CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/AUS/CO/14/Add.116 mai 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations du Gouvernement australien sur les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

[5 avril 2006]

RAPPORT ADDITIONNEL DE L’AUSTRALIE

1.Dans le présent document, le Gouvernement australien présente son rapport additionnel conformément à l’article 65, paragraphe 1, du règlement intérieur du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, en réponse à la demande du Comité exprimée dans ses observations finales (CERD/C/AUS/CO/14) adoptées le 10 mars 2005 à l’issue de l’examen du quatorzième rapport périodique de l’Australie, à sa soixante‑septième session, invitant l’Australie à lui adresser dans un délai d’un an des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10, 11, 16 et 17 de ses observations finales.

2.Paragraphe 10 des observations finales:

«Le Comité note que le projet de loi de 2003 prévoyant une réforme de la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances est devenu caduc, mais que l’État partie reste résolu à promouvoir la réforme de la Commission. Il relève que la Commission s’est déclarée préoccupée de ce que certains aspects de la réforme risquaient de compromettre gravement son intégrité, son indépendance et son efficacité (art. 2).

Le Comité note l’importance que l’État partie accorde à la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances pour ce qui est de surveiller le respect par l’Australie des dispositions de la Convention et lui recommande de prendre pleinement en compte les observations faites par la Commission au sujet du projet de réforme, et de veiller à ce que l’intégrité, l’indépendance et l’efficacité de la Commission soient pleinement préservées et respectées.».

Réponse du Gouvernement australien concernant le paragraphe 10

3.Le Gouvernement australien est déterminé à réformer la loi de 1986 sur la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances afin d’améliorer la structure et les procédures de la Commission. Le Gouvernement prend note avec satisfaction des observations et des discussions portant sur la réforme proposée. Conformément à sa méthode habituelle, il envisagera d’apporter d’éventuelles améliorations au projet de loi qui a été précédemment déposé, y compris celles figurant dans les observations formulées par la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances au sujet de la réforme proposée. Le Gouvernement détermine la teneur du projet de loi.

4.Paragraphe 11 des observations finales:

«Le Comité est préoccupé par la suppression de la Commission pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (ATSIC), principal organe de décision en matière d’affaires aborigènes composé de représentants autochtones élus. Il craint que la création d’un comité d’experts désignés chargé de conseiller le Gouvernement à propos des questions relatives aux populations autochtones ainsi que le transfert de la plupart des programmes auparavant exécutés par l’ATSIC et l’Aboriginal and Torres Strait Islander Service vers des organismes gouvernementaux ne réduisent la participation des populations autochtones à la prise de décisions et n’altèrent ainsi la capacité de l’État partie de gérer tout l’éventail des questions concernant les populations autochtones (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les décisions qui affectent directement les droits et intérêts des populations autochtones avec le consentement informé de celles ‑ci, comme il l’a fait dans sa recommandation générale XXIII. Il recommande à l’État partie de réexaminer la suppression des garanties permettant aux populations autochtones de participer effectivement et de manière représentative à la conduite des affaires publiques ainsi qu’à la prise de décisions et à l’élaboration de politiques concernant leurs droits et intérêts.».

Réponse du Gouvernement australien concernant le paragraphe 11

Suppression de la Commission pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (ATSIC)

5.En 2004, le Gouvernement australien a réformé l’administration des affaires autochtones en vue d’améliorer la situation des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres ainsi que la coordination de l’ensemble des services publics. Parmi ces arrangements figurait la décision de supprimer la Commission pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (ATSIC).

6.L’ATSIC a été créée en 1990 à titre d’autorité officielle du Commonwealth chargée de représenter et de défendre les intérêts des autochtones, de donner au Gouvernement des avis sur les problèmes autochtones et de fournir divers services aux autochtones.

7.Un examen indépendant de l’ATSIC, réalisé en novembre 2003, a permis de constater que cette commission avait perdu le contact avec les préoccupations des autochtones et n’avait plus la confiance de cette communauté. L’ATSIC était un organe élu. Toutefois, en dépit des efforts consentis pour la rendre efficace, les arrangements concernant l’élection de ses membres ont mené à des tensions internes, et des conflits apparents d’intérêts ont sapé la confiance du public à l’égard de ses décisions en matière de financement. Seul un autochtone australien sur cinq qui remplissait les conditions requises pour voter aux élections à l’ATSIC l’a fait.

