Nations Unies

CED/C/ESP/AI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

17 janvier 2020

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Dix-huitième session

30 mars-9 avril 2020

Point 7 de l’ordre du jour provisoire

Examen des renseignements complémentaires soumis par les États parties à la Convention

Renseignements complémentaires soumis par l’Espagne en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention *

[Date de réception : 17 décembre 2019]

I.Introduction

1. Dans son rapport de 2013, le Comité demandait à l’Espagne de lui soumettre, au plus tard le 15 novembre 2019, en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tout renseignement nouveau concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention.

2.Il lui demandait également de lui communiquer, avant le 15 novembre 2014, des informations sur la suite qu’elle aurait donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12, 24 et 32. Ces informations préliminaires ont d’ores et déjà été envoyées au Comité.

3.Dans la communication en question, l’Espagne faisait valoir à la rubrique « questions préliminaires » que la compétence temporaire du Comité était celle établie par l’article 35 de la Convention. L’Espagne maintient tous les arguments et conclusions qu’elle a formulés à l’époque sur ce point.

4.Dans le présent rapport, l’Espagne fait suite aux autres recommandations du Comité.

5.Ces réponses ont été soumises à la société civile, qui s’est vu accorder une semaine ensuite prolongée de deux semaines et demie pour soumettre des contributions.

II.Renseignements sur la suite donnée aux observations finales

A.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 10 des observations finales (CED/C/ESP/CO/1)

6.L’infraction de disparition forcée en tant que crime contre l'humanité a été introduite dans le Code pénal par la loi organique no5/2010 et est ainsi réprimée par le paragraphe 2, alinéa 6 de l’article 607 bis, dont la teneur est conforme au libellé de l’article 5 de la Convention.

7.En outre, conformément à la recommandation du Comité et du Groupe de travail, le Code pénal tel que réformé en 2015 (par la loi organique no 1/2015) définit la disparition forcée conformément à l’article 2 de la Convention, et réprime le comportement de tout agent de la fonction publique ou autorité qui autorise, pratique ou prolonge la privation de liberté de quiconque, que celle-ci soit justifiée ou non par une infraction, et ne reconnaît pas ladite privation de liberté ou, de toute autre manière, dissimule cette situation ou l’endroit où se trouve la personne concernée, la privant des droits qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi (par. 2, al. a) de l’article 167 du Code pénal).

8.L’Espagne se conforme ainsi à l’obligation d’incriminer la disparition forcée en tant qu’infraction autonome, et incorpore tous les éléments prévus par l’article 2 de la Convention. Concrètement, elle définit la disparition forcée comme une privation de liberté commise par un agent de l’État et suivie de la dissimulation de la privation de liberté ou du sort ou du lieu où se trouve la personne disparue, avec pour effet la soustraction de celle-ci à la protection de la loi qui se caractérise par la privation des droits qui lui sont reconnus par la Constitution et par la loi.

9.Conformément à l’article 2 de la Convention, le paragraphe 2, alinéa b) de l’article 167 du Code pénal inclut également le cas où les faits résultent des agissements d’un particulier commis avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État ou de ses autorités.

10.Ces infractions sont réprimées de douze ans et six mois à vingt-deux ans d’emprisonnement en cas de dissimulation du lieu où se trouve la personne disparue, sans information concernant le sort de celle-ci; et de dix-sept ans et six mois à trente ans d’emprisonnement si la libération de la personne disparue est en outre soumise à condition, telle que le versement d’une rançon.

B.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 12 des observations finales

11.L’Espagne s’est exprimée au sujet de cette recommandation dans sa réponse intermédiaire de 2014. Il convient de préciser, en ce qui concerne la disparition résultant de la soustraction d’enfant, que le Bureau du Procureur général de l’État a publié dans sa circulaire no 2/2012, un avis selon lequel « tant que la jurisprudence n’aura pas établi fermement de principe contraire, il convient de considérer que si les faits entrent dans la définition de la détention illégale, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du moment où le sujet passif a eu connaissance de l’altération de sa filiation ». L’Espagne espère pouvoir trancher cette question dans les meilleurs délais.

12.En 2014, l’Espagne a répondu comme suit à la recommandation du Comité.

13.La première question (par. 12) concerne le délai de prescription, l’enquête sur les disparitions forcées indépendamment du temps écoulé depuis le début de la disparition et même si aucune plainte officielle n’a été déposée, ainsi que les « obstacles juridiques d’ordre interne », selon les termes du Comité, qui pourraient entraver les enquêtes sur les disparitions forcées.

14.En ce qui concerne la prescription, il faut souligner que le Code pénal dispose, au paragraphe 4 de son article 131, que les crimes contre l’humanité ne sont en aucun cas prescriptibles. Les autres cas de disparition forcée sont soumis aux délais de prescription généraux prévus dans la partie générale du Code pénal.

15.L’action qui rend la responsabilité pénale effective est calculée à partir du moment où l’infraction est consommée et où ses effets prennent fin (lorsque cesse l’acte délictueux, ce qui peut ne pas coïncider avec le moment de la consommation) ; c’est-à-dire à partir du moment où le sujet actif met fin à l’acte dommageable à la victime ou à l’intérêt général.

16.La consommation de l’infraction est la dernière phase, aux fins du droit pénal, de l’iter criminis ou du processus d’exécution de l’infraction. Elle est réalisée quand l’auteur de l’infraction exécute tous les actes qui, selon la loi, constituent l’infraction et obtient ainsi les résultats ou les conséquences prévus ou visés par sa résolution criminelle. L’infraction prend fin quand l’acte délictueux cesse effectivement.

17.Dans le cas d’une disparition forcée il faut déterminer au cas par cas le type d’acte constituant le comportement délictueux afin d’établir le moment où celui-ci prend fin, puisqu’il s’agit d’une infraction continue, dont la consommation et la cessation des effets ne coïncident pas (art. 132 du Code pénal : « … à partir du jour où le dernier acte délictueux a été réalisé, du jour où la situation illicite a pris fin, ou du jour où le comportement délictueux a cessé »).

