Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la République tchèque *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de la République tchèque (CEDAW/C/CZE/6) à ses 1385e et 1386e séances du 23 février 2016 (voir CEDAW/C/SR.1385 et 1386). La liste des questions posées et problèmes soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CZE/Q/6, et les réponses de la République tchèque dans le document CEDAW/C/CZE/Q/6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son sixième rapport périodique. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail présession. Il remercie la délégation de la présentation orale dudit rapport et des précisions apportées aux questions posées oralement par le Comité durant l’échange de vues.

* Adoptées par le Comité à sa soixante-troisième session (15 février-4 mars 2016)

Le Comité félicite la délégation de l’État partie dirigée par MmeAndrea Barsova, Directrice du Département des droits de l’homme et de la protection des minorités. La délégation était également composée de représentants du Service de l’égalité des sexes, du Ministère de la justice, du Ministère de la santé, du Ministère de l’intérieur, du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports, ainsi que de la Mission permanente de la République tchèque auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2010, du cinquième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/CZE/CO/5) en ce qui concerne la mise en place des réformes législatives, notamment l’adoption de :

a)La loi n° 372/2011 Coll. relative aux services de santé et aux conditions d’offre de ces services (loi sur les services de santé), telle que modifiée par la loi n° 167/2012 Coll.;

b)La loi n° 418/2011 Coll. sur la responsabilité pénale des personnes morales;

c)La loi n° 359/1999 Coll. relative à la protection sociojuridique des enfants, qui prévoit un type spécial de protection sociale pour les enfants et mineurs;

d)La loi n° 435/2004 Coll. sur l’emploi, qui relève le plafond des amendes dont sont passibles les personnes morales ou physiques qui emploient illégalement du personnel.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer son cadre stratégique visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’encontre des femmes et à promouvoir les droits de ces dernières. Ces efforts se sont notamment traduits par :

a)Le rétablissement en 2014 du poste de Ministre des droits de l’homme, de l’égalité des chances et de la législation;

b)L’adoption de la Stratégie en faveur de l’égalité des femmes et des hommes en République tchèque pour la période 2014-2020.

Le Comité se réjouit de ce qu’au cours de la période qui a suivi l’examen du rapport précédent, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux suivants ou y ait adhéré :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2013;

b)La Convention contre la criminalité transnationale organisée, en 2013 et;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), en 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s ’ agissant d ’ assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses liens avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici à la présentation de son prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention et de son Protocole facultatif

Le Comité constate une fois de plus avec préoccupation que les dispositions de la Convention sont rarement invoquées dans les procès – tant devant la Cour constitutionnelle que les juridictions ordinaires –, ce qui témoigne d’une connaissance insuffisante au sein du grand public, chez les femmes elles-mêmes et parmi le corps judiciaire, des droits des femmes garantis par la Convention et des procédures que leur ouvre le Protocole facultatif, de la notion d’égalité effective entre les sexes et des recommandations générales du Comité.

Le Comité réaffirme sa recommandation (CEDAW/C/CZE/CO/5, par. 13) tendant à ce que l’État partie intègre pleinement la Convention et son Protocole facultatif, ainsi que les recommandations générales du Comité, dans les programmes d’études et de formation dispensés aux membres des professions juridiques, notamment les juges, les avocats et les procureurs, afin de leur permettre d’appliquer directement les dispositions de la Convention et d’interpréter les dispositions légales nationales à la lumière de la Convention. Le Comité réitère la demande qu’il avait faite à l’État partie de sensibiliser les femmes aux droits que leur reconnaît la Convention et aux procédures de communication et d’enquête qu’offre le Protocole facultatif.

