Nations Unies

CCPR/C/CMR/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 août 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme Quatre-vingt-dix-neuvième sessionGenève, 12-30 juillet 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Cameroun

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/CMR/4) à ses 2725e et 2726e séances, tenues les 19 et 20 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2725 et 2726). Il a adopté les observations finales ci-après à ses 2739e et 2740e séances, tenues les 28 et 29 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2739 et 2740).

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport de l’État partie, établi conformément aux directives du Comité, encore qu’il ait été soumis avec un certain retard. Il remercie l’État partie de lui avoir adressé à l’avance des réponses écrites (CCPR/C/CMR/Q/4/Add.1) ainsi que la délégation d’avoir répondu aux questions posées oralement et fourni d’autres informations au cours du dialogue qu’elle a eu avec le Comité.

3.Le Comité sait gré aux organisations non gouvernementales (ONG) camerounaises de leur contribution à ses travaux et rappelle l’obligation de l’État partie de respecter et de protéger les droits de l’homme du personnel de toutes les organisations de défense des droits de l’homme présent sur son territoire.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue l’adhésion de l’État partie, durant la période à l’examen, aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme protégés par le Pacte et, en particulier:

a)Au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2004;

b)Au Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et au Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2006.

5.Le Comité se félicite également de ce que l’État partie:

a)A adopté, le 22 juillet 2004, la loi no 2004/016 visant à renforcer l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL);

b)A pris des mesures pour renforcer le cadre juridique de la protection contre la traite des personnes et l’esclavage, au moyen de la loi no 2005/15 du 29 décembre 2005 contre l’esclavage et la traite des enfants;

c)S’est efforcé de renforcer la protection des droits de l’homme dans le domaine de l’administration de la justice, notamment par des dispositions du Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er janvier 2007 visant à offrir une voie de recours en cas d’arrestation ou de détention illégale.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité note avec inquiétude le retard pris pour assurer un recours utile et une indemnisation appropriée en cas de violation des droits énoncés dans le Pacte, en application des constatations adoptées par le Comité au sujet des communications nos 458/1991 (Mukong), 1134/2002 (Gorji-Dinka), 1353/2005 (Njaru) et 1186/2003 (Titahongo) (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux constatations du Comité et créer des mécanismes visant à faciliter la mise en œuvre des constatations du Comité, de manière à garantir le droit à un recours utile, en application du paragraphe 3 de l ’ article 2 du Pacte.

7.Concernant les efforts louables de l’État partie pour renforcer l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL), le Comité estime que d’autres mesures pourraient être prises afin d’assurer le bon fonctionnement de la Commission, en totale indépendance à l’égard du Gouvernement. Le Comité note également les préoccupations exprimées par des organisations de la société civile qui signalent des difficultés pour avoir accès aux rapports de la Commission (art. 2).

L ’ État partie devrait mieux garantir l ’ indépendance de la CNDHL en la dotant de suffisamment de ressources pour qu ’ elle puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat. De plus, les rapports de la CNDHL devraient être largement diffusés et faciles à se procurer.

8.Malgré l’interdiction de la discrimination consacrée par la Constitution camerounaise, le Comité note avec préoccupation que les femmes subissent une discrimination en vertu des articles 1421 et 1428 du Code civil concernant le droit des époux d’administrer les biens communs, de l’article 229 du Code civil régissant le divorce et de l’article 361 du Code pénal définissant l’adultère en des termes plus favorables aux hommes qu’aux femmes. Le Comité reste également préoccupé par le fait que les femmes sont exposées à la discrimination en droit coutumier, même si ce droit n’est en principe applicable que s’il est compatible avec le droit écrit. D’une manière générale, le Comité est préoccupé par l’existence de stéréotypes et de coutumes qui sont contraires au principe de l’égalité de droits des hommes et des femmes et entravent l’application effective du Pacte (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait rendre sa législation conforme au Pacte en veillant à ce que les femmes ne soient pas l ’ objet de discrimination en droit. Il devrait aussi renforcer les mesures visant à ce que les femmes ne soient pas soumises à un traitement discriminatoire lorsque le droit coutumier est appliqué, notamment: a) en veillant à la compatibilité du large éventail de lois coutumières en vigueur dans le pays avec le droit écrit et le Pacte; b) en faisant connaître aux femmes les droits qui sont les leurs en vertu du droit écrit et du Pacte; c) en veillant à ce qu ’ il soit aisé de déposer plainte en cas de pratique discriminatoire entérinée par le droit coutumier. L ’ État partie devrait aussi poursuivre et renforcer ses efforts pour mettre fin aux traditions et coutumes discriminatoires par l ’ éducation et des campagnes de sensibilisation. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  28 (2000) concernant l ’ égalité des droits des hommes et des femmes.

