Nations Unies

CEDAW/C/COM/CO/1-4

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

8 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Observations finales sur le rapport unique valant rapport initial et deuxième à quatrième rapports périodiques des Comores, adoptées par le Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes,à sa cinquante-troisième session,tenue du 1er au 19 octobre 2012

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant rapport initial et deuxième à quatrième rapports périodiques des Comores (CEDAW/C/COM/1-4) à ses 1083e et 1084e séances, le 10 octobre 2012 (CEDAW/C/SR.1083 et 1084). La liste des points et questions du Comité a été publiée sous les cotes CEDAW/C/COM/Q/4 et CEDAW/C/COM/Q/1-4, et les réponses du Gouvernement des Comores, sous la cote CEDAW/C/COM/Q/4/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de lui avoir soumis son rapport unique, valant rapport initial et deuxième à quatrième rapports périodiques, qui toutefois lui est parvenu avec beaucoup de retard. Il le remercie aussi de ses réponses écrites à la liste des points à traiter et de questions soulevées par son groupe de travail de présession, en l’absence d’un rapport (CEDAW/C/COM/Q/4/Add.1); néanmoins, il regrette de ne pas avoir reçu de réponses écrites à la liste des points à traiter concernant son rapport (CEDAW/C/COM/Q/1-4).

3.Le Comité se félicite du dialogue qui a eu lieu entre Sultan Chouzour, Représentant permanent des Comores auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, et le Comité, tout en regrettant qu’il n’ait pas été apporté de réponses à certaines des questions soulevées, et que certaines des réponses données aient manqué de clarté ou de précision. Il regrette également que l’État partie n’ait pas envoyé de délégation composée de représentants des institutions et ministères comoriens pertinents, et souligne que la participation large à un dialogue constructif avec le Comité concourt à faciliter la mise en œuvre de la Convention au niveau national.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue l’adoption de:

a)La loi instaurant l’institution nationale des droits de l’homme, en mars 2012;

b)La politique nationale d’équité et d’égalité des sexes et de mise en œuvre, avec l’appui des organismes des Nations Unies;

c)La stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté et de son plan d’action, qui incorpore le souci de l’égalité des sexes.

5.Le Comité salue la ratification par l’État partie des instruments internationaux des droits de l’homme suivants depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie en 1994:

a)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 2004;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2007.

C.Facteurs et difficultés empêchant l’application effectivede la Convention

6.Le Comité sait que la détérioration de la situation économique que subit l’État partie depuis une vingtaine d’années, le conflit politique qui perdure et la pauvreté endémique de la population comorienne ne facilitent pas la mise en œuvre de la Convention. Néanmoins, la Convention prévoit que l’État partie poursuit par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Rien ne peut justifier un retard, pas même le manque de moyens dans l’État partie, comme il est indiqué au paragraphe 29 de la Recommandation générale no 28 (2010) du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7. Rappelant que l’État partie a l’obligation d’appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité estime que les préoccupations exprimées et les recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l’objet d’une attention prioritaire de la part de l’État partie dès à présent et jusqu’à la soumission du prochain rapport périodique. Il lui demande donc instamment de mettre l’accent sur les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Le Comité demande en outre à l’État partie de transmettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents, à l’Assemblée nationale et aux organes judiciaires, de façon à en assurer l’application intégrale.

Assemblée nationale

8. Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il revient au premier chef de s’acquitter pleinement des obligations qui incombent à l’État partie en vertu de la Convention, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir, et invite l’État partie à encourager l’Assemblée nationale, conformément à ses procédures et selon qu’il convient, à prendre les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales et l’établissement de ses prochains rapports au titre de la Convention.

Rayonnement de la Convention

9.Le Comité est préoccupé par la méconnaissance générale de la Convention dans l’État partie à tous les niveaux du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Il est également préoccupé par le fait que les femmes elles-mêmes n’ont pas suffisamment connaissance des droits qui leur sont reconnus dans la Convention et qu’elles n’ont donc pas les moyens de revendiquer le respect, la promotion, la protection et l’exercice plein et entier de leurs droits sur un pied d’égalité avec les hommes.