18.Si la victime est retrouvée en vie, recouvre la liberté parce que ceux qui la gardaient captive l’ont relâchée, parce qu’elle a été sauvée par des tiers, ou qu’elle a réussi à s’enfuir, l’infraction, qui est une infraction continue (l’acte délictueux continue tant que la victime est entre les mains des auteurs de l’infraction), cesse une fois que la victime est libre. L’infraction, qui a été consommée au moment de l’enlèvement, cesse avec l’achèvement de l’acte matériel qui l’a constituée.

19.Il en va de même dans le cas où, après la disparition − c’est-à-dire pendant sa rétention − la victime a subi des mauvais traitements, des actes de torture ou des atteintes sexuelles ; en pareil cas, si elle est libérée, autrement dit, si elle est retrouvée en vie, le délai de prescription (en l’absence de décès) est déterminé pour l’infraction continue ,compte tenu des circonstances aggravantes de celle-ci ou, s’il y a concours réel, pour une seule infraction les englobant toutes. En pareil cas, le délai de prescription applicable à l’infraction continue avec circonstances aggravantes, ou à l’infraction la plus grave en cas de concours, commence à courir à partir du moment où la victime est libérée.

20.Si ceux qui l’ont capturée ôtent la vie à la victime, alors l’infraction, avec ses circonstances aggravantes, ou en concours avec l’infraction d’homicide ou d’assassinat, est consommée et terminée au moment de la mort de la victime, moment où la commission de l’infraction prend objectivement fin. En pareil cas, le délai de prescription commence à courir à compter de ce moment (moment de la mort), conformément aux dispositions de l’article 132 du Code pénal, ni avant ni après.

21.En ce qui concerne l’enquête sur les disparitions forcées, indépendamment du temps écoulé depuis le début de la disparition, ainsi que du fait qu’une plainte ait été ou non déposée, il faut rappeler ici la jurisprudence établie par le Tribunal suprême et par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son jugement no 101/2012, le Tribunal suprême a rejeté la demande d’un groupe d’associations pour le rétablissement de la mémoire historique, au motif que l’ordre juridique espagnol ne prévoit pas de « procès de la vérité, autrement dit de procès visant à faire ouvrir une information judiciaire sur des faits, présentant l’apparence d’actes délictueux, pour lesquels il n’est pas possible que la procédure aboutisse à la déclaration de culpabilité d’un individu, en raison de l’existence d’une cause d’extinction de la responsabilité pénale, de la mort de la personne en cause, de la prescription des faits ou d’une amnistie » (attendus, par. 1). Le temps écoulé depuis l’accomplissement des faits qui sont l’objet d’une plainte est un élément important dans le droit espagnol, non seulement par l’effet de la prescription, mais aussi parce qu’en Espagne, le procès pénal n’a pas pour objet d’enquêter sur les faits, mais seulement de déterminer qui en sont les auteurs et de les punir. Les juges et procureurs espagnols ont tenu compte de l’impossibilité de punir les auteurs éventuels pour conclure à l’impossibilité d’utiliser le procès pénal pour enquêter sur des faits remontant aux années 1930 et 1940. Cela ne signifie pas que toute enquête visant à déterminer le lieu où se trouvent les personnes disparues pendant la guerre civile est impossible. L’Audiencia Provincial de Madrid a rendu deux décisions (no 75/2014 et no 478/2013) qui confirment que la voie pénale n’est pas appropriée pour satisfaire les prétentions des demandeurs (en l’espèce, il s’agissait d’exhumer les restes de membres de leur famille enterrés au Valle de los Caídos pour les faire inhumer ailleurs). Mais dans ces décisions, le Tribunal suprême ne s’est pas limité à classer l’affaire et à empêcher toute enquête, il a également indiqué qu’il était possible d’utiliser la voie administrative, qui est la voie appropriée dans le droit espagnol et celle prévue par la loi de mémoire de 2007.

22.Le temps écoulé depuis la commission des faits a également été retenu comme un élément déterminant dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, par décision du 27 mars 2011 (affaire Gutiérrez Dorado y Dorado Ortiz c. Espagne ) a déclaré irrecevable une requête qui portait sur la disparition du député socialiste Luis Dorado Luque, dont on ignore où il se trouve depuis son placement en détention, en 1936. La Cour européenne a également considéré comme un élément déterminant le fait que la plainte n’avait pas été déposée plut tôt et qu’il s’était écoulé vingt-cinq ans depuis que l’Espagne avait reconnu la compétence de la Cour européenne et plus de soixante-dix depuis la disparition.

23.Le Comité évoque également parmi les « obstacles » qui entravent l’enquête la loi d’amnistie de 1977 qui, comme cela a été dit, est loin d’être le seul obstacle en l’espèce. Comme l’Espagne a eu l’occasion de l’expliquer devant les organes qui se sont intéressés à la question, la loi d’amnistie n’est pas une loi « du point final » adoptée par la dictature pour s’absoudre de ses actes ; c’est une loi qui a été adoptée par les représentants des partis politiques démocratiquement élus au Parlement qui étaient parfaitement conscients de l’importance du pas qu’ils étaient en train de faire à tous points de vue. La loi prévoit l’extinction de la responsabilité pénale tant pour les opposants à la dictature que pour ceux qui l’ont défendue et ces deux aspects ont recueilli un large consensus de la part de toutes les forces politiques, comme le montrent les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi, les déclarations des représentants des partis d’opposition et les analyses politiques qui ont été faites par la suite, où il a été fait référence à maintes reprises à la volonté de réconciliation et à la conviction que la réconciliation n’était possible que par l’oubli et le pardon. Ce sont cette volonté et cette conviction qui ont présidé à l’adoption de la loi d’amnistie à la quasi-unanimité des voix des députés démocratiquement élus. En fait, bien avant l’adoption de la loi, en 1960, les actes du sixième Congrès du Parti communiste espagnol, à l’époque encore illégal, faisaient apparaître une proposition d’amnistie générale, pour les deux camps.

