NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/ZMB/CO/39 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-dixième session9-27 juillet 2007

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

ZAMBIE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de la Zambie (CCPR/C/ZMB/3) à ses 2454e et 2455e séances, les 9 et 10 juillet 2007 (CCPR/C/SR.2454 et 2455). À sa 2471e séance, le 20 juillet 2007 (CCPR/C/SR.2471), il a adopté les observations finales ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie, bien qu’il ait été soumis tardivement, et se félicite de l’occasion qui lui est ainsi offerte de reprendre le dialogue avec celui‑ci. Dans l’avenir, l’État partie devrait présenter ses rapports conformément au calendrier établi par le Comité.

3.Le Comité sait gré à la délégation des réponses écrites qu’elle lui a fournies à l’avance, ainsi que des réponses détaillées qu’elle a données aux questions qu’il lui a posées oralement. Il se félicite en particulier des efforts faits par l’État partie, à la fois dans son rapport périodique et au cours du dialogue, pour reconnaître les difficultés qu’il rencontre dans l’application du Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité accueille favorablement la création:

a)En 1996, de la Commission zambienne des droits de l’homme, chargée de promouvoir et de protéger les droits de l’homme;

b)En 1999, de l’Autorité d’examen des plaintes contre la police, chargée de recevoir les plaintes pour abus d’autorité, détentions illégales, brutalités ou torture, comportement non professionnel, décès en garde à vue et recouvrement de dettes par des policiers.

5.Le Comité note avec satisfaction que la Zambie a fait des progrès considérables en matière de réduction de la mortalité liée à la maternité.

6.Le Comité se félicite de l’abolition des punitions corporelles grâce aux modifications apportées au Code pénal, au Code de procédure pénale, à la loi sur les prisons et à la loi sur l’éducation.

7.Le Comité se félicite de la représentation accrue des femmes au Parlement, à l’échelon ministériel et dans la fonction publique, et encourage l’État partie à renforcer l’action engagée dans ce domaine.

8.Le Comité note avec satisfaction que la loi électorale no 12 de 2006 fixe à cent quatre‑vingt jours le délai dans lequel les tribunaux doivent examiner les pétitions relatives à des questions électorales litigieuses et statuer à leur sujet.

C. Principaux sujets de préoccupation et observations finales

9.Le Comité note que le Pacte n’est pas directement applicable en droit interne et il déplore que les droits énoncés dans le Pacte n’aient pas tous été incorporés dans la Constitution et la législation ou n’y soient pas reconnus de manière appropriée. Il regrette que depuis l’examen du dernier rapport de l’État partie en 1996, le processus d’harmonisation du droit interne avec le Pacte n’ait pas été achevé. Il note aussi qu’aucun délai n’a été fixé pour l’achèvement de ce processus (art. 2).

L’État partie devrait désormais procéder à l’harmonisation de son droit interne avec le Pacte dans les meilleurs délais. Il devrait aussi, tout au long du processus de révision constitutionnelle, mieux informer le grand public des obligations internationales qu’il a contractées en ratifiant le Pacte.

10.Le Comité note avec préoccupation que la Commission zambienne des droits de l’homme n’a pas suffisamment de ressources financières pour exercer ses activités de manière appropriée, et qu’elle ne peut recevoir de soutien financier des institutions internationales ni d’aucune autre source sans l’autorisation expresse du Président. Il regrette aussi de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur la question de savoir si la Commission peut rendre publics ses rapports et recommandations et les publier (art. 2).

L’État partie ne devrait pas ménager ses efforts pour accroître les ressources budgétaires dont dispose la Commission zambienne des droits de l’homme pour qu’elle puisse s’acquitter efficacement de ses fonctions. Il devrait faire en sorte qu’elle puisse solliciter et recevoir des fonds des institutions internationales ou de toute autre source qu’elle jugerait appropriée. Il est encouragé à renforcer les pouvoirs et le statut de la Commission. Il devrait veiller à ce que les règles régissant la Commission soient pleinement conformes aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris, adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/134 du 20 décembre 1993).

