Nations Unies

CAT/C/ROU/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 juin 2015

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Roumanie *

Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Roumanie (CAT/C/ROU/2) à ses 1296e et 1299e séances, tenues les 23 et 24 avril 2015 (voir CAT/C/SR.1296 et CAT/C/SR.1299), et a adopté les observations finales ci-après à sa 1316e séance, tenue le 7 mai 2015.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir présenté son deuxième rapport périodique mais regrette qu’il l’ait fait avec dix-huit ans de retard, car ce retard a entravé la coopération et limité la possibilité, pour le Comité, d’accomplir les fonctions dont il est investi en vertu de l’article 19 de la Convention.

Le Comité prend acte avec satisfaction de la qualité du dialogue qui s’est engagé avec la délégation de l’État partie et des réponses apportées oralement à ses questions et préoccupations pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que la Roumanie est devenue partie aux instruments internationaux suivants :

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2 juillet 2009) ;

b)Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (20 juillet 1993) ;

c)Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (18 octobre 2001) ;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (10 novembre 2001) ;

e)Protocole facultatif se rapportant à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (25 août 2003) ;

f)Convention relative au statut des apatrides de 1954 (2006) ;

g)Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961 (2006) ;

h)Convention relative aux droits des personnes handicapées (31 janvier 2011) ;

i)Statut de Rome de la Cour pénale internationale (11 avril 2002).

Le Comité se félicite du fait que l’État partie a modifié sa législation dans les domaines visés par la Convention, notamment en adoptant la loi no429/2003 sur la révision de la Constitution, la loi no 678/2001 sur la prévention et la répression de la traite des êtres humains, telle que modifiée par la décision no299/2003 du Gouvernement, la loi no 682/2002 sur la protection des témoins, la loi no 39/2003 sur la prévention et la répression du crime organisé, la loi no 217/2003 sur la prévention et la répression de la violence intrafamiliale, la loi no 211/2004 sur certaines mesures de protection des victimes de la criminalité, la loi no 272/2004 sur la protection et la promotion des droits de l’enfant, la loi no 302/2004 sur la coopération judiciaire internationale en matière pénale, la loi no 304/2005 portant ratification de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes, le nouveau Code pénal (loi no 286/2009), le nouveau Code civil (loi no 287/2009) entré en vigueur le 1er octobre 2011, le nouveau Code de procédure civile (loi no 134/2010) et le nouveau Code de procédure pénale (loi no 135/2010).

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a modifié ses politiques, programmes et mesures administratives pour donner effet aux dispositions de la Convention, notamment par les mesures suivantes :

a)Mise en place, au moyen du décret d’urgence no 51/2008, du système d’aide juridictionnelle publique en matière civile ;

b)Adoption par le Gouvernement, dans sa décision no 1142/2012, de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains pour 2012-2016 et du Plan national 2012-2014 d’exécution de cette stratégie, et de la création de l’Agence nationale de prévention de la traite des êtres humains et de suivi de l’assistance accordée aux victimes (décision no 1083/2006 du Gouvernement) ;

c)Adoption par le Gouvernement, dans sa décision no 1156/2012, de la Stratégie nationale de prévention et de répression de la violence intrafamiliale pour 2013−2017, et de son plan opérationnel de mise en œuvre ;

d)Adoption de la Stratégie de développement d’un système pénitentiaire pour les périodes 2013-2016 et 2015-2020 ;

e)Adoption de la Stratégie pour l’intégration des citoyens roumains appartenant à la minorité rom pour la période 2012-2020 et de plans d’action sectoriels pour son application.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité note avec préoccupation que, dans la pratique, les détenus ne jouissent pas de toutes les garanties juridiques fondamentales dès leur privation de liberté, en particulier dans les centres de garde à vue et de détention de la police. Ilconstate aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de registre d’écrou national unifié (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que tous les détenus jouissent dans la pratique de toutes les garanties juridiques fondamentales, dès qu’ils sont privés de liberté, conformément aux normes internationales, notamment :

a) Du droit d’être informés des charges retenues contre eux et de leurs droits, aussi bien oralement que par écrit et dans une langue qu’ils comprennent ;

b) Du droit d’avoir promptement accès à un avocat dès le début de leur détention et, si nécessaire, à une aide juridictionnelle, y compris pour leur interrogatoire initial ;

c) Du droit d’être examinés immédiatement et gratuitement par un médecin indépendant ;

d) Du droit d’avertir de leur détention un membre de leur famille ou une autre personne de leur choix.

