Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Canada *

1.Le Comité a examiné le rapport unique du Canada valant huitième et neuvième rapports périodiques (CEDAW/C/CAN/8-9) à ses 1433e et 1434e séances, le 25 octobre 2016 (voir CEDAW/C/SR.1433et 1434). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CAN/Q/8-9 et les réponses du Canada dans le document CEDAW/C/CAN/Q/8-9/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de son rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques. Il se félicite également des réponses écrites de l’État partie à la liste de questions soulevées par le groupe de travail de présession, ainsi que de la présentation orale de la délégation et des clarifications apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours du dialogue.

3.Le Comité félicite l’État partie de sa délégation plurisectorielle, dirigée par la Directrice générale principale de Condition féminine Canada, Linda Savoie, et comprenant des représentants du Ministère de la sécurité publique du Canada; du Ministère des affaires autochtones et du Nord Canada, du Ministère de l’emploi et du développement social du Canada, du Ministère de la justice du Canada, de Condition féminine Canada, du Ministère de l’immigration, des réfugiés et de la citoyenneté du Canada; des Gouvernements de l’Ontario et du Québec; et de la Mission permanente du Canada auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis son examen en 2008 des sixième et septième rapports périodiques de l’État partie (présentés en un seul document) (CEDAW/C/CAN/7) en termes de réformes législatives engagées, en particulier l’adoption des dispositions législatives suivantes :

a)La loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares (2015);

b)La loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité (2014);

c)La loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux (2013, modifiée en 2014);

d)La loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (2014);

e)La loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre (2010, promulguée en 2011).

5.Le Comité se félicite des efforts consentis par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment l’adoption, la mise en place ou le rétablissement :

a)Du Programme de contestation judiciaire, devant être rétabli en2017 et du Programme fédéral de santé intérimaire (rétabli en 2015);

b)Du Plan d’action de lutte contre la violence familiale et les crimes violents dont sont victimes les femmes et les jeunes filles autochtones (2014);

c)Du Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains (2012);

d)Du Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones (2009);

6.Le Comité se félicite du fait que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2010.

C.Parlement

7. Le Comité souligne le rôle crucial du pouvoir législatif pour assurer la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur les relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session en 2010). Il invite la Chambre des communes et le Sénat, ainsi que les législatures provinciales et territoriales, conformément à leurs mandats, à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici la prochaine période visée par la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif y relatif et des recommandations générales du Comité

8.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention, le Protocole facultatif y relatif et les recommandations générales du Comité ne sont pas suffisamment connues dans l’État partie, notamment par les femmes elles-mêmes. Le Comité est également préoccupé par le fait que la Convention ne peut pas être directement invoquée devant les tribunaux nationaux.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer une stratégie durable, notamment par l ’ allocation de ressources financières suffisantes, afin de diffuser la Convention, le Protocole facultatif y relatif et les recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes, y compris les organisations féminines;

b) De redoubler d ’ efforts pour sensibiliser les femmes aux droits qui leur sont conférés par la Convention et aux voies de recours correspondantes, en particulier les femmes appartenant à des groupes défavorisés, notamment les femmes autochtones (Premières Nations, Inuits, Métis), les afro-canadiennes, les migrantes, les demandeuses d ’ asile, les réfugiées et les handicapées;

c) De prendre les mesures législatives nécessaires pour donner plein effet aux droits consacrés par la Convention dans son ordre juridique et promouvoir la justiciabilité de ces droits;

d) De promouvoir des programmes de renforcement des capacités au profit des juges, des procureurs et des avocats sur la Convention, le Protocole facultatif y relatif, les recommandations générales du Comité et ses constatations sur les communications émanant de particuliers et les conclusions des enquêtes pour leur permettre d ’ invoquer ces instruments devant les tribunaux nationaux et d ’ interpréter la législation nationale en conséquence.

Application de la Convention dans le cadre du système fédéral

10.Reconnaissant les structures fédérales et constitutionnelles complexes dans l’État partie, le Comité réaffirme que le Gouvernement fédéral est chargé de veiller à l’application de la Convention et d’offrir une direction aux gouvernements provinciaux et territoriaux dans ce cadre (voir CEDAW/C/CAN/CO/7, par. 11) . Le Comité déplore que le Gouvernement fédéral ne puisse pas suffisamment employer les mécanismes de reddition de comptes disponibles pour veiller à ce que les gouvernements provinciaux et territoriaux établissent des mesures juridiques et politiques pleinement conformes à la Convention.

11. Compte tenu de la responsabilité juridique et du rôle de premier plan du Gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de la Convention, le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de mette en place un mécanisme efficace visant à assurer le respect des principes de responsabilité et la mise en œuvre transparente et cohérente de la Convention sur l ’ ensemble de son territoire (voir CEDAW/C/CAN/CO/7 , par. 12). À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de faire systématiquement appel à un financement fédéral conditionnel et ciblé afin de s ’ assurer que le transfert des paiements vers les provinces et les territoires tienne dûment compte du respect des dispositions de la Convention, comme c ’ est déjà le cas pour certains programmes d ’ aide au développement du Canada.

Cadre législatif

12.Le Comité prend note des diverses dispositions constitutionnelles, législatives, réglementaires, administratives et politiques visant à promouvoir l’égalité des sexes et à déterminer le caractère illicite de la discrimination sur la base du sexe. Il note également qu’un nouveau projet de loi modifiant la loi sur les Indiens (1985) est en cours d’élaboration. Le Comité demeure toutefois préoccupé par la poursuite de la discrimination à l’égard des femmes autochtones, en particulier s’agissant de la transmission du statut d’Indien, ce qui les empêche, ainsi que leurs descendants, de jouir de tous les avantages liés à ce statut.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de supprimer de la loi sur les Indiens toutes les dispositions discriminatoires qui touchent les femmes autochtones et leurs descendants et de veiller à ce que les femmes autochtones jouissent des mêmes droits que les hommes à transmettre leur statut à leurs enfants et petits-enfants.

