CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/AUS/CO/1414 avril 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑sixième session21 février‑11 mars 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

AUSTRALIE

1.Le Comité a examiné les treizièmeet quatorzième rapports périodiques de l’Australie, qui auraient dû être soumis en 2000 et 2002, respectivement, présentés en un seul document (CERD/C/428/Add.2), à ses 1685e et 1686e séances (CERD/C/SR.1685 et 1686), tenues les 1er et 2 mars 2005. À sa 1699e séance (CERC/C/SR.1699), tenue le 10 mars 2005, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie, essentiellement consacré à des points soulevés par le Comité dans ses observations finales précédentes, ainsi que les renseignements complémentaires apportés oralement par la délégation.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que les actes graves motivés par la haine raciale ou incitant à la haine raciale constituent des infractions pénales dans la plupart des États et Territoires australiens. À ce propos, il se félicite particulièrement des changements législatifs intervenus dans les États du Victoria et du Queensland.

4.Le Comité note avec satisfaction que des progrès considérables ont été accomplis dans l’exercice, par les populations autochtones, de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il se félicite que tous les gouvernements australiens se soient engagés à collaborer sur cette question dans le cadre du Conseil des gouvernements australiens, et de l’adoption d’une stratégie nationale sur la violence familiale parmi les autochtones.

5.Le Comité note avec un vif intérêt les programmes de déjudiciarisation et de prévention visant à réduire le nombre de jeunes autochtones qui entrent dans le système de justice pénale, ainsi que l’adoption, par la police et la magistrature, de procédures et de pratiques sensibles aux différences culturelles.

6.Le Comité se félicite que les dispositions relatives aux peines statutaires aient été supprimées dans le Territoire du Nord.

7.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la Charte de la fonction publique dans une société culturellement diverse qui vise à s’assurer que les services publics soient fournis en tenant compte des besoins linguistiques et culturels de tous les Australiens.

8.Le Comité accueille avec satisfaction les nombreux programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme élaborés par la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

9.Tout en prenant note des explications fournies par la délégation, le Comité se déclare une nouvelle fois préoccupé par l’absence de toute garantie solidement établie contre la discrimination raciale à laquelle aucune loi postérieure du Commonwealth ne pourrait porter atteinte (art. 2 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de s’employer à incorporer dans son droit interne une garantie solidement établie contre la discrimination raciale.

10.Le Comité note que le projet de loi de 2003 prévoyant une réforme de la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances est devenu caduc, mais que l’État partie reste résolu à promouvoir la réforme de la Commission. Il relève que la Commission s’est déclarée préoccupée de ce que certains aspects de la réforme risquaient de compromettre gravement son intégrité, son indépendance et son efficacité (art. 2).

Le Comité note l’importance que l’État partie accorde à la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances pour ce qui est de surveiller le respect par l’Australie des dispositions de la Convention et lui recommande de prendre pleinement en compte les observations faites par la Commission au sujet du projet de réforme, et de veiller à ce que l’intégrité, l’indépendance et l’efficacité de la Commission soient pleinement préservées et respectées.

11.Le Comité est préoccupé par la suppression de la Commission pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (ATSIC), principal organe de décision en matière d’affaires aborigènes composé de représentants autochtones élus. Il craint que la création d’un comité d’experts désignés chargé de conseiller le Gouvernement à propos des questions relatives aux populations autochtones, ainsi que le transfert de la plupart des programmes auparavant exécutés par l’ATSIC et la Aboriginal and Torres Strait Inslander Service vers des organismes gouvernementaux ne réduisent la participation des populations autochtones à la prise de décisions et n’altèrent ainsi la capacité de l’État partie de gérer tout l’éventail des questions concernant les populations autochtones (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les décisions qui affectent directement les droits et intérêts des populations autochtones avec le consentement informé de celles ‑ci, comme il l’a fait dans sa recommandation générale XXIII. Il recommande à l’État partie de réexaminer la suppression des garanties permettant aux populations autochtones de participer effectivement et de manière représentative à la conduite des affaires publiques ainsi qu’à la prise de décisions et à l’élaboration de politiques concernant leurs droits et intérêts.

12.Le Comité note que l’Australie n’a pas retiré sa réserve à l’article 4 a) de la Convention. Il constate avec préoccupation que le Commonwealth, l’État de Tasmanie et le Territoire du Nord n’ont aucune législation qui érige en infraction pénale les actes graves motivés par la haine raciale ou incitant à la haine raciale.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie de faire des efforts pour adopter une législation appropriée en vue de donner pleinement effet aux dispositions de l’article 4 a) de la Convention, et de retirer la réserve qu’il avait émise à cet égard. Il souhaiterait obtenir des informations sur les plaintes, poursuites et condamnations en rapport avec des actes graves de haine raciale ou d’incitation à la haine raciale dans les États et Territoires dont la législation sanctionne ce type d’infraction.