Accès à la justice

Le Comité exprime une nouvelle fois son inquiétude concernant le faible nombre d’actions engagées auprès des tribunaux de l’État partie pour discrimination sexuelle et le fait que, souvent, les femmes optent pour un règlement extrajudiciaire compte tenu, notamment, du montant élevé des dépenses judiciaires et de la difficulté à apporter la preuve d’un acte de discrimination sexuelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre rapidement en place un vaste système d ’ aide juridictionnelle gratuite pour les femmes qui n ’ ont pas les moyens de rémunérer un défenseur lors d ’ actions intentées devant la justice pour dénoncer des pratiques discriminatoires, en tenant compte de la recommandation générale n° 33 du Comité (2015) relative à l ’ accès des femmes à la justice. Il recommande également à l ’ État partie d ’ entreprendre des réformes législatives pour permettre les actio popularis , notamment en cas de discrimination sexuelle . En outre, le Comité répète sa recommandation précédente, à savoir que l ’ État partie, eu égard aux obligations contractées au titre de la Convention, assure la formation systématique des juges, des avocats, des inspecteurs du travail, des organisations non gouvernementales et des employeurs à l ’ application de la législation interdisant la discrimination fondée sur le sexe, notamment de la loi antidiscrimination, du Code du travail et de la loi relative à l ’ emploi.

Mécanismes nationaux

Le Comité craint que les fréquentes modifications apportées à la structure hiérarchique et aux mandats du dispositif institutionnel de l’État partie en matière de promotion de la femme n’aient entraîné une certaine instabilité et altéré la capacité de mise en œuvre de la Convention. Il reste également préoccupé par l’inadéquation des moyens humains et financiers du Service de l’égalité des sexes, dont une partie importante du financement provient du Fonds social européen et du fonds norvégien, et non d’un crédit spécial provenant du budget ordinaire de l’État partie.

Rappelant sa recommandation générale n° 6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces et les indications énoncées dans le Programme d ’ action de Beijing, en particulier celles qui ont trait aux conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité appelle l ’ État partie à fixer un cadre clair, stable et durable permettant d ’ assurer le bon fonctionnement de son dispositif national de promotion des droits de la femme, ce qui suppose que ledit mécanisme ait un mandat et une structure hiérarchique clairement définis, soit doté de l ’ autorité nécessaire et de moyens humains et financiers suffisants et, surtout, disposer, pour son Service de l ’ égalité des sexes, de capacités de contrôle et d ’ évaluation. L ’ État partie devrait aussi allouer à son dispositif institutionnel chargé de la promotion de la femme des fonds imputés sur son budget ordinaire.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que la loi de 2009 contre la discrimination ne traite pas explicitement de la participation politique et que le Plan d’action pour la mise en œuvre de la Stratégie d’égalité entre les sexes pour la période 2014-2020 récemment adoptée (la « Stratégie +1 » de l’État partie) est en cours d’élaboration. Il note à regret que l’État partie n’a pas adopté le projet de loi sur les mesures temporaires spéciales qui obligeait les partis politiques à respecter un quota minimum de femmes sur leurs listes de candidats. Le Comité est également préoccupé par le fait que la Stratégie +1 n’ait pas prévu de buts, objectifs et calendriers concrets visant à accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes et notamment à accroître la participation des femmes roms à la vie politique et publique et plus particulièrement leur représentation dans les assemblées législatives, les entreprises publiques et privées, les organes de l’exécutif et l’administration publique, spécialement aux postes de rang supérieur.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie de recourir davantage aux mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n° 25 (2004) du Comité, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont insuffisamment représentées ou défavorisées. Il recommande à l ’ État partie de fixer des buts, objectifs et calendriers concrets concernant la mise en œuvre de la Stratégie +1 d ’ égalité entre les sexes et d ’ envisager d ’ incorporer dans sa loi contre la discrimination et dans d ’ autres textes pertinents des mesures temporaires spéciales visant à accélérer la réalisation de l ’ égalité de fait entre les hommes et les femmes dans la vie politique et publique. Le Comité recommande également à l ’ État partie de sensibiliser les parlementaires, les représentants de l ’ État, les employeurs et la population en général à la nécessité de recourir à des mesures temporaires spéciales et au fait que ces mesures sont limitées dans le temps.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