C.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 14 des observations finales

24.L’article 9 de la Convention fait partie intégrante de la législation espagnole, dans la mesure où la Convention est un traité formellement ratifié par l’Espagne et publié au journal officiel, de sorte qu’aucune loi nationale n’est requise pour l’incorporer dans le droit interne. Les principes qui y sont énoncés en matière de compétence s’appliquent par conséquent aux tribunaux espagnols. Il en va de même de tous les articles de la Convention et des obligations que ceux-ci font aux États parties à celle-ci.

25.En outre, l’article 23 de la loi organique no 6/1985 du 1er juillet relative au pouvoir judiciaire établit la compétence des tribunaux pénaux espagnols pour connaître des affaires portant sur des infractions et contraventions commises sur le territoire espagnol, ou à bord de navires ou d’aéronefs immatriculés en Espagne, ainsi que des affaires dans lesquelles les auteurs présumés sont espagnols ou sont des étrangers ayant acquis la nationalité espagnole y compris après les faits, et où les conditions ci-après sont réunies :

a)Que les faits en cause soient réprimés là où ils ont été commis, à moins qu’un traité ne lève cette obligation, et compte tenu des dispositions des alinéas suivants ;

b)Que la victime ou le ministère public saisissent les tribunaux espagnols ;

c)Que l’auteur des faits n’ait pas été disculpé, gracié ou condamné à l’étranger ou, dans ce dernier cas, qu’il n’ait pas purgé sa peine. Dans le cas où il l’aurait partiellement purgée, cet élément sera pris en compte et la peine réduite proportionnellement.

26.Dans le cas d’infractions de disparition forcée visées par la Convention, les tribunaux espagnols sont compétents pour connaître des faits commis par des Espagnols ou des étrangers hors du territoire national lorsque : 1. la procédure vise un ressortissant espagnol, ou 2. lorsque la victime avait la nationalité espagnole au moment de la commission des faits et que l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur le territoire espagnol.

27.L’Espagne est donc en conformité avec les recommandations du Comité à cet égard.

28.S’agissant de l’obligation qui découle du principe aut dedere aut judicare, l’Espagne renvoie le Comité à la réponse fournie au paragraphe 20.

D.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 16 des observations finales

29.Les tribunaux militaires sont compétents pour connaître de certains comportements entrant dans l’infraction de « disparition forcée » conformément à la loi organique no 14/2015 portant Code pénal militaire, qui est postérieure aux recommandations du Comité.

30.Le paragraphe 2, alinéa a) de l’article 9 dudit code définit comme infractions « tous autres actes ou omissions commis par un militaire et définis par le Code pénal comme […] des infractions contre des personnes ou des biens protégés en situation de conflit armé, y compris les infractions aux dispositions de droit commun, si celles-ci ont été commises par abus de pouvoir ou en contravention des devoirs établis par la loi organique no 9/2011 du 27 juillet relative aux droits et devoirs des membres des forces armées ou par la loi organique no 11/2007 du 22 octobre régissant les droits et devoirs des membres de la Garde civile ».

31.En conséquence, est considérée comme infraction militaire l’infraction définie à l’article 607 bis du Code pénal, qui réprime en son paragraphe 2.6, la disparition forcée de personnes en tant que crime contre l’humanité.

32.S’agissant des peines applicables, la définition des infractions susmentionnées comme infractions militaires entraîne une augmentation notable de la peine. Ainsi, conformément aux dispositions du paragraphe 9, alinéa 3 du Code pénal militaire, la peine maximale prévue par le Code pénal est majorée d’un cinquième, hormis lorsque la position d’autorité ou d’agent de la fonction publique de l’auteur de l’infraction pénale est déjà prise en compte par la loi pour définir ou réprimer l’infraction.

33.Au vu de cette réglementation, l’Espagne saurait gré au Comité de bien vouloir lui communiquer le plus rapidement possible les motifs de ses préoccupations et de son affirmation selon laquelle les tribunaux militaires espagnols ne remplissent pas les conditions d’indépendance et d’impartialité, de manière qu’elle puisse les examiner et procéder aux modifications procédurales voulues pour garantir le droit de tout accusé à un procès équitable. L’Espagne considère comme un fait, car il ne saurait en être autrement, que ces préoccupations et cette affirmation sont le fruit d’un examen des conditions dans lesquelles la justice militaire est rendue en Espagne. Elle souhaite tout particulièrement que cette étude lui soit communiquée, d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais rendu d’arrêt dans lequel elle aurait estimé que les tribunaux militaires espagnols auraient violé le droit à un procès équitable et les garanties procédurales.

34.En outre, l’Espagne prie le Comité de bien vouloir citer l’article de la Convention qui lui confère le pouvoir de formuler des recommandations sur la manière dont doit être organisé le pouvoir judiciaire des États qui y sont parties. L’Espagne reconnaît la compétence du Comité pour porter à son attention d’éventuelles carences de sa législation ou de sa pratique procédurales qui pourraient empêcher ou entraver l’enquête et la répression des disparitions forcées, selon la réglementation internationale et précisément selon le paragraphe 3 de l’article 11 de la Convention. Cela ne signifie pas pour autant que le Comité est compétent pour faire des recommandations aux États parties sur la manière dont ils doivent organiser leur pouvoir judiciaire.

35.L’Espagne est certaine que le Comité ne discrédite pas sa juridiction militaire en s’appuyant sur de simples conjectures ou présomptions, raison pour laquelle elle renouvelle sa demande tendant à ce que celui-ci lui fasse part le plus rapidement possible du raisonnement sur lequel il s’est sans nul doute appuyé pour parvenir à ses conclusions.

