Nations Unies

CCPR/C/ZMB/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 avril 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Zambie *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Zambie à ses 3962e et 3963e séances, les 2 et 3 mars 2023. À sa 3986e séance, le 20 mars 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la Zambie et les renseignements qu’il contient, mais regrette qu’il ait été soumis avec beaucoup de retard. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après :

a)La loi no 1 de 2011 relative à la lutte contre la violence sexiste ;

b)La loi no 23 de 2011 relative à l’éducation ;

c)La loi no 22 de 2015 relative à l’équité et à l’égalité entre les sexes ;

d)La loi no 6 de 2019 relative à la santé mentale ;

e)La loi no 1 de 2021 relative à l’aide judiciaire ;

f)La loi no 12 de 2022 portant Code de l’enfance ;

g)La loi no 16 de 2022 relative à la lutte contre la traite des êtres humains ;

h)Les modifications apportées au Code pénal (loi no 23 de 2022 abrogeant l’incrimination de la diffamation envers le Président, et loi no 25 de 2022 abolissant la peine de mort).

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 1erfévrier 2010 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 4 avril 2011 ;

c)La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le 2 décembre 2008 ;

d)Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, le 28 décembre 2022.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

5.Le Comité prend note des progrès réalisés s’agissant du processus de révision constitutionnelle mené par l’État partie, mais demeure préoccupé par les incompatibilités entre la législation nationale, notamment la Charte des droits, et le Pacte. Il note avec préoccupation que le droit coutumier et son application ne sont pas pleinement conformes au Pacte. Il regrette de n’avoir pas reçu davantage d’informations sur les suites données à ses constatations dans l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi et sur l’application du Pacte par les tribunaux nationaux. Il salue la création d’un mécanisme national d’établissement de rapports et de suivi, mais constate avec préoccupation que cet organe n’a pas encore été constitué (art. 2).

6.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer la compatibilité de son droit écrit et de son droit coutumier avec le Pacte, notamment dans le cadre du processus de révision constitutionnelle. Il devrait donner pleinement effet aux constatations du Comité et donner accès à des recours utiles en cas de violation du Pacte. Il devrait mieux faire connaître le Pacte aux juges, aux avocats et aux procureurs et mieux les informer de son applicabilité en droit interne, pour faire en sorte que ses dispositions soient prises en considération par les tribunaux. Il devrait accélérer la constitution du mécanisme national d’établissement de rapports et de suivi afin que celui-ci puisse fonctionner effectivement et bénéficier d’une aide au renforcement des capacités de la part du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité salue l’augmentation progressive des crédits budgétaires alloués à la Commission des droits de l’homme, mais il est préoccupé par les difficultés qui continuent d’empêcher celle-ci de fonctionner de manière efficace et en toute indépendance, comme l’a relevé l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, et qui concernent notamment son autonomie financière, la décentralisation de ses services, le recrutement de ses membres à temps plein et la durée minimale de leur mandat et les motifs et la procédure de révocation de ses membres (art. 2).

8. L’État partie devrait poursuivre les efforts qu’il déploie, notamment en mettant en application les recommandations de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, pour faire en sorte que la Commission des droits de l’homme soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et puisse s’acquitter de son mandat de manière efficace et en toute indépendance.

Mesures de lutte contre la corruption

9.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la corruption, mais il est préoccupé par les retards pris dans le traitement des affaires de corruption par les tribunaux, par les plaintes concernant les mauvais résultats des comités d’intégrité et par le fait que les procureurs et les juges n’ont pas la capacité de traiter efficacement les affaires de corruption (art. 2).

10. L’État partie devrait renforcer les capacités des juges, des procureurs et des membres des comités d’intégrité, notamment par la formation, et les doter des moyens techniques, humains et financiers nécessaires au traitement rapide et efficace des affaires de corruption.

État d’urgence

11.Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité redit sa préoccupation quant au manque de clarté des articles 30 et 31 de la Constitution relatifs, respectivement, à l’état d’urgence et à l’existence d’une situation susceptible de conduire à un état d’urgence, aux dérogations qui peuvent être appliquées en vertu de l’article 25 de la Constitution et à la compatibilité de ces dispositions avec l’article 4 du Pacte (art. 4).

12. L’État partie devrait réviser l’article 25 de la Constitution pour le mettre en conformité avec l’article 4 du Pacte, et veiller à ce que le recours à l’état d’urgence soit toujours conforme au Pacte.