Accès à la justice

14.Le Comité accueille avec satisfaction l’abrogation, en 2008, de l’article 67 de la loi canadienne sur les droits de la personne (1985), ainsi que le rétablissement, en 2017, du Programme de contestation judiciaire. Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Le soutien financier aux programmes d’aide juridictionnelle en matière civile a considérablement diminué au cours de ces vingt dernières années et il est de plus en plus restreint, ce dont pâtissent plus particulièrement les femmes, dans la mesure où elles sont les principales bénéficiaires de cette aide;

b)Les critères de revenu appliqués limitent l’octroi de l’aide juridictionnelle en matière civile aux femmes vivant bien en dessous du seuil de pauvreté, ce qui empêche les femmes à faible revenu d’accéder à la représentation en justice et aux services juridiques;

c)L’absence d’informations sur la question de savoir si le Programme de contestation judiciaire, nouvellement rétabli, qui prévoyait le financement des causes types sur l’égalité sera élargi pour couvrir les plaintes formulées en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (1982), de manière à englober les questions relatives à l’égalité économique et sociale liées à la pauvreté, s’il servira à financer les contestations concernant le droit à l’égalité dans les législations provinciale, territoriale et fédérale, et s’il conservera sa structure fondée sur la collectivité.

15. Conformément à sa Recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accroître le financement de l ’ aide juridictionnelle en matière civile et, plus particulièrement, de réserver des fonds à cette aide dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour garantir l ’ accès des femmes, en particulier les femmes victimes de la violence, les femmes autochtones et les femmes handicapées, à une aide juridictionnelle adaptée dans toutes les juridictions;

b) De réviser les critères d ’ éligibilité fondés sur le revenu en vue de garantir l ’ accès de toutes les femmes dont les moyens ne sont pas suffisants à l ’ aide juridictionnelle en matière civile, en particulier dans le domaine du droit de la famille;

c) D ’ élargir le mandat du Programme de contestation judiciaire pour y inclure les affaires examinées par les juridictions provinciales et territoriales, ainsi que celles concernant l ’ article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, et de faire en sorte que le Programme conserve sa structure fondée sur la collectivité.

Constatations au titre du Protocole facultatif

16.Le Comité note avec préoccupation que les constatations concernant la communication no 19/2008, qu’il a adoptées au titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif à sa cinquante et unième session, en février 2012, n’ont pas été pleinement suivies d’effets et que l’État partie n’a pas donné de renseignements à jour sur les mesures prises à la lumière de ces constatations et recommandations.

17. Le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) De donner pleinement suite aux constatations du Comité concernant la communication no 19/200 8 eu égard à la réparation et à l ’ indemnisation à accorder à l ’ auteur de la communication et d ’ informer sans délai le Comité de toutes les mesures prises et prévues pour mettre en œuvre ses recommandations;

b) De recruter et former davantage de femmes autochtones afin qu ’ elles fournissent une aide juridictionnelle aux femmes de leurs communautés, notamment dans les cas ayant trait à la violence familiale et aux droits de propriété, et de réviser son système d ’ aide juridictionnelle pour garantir aux femmes autochtones qui sont victimes de la violence familiale un accès effectif à la ju s tice.

Obligation extraterritoriale de l’État

18.Le Comité est préoccupé par :

a)Les effets négatifs qu’a la conduite des sociétés transnationales, en particulier des sociétés d’exploitation minière, enregistrées ou domiciliées dans l’État partie et qui mènent des activités à l’étranger sur l’exercice des droits inscrits dans la Convention par les femmes et les filles de la population locale;

b)L’insuffisance du cadre juridique pour faire en sorte que toutes les entreprises et sociétés de l’État partie aient à répondre des violations des droits de l’homme qu’elles commettent à l’étranger contre des femmes;

c)L’accès limité des femmes victimes de violations des droits de l’homme aux recours judiciaires et l’absence de mécanisme indépendant efficace habilité à enquêter sur les allégations de violations commises par de telles sociétés;

d)L’absence d’études d’impact qui tiennent explicitement compte des droits fondamentaux des femmes avant la négociation d’accords internationaux de commerce et d’investissement.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer sa législation régissant la conduite des sociétés enregistrées ou domiciliées dans l ’ État partie dans le cadre des activités qu ’ elles mènent à l ’ étranger, notamment en leur demandant de procéder à des études d ’ impact sur les droits de l ’ homme et sur les droits des femmes avant de prendre des décisions en matière d ’ investissement;

b) De mettre en place des mécanismes efficaces pour enquêter sur les plaintes déposées contre ces sociétés, y compris en désignant un médiateur de l ’ industrie extractive, dont le mandat consisterait notamment à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes indépendantes;

c) D ’ adopter des mesures pour faciliter l ’ accès des femmes victimes de violations des droits de l ’ homme à la justice et de faire en sorte que les mécanismes judiciaires et administratifs mis en place tiennent compte de la problématique hommes-femmes;

d) De veiller à ce que les accords de commerce et d ’ investissement négociés par l ’ État partie reconnaissent la primauté de ses obligations internationales relatives aux droits de l ’ homme sur les intérêts des investisseurs, de telle sorte que la mise en place de procédures de règlement des différends entre les investisseurs et l ’ État ne crée pas d ’ obstacle au plein respect de la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme et prise en compte de la problématique hommes-femmes