13.Le Comité note avec préoccupation que, selon certaines informations, les préjugés contre les Arabes et les musulmans en Australie augmentent et que l’application des lois antiterroristes risque d’avoir un effet discriminatoire indirect sur les Australiens arabes et musulmans (art. 4 et 5).

Le Comité accueille avec satisfaction la tenue de consultations nationales visant à éliminer les préjugés contre les Australiens arabes et musulmans et souhaiterait recevoir des informations plus détaillées sur les résultats de ces consultations. Il recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour éliminer ces préjugés et veiller à ce que l’application des lois antiterroristes n’ait pas un effet disproportionné sur des groupes ethniques spécifiques ou des personnes d’origine étrangère.

14.Le Comité est préoccupé de ce que, selon certaines informations, les questions relatives aux demandeurs d’asile seraient traitées de manière tendancieuse dans les médias (art. 4).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures résolues pour combattre toute tendance à prendre pour cible ou à stigmatiser des non ‑ressortissants, y compris des demandeurs d’asile, à en faire l’objet de stéréotypes ou de catégorisations fondés sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, en particulier de la part des médias et de l’ensemble de la société. À ce propos, il appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXX concernant les non ‑ressortissants.

15.Le Comité note avec préoccupation que des plaignants qui avaient invoqué la loi sur la discrimination raciale avaient eu du mal à établir les faits en l’absence de preuves directes, et qu’aucune affaire de discrimination raciale, à distinguer de la haine raciale, n’a eu d’issue positive devant les tribunaux fédéraux depuis 2001 (art. 4 et 6).

Ayant pris note des explications fournies par la délégation, le Comité invite l’État partie à envisager d’adopter des dispositions relatives au fardeau de la preuve de manière que, dans les procédures civiles en rapport avec la discrimination raciale, lorsqu’une victime présumée a établi, sauf preuve contraire, qu’elle a fait l’objet d’une telle discrimination, il incombe au défendeur de fournir la preuve que ce traitement différent était motivé par des éléments objectifs et raisonnables.

16.Le Comité note avec préoccupation la persistance de perceptions divergentes entre les autorités gouvernementales et, entre autres, les populations autochtones, au sujet de la compatibilité des amendements apportés en 1998 au Native Title Act (loi relative aux droits fonciers autochtones) avec la Convention. Il réaffirme son opinion selon laquelle l’affaire Mabo et le Native Title Act de 1993 ont constitué une avancée importante vers la reconnaissance des droits des populations autochtones, mais que les amendements de 1998 ont retiré certaines des garanties qui leur étaient auparavant offertes et ont fourni des certitudes juridiques au Gouvernement et aux tiers, au détriment des autochtones. Le Comité souligne à ce propos que l’utilisation, par l’État partie, d’une marge d’appréciation en vue de concilier les intérêts en jeu est limitée par ses obligations en vertu de la Convention (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de ne pas adopter de mesures qui suppriment les garanties existantes en faveur des droits autochtones et de n’épargner aucun effort pour obtenir le consentement informé des populations autochtones avant de prendre des décisions concernant leurs droits fonciers. Il recommande en outre à l’État partie de rouvrir les discussions avec les populations autochtones en vue d’examiner les amendements qui pourraient être apportés au Native Title Act et de trouver des solutions acceptables pour tous.

17.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, pour satisfaire aux critères énoncés dans la définition des droits fonciers autochtones figurant dans le Native Title Act, les autochtones doivent prouver qu’ils n’ont cessé d’observer et d’appliquer les lois et coutumes de leur communauté depuis que la Couronne britannique a acquis la souveraineté sur l’Australie. Le haut niveau de preuve requis aurait pour conséquence que de nombreuses populations autochtones ne parviennent pas à établir l’existence d’un lien traditionnel avec leurs terres (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir davantage d’informations sur cette question, y compris sur le nombre de réclamations qui ont été rejetées en raison du haut niveau de preuve requis. Il recommande à l’État partie de réexaminer cette exigence en tenant compte de la nature des relations que les populations autochtones entretiennent avec leurs terres.

18.Le Comité note que depuis 1998, 51 décisions concernant des titres fonciers ont été prises et que 37 d’entre elles ont confirmé l’existence de ces titres. Il prend note également des dispositions figurant dans les amendements apportés en 1998 au Native Title Act concernant les accords relatifs à l’utilisation des terres autochtones, et de la création du Fonds pour la terre des aborigènes, en 1995, en vue d’acheter des terres pour les Australiens autochtones qui ne pouvaient pas bénéficier de la reconnaissance de leurs droits fonciers (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements plus détaillés, y compris des données statistiques, sur la mesure dans laquelle ces accords répondent aux revendications foncières des autochtones. Des informations sur ce qui a été accompli au niveau des États et des Territoires pourraient également être fournies.