L’État partie devrait mettre en place un système d’enregistrement approprié fondé sur un registre d’écrou national unique et unifié dans lequel seront consignés des données concrètes sur la détention, notamment ses motifs, et sur les transfèrements, et il devrait veiller à ce que ce registre indique la date et l’heure exactes et le lieu de la détention dès la privation de liberté.

Détention prolongée dans les centres de garde à vue et de détention de la police

Tout en notant la diminution du nombre des détenus avant jugement en 2014 due à l’application de mesures de substitution, le Comité note avec inquiétude que l’État continue de recourir à la détention avant jugement et à la détention administrative dans des centres de garde à vue et de détention de la police pendant les poursuites, qui peut durer jusqu’à cent quatre-vingts jours. Il note que des condamnés continuent d’être détenus pendant des périodes prolongées dans des centres de détention de la police. Il note également avec préoccupation l’entassement et les mauvaises conditions matérielles de ces centres (art. 2 et 11).

L’État partie devrait mettre fin à la pratique de la détention avant jugement et administrative prolongée dans les centres de garde à vue et de détention de la police, et faire en sorte que l’utilisation de ces centres soit clairement réglementée et fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel permanent, qui assure le respect des garanties fondamentales juridiques et de procédure. Il devrait envisager de recourir à des mesures de substitution à l’incarcération en tenant compte des règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo). Tous les condamnés encore détenus dans les locaux de la police devraient être rapidement transférés dans des prisons relevant de l’administration pénitentiaire nationale. L’État partie devrait continuer de rénover les centres de détention de la police en vue de mettre les conditions qui y règnent en conformité avec les normes internationales.

Usage excessif de la force par des membres de la force publique et déclarations obtenues par la torture et les mauvais traitements

Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de violences constitutives de mauvais traitements et de tortures, commises par des membres de la force publique, notamment sur la personne de mineurs, au moment de l’arrestation ou pendant la détention et l’interrogatoire, entre autres pour arracher des aveux, et qui ont, dans certains cas, entraîné le décès. Il est particulièrement préoccupé par le traitement subi dans les locaux de l’Inspection de la police d’Ilfovpar deux personnes, dont a été informé le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui a été corroboré par des rapports médicaux et qui constitue, de par sa gravité, un acte de torture. Il est également préoccupé par le nombre restreint de poursuites et de condamnations dans les affaires susvisées. Il note aussi avec préoccupation les informations selon lesquelles les cellules de détention de la police contiennent des articles non conformes aux normes dont la présence est contraire aux règlements et qui peuvent être à l’origine de mauvais traitements et d’actes de torture (art. 2, 15 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Fournir au Comité des informations sur le nombre de cas de violence imputés à des membres de la force publique qui ont fait l’objet d’enquêtes, et le nombre de personnes qui ont été poursuivies pour torture et mauvais traitements et les peines qui ont été imposées à celles d’entre elles qui ont été reconnues coupables ;

b) Procéder à des enquêtes rapides, impartiales, approfondies et sérieuses sur les allégations de recours à la violence, notamment à la torture et aux mauvais traitements, par des agents de la force publique et poursuivre et punir les responsables ; fournir des informations au Comité sur l’issue des enquêtes menées au sujet du traitement subi par deux personnes dans les locaux de l’Inspection de la police d’ Ilfov  ;

c) Se doter d’un mécanisme indépendant de surveillance et de supervision dans le cadre des procédures disciplinaires internes du Ministère de l’intérieur, en vue d’éviter que des enquêtes sur des plaintes soient confiées à des pairs ;