20.Le Comité accueille avec satisfaction la création, dans le Gouvernement fédéral nouvellement nommé, d’un poste à part entière de ministre de la condition féminine pleinement opérationnel. Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le manque de clarté et de cohérence dans la coordination et l’encadrement des mesures prises aux fins de la prise en compte de la problématique hommes-femmes, à la fois au niveau fédéral et aux niveaux provincial et territorial, les différences constatées dans le degré d’application de la Convention dans les provinces et les territoires, ainsi que l’absence de mesures et de mécanismes complets de surveillance et d’évaluation des incidences;

b)Le fait qu’il n’existe pas, à l’échelle nationale, de stratégie, de politique et de plan d’action intégrés pour l’égalité des sexes afin de lutter contre les facteurs structurels qui font que les inégalités entre hommes et femmes persistent;

c)Le fait que les organisations de femmes autochtones ne participent pas aux relations de nation à nation sur un pied d’égalité avec les autres organisations de peuples autochtones;

d)La fermeture de 12 des 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada, qui restreint l’accès des femmes aux services fournis par ce programme, en particulier dans les zones reculées et rurales.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire en sorte que la Ministre de la condition féminine soit dotée d ’ un mandat solide et des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour coordonner efficacement les plans, stratégies et programmes pour l ’ égalité des sexes dans tous les domaines et à tous les niveaux de gouvernement, notamment en allouant des ressources spéciales aux gouvernements pr o vinciaux et territoriaux;

b) De mettre au point à l ’ échelle nationale une stratégie, une politique et un plan d ’ action intégrés pour l ’ égalité des sexes afin de lutter contre les facteurs structurels qui perpétuent les inégalités, y compris des formes convergentes de discrimination, à l ’ égard des femmes et des filles, en accordant une attention particulière aux groupes défavorisées, notamment les femmes et les filles handicapées, les mères célibataires, les femmes et les filles autochtones, les Canadiennes d ’ ascendance africaine, les migrantes, les réfugiées, les demandeuses d ’ asile, les lesbiennes, les bisexuelles, les transsexuelles et les intersexués;

c) De veiller à ce que les organisations de femmes autochtones participent aux relations de nation à nation dans tous les domaines qui intéressent les femmes;

d) De renforcer la mise en œuvre des politiques pour l ’ égalité des sexes aux niveaux provincial et territorial et de faire en sorte que tous les organes publics concernés reçoivent des orientations et un appui soutenus dans leurs efforts de mise en œuvre, y compris des ressources humaines, techniques et financières suffisantes;

e) De renforcer les mécanismes de suivi afin d ’ évaluer de façon complète et régulière les progrès accomplis dans la mise en œuvre des politiques, plans et programmes provinciaux et territoriaux pour l ’ égalité des sexes et d ’ évaluer l ’ incidence de ces initiatives, en vue d ’ adopter les mesures correctives voulues;

f) D ’ envisager la réouverture des bureaux régionaux de Condition féminine Canada et de veiller à ce qu ’ ils soient dotés de ressources suffisantes pour fournir des services appropriés aux femmes, en particulier à celles qui vivent dans les zones reculées et rurales.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

22.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et autres prises pour lutter contre les pratiques préjudiciables, notamment le mariage des enfants et le mariage forcé, les mutilations génitales féminines et les crimes commis au nom de l’« honneur ». Il est toutefois préoccupé par le fait que les informations sur les pratiques préjudiciables et les moyens de les combattre ne sont pas faciles à trouver pour un grand nombre de femmes dans l’État partie.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir systématiquement des données ventilées sur les pratiques préjudiciables dans l ’ État partie et de faire en sorte que les informations sur les moyens de lutter contre de telles pratiques soient largement diffusées.

Violence sexiste à l’égard des femmes

24.Le Comité constate avec satisfaction que le Ministère de la condition féminine s’emploie actuellement avec d’autres ministères à mettre au point une stratégie fédérale de lutte contre la violence sexiste. Il constate également que plusieurs lois pénales fédérales, complétées par des dispositions civiles et des politiques provinciales et territoriales, visent à combattre la violence sexiste à l’égard des femmes, y compris à l’égard des femmes et des filles autochtones. Il est toutefois préoccupé par :

a)La persistance d’une forte prévalence de la violence sexiste à l’égard des femmes dans l’État partie, en particulier à l’égard des femmes et des filles autochtones;

b)Le nombre très faible de cas de violence sexiste à l’égard des femmes signalés à la police par les victimes;

c)La faiblesse des taux de poursuite et de condamnation dans les affaires de violence sexiste à l’égard des femmes et les peines légères imposées aux auteurs de tels actes;

d)L’absence de plan d’action national, compte tenu du fait que la stratégie ne s’appliquera qu’au niveau fédéral;

e)Le manque de centres d’accueil, de services d’appui et autres mesures de protection pour les femmes victimes de la violence sexiste, ce qui les empêcherait de quitter leur partenaire violent;

f)L’absence de données statistiques sur la violence sexiste à l’égard des femmes, y compris sur la violence familiale, en particulier sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les peines prononcées et la réparation accordée;

g)L’abrogation de l’article 13 de la loi canadienne sur les droits de la personne, qui offrait un recours civil aux victimes de la cyberviolence, et son remplacement par la loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité , qui réprime la diffusion non consensuelle d’images intimes, mais ne couvre pas toutes les situations précédemment visées par l’article 13 de la loi canadienne sur les droits de la personne.