10. Le Comité recommande à l’État partie de:

a) P rendre des mesures pour faire traduire la Convention en comorien et mieux faire connaître et diffuser comme il convient les dispositions de la C onvention et les R ecommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés, notamment dans les ministères, au Parlement, dans le système judiciaire et dans les forces de l’ordre, ainsi qu’auprès des responsables locaux, de façon à ce qu’ils prennent conscience des droits fondamentaux de la femme et les utilisent pour éliminer la discrimination dont elle est la victime;

b) E ntreprendre des campagnes de sensibilisation axées sur les femmes, pour leur faire connaître les droits que leur confère la Convention, et faire en sorte qu’elles puissent se prévaloir des procédures et des voies de recours en cas de violation de ces droits.

Harmonisation des lois

11.Le Comité note que la Convention prime la législation nationale et qu’une étude comparative a été menée en 2007 en vue de rendre le cadre juridique national conforme aux dispositions de la Convention. Néanmoins, il s’inquiète de l’absence d’informations sur ce processus et souhaiterait en particulier savoir comment les propositions d’harmonisation contenues dans cette étude comparative garantissent l’incorporation des dispositions de la Convention dans les trois sources de droit que compte le pays (droit interne, droit musulman et droit coutumier).

12.Le Comité engage instamment l’État partie à faire de la révision de ses lois une priorité et à examiner les propositions formulées dans l’étude comparative de sa législation et de la Convention, afin d’ harmoniser pleinement son système juridique avec les dispositions de la Convention.

Lois discriminatoires

13.Le Comité note que la Constitution de l’État partie incorpore dans son préambule l’interdiction de la discrimination. Néanmoins, il est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie n’interdit pas la discrimination, telle que définie à l’article premier de la Convention, et constate qu’aucune loi ne consacre l’égalité des sexes. Il s’inquiète aussi de la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation, en particulier dans le Code de la famille, qui empêche la réalisation de l’égalité formelle et réelle des femmes et des hommes.

14. Le Comité engage l’État partie à:

a) S e fixer comme priorité l’élaboration et l’adoption d’une loi sur l’égalité des sexes, énonçant l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes, en application des articles 1 er et 2 de la Convention;

b) Revoir sa législation afin d’en supprimer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, notamment dans le Code de la famille.

Mécanisme national de promotion de la condition féminine

15.Le Comité note avec préoccupation que le mécanisme national de promotion de la condition féminine, à savoir le Commissariat général à la solidarité et à la promotion de l’égalité des sexes, ne dispose pas de l’influence suffisance pour orienter les décisions que prend le Gouvernement. Il trouve également inquiétant que le mécanisme national ne soit pas pleinement opérationnel, que son organisation interne ne soit pas définie et qu’il ne dispose pas du personnel qualifié et des ressources nécessaires pour vérifier si les politiques d’égalité des sexes sont correctement mises au point et pleinement intégrées dans l’action de tous les ministères et organismes publics, au niveau national et au niveau des îles. Il est aussi préoccupé par l’incapacité de l’État partie d’appliquer des politiques et programmes, dont la politique nationale d’équité et d’égalité des sexes sur tout son territoire, c’est-à-dire au niveau national et au niveau des îles.

16. Le Comité engage l’État partie à:

a) P rendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer son mécanisme national, le Commissariat général à la solidarité et à la promotion de l’égalité des sexes, en lui donnant le rang de ministère et en lui affectant les ressources humaines, financières et techniques voulues, afin qu’il puisse coordonner efficacement la promotion de l’intégration de l’égalité hommes - femmes et la réalisation de cette égalité, et agir efficacement en faveur de ces objectifs;

b) P oursuivre sa collaboration avec le système des Nations Unies, notamment par l’intermédiaire du Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement, afin de renforcer la capacité institutionnelle de l’État au niveau national et au niveau des îles, et de développer des politiques et programmes, dont la politique nationale en faveur de l’équité et de l’égalité des sexes.

