Nations Unies

CAT/C/BFA/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 décembre 2019

Original : français

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapportpériodique du Burkina Faso *

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Burkina Faso (CAT/C/BFA/2) à ses 1788e et 1791e séances (voir CAT/C/SR.1788 et 1791), et a adopté les présentes observations finales à sa 1810e séance, le 28 novembre 2019.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique de l’État partie. Le Comité remercie également l’État partie pour ses réponses à la liste de points (CAT/C/BFA/Q/2/Add.1), bien que soumises tardivement.

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multidisciplinaire de l’État partie et remercie cette dernière pour les réponses et compléments d’information apportés.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de la ratification, par l’État partie, de la quasi-totalité des instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’aux protocoles facultatifs s’y rapportant.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives, administratives et institutionnelles suivantes mises en place par l’État partie pour donner effet à la Convention, notamment l’adoption de :

a)La loi no 040-2019/AN du 29 mai 2019 portant code de procédure pénale ;

b)La loi no 025-2018/AN du 31mai 2018 portant code pénal ;

c) L’abolition de la peine de mort, en l’excluant de l’arsenal des peines du Code pénal de 2018 ;

d)La loi no 022-2014/AN du 27 mai 2014 portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées ;

e)La loi no 001-2016/AN du 24 mars 2016 portant création d’une commission nationale des droits humains, et arrimant le mécanisme national de prévention de la torture à cette dernière ;

f)La loi no 010-2017/AN du 10 avril 2017 portant régime pénitentiaire au Burkina Faso ;

g)La loi no 039-2017/AN du 27 juin 2017 portant protection des défenseurs des droits humains au Burkina Faso ;

h)La loi organique no 050-2015/CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature ;

i)La loi no 061-2015/CNT du 6 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes ;

j)La Loi constitutionnelle no 072-2015/CNT du 5 novembre 2015 portant révision de la Constitution, qui ouvre la saisine du Conseil constitutionnel aux citoyens ;

k)La loi no 081-2015/CNT du 24 novembre 2015 portant statut général de la fonction publique d’État, qui permet aux agents publics de désobéir à un ordre d’un supérieur hiérarchique lorsque l’ordre est étranger aux missions du service ou manifestement illégal ou lorsque son exécution constitue une infraction pénale ;

l)Le programme national de lutte contre le travail des enfants dans les sites d’orpaillage et carrières artisanales au Burkina Faso (2015-2019) ;

m)La loi no 074-2015/CNT du 6 novembre 2015 portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement du Haut-Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale ;

n)La loi no 015-2014/AN du 13 mai 2014 portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger ;

o)La loi no 011-2014/AN du 17 avril 2014 portant répression de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants ;

p)La stratégie nationale de prévention et d’élimination du mariage d’enfants (2016-2025) ; et

q)Le plan stratégique national pour la promotion de l’élimination des mutilations génitales féminines au Burkina Faso 2016-2020.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions soulevées lors du précédent cycle de présentation de rapports appelant un suivi

6.Dans ses précédentes observations finales (CAT/C/BFA/CO/1, par. 31), le Comité a prié l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations suivantes : a) la mise en place de garanties juridiques pour les personnes détenues ou le renforcement des garanties existantes ; b) la conduite rapide d’enquêtes impartiales et effectives ; et c) les poursuites engagées contre les suspects et les sanctions prises contre les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements, recommandations formulées aux paragraphes 10, 11, 12 et 18 dudit document. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni ces renseignements malgré la lettre de rappel qui lui a été adressée le 8 décembre 2014 par le Rapporteur chargé du suivi des observations finales. Il considère que les recommandations formulées aux paragraphes 10, 11, 12 et 18 de ses précédentes observations finales n’ont pas encore été pleinement appliquées. Ces points sont traités aux paragraphes 10, 14, 16 et 28 du présent document.

Définition et incrimination de la torture

7.Tout en rappelant ses précédentes observations finales (par. 8), le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 025-2018/AN portant code pénal et de la loi no 022‑2014/AN portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées, qui retiennent une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, en font une incrimination autonome et prévoient des peines proportionnées à la gravité de ces actes. Le Comité relève toutefois avec préoccupation que l’imprescriptibilité de l’action publique et de la peine n’est prévue qu’en cas de torture pratiquée en exécution d’un génocide ou d’un crime contre l’humanité (article 317 du Code pénal) (art. 1er et 4).