25. Rappelant sa recommandation générale no 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts pour combattre fermement toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale et la violence sexuelle, en accordant une importance particulière aux femmes appartenant à une minorité et aux femmes autochtones;

b) De faire en sorte que le nombre de cas de violence, notamment dans la famille, signalés par les femmes aux forces de l ’ ordre augmente, en mettant fin à la stigmatisation, en proposant des programmes de renforcement des capacités et des activités de formation culturelle axés sur les femmes autochtones à l ’ intention des juges, des procureurs, des policiers et autres agents des forces de l ’ ordre aux fins de la stricte application des dispositions du droit pénal relatives à la violence à l ’ égard des femmes, et en sensibilisant le grand public à la nature criminelle de tels actes;

c) D ’ appliquer efficacement la législation pénale aux niveaux fédéral, provincial et territorial, et de faire en sorte que tous les cas de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et efficace et que les agresseurs soient poursuivis et punis comme il convient;

d) D ’ adopter dans les meilleurs délais un plan d ’ action national, en consultation avec les organisations de la société civile, en particulier les organisations de femmes autochtones, pour lutter contre la violence sexiste à l ’ égard des femmes, et de veiller à allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation de ce plan;

e) De renforcer les services destinés aux femmes victimes de la violence sexiste, notamment en créant des centres d ’ accueil sur l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie et en garantissant l ’ accès à des programmes de réadaptation et de réinsertion psychosociales;

f) De recueillir systématiquement des données sur toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, ventilées par sexe, âge, groupe ethnique, y compris celui des femmes autochtones, et sur les liens entre la victime et l ’ auteur des faits, ainsi que sur les ordonnances de protection émises, les poursuites engagées et les peines imposées aux responsables;

g) D ’ examiner et de modifier la législation pour prévoir des voies de recours civil utiles aux victimes de cyberviolence et de réintroduire l ’ article 13 de la loi canadienne sur les droits de la personne.

Femmes et filles autochtones assassinées et portées disparues

26.Le Comité félicite l’État partie d’avoir décidé en 2015 de lancer une enquête nationale sur les disparitions et les assassinats de femmes et de filles autochtones, mesure qui faisait écho à une des principales recommandations formulées à l’issue de l’enquête effectuée par le Comité en 2013 (voir CEDAW/C/OP.8/CAN/1). Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence de tout plan d’action ou mécanisme coordonné pour surveiller l’application des 37 autres recommandations formulées par le Comité en 2015 (voir CEDAW/C/OP.8/CAN/1, par. 216-220);

b)L’insuffisance des mesures prises pour faire en sorte que tous les cas de disparition et d’assassinat de femmes autochtones donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites en bonne et due forme;

c)Le mandat de l’enquête nationale, qui n’exige pas clairement l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme comme le demandait la Commission canadienne des droits de la personne, ne prévoit pas explicitement un examen des politiques et pratiques de police et du système de justice pénale ni de mécanisme indépendant pour examiner les cas présumés d’enquêtes inadéquates ou partiales de la part de la police;

d)La protection et le soutien insuffisants accordés aux témoins et le manque de coopération avec les organisations de femmes autochtones dans le processus de mise en place de l’enquête.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer pleinement, sans délai, toutes les recommandations formulées dans son rapport sur son enquête concernant le Canada (voir CEDAW/C/OP.8/CAN/1 , par. 216-220) et  :

a) En élaborant un plan coordonné pour surveiller l ’ application des 37  autres recommandations faites par le Comité dans son rapport, en travaillant, selon qu ’ il conviendra, en coopération avec la commission d ’ enquête nationale, ainsi qu ’ avec les femmes autochtones et leurs organisations, les organisations féminines des droits de l ’ homme et les gouvernements provinciaux et territoriaux;

b) En veillant à ce que tous les cas de disparition et d ’ assassinat de femmes autochtones fassent l ’ objet d ’ enquêtes en bonne et due forme et de poursuites;

c) En complétant le mandat de l ’ enquête nationale de façon à  :

(i) Garantir le recours à une approche fondée sur les droits de l ’ homme;

(ii) Faire en sorte que le mandat de l ’ enquête englobe clairement le rôle de la Gendarmerie royale canadienne, de la police provinciale, de la police municipale et des commissions publiques d ’ examen de plaintes à travers les juridictions fédérales, provinciales et municipales;

(iii) Mettre en place un mécanisme pour un examen indépendant des cas où des allégations d ’ enquête inadéquate ou partiale de la part de la police ont été formulées;

d) En apportant un soutien et une protection suffisantes aux témoins et en renforçant le partenariat ouvert avec les organisations de femmes autochtones et les institutions et les organes nationaux et internationaux des droits de l ’ homme pendant le déroulement de l ’ enquête et son processus d ’ application.

Causes profondes de la violence et de la discrimination à l’égard des femmes autochtones

28.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes autochtones continuent de souffrir de multiples formes de discrimination, notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation et aux soins de santé, et continuent de vivre dans le dénuement, dans l’État partie, comme en témoignent les taux élevés de pauvreté, les problèmes de santé, la précarité des logements, le manque d’accès à une eau sans risque sanitaire et le faible taux d’achèvement de la scolarité. Il note en outre avec préoccupation la faible présence des femmes autochtones sur le marché du travail, en particulier aux postes de rang élevé ou de prise de décisions, leur taux de chômage démesurément élevé et leur plus faible rémunération par rapport aux hommes et aux femmes non autochtones. Le Comité note que l’État partie s’est déclaré déterminé à appliquer pleinement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007). Il demeure toutefois préoccupé par l’absence d’une stratégie ou d’un plan cohérents pour améliorer les conditions économiques et sociales des communautés autochtones, en particulier des femmes autochtones, afin de lutter contre les causes profondes de leur vulnérabilité à la violence, et l’absence de mesures pour briser le cercle de la défiance entre les autorités et les communautés autochtones, signalée dans l’enquête du Comité (voir CEDAW/C/OP.8/CAN/1, par. 218-219).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie, agissant en consultation avec les peuples autochtones  :

a) D ’ élaborer un plan précis et intégré pour remédier aux conditions économiques et sociales particulières des femmes autochtones, à la fois dans les réserves et à l ’ extérieur de celles-ci, notamment la pauvreté, les problèmes de santé, la précarité du logement, le faible taux d ’ achèvement de la scolarité, le faible taux d ’ emploi, la faiblesse du revenu et la forte incidence de la violence, et de prendre en amont des mesures efficaces, notamment en organisant des campagnes visant à faire prendre conscience aux femmes autochtones de leurs droits et pour combattre les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes;

b) De donner suite aux recommandations faites par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones à l ’ issue de sa mission au Canada en 2013 (voir A/HRC/27/52/Add.2 );

c) De promouvoir et d ’ appliquer tous les principes contenus dans la Charte des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;

d) De songer à ratifier la Convention no 169 (1989) de l ’ OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.

