Nations Unies

CED/C/ARM/CO/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. : générale

23 juin 2016

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par l’Arménie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Renseignements reçus de l’Arménie au sujet de la suite donnée aux observations finales * , **

[Date de réception : 17 juin 2016]

I.Définition de la disparition forcée

Paragraphe 12 . Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la réforme du Code pénal soit pleinement conforme aux obligations découlant de la Convention, en procédant à tous les changements nécessaires pour se conformer aux dispositions de la Convention. L’État partie devrait en particulier définir la disparition forcée comme une infraction autonome conformément à la définition figurant à l’article 2 de la Convention et veiller à ce que cette infraction soit passible de peines appropriées qui tiennent compte de son extrême gravité. Le Comité invite l’État partie, lorsqu’il fera de la disparition forcée une infraction autonome, à prévoir des circonstances atténuantes et aggrava ntes conformément au paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention. Il recommande aussi à l’État partie de veiller à ce que les circonstances atténuantes ne donnent en aucun cas lieu à l’absence de sanction appropriée .

1.Afin de mettre en œuvre l’ordonnance présidentielle NK-96A du 30 juin 2012 relative à l’approbation des activités du plan stratégique en matière de réformes juridiques et judiciaires pour 2012-2016 et de la liste des mesures envisagées au titre du programme, un nouveau projet de Code pénal a été élaboré par le Ministère de la justice. La police a proposé officiellement aux auteurs du projet d’incorporer la disparition forcée en tant qu’infraction autonome. En septembre 2016, le projet sera présenté au Gouvernement arménien pour approbation. Une fois approuvé, il sera envoyé à l’Assemblée nationale où il fera l’objet d’un débat.

II.Registres des personnes privées de liberté

Paragraphe 19 . L’État partie devrait également prendre les mesures néce ssaires pour faire en sorte que  :

a) Toutes les privations de liberté, sans exception, soient enregistrées dans des registres et/ou des dossiers et selon des protocoles uniformes, et que parmi les informations figurent au moins celles qui sont énoncées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention ;

b) Tous les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté soient complétés et mis à jour rapidement et avec précision ; et

c) Tous les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté soient régulièrement vérifiés et les fonctionnaires responsables sanctionnés en cas d’irrégularité.

2.Conformément à l’article 29 de la loi relative aux personnes placées en détention et aux personnes arrêtées, un dossier personnel est établi pour chaque personne privée de liberté, dans lequel est indiquée la date de son admission et de sa libération.

3.L’article 66 2) du Code pénitentiaire de la République d’Arménie dispose qu’un dossier personnel doit être tenu pour chaque condamné. Ce dossier doit contenir des informations régulièrement mises à jour sur le condamné et l’exécution de sa peine, y compris des renseignements sur les mesures de contrainte qui ont été appliquées dans le passé à son égard, ainsi que la date de son admission dans l’établissement pénitentiaire et celle de sa libération. Le condamné doit avoir accès à son dossier personnel, ainsi que les personnes autorisées.

4.En outre, toutes les informations contenues dans les dossiers personnels des personnes privées de liberté sont régulièrement contrôlées et mises à jour.

5.Les fiches personnelles des personnes privées de liberté sont régulièrement envoyées à la section des registres des personnes placées en détention et des personnes arrêtées du Service pénitentiaire du Ministère de la justice par les services, départements et divisions des institutions pénitentiaires. Les informations contenues dans ces fiches personnelles (date de la condamnation, date de début et de fin de la peine, date de la libération conditionnelle, etc.) sont informatisées.

6.En 2015-2016, les enquêtes disciplinaires n’ont pas été enregistrées par le Service pénitentiaire du Ministère de la justice de la République d’Arménie car les données personnelles contenaient des erreurs et des omissions.

7.Il convient de noter que, à l’initiative du Service pénitentiaire du Ministère de la justice, le processus préparatoire du système de gestion électronique des informations a été entamé il y a environ un an.

8.En outre, les spécialistes du Service pénitentiaire du Ministère de la justice et la société Vxsoft ont conçu et mis au point le Registre d’informations sur les personnes arrêtées ou placées en détention du Service pénitentiaire du Ministère de la justice, dont la taille et les capacités techniques sont sans précédent. Le système comprend toutes les informations nécessaires concernant les documents, la libération conditionnelle, les modifications apportées au régime de condamnation, aux visites, au travail, etc.

