NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/AUT/CO/4/Add.214 août 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

AUTRICHE*, **

Renseignements complémentaires reçus du Gouvernement autrichien sur la suite donnée aux observations finales du Comité des droits de l ’ homme (CCPR/C/AUT/CO/4)

[22 juillet 2009]

1.Le Comité des droits de l’homme a demandé à la République d’Autriche, dans le cadre de l’examen, effectué le 19 octobre 2007, de son quatrième rapport périodique présenté au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de lui soumettre dans un délai d’un an des renseignements complémentaires sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 12, 16 et 17 des observations finales du Comité. En octobre 2008, la République d’Autriche a satisfait à cette demande et fait part de ses commentaires. Après avoir examiné ces commentaires, le Comité des droits de l’homme a demandé un nouveau complément d’information au sujet des paragraphes mentionnés ci‑dessus. La République d’Autriche soumet à ce sujet les renseignements complémentaires suivants.

Recommandations formulées au paragraphe 11

2.En ce qui concerne l’enquête indépendante et impartiale sur les cas de décès et de maltraitance de personnes sous la garde de la police, l’État partie indique que le Ministère fédéral de la justice, dans son décret daté du 15 décembre 1995 (no JMZ 430.001/30‑II 3/1995), a révisé les formulaires existants utilisés pour signaler ces cas lorsqu’une enquête judiciaire préliminaire ou une enquête préliminaire est ouverte, d’une part, sur les agents des forces de sécurité visés par les allégations de mauvais traitements et, d’autre part, sur les auteurs de ces allégations, pour diffamation. Ces signalements permettent d’établir le nombre de personnes sur lesquelles une enquête judiciaire préliminaire ou une enquête préliminaire a été effectivement menée, même si la procédure a été suspendue.

3.En outre, dans son décret daté du 30 septembre 1999 (no JMZ 880.014/37‑II 3/1999), le Ministère fédéral de la justice a demandé aux demandé aux bureaux du ministère public de faire la lumière sur les «allégations de mauvais traitements» portées contre des agents des forces de sécurité au moyen d’enquêtes judiciaires préliminaires, si nécessaire à partir d’une demande d’ouverture d’une enquête préliminaire. Cette disposition s’applique également aux cas dans lesquels − sans qu’aucune allégation spécifique n’ait été faite − il existe des éléments faisant naître un soupçon à cet égard, par exemple lors du transfèrement d’une personne accusée dans un établissement pénitentiaire, ou lors de l’audition d’un suspect par le juge d’instruction. Si des traces de blessures sont apparentes, l’avis d’un expert doit être obtenu sans délai quant à la cause possible des lésions physiques. Dans son décret daté du 21 décembre 2000 (no JMZ 880.014/48‑II 3/2000), le Ministère fédéral de la justice a demandé aux directeurs des établissements pénitentiaires de suivre une procédure appropriée en cas d’allégations de violence visant des agents des services de répression.

4.Étant donné que la réforme de la procédure pénale est devenue effective, les dispositions prévues par ces décrets doivent être révisées parce que les enquêtes judiciaires préliminaires n’existent plus. Avec l’entrée en vigueur de l’article 90 a) de la Loi constitutionnelle fédérale, les bureaux du ministère public sont devenus des institutions du système judiciaire. Cependant, cela n’empêche pas le Ministre fédéral de la justice de donner des directives pour l’instruction des affaires. Par conséquent, la loi sur le ministère public (art. 29 3) et 29a 1)) dispose expressément que toute directive de ce type doit apparaître dans le dossier de l’enquête et devient ainsi soumise au contrôle des parties prenantes à la procédure. Enfin, la loi prévoit également que tous les ans, le Ministre fédéral de la justice doit rendre compte au Parlement, à savoir le Conseil national, des directives données, ce qui exclut de fait toute influence illégale.

