Nations Unies

CMW/C/ECU/CO/3

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

5 octobre 2017

Français

Original : espagnol

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’Équateur *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Équateur (CMW/C/ECU/3) à ses 361e et 362e séances (voir CMW/C/SR.361 et 362), les 4 et 5 septembre 2017. À sa 371e séance, le 11 septembre 2017, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie, qui a été élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport (CMW/C/ECU/QPR/3), ainsi que les renseignements complémentaires qui ont été communiqués par la délégation multisectorielle, menée par M. José Luis Jácome, Vice‑Ministre de la mobilité humaine, et composée de représentants du Ministère des relations extérieures et de la mobilité humaine, du Ministère de l’intérieur, du Bureau du Procureur général de l’État et de la Mission permanente de l’Équateur auprès de l’Office des Nations Unies à Genève. Le Comité se félicite du dialogue franc, ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

3.Le Comité constate que l’Équateur, pays d’origine de travailleurs migrants et de familles de migrants, a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants à l’étranger. Il note toutefois que, aussi bien en tant que pays de transit qu’en tant que pays de destination, l’État partie rencontre diverses difficultés dans la protection des droits des travailleurs migrants sur son territoire.

4.Le Comité constate que les travailleurs équatoriens migrent vers des pays qui ne sont pas encore tous parties à la Convention, au risque de ne pas pouvoir faire valoir les droits qui leur sont conférés par cet instrument.

B.Aspects positifs

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, en décembre 2013 ;

b)La convention (no 156) de l’OIT sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981, en février 2013 ;

6.Le Comité prend note en outre des mesures législatives ci-après prises par l’État partie :

a)La loi organique sur la mobilité humaine et son règlement d’application, en 2017 ;

b)La loi organique pour la justice au travail et la reconnaissance du travail domestique, en 2015 ;

c)La loi organique sur les conseils pour l’égalité, qui établit des conseils nationaux respectivement chargés de l’égalité des sexes, de l’égalité intergénérationnelle, de l’égalité des peuples et des nationalités, de l’égalité des personnes handicapées et de l’égalité en matière de mobilité humaine, en 2014.

7.Le Comité prend note en outre de l’adoption des politiques et mesures institutionnelles suivantes :

a)Le Programme national pour l’égalité en matière de mobilité humaine (2013‑2017) ;

b)Le Programme national pour l’égalité intergénérationnelle (2013-2017) ;

c)Le Plan national pour le bien-vivre (2013-2017) ;

d)Le Programme de prise en charge des personnes en situation de mobilité du Gouvernement de la province de Pichincha, qui apporte une aide juridique et psychologique ainsi que d’autres services aux migrants et aux Équatoriens de retour dans leur pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

8.Le Comité note que les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme font partie intégrante de la législation nationale applicable dans l’État partie, conformément à l’article 424 de la Constitution, et que les dispositions de la Convention sont pleinement en vigueur depuis le 5 février 2002 et sont directement applicables par les organes judiciaires de l’État partie, de sorte que quiconque peut les invoquer en justice. Il est toutefois préoccupé par l’absence de renseignements sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

9. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son quatrième rapport périodique, des informations sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux ou, le cas échéant, sur les obstacles à cette application .

Articles 76 et 77

10. Le Comité relève que l’État partie a signalé, dans son troisième rapport périodique, l’existence d’une initiative visant à évaluer la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, comme suite aux recommandations formulées par le Comité. À cet égard, le Comité engage l’État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant d’États parties et de particuliers qui portent sur des violations des droits reconnus par la Convention .

Ratification des instruments pertinents

11. Le Comité recommande à l’État partie d’examiner la possibilité de ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications ainsi que la c onvention (n o  143) de l’OIT sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975.