Participation des femmes aux processus de paix

30.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adhésion de l’État partie à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et aux résolutions ultérieures sur les femmes et la paix et la sécurité, ainsi que du lancement du premier plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité en 2010. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur l’élaboration et l’adoption du deuxième plan d’action national, ainsi que sur les mesures prises pour combler les lacunes constatées dans l’application du premier plan d’action national, qui est arrivé à terme en mars 2016.

31. Le Comité encourage l ’ État partie à  :

a) Exiger que des mécanismes de responsabilisation efficaces soient en place dans les pays où il appuie l ’ application de la résolution 1325 (2000) , de façon à assurer la pleine participation des femmes aux négociations de paix et aux processus de reconstruction;

b) Augmenter son appui aux organisations et aux réseaux de femmes locaux qui jouent un rôle actif dans les initiatives de paix et les processus de reconstruction au lendemain des conflits;

c) Accélérer le processus d ’ adoption du deuxième plan national d ’ action sur les femmes et la paix et la sécurité et élaborer des outils efficaces pour en mesurer les résultats;

d) Accroître les ressources financières allouées à son programme pour les femmes, la paix et la sécurité et à son plan d ’ action national, conformément aux recommandations faites dans l ’ étude mondiale sur l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Traite et exploitation par la prostitution

32.Le Comité se félicite de l’adoption du plan d’action national pour combattre la traite des personnes (2012-2016), de l’affectation de 25 millions de dollars canadiens à des projets de lutte contre la traite aux niveaux fédéral, provincial et territorial, ainsi que du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Canada (AG) v. Be d ford, qui a donné lieu à l’adoption de la loi sur la protection des collectivités et des personnes exploitées. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le faible taux de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite de femmes et de filles;

b)Le manque de mécanismes adéquats pour identifier et aiguiller les victimes de la traite qui ont besoin d’une protection, en particulier les enfants non accompagnés, qui sont souvent considérés comme des délinquants et des migrants illégaux plutôt que comme des victimes, et l’absence de données suffisantes sur les victimes de la traite;

c)Le manque d’informations sur l’élaboration et l’adoption d’un deuxième plan d’action national, sachant que le premier est récemment arrivé à son terme;

d)Le manque de mesures systématiques de réadaptation et de réinsertion, y compris l’accès à des conseils, à des soins médicaux et à un soutien psychologique, ainsi qu’à des mesures de réparation, sous la forme d’une indemnisation, pour les victimes de la traite, en particulier les femmes autochtones et migrantes, qui n’ont pas automatiquement droit à des permis de résidence temporaire, à moins qu’elles ne coopèrent avec la police et les autorités judiciaires;

e)Les informations selon lesquelles les femmes et les filles autochtones placées en famille d’accueil ou dans des institutions de protection de l’enfance sont particulièrement vulnérables à la traite à des fins sexuelles;

f)Les efforts insuffisants pour prévenir la traite et l’exploitation des femmes et des filles dans la prostitution et s’attaquer à ses causes profondes;

g)Le fait que la criminalisation, encore prévue dans la nouvelle loi, des femmes se livrant à la prostitution peut, dans certains cas, exposer les femmes et les filles qui se prostituent à des menaces accrues pour leur sécurité et leur santé.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ enquêter sur tous les cas de trafic de personnes, en particulier de femmes et de filles, de poursuivre les auteurs et de leur infliger des peines adéquates;

b) De renforcer les mesures pour identifier les femmes risquant d ’ être victimes de la traite, en particulier les enfants non accompagnés, et leur apporter un appui;

c) D ’ améliorer l ’ accès à des données sur les victimes de la traite, ventilées par sexe et par âge;

d) De mesurer rapidement l ’ incidence du plan d ’ action national pour combattre la traite des personnes (2012-2016) et songer à adopter un nouveau plan pour la période 2017-2021;

e) D ’ assurer aux victimes de la traite un accès adéquat aux soins de santé et aux conseils, renforcer les ressources humaines, techniques et financières destinées aux centres d ’ assistance sociale et dispenser une formation c i blée aux travailleurs sociaux qui s ’ occupent des victimes de la traite;

f) De faire en sorte que toutes les victimes de la traite, quelle que soit leur origine ethnique ou nationale ou leur situation sociale bénéficient d ’ une protection efficace et de mesures de réparation, notamment sous la forme d ’ une réadaptation et d ’ une indemnisation;

g) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite et de l ’ exploitation des femmes et des filles dans la prostitution en adoptant et en mettant en œuvre des programmes et autres mesures adéquats visant à créer des possibilités d ’ éducation et d ’ emploi pour les femmes qui risquent d ’ être victimes de traite ou de sombrer dans la prostitution ou qui se livrent déjà à la prostitution et souhaitent arrêter de se prostituer, en particulier les autochtones ;

h) De procéder à une dépénalisation totale des cas de femmes se livrant à la prostitution et d ’ évaluer les effets de la loi sur la protection des collectivités et des personnes exploitées, notamment sur la santé et la sécurité des femmes prostituées.