5.Par voie de décret du Ministère fédéral de la justice daté du 20 décembre 2007 (no BMJ‑L590.000/0040‑II 3/2007), relatif à l’exercice des pouvoirs emportant des ordres et des mesures coercitives, les responsables de l’application des lois dans le secteur judiciaire ont été informés du décret du Ministère fédéral de l’intérieur daté du 18 décembre 2007 (no IMC‑OA 1370/0001‑II/1/b/2007) concernant la documentation, l’établissement des faits et l’évaluation de l’application des mesures coercitives. Les membres des autorités de police fédérales et les membres des départements des services judiciaires qui sont habilités à exercer des pouvoirs emportant des ordres et des mesures coercitives ont donc l’obligation de documenter leurs actes officiels et d’en rendre compte lorsqu’ils prennent des mesures soumises à déclaration, en particulier l’utilisation d’armes et le recours à des mesures coercitives ayant des conséquences telles que des blessures physiques ou des dommages matériels. Pour chaque rapport de ce type, les faits de la cause doivent être établis. La règle veut que toute blessure physique soit constatée par un médecin. Les conclusions de l’enquête, établies une fois menées les investigations nécessaires, doivent être communiquées au bureau compétent du ministère public pour qu’il évalue les aspects relevant du droit pénal, en cas d’atteinte à la personne, de dommages matériels ou de danger pour la sécurité physique, allégués ou réels.

6.En ce qui concerne l’enquête et les sanctions appliquées dans l’affaire Bakary Jassay, les représentants du Gouvernement autrichien souhaitent indiquer que trois des policiers impliqués dans les faits du 31 août 2006 ont été reconnus coupables de l’infraction visée à l’article 312 1) et du premier cas envisagé à l’article 312 3) du Code pénal, et le quatrième coupable de complicité, telle que définie dans le troisième cas visé à l’article 12 du même code. Ils ont tous été condamnés, avec effet définitif et non susceptible d’appel. Les trois premiers policiers ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de huit mois, et leur complice à une peine d’emprisonnement de six mois. Toutes les peines ont été assorties du sursis et de trois ans de mise à l’épreuve.

7.Dans la procédure disciplinaire ultérieure, les policiers ont été condamnés à de lourdes amendes (cinq mois de salaire dans un cas, quatre dans deux cas et trois dans un cas), alors que le Conseiller de discipline de la Commission supérieure de discipline avait appuyé leur révocation. Le Conseiller de discipline a fait appel de cette décision auprès du Tribunal administratif, et celui‑ci l’a suspendue, conformément au point 1 du paragraphe 42 2) de la loi relative au Tribunal administratif (numéro de dossier Zl. 2007/09/0320‑14) en date du 18 septembre 2008. La Commission supérieure de discipline a donc engagé une nouvelle procédure et réexamine actuellement l’affaire. Les quatre policiers en cause sont à l’heure actuelle affectés à des postes sans contact avec le public.

8.Il n’a pas été possible, à ce jour, d’indemniser M. Bakary Jassay. Conformément à la législation autrichienne, celui‑ci a droit à une indemnisation au titre de la responsabilité administrative (loi sur la responsabilité administrative, Journal officiel fédéral no 20/1949, qui tient compte des critères d’indemnisation tels que définis à l’article 14 de la Convention contre la torture). À ce jour, M. Jassay n’a pas déposé de requête en ce sens ni par l’intermédiaire d’un avocat ni en son nom propre. Il n’a pris aucune autre initiative − par exemple, pour parvenir à un règlement non judiciaire − afin de faire valoir sa demande. Plusieurs entretiens ont eu lieu entre l’agent administratif responsable au Ministère fédéral de l’intérieur et l’avocat de M. Bakary Jassay. Le Ministère fédéral de l’intérieur ne ménage aucun effort pour exploiter toutes les possibilités susceptibles d’aboutir à un règlement approprié de l’affaire.

9.Le Ministère fédéral de l’intérieur a également tiré de ces faits des conclusions de caractère général. Une étude sur le stress a été commandée afin d’examiner l’excès de pression auquel peuvent être soumis les policiers. En outre, la procédure d’expulsion a fait l’objet d’une évaluation complète. Des avions spécialement affrétés sont utilisés de plus en plus souvent, chaque fois que l’on doit s’attendre à une résistance dans une affaire d’expulsion.

10.La formation de nouvelles équipes a été lancée afin de soulager et de remplacer les équipes d’accompagnement qui sont en service depuis des années. En outre, le Conseil consultatif des droits de l’homme est informé avant que soient effectuées les expulsions complexes ou par charter, afin que ses membres puissent participer aux discussions préparatoires de contact et/ou au transfert à l’aéroport.