d) Faire en sorte que les juges, en particulier le juge des droits et des libertés, soient automatiquement informés, que les blessures infligées soient visibles ou non, de tous les cas de mauvais traitements et de torture dans les locaux de détention de la police, et équiper tous les lieux de privation de liberté de matériel vidéo pour enregistrer les interrogatoires et faire en sorte que les personnes qui déposent des plaintes contre des actes de torture et des mauvais traitements présumés soient protégées contre les représailles ;

e) Réaffirmer au plus haut niveau son adhésion à la politique de « tolérance zéro » à l’égard de l’usage de la violence à l’encontre des personnes privées de leur liberté, notamment pour arracher des aveux ;

f) Faire en sorte que tous les postes de police soient débarrassés de tout article non conforme aux normes qui puisse être à l’origine d’actes de torture et de mauvais traitements ;

Violence contre les Roms

Tout en prenant en note de la stratégie d’intégration des Roms et des nouvelles dispositions du Code pénal faisant des motivations raciales une circonstance aggravante dans toutes les infractions, le Comité est gravement préoccupé par :

a)La persistance d’informations faisant état d’actes motivés par la haine raciale à l’encontre des Roms ;

b)La vulnérabilité des suspects roms qui en application de mesures administratives sont amenés par des agents de la force publique au poste de police, ce qui les expose à des risques de torture et de mauvais traitements plus grands ;

c)L’emploi excessif présumé de la force par les agents de la force publique contre les Roms, notamment le décès en garde à vue de Gabriel-Daniel Dumitrache (26 ans), le 4 mars 2014. Selon les informations disponibles, les agents de police poursuivis pour ces faits ont été inculpés d’agression ayant causé involontairement la mort, où la motivation raciale ne constituait qu’une circonstance aggravante en vertu de l’article 195 du Code pénal, au lieu d’être inculpés d’actes de torture ayant entraîné la mort en application du paragraphe 3 de l’article 282 du même Code. Les membres de la famille de M. Dumitrache, qui ont identifié la victime, auraient indiqué que son corps présentait les signes de coups sévères, d’une fracture à la jambe, de lésions à l’abdomen et des marques de brûlures à la poitrine qui ne cadraient pas avec les informations fournies par la police ;

d)Les cas de discours motivé par la haine raciale à l’encontre de Roms et la fréquence des remarques et des stéréotypes anti-Roms dans le discours public et politique des agents de l’État et d’agents non étatiques (art. 2, 12, 13, 14, 15 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Combattre l’impunité et prévenir les comportements discriminatoires au sein de la police en veillant à ce que tout usage excessif de la force par des agents de la force publique contre des membres de la communauté rom fasse l’objet d’enquêtes rapides et sérieuses, et de poursuites en application des articles pertinents du Code pénal, compte tenu de toute motivation raciste, et à ce que les responsables soient traduits en justice et que les victimes soient dûment indemnisées et bénéficient d’une réadaptation aussi complète que possible ;

b) Mettre un terme à la pratique de « la conduite administrative » des Roms au poste de police ;

c) Fournir des informations au Comité sur l’issue des poursuites pénales engagées à la suite du décès en garde à vue de M.  Gabriel-Daniel Dumitrache  ;

d) Continuer de recruter des membres de la communauté rom dans les organes de la force publique et les écoles de police ;

e) Condamner sans ambages les actes motivés par la haine et toutes les formes de discours haineux, en particulier, les discours à motivation raciale et discriminatoire, surveiller leur incidence et appliquer la législation nationale antidiscrimination avec détermination ;

f) Former les fonctionnaires afin qu’ils puissent reconnaître et signaler les actes à motivation raciale, enquêter efficacement sur ces actes et punir leurs auteurs ;

g) Mener des campagnes publiques de sensibilisation de la population locale au fait qu’il faut respecter la dignité et les droits de l’homme des Roms.

