qui était conforme aux normes internationales. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que, fréquemment, les femmes et les filles migrantes originaires de la République bolivarienne du Venezuela se trouvent en position de victime et sont exploitées. Il est également préoccupé par le fait que les données fournies par l’État partie proviennent de nombreuses sources différentes et ne sont pas ventilées de façon pertinente, ce qui rend difficile leur analyse et leur utilisation aux fins de l’élaboration de politiques. Il s’inquiète par ailleurs de ce qu’en 2016, une seule victime de la traite a bénéficié de la protection du Bureau du Procureur général et, qu’en dépit de la promulgation du décret présidentiel 1069/2014, qui prévoit que divers services d’appui soient accordés aux victimes de la traite, il n’existe dans l’État partie aucun foyer public d’accueil pour les victimes de la traite.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ harmoniser les données sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant les cas de traite en séparant ces données de celles portant sur d ’ autres affaires de violence fondée sur le genre et de les ventiler par sexe, âge, origine ethnique, race, situation géographique et handicap afin qu ’ elles puissent servir à des fins d ’ analyse et de formulation de recommandations et d ’ orientations  ;

b) de faire connaître dans une large mesure à toutes les parties prenantes concernées l ’ existence d ’ un programme de protection au sein du Bureau du Procureur général, compte tenu de l ’ arrivée de nombreuses femmes et filles vénézuéliennes  ;

c) de veiller à ce que tous les services d ’ appui prévus par le décret 1066/2015 du Ministère de l ’ intérieur soient dispensés aux victimes de la traite, en particulier aux femmes et aux filles, et à ce qu ’ ils soient inclusifs et accessibles  ;

d) de mettre à la disposition des femmes et des filles victimes de la traite des foyers d ’ accueil et des centres de crise bénéficiant de ressources financières et d ’ équipements suffisants, ainsi que des programmes de réintégration.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité observe que l’État partie est parvenu à instaurer la parité des sexes dans la fonction publique. Il constate toutefois avec préoccupation qu’à la suite des élections de 2018, le pourcentage de femmes siégeant dans les deux chambres du Parlement a baissé. Il constate également avec préoccupation qu’en dépit de l’article 28 de la loi 1475/2011, qui fixe un quota de 30 % de candidats de chaque sexe sur les listes présentées pour une élection visant à pourvoir au moins cinq sièges, le pourcentage de femmes élues à l’issue du scrutin de 2018 est resté bien inférieur à cet objectif.

Le Comité rappelle que les femmes doivent impérativement pouvoir participer pleinement, équitablement, librement et démocratiquement au même titre que les hommes à la vie politique et à la vie publique si l ’ on veut donner pleinement effet à leurs droits, et recommande à l ’ État partie  :

a) de prendre des mesures s ’ inscrivant dans la durée, y compris des mesures temporaires spéciales, pour introduire, en plus des quotas légaux de représentation des femmes aux postes de décision pourvus par élection ou nomination, l ’ obligation pour les partis politiques de présenter en alternance des hommes et des femmes comme candidats, et l ’ octroi d ’ incitations financières et autres aux partis politiques qui présentent un nombre égal de femmes et d ’ hommes aux mêmes rangs sur leurs listes électorales, conformément aux dispositions des articles 4 1), 7 et 8 de la Convention ainsi qu ’ à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique et à la recommandation générale n o 25  ;

b ) de mener des campagnes pour sensibiliser le public à l ’ importance de la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique et de continuer de proposer aux femmes des programmes de formation et d ’ encadrement sur la participation politique, les aptitudes à diriger et les techniques de négociation, en particulier au niveau local, et en accordant une attention particulière aux femmes victimes de discrimination croisée.

Nationalité

Le Comité relève que l’État partie a adhéré, en 2014, à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961, et qu’il a signé la Convention relative au statut des apatrides de 1954 mais qu’il ne l’a pas ratifiée. Il se réjouit de constater que le registre national d’état civil a publié le 22 décembre 2017 la circulaire no 168, aux termes de laquelle les enfants nés de mères étrangères qui risquent de se retrouver apatrides seront inscrits dans le registre sans qu’une preuve de domicile ne soit exigée, ce qui facilite l’accès de ces enfants à la nationalité colombienne. Il s’inquiète cependant de ce que les enfants nés de mères étrangères, en particulier de mères vénézuéliennes, qui ne sont pas particulièrement menacés d’apatridie ne reçoivent qu’un simple acte de naissance, qui ne prouve pas qu’ils ont la nationalité colombienne, ce qui complique leur accès aux systèmes nationaux de santé publique et d’éducation.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de ratifier la Convention relative au statut des apatrides de 1954  ;

b) de réviser les politiques applicables pour faciliter la délivrance d ’ actes de naissance colombiens et permettre à tous les enfants nés de mères étrangères d ’ accéder comme il convient aux services de santé et d ’ éducation.