19.Tout en notant une amélioration dans l’exercice, pour les populations autochtones, de leurs droits économiques, sociaux et culturels, le Comité est préoccupé par l’écart important qui persiste entre les populations autochtones et les autres groupes de population, en particulier en ce qui concerne l’emploi, le logement, la santé, l’éducation et le revenu (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour parvenir à l’égalité dans l’exercice des droits et d’allouer des ressources suffisantes aux programmes visant à éliminer les disparités. Il lui recommande en particulier de prendre des mesures décisives pour veiller à ce qu’un nombre suffisant de professionnels de la santé fournisse des services aux populations autochtones et de définir des objectifs intermédiaires pour suivre les progrès accomplis dans les principaux domaines où les autochtones sont défavorisés.

20.Ayant pris note des explications fournies par l’État partie, le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet des dispositions du Code pénal de l’Australie occidentale relatives aux peines statutaires. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces dispositions auraient un effet distinct sur les groupes autochtones et rappelle à l’État partie que la Convention interdit la discrimination directe comme la discrimination indirecte (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées en vue d’abroger cette législation, en suivant l’exemple du Territoire du Nord. Il souligne en outre le rôle et la responsabilité du Gouvernement fédéral à cet égard en vertu de la Convention.

21.Le Comité demeure préoccupé par la surreprésentation saisissante des populations autochtones dans les prisons et par le pourcentage de décès d’autochtones en détention. En outre, selon certaines informations, les femmes autochtones constitueraient, parmi les détenus, le groupe dont les effectifs augmentent le plus rapidement (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour remédier à cette situation. Il souhaiterait recevoir davantage d’informations au sujet de la mise en œuvre des recommandations de la Commission royale d’enquête sur les décès d’aborigènes en détention.

22.Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles une discrimination en matière de délivrance de visas serait pratiquée à l’égard de personnes originaires de pays asiatiques et musulmans, et note en outre les assurances données par la délégation qu’une telle discrimination n’avait pas lieu (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir davantage d’informations sur cette question, y compris des données statistiques. Il réaffirme que les États parties devraient veiller à ce que les politiques d’immigration ne reviennent pas à pratiquer une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

23.Le Comité se déclare préoccupé par la détention obligatoire de migrants en situation illégale, y compris des demandeurs d’asile, en particulier lorsqu’il s’agit de femmes, d’enfants, de mineurs non accompagnés, ou de personnes considérées comme apatrides. Il s’inquiète de ce que de nombreuses personnes sont ainsi placées en rétention administrative depuis plus de trois ans (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer le caractère obligatoire, automatique et indéfini de la détention de migrants en situation illégale. Il souhaiterait recevoir des données statistiques, ventilées par nationalité et durée de la détention, relatives aux personnes ainsi détenues, notamment dans les centres de détention «offshore».

24.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les visas de protection temporaire délivrés aux réfugiés n’ayant pas de visa valide ne leur donneraient pas accès à de nombreux services publics, n’ouvriraient aucun droit à la réunification familiale et rendraient leur situation précaire. En outre, les migrants seraient privés d’accès à la sécurité sociale pour une période de deux ans à compter de leur arrivée en Australie (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir des données statistiques, ventilées par nationalité, concernant les visas de protection temporaire. Il recommande à l’État partie de revoir ses politiques, en tenant compte du fait que, selon la Convention, l’application d’un traitement différent, fondé sur le statut quant à la citoyenneté ou à l’immigration, constituerait une discrimination si les critères de différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention, ne visaient pas un but légitime et n’étaient pas proportionnés à l’atteinte de ce but.

25.Tout en saluant les efforts que l’État partie a accomplis pour parvenir à la réconciliation, et ayant pris note de la Motion de réconciliation de 1999, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie aurait rejeté la plupart des recommandations adoptées par le Conseil pour la réconciliation aborigène en 2000 (art. 6).

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts en vue d’assurer qu’une réconciliation authentique ait lieu et soit acceptée tant par les autochtones que par l’ensemble de la population. Il recommande une nouvelle fois à l’État partie d’envisager la nécessité de réparer comme il convient les souffrances occasionnées par la séparation forcée des enfants autochtones et de leurs familles.

26.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures adoptés pour appliquer cette déclaration et ce programme d’action au niveau national.

27.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques aisément accessibles au public dès qu’ils sont soumis et de publier de la même manière les observations finales du Comité. Il suggère que des consultations d’organisations non gouvernementales et de populations autochtones soient organisées pendant l’établissement du prochain rapport périodique.

28.L’État partie devrait adresser dans un délai d’un an des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 10, 11, 16 et 17 (par. 1 de l’article 65 du règlement intérieur). Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses quinzième, seizième et dix‑septième rapports périodiques en un seul document, attendu le 30 octobre 2008.

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