Non-discrimination

13.Le Comité est préoccupé par l’incompatibilité de l’article 23 de la Constitution avec le Pacte, en particulier de l’alinéa c) du paragraphe 4 de cet article, en vertu duquel les femmes ne sont pas protégées contre la discrimination pour les questions concernant l’adoption, le mariage, le divorce, les obsèques, la succession et d’autres questions juridiques d’ordre personnel. Il est également préoccupé par la discrimination que subissent les femmes et les filles, en particulier dans les zones rurales, en matière de succession et en ce qui concerne la possession des terres, du logement et du bétail, du fait de pratiques coutumières dont l’application est généralisée (art. 2, 3 et 26).

14. L’État partie devrait poursuivre son processus de révision constitutionnelle afin de mettre l’article 23 de sa Constitution en conformité avec les dispositions du Pacte. Il devrait également redoubler d’efforts pour combattre les pratiques coutumières discriminatoires qui touchent les femmes et les filles, en particulier en ce qui concerne les droits de succession et la possession des terres, en veillant notamment à ce que les questions de succession soient administrées de manière équitable, sans discrimination entre les hommes et les femmes, en particulier dans les zones rurales.

15.Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité demeure préoccupé par :

a)Le fait que les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe sont criminalisées par les articles 155, 156 et 158 du Code pénal et que l’État partie ne s’emploie pas à abroger ces dispositions ;

b)Le harcèlement et la violence accrus qui s’exerceraient en toute impunité contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, y compris en garde à vue ;

c)Les discours haineux qui seraient tenus par de hauts fonctionnaires de l’État partie et par des personnalités politiques, entraînant une stigmatisation sociale et des préjugés à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (arts.2, 17 et 26).

16.L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour :

a)Modifier son Code pénal afin de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe ;

b)S’employer réellement à mettre fin à toutes les formes de discrimination, de harcèlement et de violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et assurer l’accès des victimes à la justice et à des voies de recours ;

c) Lutter contre les comportements discriminatoires dont pâtissent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, en particulier les discours haineux, la stigmatisation et les préjugés, notamment grâce à des formations générales et à des actions de sensibilisation menées auprès des juges, des procureurs, des membres des forces de l’ordre et de la population en général.

Égalité entre hommes et femmes

17.Le Comité regrette qu’il ne soit pas alloué de ressources suffisantes à l’application de la législation et des politiques visant à renforcer les mesures d’intégration des questions de genre dans les secteurs public et privé, que le Ministère de l’égalité des sexes ait été supprimé et que la création et la mise en fonctionnement de la Commission pour l’équité et l’égalité entre les sexes, prévues à l’article 231 de la Constitution, n’aient pas abouti. Il est préoccupé par le faible taux de représentation politique des femmes, en particulier par : a) les lois et pratiques qui ont des effets disproportionnés sur la capacité des femmes à se porter candidates à des mandats publics, tel que le niveau d’instruction minimum exigé des candidats en vertu de la Constitution ; et b) les allégations selon lesquelles les candidates sont la cible de violences, de cyberharcèlement et d’actes d’intimidation visant à les dissuader de chercher à occuper des fonctions publiques électives (art. 2, 3, 25 et 26).

18.L’État partie devrait faire davantage pour garantir l’égalité entre hommes et femmes en droit et en fait. Il devrait en particulier  :

a)Redoubler d’efforts pour assurer une égalité effective entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs de la société et tous les domaines de la vie, en particulier en prenant des mesures concrètes pour accroître la participation des femmes aux postes de décision à tous les échelons dans les secteurs public et privé, notamment l’allocation de ressources suffisantes, l’application diligente de la loi relative à l’équité et à l’égalité entre les sexes et la mise en place de la Commission pour l’équité et l’égalité entre les sexes ;

b)Adopter des mesures temporaires spéciales, tels qu’un quota obligatoire et un système de parité femmes-hommes pour les nominations au sein d’organes gouvernementaux, dans le but d’accroître la représentation des femmes dans les postes de décision à tous les échelons des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ;

c) Éliminer les obstacles législatifs et pratiques qui empêchent les femmes de se porter candidates ou d’être élues à des postes publics, notamment en encourageant les partis politiques à respecter la parité femmes-hommes dans leurs listes de candidats et en veillant à ce que les auteurs de violences politiques à l’égard de candidates pendant les élections répondent de leurs actes et à ce que les candidates aient accès à des recours utiles.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale

19.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a adoptées pour améliorer la prise en charge des victimes de violence fondée sur le genre dans tout le pays, mais il est inquiet du niveau élevé de violence fondée sur le genre, en particulier du nombre de filles qui subissent des violences sexuelles, notamment le viol sur mineur. Le Comité est préoccupé par le manque d’efficacité des tribunaux à procédure accélérée, les carences de la formation des juges et des procureurs, le manque de moyens des membres des forces de l’ordre, notamment de moyens de transport et de ressources financières et humaines dans les postes de police, ainsi que par le contenu inadapté du matériel pédagogique, qui rejette la faute sur les victimes, et par le retrait des accusations par les victimes (art. 2, 3, 7, 24 et 26).

20.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a)Encourager le signalement des cas de violence à l’égard des femmes, notamment en veillant à ce que toutes les femmes et les filles aient accès à plusieurs moyens de signalement et à des informations sur leurs droits et les voies de recours disponibles ;

b)Enquêter sur toutes les allégations de violence à l’égard des femmes, y compris de violence familiale, engager des poursuites et, le cas échéant, imposer des sanctions proportionnées à la gravité des infractions aux personnes déclarées coupables, et offrir aux victimes une réparation intégrale et des moyens de protection, y compris l’accès à des centres d’accueil dotés de ressources suffisantes et l’assistance d’un avocat ;

c)Doter les juges, les procureurs, les avocats et les membres des forces de l’ordre des ressources nécessaires et leur dispenser une formation appropriée pour qu’ils puissent traiter les cas de violence à l’égard des femmes, y compris de violence familiale ;

d) Renforcer les campagnes de sensibilisation destinées à l’ensemble de la société, en visant plus particulièrement les dirigeants traditionnels et religieux et les personnalités influentes, afin de lutter contre les pratiques culturelles préjudiciables qui conduisent à des violences fondées sur le genre.

Peine de mort

21.Le Comité salue l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal et l’engagement pris par l’État partie d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, et accueille avec satisfaction l’information, transmise par la délégation, selon laquelle le Président a, le 8 février 2023, commué en prison à vie la peine de tous les détenus condamnés à mort. Le Comité relève cependant avec préoccupation qu’il demeure possible de prononcer une condamnation à la peine de mort pour des infractions militaires, en vertu de l’article 12 (par. 1) de la Constitution et de l’article 29 (par. 1) de la loi relative à la défense. Il note également avec préoccupation que les prisonniers condamnés initialement à la peine de mort ne peuvent pas contester leur condamnation ou leur peine sur la base de nouveaux éléments de preuve (art. 6).

22.L’État partie devrait :

a)Prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, et abroger les dispositions concernant la peine de mort qui figurent dans la loi relative à la défense et dans la Constitution ;

b) Supprimer les obstacles procéduraux qui empêchent le réexamen des condamnations et des peines sur la base de nouveaux éléments de preuve, ainsi que le Comité l’a suggéré dans son observation générale n o 36 (2018) sur le droit à la vie, et offrir des mesures de réparation appropriées aux personnes qui ont été acquittées, notamment une indemnisation.

Interruption de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation

23.Le Comité prend note de la directive publiée par l’État partie en 2021, qui autorise les infirmiers à pratiquer des avortements sécurisés, mais il demeure préoccupé par les conditions rédhibitoires énoncées dans la loi relative à l’interruption de grossesse, notamment l’obligation d’obtenir l’autorisation de trois médecins et de pratiquer l’avortement dans un hôpital, sans que d’autres solutions soient proposées pour rendre l’avortement sécurisé accessible, en particulier aux femmes qui vivent en zone rurale. Le Comité note avec préoccupation que le Code pénal n’autorise pas expressément l’interruption de la grossesse lorsque celle-ci résulte d’un viol, d’un viol sur mineure ou d’un inceste pour toutes les femmes (art. 6 et 17).

24. Au vu des recommandations antérieures du Comité et du paragraphe 8 de l’observation générale n o 36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait prendre des mesures particulières pour modifier sa législation, notamment la loi relative à l’interruption de grossesse et le Code pénal, ainsi que ses politiques et ses orientations, dans le but de garantir l’accès effectif à un avortement légal et sécurisé, en particulier dans les zones rurales, lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger ou lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait pour la femme ou la fille des douleurs ou des souffrances considérables, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou n’est pas viable. 