11.En ce qui concerne l’introduction de mesures de formation spécifique obligatoire destinées aux policiers, aux juges et aux agents d’exécution, il convient de noter les éléments suivants:

En 2007, un module sur les droits fondamentaux a été élaboré par des représentants des milieux universitaires et des associations professionnelles, en vue d’être intégré dans la formation initiale et continue des juges et des procureurs publics. Depuis 2008, ce module est obligatoire pour tous les futurs juges et procureurs autrichiens. Il traite des droits fondamentaux dans l’activité quotidienne des tribunaux, y compris de l’interdiction de la torture, et du droit à l’éducation. Depuis 2008, les droits fondamentaux et les droits de l’homme, y compris l’égalité de traitement et la non‑discrimination, font également partie des sujets d’examen pour le recrutement des juges (art. 16 4), point 4 de la loi sur le service des juges et des procureurs).

12.En outre, le secteur judiciaire organise de nombreuses manifestations, dans le cadre de la formation continue des juges et procureurs, qui traitent des droits fondamentaux et des droits de l’homme en général, et, en particulier, de la promotion de la tolérance et de la lutte contre le racisme. Les manifestations suivantes ont été organisées depuis 2007:

Semaine des juges en 2007 sur le thème «Le système judiciaire et les droits de l’homme» (Ministère fédéral de la justice);

Séminaire intitulé «Islam − Société − Droit − Système judiciaire: introduction» (Tribunal régional supérieur d’Innsbruck);

Conférence et excursion «DENK ‑ MAL Marpe Lanefsch» (Ministère fédéral de la justice);

Séminaire intitulé «Autres pays, autres coutumes − Aspects connus et moins connus d’autres cultures; droit d’asile et protection des victimes» (Tribunal régional supérieur d’Innsbruck);

Conférence intitulée «Administrer la justice − Empêcher l’injustice» (Service chargé des droits fondamentaux et Ministère fédéral de la justice).

13.Les membres de la magistrature participent aussi régulièrement à des manifestations internationales sur le thème de la lutte contre le racisme. Ainsi, récemment, certains ont participé à la conférence de l’Association internationale des procureurs organisée en 2008 sur la question des «crimes de haine». En 2009, l’Académie Thomas Morus − en collaboration avec d’autres institutions − prévoit d’organiser une manifestation internationale sur la manière de traiter les jeunes issus de l’immigration dans les affaires de droit pénal. Les membres de la magistrature autrichienne seront dûment informés de cette manifestation.

14.Les policiers ont l’obligation de suivre une formation spéciale ayant trait aux méthodes de contrainte. Ces dernières années, la formation dispensée pour ce type d’opérations a été évaluée en continu et optimisée, notamment en ce qui concerne les aspects relatifs aux droits de l’homme. Tout au long de toute la formation, l’accent est mis sur la préservation de la dignité humaine, l’obligation d’agir sans reproche et sans préjugés et l’emploi d’un langage approprié. Les policiers sont particulièrement sensibilisés à ces questions. La référence permanente à la protection des droits de l’homme (notamment le respect de la dignité humaine, l’interdiction de la discrimination, etc.) vise à contribuer à renforcer ces valeurs et à guider les actions des policiers lorsqu’ils opèrent en situation de stress. En outre, cette formation a pour objet d’assurer l’application de la «philosophie des 3D dans les opérations» («Dialog, Deeskalation,D urchsetzen» = dialogue, désescalade, mise en œuvre) de manière proportionnée. Au cours de ces opérations, le principe de proportionnalité doit être observé et les mesures coercitives appliquées font l’objet d’une évaluation continue au regard de leur nécessité, de leur proportionnalité et des précautions à prendre dans toute la mesure possible.

15.Les rapports du Conseil consultatif des droits de l’homme, d’Amnesty International, etc., sont examinés régulièrement, en vue d’en tirer des suggestions pour la formation des policiers. Grâce à une évaluation continue, aux fins de garantir l’assurance qualité et d’optimiser la teneur des programmes, et à des activités interdisciplinaires liant tous les domaines juridiques avec les droits de l’homme, l’attention nécessaire est portée aux droits de l’homme dans tous les aspects de la formation, parallèlement à l’enseignement des aspects purement juridiques.

16.Les méthodes de contrainte sont enseignées de manière très détaillée (immobilisation poignets et chevilles ligotés ensemble derrière le dos, syndrome de l’asphyxie positionnelle, asphyxie provoquée par la contrainte). L’utilisation combinée de menottes et d’entraves aux chevilles, qui n’a jamais été et n’est actuellement prévue dans aucun règlement, est inadmissible.