8. Le Comité invite l’ État partie à a dopter les dispositions nécessaires, au sein du Code pénal et de la loi n o 022-2014/AN , pour prévoir explicitement l’imprescriptibilité du crime de torture.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité a pris connaissance avec satisfaction du nouveau Code de procédure pénale, qui consacre un certain nombre de garanties fondamentales, notamment le droit des détenus d’être informés de leurs droits et d’être assistés par un avocat au stade de l’enquête policière, et qui institue le contrôle de la garde à vue par une instance judiciaire. Cependant, le Comité regrette l’absence de disposition expresse consacrant le droit des détenus à être examinés sans condition par un médecin indépendant ou de leur choix, un tel examen étant soumis à la discrétion du procureur. Le Comité s’inquiète également des durées excessives de garde à vue, soixante-douze heures prorogeables pour un nouveau délai de quarante-huit heures sur autorisation du procureur pour les infractions de droit commun (article 252-4 du Code de procédure pénale) et de ce que les délais de garde à vue puissent être prolongés jusqu’à cent vingt heures sur autorisation du procureur ou du juge d’instruction (article 251-22 du Code de procédure pénale). Il relève en outre que malgré les recommandations qu’il a formulées dans ses précédentes observations finales, le délai maximal de quinze jours, prolongeable de dix jours, perdure pour les infractions relevant notamment du terrorisme ou du grand banditisme (loi no 017-2009/AN du 5 mai 2009 et article 515-15 du Code de procédure pénale). Cela est d’autant plus problématique qu’une telle prolongation est assortie de garanties fondamentales limitées, la présence du gardé à vue devant une autorité judiciaire n’étant pas requise. Enfin, le Comité s’inquiète du non‑respect, en pratique, des garanties juridiques fondamentales lors de l’arrestation et de la détention (art. 2).

10. Réitérant ses précédentes observati ons finales (par. 11 ), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D’i nclure dans le Code de procédure pénale le droit de bénéficier sans condition d’ un examen médical en toute confidentialité, effectué par du personnel médical qualifié dès l’ arrivée dans un poste de police , un centre de détention ou une prison , et d ’ avoir accès à un médecin indépendant ou de son choix sur demande  ; et

b) De r éduire la durée maximale de garde à vue , en veillant à ce que son renouvellement soit circonscrit à des circonstances exceptionnelles dûment justifiées et respecte les principes de nécessité et de proportionnalité , et en garantissant un contrôle judiciaire de la légalité de la détention.

Détention préventive

11.Tout en notant les garanties introduites par le Code de procédure pénale, qui limitent la détention provisoire à deux ans maximum en matière délictuelle, quatre ans en matière criminelle, et instituent un contrôle judiciaire (articles 261-79 et suivants du Code de procédure pénale), le Comité est préoccupé à la lecture d’informations selon lesquelles le recours à la détention préventive est systématique. Il s’inquiète en particulier du fait que des individus interpellés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme seraient exposés à de longues périodes de détention préventive avant d’être présentés devant un juge. Ainsi, plus de 700 personnes seraient détenues pour suspicion de commission d’acte de terrorisme depuis 2016, en attente de jugement. Le Comité est également préoccupé qu’il ne soit pas fait suffisamment recours à des mesures de substitution à la détention provisoire (art. 2).

12. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller au contrôle effectif de la pratique de la détention préventive, en s ’ assurant que celle-ci respecte les dispositions fixant sa durée maximale, qu ’ elle soit aussi brève que possible, exceptionnelle, et nécessaire et proportionnelle  ;

b) Promouvoir activement, au sein des parquets et auprès des juges, le recours à des mesures de substitution à la détention provisoire, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo)  ;

c) Réviser tous les dossiers des détenus en détention préventive et libérer immédiatement tous ceux qui auraient déjà passé en détention plus de temps que ne le justifierait la peine de prison maximale dont est passible l ’ inf raction qui leur est reprochée  ; et

d) Accélérer le jugement des dossi ers de terrorisme et, pour ce faire, doter le pôle antiterroriste de s moyens humains, ma tériels et financiers nécessaires à l’instruction et au jugement des affaires dans des délais raisonnables .