Éducation

Le Comité prend note de la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la prise en charge intégrale des enfants et des adolescents pour la période 2015-2025 et de la directive no 1 du Ministère de l’éducation contenant des orientations visant à prévenir l’abandon scolaire pour cause de grossesse. Il se félicite de la diminution des taux d’échec scolaire à tous les niveaux du système éducatif. Il reste toutefois préoccupé par :

a)la persistance d’un nombre élevé de femmes qui abandonnent leurs études supérieures ;

b)les disparités dans l’accès à l’éducation des femmes et des filles autochtones, handicapées, afro-colombiennes ou touchées par le conflit armé ;

c)la faible représentation des femmes dans les domaines où les hommes sont généralement plus nombreux, en particulier les sciences.

Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de redoubler d ’ efforts, par l ’ intermédiaire du Ministère de l ’ éducation, pour accroître l ’ intégration des filles et leur maintien à l ’ école, en particulier dans l ’ enseignement supérieur, en accordant une attention spéciale aux femmes et aux filles autochtones, handicapées, afro-colombiennes ou touchées par le conflit armé  ;

b) d ’ adopter et de mettre en œuvre des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, pour accélérer l ’ instauration de l ’ égalité d ’ accès à un enseignement obligatoire, gratuit, de qualité et inclusif pour les filles et les femmes, y compris les filles autochtones, handicapées ou afro-colombiennes  ;

c) de veiller à la mise en œuvre et au respect de la directive n o 1, notamment par l ’ adoption de politiques et de stratégies visant à encourager la réadmission des filles enceintes et des jeunes mères dans les établissements scolaires  ;

d) d ’ élaborer et d ’ introduire, à tous les niveaux d ’ enseignement, des programmes obligatoires adaptés à chaque âge, fondés sur des données factuelles et scientifiquement exacts, qui donnent des informations complètes sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles  ;

e) de faire en sorte que les enseignants soient mieux à même de dispenser un enseignement bilingue et interculturel aux communautés autochtones et aux communautés rurales  ;

f) de concevoir des stratégies destinées à faire en sorte que davantage de femmes et de filles s ’ inscrivent dans des filières professionnalisantes dans lesquelles elles sont généralement peu nombreuses, comme les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques.

Emploi

Le Comité se félicite de l’application par l’État partie d’un programme de certification de l’égalité des genres, de l’élaboration par le Ministère du travail d’un plan destiné à renforcer le système de protection et de sécurité sociales grâce à une approche différenciée et de la création en 2016 d’une commission chargée de suivre l’application de la Convention no 189 de l’OIT. Il est cependant préoccupé par la subsistance de la ségrégation verticale et horizontale dans le marché du travail, l’écart de rémunération entre les genres, qui est actuellement de 19 %, le partage inégal des tâches domestiques, l’écart entre le taux d’emploi et le taux de chômage des hommes et des femmes et le fait qu’une grande partie de femmes travaillent dans le secteur informel. Il s’inquiète également du nombre élevé d’affaires de harcèlement sexuel et du fait que l’article 3 de la loi 1010/2006, qui définit des circonstances atténuantes, n’a toujours pas été modifié.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de prendre des mesures pour éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales afin de promouvoir l ’ accès des femmes à l ’ emploi  ;

b) d ’ accroître l ’ accès des femmes à un travail décent, de les inciter à travailler dans le secteur formel plutôt que de se destiner aux professions les moins bien rémunérées et de veiller à ce que les femmes travaillant dans le secteur informel bénéficient d ’ une protection sociale et d ’ une protection liée à leur emploi  ;

c) de faire bien appliquer le principe de l ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale, d ’ adopter des mesures visant à réduire et à combler l ’ écart de rémunération entre les genres, d ’ examiner régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont les plus nombreuses et de fournir des données statistiques ventilées par sexe sur les salaires dans les secteurs public et privé  ;

d) d ’ étendre au secteur public le programme de certification en matière d ’ égalité des genres ou des programmes similaires  ;

e) de supprimer les dispositions de la loi 1010/2006 prévoyant des circonstances atténuantes pour les auteurs de harcèlement sexuel, de mettre en place un nouveau système de dépôt de plaintes en cas de discrimination fondée sur le genre et de harcèlement sexuel au travail et de consolider les systèmes existants, comme il l ’ avait recommandé dans ses précédentes observations finales [ CEDAW/C/CO/7-8 par. 28 e)] et de mener une étude détaillée pour saisir l ’ ampleur du harcèlement sexuel au travail.