Recommandations formulées au paragraphe 1 2

17.Les informations générales suivantes sont données en ce qui concerne les pratiques suivies dans les cas de grèves de la faim et/ou de la soif:

Les étrangers placés en détention en attente d’expulsion sont examinés par un médecin lors de leur admission;

Dès qu’une grève de la faim et/ou de la soif est signalée, un examen clinique quotidien est pratiqué et tous les paramètres énumérés dans le formulaire utilisé par le service médical en cas de grève de la faim (qui a été établi en coopération avec les médecins du Conseil consultatif des droits de l’homme) sont vérifiés. En outre, le contrôle quotidien du rythme cardiaque est obligatoire;

Si un détenu mène une grève de la faim ou refuse d’ingérer tout liquide, il doit être examiné immédiatement par un médecin qui détermine la perte de poids qui serait critique pour l’intéressé. En outre, le médecin doit l’informer des dangers qu’entraîne le refus d’ingérer tout solide ou liquide et de ses conséquences pour la santé, si nécessaire avec l’assistance d’un interprète et/ou d’un policier ayant les compétences linguistiques requises (voir l’ordonnance du Ministre fédéral de l’intérieur concernant la détention de personnes par les forces de sécurité et les agents du service public de sécurité, Journal officiel fédéral II no 128/1999, dans la version publiée au Journal officiel fédéral II no 439/2005, art. 10). Le détenu reçoit également une fiche d’information (disponible en 42 langues) qui lui est expliquée et dont la remise est consignée. Cette pratique est observée depuis le 28 octobre 2002. Les documents relatifs à Geoffrey Abba et à Yankuba Ceesay sont disponibles dans leurs dossiers médicaux;

Si la personne ne peut pas être placée en détention en attendant son expulsion à cause d’un problème de santé qu’elle a elle‑même provoqué, l’interdiction de séjour ou l’ordre d’expulsion deviennent exécutoires et l’expulsion est possible; le responsable de la prison du tribunal peut être prié d’admettre la personne à l’hôpital de la prison. Il convient de noter que le Ministère fédéral de l’intérieur − en élargissant le champ de la fiche d’information destinée aux détenus et en faisant participer des organisations qui s’occupent des détenus en attente d’expulsion − a fait en sorte que les personnes détenues soient informées de leur situation juridique et, en particulier, du fait qu’une grève de la faim ou des blessures auto‑infligées ne donnent plus nécessairement lieu à une remise en liberté en attendant l’expulsion.

18.En ce qui concerne l’affaire Geoffrey Abba, les renseignements ci‑après sont communiqués:

Geoffrey Joel Abba, de nationalité nigériane, né le 20 février 1976, a été arrêté aux fins d’expulsion dans le cadre d’une perquisition opérée dans un centre d’appels par des agents de la Direction de la police fédérale à Vienne (police des étrangers), parce qu’il était frappé d’une interdiction de séjour valide.

Le 30 août 2006, M. Abba a fait une grève de la faim et a perdu 15 kg; par la suite, cependant, il a repris du poids. Si la perte de poids peut sembler relativement importante, elle s’est produite au cours d’une période d’environ trente jours: on pouvait donc supposer que M. Abba avait continué à s’alimenter − même peu − pendant sa grève de la faim.

Conformément à la réglementation, les contrôles médicaux quotidiens ont été faits et leurs résultats ont été consignés (tension SD 140/103, pouls 98). M. Abba s’est vu proposer de la nourriture trois fois par jour et avait en permanence des liquides à sa disposition.

D’après l’examen pratiqué par le médecin de la police, M. Abba était dans un état de santé compatible avec la détention. Le maintien en détention dans l’attente de l’expulsion a donc été confirmé.

Le 2 octobre 2006, la police des étrangers (centre de détention de la police) a transféré M. Abba (en tant que détenu «en attente d’expulsion en grève de la faim») à l’infirmerie de la prison Josefstadt de Vienne, qui sert d’hôpital spécial. Ce transfèrement a eu lieu en application de l’arrêté conjoint du Ministère fédéral de la justice et du Ministère fédéral de l’intérieur daté du 13 décembre 2005, n° BMI‑LR1320/0020-II/3/2005, point 5 (législation et droit; législation propre; questions ayant trait à la police des étrangers concernant l’article 78 6) de la loi relative la police des étrangers), en vue de contrôler l’état de santé de M. Abba.

M. Abba a refusé toute nourriture solide, tout médicament et toute analyse de sang. Le 8 octobre 2006, il pesait 49 kg (contre 53 kg au moment de son admission). Cependant, aucune des mesures médicales coercitives, telles que définies à l’article 69 de la loi sur l’application des peines, n’a été requise jusqu’à sa sortie de la prison Josefstadt de Vienne le 10 octobre 2006, sur décision de la police des étrangers.