36.Dans l’attente que ces observations lui soient communiquées, l’Espagne tient à préciser que la justice militaire a été intégrée dans le pouvoir judiciaire de l’État, conformément au principe d’unité juridictionnelle consacré par le paragraphe 5 de l’article 117 de la Constitution. Conformément à ce principe, l’article premier de la loi organique no 4/1987 du 15 juillet relative à la compétence et à l’organisation de la juridiction militaire dispose que « la juridiction militaire, qui fait partie intégrante du pouvoir judiciaire de l’État, administre la justice au nom du Roi, conformément aux principes de la Constitution et aux lois », ce qui garantit à ses membres l’application des garanties d’indépendance, d’inamovibilité, de responsabilité et de soumission à la seule autorité de la Loi, telles que reconnues à l’article 117 de la Constitution, ainsi que le respect des droits et des garanties procédurales énoncés, entre autres, aux articles 24 et 25 de celle‑ci, à savoir : le principe de légalité et d’interdiction de l’arbitraire, le droit à un recours effectif devant un juge ou un tribunal indépendant et impartial prédéterminé par la loi, le droit à la défense, le droit à la présomption d’innocence et le droit à un procès public assorti de toutes les garanties.

37.En outre, toutes les décisions des organes judiciaires militaires sont susceptibles d’appel devant la cinquième chambre du Tribunal suprême, organe supérieur de la justice civile au sein duquel sont unifiées la juridiction militaire et la juridiction ordinaire. De plus, la juridiction militaire applique naturellement les droits et garanties énoncés dans les instruments internationaux ratifiés par l’Espagne en matière de droits de l’homme, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et ses décisions peuvent être contestées devant la Cour européenne des droits de l’homme.

38.L’indépendance et l’impartialité effectives des organes de la juridiction militaire ne sauraient être contestées au regard de la loi et de la Constitution, comme l’a confirmé le Tribunal constitutionnel dans sa décision no 113/1995 du 6 juillet. De surcroît, il convient de mentionner que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais rendu d’avis mettant en cause l’indépendance des organes juridictionnels militaires de l’Espagne depuis les modifications apportées par la loi organique no 4/1987 susmentionnée conformément aux dispositions de la Constitution évoquées plus haut.

39.L’attribution à la juridiction militaire des compétences énoncées dans ce texte dans des situations telles que les conflits armés, l’état de siège ou l’exécution d’opérations extérieures est un élément déterminant pour garantir l’effectivité de l’action de la justice. Il convient en outre de réaffirmer que les peines prévues pour la commission d’une infraction de disparition forcée sont considérablement majorées si les faits en cause sont reconnus comme étant constitutifs d’une infraction militaire.

E.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 18 des observations finales

40.En Espagne, il est un principe général qui veut que s’il y a des indices indiquant qu’un fonctionnaire a commis une infraction ou un délit, une enquête doit être ouverte. Des mesures de précaution peuvent être prises pour éviter que ladite enquête soit entravée. Parmi ces mesures, il est d’usage de suspendre le fonctionnaire afin d’éviter que son maintien ne mette l’enquête en péril.

41.S’agissant des forces de police et de sécurité de l’État, le régime disciplinaire établi par la loi prévoit d’ores et déjà la possibilité qu’une fois ouverte la procédure pénale ou disciplinaire, et à condition qu’il y ait des éléments d’appréciation suffisants, des mesures de précaution appropriées soient prises à titre préventif et sur la base d’une décision motivée, pour faire en sorte que l’enquête soit aussi complète que possible, et favoriser ainsi le traitement du dossier et garantir la mise en œuvre effective d’une éventuelle décision de justice.

42.C’est ce que prévoient, dans le cas de la Police nationale, l’article 33 de la loi organique no 4/2010 du 20 mai relative au régime disciplinaire des forces nationales de police et, dans le cas de la Garde civile, l’article 54 de la loi organique no 12/2007 du 22 octobre relative au régime disciplinaire de la Garde civile.

43.Il existe une règle similaire pour les agents de la fonction publique en général, qui prévoit la suspension à titre de précaution des fonctionnaires soupçonnés d’avoir commis une infraction dans l’exercice de leurs fonctions. Cette règle est énoncée à l’article 98 du Décret-loi royal no 5/2015, du 30 octobre, portant adoption de la loi révisée sur le statut de base des fonctionnaires.

F.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 20 des observations finales

44.Les tribunaux espagnols sont tenus de fournir aux autorités judiciaires étrangères la coopération que celles-ci leur demandent pour s’acquitter de leur fonction juridictionnelle, conformément aux dispositions pertinentes des traités et conventions internationaux auxquels l’Espagne est partie, à la réglementation de l’Union européenne et à la législation espagnole en la matière. Les demandes de coopération internationale sont traitées conformément aux dispositions des instruments internationaux, à la réglementation de l’Union européenne et à la législation pertinente de l’Espagne (art. 276 et 277 de la loi organique no 6/1985 du 1er juillet relative au pouvoir judiciaire).

G.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 22des observations finales

45.Cette interdiction est expressément énoncée au paragraphe 2 de l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et figure en outre dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Toutes ces règles sont directement incorporées dans l’ordre juridique espagnol une fois publiées au journal officiel (Boletín Oficial del Estado). Les normes d’application directe émanant de l’Union européenne, sont applicables une fois qu’elles ont été publiées au Journal officiel de celle‑ci.