8.Le Gouvernement australien a estimé que l’ATSIC ne permettait pas d’assurer une participation effective de représentants des Australiens autochtones à la conduite des affaires publiques ou à l’adoption des décisions et des politiques touchant leurs droits et intérêts, conformément aux conclusions de l’examen indépendant. La décision de supprimer l’ATSIC n’a eu l’effet d’abroger aucune garantie relative à la participation effective de représentants des Australiens autochtones. Ces garanties sont profondément inscrites dans le système politique représentatif qui est celui de l’Australie, dans son système de vote obligatoire, et dans sa législation qui interdit la discrimination raciale.

Nouvelles formes de consultation

9.Le Gouvernement australien continue de consulter les Australiens autochtones de différentes manières.

Centres de coordination autochtones

10.Le Gouvernement a créé le Bureau de coordination en matière de politique autochtone, qui comprend un réseau constitué de 30 centres de coordination autochtones à base régionale, employant chacun des fonctionnaires provenant de différents organismes de l’État, qui sont chargés de coordonner les services fournis aux Australiens autochtones. Le personnel des centres traite directement avec les membres des communautés, lesquels interviennent directement dans les questions qui les concernent. Les centres s’intéressent aux priorités et aux besoins des communautés autochtones et s’efforcent de mettre en place des services adaptés.

Conseil autochtone national

11.Le Gouvernement australien a également créé un Conseil autochtone national (CAN), qui a tenu sa réunion inaugurale en décembre 2004. Le CAN n’est pas un organe représentatif et n’est pas destiné à remplacer l’ATSIC. Même s’il est une source essentielle fournissant des conseils au Gouvernement, le CAN ne sera pas son unique source consultative en matière d’affaires autochtones. Le CAN ne sera pas invité à donner son avis sur certaines propositions de financement ou sur certaines questions de planification ou de programmation relatives à différentes communautés ou régions.

12.Quatorze membres originaires du CAN, qui est composé entièrement d’autochtones (actuellement 11 membres), ont été nommés par le Gouvernement australien en raison de leur maîtrise de questions qu’il est important de connaître pour améliorer la vie des Australiens autochtones, notamment en matière de santé, d’éducation et d’affaires. Le CAN est présidé par Mme Sue Gordon, première magistrate aborigène à plein temps nommée auprès du Tribunal pour enfants de l’État d’Australie occidentale.

13.Le mandat du CAN est le suivant:

a)Donner au Gouvernement australien des avis d’experts sur la façon d’améliorer la participation des autochtones australiens à l’élaboration et à l’application des politiques touchant les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres;

b)Donner au Gouvernement des avis d’experts sur la manière d’améliorer les programmes et les services fournis aux aborigènes et aux insulaires du détroit de Torres, notamment en optimisant l’interaction effective entre les programmes et services destinés à l’ensemble de la population et aux autochtones en particulier;

c)Donner des avis sur les vues des autochtones sur l’acceptation et l’efficacité des programmes du Gouvernement australien et des gouvernements des États et Territoires;

d)Donner des avis sur l’adéquation des politiques et programmes envisagés en vue de répondre aux besoins;

e)Donner au Gouvernement des avis sur les priorités nationales en matière de financement;

f)Appeler l’attention du Gouvernement sur des problèmes émergeants de politiques, de programmes et de services;

g)Promouvoir un dialogue et un engagement constructifs entre le Gouvernement et les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, leurs communautés et leurs organisations;

h)Émettre des avis sur des questions particulières qui lui sont soumises par le Ministre;

i)Faire rapport au Ministre ainsi qu’il conviendra sur les activités et résultats du CAN.

Réseaux de représentation

14.Le Gouvernement australien a aidé les autochtones à mettre en place des réseaux de représentation par le biais de processus régionaux de consultation. Les consultations ont été organisées dans la plupart des régions avant l’abolition de l’ATSIC et avaient pour but de faciliter la création de mécanismes appropriés de communication continue entre les autochtones et les gouvernements. Les calendriers de consultation ont été établis par les différentes communautés autochtones. Les nouveaux réseaux aideront à formuler et à rapprocher les vues des communautés, qu’il s’agisse d’une région entière, de plusieurs communautés ou d’une seule, et seront un moyen de contribuer à la conception et à la fourniture de services ou à des initiatives dans la communauté ou région concernée.