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

25.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de loi contre la torture et de définition de la torture, bien que celle-ci soit interdite par la Constitution, même s’il prend note des informations transmises par la délégation au sujet des travaux législatifs en cours. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur les poursuites engagées et les déclarations de culpabilité prononcées pour des actes de torture, au motif que ces données ne sont pas disponibles, la torture n’étant pas considérée comme une infraction pénale dans le Code pénal (art. 7).

26. L’État partie devrait accélérer l’adoption d’une loi contre la torture et veiller à ce qu’une telle loi contienne une définition de la torture qui soit conforme au droit international.

Traitement des personnes privées de liberté

27.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour améliorer ses services pénitentiaires et les conditions de détention, mais il demeure préoccupé par les informations qu’il a reçues au sujet des mauvaises conditions dans les lieux de détention, en particulier la surpopulation, le manque d’hygiène, d’aération et de régulation de la température, les quantités insuffisantes de nourriture et d’eau potable, l’accès limité aux soins médicaux, l’insuffisance des services de soins prénatals et postnatals et l’absence de séparation complète entre les détenus mineurs et les détenus adultes (art. 7, 9, 10 et 24).

28.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour rendre les conditions de détention pleinement conformes aux normes internationales applicables en matière de droits de l’homme, notamment à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il devrait en particulier  :

a)Prendre immédiatement des mesures en vue de réduire sensiblement la surpopulation dans les lieux de détention, en menant notamment des actions concrètes pour réduire les délais de traitement dans le système judiciaire très centralisé et en recourant de manière accrue aux mesures non privatives de liberté comme peines de substitution à l’incarcération, ainsi que le recommandent les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;

b)Intensifier les efforts déployés pour améliorer les conditions de détention, faire en sorte que, dans tous les lieux de privation de liberté, les détenus aient dûment accès à la nourriture, à une eau propre et aux soins de santé et veiller à la séparation entre les détenus mineurs et les détenus adultes, notamment en accélérant la construction de centres de transit et de redressement distincts pour les enfants, comme prévu dans la loi portant Code de l’enfance ;

c) Veiller à ce que les détenues, en particulier celles qui sont enceintes ou ont des enfants, aient dûment accès aux soins médicaux et aux autres services nécessaires compte tenu de leurs besoins particuliers.

Liberté de circulation

29.Le Comité est préoccupé par les cas de restrictions arbitraires imposées aux déplacements de dirigeants de l’opposition vers certaines régions, supposément pour les empêcher de participer à des rassemblements publics, même s’il prend note des renseignements fournis par la délégation selon lesquels ces restrictions auraient été levées (art. 12 et 25).

30. L’État partie devrait garantir la liberté de circulation et supprimer toutes les restrictions incompatibles avec l’article 12 du Pacte, compte tenu de l’observation générale n o 27 (1999) du Comité sur la liberté de circulation, en particulier au cours de la prochaine période électorale.

Droit au respect de la vie privée

31.Le Comité relève avec préoccupation que la loi no 2 de 2021 sur la cybersécurité et la cybercriminalité autorise la surveillance arbitraire de citoyens et de journalistes, notamment la saisie d’informations et de matériel de communication, dès lors que des membres des forces de l’ordre soupçonnent une personne d’avoir commis ou d’être en train de commettre une infraction (art. 17).

32. L’État partie devrait réviser la loi sur la cybersécurité et la cybercriminalité pour faire en sorte que toute activité de surveillance respecte les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité et soit pleinement conforme au Pacte, en particulier à son article 17. L’État partie devrait également veiller à ce que les activités de surveillance soient soumises à des mécanismes de contrôle judiciaire efficaces et garantir l’accès à des recours utiles en cas d’abus.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

33.Le Comité salue l’adoption d’une politique nationale sur la traite des êtres humains et le trafic illicite de personnes migrantes, la création d’un mécanisme national d’orientation et l’adoption de la loi no 10 de 2008 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que la présentation au Parlement d’un projet de loi portant modification de cette loi de 2008 pour en combler les lacunes, mais il est vivement préoccupé par les informations qu’il a reçues concernant des cas de traite de femmes et d’enfants, notamment à des fins de travail domestique forcé, d’exploitation sexuelle et de travail des enfants. Le Comité s’inquiète des carences dans le repérage des victimes de la traite et du faible nombre d’enquêtes menées et de déclarations de culpabilité et de condamnations prononcées à l’encontre des auteurs de tels faits (art. 2, 8 et 26).