Organisations non gouvernementales

17.Le Comité est préoccupé par l’absence de représentants de la société civile lors de l’examen du rapport de l’État partie, mais il constate que les organisations non gouvernementales ont puissamment contribué à la promotion de la condition de la femme et du développement socioéconomique du pays.

18. Le Comité engage instamment l’État partie à poursuivre sa collaboration avec les organisations non gouvernementales et à intégrer celles-ci et, plus particulièrement, les associations f éminines, dans la conception et la mise en œuvre de politiques, de programmes et de mesures visant la promotion de la condition de la femme dans tous les domaines couverts par la Convention, ainsi que dans l’élaboration de rapport s au Comité.

Mesures spéciales temporaires

19.Le Comité constate avec préoccupation que la nature, l’objectif et l’intérêt des mesures spéciales temporaires visant à renforcer les fondements de l’égalité hommes-femmes sont mal compris. Il trouve regrettable qu’aucune mesure spéciale temporaire n’ait été adoptée jusqu’à présent par l’État partie, qu’il s’agisse de la politique nationale en faveur de l’équité et de l’égalité des sexes, ou de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté.

20. Le Comité recommande à l’État partie de:

a) P rendre des mesures pour comprendre la notion des mesures spéciales temporaires, conformément au premier paragraphe de l’arti cle 4 de la Convention et à la R ecommandation générale n o  25 (2004) du Comité;

b) S e servir de ces mesures pour en faire un des instruments de la stratégie de promotion d’une véritable égalité dans tous ses programmes, plans d’action et politiques;

c) D emander l’appui des organismes des Nations Unies et des partenaires de développement afin d’appliquer des mesures spéciales temporaires visant à faire face aux besoins spécifiques des femmes, dans la santé, l’éducation, l’emploi et la participation à la vie publique et politique, à un niveau décisionnel.

Stéréotypes et pratiques néfastes

21.Le Comité est préoccupé par la persistance, dans l’État partie, des attitudes fondées sur les valeurs patriarcales et des stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il s’inquiète de constater que, dans l’État partie, si l’homme est traditionnellement considéré en droit comme le chef de famille et comme le soutien de famille, en revanche la femme n’est considérée que comme l’épouse, la fille, la sœur ou la nièce. Il note que ces attitudes discriminatoires et ces stéréotypes constituent, pour les femmes, des obstacles graves à l’exercice de leurs droits. Il est aussi extrêmement préoccupé par la persistance de pratiques préjudiciables profondément enracinées telles que les mariages forcés et la polygamie.

22. Le Comité engage instamment l’État partie à:

a) M ettre en place une stratégie globale visant à éliminer les pratiques préjudiciables et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, en application de l ’article 2 et, en particulier, de son paragraphe f), ainsi que du paragraphe a) de l’article 5 de la Convention. Cette stratégie devrait inclure des actions concertées assorties d’échéances claires, entreprises en collaboration avec les organisations de la société civile, pour éduquer et sensibiliser la population sur cette question, et viser les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, en concertation avec le système éducatif et les médias;

b) Suivre et examiner les mesures prises afin d’en évaluer les effets et de prendre les dispositions qui s’ imposent, et faire figurer dans son prochain rapport des renseignements clairs sur les progrès réalisés.

Violence contre les femmes

23.Le Comité fait part de la vive préoccupation que lui inspirent les résultats de l’étude qualitative nationale menée en 2006, selon laquelle un tiers des Comoriennes sont victimes d’actes de violence commis par leur mari ou par les hommes de leur belle-famille. Il constate avec une profonde inquiétude que la majorité des cas de viols sont réglés à l’amiable. Il regrette que, dans l’État partie, la violence contre les femmes soit taboue et que la culture du silence prédomine. Il est préoccupé par l’absence de données exactes et actualisées sur les cas de violence sexiste enregistrés, ainsi que d’informations concernant le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de sanctions prononcées contre les auteurs d’actes de violence sexiste, notamment intrafamiliale ou sexuelle. Il est également inquiet face à l’absence d’informations sur les services d’aide sociale disponibles, tels que les centres d’hébergement pour les victimes, ou encore sur le mandat de l’Observatoire de la violence sexiste.