9.Le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet de la persistance de la polygamie dans l’État partie. Le Comité note également avec inquiétude que, selon les informations reçues, des filles sont mariées dès l’âge de 12 ans et regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour corriger la différence entre l’âge minimum au mariage des filles et celui des garçons qui sont respectivement de 15 et 18 ans. Le Comité n’accepte pas la justification donnée par l’État partie, selon laquelle les filles sont mûres plus tôt et capables d’assumer une famille à un âge plus précoce que les garçons (art. 2, 23 et 26).

L ’ État partie devrait modifier sa législation pour la rendre conforme au Pacte, en interdisant la pratique de la polygamie et en alignant l ’ âge minimum légal du mariage des filles sur celui des garçons. Il faudrait également prendre des mesures adéquates, en organisant notamment des campagnes de sensibilisation, pour protéger les filles contre le mariage précoce.

10.Malgré les efforts de l’État partie pour lutter contre cette pratique, le Comité reste préoccupé par les cas de mutilation génitale féminine dans certaines zones du pays et par l’absence d’interdiction explicite de cette pratique dans la loi (art. 3 et 7).

L ’ État partie devrait introduire une législation spécifique interdisant la mutilation génitale féminine. Il devrait également redoubler d ’ efforts pour sensibiliser davantage l ’ opinion à la nécessité de mettre fin à cette pratique.

11.Le Comité est préoccupé par les niveaux élevés de violence au foyer que les femmes subissent dans l’État partie et par la faiblesse de la protection contre cette violence, dont le viol. Tout en notant que la loi incrimine le viol, le Comité note avec préoccupation qu’une petite proportion seulement des cas de viol sont signalés et font l’objet d’une enquête, à cause de l’idée très répandue selon laquelle la violence au foyer est une affaire purement privée. Le Comité est inquiet aussi de constater qu’en vertu du Code pénal, l’auteur d’un viol peut être exonéré de sa responsabilité pénale s’il propose le mariage à la victime et que celle-ci l’accepte (art. 3 et 7).

L ’ État partie devrait accélérer l ’ adoption d ’ une législation spécifique sur la violence à l ’ égard des femmes afin de renforcer le cadre juridique de la protection contre la violence au foyer, le harcèlement sexuel, le viol, y compris le viol conjugal, et d ’ autres formes de violence subies par les femmes. Il faudrait également prendre des mesures pour que les femmes qui fuient un partenaire ou un mari violent aient accès à une assistance et puissent trouver refuge dans des centres de crise. En ce qui concerne l ’ infraction de viol, l ’ État partie devrait abolir la disposition en vertu de laquelle le viol n ’ est pas sanctionné pénalement si la victime accepte de se marier avec l ’ auteur du viol.

12.Le Comité reste profondément préoccupé par l’incrimination des relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, qui sont punies de peines d’emprisonnement de six mois à cinq ans aux termes de l’article 347 bis du Code pénal. Comme le Comité et d’autres mécanismes internationaux des droits de l’homme l’ont souligné, cette incrimination viole le droit à la vie privée et à la protection contre la discrimination énoncés dans le Pacte. Les informations fournies par l’État partie n’apaisent pas les inquiétudes du Comité au sujet du caractère arbitraire de l’application de l’article 347 bis, également relevé par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire dans son avis no 22/2006 (Cameroun) (A/HRC/4/40/Add.1), et au sujet des cas portés à sa connaissance relatifs au traitement inhumain ou dégradant infligé à des personnes détenues pour avoir eu des relations sexuelles avec une personne du même sexe. Le Comité note aussi avec inquiétude que l’incrimination des relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe fait obstacle à la mise en œuvre de programmes éducatifs efficaces de prévention du VIH/sida (art. 2, 7, 9, 17 et 26).