Avant d’être libéré, M. Abba s’est vu proposer un repas convenable; d’après la direction de la prison, il a également eu la possibilité de passer un appel téléphonique. Il a quitté la prison Josefstadt par ses propres moyens. Cependant, il a finalement dû recevoir une aide médicale d’urgence dans un hôpital public, à cause de son état de faiblesse générale.

19.À la suite de l’affaire Abba, le Ministère fédéral de l’intérieur a procédé à une refonte complète des règles du décret susmentionné relatif au traitement des détenus en attente d’expulsion en grève de la faim, notamment celles ayant trait à l’admission, à la remise en liberté, y compris l’examen obligatoire organisé par la Direction de la police fédérale à Vienne, à l’obligation d’informer les proches et au renvoi ultérieur vers un autre hôpital (aujourd’hui: décret du Ministère fédéral de l’intérieur en date du 13 décembre 2006, n° IMC‑LR 1320/0020‑II/3/2006). Le décret garantit qu’à l’avenir, les actes (réactions) appropriés seront accomplis aux urgences médicales et les notifications requises seront faites au moment de la remise en liberté et/ou de l’orientation vers un autre service.

20.En outre, le Conseil consultatif des droits de l’homme a enquêté sur l’affaire. Un rapport a été préparé d’urgence et commenté officiellement par le Ministère fédéral de l’intérieur. Aucune recommandation n’a été formulée au sujet de ces faits.

21.En ce qui concerne l’affaire Yankuba Ceesay, les renseignements ci-après sont communiqués:

Yankuba Ceesay, né le 2 mars 1987 à Latrikunda (Gambie), a été transféré de la prison de Linz au centre de détention du poste de police de Linz le 12 septembre 2005 à 8 h 40 pour être placé en détention en attendant son expulsion.

Le 27 septembre 2005, M. Ceesay a entamé une grève de la faim.

Le 4 octobre 2005, M. Ceesay a été conduit au bureau du médecin de la police par ses codétenus. Comme il refusait d’être examiné et pesé, ordre a été donné de le conduire au service ambulatoire de médecine interne de l’hôpital public général de la ville de Linz.

Le même jour, à 9 h 30, M. Ceesay a été conduit à l’hôpital, où il était prévu de lui faire une analyse de sang et de l’examiner. M. Ceesay ayant refusé la prise de sang, des mesures coercitives ont été appliquées. Aucune raison médicale ne justifiait qu’il reste plus longtemps à l’hôpital et, au moment de la visite au service ambulatoire, il n’y avait aucun signe précurseur d’une situation potentiellement létale.

En raison de son comportement au cours de l’examen, M. Ceesay a été placé dans une cellule de sécurité (cellule avec un sol en linoléum, sans mobilier) à son retour au centre de détention de la police, où son état a été contrôlé à intervalles rapprochés (quinze à trente minutes) en raison du risque qu’il se mette lui-même ou mette d’autres personnes en danger.

À 12 h 50, le policier de service a informé l’auxiliaire de santé que M. Ceesay ne semblait plus respirer. L’auxiliaire de santé s’est rendu immédiatement à la cellule de sécurité afin de vérifier les fonctions vitales. Celles-ci ayant cessé, un médecin urgentiste et le médecin de la police ont été appelés mais ils ne sont malheureusement pas parvenus à réanimer Yankuba Ceesay.

Une autopsie a été pratiquée afin de déterminer si les policiers de service avaient commis une éventuelle faute. Le rapport d’autopsie détaillé a montré que le décès de Yankuba Ceesay avait été provoqué par une perte massive d’électrolytes, résultant principalement d’une maladie non détectée, l’anémie à cellule falciforme (drépanocytose). De l’avis de l’expert, la mort, due à une disposition de santé héréditaire inconnue, n’était pas prévisible et les symptômes de la maladie n’auraient pu être décelés que si un examen de laboratoire, pour lequel il n’y avait aucune indication, avait été réalisé antérieurement. Comme aucune des personnes concernées ne pouvait être tenue responsable d’aucune faute, le parquet de Linz a mis fin à la procédure, conformément à l’article 90 1) du Code de procédure pénale (ancienne version).

22.Jusqu’à cette affaire, les centres de détention de la police n’avait aucune expérience des effets de la drépanocytose sur la santé dans le contexte d’une grève de la faim.