46.En outre, cette question a été largement débattue par le Tribunal constitutionnel de l’Espagne, qui a été saisi de recours en protection des droits constitutionnels (amparo) par de nombreux étrangers sous le coup de décisions d’extradition ou d’arrêtés d’expulsion. Dans ces affaires, le Tribunal constitutionnel déclare systématiquement qu’il existe un socle inaliénable de droits fondamentaux sur lequel les tribunaux espagnols peuvent et doivent s’appuyer pour apprécier les répercussions que pourraient avoir les actes des pouvoirs publics étrangers. Si ces actes représentent une menace pour les droits en question, toute décision d’extradition ou d’expulsion serait contraire à la Constitution espagnole. Or, la disparition forcée constituant une atteinte à ce socle de droits, les tribunaux et l’administration espagnols doivent faire preuve de mesure avant d’expulser ou d’extrader une personne, obligation à laquelle les tribunaux de notre pays ont eu maintes fois l’occasion de se conformer, comme cela a été dit précédemment.

47.Par ailleurs, les mécanismes d’extradition, de remise, de refoulement et d’expulsion sont mis en œuvre dans le respect des garanties prévues par la loi.

48.En outre, la loi organique no 4/2000 relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration dans la société, prévoit expressément au paragraphe 2 c) de son article 2 bis, qui a trait à la politique migratoire, que toutes les administrations publiques doivent fonder l’exercice de leurs compétences en matière d’immigration sur le respect, entre autres choses, du principe de la garantie de l’exercice des droits que la Constitution, les instruments internationaux et la législation reconnaissent à chacun.

49.De plus, cette loi prévoit une série de garanties juridiques dans le cadre des procédures administratives d’expulsion, de refoulement ou de refus d’entrée, telles que le droit à un recours effectif (art. 20), le droit de contester tous les actes administratifs (art. 21) et le droit à une aide juridique gratuite (art. 22).

50.Dans le même ordre d’idées, l’article 20 de ladite loi organique dispose que toutes les procédures administratives concernant des étrangers doivent systématiquement respecter les garanties prévues par la législation générale relative aux procédures administratives, en particulier en ce qui a trait à la publicité des règles, au principe du contradictoire, au droit de l’intéressé d’être entendu et à l’obligation que les décisions soient motivées.

H.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 24 des observations finales

51.L’Espagne renvoie à la réponse figurant dans son rapport de 2014. Elle y décrit dans les grandes lignes la réforme prévue de la loi de procédure pénale, à laquelle faisait également référence le Comité au paragraphe 24 de ses observations finales, et appelle l’attention du Comité sur le fait qu’il faut beaucoup de temps pour qu’un parlement puisse adopter une réforme d’une telle ampleur.

52.L’Espagne a l’honneur de faire savoir au Comité que la loi de procédure pénale a finalement été réformée par la loi organique no 13/2015. Le Comité trouvera ci-après la réponse que l’Espagne a fournie au Comité contre la torture qui lui avait adressé une recommandation très similaire. Celle-ci figure dans les réponses de l’Espagne à la liste de points établie avant la soumission de son septième rapport périodique, qui ont été envoyées au Haut-Commissariat aux droits de l’homme en mai 2019.

53.« La loi organique no 13/2015 du 5 octobre modifie la loi de procédure pénale, ainsi que la réglementation relative à la détention au secret. Celle-ci est assujettie à des règles et ne peut être appliquée de manière discrétionnaire. La détention au secret ne peut être autorisée de facto, mais uniquement à titre exceptionnel, en raison de la gravité des faits objet de l’enquête, l’intéressé bénéficiant de garanties légales et constitutionnelles. Le droit espagnol ne prévoit donc pas le recours à la législation d’exception (laquelle entraîne la suspension généralisée de certains droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens pour une période donnée), mais l’application d’un régime spécial visant des cas concrets, dans un but précis (prévenir la commission de nouvelles infractions ou l’aggravation des conséquences des infractions commises) et moyennant un contrôle strict du juge et du procureur. Les droits procéduraux et matériels de la personne concernée sont aussi peu restreints que possible, et des garanties supplémentaires sont également mises en place.

54.La loi de procédure pénale prévoit en son article 527, lu conjointement avec l’article 509, moyennant toutes les garanties voulues (droits du détenu et garanties procédurales), que le juge peut exceptionnellement autoriser la détention au secret pour protéger l’intégrité des victimes ou des témoins de faits délictueux, et éviter une mise en péril grave de l’enquête dans les cas ci-après :

a)Nécessité urgente d’éviter des conséquences graves susceptibles de mettre en péril la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne ; ou

b)Nécessité de permettre une action immédiate des juges d’instruction de manière à éviter des entraves graves à la procédure pénale.

55.Alors qu’avant la réforme de 2015, la suspension des droits fondamentaux de la personne placée en détention au secret était impérative pendant la durée de cette détention, l’emploi du terme « pourra » dans la nouvelle loi fait que la limitation de ces droits est désormais facultative. Cela permet de moduler les mesures selon les circonstances de l’espèce.

56.Le texte issu de la réforme prévoit :

a)Que l’avocat du détenu pourra être désigné d’office (le but étant d’éviter les entraves au travail de la police qui pourraient résulter d’éventuelles communications entre différents éléments terroristes par le biais de l’avocat de l’un d’eux) ;

b)Que le détenu pourra se voir privé du droit de s’entretenir en privé avec son avocat ;

c)Que le détenu pourra se voir interdire la possibilité de communiquer avec toutes les personnes avec lesquelles il a normalement le droit de le faire, ou avec l’une d’elles, à l’exception des représentants de l’autorité judiciaire et du ministère public et du médecin légiste ;

d)Que le détenu pourra se voir interdire l’accès aux actes de la procédure ;

e)Que l’avocat du détenu pourra se voir interdire l’accès aux actes de la procédure, y compris au rapport de police.

57.Comme cela a été dit, la durée de la détention au secret est de cinq jours, prorogeables de cinq jours dans les affaires portant sur des infractions terroristes. Il importe toutefois de souligner que l’établissement d’une durée maximale ne signifie pas que celle-ci doive être utilisée dans sa totalité. La détention au secret ne durera que le temps strictement nécessaire à la réalisation des mesures urgentes qui s’imposent pour éviter les risques visés.