Allégations de torture et de mauvais traitements, enquêtes et poursuites

13.Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption de l’article 10 de la loi no 022‑2014/AN, qui dispose que « [t]oute déclaration obtenue par suite de torture ou de pratiques assimilées ne peut être utilisée comme un élément de preuve dans une procédure, sauf pour établir la responsabilité de l’auteur de l’infraction », le Comité demeure préoccupé par des allégations de torture et de mauvais traitements d’individus par des agents de police ou de gendarmerie lors de l’arrestation, le transport, la garde à vue et l’interrogatoire dans le but de leur extorquer des aveux. Le Comité relève en outre avec préoccupation que l’obligation d’enquêter en présence de motifs suffisants permettant de penser qu’un acte de torture a été commis ne s’étend pas aux allégations de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, pourtant réprimés par la loi no 022‑2014/AN. Ce faisant, l’article 16 n’a pas été incorporé dans la législation de l’État partie. Le Comité s’inquiète enfin de l’absence de poursuites judiciaires engagées à la suite des multiples allégations d’exactions, de torture et de mauvais traitements et d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre lors de l’insurrection populaire de 2014, du putsch manqué de 2015 et des événements de Yirgou de janvier 2019, qui ont fait plusieurs morts et des centaines de déplacés. Il déplore à ce sujet l’absence de mise en œuvre des recommandations émanant de la Commission nationale des droits humains, suite à l’enquête menée conjointement avec le Haut-Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

14.Réitérant les recommandations qu ’ il a formulées dans ses précédentes observations finales (par. 10), le Comité enjoint à l ’ État partie de réaffirmer clairement l ’ interdiction absolue de la torture, en condamnant publiquement sa pratique et en vulgarisant et diffusant le contenu de la l oi n o 022-2014/AN et du Code pénal de 2018. L ’ État partie devrait de plus  :

a) Veiller à ce que les autorités compétentes ouvrent systématiquement une enquête chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture a été commis , et à ce que les suspects soient dûment traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes  ;

b) Accélérer les enquêtes ouvertes sur les troubles sociopolitiques de 2014 et 2015 et finaliser promptement l ’ enquête sur les exactions commises à Yirgou en janvier 2019, en prévoyant un mécanisme d ’ assistance judiciaire au profit des victimes ainsi qu ’ un mécanisme de protection des témoins et des victimes  ;

c) Mettre en place un mécanisme de plaintes indépendant, efficace, confidentiel et accessible aux victimes dans tous les lieux de garde à vue et dans les prisons, et faire en sorte que plaignants et victimes soient protégés contre toutes représailles  ;

d) Compiler et diffuser des données statistiques actualisées sur les plaintes déposées, les enquêtes menées , les poursuites intentées et les condamnations prononcées dans les affaires de torture  ; et

e) Modifier la loi n o 022-2014/AN , de façon à ce qu’elle prévoi e une obligation pour les autorités compétentes d’enquêter chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été commis sur tout territoire sous leur juridiction.

Impunité

15.Le Comité est vivement préoccupé du fait que la loi no 026-2018/AN du 1er juin 2018 portant réglementation générale du renseignement au Burkina Faso prévoit, en son article 18, que « [s]ont exemptés de peine, les agents de renseignement qui, dans le cadre de leurs missions, commettent des infractions qui sont absolument nécessaires afin d’assurer l’efficacité de la mission ou de garantir leur propre sécurité ou celle d’autres personnes liées à l’accomplissement de cette mission ». Le Comité est d’avis que cette disposition vague pourrait non seulement favoriser des abus, mais également promouvoir l’impunité en accordant une immunité à des agents de renseignement qui commettraient des actes de torture ou des mauvais traitements (art. 2, 4, 12 et 13).

16. L ’ É tat partie devrait veiller à ce qu ’ aucune immunité ne soit accordée à des agents de renseignement ayant commis des actes de torture ou de s mauvais traitement s .

Agissements de groupes armés non étatiques

17.Le Comité exprime sa vive préoccupation quant aux agissements des milices d’autodéfense connues sous le nom de « Koglweogo », dont certains membres procéderaient à des arrestations et détentions illégales, à des meurtres, à des actes de torture et à des mauvais traitements. Le Comité relève avec préoccupation que, tout en les subordonnant aux forces de police, le décret no 2016-1052 portant définition des modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité consacre formellement la participation de ces groupes « d’autodéfense » à l’effort de lutte contre l’insécurité, en leur conférant un rôle de veille sécuritaire, de renseignement et même d’interpellation. Le Comité est d’avis que, ce faisant, ces groupes armés agissent comme agents de facto de l’État (art. 2, 12 et 16).