9.Les personnes arrêtées ou placées en détention sont admises dans des locaux de détention de la police conformément à l’arrêté no 574-N du Gouvernement arménien, adopté le 5 juin 2008, relatif aux modalités du règlement intérieur des établissements de détention de la police en République d’Arménie. Ainsi :

a)Le procès-verbal de détention ou l’ordonnance prise par l’organe chargé de l’instruction pénale, ainsi qu’il est défini dans le Code de procédure pénale, conditionne l’admission des personnes arrêtées dans des centres de détention. Quant aux personnes placées en détention, c’est la décision de l’enquêteur, du procureur ou du juge qui fonde leur admission dans des centres de détention ;

b)Le transport des personnes arrêtées ou placées en détention dans des centres de privation de liberté est autorisé sur présentation de documents en règle, conformément audit règlement ;

c)Les personnes placées en détention sont admises dans les centres de privation de liberté à toute heure. Un policier en service affecté à l’unité de police territoriale (au centre de détention provisoire du bureau de la police d’Erevan) contrôle les critères d’admission et de maintien en détention des personnes placées en détention en vérifiant l’authenticité des données figurant dans le procès-verbal d’arrestation ou dans l’ordonnance d’arrestation, puis en procédant aux enregistrements appropriés dans le registre des détenus conformément au formulaire no 1 et dans la fiche personnelle de chacun d’eux conformément au formulaire no 17. Le responsable du centre de détention est tenu d’informer immédiatement la personne choisie par le détenu de l’admission de ce dernier dans le centre de détention ou de son transfert dans un autre établissement par tout moyen de communication à sa disposition ;

d)Les personnes placées dans un centre de détention sont prises en photo et leurs empreintes digitales sont relevées, conformément au formulaire no 3 ;

e)Si des blessures corporelles ou des symptômes flagrants de maladie sont constatés ou si le détenu se plaint d’un problème de santé, un policier en service de l’établissement appelle un médecin, qui procède immédiatement à un examen (auquel le médecin choisi par le détenu peut assister). L’examen médical est mené en tête-à-tête avec le détenu, à moins que le médecin n’en décide autrement. Les résultats de l’examen sont consignés dans le registre conformément au formulaire no 12, dans le dossier personnel du détenu, et le patient, ainsi que l’organe chargé de l’instruction pénale, doivent être tenus informés des résultats de l’examen ;

f)Chaque détenu du centre de détention possède un dossier personnel, conformément au formulaire no 18, qui contient les dates de son arrestation et de sa libération (procès-verbal de détention et ordonnance de libération), une fiche personnelle, le procès-verbal d’acquisition, l’inventaire de ses vêtements et de ses effets personnels, les documents relatifs à des condamnations antérieures, le procès-verbal de fouille, les données concernant ses empreintes digitales, les notifications des objets reçus, les demandes de visite, les mouvements de son compte bancaire personnel et d’autres documents le concernant ;

g)Afin de garantir la sécurité du centre de détention, chaque personne admise dans un centre de privation de liberté doit se soumettre à une fouille au corps ;

h)Si, lors de la fouille au corps ou de la fouille de la cellule du détenu, des objets susceptibles d’être saisis sont détectés, un procès-verbal de saisie est dressé conformément au formulaire no 2.

10.Les personnes sont admises et maintenues en détention dans des centres de privation de liberté du Service de la sécurité nationale de la République d’Arménie en application de documents judiciaires (procès-verbaux et verdicts) établis exclusivement conformément à la législation. Dans ce cas, les données complètes relatives au condamné sont portées au registre des personnes incarcérées dans les centres de détention du Service de la sécurité nationale de la République d’Arménie. Dans les cas où des détenus étrangers ne possèdent pas de papiers d’identité (principalement lorsqu’ils ont franchi illégalement la frontière arménienne), leurs données personnelles, fondées sur leur déclaration orale, sont consignées dans les procès-verbaux et les verdicts, ainsi que dans le registre susmentionné. Par la suite, les données sont vérifiées par les subdivisions opérationnelles, le service consulaire du Ministère arménien des affaires étrangères et le Bureau national d’Interpol de la police de la République d’Arménie, et si des erreurs ou des problèmes de conformité sont constatés dans les données, des corrections sont apportées en application des décisions judiciaires respectives, et les enregistrements et les documents sont harmonisés avec les données recueillies. Aucun cas n’a été recensé où des personnes auraient été maintenues illégalement ou sans être enregistrées dans des centres de détention du Service de sécurité nationale de la République d’Arménie et une telle possibilité est absolument exclue.