Participation à des accords

15.Les accords régionaux de partenariat et de responsabilité partagée sont deux mécanismes moyennant lesquels les gouvernements et les communautés autochtones travaillent en partenariat pour atteindre des objectifs régionaux et locaux prioritaires. Ce sont des mécanismes clefs permettant d’assurer la participation effective de représentants des peuples autochtones à l’adoption des décisions et politiques touchant leurs droits et intérêts.

16.Les accords régionaux de partenariat sont négociés entre les communautés autochtones et les gouvernements (notamment les gouvernements de l’État fédéral, des États et Territoires et les gouvernements locaux) afin d’appliquer des stratégies régionales cohérentes d’intervention gouvernementale axées sur les priorités des autochtones. Deux accords régionaux de partenariat ont été signés à ce stade et de nombreux autres sont en cours d’élaboration: l’un concerne les terres reculées de Ngaanyatjarra, en Australie occidentale, et l’autre, la partie occidentale de la Nouvelle‑Galles du Sud.

17.Au niveau local, les accords de responsabilité partagée sont conclus entre des communautés ou des familles et des gouvernements qui souhaitent collaborer et atteindre leurs objectifs dans une démarche de responsabilité partagée. Ces accords incitent les gouvernements à mettre au point des mesures appropriées pour assurer la fourniture des services, selon des formules originales, et incitent les communautés à contribuer activement à la réalisation de leurs objectifs.

18.Le Gouvernement indique en outre que:

Des conseils à majorité autochtone dirigent un certain nombre d’organismes tels que le Fonds aborigène pour la terre et Indigenous Business Australia;

Un certain nombre de conseils autochtones sont consultés par des organismes publics sur différentes questions;

Les Australiens autochtones jouissent d’une autonomie considérable en matière de gestion des terres et d’affaires communautaires.

Consentement libre et informé donné au préalable

19.En vertu du droit international, les citoyens ont le droit de participer aux affaires publiques et aux processus politiques (conformément à l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale). Pour autant, les individus et les peuples n’ont pas le droit de participer d’une manière particulière à un processus politique de l’État. La création de l’ATSIC était une mesure spéciale qui a été peu profitable aux Australiens autochtones et les États n’ont pas l’obligation de maintenir une mesure spéciale particulière en application à perpétuité.

20.Le Gouvernement australien n’accepte pas de considérer qu’il ne peut ni ne devrait prendre aucune décision ayant trait directement aux droits et aux intérêts des Australiens autochtones sans leur «consentement informé», et il estime que la recommandation générale XXIII n’est pas impérative. Même si certains prétendent que les peuples autochtones ont le droit de donner leur «libre consentement en connaissance de cause, au préalable», les discussions internationales laissent penser que ce point reste une question hautement contestée dans de nombreux États et qu’un droit aussi étendu et absolu suscite de nombreuses objections. De fait, la recommandation générale XXIII du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a donné lieu à de vifs désaccords à ce sujet. Dans certaines situations, les gouvernements doivent prendre des décisions ou des mesures qui ne permettent pas l’application de procédures de consentement préalable donné en connaissance de cause et il est parfois nécessaire de prendre certaines décisions ou mesures même si le consentement n’a pas été obtenu (par exemple, à cause de certaines considérations de politique publique ou des droits de tierces parties). Il serait incompatible avec le système démocratique australien que la faculté du Parlement de promulguer et d’amender des lois soit assujettie au consentement d’un sous‑groupe de population particulier.

21.Paragraphe 16 des observations finales:

«Le Comité note avec préoccupation la persistance de perceptions divergentes entre les autorités gouvernementales et, entre autres, les populations autochtones, au sujet de la compatibilité des amendements apportés en 1998 au Native Title Act (loi sur les droits fonciers autochtones) avec la Convention. Il réaffirme son opinion selon laquelle l’affaire Mabo et le Native Title Act de 1993 ont constitué une avancée importante vers la reconnaissance des droits des populations autochtones, mais que les amendements de 1998 ont retiré certaines des garanties qui leur étaient auparavant offertes et ont fourni des certitudes juridiques au Gouvernement et aux tiers, au détriment des autochtones. Le Comité souligne à ce propos que l’utilisation, par l’État partie, d’une marge d’appréciation en vue de concilier les intérêts en jeu est limitée par ses obligations en vertu de la Convention (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de ne pas adopter de mesures qui suppriment les garanties existantes en faveur des droits autochtones et de n’épargner aucun effort pour obtenir le consentement informé des populations autochtones avant de prendre des décisions concernant leurs droits fonciers. Il recommande en outre à l’État partie de rouvrir les discussions avec les populations autochtones en vue d’examiner les amendements qui pourraient être apportés au Native Title Act et de trouver des solutions acceptables pour tous.».