18. Rappelant son observation générale n o 2 (2007) sur l ’ application de l ’ article 2, dans laquelle il a établi que la responsabilité internationale des É tats est engagée par les actes ou les omissions de leurs fonctionnaires et de leurs agents, ainsi que de toute personne agissant à titre officiel, au nom de l ’ É tat ou en liaison avec celui-ci, sous sa direction ou son contrôle, ou encore au nom de la loi, le Comité exhorte l ’ É tat partie à  :

a) Cesser de déléguer les prérogatives régaliennes qui lui incombent exclusivement et d ’ encourager ou soutenir des groupes armés non étatiques à mener des missions de maintien de la sécurité  ;

b) Établir un mécanisme de recensement et de surveillance des agissements des Koglweogo  ;

c) Renforcer la présence et les effectifs des forces de défense et de sécurité nationales comme nécessaire  ; et

d) Continuer de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs présumés d ’ exactions, de tortures et de mauvais traitements, et, s ’ ils sont reconnus coupables, les condamner à des sanctions appropriées, en accordant des réparations aux victimes.

Lutte contre le terrorisme et le grand banditisme

19. Tout en notant avec préoccupation la recrudescence d’attaques terroristes perpétrées sur le territoire de l’État partie, notamment dans la région du Sahel, le Comité s’inquiète d’informations selon lesquelles des unités spécialisées dans la lutte antiterroriste opérant librement dans le cadre de l’état d’urgence prévalant dans 14 provinces du pays, tel le Groupement des forces antiterroristes, procéderaient, lors de vastes opérations de ratissage, à des arrestations arbitraires et à des actes de torture pour punir des présumés terroristes, leurs complices ou des membres de leur famille, et pour leur extorquer des aveux (art. 2, 11, 12 et 16).

20. L ’ État partie devrait faire en sorte que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme , ainsi que sa législation, soient conformes à l ’ interdiction énoncée dans la Convention, et veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements de personnes accusées de partici pation à des actes terroristes ou de grand banditisme fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes impartiales et efficaces, et que leurs auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés.

Conditions de détention

21.Tout en accueillant favorablement l’adoption de la loi no 10-2017/AN portant régime pénitentiaire au Burkina Faso, qui intègre l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), le Comité demeure vivement préoccupé par la persistance de conditions de détention assimilables à des mauvais traitements dans la majorité des lieux de détention du pays. Il s’inquiète notamment des conditions d’hygiène déplorables, de l’insalubrité et du manque de nourriture adéquate, ainsi que du manque de soins qui prévalent tant dans les maisons d’arrêt et de correction que dans les cellules de garde à vue des brigades de gendarmerie et des commissariats de police. Le Comité déplore également l’absence de séparation effective entre catégories de détenus et la surpopulation carcérale alarmante, proche de 400 %, qui prévaut dans les maisons d’arrêt et de correction de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Il s’inquiète en outre des conditions de détention des femmes au sein de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, accompagnées de nourrissons et de jeunes enfants. Enfin, le Comité est vivement préoccupé par le décès de 11 détenus gardés à vue dans la nuit du 14 au 15 juillet 2019 dans les locaux de l’Unité antidrogue de Ouagadougou, dans des circonstances qui restent à déterminer (art. 2, 11 et 16).

22.Le Comité e xhorte l ’ É tat partie à finaliser rapidement l ’ enquête ouverte le 15 juillet 2019 par le Procureur du Burkina Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, afin de déterminer les responsabilités et de punir les personnes responsables du décès des 11 gardés à vue de l ’ Unité ant i drogue. Réitérant la recommandation qu ’ il a formulée dans ses précédente s observations finales (par. 19), le Comité e xhorte de plus l’ État partie à prendre toutes les mesures qui s ’ imposent afin de rendre les conditions de détention de l’ensemble de ses lieux de privation de liberté conformes en pratique aux R ègles Nelson Mandela et notamment  :

a) À a llouer à la politique de réforme pénitentiaire un budget adéquat et à a méliorer les conditions matérielles de détention , en veillant à ce que les détenus aient accès à une alimentation adéquate et suffisante, à des soins de santé adéquats, ainsi qu’ à des conditions sanitaires décentes  ;

b) À fermer la maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso, construite en 1947, dont la réhabilitation ne peut être envisagée, malgré les travaux engagés  ;

c) À r edoubler d ’ efforts pour réduire la surpopulation carcérale, principalement par l ’ application effective des mesures de substitution à la détention existantes, telles que la remise de peine , le contrôle judiciaire et le travail d’intérêt général  ;

d ) À g arantir la séparation des détenus provisoires et des condamnés et à veiller à ce que les uns et les autres reçoivent un traitement conforme à leur statut juridique  ;

e) À r enforcer le contrôle judiciaire des conditions de détention  ;

f) À adopter des mesures efficaces de prévention des décès en détention, ainsi que des mesures visant la protection maternelle et infantile en détention  ; et

g) À garantir à la Commission nationale des droits humains, aux organisatio ns non gouvernementales et au futur mécanisme national de prévention de la torture, le libre accès à tous les lieux de détention, y compris par de s visites inopinées et d es entretiens privés avec les détenus.