III.Droit à réparation et droit de connaître la vérité

Paragraphe 27 . Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires sur le plan légis latif et dans d’autres domaines  :

a) Pour garantir le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée, et d’obtenir toutes les autres formes de réparation, notamment la restitution, la réadaptation, la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation, et les garanties de non-répétition, sans avoir à fournir la preuve du décès de la personne disparue, en application des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention ;

b) Pour inclure dans sa législation une disposition expresse concernant le droit des victimes de savoir la vérité sur les circonstances d’une disparition forcée et le sort de la personne disparue.

11.Outre les informations précédentes comprises dans le rapport au sujet de l’article 24 de la Convention, il devrait également être fait mention des articles 162.1 et 1087.2 du Code civil sur le préjudice moral et son indemnisation, de même que des termes et conditions de l’indemnisation en cas de préjudice moral résultant de la violation de droits fondamentaux et d’une condamnation injuste, qui ont été ajoutés au Code civil le 19 mai 2014 (loi no HO-21-N). En outre, des modifications et des compléments ont été apportés aux mêmes articles le 21 décembre 2015 par l’Assemblée nationale, étendant les possibilités qu’ont les citoyens de demander une réparation matérielle ou financière pour les préjudices subis si leurs droits ont été violés, et pour le préjudice moral causé par tout organe de l’État ou de l’administration locale ou par un fonctionnaire (notamment le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, le droit de ne pas faire l’objet de sanctions, le droit à la liberté et à l’immunité de la personne, le droit au respect de la vie privée et de la vie de famille, à la vie privée, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit d’exprimer librement leurs opinions). L’importance des modifications apportées a été déterminée par la Cour européenne des droits de l’homme relativement à l’Arménie afin que les décisions prises soient pleinement mises en œuvre. L’article 162.1 du Code, en particulier, définit le concept de préjudice moral et les caractéristiques de son indemnisation comme suit :

a)Dans le cadre de ce Code, les préjudices non matériels sont les souffrances physiques ou mentales qui sont causées à une personne par sa naissance ou par une décision violant les droits de propriété touchant des biens matériels ou non matériels acquis légalement, par action ou inaction ;

b)La personne, ou en cas de décès ou d’invalidité, son conjoint, un parent, un parent adoptif, son enfant, son enfant adoptif, son tuteur ou son curateur, a le droit de demander réparation à un tribunal pour le préjudice moral subi, si l’organe chargé des poursuites ou le tribunal a confirmé que suite à l’action ou l’omission de l’État, l’organe de l’administration locale ou un fonctionnaire, la décision prise avait violé les droits énoncés ci-après, garantis par la Constitution de la République d’Arménie et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

i)Le droit à la vie ;

ii)Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

iii)Le droit à la liberté et à la sûreté de la personne ;

iv)Le droit à un procès équitable ;

v)Le respect de la vie privée et de la vie de famille ; l’inviolabilité du domicile ;

vi)La liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit d’exprimer librement ses propres opinions ;

vii)Le droit à la liberté de réunion et d’association ;

viii)Le droit à une protection judiciaire effective ;

ix)Le droit à la propriété.

c)Si la personne accusée est acquittée en vertu des conditions prévues à l’article 3 du Protocole no 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, elle a le droit de demander réparation pour préjudice moral (« droit d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire », selon les termes du Code civil de la République d’Arménie) ;

d)L’atteinte à l’honneur, à la dignité et à la réputation professionnelle est indemnisée en vertu de l’article 1087.1 dudit Code, et le préjudice moral causé par la violation de droits fondamentaux et par une condamnation injuste est indemnisé en application des dispositions de l’article 1087.2 ;