Le Comité salue l’adoption de la loi n° 40/1995 Coll. qui interdit la publicité sexiste ou discriminatoire. Il observe néanmoins avec inquiétude que la loi n’est pas suffisamment mise en pratique et que les organes de surveillance, y compris les bureaux commerciaux régionaux, ne disposent pas de moyens suffisants pour identifier et faire retirer rapidement les publicités sexistes. Le Comité demeure préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes discriminatoires concernant la répartition des rôles et des responsabilités entre les hommes et les femmes dans la famille et dans la société, comme en témoigne la faible proportion des hommes qui prennent un congé de paternité et le nombre élevé de femmes qui travaillent à temps partiel ou selon des modalités de travail flexible, au détriment de leurs perspectives de carrière et de leurs droits à des prestations de retraite.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour venir à bout des stéréotypes sexistes persistants et profondément ancrés qui perpétuent la discrimination envers les femmes. Il recommande à l ’ État partie d ’ adopter un cadre législatif qui permette de prendre rapidement des mesures efficaces et concertées contre les publicités et les productions médiatiques sexistes ou discriminatoires. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures de sensibilisation et d ’ éducation ciblées, visant à la fois les femmes et les hommes, y compris les employeurs, pour encourager un partage équitable des tâches domestiques et des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes. De telles mesures devraient notamment encourager les hommes à faire usage du congé de paternité et des modalités de travail flexible.

Violences faites aux femmes

Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises en vue de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul). Il s’inquiète toutefois des nouveaux retards qui pourraient subvenir dans le processus même de ratification de la Convention. En outre, le Comité est préoccupé par :

a)Les informations indiquant que les programmes destinés à développer les compétences des services de police et des professionnels de l’aide aux victimes dans le domaine de la violence sexiste et notamment de la violence intrafamiliale ne tiennent pas compte des questions de genre;

b)L’insuffisance du système mis en place par l’État partie pour financer les services aux victimes;

c)Le fait que ces services sont largement tributaires du cofinancement par les régions, ce qui nuit à leur stabilité et à leur viabilité à long terme.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures en vue d ’ accélérer le processus de ratification de la Convention d ’ Istanbul. Conformément à sa recommandation générale n° 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité engage l ’ État partie à intensifier ses efforts pour prévenir et réprimer les actes de violence intrafamiliale et sexuelle et venir en aide aux femmes victimes de telles violences. Ce faisant, l ’ État partie devrait  :

a) Assurer la formation régulière et systématique des membres des forces de police et de sécurité ainsi que du corps judiciaire afin qu ’ ils tiennent compte des questions de genre dans l ’ exercice de leurs fonctions;

b) Veiller à ce que ses programmes de développement des compétences relatifs à la violence sexiste et notamment à la violence intrafamiliale soient évalués de manière transparente afin de s ’ assurer qu ’ ils sont pleinement conformes à la Convention;

c) Relever de façon viable et durable le niveau des ressources humaines, techniques et financières allouées à la prestation de services spécialisés d ’ aide aux victimes de violences sexistes;

d) Veiller à ce que des ressources suffisantes soient allouées durablement aux services d ’ aide aux victimes, et faire en sorte que ces services soient progressivement financés au moyen du budget ordinaire de l ’ État partie et non plus par des sources de financement extérieures.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait entamé l’examen d’un projet de loi sur la réglementation de la prostitution. Cependant, il prend note avec préoccupation :

a)Du faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les auteurs de faits de traite visant des femmes et des filles;

b)De la vulnérabilité des femmes et des filles roms et migrantes face à la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé;

c)De l’insuffisance du soutien à long terme des victimes de la prostitution forcée et de l’absence de programmes d’aide à l’intention des femmes qui souhaitent sortir de la prostitution;