58.Aux termes de l’article 509 de la loi de procédure pénale, la détention au secret doit être motivée par la nécessité d’éviter les risques que pourraient entraîner la connaissance de l’état d’avancement de l’enquête par des personnes étrangères à celle-ci, à savoir la soustraction à l’action de la justice d’auteurs ou de coauteurs de l’infraction, ou la dissimulation ou la destruction de preuves. En outre, la nécessité de la détention au secret doit être motivée par la nature particulière ou la gravité de certaines infractions, de même que par les circonstances subjectives ou objectives de celles-ci, de telle sorte qu’il est indispensable que l’enquête soit menée dans le plus grand secret.

59.La nécessité de la mesure de détention au secret pour atteindre l’objectif visé, tel qu’établi par la loi de procédure pénale, et le caractère indispensable de son adoption sont soumises à l’appréciation du juge, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour la procédure pénale et, partant, pour les droits du détenu et leur assure un contrôle accru.

60.Outre cette réponse, l’Espagne souhaite ajouter que depuis l’adoption de la réforme, le droit des membres de la famille de la personne détenue d’être informés sans délai de la privation de liberté de celle-ci et du lieu où elle se trouve à tout moment ne peut faire l’objet d’aucune restriction, et que, de manière générale, ce droit est garanti sans restriction par le paragraphe 2, alinéa e) de l’article 520 de la loi de procédure pénale.

61.L’unique restriction concerne le droit du détenu de communiquer par téléphone avec un tiers de son choix, lequel droit est reconnu de manière générale à tout détenu par le paragraphe 2, alinéa f) de l’article 520 de la loi de procédure pénale. Pour autant, cette restriction, qui ne peut être autorisée que lorsqu’il est nécessaire d’éviter un risque grave pour la vie, la liberté ou l’intégrité d’une personne ou d’éviter des entraves graves à la procédure pénale (art. 509 de la loi de procédure pénale), ne permet pas de dissimuler aux membres de la famille du détenu le fait même de sa détention, ni le lieu où il se trouve, de telle sorte que les membres de la famille et le détenu lui-même peuvent saisir un tribunal (en habeas corpus) afin que celui-ci se prononce sans délai sur la légalité de la détention.

62.La réglementation en vigueur ne permet par conséquent pas de détention secrète, puisque même dans le cas où les membres de la famille ou les proches d’une personne privée de liberté sont temporairement privés de la possibilité de communiquer avec elle (ce délai ne pouvant dépasser dix jours), ils doivent être informés de la détention de cette personnes et du lieu où elle se trouve à tout moment.

63.En somme, dans la mesure où la loi garantit sans aucune restriction que les membres de la famille et les proches de la personne privée de liberté soient toujours informés de la détention de cette personne et aient en permanence connaissance du lieu où elle se trouve, lequel lieu ne peut évidemment être qu’un centre de détention officiel, et où elle garantit en outre la possibilité aux membres de la famille, et pas uniquement au détenu, de saisir un tribunal pour que celui-ci se prononce sur la légalité de la détention, l’interdiction de la détention secrète est totalement effective dans le droit interne.

I.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 26 des observations finales

64.L’Espagne est également en pleine conformité avec la recommandation en question. La procédure d’habeas corpus est régie par le paragraphe 4 de l’article 17 de la Constitution, qui se lit comme suit : « La loi prévoira une procédure d’“habeas corpus” de sorte que toute personne détenue illégalement soit immédiatement présentée à un juge ».

65.L’article 55 de la Constitution dispose que la procédure d’habeas corpus ne peut être suspendue que pendant l’état de siège. Elle ne peut être suspendue durant l’état d’urgence ou un état d’exception.

66.Cependant, lorsqu’il a légiféré sur les états d’urgence, d’exception et de siège à travers la loi organique no 4/1981, le législateur a renoncé à suspendre ou à restreindre le droit d’habeas corpus durant l’état de siège. Ainsi, même si l’état de siège venait à être proclamé, la procédure habeas corpus demeurerait applicable.

67.En tout état de cause, l’état de siège n’a jamais été proclamé en Espagne depuis l’entrée en vigueur de la Constitution.

68.Pour que celui-ci puisse être proclamé, l’article 116 de la Constitution prévoit qu’il doit être approuvé par la majorité absolue des membres du Congrès des députés, sur proposition exclusive du Gouvernement. Le Congrès doit alors en déterminer l’étendue territoriale, la durée et les conditions. De plus, l’article 32 de la loi organique susmentionnée dispose que l’état de siège ne peut être proclamé que « s’il se produit ou s’il menace de se produire une insurrection ou un coup de force contre la souveraineté ou l’indépendance, l’intégrité territoriale ou l’ordre constitutionnel de l’Espagne, auxquels il ne puisse être remédié par d’autres moyens ».

J.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 28 des observations finales

69.Le rapport annuel de 2018 du Défenseur du peuple, qui peut être consulté à l’adresse suivante : https://www.defensordelpueblo.es/informe-mnp/mecanismo-nacional-prevencion-la-tortura-informe-anual-2018, rend compte de l’activité intensive de celui-ci en tant que mécanisme national de prévention de la torture.

70.Celle-ci se déroule indiscutablement dans un contexte de restrictions budgétaires qui touche malheureusement toute l’administration espagnole du fait de la crise économique et des règles strictes que l’Espagne se voit imposer en raison de son appartenance à la zone euro.

71.À titre d’exemple, le budget annuel s’élevait à 14 500 000 euros en 2012 et à 14 100 000 euros en 2017. En 2018 et 2019, il a été porté à 14 875 000 euros. L’Espagne s’efforcera de revoir ce budget à la hausse, étant entendu que cette augmentation dépendra du contexte économique et budgétaire. Il va sans dire que l’augmentation du budget est une condition sine qua non d’un accroissement des effectifs du Bureau du Défenseur du peuple.