Participation à la vie publique et politique

34.Le Comité félicite l’État partie pour la nomination d’un Conseil des ministres consacrant la parité des sexes. Il note également avec satisfaction le nombre élevé de femmes juges à la Cour suprême du Canada et à d’autres échelons du système judiciaire aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)La faible représentation des femmes à la Chambre des communes (26 %) et au Sénat (37,3 %), aux assemblées législatives provinciales et territoriales (26 % en moyenne), ainsi qu’aux postes nommés localement, tels que les maires (28 %) et les conseillers (18 %);

b)Les obstacles structurels à la réalisation des droits politiques des femmes et à leur engagement dans la vie publique.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts pour accroître le nombre de femmes dans les organes de décision élus aux niveaux fédéral, provincial et territorial, ainsi que dans les postes nommés au niveau local, et assurer une représentation égale des femmes dans la vie politique et publique, notamment par l ’ adoption de mesures temporaires spéciales, telles que les quotas, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale no 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales;

b) De prendre en amont des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, pour s ’ attaquer aux obstacles structurels à la réalisation des droits politiques des femmes et à leur engagement dans la vie publique;

c) D ’ intensifier les campagnes de sensibilisation en direction des hommes politiques, des journalistes, des enseignants et du grand public afin de mieux comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes sur un pied d ’ égalité avec les hommes dans la vie politique et publique est nécessaire pour la pleine mise en œuvre des droits fondamentaux des femmes;

d) De poursuivre l ’ élaboration et la fourniture de programmes de formation et de mentorat ciblés sur les aptitudes en matière de leadership et de négociation pour les femmes candidates et les potentielles femmes dirigeantes dans le secteur public, notamment celles qui sont sous-représentées, dont les femmes migrantes, autochtones et afro-canadiennes; ainsi que les femmes appartenant à d ’ autres minorités et les femmes handicapées.

Éducation

36.Le Comité se félicite des mesures prises pour consacrer l’égalité des sexes à tous les niveaux de l’éducation et venir à bout des choix éducatifs et professionnels fondés sur des stéréotypes sexistes. Le Comité note toutefois avec préoccupation :

a)Les faibles résultats scolaires des femmes et des filles autochtones et afro-canadiennes et leurs taux d’abandon scolaire élevés à tous les niveaux de l’enseignement;

b)Les obstacles majeurs, notamment l’absence de subventions et le financement fragmenté des programmes éducatifs, qui empêchent les femmes et les filles défavorisées et marginalisées, en particulier les femmes autochtones, afro-canadiennes et celles ayant des enfants à charge, et d’autres femmes dans les régions éloignées et rurales, d’accéder à l’enseignement postsecondaire;

c)Le fait que les femmes restent concentrées dans des domaines d’études et de carrière traditionnellement dominés par les femmes et sont sous-représentées dans la formation professionnelle et dans certains domaines de l’enseignement supérieur, tels que les mathématiques, les technologies de l’information et les sciences;

d)L’absence d’un ensemble complet de directives ou de normes nationales d’éducation sur les programmes de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation, qui a entraîné de graves disparités entre les provinces et les territoires en termes de programmes;

e)Le nombre élevé de filles victimes de discrimination et de harcèlement sexuel dans les écoles et le nombre disproportionné de filles migrantes, réfugiées, demandeuses d’asile et autochtones, ainsi que de filles handicapées, qui éprouvent toujours des difficultés à accéder à une éducation de qualité.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ augmenter les subventions et de supprimer le plafond de financement du Programme de soutien aux étudiants de niveau postsecondaire pour faire en sorte que les femmes et les filles autochtones aient accès au financement de l ’ enseignement postsecondaire;

b) De renforcer ses stratégies de lutte contre les stéréotypes discriminatoires et les obstacles structurels qui peuvent décourager les filles d ’ aller au-delà de l ’ enseignement secondaire et de s ’ inscrire dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes, comme les mathématiques, les technologies de l ’ information et les sciences;

c) De mettre en place des directives ou des normes nationales pour harmoniser les programmes d ’ éducation sur la santé et les droits sexuels et procréatifs entre les provinces et les territoires et permettre au Gouvernement fédéral de les tenir pour responsables de l ’ application de ces lignes directrices ou normes;

d) De veiller à ce qu ’ une politique de tolérance zéro en matière de violence et de harcèlement, prévoyant des services d ’ appui socio-psychologique, des efforts de sensibilisation et des mécanismes de signalement efficaces, soit effectivement mise en œuvre dans toutes les écoles;

e) De continuer à lutter contre la discrimination à l ’ encontre des groupes défavorisés de femmes et de filles en matière d ’ accès à une éducation de qualité, notamment par l ’ intermédiaire de mesures temporaires spéciales, et d ’ assurer le suivi et l ’ évaluation effectifs de l ’ impact de telles mesures, pour prendre les mesures correctives en connaissance de cause.

Emploi

38.Le Comité est préoccupé par la lenteur des progrès réalisés dans le domaine de l’emploi et, plus précisément :

a)La persistance de l’écart de rémunération entre les sexes dans les secteurs public et privé, qui freine le développement de carrière des femmes et nuit à leurs prestations de retraite, l’absence d’une législation effective sur le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale au niveau fédéral, y compris dans le secteur public vu que la loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public (2009) n’a donné aucun résultat, et l’absence d’une telle législation dans le secteur privé dans la plupart des provinces et des territoires, comme l’a maintes fois fait remarquer l’OIT;

b)La persistance de la ségrégation professionnelle horizontale et verticale et la concentration des femmes dans des emplois à temps partiel et à bas salaire, qui est souvent due à leurs responsabilités traditionnelles parallèles d’éducation et de prise en charge des enfants, ainsi que la faible représentation des femmes dans les postes de direction au sein des entreprises;

c)L’absence de structures de garde d’enfants abordables et le faible recours des pères au congé parental;

d)La prévalence du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, en particulier dans les secteurs dominés par les hommes, tels que la police et l’armée, et l’absence de mesures efficaces pour faire face à un tel harcèlement et informer les femmes de leurs droits;

e)L’accès limité des femmes autochtones, afro-canadiennes, migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, ainsi que des femmes handicapées, au marché du travail;