d)De l’absence de mesures concrètes pour la mise en œuvre de la résolution du Parlement européen du 26 février 2014 sur l’exploitation sexuelle et la prostitution et leurs conséquences sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le Comité engage l ’ État partie à combattre la traite des femmes et des filles, y compris au niveau régional et en coopération avec les pays voisins. Ce faisant, l ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les auteurs d ’ infractions liées à la traite des femmes et des filles, en particulier la traite à des fins de prostitution forcée et de travail forcé, soient poursuivis et punis comme il convient, réunir des données statistiques sur les victimes de la traite, ventilées selon le sexe, l ’ âge, l ’ appartenance ethnique et le pays d ’ origine, et mesurer l ’ efficacité des programmes menés et des stratégies suivies;

b) Adopter des mesures préventives visant spécialement les femmes et les filles roms et migrantes, et fournir une assistance juridique gratuite aux victimes de la traite;

c) Allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la prestation de services appropriés d ’ aide médicale, psychosociale et juridique ainsi qu ’ à la mise en place de programmes de réhabilitation et de réinsertion à l ’ intention des femmes qui souhaitent sortir de la prostitution, et étendre ces mesures aux victimes de prostitution forcée;

d) Élaborer des politiques conformes aux prescriptions de la résolution du Parlement européen du 26 février 2014 sur l ’ exploitation sexuelle et la prostitution et leurs conséquences sur l ’ égalité entre les hommes et les femmes.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite du niveau élevé de représentation des femmes dans l’appareil judiciaire de l’État partie. Il est toutefois préoccupé par le fait que :

a)Le Parlement de l’État partie ait rejeté en 2015 un projet de modification de la loi électorale qui aurait institué un système dit « de fermeture éclair » garantissant la présence d’au moins une femme pour trois candidats à des élections et prévoyant des sanctions en cas de non-respect de ce principe;

b)Les femmes, et plus particulièrement les femmes roms, continuent d’être considérablement sous-représentées à tous les niveaux de la prise de décisions, notamment dans les deux chambres du Parlement, dans les assemblées régionales et locales, dans les organes de l’exécutif, en particulier au niveau des fonctions de ministre et de vice-ministre, aux postes de maire et d’ambassadeur et aux postes de rang supérieur dans le corps diplomatique, ainsi qu’aux fonctions d’encadrement dans les sociétés détenues ou contrôlées par l’État partie.

Le Comité recommande une nouvelle fois ( CEDAW/C/CZE/CO/5 , par. 27) à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes, notamment des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n° 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales. Ce faisant, l ’ État partie devrait  :

a) Modifier sa loi électorale pour appliquer le système de «  fermeture éclair  » aux candidats aux élections;

b) Fixer des buts, objectifs et calendriers concrets afin d ’ accroître la représentation des femmes, y compris des femmes roms, dans les assemblées législatives, les organes de l ’ exécutif et l ’ administration publique, spécialement aux postes de rang supérieur, et inscrire ces mesures spéciales dans le règlement intérieur de chaque département de l ’ exécutif;

c) Prévoir des incitations pour les hauts fonctionnaires qui respectent les mesures ou les quotas en question ainsi que des sanctions appropriées pour ceux qui ne les respectent pas;

d) Mettre en place un système transparent et indépendant chargé de suivre le niveau de représentation des femmes dans la vie politique et publique et d ’ en rendre compte.