Coordination

12.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie, dans son rapport et lors du dialogue constructif, sur le rôle des conseils nationaux respectivement chargés de l’égalité des sexes, de l’égalité intergénérationnelle, de l’égalité des peuples et des nationalités, de l’égalité des personnes handicapées et de l’égalité en matière de mobilité humaine, et sur les initiatives visant à transversaliser la politique pertinente. Cependant, le Comité est préoccupé par les informations reçues faisant état de retards dans la mise en œuvre du mandat du Conseil national pour l’égalité en matière de mobilité humaine et, en particulier, dans la transversalisation susmentionnée, ainsi que par le manque de coordination de l’action menée par le Conseil, le Vice‑Ministère de la mobilité humaine et d’autres institutions nationales et locales pour donner effet aux droits reconnus par la Convention et par la loi organique sur la mobilité humaine.

13. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer la coordination entre les ministères et les organismes à tous les niveaux de l’administration (nationale et locale) afin d’assurer la mise en œuvre effective des droits protégés par la Convention. À cette fin, le Comité encourage l’État partie à mettre en place des mécanismes clairs de coordination, de traitement et de suivi de toutes les questions relatives à la migration de main ‑d’œuvre. Le Comité recommande en particulier de renforcer les activités du Conseil national pour l’égalité en matière de mobilité humaine dans les meilleurs délais, dans le but de garantir la mise en œuvre transversale et intégrale de la Convention. Il recommande également l’élaboration de protocoles de prise en charge des personnes en situation de mobilité. Enfin, le Comité recommande que la loi organique sur la mobilité humaine prévoie expressément des mécanismes de coordination entre l’autorité directrice chargée du contrôle des migrations et le Conseil pour l’égalité en matière de mobilité humaine, et invite l’État partie à favoriser la participation des migrants aux travaux de ce conseil .

Collecte de données

14.Le Comité prend note des efforts déployés par l’Institut national de la statistique et du recensement pour améliorer la collecte de données par l’intermédiaire de la Direction nationale des migrations et, en particulier, de la publication annuelle, jusqu’en 2015, d’annuaires des arrivées et des départs internationaux. Cependant, il relève que les renseignements statistiques sur la migration se limitent à l’enregistrement des entrées et des sorties aux points de passage officiels et ne rendent pas compte de l’ampleur des flux migratoires dans l’État partie, et il regrette que les données statistiques relatives aux flux migratoires en provenance ou à destination de l’État partie, ou transitant par son territoire, ne soient pas suffisantes, notamment dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille. Le Comité regrette en particulier qu’il n’existe pas de données qualitatives relevant d’une approche intégrée fondée sur les droits, telles que des données plus ventilées sur les personnes qui se sont vues refuser l’admission ou qui ont été expulsées et sur les mesures prises pour faire respecter les droits et garanties prévus par la Convention dans le cadre des procédures correspondantes.

15. Le Comité recommande à l’État partie de créer une base de données centralisée, dans le but de rassembler des informations et des statistiques quantitatives et qualitatives sur la migration qui couvrent toutes les questions relevant de la Convention, y compris celle des travailleurs migrants en situation irrégulière, et de recueillir des données détaillées sur le statut des travailleurs migrants dans l’État partie. Le Comité encourage l’État partie à collecter des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, origine ethnique, type de handicap, motif d’entrée et de sortie et type de travail effectué, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable, afin d’orienter efficacement les politiques pertinentes et l’application de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie de coopérer avec ses représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger pour collecter des données sur les migrations, par exemple sur la situation des migrants en situation irrégulière et des victimes de la traite. Lorsque des renseignements précis ne peuvent pas être obtenus, comme dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait recevoir des informations fondées sur des études ou des estimations .

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

16.Le Comité note que le Ministère des relations extérieures et de la mobilité humaine a conçu un projet qui contribuera à la mise en œuvre d’activités dans le domaine de la mobilité humaine en 2017. Cependant, le Comité exprime à nouveau sa préoccupation face au manque d’informations et de programmes de formation permanents portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés, et à la diffusion insuffisante de telles informations auprès des parties concernées, en particulier des autorités nationales, régionales et locales, des agents des forces de l’ordre, des juges, des procureurs, des défenseurs publics, des fonctionnaires de l’immigration, des agents consulaires concernés et des travailleurs sociaux, ainsi que des organisations de la société civile, des universités, des médias et des travailleurs migrants eux-mêmes et des membres de leur famille.

17. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de renforcer et d’étoffer les programmes d’éducation et de formation portant sur la Convention, dans le but de leur donner un caractère permanent, et de faire en sorte que ces formations soient dispensées à tous les fonctionnaires et autres personnes qui travaillent dans des domaines liés aux migrations. Il recommande également à l’État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants aient accès à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention et de collaborer avec les universités, les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir son application .

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non-discrimination

18.Le Comité constate que, outre la Convention, l’État partie a ratifié tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui interdisent la discrimination pour quelque motif que ce soit, et que ces instruments font partie intégrante de la législation nationale applicable dans l’État partie, conformément aux dispositions de l’article 424 de la Constitution de 2008. Il constate également que le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie comporte des dispositions visant à combattre la discrimination. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que, bien que la Constitution reconnaisse expressément l’égalité des droits et des obligations des Équatoriens et des personnes ayant une autre nationalité (art. 9), ainsi que le principe de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine nationale, le statut migratoire et les antécédents judiciaires (art. 11, par. 2), la loi organique sur la mobilité humaine prévoit un traitement des personnes ayant une autre origine nationale qui n’est pas conforme à ces principes et qui donne lieu à un traitement discriminatoire. Le Comité est préoccupé par les faits suivants :

a)L’étranger est défini comme étant exclusivement une personne « présente sur le territoire et ayant le statut de visiteur temporaire ou de résident » (art. 42), ce qui peut donner lieu à des interprétations restrictives quant à l’exercice des droits ;

b)La loi organique sur la mobilité humaine (art 3, par. 1) semble circonscrire la définition de l’expression « statut migratoire » aux seules personnes qui sont en situation régulière, de sorte qu’elle restreint la portée du principe constitutionnel de l’interdiction de la discrimination fondée sur le statut migratoire et exclut les personnes qui sont en situation irrégulière ;

c)Une image négative des personnes étrangères continue de prévaloir, essentiellement des Colombiens, des Péruviens, des Cubains et des Vénézuéliens, ainsi que des personnes provenant de divers pays d’Afrique et d’Asie, dont on considère qu’elles constituent un risque ou une menace potentielle pour la sécurité de l’État. Le Comité regrette en particulier la xénophobie généralisée à l’égard de la population d’origine colombienne.

19. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de modifier sa législation, pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou qui relèvent de sa juridiction, qu’ils soient pourvus ou non de documents, jouissent sans discrimination des droits consacrés par la Convention, conformément à l’article 7 de celle-ci. Plus précisément, il recommande à l’État partie d’engager un processus participatif en vue de réformer la loi organique sur la mobilité humaine et son règlement d’application et de les mettre en conformité avec les dispositions de la Constitution et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en tenant compte des contributions de la société civile et des organisations et institutions œuvrant pour la protection des droits des personnes en situation de mobilité dans l’État partie .

Accès à un recours utile

20.Le Comité relève avec satisfaction que, comme l’affirme l’État partie, plusieurs voies de recours sont ouvertes aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille en cas de violation de leurs droits et qu’il n’est pas nécessaire de justifier de son statut migratoire pour avoir accès aux services de la justice. Il prend également note des renseignements fournis par la délégation sur les recours judiciaires disponibles contre les mesures d’expulsion. Il constate toutefois avec préoccupation que ces voies de recours ne sont pas mentionnées dans la loi organique sur la mobilité humaine et qu’aucune information précise n’est donnée sur leur application effective.

21. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, dans la loi comme dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille − y compris les personnes en situation irrégulière − aient la possibilité, dans les mêmes conditions que les nationaux, de déposer plainte devant les tribunaux et d’obtenir réparation en cas de violation des droits qu’ils tiennent de la Convention. Il lui recommande aussi de modifier la loi organique sur la mobilité humaine et son règlement d’application de manière à y inscrire expressément les voies de recours judiciaire utiles disponibles pour la révision par des tribunaux indépendants et impartiaux des décisions prises dans le cadre de procédures administratives d’expulsion, d’annulation de visa et de refus d’admission. En particulier, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour garantir que les recours administratifs et judiciaires aient un effet suspensif et que les enfants qui pourraient être touchés par ces décisions exercent leur droit d’être entendus. Enfin, le Comité lui recommande d’adopter des mesures pour former les juges, les procureurs et les défenseurs publics aux droits inscrits dans la Convention.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Droit à la liberté

22.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie sur la fermeture du centre d’accueil temporaire Hôtel Carrión, dans lequel des travailleurs migrants continuaient d’être détenus, et relève avec satisfaction que la loi organique sur la mobilité humaine interdit la privation de liberté dans le cadre de la procédure migratoire. Il est préoccupé, toutefois, de ne pas avoir d’informations sur les cas de détention de travailleurs migrants et de membres de leur famille qui se sont produits avant l’entrée en vigueur du nouveau texte législatif, et s’inquiète aussi des cas de détention temporaire à l’aéroport international de Quito qui ont été signalés.

23. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application sans réserve des dispositions interdisant la privation de liberté pour des motifs liés à la migration. Il lui recommande d’entreprendre une étude exhaustive afin de déterminer s’il y a eu des cas de détention arbitraire avant la réforme législative et, dans ces cas, d’établir les responsabilités et d’assurer une réparation appropriée. Il engage instamment l’État partie à veiller à ce que, dans les procédures d’entrée et d’admission dans les aéroports, la règle de la non-détention soit rigoureusement appliquée et que l’accès aux services du Défenseur du peuple et au Service de la défense publique soit garanti dans le cadre de ces procédures.

Expulsion

24.Le Comité note que la Constitution, en son article 66, paragraphe 14, interdit l’expulsion collective d’étrangers et dispose que les procédures migratoires doivent être individualisées. Il prend note également des recours administratifs ouverts aux travailleurs migrants en cas d’expulsion et note que l’État partie a indiqué qu’une aide juridique était assurée dans les procédures administratives par le Service de la défense publique. Cependant, bien que la loi organique sur la mobilité humaine prévoie des recours judiciaires, le Comité est préoccupé par le manque d’information précise sur la réalisation, dans la pratique, du droit à l’aide juridique gratuite pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille en cas d’expulsion.

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application effective, indépendamment du statut migratoire, des garanties d’une procédure régulière, l’accès à la justice et un contrôle par un organe indépendant et impartial, tout en garantissant l’effet suspensif des recours administratifs et judiciaires formés contre une mesure d’expulsion. L’État partie est engagé instamment à revoir les motifs de refus d’entrée et d’expulsion de façon à les rendre strictement conformes à la Convention, y compris le motif très général de refus que recouvre l’expression « être considéré comme une menace ou un risque pour la sécurité ».

26.Le Comité est également préoccupé par les informations reçues faisant état de l’arrestation et de l’expulsion collective, en juillet 2016, de plus de 100 Cubains, parmi lesquels se seraient trouvés des enfants, des adolescents et des personnes âgées. Il s’inquiète de ce que les intéressés n’aient pas eu la possibilité de former un recours utile avec effet suspensif ni la possibilité de contester la décision, conformément à la Convention. Dans cette même affaire, son attention a été appelée par l’annulation par le pouvoir exécutif de décisions judiciaires qui ordonnaient la remise en liberté.

27. Le Comité recommande à l’État partie de mener toutes les enquêtes approfondies et indépendantes nécessaires pour déterminer les violations des droits de l’homme qui ont été commises, établir les responsabilités et assurer réparation aux victimes conformément aux dispositions de la Convention et des instruments relatifs aux droits de l’homme. Il engage instamment l’État partie à diffuser les résultats de ces enquêtes et les mesures adoptées.