Traite des êtres humains

Tout en prenant acte de l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2012-2016 et de la création de l’Agence nationale de prévention de la traite des êtres humains et de suivi de l’assistance accordée aux victimes, le Comité note avec préoccupation que la Roumanie continue d’être un pays d’origine, de transit et de destination de la traite des personnes, en particulier à des fins d’exploitation sexuelle et par le travail, et de mendicité forcée (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Continuer de prendre des mesures pour prévenir et éliminer la traite des êtres humains, notamment en dispensant une formation spécialisée aux fonctionnaires pour leur permettre d’identifier les victimes, d’enquêter sur les faits de traite, et de poursuivre et punir les auteurs de tels faits ;

b) Affecter suffisamment de fonds à la lutte contre la traite et appliquer la législation nationale en la matière avec détermination ; continuer de mener des campagnes nationales de prévention au sujet du caractère criminel de tels actes ;

c) Fournir au Comité des données ventilées complètes sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour traite d’êtres humains et sur les réparations offertes aux victimes.

Situation des demandeurs d’asile et des étrangers

Le Comité note avec préoccupation que des personnes ayant besoin d’une protection internationale ne peuvent accéder sans entrave aux procédures d’asile, y compris aux procédures de détermination du statut de réfugié exigées par les normes internationales. Il est en outre préoccupé par la détention apparemment injustifiée de demandeurs d’asile devant être transférés en application du Règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne et de demandeurs d’asile déboutés et d’autres étrangers, notamment de personnes en attente d’expulsion. Enfin, il note avec inquiétude qu’il n’y a pas de procédure permettant de déterminer l’apatridie dans l’État partie (art. 3, 14 et 11).

L’État partie devrait  :

a) Faire en sorte que toutes les personnes qui demandent une protection internationale aient accès à une procédure équitable de détermination du statut de réfugié et soient efficacement protégées contre le refoulement vers des pays où ils risquent de subir des actes de torture, et envisager de mettre en place une procédure de détermination de l’apatridie ;

b) Ne pas détenir des demandeurs d’asile et des étrangers, promouvoir des solutions autres que la détention et revoir la politique en vigueur afin de la mettre en conformité avec les Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention.

Conditions de détention et de traitement dans les établissements pénitentiaires

Le Comité est préoccupé par l’augmentation de la population carcérale et le surpeuplement persistant des prisons, malgré les projets de construction de nouvelles prisons. Il est également préoccupé par le piètre état des infrastructures et par les mauvaises conditions matérielles qui règnent dans les prisons, notamment dans l’établissement pénitentiaire de Gherla, dont la construction remonte à 1540, par le manque persistant de personnel, qui est à l’origine de violences entre prisonniers, et par la pénurie de personnel médical et l’absence de psychiatres dans le système de santé pénitentiaire. Le Comité est particulièrement préoccupé par le recours à des unités spéciales d’intervention dans les prisons, dont l’action serait souvent à l’origine de mauvais traitements infligés aux prisonniers. Il note aussi avec inquiétude que les médecins de prison sont obligés d’attester que les prisonniers auxquels des mesures disciplinaires sont imposées sont aptes à subir ces sanctions (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait  :

a)Redoubler d’efforts pour améliorer les conditions matérielles de détention conformément aux normes et aux règles internationales pertinentes, notamment en rénovant les établissements pénitentiaires existants, en fermant ceux qui sont impropres à l’utilisation, en accélérant la construction programmée de nouvelles prisons, en veillant à ce que l’espace vital des prisonniers soit au moins conforme aux normes internationales minimales et en faisant rapport au Comité sur les progrès accomplis dans l’exécution de la stratégie de « modernisation par la réparation » dont s’est doté le système pénitentiaire pour les années 2015 - 2020 ;

b) Renforcer plus avant les mesures prises pour réduire le surpeuplement, notamment par le recours accru à d’autres mesures que l’incarcération, telles que la probation, la libération sous caution, la médiation, le travail d’intérêt général et les condamnations à des peines avec sursis, en tenant compte des dispositions des Règles de Tokyo ;

c) Doter le système de santé pénitentiaire du personnel requis et, en particulier, recruter des psychiatres, et renforcer la surveillance des prisonniers vulnérables. Pour maintenir une bonne relation entre les patients et les médecins, il faudrait que les médecins de prison ne soient pas obligés d’attester que les prisonniers sont aptes à subir des sanctions disciplinaires ;