Éducation

Le Comité salue l’adoption de la Stratégie 2015 d’intégration des Roms qui vise à assurer aux filles et aux garçons roms l’égalité d’accès à l’éducation. Il note cependant que, lors de l’échange de vues, l’État partie a indiqué qu’en raison de la déréglementation et de la décentralisation du secteur de l’éducation, ses moyens d’intervention sur la structure du système d’éducation et sur ses programmes étaient limités. Dans ce contexte, le Comité s’inquiète une nouvelle fois que les femmes et les filles continuent d’être sous-représentées dans les écoles techniques et la recherche scientifique ainsi que dans les universités, en particulier dans les postes de rang supérieur. Il note que le Ministère de l’éducation a publié des lignes directrices à l’intention des éditeurs de manuels scolaires au sujet de la prise en compte des questions de genre, mais il constate aussi qu’il n’existe pas de mécanisme de contrôle complet et cohérent qui permette de s’assurer que les programmes éducatifs respectent les principes établis dans la Convention. Le Comité reste également préoccupé par le nombre anormalement élevé de filles roms qui abandonnent leurs études ou qui manquent l’école, en particulier dans les zones frappées d’exclusion sociale.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation mettant en place un cadre complet et cohérent qui permette de s ’ assurer que la structure, le fonctionnement et les programmes du système éducatif respectent les droits de l ’ homme, y compris les droits des femmes. Ce faisant, l ’ État partie devrait s ’ efforcer en priorité d ’ encourager l ’ orientation des filles vers des métiers non traditionnels et les écoles techniques, et vers la recherche scientifique, ainsi que le recrutement de femmes à des postes de rang supérieur dans les universités. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ intensifier encore ses efforts pour faire baisser les taux d ’ abandon scolaire et d ’ absentéisme des filles roms, apprendre aux enseignants à combattre les préjugés et stéréotypes négatifs persistants à l ’ encontre des Roms, et élaborer des politiques destinées à promouvoir l ’ égalité entre les sexes dans le secteur de l ’ éducation.

Emploi

Le Comité constate avec préoccupation que peu de progrès ont été réalisés au cours de la période considérée. Il note que les écarts de rémunération très marqués entre les hommes et les femmes se sont réduits dans l’État partie, mais reste préoccupé par :

a)Le faible taux d’emploi des femmes, la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail, la concentration des femmes dans des métiers où elles sont traditionnellement majoritaires ainsi que dans le secteur informel, et par le fait qu’elles sont sous-représentées aux postes de direction et de décision;

b)La persistance de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, qui est de l’ordre de 21 %;

c)Le pouvoir limité dont disposent les inspections centrales et régionales du travail pour combattre la discrimination sexiste, en particulier à l’encontre des femmes victimes de formes croisées de discrimination, comme les femmes roms, les réfugiées et les migrantes, et ce en dépit de la nomination récente de 16 inspecteurs du travail;

d)Le fait que, bien qu’il ait été réévalué récemment, le niveau du salaire minimum reste très faible et se situe au-dessous du seuil de pauvreté pour les mères élevant seules leur enfant.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses mesures visant à garantir l ’ égalité réelle des femmes et des hommes sur le marché du travail. Il recommande en particulier à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures pour éliminer la ségrégation professionnelle et combattre le sous-emploi des femmes, notamment en redoublant d ’ efforts pour que les femmes et les filles s ’ orientent vers des études, une formation et une carrière non traditionnelles, en prenant à titre prioritaire des mesures permettant aux femmes de passer de l ’ emploi à temps partiel à l ’ emploi à temps complet, en favorisant l ’ emploi à temps complet pour les femmes par la mise en place de services de garde d ’ enfants de qualité, en encourageant le partage équitable des responsabilités entre les hommes et les femmes au sein de la famille et du foyer, et en incitant les hommes à prendre un congé de paternité;

b) De continuer à combler l ’ écart de rémunération entre les hommes et les femmes jusqu ’ à ce qu ’ il soit éliminé, notamment en mettant en place sans tarder le calculateur de salaire en ligne envisagé et en veillant à ce qu ’ il se fonde sur un système de collecte de données qui recueille à intervalles réguliers et de manière indépendante des données vérifiables, transparentes et propres à être croisées sur le lien entre le salaire et le genre, de donner une définition juridique claire de l ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale, et de faire en sorte que soient institués des mécanismes efficaces permettant d ’ octroyer rapidement réparation ou indemnisation en cas de violation du principe de l ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale;

c) De renforcer encore ses services d ’ inspection du travail pour qu ’ ils puissent combattre les pratiques discriminatoires en matière d ’ emploi et de leur donner les moyens de prononcer contre les auteurs de telles pratiques des sanctions appropriées;

d) D ’ envisager de relever le salaire minimum pour en contrer les effets négatifs, notamment la féminisation de la pauvreté.