28.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie au sujet de la situation migratoire de la journaliste franco-brésilienne Manuela Picq et relève avec satisfaction que son entrée et son séjour régulier sur le territoire équatorien ne font l’objet d’aucune restriction. Il s’inquiète toutefois de ce que les garanties d’une procédure régulière n’aient pas été respectées dans l’annulation de son titre de séjour et dans la privation de liberté dont elle a été l’objet.

29. Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une enquête impartiale sur la situation de M me  Picq et d’adopter les mesures nécessaires pour que, en cas de demande d’entrée et de séjour sur le territoire, les conditions établies dans la loi organique sur la mobilité humaine au sujet du statut migratoire et de la facilitation de la régularisation, y compris les droits énoncés dans la Convention, dans l’Accord sur l’octroi du statut de résident aux ressortissants des État parties du MERCOSUR et dans la c onvention ( n o 169) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, soient respectées.

Assistance consulaire

30.Le Comité note les progrès réalisés s’agissant d’améliorer et d’étendre les services consulaires, par l’adoption de protocoles de prise en charge des travailleurs migrants et de protection de leurs droits. Il regrette toutefois l’absence de renseignements sur les ressources humaines et financières dont sont dotés les consulats d’Équateur aux États-Unis et dans les pays d’Europe, en particulier en Espagne et en Italie, pour apporter une assistance et une protection adéquates aux travailleurs migrants.

31. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que ses services consulaires répondent efficacement aux besoins d’assistance des travailleurs migrants équatoriens et des membres de leur famille et assurent la protection de leurs droits, notamment d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes aux services consulaires et de concevoir des programmes de formation permanente sur la Convention et les autres instruments des droits de l’homme à l’intention des agents consulaires. Il l’engage instamment à adopter les mesures voulues pour préciser dans la législation le rôle que jouent les bureaux du Défenseur du peuple établis à l’étranger dans la protection effective des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que les relations de ces bureaux avec les consulats, et à dégager les ressources nécessaires à ces activités.

Soins médicaux

32.Le Comité relève que la Constitution et la loi organique sur la mobilité humaine interdisent la discrimination dans l’accès aux droits à raison de la nationalité et du statut migratoire. Toutefois, l’article 52 de la loi organique, qui régit le droit à la santé, limite cette interdiction de la discrimination aux soins médicaux d’urgence.

33. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour assurer à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille − indépendamment de leur nationalité et de leur statut migratoire − le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint, conformément à la Convention, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et aux observations générales n o  14 (2000), sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, et n o  20 (2009), sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Éducation

34.Le Comité note que la loi garantit à tous les enfants qui vivent sur le territoire de l’État partie, y compris aux enfants des travailleurs migrants, le droit d’accéder au système d’enseignement. Il constate toutefois avec préoccupation qu’une discrimination continue d’être exercée dans les établissements scolaires à l’égard d’enfants et d’adolescents d’une autre origine nationale par les autorités, les enseignants et les parents, et regrette l’absence de renseignements sur les programmes spécifiquement conçus pour garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille l’accès effectif à l’éducation.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes et efficaces pour garantir l’accès au système d’enseignement des travailleurs migrants et, surtout, de leurs enfants, notamment en mettant fin à la discrimination à l’égard des enfants et des adolescents d’une autre origine nationale. Il recommande en particulier de renforcer les mesures visant à garantir le droit à l’éducation des enfants migrants et des enfants de migrants, y compris pour ce qui est de l’obtention des certificats de reconnaissance de leurs études. Le Comité engage aussi instamment l’État partie à faciliter l’accès des enfants de migrants rapatriés par une simplification des documents nécessaires.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit d’élire et d’être élu dans l’État d’origine

36.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des informations reçues au sujet de l’exercice effectif par les migrants équatoriens du droit de prendre part aux affaires publiques de leur État d’origine, de voter et d’être élus au cours d’élections organisées par cet État. Il relève également l’insuffisance des informations concernant le droit des travailleurs migrants qui résident en Équateur de voter et de prendre part aux affaires publiques.

37. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les moyens dont disposent les Équatoriens qui vivent à l’étranger pour prendre part aux affaires publiques de l’État partie et sur le taux de participation de ces citoyens aux élections présidentielles et législatives. Il l’encourage aussi à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les migrants équatoriens puissent exercer effectivement leur droit de vote, par exemple en organisant des campagnes d’information à leur intention. De même, le Comité prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir la participation à la vie politique et le droit des travailleurs migrants qui résident en Équateur de voter.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Conditions saines, équitables et humaines en matière de migration internationale

38.Le Comité prend note de la ratification par l’État partie de l’Accord sur l’octroi du statut de résident aux ressortissants des États parties du MERCOSUR et des États associés au MERCOSUR, publié en 2014 dans le numéro 209 du Journal officiel, ainsi que du décret ministériel no 000031, portant règlement d’application de cet accord et reconnaissant aux ressortissants argentins, boliviens, brésiliens, chiliens, colombiens, paraguayens, péruviens et uruguayens le droit de bénéficier de la catégorie de visa en question. Le Comité est toutefois préoccupé par les coûts des visas mentionnés dans l’accord (compris entre 50 et 300 dollars des États‑Unis par personne), qui, dans bien des cas, rendront ces visas inaccessibles aux migrants et aux membres de leur famille, compte tenu de leur situation.

39. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires −  législatives, pratiques et autres  − pour garantir des voies permanentes de régularisation aux migrants, sans discrimination et selon des procédu res accessibles et abordables.

Enfants et adolescents en situation de migration

40.Le Comité prend note de l’adoption du protocole de prise en charge des enfants et des adolescents demandeurs d’asile. Il constate toutefois avec préoccupation que le paragraphe 2 de l’article 129 de la loi organique sur la mobilité humaine interdit l’entrée sur le territoire de l’État partie aux enfants non accompagnés et n’ayant pas reçu l’autorisation requise de leurs parents ou de leurs représentants légaux.

41. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour permettre à tout enfant ou adolescent non accompagné d’entrer sur son territoire, en vue d’évaluer et de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, dans des conditions d’égalité et indépendamment du fait que celui-ci soit ou non demandeur d’asile, pour ensuite définir et appliquer les mesures immédiates et durables qui s’imposent dans chaque cas pour protéger et garantir ses droits. Les autorités chargées de la protection intégrée de l’enfance et de l’adolescence devraient jouer un rôle déterminant dans ces procédures et dans l’app lication des mesures adoptées.

Régularisation

42.Le Comité prend note de la procédure de régularisation des citoyens étrangers engagée en 2016, et, en particulier, des informations fournies par l’État partie sur la régularisation de citoyens haïtiens, vénézuéliens, péruviens et dominicains. Il constate toutefois avec préoccupation que l’obligation de justifier de « moyens de subsistance licites dans le pays », qui est faite à toutes les catégories de migrants aux fins de la régularisation de leur séjour dans l’État partie (art. 56, 61 (par. 5), 64 (par. 5) et 86 (par. 6) de la loi organique sur la mobilité humaine), crée une situation discrétionnaire et que bon nombre de personnes ne peuvent y être satisfaire, en particulier les migrants qui travaillent à leur compte dans le secteur informel. Le Comité se déclare à nouveau préoccupé (voir CMW/C/ECU/CO/2, par. 33) par le fait que les procédures actuelles de régularisation des migrants sont difficilement accessibles pour des raisons de coût et d’éloignement.