K.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 30 des observations finales

72.L’adoption de la loi no4/2015 du 27avril relative au statut des victimes d’infractions a notamment consisté à transposer la Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, et à réunir en un seul texte l’ensemble des droits des victimes d’infraction.

73.S’agissant de la définition de la victime établie par la loi no 4/2015 du 27 avril, celle‑ci ayant entre autres objectifs d’assurer une définition uniforme des victimes d’infractions, outre les aspects procéduraux, il a été jugé opportun d’inclure dans la définition de victime indirecte, les victimes de certains faits qui ne sont pas répertoriés dans la Directive 2012/29/UE, mais dans d’autres instruments internationaux, tels que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

74.À cet égard, l’article 2 de la loi relative au statut des victimes comprend une disposition visant à déterminer les cas dans lesquels une personne est indirectement victime du décès ou de la disparition d’une personne résultant directement d’une infraction, les auteurs des faits étant exclus de cette définition. Sont ainsi reconnues comme victimes indirectes : le conjoint ou la personne liée à la victime par une relation affective comparable à la relation conjugale, les enfants et les géniteurs de la victime, ses parents directs et les personnes à sa charge, de même que les titulaires de l’autorité parentale ou tuteurs s’agissant de la disparition forcée de personnes à charge, lorsqu’il résulte du décès ou de la disparition criminels de la victime directe un risque réel de victimisation secondaire.

75.De même, l’article 23 de la loi relative au statut des victimes d’infractions qui régit l’appréciation au cas par cas de la situation des victimes aux fins de déterminer leurs besoins particuliers de protection, tient compte en particulier de la nature de l’infraction et de la gravité des préjudices causés à la victime, ainsi que du risque de répétition de l’infraction. Aux fins de cette appréciation, font l’objet d’une prise en compte particulière les besoins de protection des victimes de certaines infractions au nombre desquelles les infractions de disparition forcée.

L.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 32 des observations finales

76.L’Espagne renvoie le Comité à la réponse qu’elle a fournie dans son rapport de 2014 et à son observation sur la compétence temporaire du Comité, et ajoute les renseignements ci-après.

77.La création, en juin 2018, de la Direction générale de la mémoire historique au sein du Ministère de la justice signifie que dorénavant l’État assumera la coordination et la direction des politiques de recherche des victimes de disparition.

78.La Direction générale de la mémoire historique, qui se compose d’une Sous-Direction générale d’aide aux victimes de la guerre civile et de la dictature et d’une Division de coordination administrative et des relations institutionnelles, a pour mission :

a)En collaboration avec toutes les administrations publiques compétentes, d’élaborer le plan national de mémoire historique, d’en assurer l’exécution et le suivi, et d’établir des rapports techniques à cette fin ;

b)De procéder à un recensement national public des victimes de la guerre civile et de la dictature ;

c)De dresser une carte complète des fosses, d’en assurer la gestion et l’actualisation, ce qui suppose d’intégrer les emplacements découverts récemment et de coopérer avec d’autres administrations publiques afin d’unifier les différentes cartes qui pourraient exister et de recueillir tous les renseignements que les citoyens, associations et autres organismes seraient susceptibles de fournir, dans le respect de la légalité, sur les lieux d’inhumation et sur l’identité possible des victimes qui s’y trouvent ;

d)D’actualiser le Protocole d’action concernant l’exhumation des victimes de la guerre civile et de la dictature, dans le cadre des compétences propres du Ministère de la justice ;

e)De traiter les demandes de déclaration de réparation et de reconnaissance personnelle prévues par la loi no 52/2007 du 26 décembre, qui reconnaît et étend les droits des personnes qui ont été victimes de persécutions ou d’actes de violence durant la guerre civile ou la dictature, et prévoit des mesures en faveur de ces personnes ;

f)Conformément aux dispositions de la loi no 52/2007 du 26 décembre, d’aider, dans les limites de ses compétences, les descendants directs des victimes qui en font la demande, dans les démarches relatives à la recherche, à la localisation et à l’identification des personnes disparues durant la guerre civile ou la répression politique qui s’est ensuivie et dont on ignore où elles se trouvent, ainsi que les organismes et associations dûment constitués ayant vocation, notamment, à rechercher, localiser et identifier les personnes ainsi disparues ;

g)De faciliter, en collaboration avec la Direction générale des registres et des actes notariés, la consultation des livres des actes de décès des registres civils et l’inscription des victimes disparues à la rubrique des décès du registre civil, conformément à la réglementation en vigueur ;

h)De soumettre une proposition de modification de la législation visant à permettre aux membres de la famille de personnes qui l’ont perdue ou qui ont dû y renoncer parce qu’elles s’étaient exilées, d’acquérir la nationalité espagnole ;

i)De collaborer avec les services ministériels compétents dans chaque cas, aux fins de répondre dans les meilleurs délais aux demandes formulées, et de tenir un registre actualisé des démarches accomplies par les différents services ministériels conformément aux dispositions de la loi ;

j)De proposer et de planifier des mesures visant à recenser et à actualiser la liste, en collaboration avec les autres administrations publiques et sans préjudice des compétences d’autres services, des ouvrages et bâtiments construits par des membres des bataillons disciplinaires de soldats travailleurs, de même que par les prisonniers des camps de concentration, les bataillons de travailleurs et les prisonniers des colonies pénales sous tutelle de l’armée ;

k)De promouvoir, en collaboration avec les organismes publics et privés compétents, la proclamation des lieux de mémoire historique présentant un lien avec la lutte pour les droits et libertés démocratiques comme constituant des lieux d’intérêt en raison de leur signification historique et symbolique ou de leur importance pour la mémoire collective ;

l)De proposer et, éventuellement d’adopter, dans les limites des compétences du Ministère de la justice, le principe consistant à faire disparaître tout symbole d’exaltation individuelle ou collective de la guerre civile et de la dictature et, en accord avec les administrations compétentes, d’adopter les mesures d’exécution nécessaires ;

m)De soumettre des projets de mesures aux services ministériels, concernant les différents services d’archives, centres documentaires, portails d’information, etc. à caractère public ou privé consacrés à la mémoire historique, et de promouvoir des mesures visant à faciliter l’accès à ces services ;

n)De promouvoir, en collaboration avec les administrations publiques compétentes, des actions d’information, de divulgation et de formation sur la mémoire historique et l’accompagnement des victimes, et de définir des axes de collaboration en vue de recueillir des informations et des connaissances auprès d’experts de la question ;