L ’ État partie devrait prendre des mesures immédiates afin de dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, de manière à mettre sa législation en conformité avec le Pacte. L ’ État partie devrait aussi prendre les mesures qui s ’ imposent pour mettre fin aux préjugés et à la stigmatisation sociale de l ’ homosexualité et montrer clairement qu ’ il ne tolère aucune forme de harcèlement, de discrimination et de violence à l ’ égard de personnes au motif de leur orientation sexuelle. [Les programmes de santé publique visant à combattre le VIH/sida devraient avoir une portée universelle et offrir à tous le même accès à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien à cet égard.]

13.Toute en constatant que l’État partie s’efforce, avec ses partenaires internationaux, d’améliorer l’accès aux services de santé de la procréation, le Comité reste préoccupé par les taux de mortalité maternelle élevés et par la législation relative à l’avortement qui risque d’inciter les femmes à avorter illégalement et dans des conditions dangereuses, en mettant leur vie et leur santé en péril. Il est aussi préoccupé de ce qu’en pratique l’avortement n’est pas disponible, même lorsque la loi l’autorise, par exemple lorsque la grossesse résulte d’un viol.

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour réduire la mortalité maternelle, notamment en veillant ce que les femmes aient accès à des services de santé de la procréation. À cet égard, l ’État partie devrait modifier sa législation pour aider effectivement les femmes à éviter les grossesses non désirées et à les protéger de telle manière qu ’ elles n ’ aient pas à recourir à des avortements illégaux susceptibles de mettre leur vie en péril .

14.Le Comité note que la peine de mort n’a pas été appliquée depuis 1997, mais que les tribunaux continuent de prononcer des condamnations à mort, conformément au Code pénal (art. 6).

L ’ État partie devrait envisager d ’ abolir la peine de mort ou, au moins, d ’ officialiser le moratoire de fait observé actuellement . L ’ État partie est également encouragé à adhérer au deuxième p rotocole facultatif se rapportant au Pacte.

15.Le Comité reste profondément préoccupé par le fait que des cas d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par des agents des forces de l’ordre continuent d’être signalés. Malgré les informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles les auteurs de ces crimes sont systématiquement traduits en justice, le Comité est préoccupé par les allégations d’homicides extrajudiciaires qui, dans certains cas, n’auraient pas fait l’objet d’enquête véritable et regrette que l’État partie n’ait pu fournir de statistiques sur le nombre de cas signalés d’exécutions extrajudiciaires opérées par les militaires et les forces de sécurité civile ainsi que par le personnel de maintien de l’ordre (art. 6).

L ’ État partie devrait examiner de plus près les allégations d ’ homicides extrajudiciaires et veiller à ce que de telles allégations fassent l ’ objet d ’ enquêtes rapides et efficaces afin de faire disparaître de tels crimes, de traduire les auteurs en justice et d ’ offrir des recours utiles aux victimes. Pour qu ’ il soit procédé à des enquêtes efficaces et impartiales, l ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme spécial et ind épendant chargé d ’ enquête r sur les cas présum és d ’ exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité et par le personnel de maintien de l ’ ordre.

16.Le Comité est préoccupé par les opérations de «justice populaire» menées contre les personnes suspectées de crimes, qui auraient fait plusieurs morts au cours de la période couverte par le rapport, et s’inquiète de ce que les auteurs soient rarement poursuivis (art. 6).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour s ’ attaquer au phénomène, persistant de la «justice populaire» et faire en sorte que de tels actes fassent l ’ objet d ’ enquête s et que les responsable s soient traduits en justice.

17.Le Comité note l’engagement prit par l’État partied’éliminer la torture, notamment par la mise en place en 2005 de la Division spéciale de contrôle des services de police, qui assure la «police des polices». Le Comité est, néanmoins, vivement préoccupé par le fait que la torture reste largement répandue dans l’État partie. En examinant les renseignements fournis par l’État partiesur les sanctions disciplinaires visant les agents de la force publique dans les cas de torture, le Comité s’inquiète de voir que les peines prononcées dans les cas en question sont insignifiantes comparées au préjudice causé aux victimes et sont beaucoup plus faibles que celles qu’établit le Code pénal pour le crime de torture. Le Comité s’inquiète également du fait que les victimes de tortures infligées par les agents de la force publique et le personnel pénitentiaire, dans certains cas, ne sont pas en mesure de dénoncer les violations en question et que les aveux obtenus sous la torture sont toujours pris en considération par les tribunaux, malgré la disposition explicite concernant l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la contrainte qui figure dans le Code de procédure pénale (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait faire en sorte a) que les victimes de la torture, en particulier celles qui sont en détention, aient aisément accès au x mécanisme s permettant de dénoncer les violations ; b) que des enquêtes indépendantes et impartiales soient effectuées sur ces allégations de torture et de traitement s inhumain s et dégradant ; et c) que les auteurs soient punis comme il convient . Les peines prononcées et les réparations accordé es aux victimes devraient être proportionnées à la gravité du crime commis.