43. Le Comité réitère la recommandation qu’il a formulée précédemment (voir CMW/C/ECU/CO/2, par. 33) et invite l’État partie à redoubler d’efforts pour concevoir et mettre en œuvre une politique globale de régularisation de la situation migratoire, qui rende celle-ci matériellement et financièrement accessible à tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière. Il recommande en particulier à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour faciliter la régularisation des personnes qui ne viennent pas de pays du MERCOSUR −  notamment des personnes qui viennent d’Afrique et d’Asie  − ainsi que des personnes en situation de vulnérabilité, comme les Vénézuéliens, par exemple en accordant des visas p our des raisons humanitaires ;

b) De faire plus clairement ressortir la possibilité d’une régularisation dans la loi organique sur la mobilité humaine et da ns la législation secondaire ;

c) De faire en sorte que les sanctions pécuniaires imposées pour des infractions liées au statut migratoire (par exemple, expiration du permis de séjour) n’empêchent pas l’accès aux m écanismes de régularisation ;

d) De prendre en compte, au moment d’envisager le refus d’une demande de séjour ou de régularisation, le droit à la vie de famille et les droits de l’enfant, ainsi que d’autres considérations liées aux droi ts inscrits dans la Convention.

Retour au pays et réinsertion

44.Le Comité prend note de la création de la Direction pour l’insertion des migrants revenus au pays, qui compte un service dans chacune des huit coordinations régionales de l’État partie, ainsi que des différents programmes en faveur des migrants revenus au pays, notamment le programme d’aide au retour et les plans de création d’entreprise, d’insertion professionnelle, d’accès au crédit et d’accès au logement. Il regrette toutefois le manque d’informations sur la manière dont ces programmes aident les travailleurs migrants et les membres de leur famille revenus en Équateur et contribuent à leur réinsertion au regard des droits consacrés par la Convention.

45. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour défendre et garantir les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui reviennent au pays, volontairement ou en application de mesures d’expulsion, de manière que leur retour et leur réinsertion se fassent dans de bonnes conditions. Il lui recommande en particulier de créer des services d’aide d’urgence dans les aéroports internationaux pour les personnes qui reviennent au pays après avoir été expulsées. Le Comité prie instamment l’État partie de renforcer ses efforts en vue d’une intégration durable des migrants dans le tissu économique, social et culturel de l’Équateur, à la lumière des droits énoncés dans la Convention et dans les autres instruments internationaux que celui-ci a ratifiés.

Traite des personnes

46.Le Comité note que l’État partie a pris des mesures législatives, politiques et institutionnelles importantes pour lutter contre la traite des personnes et les pratiques connexes, notamment l’adoption d’un nouveau Code pénal en 2014, la création du Comité de coordination interinstitutions chargé de prévenir la traite des personnes et le trafic de migrants et de protéger les victimes de ces pratiques et la conclusion de protocoles d’accord et d’accords de coopération en matière de lutte contre la traite des personnes avec des pays de la région andine tels que le Chili, la Colombie et le Pérou. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’absence d’un cadre législatif complet en matière de lutte contre la traite ;

b)Le fait que le plan national de lutte contre la traite des personnes actuellement appliqué date de 2006 et n’est plus en adéquation avec la situation du pays dans ce domaine ;

c)Le manque de structures destinées à accueillir les victimes de la traite ;

d)L’insuffisance des ressources humaines et financières affectées à la prévention et à l’élimination de la traite des personnes.

47. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de lutter contre la traite des personnes, et en particulier :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour que les dispositions prévues en la matière par la loi organique sur la mobilité humaine et son règlement d’application soient pleinement appliquées ;

b) D’intensifier les campagnes de prévention de la traite des travailleurs migrants et de prendre les mesures voulues pour empêcher la diffusion d’informations mensongères sur l’émigration et l’immigration ;

c) De renforcer la formation des fonctionnaires de police et des autres membres des forces de l’ordre, des gardes frontière, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, des membres du personnel des services de santé et des agents des ambassades et des consulats de l’État partie, en vue de lutter contr e la traite des êtres humains ;

d) De procéder à des enquêtes rapides, efficaces et impartiales sur tous les actes de traite des êtres humains et autres infractions connexes, de poursuivre en justice et de punir les auteurs de ces actes et d’examiner sans retard toutes les plaintes déposées contre les responsables d’actes de traite ;

e) D’allouer des ressources humaines et financières suffisantes au Comité de coordination interinstitutions chargé de prévenir la traite des personnes et le trafic de migrants et de protéger les victimes de ces pratiques, afin qu’il puisse appliquer effectivement des stratégies propres à prévenir et à éliminer la traite des êtres humains ;