24. Rappelant sa Recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, le Comité demande instamment à l’État partie de poursuivre et de renforcer sa collaboration avec les organismes des Nations Unies et les partenaires du développement, afin de:

a) Élaborer et adopter une loi d’ensemble réprimant la violence contre les femmes, qui définisse cette violence comme une discrimination contre les femmes et une atteinte aux droits qu’elle s tiennent de la Convention; veiller à ce que la législation incrimine toutes les formes de violence contre les femmes, y compris le viol;

b) Mettre au point un plan stratégique national de prévention de toutes les formes de violence contre les femmes, de protection des victimes et de sanctions contre les auteurs de tels actes, et veiller à ce qu’il soit pleinement mis en œuvre;

c) Mener des campagnes de sensibilisation pour encourager le signalement des cas de violence intrafamiliale et sexuelle contre les femmes et les filles, et veiller à ce que tous les cas signalés donnent effectivement lieu à des enquêtes et à ce que les auteurs des actes commis soient poursuivis et condamnés comme il se doit;

d) Former systématiquement les juges, les procureurs, les avocats et les policiers, ainsi que les professionnels de la santé, aux droits de la femme et à la lutte contre la violence contre les femmes, notamment la violence intrafamiliale et la violence sexuelle;

e) Veiller à disposer d’un nombre suffisant de centres d’hébergement et faire en sorte que, grâce au concours des centres d’aide aux victimes de la violence, les femmes reçoivent une aide et une protection adéquates, notamment la réadaptation psychosociale, tant au niveau national qu’au niveau des îles;

f) Collecter des données statistiques complètes sur la violence contre les femmes, ventilées par sexe, âge et type de relations entre la victime et l’auteur des actes commis;

g) Donner des renseignements détaillés sur le mandat et les activités de l’Observatoire de la violence sexiste.

Traite et exploitation aux fins de la prostitution

25.Le Comité constate avec regret que l’État partie ne donne pas d’informations sur la mesure du phénomène de la traite et de l’exploitation aux fins de la prostitution. Il fait part de son inquiétude, face à l’absence d’un cadre juridique sur la traite des personnes. Il note que la prostitution est illégale dans l’État partie et relève avec regret qu’il n’existe pas de renseignements sur un éventuel cadre réglementaire permettant de combattre l’exploitation aux fins de la prostitution.

26. Le Comité recommande à l’État partie de:

a) Procéder à des évaluations de la portée de la traite et de l’exploitation aux fins de la prostitution et donner des renseignements sur les résultats de ces évaluations dans son prochain rapport périodique;

b) Mettre au poi nt et appliquer un plan national de lutte contre la traite, conformément à la Convention, et ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme);

c) Adopter un cadre réglementaire de lutte contre l’exploitation aux fins de la prostitution, ainsi que des mesures visant à décourager les hommes de recourir à la prostitution, à offrir aux femmes des solutions pour sortir de la prostitution, et à proposer aide et réadaptation aux femmes et aux filles exploitées aux fins de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

27.Le Comité note que les droits politiques de la femme sont garantis par les lois de l’État partie; néanmoins, il constate avec inquiétude que les obstacles socioculturels et les stéréotypes profondément enracinés ont relégué la femme à un rôle politique minime. Il est profondément préoccupé de constater que les femmes sont exclues des postes de décision parce qu’on croit que la maternité et les grossesses répétées sont incompatibles avec les responsabilités. Il trouve aussi inquiétant que les femmes qui s’engagent dans la politique sans l’accord de leur mari risquent d’être battues par celui-ci ou par des membres de leur belle-famille. Il est préoccupé par le fait que les hommes dominent les organes décisionnels locaux et coutumiers. Il regrette que l’État partie n’ait pas mis en place de politiques ou de mesures, notamment des mesures spéciales temporaires, pour augmenter la participation de la femme à la vie publique et politique.