Santé

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pleinement mis en œuvre ses précédentes recommandations (CEDAW/C/CZE/CO/3, par. 24 et CEDAW/C/CZE/5, par. 35) d’adopter un cadre juridique relatif à l’indemnisation financière des victimes de stérilisations forcées ou non consenties. Il note en outre avec préoccupation que le projet de loi portant création de mécanismes extrajudiciaires compétents en la matière a été rejeté par le Parlement. Il s’inquiète une nouvelle fois de ce que la plupart des demandes d’indemnisation présentées par des victimes de stérilisations forcées ont été rejetées parce que les tribunaux ont considéré que le délai de prescription, à savoir trois ans, courait à compter du préjudice et non de la découverte de la signification réelle de la stérilisation et de toutes ses conséquences.

Conformément à ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/CZE/CO/3 , par. 24 et CEDAW/C/CZE/CO/5 , par. 35), à ses recommandations générales n o 19 (1992) relative à la violence à l ’ égard des femmes et n° 24 (1999) sur l ’ article 12 – Les femmes et la santé, et aux recommandations figurant dans la déclaration finale de l ’ Ombudsman du 23 décembre 2005 sur la question des stérilisations effectuées en infraction à la loi et les mesures correctives proposées, le Comité engage à nouveau l ’ État partie  :

a) À revoir le délai de prescription de trois ans pour la présentation de demandes d ’ indemnisation en cas de stérilisation forcée ou non consensuelle en vue de l ’ étendre et, au minimum, de faire en sorte que le délai coure à compter de la date de la découverte par la victime de la signification réelle de la stérilisation et de toutes ses conséquences plutôt que de la date du préjudice;

b) À mettre en place une procédure d ’ indemnisation à titre gracieux pour les victimes de stérilisation forcée ou non consensuelle;

c) À aider toutes les victimes à accéder à leurs dossiers médicaux;

d) À enquêter sur les actes passés de stérilisation forcée ou non consensuelle et à en punir les auteurs comme il se doit;

e) À charger un comité indépendant d ’ enquêter sur l ’ ampleur du préjudice causé par la pratique des stérilisations forcées et à appuyer les efforts entrepris pour aller vers les personnes pouvant prétendre à une indemnisation.

Le Comité se félicite du faible taux de mortalité périnatale dans l’État partie. Il relève toutefois avec préoccupation que, d’après certaines informations, les conditions dans lesquelles se déroulent les accouchements et les conditions prévalant dans les services obstétricaux continueraient de restreindre indûment le choix des femmes en matière de santé procréative, s’agissant notamment :

a)De la séparation injustifiée des nouveau-nés de leur mère sans raison médicale;

b)De l’imposition de restrictions injustifiées aux accouchements à domicile;

c)De la pratique fréquente de l’épisiotomie sans nécessité médicale, contre la volonté de la mère qui préfère que le médecin s’abstienne d’y recourir;

d)Des conditions trop restrictives dans lesquelles il peut être fait appel aux services de sages-femmes à la place de ceux du médecin/gynécologue dans les cas où il n’y a aucun risque pour la santé.