d) Faire en sorte que les détenus soient systématiquement examinés par un médecin dans les vingt-quatre heures qui suivent leur mise sous écrou ; assurer l’accès aux traitements disponibles, en particulier pour les détenus souffrant de tuberculose et ceux qui sont infectés par le VIH ou atteints du sida et appliquer les programmes relatifs à la distribution des médicaments et au contrôle des médicaments pris dans tous les établissements pénitentiaires ;

e) Mettre fin à la présence permanente et à l’utilisation d’unités spéciales d’intervention dans les établissements pénitentiaires en améliorant la gestion des prisons, en augmentant le rapport membres du personnel/prisonniers et en formant les agents pénitentiaires à la communication avec les prisonniers et à leur gestion ;

f) Faire en sorte que toutes les personnes soupçonnées d’actes de torture physique ou psychologique ou de mauvais traitements et de négligences volontaires soient poursuivies et, si elles sont reconnues coupables, condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, et fournir au Comité des informations sur le nombre, la nature et l’issue de tels cas ;

g) Mettre en place un mécanisme indépendant chargé d’examiner les plaintes des prisonniers sur les conditions de détention et de traitement, assurer un suivi efficace de ces plaintes en vue de prendre des mesures correctives et veiller à ce que les prisonniers qui déposent plainte ne fassent pas l’objet de représailles ;

h) Faire en sorte que le bureau du Médiateur, en tant que mécanisme national de prévention, et d’autres organes indépendants soient en mesure de se rendre régulièrement dans les lieux de détention et d’exercer efficacement leurs fonctions.

Situation dans les pavillons psychiatriques, les hôpitaux psychiatriques et les établissements psychiatriques spécialisés, pour personnes handicapées mentales

Le Comité est gravement préoccupé par :

a)Le traitement et les conditions de vie des personnes handicapées mentales, aussi bien mineures qu’adultes, se trouvant dans des pavillons psychiatriques, des hôpitaux psychiatriques ou des institutions psychiatriques spécialisées, où de nombreux patients seraient décédés en raison du délaissement, du manque de soins essentiels, du recours à des moyens de contention mécanique, du déni de soins médicaux et psychologiques et d’une malnutrition grave, faits constitutifs de traitements inhumains et dégradants ;

b)L’absence d’enquête sur les décès présumés de 16 patients à l’hôpital psychiatrique de Poiana Mare, de plusieurs centaines de patients entre 2001 et 2004 et d’environ 2000personnes entre janvier 2011 et août 2014 dans des établissements pour personnes handicapées mentales situés dans près de la moitié du pays, du fait de conditions de vie extrêmement mauvaises et d’un traitement médical laissant à désirer, les patients étant par exemple maintenus en permanence dans des pièces sans lumière et mis sous sédation, attachés à leur lit par des sangles de contention et nourris alors qu’ils sont allongés sur le dos, alimentés de manière insuffisante et inadaptée, invectivés, battus et privés de soins vitaux donnés à l’extérieur de l’institution, ce qui a provoqué de graves troubles physiques et psychologiques, constatés notamment chez des patients admis au Centre de rétablissement et de réadaptation neuropsychiatrique Gheorghe Serban ;

c)L’incapacité juridique des patients et l’absence de garanties juridiques en ce qui concerne le consentement express au placement et au traitement médical dans des établissements psychiatriques, s’ajoutant à l’absence dans les dossiers de décisions officielles de placement, ce qui est synonyme d’internement et de traitement médical forcés ;

d)L’absence de contrôle juridictionnel du placement initial et du maintien des malades mentaux dans des établissements psychiatriques, ce qui constitue une détention illégale d’une durée indéterminée même si celle-ci est qualifiée de «volontaire», car les dispositions de la législation relative à la santé mentale sont contournées et le droit de recours ne peut être exercé ;