Réponse du Gouvernement australien concernant le paragraphe 16

22.Les préoccupations initiales du Comité concernant les amendements de 1998 ont donné lieu à une enquête approfondie menée par le Comité parlementaire mixte du Gouvernement australien chargé de la question des droits fonciers autochtones et du Fonds pour la terre des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres (PJC). En juin 2000, le PJC a publié un rapport majoritaire dans lequel il a estimé que «la loi révisée est compatible avec les obligations de l’Australie découlant de la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale». La position du Gouvernement australien sur les amendements de 1998 à la loi sur les titres fonciers autochtones a été clairement expliquée dans les treizième et quatorzième rapports de l’Australie au Comité et ses vues n’ont pas changé depuis.

23.Le Gouvernement australien ne considère pas que l’Australie soit soumise à une obligation internationale d’obtenir le «consentement informé» d’un groupe particulier dans l’exercice du pouvoir exécutif ou législatif. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a accepté de considérer que les droits politiques énoncés dans les instruments relatifs aux droits de l’homme ne donnent pas naissance à un droit de participer aux processus politiques d’une manière particulière. À titre d’exemple, ils ne permettent pas à un individu d’exiger une représentation particulière dans une assemblée en tant que tel ou en tant que membre d’un groupe. Ils ne prescrivent pas non plus qu’un gouvernement doive procéder à une consultation particulière en matière d’initiative législative.

24.Toutefois, le Gouvernement australien a consulté et continuera de consulter largement toutes les parties concernées, y compris les groupes autochtones, au sujet du système de droits fonciers autochtones et des réformes de la loi de 1976 sur les droits fonciers autochtones (Territoire du Nord).

25.En septembre 2005, le Gouvernement australien a annoncé des réformes qu’il proposait d’apporter au système de titres fonciers autochtones afin de rendre plus efficace et efficient le fonctionnement des procédures y relatives. Ces réformes ne modifieront pas radicalement le régime des titres fonciers autochtones mais devraient permettre de promouvoir le règlement des différends auxquels ils donnent lieu par la voie d’accord, chaque fois que cela sera possible, de préférence aux procédures judiciaires. Dans le cadre des consultations engagées pour procéder à ces réformes, le Gouvernement australien a entrepris de vastes consultations avec les autochtones, directement ou par l’intermédiaire d’organes représentatifs de haut niveau. Des fonctionnaires représentant des services gouvernementaux compétents ont également discuté des réformes proposées avec le Commissaire à la justice sociale auprès des autochtones et des insulaires du détroit de Torres.

26.Le Gouvernement australien a annoncé récemment qu’il réformerait la loi sur les droits fonciers autochtones. À cette date, environ 45 % des terres du Territoire du Nord ont été octroyées à des propriétaires aborigènes traditionnels en vertu de cette loi. Les réformes ont pour but de permettre aux aborigènes d’assurer la viabilité économique à long terme de leurs terres tout en en préservant des aspects fondamentaux tels que leur inaliénabilité, la communauté des titres de propriété et le droit de veto des propriétaires traditionnels à l’utilisation des terres. Au cours des huit années écoulées, trois enquêtes publiques ont porté sur la loi sur les droits fonciers aborigènes et les conseils fonciers, au cours desquelles les aborigènes ont exprimé leurs points de vue. Nombre de propositions de modifications ont été adoptées par les conseils fonciers dans le cadre de propositions conjointes formulées avec le Gouvernement du Territoire du Nord.

27.Les réformes qu’il est proposé d’apporter au régime des titres fonciers autochtones et à la loi sur les droits fonciers aborigènes sont compatibles avec l’engagement pris par le Gouvernement australien de préserver les titres et droits fonciers autochtones. Comme le Premier Ministre de l’Australie l’a indiqué clairement dans son discours prononcé lors de l’Atelier de planification de la réconciliation nationale, le 30 mai 2005, le Gouvernement australien ne cherche ni à rabattre ni à affaiblir les titres ou droits fonciers autochtones.