23.Après ces faits regrettables, tous les services médicaux de la police ont été informés immédiatement, et des ordres ont été donnés en vue de compléter l’examen des personnes potentiellement à risque. L’examen médical déjà complet effectué par les médecins de la police lors de l’admission a été étendu afin que, lorsqu’une personne originaire d’un pays où la drépanocytose est endémique mène une grève de la faim et, en particulier, de la soif, une analyse de sang complète soit effectuée au lieu d’un simple hématocrite.

24.L’affaire Ceesay a également été examinée par le Conseil consultatif des droits de l’homme. Cette étude a donné lieu à un rapport détaillé intitulé «Prestation de services médicaux pendant la détention des étrangers en attente d’expulsion», contenant huit recommandations, qui peut être consulté à l’adresse suivante: http://www.menschenrechtsbeirat.at/cms/. Compte tenu des conclusions de ce rapport, un groupe de travail a été créé au Ministère fédéral de l’intérieur. Ce groupe de travail a notamment élaboré un nouvel ensemble de principes juridiques relatifs à la prestation de services médicaux, qui a été présenté lors d’une conférence organisée à l’intention de tous les médecins membres de la police ou vacataires. Les formulaires pertinents ont été adaptés en conséquence. Ils peuvent être téléchargés à partir du fichier «dossier de détention – mise en œuvre et administration» (Anhaltedatei-Vollzugsverwaltung). Les contrôles pratiqués par des spécialistes conformément aux règlements de service ont été renforcés par des visites effectuées par des médecins chevronnés et des membres du département de gestion. Des échanges soutenus ont eu lieu et se poursuivent sur ce sujet avec le Conseil consultatif des droits de l’homme. En outre, un outil destiné aux auxiliaires de santé, élaboré en collaboration avec des médecins, a été intégré dans le dossier de détention.

Recommandations formulées au paragraphe 16

25.Un élément essentiel de la réforme du Code de procédure pénale, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, est l’amélioration de la situation juridique des personnes accusées et de leurs droits à la défense et à la participation. Conformément à l’article 7 1) du Code de procédure pénale, les accusés ont le droit d’être assistés de leur avocat à tous les stades de la procédure, qu’ils soient ou non détenus. Conformément à l’article 58 1), un accusé peut prendre contact avec son avocat dès le début de la procédure d’enquête, lui donner une procuration et discuter de son affaire avec lui avant d’être interrogé.

26.La police judiciaire doit permettre à la personne arrêtée de prendre contact avec un avocat. Dès le début de leur formation, les policiers reçoivent un enseignement spécial au sujet des informations qui doivent être données aux personnes lors de leur arrestation. Les personnes arrêtées reçoivent également une brochure à ce sujet (disponible en 48 langues). En outre, la police judiciaire doit indiquer à toute personne arrêtée et accusée quels avocats sont d’astreinte et, outre la «Fiche d’information pour les personnes arrêtées», doit lui remettre la «Liste des avocats d’astreinte» (dans la version linguistique appropriée). Si nécessaire, un interprète doit être appelé.

27.Si la personne placée en détention demande un avocat de son choix ou un avocat d’astreinte, elle doit être autorisée à téléphoner à l’avocat choisi ou à la permanence du service des avocats d’astreinte. Si les circonstances l’exigent (par exemple, pour des raisons linguistiques), l’appel téléphonique peut également être passé par un membre de la police judiciaire ou par un interprète, le cas échéant.

28.La décision de la personne placée en détention de prendre contact ou de faire prendre contact avec un avocat par l’intermédiaire du service des avocats d’astreinte, ou sa décision de prendre contact directement avec un avocat au poste de police judiciaire, ainsi que tout refus de se prévaloir de ces droits, ou éventuellement tout contact établi avec un avocat, doivent être consignés dans le fichier Rapport d’arrestation II (point 2 de la fiche d’information). Il doit également être dûment signalé que la fiche d’information sur les avocats d’astreinte a été remise à la personne placée en détention.

29.Conformément à l’article 59 1) du Code de procédure pénale, les entretiens entre la personne placée en détention et son avocat peuvent être surveillés par un policier avant que la personne soit admise en prison; ils peuvent également être limités au temps nécessaire pour fournir des conseils juridiques généraux, uniquement lorsque c’est indispensable pour empêcher toute entrave à l’enquête ou altération des éléments de preuve. Cette restriction des contacts entre l’avocat et la personne placée en détention n’est donc possible que dans des cas particulièrement justifiés, et seulement pendant un laps de temps relativement court, c’est-à-dire deux jours au maximum.