Santé

Le Comité note que le taux de mortalité maternelle a diminué mais demeure préoccupé par les écarts qui subsistent entre les zones urbaines et les zones rurales pour ce qui est de l’accès aux soins, ce qui a de grandes incidences sur le taux de mortalité maternelle et le taux de mortalité juvénile. Il salue le jugement SU-096/18 rendu le 17 octobre 2018 par la Cour constitutionnelle, dans lequel cette dernière a réaffirmé que les femmes avaient le droit d’interrompre volontairement leur grossesse dans les trois cas définis dans le jugement C-355 de 2006 et qu’il fallait lever les obstacles auxquels elles se heurtaient, dans le système de soins, lorsqu’elles souhaitaient recourir à cette intervention. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations dont il dispose selon lesquelles des praticiens remettent en cause la légalité de cette intervention, que des femmes sont privées de ces services sans justification, qu’elles se voient demander des justificatifs supplémentaires non requis par la loi et que les règles régissant le principe d’objection de conscience ne sont pas respectées. Il salue la résolution 1904/2017, que le Ministère de la santé a adoptée pour que les personnes handicapées puissent prendre des décisions éclairées concernant leurs droits en matière de sexualité et de procréation ; il trouve néanmoins préoccupant que les femmes handicapées et celles vivant avec le VIH/sida continuent d’être stérilisées de force. Il s’inquiète en outre du fait que les données officielles ne reflètent pas précisément le véritable nombre d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité invite l ’ État partie à  :

a) continuer d ’ augmenter le budget alloué aux soins de santé et le nombre de membres du personnel soignant et du personnel médical titulaires d ’ une formation, y compris les sages-femmes, notamment dans les zones rurales, pour que les femmes aient accès à des services de santé de base inclusifs et à des soins obstétriques essentiels et accessibles  ;

b) veiller à ce que les femmes et les filles des zones rurales et isolées, notamment les femmes et les filles autochtones et afro-colombiennes, y compris les femmes handicapées, aient accès à des services de santé de qualité, sur un pied d ’ égalité, notamment en accélérant l ’ application du plan national relatif à la santé dans les zones rurales et en renforçant l ’ application du modèle de sécurité clinique en cas d ’ urgence obstétrique  ;

c) adopter une loi visant à légaliser l ’ avortement en cas de viol, d ’ inceste, de risque pour la santé physique ou mentale ou la vie de la femme enceinte et de malformation fœtale grave, et à dépénaliser l ’ avortement dans tous les autres cas, conformément au jugement C-355 rendu en 2006 par la Cour constitutionnelle  ;

d prendre des mesures d ’ ordre législatif, comme exigé par la Cour constitutionnelle dans son jugement SU-096/18 du 17 octobre 2018, afin de lever les obstacles auxquels les femmes se heurtent dans le système de santé lorsqu ’ elles cherchent à faire valoir leur droit à l ’ avortement dans les circonstances définies par la Cour dans son jugement C-355 de 2006  ;

e) mettre en œuvre une stratégie détaillée visant à mieux faire connaître et appliquer le protocole de prévention des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses dans les zones rurales et parmi les femmes autochtones et les Afro-Colombiennes, en tenant compte des besoins particuliers des femmes handicapées  ;

f) veiller à ce que les méthodes contraceptives modernes soient accessibles, en particulier les méthodes durables adaptées aux zones rurales et isolées  ;

g) veiller à ce que tous les actes de stérilisation forcée de femmes et de filles handicapées et de femmes vivant avec le VIH/sida fassent l ’ objet d ’ enquêtes appropriées, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il convient et que toute intervention médicale ne soit pratiquée qu ’ avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées, conformément aux normes internationales  ;

h) veiller à ce que les adolescents aient accès à des informations exactes sur leur santé sexuelle et procréative et leurs droits en la matière, y compris sur les comportements sexuels responsables, la prévention des grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles.