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation faite à l ’ État partie d ’ envisager d ’ adopter dans les meilleurs délais une loi sur les droits des patients, y compris les droits des femmes en matière de santé procréative. Pour cela, l ’ État partie devrait  :

a) Adopter des lignes directrices claires pour que la séparation des nouveau-nés d ’ avec leur mère soit subordonnée à des impératifs médicaux;

b) Mettre en place un système de soins de santé prénatals qui permette d ’ évaluer efficacement la faisabilité d ’ un accouchement à domicile et la possibilité de faire ce choix;

c) À la lumière de la récente adoption de la loi n° 372/2011 Coll. relative aux services de santé et aux conditions d ’ offre de ces services , garantir sa mise en œuvre effective dans le respect de la Convention, notamment par l ’ a doption et le renforcement d ’ un protocole de soins pour les naissances sans problèmes qui garantisse le respect des droits des patients et permette d ’ éviter les interventions médicales inopportunes, faire en sorte que les interventions ne puissent être effectuées qu ’ avec le consentement préalable, libre et éclairé de la femme, contrôler la qualité des soins dispensés dans les maternités, prévoir une formation obligatoire à l ’ intention de tous les personnels de santé portant sur les droits des patients et les normes éthiques connexes et continuer de sensibiliser les patients à leurs droits, notamment en diffusant ces informations;

d) Prendre des mesures, notamment d ’ ordre législatif, pour que les accouchements pratiqués par des sages-femmes en dehors des hôpitaux soient une option sans danger et abordable pour les femmes.

Le Comité note avec préoccupation que les migrantes venues de pays autres que ceux de l’Union européenne sont exclues du régime public d’assurance maladie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder au plus vite aux modifications législatives nécessaires pour que les femmes et les filles migrantes résidant dans l ’ État partie aient accès au régime public d ’ assurance maladie dans des conditions d ’ égalité avec les Tchèques.

Émancipation économique des femmes

Le Comité félicite l’État partie pour les avancées qu’il a enregistrées en matière de lutte contre la pauvreté (qui le placent parmi les nouveaux États de l’Union européenne les plus performants dans ce domaine). Il reste toutefois préoccupé par le nombre de personnes, et particulièrement de femmes, dépourvus de logement décent (environ 30 000 personnes). Il note avec préoccupation que les familles monoparentales dirigées par une femme, une femme âgée ou une femme rom sont davantage exposées au risque de pauvreté. À cet égard, il craint que les prestations sociales, les allocations, les pensions et les mesures adoptées en matière de logement social ne protègent pas suffisamment ces femmes contre la pauvreté. Il s’inquiète en outre de ce que l’absence de cadre juridique garantissant le versement dans les délais des pensions alimentaires aggrave la situation des familles monoparentales dirigées par une femme.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa politique de logement social et de mettre en place des mécanismes de financement axés sur les besoins des femmes ainsi que des formations professionnelles adaptées dans certains domaines économiques, parmi lesquels l ’ agriculture, le tourisme et les énergies renouvelables. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ évaluer sans délai ses prestations sociales, allocations et pensions ainsi que ses mesures en matière de logement social afin de veiller à ce que ces mesures d ’ accompagnement puissent offrir une protection suffisante et efficace contre la pauvreté. Pour cela, l ’ État partie devrait adopter des mesures ciblées pour répondre aux besoins économiques des familles monoparentales dirigées par une femme, une femme âgée ou une femme rom. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ envisager de modifier son cadre juridique et ses procédures relatives aux pensions alimentaires pour s ’ assurer que les montants dus soient versés dans les délais.

Exclusion sociale des groupes défavorisés et des femmes

Le Comité note la mise en place d’un programme de subventions en faveur des acteurs de la société civile œuvrant dans le domaine de la discrimination envers les femmes, notamment les femmes défavorisées. Pour autant, le Comité se déclare une nouvelle fois préoccupé par la marginalisation de certains groupes défavorisés de femmes, en particulier les femmes roms, les migrantes et les femmes handicapées, qui sont victimes de formes croisées de discrimination dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale, y compris en matière de participation à la prise de décisions, d’éducation, d’emploi et de santé.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie de recueillir des données ventilées sur la situation des femmes victimes de formes croisées de discrimination, comme les femmes roms, les migrantes et les femmes handicapées, de prendre des mesures concrètes pour éliminer une telle discrimination, d ’ établir des objectifs, des indicateurs et des calendriers de réalisation précis, de se doter de mécanismes de suivi et de définir des sanctions, et enfin d ’ allouer les ressources voulues pour accélérer l ’ instauration dans les faits d ’ une réelle égalité pour ces groupes défavorisés de femmes, en particulier en matière de participation à la vie politique et publique, d ’ éducation, d ’ emploi et de santé.