e)Le grand nombre de personnes souffrant d’handicaps psychosociaux dans les établissements de santé mentale, qui dénote l’absence de progrès dans le processus de transition d’un système de soins en institution vers un système de soins communautaire et en centres familiaux (art. 2, 11, 12, 13, 15 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Modifier la législation en vue d’octroyer aux personnes souffrant d’un handicap mental et psychosocial le droit à la capacité juridique et assurer la supervision et la surveillance efficace par les organes judiciaires de tout placement en hôpital ou établissement psychiatrique de personnes présentant un handicap mental et psychosocial ; garantir le droit du patient d’être entendu en personne par le juge dont émane l’ordre d’hospitalisation et veiller à ce que les tribunaux s’efforcent dans tous les cas d’obtenir l’opinion d’un psychiatre qui ne relève pas de l’établissement psychiatrique où le patient doit être placé ;

b) Veiller à ce que tout patient, hospitalisé de son plein gré ou de force, soit pleinement informé du traitement qui lui est prescrit et à ce qu’il ait la possibilité de refuser ce traitement ou toute autre intervention médicale ; veiller aussi à ce que le placement de patients contre leur gré fasse automatiquement l’objet d’un contrôle périodique ;

c) Assurer des garanties juridiques efficaces aux personnes placées dans de telles institutions, dont le droit à un recours utile ; mettre en place un mécanisme de plainte indépendant et faire en sorte que les patients bénéficient d’une représentation en justice indépendante pour pouvoir obtenir que leur plainte relative à leurs conditions de vie dans l’institution concernée, à leur santé et à leur traitement soit examinée par un tribunal ou un autre organe indépendant et accorder une réparation aux victimes ;

d) Améliorer d’urgence les conditions et le traitement dans les hôpitaux et les institutions psychiatriques des personnes souffrant de handicaps psychosociaux ;

e) Enquêter promptement et sérieusement sur tous les décès qui surviennent dans les hôpitaux et les institutions psychiatriques ; poursuivre les responsables d’actes de torture, de mauvais traitements ou de négligence volontaire, leur infliger des peines adaptées à la gravité des actes commis et accorder des réparations aux victimes.

Centres de détention au secret et vols de transfert illégaux

Le Comité est préoccupé par les allégations persistantes relatives à la détention illégale de personnes dans des établissements secrets de la Central Intelligence Agency (CIA) et de vols de transfert extrajudiciaires de Roumanie et à destination de ce pays dans le cadre de la coopération internationale contre le terrorisme. Il note également avec préoccupation que dans la requête qu’il a déposée en 2012 auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, M. Abd al-Rahim Hussayn Muhammad Al-Nashiri a affirmé qu’il avait illégalement été détenu et torturé dans un centre de détention de la CIA en Roumanie, ce qui fait actuellement l’objet d’une enquête du Procureur général roumain. Le Comité est également préoccupé par la différence entre les informations fournies par l’État partie et les déclarations faites en décembre 2014 par l’ancien chef des services de renseignements roumains, qui a indiqué que les autorités avaient autorisé la CIA à exploiter entre 2003 et 2006 des centres de détention où des détenus auraient subi un traitement inhumain (art. 2, 3, 12 et 16).

Le Comité engage l’État partie à poursuivre ses enquêtes sur les allégations relatives à son implication dans un programme de centres de détention au secret et à l’utilisation de ses aéroports et de son espace aérien par des aéronefs utilisés pour des « transferts extrajudiciaires » et d’informer le Comité sur l’issue de ces enquêtes. Il lui demande en particulier de lui fournir des informations sur l’issue de toute enq uête en cours concernant M.  Abd al - Rahim Hussayn Muhammad Al- Nashiri .

Mécanisme national de prévention

Le Comité se félicite de la création du mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif à la Convention. Il est néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles ce dernier ne serait pas pleinement opérationnel (art. 2).

L’État partie devrait allouer des ressources financières et humaines suffisantes pour assurer l’indépendance du Bureau du Médiateur de façon à lui permettre de fonctionner efficacement en tant que mécanisme national de prévention. Il devrait également veiller à ce que le mécanisme soit doté d’une équipe multidisciplinaire, notamment de personnes ayant des compétences dans le domaine médical et psychiatrique et à ce qu’il visite régulièrement tous les lieux où des personnes sont privées de leur liberté. Le Comité engage le mécanisme national de prévention à tirer parti de l’expérience des organisations de la société civile dans ce domaine.