34. L’État partie devrait renforcer les mesures qu’il prend pour protéger les victimes de la traite, en particulier les femmes et les enfants, notamment en améliorant le repérage des victimes et en veillant à ce que les auteurs de faits de traite soient effectivement poursuivis et sanctionnés.

Traitement des étrangers, notamment des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

35.Le Comité est préoccupé par l’absence d’harmonisation entre la loi no 1 de 2017 relative aux réfugiés et la loi no 18 de 2010 relative à l’immigration et à l’expulsion ; le manque de cohérence entre ces deux lois conduirait à des arrestations et à des placements en détention qui pourraient être évités. Le Comité s’inquiète des informations indiquant que des migrants sont placés pendant de longues périodes dans des lieux de détention, où ils côtoient des personnes condamnées pour des crimes. Il note avec préoccupation que le personnel des services de l’immigration et les membres des forces de l’ordre qui ont affaire aux migrants et aux réfugiés ne sont pas suffisamment formés aux normes et aux procédures pertinentes en la matière, et que les migrants placés en détention disposent d’un accès limité à une assistance juridique (art. 7, 9 et 13).

36.L’État partie devrait :

a)Prendre des mesures pour harmoniser sa législation et la rendre pleinement conforme au Pacte et aux normes internationales relatives à la protection des réfugiés et des migrants ;

b)Veiller à ce que le placement en détention de migrants et de demandeurs d’asile soit raisonnable, nécessaire et proportionné, conformément à l’observation générale n o 35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne, et à ce que des mesures de substitution à la détention soient utilisées dans la pratique ;

c)Dispenser au personnel des services de l’immigration et aux membres des forces de l’ordre qui ont affaire aux migrants et aux réfugiés une formation adéquate sur les droits des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants garantis par le Pacte et d’autres normes internationales ;

d) Donner aux migrants placés dans des lieux de détention un accès à une assistance juridique.

Liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, et protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme

37.Le Comité est préoccupé par les allégations de non-respect de la liberté d’expression des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Il s’inquiète des informations indiquant que les partis politiques d’opposition se sont vu refuser l’accès aux médias publics et que certaines stations de radio privées ont dû cesser de diffuser des programmes dans lesquels des dirigeants de l’opposition politique étaient invités à intervenir. Le Comité est également préoccupé par le retard pris dans l’adoption du projet de loi relatif à l’accès à l’information. Il est préoccupé par les informations relatives au manque d’impartialité de l’Autorité indépendante de radiodiffusion (art. 19 et 25).

38.L’État partie devrait adopter les mesures nécessaires pour garantir à tous la pleine jouissance de la liberté d’expression, compte tenu de l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. En particulier, le Comité prie instamment l’État partie  :

a)De redoubler d’efforts pour prévenir le harcèlement et l’intimidation des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et pour leur assurer une protection efficace et en temps voulu ;

b)De veiller à ce que les partis politiques, y compris les partis d’opposition, puissent accéder aux médias de manière effective et sans discrimination ;

c)D’accélérer l’adoption du projet de loi relatif à l’accès à l’information ;

d) De prendre des mesures pour garantir le fonctionnement impartial de l’Autorité indépendante de radiodiffusion.

39.Le Comité salue l’abrogation de l’article 69 du Code pénal, qui criminalisait la diffamation envers le Président, mais constate avec préoccupation que le Code pénal contient encore plusieurs dispositions qui pourraient être utilisées pour inculper une personne du chef de diffamation envers le Président. Le Comité note également avec préoccupation que l’article 67, relatif aux fausses nouvelles, n’a pas été retiré du Code pénal, bien qu’il ait été déclaré inconstitutionnel par la Haute Cour (art. 19).

40. L’État partie devrait poursuivre sa révision du Code pénal, notamment en abrogeant les dispositions qui demeurent sur la diffamation et les fausses nouvelles, afin de le rendre pleinement conforme à l’article 19 du Pacte.