e)Un préjudice moral résultant d’un acte administratif injustifié est indemnisé conformément aux dispositions de la loi relative aux principes et procédures administratifs. L’application concrète des dispositions relatives à l’indemnisation pour préjudice moral dépendait directement de la détermination des montants de l’indemnisation. En fait, auparavant, ces montants ne correspondaient pas à ceux établis par la Cour européenne. Précisément, si ceux-ci étaient précédemment compris entre 500 000 et 1 000 000 de drams arméniens, selon les violations présumées, ils s’échelonnent à présent entre 2 000 000 et 3 000 000 de drams. Dans le même temps, la réglementation prévoyait aussi que si le tribunal avait établi que la violation entraînait de lourdes conséquences pour la personne concernée, alors celui-ci n’était pas limité à ces montants. Les montants indiqués, qui sont indemnisés dans les cas de préjudice moral, viennent de la pratique internationale et sont fondés sur la jurisprudence de la Cour européenne. En outre, une personne acquiert le droit d’exiger réparation en justice pour préjudice moral non seulement en raison de l’action ou de l’omission de l’organe de l’administration locale ou de la décision officielle qui est à l’origine de la violation des droits fondamentaux de cette personne, mais également si une violation a été établie par l’organe chargé des poursuites. Concrètement, en vertu de l’article 1087.2 du Code civil :

i)La méthode, les règles de base et le montant de l’indemnisation pour un préjudice moral découlant de la violation de droits fondamentaux et d’une condamnation injuste sont déterminés en application de cet article et de l’article 162.1 du présent Code ;

ii)L’indemnisation pour le préjudice moral doit être appliquée indépendamment de l’indemnisation pour le préjudice matériel ;

iii)Le préjudice moral doit être réparé indépendamment de l’existence d’une faute commise par un fonctionnaire ;

iv)Le préjudice moral doit être indemnisé sur le budget de l’État si la violation d’un droit fondamental prévu à l’article 162.1 de ce Code a été commise par une autorité locale ou un fonctionnaire, sinon le préjudice moral est indemnisé sur le budget de la collectivité concernée ;

v)Le montant de l’indemnisation pour préjudice moral devrait être fixé par le tribunal selon les principes de bon sens, d’équité et de proportionnalité ;

vi)Pour déterminer le montant de l’indemnisation pour préjudice moral, le tribunal tient compte de la nature, de l’étendue et de la durée de la souffrance physique ou mentale, des conséquences du préjudice causé, de l’existence d’une faute à l’origine du préjudice, des caractéristiques individuelles de la personne ayant subi le préjudice moral, ainsi que d’autres circonstances connexes ;

vii)Le montant de l’indemnisation ne peut pas dépasser :

3 000 salaires minimum, dans le cas de la violation des droits précisés aux points 1 et 2 de la partie 2 de l’article 162.1 du présent Code, ainsi qu’au paragraphe 3 du même article ;

2000 salaires minimum, dans le cas de la violation des droits précisés aux points 3 à 9 de la partie 2 de l’article 162.1 du présent Code ;

viii)Dans certains cas exceptionnels, le montant de l’indemnisation pour préjudice moral peut dépasser la limite maximum prévue par l’alinéa 7 du présent article, si le préjudice a entraîné des conséquences graves ;

ix)Les demandes d’indemnisation pour préjudice moral peuvent être soumises au tribunal pendant un an à compter du moment où une personne constate une violation de la loi, tel qu’énoncé dans la partie 2 de l’article 162.1 du présent Code, ainsi que pendant six mois à compter de l’entrée en vigueur de la décision du tribunal confirmant la violation des droits, mais pas avant deux mois et pas au-delà d’une année, après le constat de la violation, si la violation est confirmée par l’organe chargé des poursuites ;

x)La République d’Arménie ou la collectivité, qui a indemnisé le préjudice causé par l’action ou l’omission d’un organe de l’État ou de l’administration locale ou par une décision officielle, a le droit de déposer un recours à l’égard de la personne ayant été indemnisée. Une demande de recours subrogatoire est fondée sur l’existence d’une erreur commise par un organe de l’État ou de l’administration locale. S’agissant de la proposition figurant au paragraphe 27, alinéa b), la République d’Arménie estime que l’article 59 du Code de procédure pénale définit clairement le droit de la victime de prendre connaissance de tous les éléments de l’affaire.