30.Conformément à l’article 59 2) du Code de procédure pénale, la règle veut que la personne placée en détention ait le droit de s’entretenir avec son avocat sans être surveillée. Toutefois, si elle est détenue pour collusion ou conspiration, et s’il est à craindre, en raison de circonstances particulièrement importantes, que les échanges avec l’avocat entraînent une altération des éléments de preuve, le bureau du Procureur général peut ordonner que ces échanges soient surveillés. Avant d’écrouer la personne accusée, la police judiciaire a le droit de prendre une ordonnance à cet effet. La surveillance doit être exercée sans dissimulation et prendre fin deux mois après la date de l’arrestation ou au moment de l’inculpation.

31.En outre, conformément à l’article 164 2) du Code de procédure pénale, la règle veut que la personne accusée ait le droit de faire appel à un avocat pendant son interrogatoire. Cependant, cette règle peut être suspendue chaque fois que c’est nécessaire pour éviter tout risque d’entrave à l’enquête ou toute altération des éléments de preuve. Dans ce cas, un enregistrement audio ou vidéo doit être fait, dans la mesure du possible. On peut déduire des dispositions citées que les restrictions concernant le principe prévu à l’article 7 du Code de procédure pénale, comme l’exige la Cour européenne des droits de l’homme, ne sont acceptables que si elles sont justifiées par des motifs valables. En outre, les caractéristiques de chaque affaire doivent également être prises en considération. Les principales raisons de limiter les contacts avec un avocat sont notamment le fait que l’accusé est soupçonné d’appartenir à une organisation criminelle dont les autres membres n’ont pas encore été interrogés. L’accusé ayant le droit, conformément à l’article 106 1) du Code de procédure pénale, de s’opposer à la violation d’un droit fondamental ou au fait d’être privé de droits procéduraux par la police judiciaire ou le ministère public au cours de l’enquête, un tribunal contrôle la légalité des actes de la police judiciaire ou du parquet.

32.La restriction éventuelle des contacts avec l’avocat n’est donc pas laissée à la discrétion des agents, car il existe des prescriptions obligatoires clairement définies dont des tribunaux indépendants s’assurent qu’elles sont respectées.

Recommandations formulées au paragraphe 17

33.Le placement en détention des étrangers en attente d’expulsion est toujours effectué dans les centres de détention des autorités de police fédérales.

34.Le système de détention de la police est soumis à des exigences très élevées, en particulier en ce qui concerne le placement en détention des étrangers en attente d’expulsion. Ces dernières années, des efforts considérables ont été consentis afin d’améliorer de façon décisive les conditions de détention. En particulier, des normes appropriées ont été élaborées afin que tout placement en détention des étrangers en attente d’expulsion serve strictement l’objectif de la détention préventive et n’ait pas un caractère pénal.

35.Il faut indiquer, en particulier, que la mise en œuvre du projet des «unités ouvertes» et/ou l’«ouverture des portes des cellules/salles de détention» se poursuit. Une «unité ouverte» est une section de bâtiment distincte, homogène et close dans un centre de détention de la police, destinée à accueillir les personnes détenues en attente d’expulsion dans un environnement amélioré et plus humain.

36.Le Ministère fédéral de l’intérieur et les divers services qui lui sont subordonnés n’épargnent aucun effort pour continuer à améliorer efficacement les conditions de détention, compte tenu des ressources humaines, financières et techniques disponibles. Ainsi, de 2006 à 2008, le Ministère fédéral de l’intérieur a consacré 1 045 000 euros à la seule amélioration des bâtiments dans les centres de détention de la police autrichienne. Les conditions de détention ont été considérablement améliorées par la mise en place de plusieurs «unités ouvertes» (centres de détention de la police de Linz, Salzbourg, Innsbruck, Bludenz, Graz, Eisenstadt, Klagenfurt, Villach, Wels, et Vienne/Section des femmes).

37.Une «unité ouverte» qui pourra accueillir 50 hommes détenus en attente d’expulsion est en cours de construction au centre de détention de la police Hernalser Gürtel à Vienne. Les travaux seront achevés en juin 2009 (coût: 150 000 euros environ).