Avantages économiques et sociaux et autonomisation économique des femmes

Le Comité s’inquiète du fait que les femmes travaillant dans le secteur informel ne bénéficient pas de services de sécurité sociale, en particulier de services de protection de la maternité, et que les femmes continuent d’assumer une part disproportionnée des tâches domestiques non rémunérées. Il prend note des mesures prises pour autonomiser davantage les femmes sur le plan économique, notamment de l’organisation d’une formation à l’informatique et aux communications. Il est cependant préoccupé par le fait que de tels programmes ne ciblent pas toujours celles qui en ont besoin, comme les femmes autochtones ou handicapées et les Afro‑Colombiennes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de faire en sorte que les femmes aient davantage accès au système national de sécurité sociale, notamment en ce qui concerne la protection de la maternité, de mettre au point des programmes coordonnés de protection sociale et d ’ indemnisation pour les femmes et de prendre davantage de mesures incitatives pour que les tâches domestiques non rémunérées soient partagées à part égale  ;

b) d ’ envisager d ’ établir des socles nationaux de protection sociale conformément à la recommandation (n o 202) concernant les socles nationaux de protection sociale de l ’ OIT  ;

c ) de prendre des mesures propres à autonomiser davantage les femmes sur le plan économique, en particulier les femmes autochtones ou handicapées et les Afro-Colombiennes, par exemple des mesures ciblées visant à améliorer l ’ accès des femmes aux services financiers, en particulier aux mécanismes d ’ épargne et de crédit à faible taux d ’ intérêt, et de promouvoir leurs activités entrepreneuriales en leur fournissant des services d ’ assistance technique et de conseil.

Femmes rurales, autochtones et afro-colombiennes

Le Comité prend acte de l’adoption de la politique publique globale sur les femmes rurales et du programme spécial permettant aux femmes, aux filles et aux adolescentes d’avoir accès au processus de restitution des terres. Il est toutefois préoccupé par le fait que des obstacles subsistent en ce qui concerne l’accès à ce processus, y compris dans le cas de projets de production durables. Il s’inquiète aussi des stéréotypes profondément ancrés et des discriminations dont les femmes autochtones et les Afro-Colombiennes font l’objet, ce qui les empêche de participer activement à ce processus.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer l ’ application de la politique publique globale sur les femmes rurales et de veiller à ce qu ’ elle s ’ accompagne de fonds et d ’ un suivi appropriés  ;

b) de prendre des mesures visant à accroître l ’ accès des femmes à la terre, y compris l ’ accès à un appui financier et technique pour les projets de production  ;

c) de mener des campagnes de sensibilisation ouvertes à toutes et tous pour promouvoir les principes de non-discrimination et d ’ égalité des genres, en coopération avec la société civile et les organisations de femmes, les partis politiques, les enseignants et les médias, afin de donner une image favorable et non stéréotypée des Afro-Colombiennes et des femmes autochtones  ;

d) de concevoir et d ’ appliquer des stratégies de sensibilisation ouvertes à toutes et tous pour encourager les femmes à participer à la vie publique en adoptant des approches différenciées qui contribuent à transformer la manière dont les femmes autochtones et les Afro ‑ Colombiennes sont perçues et à remettre en question les stéréotypes les concernant  ;

e) d ’ envisager d ’ intégrer les principes consacrés par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales dans ses instruments juridiques et ses instruments d ’ action relatifs aux femmes rurales.

Femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

Le Comité se dit préoccupé par les informations dont il dispose selon lesquelles les discriminations, menaces et attaques contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres sont généralisées. En outre, il s’inquiète de ce que, même si la Cour constitutionnelle s’est prononcée pour la reconnaissance juridique du mariage entre personnes de même sexe, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres doivent encore faire face à des retards injustifiés et des interprétations discriminatoires et doivent remplir des critères non prévus lorsqu’elles font valoir leurs droits. Le Comité salue à ce titre le jugement T-478/2015 de la Cour constitutionnelle, par lequel cette dernière a enjoint au Ministère de l’éducation de mettre en place des mesures pour prévenir et combattre la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’identité de genre et aborder ces notions dans les programmes scolaires. Il trouve toutefois préoccupant que ces mesures n’aient pas encore été intégralement mises en place. Il s’inquiète par ailleurs du fait que la mise en œuvre, en 2013, du système national de coexistence scolaire n’a pas débouché sur les résultats attendus en ce qui concerne la protection des élèves lesbiennes, bisexuelles et transgenres.