28.Au cours des consultations concernant ces réformes, les autochtones ont eu le droit de participer effectivement à l’élaboration des amendements, ce qui devrait contribuer de façon significative à leur issue.

29.Paragraphe 17 des observations finales:

«Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, pour satisfaire aux critères énoncés dans la définition des droits fonciers autochtones figurant dans le Native Title Act, les autochtones doivent prouver qu’ils n’ont cessé d’observer et d’appliquer les lois et coutumes de leur communauté depuis que la Couronne britannique a acquis la souveraineté sur l’Australie. Le haut niveau de preuve requis aurait pour conséquence que de nombreuses populations autochtones ne parviennent pas à établir l’existence d’un lien traditionnel avec leurs terres (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir davantage d’informations sur cette question, y compris sur le nombre de réclamations qui ont été rejetées en raison du haut niveau de preuve requis. Il recommande à l’État partie de réexaminer cette exigence en tenant compte de la nature des relations que les populations autochtones entretiennent avec leurs terres.».

Réponse du Gouvernement australien concernant le paragraphe 17

30.Le Gouvernement australien croit comprendre que les rapports auxquels le Comité fait allusion portent sur les conséquences de la décision rendue par la High Court dans l’affaire Members of the Yorta Yorta Aboriginal Community v. Victoria [2002] HCA 58 (Yorta Yorta). La demande de titres autochtones portait sur une étendue terrestre et aquatique de 1 860 km2, située dans les États de Victoria et de Nouvelle‑Galles du Sud. Dans l’affaire Yorta Yorta, la High Court a confirmé la décision de la Cour fédérale selon laquelle les appelants n’avaient ni des titres ni des intérêts autochtones sur les terres réclamées.

31.Dans sa décision, la High Court a donné des éclaircissements sur des principes fondamentaux concernant l’établissement de preuves de l’existence de liens fonciers. En particulier, elle a souligné que, pour établir l’existence d’un titre autochtone, les appelants doivent être en mesure de démontrer que le titre réclamé découle de leurs lois et coutumes traditionnelles observées depuis l’avènement de la souveraineté. La High Court a constaté que la démonstration de la teneur des lois et coutumes traditionnelles pouvait présenter de difficiles problèmes de preuve et qu’il appartenait aux tribunaux de déduire des éléments de preuve à sa disposition la teneur de ces lois et coutumes traditionnelles à l’époque où elles étaient en vigueur.

32.En Australie, les titres autochtones ont été reconnus pour la première fois dans un jugement de common law (arrêt Mabo v. Queensland) (no 2) (1992) 175 CLR 1 (Mabo). La loi sur les droits fonciers autochtones offre certes un cadre légal visant à faciliter la reconnaissance et la protection des titres fonciers autochtones, mais la nature et la qualité des droits et intérêts fonciers autochtones sont tributaires de leur reconnaissance en common law et évoluent conformément à ce droit.

33.Comme la High Court l’a noté dans l’affaire Western Australia v. Ward (2002) 191 ALR 1 (Ward), les dispositions de la loi sur les titres fonciers autochtones relatives aux liens fonciers sont fondées sur la décision rendue par le juge Brennan dans l’arrêt Mabo. Il est également possible de considérer que l’obligation d’établir l’existence des titres fonciers autochtones, sur laquelle la décision rendue dans l’affaire Yorta Yorta apporte des éclaircissements, à savoir que les droits autochtones doivent être fondés sur des lois et coutumes antérieures à l’avènement de la souveraineté, est également un principe énoncé dans l’arrêt Mabo et dans le droit général applicable relatif aux autochtones.

Rejet de réclamations relatives à des titres fonciers autochtones pour manque de preuves

34.L’examen d’une réclamation concernant des titres autochtones consiste à déterminer si le titre présumé sur la zone concernée existe effectivement. La décision est prise par le Tribunal fédéral ou la High Court. Les réclamations concernant les titres fonciers autochtones peuvent être réglées soit par consentement mutuel (notamment en cas de réclamation non contradictoire), soit par la voie d’une procédure en justice.

35.Au 20 février 2006, 81 décisions avaient été rendues au sujet de titres fonciers en Australie. Dans 56 de ses décisions, le Tribunal a reconnu l’existence de titres autochtones sur la totalité ou sur certaines parties de la zone concernée. Quatre des 25 décisions dans lesquelles le Tribunal a estimé qu’il n’existait pas de titres autochtones ont été prises à l’issue d’une procédure en justice.