Mineurs

Tout en notant que les modifications apportées au Code pénal ont aboli la peine d’emprisonnement pour les mineurs, le Comité note avec préoccupation que de nombreux mineurs continuent d’être placés dans des centres de détention dans des conditions proches de celles d’un établissement carcéral. Il note également avec préoccupation qu’il est fréquent que des enfants soient interrogés dans les postes de police sans que leur avocat ou représentant légal ne soit présent (art. 2).

L’État partie devrait mettre le fonctionnement des institutions s’occupant des mineurs en conformité avec la législation nationale portant abolition de la peine d’emprisonnement pour les mineurs et mettre en place un système de justice pour mineurs qui garantisse le respect des normes internationales, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes de Ryad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) et les Directives relatives aux enfants dans le système de justice pénale. Les mineurs interrogés par des agents de la force publique devraient jouir des garanties juridiques fondamentales.

Formation

Tout en notant la formation fournie aux agents chargés de la garde à vue, des transfèrements et du maintien de l’ordre, le Comité est préoccupé par l’absence de méthodes précises pour évaluer l’efficacité et l’incidence d’une telle formation sur la pratique de la torture et des mauvais traitements. Il constate également avec préoccupation que la formation au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas systématiquement dispensée à tous les fonctionnaires chargés de recueillir des preuves et d’enquêter sur les cas de torture (art. 10).

L’État partie devrait  :

a) Développer et renforcer les programmes de formation pour faire en sorte que tous les agents de l’État, notamment les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi, les agents pénitentiaires et les fonctionnaires des services de l’immigration, ainsi que le personnel judiciaire soient au courant des dispositions de la Convention ;

b) Dispenser une formation systématique au sujet du Protocole d’Istanbul au personnel médical et autres fonctionnaires chargés de recueillir des preuves et d’enquêter sur les cas de torture ;

c) Développer des méthodes pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et leurs incidences sur la prévention et l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements.

Réparation, y compris l’indemnisation et la réadaptation

Le Comité note que l’État partie s’emploie à transposer dans la législation nationale la Directive 2012/29/EU du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Vu l’ampleur des actes commis, il est préoccupé par la lenteur des procédures et les maigres résultats obtenus à ce jour dans les enquêtes effectuées par l’Institut pour l’enquête sur les crimes du communisme et la mémoire des exilés roumains qui, bien qu’ayant repéré 35 personnes occupant des postes de responsabilité soupçonnées d’avoir commis des crimes politiques sous le régime communiste, n’ont donné lieu à aucune mesure concernant l’identification des victimes ou l’octroi de réparation (art. 14).

L’État partie devrait adopter une loi incluant des dispositions expresses établissant le droit de toute victime d’acte de torture et de mauvais traitements d’obtenir réparation, notamment son droit à une indemnisation équitable et adéquate et à la réadaptation, conformément à l’article 14 de la Convention. Il devrait dans la pratique offrir une pleine réparation à toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements, conformément à l’observation générale n o  3  (2012) du Comité sur l’application de l’article 14 par les États parties.

Collecte de données

Le Comité note avec regret qu’il n’existe pas de registre unifié comportant des données complètes et ventilées, notamment par nationalité et origine ethnique des victimes, sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements imputés à des agents chargés d’appliquer la loi, aux membres des forces de sécurité, aux militaires et au personnel pénitentiaire, et d’un registre unifié, ainsi que des données sur la traite et la violence intrafamiliale et sexuelle.

L’État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitement s , d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de traite et de violen ce intrafamiliale ou sexuelle, ainsi que sur les réparations offertes aux victimes, y  compris sous la forme d’une indemnisation et d’une réadaptation.

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, pour le 15 mai 2016, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations relatives : a) aux détentions prolongées dans les centres de garde à vue et de détention de la police ; b) à l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre ; c) au mécanisme national de prévention (voir les paragraphes 8, 9 et 16 ci-dessus)

Questions diverses

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les instruments de l’ONU auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, de façon à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications.

L’État partie est prié de diffuser largement le rapport présenté au Comité et les présentes observations finales dans les langues voulues par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera son troisième rapport, pour le 15 mai 2019. À cette fin, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste préalable de points à traiter puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.