Le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) protéger efficacement les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres contre la violence et la discrimination et de leur permettre d ’ accéder à la justice en traitant leurs plaintes, en punissant les auteurs et en indemnisant les victimes dans les formes prévues ainsi qu ’ en prenant des mesures pour prévenir les infractions motivées par la haine  ;

b) faire appliquer le jugement de la Cour constitutionnelle qui accorde une reconnaissance juridique aux mariages entre personnes de même sexe et de former les fonctionnaires qui traitent ces demandes  ;

c) prendre sur-le-champ des mesures pour faire appliquer le jugement T ‑ 478/2015 de la Cour constitutionnelle, y compris en sensibilisant l ’ opinion publique de concert avec les organisations de la société civile  ;

d) doter le système national de coexistence scolaire d ’ un programme permettant de sensibiliser plus efficacement les enfants aux droits des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres.

Migrantes, demandeuses d’asile et réfugiées

Le Comité se félicite d’avoir été informé que l’État partie s’employait actuellement à remanier sa politique migratoire globale. Toutefois, il est fortement préoccupé par les informations selon lesquelles, en application du décret 1067/2015 relatif à l’asile, les demandeurs n’ont ni accès aux services de base, ni le droit de travailler, en conséquence de quoi certains renoncent à présenter une demande. Il constate que l’état actuel du droit a des conséquences graves pour les migrantes en situation irrégulière, en particulier les Vénézuéliennes. Il s’inquiète par ailleurs du fait que le décret 1288/2018, qui garantit des soins de santé aux migrants en situation irrégulière, ne s’applique qu’en cas d’urgence, sans qu’il ne soit précisé ce qui constitue un cas d’urgence.

Au vu de sa recommandation générale n o 24 et de la recommandation générale n o 32 (2014) relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d ’ asile et la nationalité et l ’ apatridie des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer l ’ efficacité du processus d ’ asile, en veillant à ce que le décret 1067/2015 et la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 soient intégralement appliqués, et de modifier la législation en matière d ’ asile de façon à garantir aux demandeurs d ’ asile, et à toute autre personne nécessitant une protection internationale, des droits socioéconomiques essentiels, y compris le droit de travailler  ;

b) de permettre à toutes les Vénézuéliennes enceintes ou allaitant de recevoir des soins prénatals et postnatals, quel que soit leur statut migratoire, et de préciser ce qui constitue une urgence médicale aux termes du décret 1288/2018 de manière que les complications de grossesse soient considérées comme des urgences.

Mariage et relations familiales

Le Comité se félicite des activités mises en place par l’État partie pour modifier les attitudes culturelles vis-à-vis du mariage précoce. Toutefois, il se dit préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas modifié dans son code civil l’exception aux termes de laquelle un garçon de 14 ans ou plus et une fille de 12 ans ou plus peuvent se marier si leurs parents y consentent.

Le Comité exhorte l ’ État partie à mettre sa législation en conformité avec les normes internationales, en particulier avec la recommandation générale n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux, et à modifier sans délai son code civil afin d ’ en supprimer l ’ exception concernant l ’ âge minimum du mariage et de porter ce dernier à 18 ans pour les filles comme pour les garçons.

Égalité devant la loi

Le Comité est préoccupé par les informations dont il dispose selon lesquelles la capacité juridique de nombreuses femmes handicapées est limitée en raison d’une interdiction judiciaire, ce qui les empêche de se marier, de fonder une famille, d’avoir accès à la justice et de voter.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger toutes les dispositions du Code civil et d ’ autres textes législatifs qui limitent la capacité juridique des femmes au motif d ’ un handicap ou de toute autre forme de discrimination.

Collecte et analyse de données

Le Comité se félicite des progrès accomplis dans la collecte de données sur les discriminations envers les femmes. Cependant, il s’inquiète de ce que les données recueillies ne portent pas sur tous les domaines intéressant les droits des femmes. En dépit des capacités solides du système statistique national de l’État partie, il demeure perplexe face à la ventilation insuffisante des données concernant les femmes autochtones, les Afro-Colombiennes et les femmes appartenant à des groupes marginalisés.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/COL/CO/7-8 par. 38), le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts concernant son système statistique national pour améliorer la collecte des données sur les droits des femmes, ventilées par sexe, âge, race, origine ethnique, situation géographique, handicap et caractéristiques socioéconomiques, dans tous les domaines, notamment en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes marginalisés, comme indiqué dans le décret 1743/2016.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité exhorte l’État partie à retirer la déclaration qu’il a faite en vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif à la Convention, qui concernent la compétence conférée au Comité par les articles 8 et 9. Par ailleurs, il prie l’État partie d’accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Congrès et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 16 a) et c) et 26 c) et d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de soumettre son dixième rapport périodique en mars 2023. Le rapport devra être soumis dans les délais et couvrir toute la période écoulée jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).