36.L’arrêt Yorta Yorta a été la seule décision issue d’une procédure en justice ayant amené à conclure à l’inexistence de titres autochtones en raison du fait que les demandeurs avaient été incapables d’apporter des preuves démontrant que des lois et coutumes traditionnelles avaient été appliquées et reconnues de façon continue.

37.S’agissant de la réclamation des peuples Darug (Gale v. Minister for Land and Water Conservation for the State of New South Wales [2004] FCA 374), le Tribunal fédéral a rejeté une réclamation de titres fonciers autochtones sur 10 hectares de terre, faute de preuves suffisantes de l’existence de liens continus entre les demandeurs et la terre concernée. Toutefois, ces conclusions ont suivi le retrait des demandeurs autochtones parties à la procédure. Le Tribunal a poursuivi la procédure sur la base des preuves préliminaires apportées par les demandeurs et des preuves présentées par les autres parties à la réclamation. Même s’il n’a pas été en mesure de reconnaître l’existence de droits à des titres fonciers autochtones dans la zone concernée, le Tribunal a reconnu que les terres avaient été précédemment octroyées à un organisme autochtone en vertu des lois de Nouvelle‑Galles du Sud relatives aux droits fonciers.

38.Dans les deux dernières décisions dans lesquelles le Tribunal a conclu à l’inexistence de titres fonciers autochtones, cette conclusion a été fondée sur d’autres raisons, telles que l’extinction des titres.

39.Sur les 21 décisions dans lesquelles le Tribunal a conclu à l’inexistence de titres autochtones, 17 répondaient à des réclamations émanant de détenteurs non autochtones de titres fonciers qui demandaient à la justice d’établir l’inexistence de titres fonciers sur une étendue terrestre ou aquatique particulière. Ces demandes concernent généralement des petites zones individuelles, et nombre d’entre elles émanent de groupes aborigènes de Nouvelle‑Galles du Sud auxquels le Gouvernement de cet État a octroyé des droits fonciers mais qui ne peuvent pas disposer des terres tant que la question des titres autochtones n’a pas été définitivement tranchée. Seize de ces réclamations n’ont pas été contestées par les propriétaires traditionnels et la dernière a été réglée à l’amiable.

40.Les quatre dernières décisions qui ont conclu à l’inexistence de titres autochtones ont été élaborées avec l’accord des demandeurs autochtones (décisions par consentement). La justice a examiné deux réclamations dans les affaires Wotjobaluk (Clarke on behalf of the Wotjobaluk, Jaadwa, Jadawadjali, Wergaia et Jupagulk Peoples v. State of Victoria [2005] FCA 1795) et l’affaire Ward. Dans chacune de ces trois affaires, la décision par consentement était accompagnée d’une décision séparée dans laquelle l’existence de titres autochtones sur certaines zones a été reconnue. La dernière décision a été adoptée dans l’affaire Kelly v. NSW Aboriginal Land Council [2001] FCA 1479. Dans cette affaire, les demandeurs autochtones ont renoncé à leur titre autochtone en faveur de la Nouvelle‑Galles du Sud en vertu d’un accord sur l’utilisation de terres autochtones et ont ensuite accepté la décision reconnaissant l’inexistence de titres autochtones.

41.Il convient également de reconnaître que l’existence de difficultés en matière d’établissement des preuves dans certains cas n’empêche pas forcément les demandeurs autochtones d’obtenir des décisions qui leur permettent de maintenir des liens avec leurs terres traditionnelles. À titre d’exemple, en juin 2004, en dépit d’une décision ayant conclu à l’inexistence de titres autochtones, le Gouvernement de l’État de Victoria a conclu un accord de gestion conjointe avec les Yorta Yorta. L’accord a créé un cadre dans lequel les Yorta Yorta participent à l’administration de zones importantes du domaine public dans leurs territoires traditionnels.

Révision des normes de preuve

42.Les décisions adoptées par la High Court dans les arrêts Yorta Yorta et Ward ont clarifié d’importants principes touchant les titres autochtones, notamment des principes fondamentaux concernant les preuves de l’existence de liens avec la terre et les éléments à fournir pour établir l’existence de titres autochtones. Il ne serait pas convenable que le Gouvernement australien porte gravement atteinte à ces principes, qui ont été formulés dans des décisions de justice traitant des questions foncières autochtones.

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