28. Le Comité engage instamment l’État partie à:

a) Mettre en œuvre des activités de sensibilisation visant l’ensemble de la population, pour lui faire comprendre qu’il est important, pour la société, que les femmes prennent part aux décisions;

b) Prendre des mesures afin d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, notamment aux postes de décision, par exemple en adoptant des mesures spéciales temporaires telles que des quotas, en application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la Recommandation générale n o  25 (2004) du Comité.

Éducation

29.Le Comité salue la mise en œuvre du cadre de la politique d’éducation et de formation 2005-2009 dans l’État partie. Néanmoins, il est préoccupé par le taux d’analphabétisme élevé des femmes (64,8 %) dans la classe d’âge 15-24 ans. Il constate avec inquiétude que 55 % des enfants non scolarisés de 6 à 14 ans sont des filles, et qu’il n’existe pas de solutions de rechange pour intégrer ces filles dans le système scolaire. Il est également préoccupé par la disparité filles-garçons à l’école primaire et à l’école secondaire, ainsi que par les taux d’abandon scolaire alarmants et persistants des filles à l’école secondaire. Il est troublé par l’absence d’informations sur les obstacles à l’éducation que rencontrent les adolescentes, tels que les stéréotypes sexistes, le harcèlement sexuel à l’école, la grossesse ou encore le mariage précoce.

30. Le Comité engage instamment l’État partie à mieux assurer le respect de l’article 10 de la Convention et à sensibiliser la population à l’importance de l’instruction, en tant que droit fondamental et que fondement de l’autonomisation de la femme. À cette fin, il l’engage instamment à:

a) S’efforcer d’accroître ses capacités, particulièrement pour la classe d’âge 6 ‑14 ans;

b) Répertorier et mettre en œuvre des mesures afin de réduire le fossé entre filles et garçons à l’école primaire et secondaire, notamment pour empêcher que les adolescentes ne quittent l’école prématurément, ainsi que des mesures de rechange pour permettre aux filles de 6 à 14 ans de s’intégrer dans le système scolaire;

c) S’attaquer aux causes du niveau élevé d’abandon scolaire chez les adolescentes, notamment les stéréotypes sexistes, la pauvreté et le harcèlement sexuel à l’école, la grossesse et le mariage précoce;

d) Revoir le programme scolaire afin d’en éliminer les stéréotypes qui empêchent les filles d’avoir le choix entre diverses orientations scolaires et professionnelles;

e) Améliorer le taux d’alphabétisation des femmes en adoptant des programmes complets de formation et d’éducation scolaire et extrascolaire.

Emploi

31.Le Comité constate que le Code du travail comporte diverses dispositions visant à assurer l’égalité hommes-femmes dans le secteur de l’emploi, comme le principe du salaire égal pour un travail égal lorsque les conditions de travail, les qualifications professionnelles et la productivité sont équivalentes, mais constate avec préoccupation que le Code n’applique pas pleinement le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et n’interdit pas le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il constate aussi avec inquiétude la féminisation marquée du travail temporaire, de l’emploi dans le secteur non structuré et du chômage dans l’État partie, et regrette l’absence de données statistiques sur la question et de mesures visant à remédier à cette situation.