f)La pratique consistant à délivrer des permis de travail liés à un employeur donné, laquelle ne permet pas aux travailleurs migrants, notamment les soignants, de quitter aisément des conditions de travail abusives.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire l ’ écart de rémunération entre les sexes, notamment par l ’ abrogation de la loi sur l ’ équité dans la rémunération du secteur public et l ’ adoption de lois dans les juridictions fédérales, provinciales et territoriales sur la base du principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, ainsi que par l ’ augmentation du salaire minimum que beaucoup de femmes reçoivent de manière dispropo r tionnée;

b) D ’ adopter des mesures effectives, notamment la formation professionnelle et l ’ incitation des femmes à exercer des professions non traditionnelles, et des mesures temporaires spéciales pour atteindre une égalité substantielle entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale, dans les secteurs public et privé, et d ’ adopter des quotas pour renforcer la représentation des femmes dans les postes de direction au sein des entreprises;

c) De donner davantage de possibilités aux femmes d ’ accéder à un emploi à temps plein, notamment par l ’ adoption d ’ un cadre national de soins aux enfants fondé sur les droits de l ’ homme en vue d ’ assurer des structures de garde d ’ enfants suffisantes et adéquates, et inciter les hommes à exercer leur droit au congé parental;

d) De mettre en place un système confidentiel et sécurisé pour le dépôt des plaintes liées au harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de veiller à ce que les victimes aient accès à des mécanismes et à des voies de recours efficaces;

e) De tenir compte des besoins des groupes défavorisés de femmes, en particulier les femmes autochtones, afro-canadiennes, migrantes, réfugiées et demandeuses d ’ asile, ainsi que les femmes handicapées, et d ’ envisager l ’ adoption de mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales, pour créer de nouvelles possibilités d ’ emploi au profit des femmes appartenant à ces groupes;

f) De renoncer à l ’ utilisation des permis de travail liés à un employeur donné dans le cadre du Programme de travailleurs étrangers temporaires, permettant ainsi aux travailleuses domestiques migrantes de changer librement d ’ employeur, d ’ améliorer ainsi leurs conditions de travail et de vie et de réduire le risque d ’ abus; de veiller à ce que les travailleuses domestiques migrantes qui sont victimes de violations de leurs droits aient effectivement accès à la justice, notamment à l ’ aide juridique; et de prendre des mesures pour faciliter l ’ accès des travailleuses domestiques migrantes aux permis de séjours permanent.

g) De ratifier la Convention n° 189 (2011) de l ’ OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Santé

40.Le Comité prend note des mesures prises pour faciliter l’accès aux services d’avortement légal. Il demeure toutefois préoccupé par les disparités en matière d’accès à de tels services et à des contraceptifs abordables.

41. Conformément à la Recommandation générale no 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer l ’ accès aux services d ’ avortement légal dans toutes les provinces et tous les territoires;

b) De veiller à ce que l ’ invocation de l ’ objection de conscience par les médecins n ’ entrave pas l ’ accès des femmes aux services d ’ avortement légal;

c) De mettre des contraceptifs abordables à la disposition de toutes les femmes et de toutes les filles, en particulier celles qui vivent dans la pauvreté et dans des régions éloignées.

42.Le Comité se félicite de ce que l’État partie envisage d’examiner l’utilisation et l’application de normes pénales à certaines questions relatives au VIH/sida. Cet examen portera sur l’application inquiétante de sanctions pénales sévères (agression sexuelle grave) aux femmes qui ne divulguent pas leur statut VIH à leurs partenaires sexuels, même lorsque la transmission n’est pas intentionnelle, lorsqu’il n’y a pas de transmission ou lorsque le risque de transmission est minime.

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de limiter l ’ application des dispositions du droit pénal aux cas de transmission intentionnelle du VIH, comme le préconisent les normes internationales de santé publique.

44.Le Comité se félicite de l’engagement de l’État partie à revoir sa politique en matière de drogues en vue de passer d’une approche pénale à une approche de santé publique et de réduction des risques. Le Comité est toutefois préoccupé par le recours excessif de l’incarcération comme mesure de contrôle des drogues contre les femmes et la surpopulation féminine en prison qui en résulte. Le Comité est également préoccupé par les importants obstacles législatifs et administratifs auxquels se heurtent les femmes en matière d’accès aux services de consommation supervisée, en particulier à la lumière de la persistance de la crise nationale d’overdose d’opioïdes.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De définir la réduction des risques comme un élément clef de sa stratégie fédérale relative aux drogues et de réduire les disparités en termes de prestation de services de santé liés à la consommation de drogues par les femmes, en élargissant et en assurant l ’ accès à des services de réduction des risques adaptés sur le plan culturel;

b) D ’ abroger la loi sur le respect des collectivités (2015) et de mettre en place un processus transparent d ’ exemptions permettant l ’ exploitation de services de consommation supervisée sans risque de poursuites pénales contre les clients ou les fournisseurs de services;

c) D ’ abroger les peines minimales obligatoires pour les infractions mineures et non violentes liées à la drogue;

d) De prendre des mesures pour prévenir les décès par overdose dans l ’ État partie, notamment en exemptant d ’ arrestation les toxicomanes qui, en cas d ’ overdose, appellent les services d ’ urgence pour obtenir de l ’ aide.