ñ)De collaborer avec les administrations publiques et les organismes qui en font la demande à la célébration de cérémonies de mémoire et d’hommages aux victimes de la guerre civile et de la dictature ;

o)De promouvoir et de coordonner des programmes de coopération concernant la mémoire historique avec les communautés autonomes, les corporations locales et d’autres organismes.

79.La Direction générale de la mémoire historique dispose pour ce faire de 14 emplois et se voit allouer un budget destiné à financer l’exécution de ses politiques.

80.À cela s’ajoute le « Protocole d’action des forces de police et de sécurité dans les affaires de personnes disparues » publié par le Ministère de l’intérieur (https://cndes-web.ses.mir.es/publico/Desaparecidos/Publicaciones), qui sert de référence aux forces de police dans les affaires de cette nature. Cet ouvrage renferme une classification des disparitions, des indications sur les spécificités de l’action de la police, ainsi que sur les causes de disparition en Espagne et les facteurs de risque, de manière à régler et à uniformiser les modalités d’action des forces de police et de sécurité dans ce domaine.

81.Conformément aux catégories établies dans cet ouvrage, les disparitions forcées comprennent les disparitions relevant d’un acte délictueux ou d’une activité criminelle, qu’elles concernent des personnes mineures ou majeures. L’évaluation du risque encouru par la personne objet de la plainte pour disparition contribue à déterminer l’action à mener par les forces de police et de sécurité et la classification de la disparition dans l’une ou l’autre des catégories établies. Cela permet d’employer au mieux les ressources policières (voir les pages 17, 63, 83 et 89).

M.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 33 des observations finales

82.Les recommandations formulées dans ce paragraphe ont en bonne partie été appliquées avec la création de la Direction générale de la mémoire historique au sein du Ministère de la justice, évoquée dans la réponse précédente se rapportant au paragraphe 32. Y sont énumérées les fonctions de cet organisme, qui correspondent auxdites recommandations.

N.Renseignements sur la suite donnée au paragraphe 35 des observations finales

83.Le Service d’information pour les personnes concernées par d’éventuels enlèvements de nouveau-nés a pris ses fonctions en février 2013. Ce service a pour fonction de recueillir les demandes des victimes potentielles, de leur fournir toutes les informations utiles en possession de l’administration (hôpitaux, registres civils, cimetières, etc.), ainsi que de créer, à l’Institut national de toxicologie et de médecine légale, un fichier de profils génétiques dans lequel sont versés tous les échantillons d’ADN fournis par ces personnes. Au 31 août, le Service d’information avait reçu 685 demandes valables.

84.En tout, 17 personnes ont été identifiées comme pouvant être des proches recherchés (soit 2,5 % des personnes recherchées dans ce cadre).

85.Dans tous les cas, l’identification a été réalisée à l’aide des documents demandés. Il s’agissait de cas potentiels d’adoptions, régulières ou irrégulières, mais aucun indice ne donnait à penser que ces adoptions puissent résulter de vols de nouveau-nés.

86.L’Institut national de toxicologie et de médecine légale dispose d’un fichier d’ADN dans lequel sont répertoriés tous les profils génétiques des personnes concernées qui ont demandé à y être incluses et dont la demande remplit toutes les conditions requises (consentement, réalisation d’un électrophérogramme, validation technique, etc.). À ce jour, ce fichier renferme 593 profils génétiques.

87.Sur le plan normatif, les améliorations décrites ci-après ont été apportées à la législation, étant entendu qu’il convient de faire la distinction, compte tenu de la répartition des compétences établie par la Constitution, entre le niveau national et celui des communautés autonomes.

88.Au niveau national, le 5 octobre 2018, le groupe parlementaire confédéral Unidos Podemos-En Comú Podem-En Marea, le groupe parlementaire de la gauche républicaine catalane et le groupe parlementaire socialiste, ainsi que les députés du groupe parlementaire mixte Marian Beitialarrangoitia Lizarralde, Enric Bataller i Ruiz et Feliu-Joan Guillaumes i Ràfols ont déposé auprès des Cortès générales la proposition de loi no 122/275 sur les bébés volés, qui était en cours de modification lorsque les Cortès ont été dissoutes, de telle sorte que ce texte n’a pu être adopté.

89.L’objectif de cette proposition de loi est de doter le pays d’une réglementation ayant valeur de loi, qui s’applique sur l’ensemble du territoire national et qui fournisse aux victimes les instruments législatifs et les moyens nécessaires pour garantir la reconnaissance et l’effectivité du droit à la vérité sur leur enlèvement, leur disparition forcée et/ou la falsification de leur identité, ainsi que le droit à un recours, le droit à réparation complète des préjudices subis et l’établissement de garanties de non-répétition, compte tenu, en outre, de l’importance de constituer une banque nationale d’ADN renfermant des échantillons génétiques en rapport avec tous les cas signalés.

90.S’agissant des communautés autonomes, l’Assemblée législative de la Communauté autonome des Canaries a adopté la loi no 13/2019 du 25 avril sur les enfants volés dans la Communauté autonome des Canaries, qui vise le même objectif que la proposition de loi nationale susmentionnée. La loi canarienne s’applique également aux cas dans lesquels la soustraction du mineur s’est produite en dehors de la Communauté, si celui-ci a été transféré sur le territoire des Canaries.