f) De redoubler d’efforts pour repérer les personnes concernées et d’apporter protection et assistance à toutes les victimes de la traite, notamment en leur fournissant un logement, des soins médicaux et un soutien psychosocial et en adoptant d’autres mesures qui facilitent leur réinsertion dans la société ;

g) De participer plus activement à la coopération internationale, régionale et bilatérale visant à prévenir et à comba ttre la traite des personnes ;

h) De prendre des mesures pour supprimer les causes structurelles de la traite des êtres humains, notamment le machisme, l’adultocentrisme, la discrimination raciale et la difficulté d’accéder au monde du travail et à l’éducation ;

i) De modifier la loi organique sur la mobilité humaine pour qu’elle garantisse des modalités spéciales de régularisation et de protection, qui tiennent compte des droits des personnes victimes de la traite ;

j) De mettre en place un système de protection spéciale à l’intention des victimes de la traite, distinct du système de protection des victimes et des témoins, et de renforcer les mesures de réparation complète ;

k) D’actualiser le plan national contre la traite des personnes de 2006 ;

l) De renforcer les programmes et les initiatives visant à prévenir et à sanctionner la traite des personnes à des fins d’exploitation par le travail, y compris les mesures de pro tection complète des victimes ;

m) D’étendre considérablement le réseau des structures d’accueil des victimes de la traite, y compris celles destinées aux adultes.

6.Suivi et diffusion

Suivi

48. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son quatrième rapport périodique des informations détaillées sur la suite donnée aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures voulues pour assurer l’application des présentes recommandations, y compris de transmettre celles-ci aux membres du Gouvernement, de l’Assemblée parlementaire et du pouvoir judiciaire, ainsi qu’aux autorités locales, pour qu’ils les examinent et prennent des mesures en conséquence.

49. Le Comité demande à l’État partie d’inviter les organisations de la société civile à participer à la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

50. Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans les deux ans (c’est-à-dire le 1 er  octobre 2019 au plus tard), des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 13, 25, 27, 29 et 47 ci-dessus.

Diffusion

51. Le Comité demande aussi à l’État partie de diffuser largement les dispositions de la Convention et les présentes observations finales, en particulier auprès des organismes publics et de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, dans le but de faire mieux connaître la Convention aux autorités judiciaires, législatives et administratives, à la société civile et à la population en général.

7.Assistance technique

52. Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’assistance internationale, y compris l’assistance technique, pour l’élaboration d’un programme global de mise en œuvre des présentes recommandations et des dispositions de la Convention dans son ensemble. Il le prie aussi instamment de continuer de coopérer avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment de solliciter auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme une assistance technique et une aide au renforcement des capacités en matiè re d’élaboration des rapports.

8.Prochain rapport périodique

53. Le Comité prie l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d’ici le 1 er  octobre 2022 et d’y faire figurer des informations sur la mise en œuvre recommandations formulées dans les présentes observations finales. L’État partie a la possibilité d’opter pour la procédure simplifiée de présentation des rapports, selon laquelle le Comité établit à l’intention de l’État partie une liste de points qui lui est communiquée avant la soumission de son rapport suivant. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention, ce qui le dispense de soumettre son rapport selon la procédure classique. Cette nouvelle procédure facultative a été adoptée par le Comité à sa quatorzième session, en avril 2011 (voir A/66/48, par. 26).

54. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les directives pour l’établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux-ci ne doivent pas compter plus de 21 200 mots, conformément aux dispositions de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Dans l’éventualité où son rapport dépasserait le nombre de mots prévu, l’État partie serait invité à le raccourcir conformément aux directives précitées. Si l’État partie n’était pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

55. Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et organismes publics à l’élaboration de son prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, s’il a opté pour la procédure simplifiée de présentation des rapports) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes, notamment la société civile, les organisations de défense des droits des travailleurs migrants et les organisations de défense des droits de l’homme.