Émancipation économique des femmes

46.Le Comité prend note de l’élaboration par l’État partie d’une stratégie nationale de réduction de la pauvreté et d’une stratégie nationale du logement. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes continuent d’éprouver des niveaux importants de pauvreté, de sans-abrisme et de faim dans l’État partie, en particulier les femmes autochtones, les femmes afro-canadiennes, les femmes d’origine immigrée, les femmes âgées et les mères célibataires. Il est également préoccupé par le manque de services de garde d’enfants de qualité et abordables, la grave pénurie de logements, en particulier dans les collectivités autochtones, et les coûts élevés du loyer et son impact sur les femmes, en particulier les femmes à faible revenu avec des familles à charge.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et la stratégie nationale du logement protègent les droits de toutes les femmes, en insistant sur les groupes les plus défavorisés et les plus vulnérables, par l ’ intégration d ’ une approche soucieuse des droits de l ’ homme et de l ’ égalité des sexes;

b) D ’ associer activement les femmes des Premières Nations à la gestion et à la régulation des systèmes d ’ eau dans les réserves afin d ’ aider les populations qui sont exposées à une mauvaise qualité de l ’ eau et à de mauvaises cond i tions d ’ assainissement;

c) D ’ augmenter les montants des paiements de transfert aux provinces et aux territoires, de consacrer des fonds suffisants à l ’ aide sociale, de subordonner les paiements de transfert aux provinces et aux territoires à la fixation de leurs taux d ’ aide sociale à des niveaux suffisants pour assurer un niveau de vie adéquat, et de prévenir les effets discriminatoires d ’ un revenu insuffisant sur les femmes;

d) D ’ intensifier ses efforts pour fournir un nombre suffisant de structures de garde d ’ enfants abordables et d ’ options de logement abordables et adéquates, notamment dans les communautés autochtones, en accordant la priorité aux femmes à faible revenu.

Femmes appartenant à des catégories défavorisées

Femmes placées en détention

48.Le Comité est préoccupé par :

a)Les taux élevés et croissants d’incarcération de femmes autochtones et afro-canadiennes dans les prisons fédérales et provinciales;

b)La classification de nombreuses femmes dans le système pénitentiaire fédéral à un niveau de sécurité maximal, limitant ainsi leur accès aux programmes de travail et communautaires et aux pavillons de ressourcement pour autochtones;

c)Les taux élevés de VIH chez les femmes détenues;

d)Les nombreux cas de ségrégation administrative ou disciplinaire, parfois pendant de longues périodes, notamment de détenues atteintes de maladie mentale, et les cas signalés de mise à l’isolement;

e)La présence continue de gardiens dans les prisons de femmes, ce qui augmente le risque de harcèlement ou d’agression sexuel(le) et constitue une violation du droit à la vie privée des femmes en détention.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer à la question de l ’ incarcération disproportionnée des femmes autochtones et afro-canadiennes, notamment par le renforcement du recours à des mesures de substitution pour celles qui commettent des infractions non violentes;

b) De redéfinir son système de classification des femmes dans le système pénitentiaire fédéral pour faire en sorte qu ’ elles aient accès aux programmes de travail et communautaires ainsi qu ’ aux pavillons de ressourcement pour autochtones;

c) D ’ étendre les services de soins, de traitement et de soutien aux femmes en détention vivant avec le VIH ou vulnérables à cette infection, notamment par des programmes d ’ échange d ’ aiguilles et de seringues dans les prisons, la thérapie de substitution aux opioïdes, la fourniture de préservatifs et d ’ autres moyens assurant des rapports protégés;

d) D ’ abolir la pratique de la mise à l ’ isolement, de limiter effectivement le recours à la ségrégation administrative ou disciplinaire en dernier ressort et d ’ épargner cette mesure aux femmes atteintes de maladie mentale grave;

e) De mettre fin à la pratique consistant à employer des gardiens comme personnel de première ligne dans les établissements pour femmes.

Mariage et relations familiales

50.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que la loi ne s’applique pas aux réserves des Premières Nations qui ont promulgué leurs propres lois sur les biens matrimoniaux des Premières Nations au titre de cette loi ou de la loi sur la gestion des terres des Premières Nations (1999).

51. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des directives ou des normes minimales qui devraient être intégrées par les Premières Nations pour assurer les droits des femmes à la propriété matrimoniale.

52.Le Comité est préoccupé par le manque d’harmonisation de la législation aux niveaux fédéral, provincial et territorial quant à la détermination de la garde des enfants, dans la mesure où la loi fédérale sur le divorce (1985) inclut toujours la disposition extrêmement problématique du « contact maximum » et ne mentionne pas la violence domestique. Le Comité s’inquiète également de la réduction, voire de la cessation des ordonnances de pension alimentaire pour enfants pouvant résulter d’ordonnances ou d’ententes de garde partagée, qui, en pratique, ne sont pas toujours respectées et ne reflètent pas nécessairement la réalité de la répartition du temps et des coûts entre les parents.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour harmoniser la législation fédérale et provinciale/territoriale au regard de la détermination de la garde des enfants, en veillant à ce que le problème actuel de la violence à l ’ égard des femmes soit pris en compte dans ces efforts, et de mettre à profit la nouvelle loi sur le droit de la famille (2011) de la Colombie-Britannique pour guider les futures réformes législatives, notamment au regard de la définition de la violence familiale et de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant en ce qui concerne le « contact maximum ». Le Comité demande également à l ’ État partie d ’ employer des moyens pour surveiller de près le bien-être des enfants après un divorce, afin de prévenir les demandes stratégiques ou opportunistes de garde partagée, et de veiller à ce que les pensions alimentaires pour les e n fants ne soient pas réduites de façon inappropriée.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

54. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ appliquer la Déclaration et Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

55. Le Comité appelle à réaliser une égalité substantielle entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre de Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

56. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser les présentes observations finales de façon opportune, dans les langues officielles de l ’ État partie, auprès des institutions publiques concernées à tous les niveaux (fédéral, provincial et territorial), en particulier le Gouvernement, les ministères, le parlement et le pouvoir judiciaire, pour permettre leur pleine application.

Ratification d’autres traités

57. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait d ’ améliorer la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage, par conséquent, l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

58. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans les deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations visées aux paragraphes 21 a), b) et d) et 27 a) ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

59. Le Comité invite l ’ État partie à présenter son dixième rapport périodique en novembre 2020. En cas de retard, le rapport devrait couvrir l ’ ensemble de la période allant jusqu ’ à la date de sa présentation.

60. Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées sur l ’ établissement des rapports à présenter en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris le document de base commun et les documents se rapportant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).