38.Il faut souligner en particulier qu’il est prévu, afin de satisfaire au mieux aux normes et directives nationales et internationales, de créer un centre moderne destiné aux ressortissants de pays tiers qui doivent être renvoyés dans leurs pays d’origine respectifs et sont placés en détention sous la responsabilité de la police des étrangers.

39.Le placement en détention des étrangers en attente d’expulsion est une mesure préventive et très délicate qui n’est utilisée qu’en dernier recours. Il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême que cette mesure − en particulier eu égard au Règlement Dublin II − n’est acceptable que lorsqu’elle est réellement nécessaire, dans certains cas très particuliers.

40.Après l’entrée en vigueur en 2005 du paquet législatif relatif aux étrangers, les statistiques et leur évolution font apparaître une tendance nette à la baisse − après une tendance initiale à la hausse.

41.Le Comité trouvera dans l’annexe ci-jointe une comparaison concernant les ordonnances de placement en détention des étrangers en attente d’expulsion, les expulsions et le retour volontaire dans les pays d’origine respectifs.

42.La durée du placement en détention des étrangers en attente d’expulsion a été de 24,14 jours en moyenne en 2008 (la durée médiane du placement en détention des étrangers en attente d’expulsion est de onze jours, en d’autres termes, la moitié des placements en détention durent onze jours au maximum et l’autre moitié plus de onze jours).

43.En ce qui concerne l’accès des détenus en attente d’expulsion à une aide juridique qualifiée, l’accès à une aide juridique gratuite n’est pas assuré à l’heure actuelle (la possibilité de consulter un représentant juridique est prévue par les règlements relatifs à la détention). Seuls les détenus en attente d’expulsion qui chargent un tiers de les représenter bénéficient de conseils juridiques. Ceux qui demandent l’asile en Autriche bénéficient dans tous les cas de conseils juridiques et/ou d’une représentation gratuits dans le cadre de la procédure d’asile.

44.Le meilleur niveau possible d’information juridique sera assuré à l’avenir, compte tenu de l’obligation d’informer systématiquement les personnes concernées de leurs droits et obligations, ainsi que des règlements internes. Si le ressortissant concerné d’un pays tiers souhaite attaquer la décision liée au retour dans son pays d’origine, il peut obtenir un conseil juridique, une représentation juridique et une assistance linguistique, conformément à l’article 13 de la Directive européenne relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (2008/115/CE du 16 décembre 2008, JO n° L 348/98 du 24 décembre 2008). Les ressortissants de pays tiers qui en font la demande doivent bénéficier gratuitement de l’assistance juridique et/ou de la représentation nécessaires, conformément aux dispositions légales pertinentes ou aux dispositions de chacun des États relatives à l’assistance concernant les coûts de procédure. Avec la mise en œuvre de cette directive de l’Union européenne, les garanties de protection juridique seront renforcées et l’accès à une représentation juridique gratuite sera facilité.

45.En outre, à propos de la protection juridique et du conseil juridique pendant la détention des étrangers en attente d’expulsion, il faut mentionner le «Groupe de travail sur la protection juridique», créé et dirigé par le Conseil consultatif des droits de l’homme. Ce groupe de travail, composé d’experts et de praticiens des droits de l’homme, a élaboré des recommandations et a publié un rapport. Ces recommandations seront examinées de plus près afin de leur donner effet dans le contexte de la mise en œuvre imminente de la Directive européenne relative au retour dans le pays d’origine.

46.À ce propos, il faut également mentionner, en particulier, la préparation au retour, qui est dispensée à titre volontaire (sur la base d’accords d’incitation) par des organismes d’aide privés (un organisme par centre de détention de la police). Elle prévoit notamment que l’intéressé soit informé des faits et des circonstances juridiques et elle contribue d’une manière générale à l’exécution des mesures prises conformément aux normes du droit des étrangers. Elle garantit également que les membres du personnel des organismes qui préparent les détenus à leur retour informent leurs clients des procédures en cours et de la possibilité d’un retour volontaire. Cependant, l’accord d’incitation ne couvre pas le conseil juridique et/ou la représentation des détenus en attente d’expulsion.

47.La prise en charge médicale des détenus en attente d’expulsion doit être garantie par le Ministère fédéral de l’intérieur. Un ou plusieurs médecins généralistes sont disponibles pour des durées variables dans chaque centre de détention de la police, en fonction de la taille de celui-ci. Des psychiatres ont été engagés par contrat pour dispenser des traitements ambulatoires d’urgence aux patients. Un médecin de la police effectue une visite quotidienne dans les centres de détention de la police.

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