Femmes demandeurs d’asile, réfugiées ou migrantes en situation irrégulière

Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie face aux récentes augmentations du nombre de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants en situation irrégulière ne respectent pas le droit humanitaire international. Il s’inquiète particulièrement du fait que de nombreuses femmes demandeurs d’asile, réfugiées ou migrantes en situation irrégulière, y compris des femmes enceintes, des mères qui allaitent et/ou des femmes avec des enfants, sont privées de leur liberté et conduites dans des centres de détention réservés aux immigrants dans l’État partie.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à respecter les droits fondamentaux des migrants, demandeurs d ’ asile et réfugiés, et rappelle sa recommandation générale n° 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie. Il exhorte l ’ État partie à renoncer immédiatement à placer en détention des femmes demandeurs d ’ asile, réfugiées ou migrantes en situation irrégulière, ainsi que leurs enfants, et à mettre en œuvre des mesures alternatives moins coercitives. De plus, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une démarche non exclusive et non sélective qui défende le principe de non-refoulement et une stratégie tenant compte des sexospécificités face au flux ininterrompu de réfugiés et aux demandes d ’ asile, notamment dans les questions de procédure, dans le cadre des droits prévus par la Convention et sa recommandation générale n° 32 (2014).

Mariage et relations familiales

Le Comité salue l’adoption par l’État partie du nouveau code civil (loi n°89/2012 Coll.) qui supprime la tutelle complète. Il réaffirme toutefois sa préoccupation face aux dispositions qui autorisent les tribunaux ordinaires à restreindre la capacité juridique des individus, notamment en ce qui concerne les droits de la famille et les droits relatifs à la procréation, et qui sont surtout utilisées contre de jeunes femmes présentant une déficience intellectuelle ou psycho-sociale. Le Comité note une nouvelle fois avec inquiétude la non-reconnaissance en droit des unions de fait dans l’État partie et son impact néfaste sur l’acquisition de droits par les femmes dans le cadre de telles unions et à leur dissolution. Il s’inquiète de voir que le droit des femmes migrantes (en particulier en provenance d’Ukraine) à une vie familiale a été, ces dernières années, considérablement affecté par les dysfonctionnements du système « Visapoint », qui permet de prendre rendez-vous dans les représentations diplomatiques tchèques en Ukraine afin d’obtenir un visa.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ abroger les articles 673 et 865(2) du code civil (loi n° 89/2012 Coll.) et de veiller à ce que les femmes handicapées puissent exercer leur droit au mariage, leurs droits parentaux et leur droit d ’ adopter dans les mêmes conditions que les autres citoyens. Rappelant ses recommandations générales n° 21 (2004) sur l ’ égalité dans le mariage et les relations familiales et n° 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, les relations familiales et leur dissolution, le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie de modifier sa législation et de reconnaître les unions de fait afin de garantir les mêmes droits et responsabilités aux deux partenaires, dans le cadre de telles unions et à leur dissolution. Il recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que chacun puisse avoir accès au système «  Visapoint  » et de veiller à ce que quiconque sollicite un visa/titre de séjour ait une réelle chance d ’ obtenir un rendez-vous par ce système et de retrouver sa famille dans un délai raisonnable.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing aux fins de la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que soient diffusées au plus tôt les observations finales, dans la ou les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions de l ’ État à tous les niveaux (national, régional, local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au pouvoir judiciaire, afin de permettre leur mise en œuvre intégrale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme renforcerait l’exercice, par les femmes, de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage dès lors l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 23 a), 29 a) et 29 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son septième rapport périodique en mars 2020.

Le Comité demande à l ’ État partie de respecter les «  directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument  » ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).