32. Le Comité demande à l’État partie de garantir aux femmes l’égalité des chances sur le marché du travail, conformément à l’article 11 de la Convention, et l’engage instamment à:

a) Appliquer effectivement les objectifs de la politique nationale d’équité et d’égalité des sexes, qui vise à éliminer les disparités hommes-femmes dans le secteur de l’emploi, en mettant notamment en place une politique de l’emploi en faveur des femmes, dont des programmes d’entrepreneuriat;

b) S’assurer que le Code du travail met bien en œuvre le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale, conformément à la Convention n o 100 (1951) de l’Organisation internationale du Travail, et qu’il interdit effectivement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

c) Réglementer le travail temporaire et les secteurs de l’emploi non structuré, afin d’offrir aux femmes qui travaillent dans ces secteurs l’accès à la sécurité sociale de base et à d’autres prestations;

d) Adopter des programmes visant à réduire le taux de chômage élevé des femmes et à combattre la discrimination dont elles sont les victimes dans l’emploi temporaire.

Santé

33.Le Comité prend note de la politique nationale de la santé et du plan relatif à sa mise en œuvre. Il constate néanmoins avec préoccupation que, selon le Code de la santé de l’État partie, les soins fournis par les institutions sanitaires publiques ne sont pas gratuits. Il est également préoccupé par le fait qu’un grand nombre de femmes n’ont pas accès aux services de santé en raison de leur pauvreté et du fait qu’elles n’ont guère de ressources financières. Il fait part de la préoccupation que lui inspirent le taux de mortalité maternelle qui est élevé (380/100 000), malgré les programmes et les stratégies mis en place pour le réduire, et l’absence de renseignements détaillés sur les programmes mis en place pour garantir des soins efficaces avant et après l’accouchement, ainsi que l’accès à la planification familiale et aux contraceptifs pour les femmes. Il note le taux peu élevé de VIH/sida dans l’État partie, y compris chez les femmes enceintes, mais regrette que le rapport ne comporte pas de plus amples informations sur l’état d’avancement du projet de loi sur la protection des personnes vivant avec le VIH/sida, ni sur le plan stratégique multisectoriel de lutte contre le VIH.

34. Le Comité recommande à l’État partie de:

a) Prendre toutes les mesures qui s’imposent pour améliorer la possibilité, pour les femmes, de recourir aux services de santé, notamment génésique, et aux autres services, conformément à sa Recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé, en garantissant la gratuité des soins aux femmes ainsi que leur accès au système d’assurance santé coopérative qui est en place;

b) Renforcer les mesures destinées à réduire l’incidence de la mortalité maternelle et former les médecins et les professionnels de la santé pour que les femmes soient assistées et traitées par du personnel sanitaire compétent, particulièrement en zones rurales;

c) Renforcer et intensifier l’action visant à améliorer la connaissance des moyens de contraception, faciliter la possibilité de se procurer des contraceptifs à un prix abordable dans l’ensemble du pays et faire en sorte que les femmes et les filles, particulièrement dans les zones rurales, ne rencontrent pas d’obstacles lorsqu’elles souhaitent avoir des informations et des services de planification familiale;

d) Accélérer l’adoption du projet de loi relatif à la protection des personnes vivant avec le VIH/sida et donner des informations détaillées dans le prochain rapport périodique sur la mise en œuvre du plan stratégique multisectoriel de lutte contre le VIH/sida et sur les résultats obtenus.

Vie économique et sociale

35.Le Comité salue la création de la Direction de l’entrepreneuriat féminin et note la mise en place d’un programme de petits crédits pour les femmes dans l’État partie. Néanmoins, il constate avec regret qu’aucune mesure n’a été prise pour appuyer efficacement les travailleuses indépendantes. Il est préoccupé par les informations dont il dispose, selon lesquelles celles-ci n’ont pas les qualifications requises en matière de gestion, obtiennent difficilement un crédit ou un prêt, et font face à des difficultés pour gérer leur entreprise par elles-mêmes et la développer, en raison de stéréotypes sexistes sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la société.

36. Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Accélérer l’adoption de la politique nationale en faveur de l’entrepreneuriat féminin, afin d’aider les travailleuses indépendantes en renforçant leurs capacités et en leur facilitant l’accès au crédit et aux marchés;

b) Faire de la promotion de l’égalité des sexes un élément explicite de ses plans et programmes de développement et prendre des mesures destinées à éliminer la discrimination contre les femmes et les stéréotypes sexistes de la vie économique et sociale.