41.Le Comité prend note du processus d’examen de la loi relative à l’ordre public, mais relève avec inquiétude que l’obligation légale de notifier une réunion pacifique pourrait être assimilée à une autorisation de facto, ce qui est incompatible avec l’article 21 du Pacte. Il est préoccupé par les allégations de restrictions imposées aux réunions pacifiques, telles que l’annulation de ces rassemblements au dernier moment, les arrestations arbitraires, les blessures corporelles et les dommages matériels infligés et les décès survenus au cours de ces événements, notamment pendant des manifestations pacifiques et des rassemblements politiques contre le gouvernement organisés par l’opposition (art. 6, 21 et 25).

42.Conformément à l’article 21 du Pacte et à la lumière de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique, l’État partie devrait :

a)Accélérer les efforts qu’il fait pour réviser la loi relative à l’ordre public afin que chacun jouisse pleinement, en droit comme en fait, de son droit de réunion pacifique ;

b)Veiller à ce que toute restriction du droit de réunion pacifique soit conforme aux conditions strictes énoncées à l’article 21 du Pacte ;

c) Enquêter efficacement sur tous les cas d’arrestation et de détention arbitraires de manifestants pacifiques, ainsi que sur les actes de violence perpétrés contre eux par des membres des forces de l’ordre, traduire les responsables en justice et offrir aux victimes des recours utiles.

Droits de l’enfant

43.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de loi interdisant clairement et expressément d’infliger des châtiments corporels aux enfants dans quelque contexte que ce soit. Il constate avec inquiétude que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 12 ans. Il est très inquiet des informations reçues au sujet de mariages d’enfants, alors que l’âge légal du mariage est fixé à 21 ans. Il exprime sa vive préoccupation au sujet des cas qui lui sont rapportés de travail des enfants et d’exploitation, en particulier dans les mines, l’agriculture et le secteur du travail domestique (art. 23, 24 et 26).

44.L’État partie devrait :

a)Se doter d’une législation interdisant clairement et expressément d’infliger des châtiments corporels aux enfants dans tous les contextes, encourager le recours à des formes de discipline non violentes en lieu et place des châtiments corporels et mener des campagnes de sensibilisation aux effets néfastes de tels châtiments ;

b)Relever l’âge de la responsabilité pénale conformément aux normes acceptées sur le plan international ;

c)Redoubler d’efforts pour empêcher les mariages d’enfants dans les faits, notamment grâce à des campagnes de sensibilisation et en associant les familles, les communautés et les enfants à ces campagnes ;

d) Accélérer l’adoption de mesures destinées à protéger les enfants contre toute forme de violence et d’exploitation, notamment le travail des enfants, en particulier dans les mines, l’agriculture et le secteur du travail domestique.

Participation à la conduite des affaires publiques

45.Le Comité relève les progrès accomplis s’agissant d’améliorer l’accessibilité des services électoraux, notamment pour les personnes en détention, mais il constate avec préoccupation que demeurent des obstacles importants à l’exercice par les femmes, les jeunes et les personnes handicapées du droit de se porter candidat à une élection, tels que des frais élevés et d’autres conditions financières à respecter pour participer à des campagnes politiques. Le Comité note avec préoccupation que le processus de décentralisation de la Commission électorale au niveau des districts n’a toujours pas commencé, ce qui contribue au manque de transparence et de contrôle s’agissant de l’inscription sur les listes électorales (art. 2, 25 et 26).

46. L’État partie devrait veiller à ce que sa réglementation et ses pratiques électorales soient pleinement conformes au Pacte, en particulier à son article 25, et aux directives à l’intention des États sur la mise en œuvre effective du droit de participer aux affaires publiques, en garantissant notamment : a) la réalisation pleine et effective du droit de tout citoyen, notamment des femmes, des jeunes et des personnes handicapées, de participer à la vie politique et  ; b) l’organisation d’élections nationales au cours desquelles l’équité, la transparence, l’inclusion et le pluralisme sont assurés, grâce à la mise en place de systèmes électoraux et de financements mixtes et à la décentralisation de la Commission électorale au niveau des districts.

D.Diffusion et suivi

47. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses autres langues.

48. Conformément à l’article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 24 mars 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 20 (violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale), 22 (peine de mort) et 26 (interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) ci-dessus.

49.Dans le cadre du cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2029 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Le Comité demande à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue avec l’État partie se tiendra en 2031, à Genève.