18.Le Comité s’inquiète vivement des violations des droits de l’homme qui se seraient produites lors des émeutes sociales qui ont été déclenchées, en février 2008, par la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires, émeutes qui auraient fait plus de 100 morts et entraîné plus de 1 500 arrestations. Le Comité regrette que, plus de deux ans après les faits, les enquêtes soient toujours en cours et que l’État partien’ait pu donner un compte rendu plus complet des événements. L’explication fournie par la délégation de l’État partie, à savoir que les forces de sécurité ont fait des tirs de sommation et que les émeutiers sont morts piétinés en tentant de s’échapper, contraste avec les récits des ONG qui attribuaient les morts essentiellement à l’usage excessif de la force par les forces de sécurité. Le Comité note avec inquiétude que la délégation de l’État partie a rejeté les allégations des ONG faisant état de cas de torture et de mauvais traitements infligés aux personnes qui ont été détenues pendant les émeutes et de procédures de jugement sommaire contraires aux garanties énoncées dans le Code de procédure pénale et dans le Pacte (art. 6, 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les allégations de violation s grave s des droits de l ’ homme lors des émeutes sociales de 2008, notamment les allégations de recours excessif à la force par les forces de sécurité, de torture et de mauvais traitement s subis par les personnes détenues, et de jugement s sommaires fassent l ’ objet d ’ enquêtes adéquates et que les auteurs des violation s soient traduits en justice .

19.Le Comité note avec inquiétude que les garanties contre l’arrestation illégale et arbitraire énoncées dans le Code de procédure pénale ne sont souvent pas respectées dans la pratique, notamment la durée légale de la garde à vue, et qu’il est fréquent que les personnes inculpées ne soient pas suffisamment informées de leurs droits. Le Comité s’inquiète aussi de voir que la commission prévue à l’article 237 du Code de procédure pénale et chargée d’examiner les demandes d’indemnité pour détention arbitraire n’est toujours pas opérationnelle (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait prendre des mesures appropriées, notamment en dispensant une formation aux agents de la force publique, pour faire en sorte que les garanties énoncées dans le Code de procédure pénale soient effectivement respectées et veiller également à ce que les personnes faisant l ’ objet d ’ une détention arbitraire et illégale soient à même de dénoncer de telles violations, et se voient accorder un recours juridictionnel utile et une réparation. L ’ État partie devrait veiller à ce que la commission d ’ examen des demandes d ’ indemnité cré é e au x terme s de l ’ article 237 du Code de procédure pénale devienne opérationnelle sans plus tarder.

20.Le Comité est vivement préoccupé par les longues périodes de détention avant jugement, qui dépassent souvent les limites fixées pour cette détention à l’article 221 du Code de procédure pénale, et par le nombre élevé de personnes en détention avant jugement, qui représentent 61 % de la population carcérale totale, soit 23 196 personnes, d’après les statistiques de 2009 (art. 9).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour veiller au respect effectif du Code de procédure pénale et pour réduire la période de détention avant jugement.

21.Tout en notant les efforts de l’État partie pour améliorer les infrastructures carcérales, notamment grâce à la construction de nouvelles prisons et au «Programme d’amélioration des conditions de détention et respect des droits de l’homme» 2007-2010, mis en œuvre en coopération avec des partenaires internationaux, le Comité reste profondément préoccupé par le problème persistant d’une surpopulation extrême et de conditions totalement anormales qui règnent dans les prisons. Outre les problèmes liés à des conditions d’hygiène et de santé insuffisantes, à des rations alimentaires et une qualité de nourriture insuffisantes, à un accès insuffisant aux soins de santé, le Comité note que souvent le droit pour les femmes d’être séparées des hommes, pour les mineurs d’être séparés des adultes, et pour les prévenus d’être séparés des condamnés n’est pas garanti. Le Comité considère qu’une surveillance renforcée des conditions de détention et du traitement des prisonniers est nécessaire (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et que les conditions de détention soient conformes au Pacte et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. L ’ État partie devrait en particulier prendre des mesures pour améliorer la quantité et la qualité de la nourriture ainsi que l ’ accès aux soins de santé dans les prisons et pour faire en sorte que, dans les prisons, les femmes soient séparées des hommes, les mineurs des adultes, et les prévenus des condamnés. L ’ État partie devrait également veiller à ce que les lieux de détention soient pleine ment ouverts à des inspections indépendantes par des organes nationaux et internationaux, notamment en attribu ant à la CNDHL suffisamment de ressources pour lui permettre de s urveiller les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires .

22.Le Comité note que la loi no 2005/006 relative à l’asile et aux réfugiés, adoptée en 2005 afin de renforcer la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés conformément aux normes internationales, y compris en ce qui concerne le non-refoulement, n’entrera en vigueur qu’après adoption d’un décret d’application (art. 7 et 13).

L ’ État partie devrait adopter le décret d ’ application de la loi de 2005 relative aux réfugiés et créer les deux com m i ssions ( chargées de la détermination du statut de réfugié et des demandes des réfugiés ) qui sont prévu e s par cette loi.

23.Le Comité s’inquiète de ce que l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas pleinement assurée. En outre, le Comité s’inquiète de ce que l’article 64 du Code de procédure pénale autorise l’intervention du Ministère de la justice ou du Procureur général pour mettre un terme à la procédure pénale dans certains cas (art. 14).

L ’ État partie devrait supprimer l ’ article 64 du Code de procédure pénale et prendre d ’ autres mesures appropriées pour garanti r et protéger l ’ indépendance et l ’ impartialité d e la magistrature .

24.Le Comité demeure préoccupé par la compétence reconnue aux tribunaux militaires pour juger des civils (art. 14 et 26).

L ’ État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les procès de civils devant les tribunaux militaires soient l ’ exception et se déroulent dans des conditions offrant véritablement l ’ intégralité des garanties prévues à l ’ article 14 du Pacte.

25.Malgré les informations fournies par l’État partie selon lesquelles la liberté de la presse est absolue et aucun journaliste n’est actuellement détenu au Cameroun, le Comité reste préoccupé par le fait que des organisations nationales et internationales surveillant la liberté de la presse signalent régulièrement des cas de journalistes ou de médias qui font l’objet de brimades de la part d’agents de l’État. Le Comité réaffirme sa préoccupation concernant les dispositions du Code pénal qui érigent en infraction le fait de diffuser des fausses nouvelles et concernant les poursuites engagées, dans plusieurs cas, contre des journalistes au titre de cette disposition ou d’infractions connexes, telles que le crime de diffamation, à la suite d’articles qu’ils ont publiés (art. 19).

L ’ État partie devrait revoir sa législation et sa pratique afin que les journalistes et les médias ne fassent pas l ’ objet de brimades et de poursuites pour avoir exprimé des opinions critiques et que toute restriction aux activités de la presse et des médias soit strictement compatible avec les dispositions du paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte.

26.Le Comité s’inquiète de ce que le nombre d’ONG agréées soit si faible pour un pays de la taille du Cameroun et constate avec inquiétude que parmi les ONG reconnues ne figure aucune organisation s’occupant des droits de l’homme (art. 22).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que toute restriction à la liberté d ’ association soit strictement compatible avec les dispositions de l ’ article 22 du Pacte .

27.Tout en notant les efforts de l’État partie pour mieux faire connaître le Pacte auprès des juges et des auxiliaires de justice, et faire savoir qu’il est directement applicable en droit interne, le Comité regrette que les tribunaux camerounais n’aient invoqué les dispositions du Pacte que dans quelques affaires (art. 2).

L ’ État partie devrait poursuivre et renforcer ses efforts pour mieux faire connaître le Pacte et son applicabilité en droit interne auprès des juges et des auxiliaires de justice.

28.L’État partie devrait diffuser largement le texte de son quatrième rapport périodique, les réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points à traiter établie par le Comité et les présentes observations finales.

29.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait présenter dans un délai d’un an les informations requises sur l’évaluation de la situation et l’application des recommandations du Comité figurera aux paragraphes 8, 17 et 18 ci-dessus.

30.Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport, qui doit être présenté d’ici au 30 juillet 2013, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.