Femmes des zones rurales

37.Le Comité, constatant qu’une grande majorité des femmes de l’État partie vivent en milieu rural, note avec regret qu’aucune stratégie ou mesure axée spécifiquement sur la lutte contre la pauvreté et la discrimination qui frappent ces femmes n’a été mise en place, et que leur accès à la justice, à l’éducation, à la santé et au logement, à l’eau potable et aux services d’assainissement, ou encore leur possibilité de participer aux décisions prises au niveau local, ne sont pas garantis. Il constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de cadastre et que les coutumes et traditions du système matrilinéaire empêchent les femmes des zones rurales d’utiliser leurs biens fonciers pour accéder au crédit ou au capital.

38. Le Comité engage l’État partie à:

a) Formuler et mettre en œuvre, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et de l’action en faveur de la croissance, des mesures particulières pour combattre la pauvreté chez les femmes, notamment pour leur assurer efficacement l’accès, dans les zones rurales, à la justice, aux services de santé et d’éducation, au logement, à l’eau potable et aux services d’assainissement, ainsi qu’à des terres fertiles et à des projets générateurs de revenus;

b) Faire en sorte que les femmes des zones rurales participent aux décisions prises au niveau local;

c) S’attaquer aux causes profondes des irrégularités qui se produisent dans l’inscription au cadastre, ainsi qu’aux coutumes du système matrilinéaire qui, dans les zones rurales, privent les femmes de l’accès à la terre, à la propriété, au crédit et au capital.

Mariage et relations familiales

39.Le Comité note la coexistence de trois systèmes juridiques (civil, musulman et coutumier) qui s’appliquent au mariage et aux relations familiales dans l’État partie; néanmoins, il est préoccupé par le fait que cette situation provoque une discrimination profonde et persistante qui frappe les femmes dans des domaines tels que le droit de choisir librement un époux, la garde des enfants, la répartition des biens acquis durant le mariage ou encore la succession. Il fait part de toute la préoccupation que lui inspire l’absence d’informations sur les mesures prises pour abolir en droit et dans les faits la polygamie, qui est autorisée par le Code de la famille. Il est préoccupé par le fait que les femmes qui demandent le divorce à l’amiable doivent payer une indemnité (kho l) à leur époux, tandis que les hommes ne sont pas soumis à une telle obligation. De même, il note avec inquiétude que l’actuel régime de séparation des biens et le fait que la pension alimentaire est rarement versée placent les divorcées dans une situation difficile car elles se retrouvent souvent seules pour élever les enfants.

40. Le Comité engage l’État partie à assurer l’égalité hommes-femmes dans le mariage et les relations familiales en prenant les mesures suivantes:

a) Procéder à un réexamen complet du système juridique, afin d’en éliminer les dispositions discriminatoires dont les femmes sont les victimes en droit civil, en droit musulman et en droit coutumier, et mener à terme la mise en conformité de ces systèmes avec la Convention, dans le cadre d’un échéancier clair;

b) Abolir la polygamie, conformément à la Recommandation générale n o  21 (1994) du Comité sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux.

Institution nationale des droits de l’homme

41.Le Comité prend note de l’adoption, en mars 2012, d’une loi portant établissement d’une institution nationale des droits de l’homme dans l’État partie; il est néanmoins inquiet de ne pas disposer de renseignements sur les mandats de cette institution ni sur les ressources qui lui sont allouées.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) V eiller à l’indépendance de l’institution nationale des droits de l’homme, en application des Principes de Paris, e t la doter de ressources humaines et financières suffisantes ainsi que d’un large mandat en matière de droits de l’homme et d’un mandat particulier concernant l’égalité des sexes;

b) F aire en sorte que la composition et les activités de l’institution illustrent la volonté de faire respecter l’égalité des sexes.