Commission nationale des droits humains

23.Tout en accueillant avec satisfaction les efforts consentis pour établir la Commission nationale des droits humains, notamment la désignation de ses membres, la conduite de quelques visites de lieux de privation de liberté et l’accroissement de son autonomie financière, le Comité regrette que cette institution ne soit pas pleinement opérationnelle et qu’elle n’ait toujours pas obtenu d’accréditation auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, malgré la recommandation du Comité à cet effet. Relevant enfin l’information selon laquelle la Commission nationale des droits humains n’aurait reçu aucune allégation de torture ou de mauvais traitement depuis les précédentes observations finales du Comité, ce dernier s’interroge sur l’effectivité et la publicité du mécanisme de plainte de la Commission, ainsi que sur la protection des victimes et de leurs proches contre des représailles (art. 2).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Poursuivre ses efforts en vue de g arantir la pleine indépendance des membres de la Commission nationale des droits humains , d ’ un point de vue personnel et institutionnel , en dotant cet organisme des ressources humaines et matérielles suffisantes et prévisibles lui permettant de remplir pleinement ses fonctions d ’ institution nationale et de mécanisme national de prévention de la torture de manière indép endante, impartiale et efficace  ;

b) D emander l ’ accréditation de la Commission nationale des droits humains auprès de l ’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme  ;

c ) Sensibiliser le public au mécanisme de plainte de la Commission nationale des droits humains en recourant à la publicité, à l ’ information et à l ’ éducation  ; et

d) Doter la Commission nationale des droits humains de mécanismes et de procédures visant à protéger efficacement les témoins et les victimes de violations des droits de l ’ homme, y compris de torture, et à garantir ainsi qu ’ en aucun cas ils ne subissent de mauvais traitement s ou ne fassent l’objet de manœuvres d’intimidation pour avoir porté plainte ou témoigné.

Mécanisme national de prévention de la torture

25.Tout en prenant note du fait que le Gouvernement étudie actuellement un avant‑projet de loi consacrant un mécanisme national de prévention de la torture qui soit adossé à la Commission nationale des droits humains, le Comité regrette que depuis son adhésion en 2010 au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et la visite en 2017 du Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’État partie n’ait toujours pas établi de tel mécanisme (art. 2 et 11).

26. L ’ É tat partie devrait accélérer le pro cessus de mise en place du mécanisme national de prévention de la torture et veiller à ce que cette institution dispose d ’ un mandat de prévention fidèle au Protocole facultatif et bénéficie de l ’ indépendance, du personnel, des ressources et du budget nécessaire s pour s ’ acquitter efficacement de son mandat.

Réparation

27.Le Comité accueille favorablement l’article 518-6 alinéa 3 du Code de procédure pénale, qui dispose que nonobstant toutes poursuites pénales, l’État a l’obligation d’accorder réparation aux victimes, ainsi que les indemnisations consenties par l’État partie aux victimes de l’insurrection populaire de 2014 et du putsch manqué de 2015, mais regrette qu’il n’existe pas de programme spécifique de réadaptation dédié aux victimes de torture, qui intègre l’ensemble des modalités de réparation envisagées par l’article 14 de la Convention (art. 14).

28.L ’ É tat partie devrait :

a) P rendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir que les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements aient accès à des recours utiles et puissent obtenir réparation, y compris dans les cas où l ’ auteur n ’ aurait pas été identifié  ;

b) É valuer pleinement les besoins des victimes et faire en sorte que des services spécialisés de réadaptation soient rapidement disponibles  ; et

c) Fournir des informations détaillées sur les cas où d es victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements ont eu accès à des recours utiles et obtenu réparation, et en informer le Comité lors de la soumission de son prochain rapport périodique.

Procédure de suivi

29.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 6 décembre 2020 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant les Koglweogo, les conditions de détention et le mécanisme national de prévention de la torture (voir par. 18 a), 22 a) et 26 ci-dessus). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il compte prendre pour mettre en œuvre, d’ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

30.Le Comité invite l’État partie à étudier la possibilité de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie et accueille favorablement son engagement à fournir rapidement des réponses aux recommandations du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, suite à sa mission au Burkina Faso du 3 au 9 décembre 2017.

31.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité de ses activités de diffusion.

32.Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 6 décembre 2023 au plus tard. À cette fin, il invite l’État partie à accepter d’ici au6décembre 2020 la procédure simplifiée d’établissement des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité communique à l’État partie une liste de points avant que celui‑ci ne soumette le rapport attendu. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le troisième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.