Collecte de données

43.Le Comité constate avec regret que le rapport ne comporte pas de statistiques ventilées par sexe, âge, zone urbaine ou rurale et appartenance ethnique; il rappelle que l’absence de telles données ne permet guère d’évaluer avec précision la situation réelle des femmes dans la plupart des domaines couverts par la Convention. Il note également avec préoccupation que la rareté des données ventilées entrave les efforts mêmes consentis par l’État partie pour concevoir et mettre en œuvre des politiques et programmes en faveur de l’égalité des sexes, et évaluer l’efficacité de ces mesures, s’agissant d’appliquer la Convention.

44. Le Comité invite instamment l ’ État partie à demander l ’ aide du système des Nations Unies et d ’ autres partenaires, afin de:

a) M ettre au point un système de collecte de données dans tous les domaines couverts par la Convention , permettant d’évaluer avec exactitude la situation réelle des femmes et de suivre attentivement les tendances qui se dégagent à cet égard;

b) F aire figurer ces données dans son prochain rapport périodique, ventilées par sexe et par zone (urbaine ou rurale), et indiquer les effets des mesures prises ainsi que les résultats obtenus en ce qui concerne la réalisation concrète de l’égalité réelle hommes-femmes.

Protocole facultatif et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

45. Le Comité engage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

46. Le Comité invite instamment l ’ État partie à s ’ appuyer pleinement, en s ’ acquittant des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, e t lui demande de fournir des informations à ce propos dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

47. Le Comité tient à souligner que l ’ application pleine et effective de la Convention est une condition indispensable de l a réalisation des objectifs du M illénaire pour le développement. Il demande que le souci de la parité des sexes et les dispositions de la Convention soient pris en compte dans tous les efforts visan t à atteindre les objectifs du M illénaire pour le développement et prie l ’ État partie de donner des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

48. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées aux Comores pour informer la population du pays, en particulier les agents de l’État, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l’homme, des mesures prises pour assurer l’égalité des sexes en droit et dans les faits, et pour leur faire prendre conscience de ce qu’il reste à faire à cet égard. Il recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des collectivités locales. L’État partie est invité à organiser une série de réunions pour faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des présentes observations. Le Comité prie l’État partie de continuer de diffuser largement, en particulier auprès des organisations féminines et de défense des droits de l’homme, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le thème «Les femmes en l’an 2000: égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle».

Ratification d’autres instruments

49. Le Comité estime que l’adhésion des Comores aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcerait l’exercice, par les femmes, de leurs droits individuels et libertés fondamentales dans toutes les sphères de la société. Il encourage par conséquent les Comores à songer à ratifier les instruments auxquels elles ne sont pas encore parties, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées .

Suivi des observations finales

50. Le C omité prie l’État partie de lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 16 et 24 a), b), c), d), e) et g) ci-dessus.

Assistance technique

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de recourir à la coopération et à l ’assistance technique pour l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ un programme complet devant permettre l ’ application des recommandations susmentionnées et de la Convention dans son ensemble. Il invite également l ’ État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, dont l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation de la femme (ONU-Femmes), la Division de statistique, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l ’ Organisation mondiale de la Santé et le Haut ‑ Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Élaboration du prochain rapport

52. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer une large participation de tous les ministères et organismes publics à l ’ élaboration de son prochain rapport périodique et de consulter à cette occasion un large éventail d ’ organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme.

53. Le Comité prie l ’ État partie de répondre, dans son prochain rapport périodique au titre de l ’ article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales et l ’ invite à présenter ce rapport en octobre 2016 .

54. Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant les directives pour l’établissement du document de base commun et des rapports propres à chaque instrument, approuvées à la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en juin 2006 (HRI/GEN/2/ Rev .6, chap. I). Les directives pour l’établissement des rapports propres à un instrument international, adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008 (A/63/38, première partie, annexe I), doivent être appliquées de concert avec les directives harmonisées pour l’établissement du document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document spécifique à la Convention ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun actualisé devrait comporter 80 pages au maximum.