11.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné effet à ses constatations concernant la communication no 390/1990 (Bernard Lubuto c. Zambie), avant qu’il ne décède dans le quartier des condamnés à mort. Il note aussi les informations fournies par la délégation selon lesquelles des indemnités ont été versées à la victime comme il l’avait recommandé dans ses constatations concernant la communication no 856/1999 (Alex Soteli Chambala c. Zambie), mais regrette que ces informations demeurent insuffisamment détaillées. Il regrette aussi qu’aucune information n’ait été fournie sur les mesures adoptées pour veiller à ce qu’aucune violation similaire ne se produise dans l’avenir, comme il l’avait recommandé (art. 2).

L’État partie devrait donner suite aux recommandations formulées par le Comité à propos des affaires susmentionnées et lui rendre compte à ce sujet dès que possible.

12.Le Comité réaffirme sa préoccupation selon laquelle les dérogations au droit de ne pas être victime de discrimination prévues à l’article 23 de la Constitution ne sont pas conformes aux articles 2, 3 et 26 du Pacte. Il déplore en particulier les dérogations relatives: a) aux non‑ressortissants; b) à l’adoption, au mariage, au divorce, aux enterrements, aux successions et autres questions de droit privé; et c) à l’application du droit coutumier.

L’État partie devrait réviser l’article 23 de la Constitution pour l’aligner sur les articles 2, 3 et 26 du Pacte.

13.Le Comité note avec intérêt les mesures prises par l’État partie pour revoir et codifier le droit coutumier. Il demeure préoccupé par la persistance, dans l’intervalle, de pratiques coutumières qui sont extrêmement préjudiciables aux femmes, comme la discrimination dans le mariage et le divorce, les mariages précoces et la grossesse, la dot et la polygamie, ainsi que les restrictions dont il est fait état qui limitent la liberté de circulation des femmes (art. 2 et 3).

L’État partie devrait faire plus d’efforts pour rendre le droit coutumier et les pratiques coutumières conformes aux droits prévus dans le Pacte et octroyer à cette question un rang élevé de priorité. Il devrait accorder une attention particulière à la pleine participation des femmes à l’examen et au processus de codification du droit coutumier et des pratiques coutumières en cours. Il devrait adopter des mesures immédiates et concrètes pour décourager le maintien des pratiques coutumières qui sont fortement préjudiciables aux droits des femmes.

14.Le Comité note avec préoccupation que la primauté du droit écrit sur la coutume n’est pas toujours assurée dans la pratique, du fait surtout que la population ne connaît pas bien ses droits, en particulier celui de faire appel des décisions des tribunaux coutumiers devant les tribunaux établis par la loi, et − malgré les efforts déployés par l’État partie − du fait de la formation insuffisante des personnes qui jouent un rôle dans l’administration de la justice locale (art. 2 et 3).

L’État partie devrait accroître ses efforts pour mieux informer la population de la primauté du droit écrit sur la coutume, et de son droit de former recours devant les tribunaux établis par la loi. Il devrait faire en sorte que les personnes qui jouent un rôle dans l’administration de la justice locale soient conscientes des droits énoncés dans le Pacte et les encourager, en particulier, à prendre en considération le droit de chacun à ne pas subir de discrimination.

15.Le Comité réaffirme sa préoccupation devant le manque de clarté des dispositions légales qui régissent l’instauration et l’administration d’un état d’urgence. Il note en particulier qu’en vertu de l’article 25 de la Constitution il peut être dérogé à certains des droits qui sont intangibles en vertu de l’article 4 du Pacte.

L’État partie devrait aligner l’article 25 de la Constitution sur l’article 4 du Pacte. Il devrait aussi établir un mécanisme par lequel il informerait les autres États parties au Pacte, par l’entremise du Secrétaire général de l’ONU, des droits auxquels il a été dérogé en période d’état d’urgence, ainsi que le stipule le paragraphe 3 de l’article 4 du Pacte.

16.Le Comité note que l’État partie envisage actuellement l’adoption d’une législation antiterroriste (art. 2 et 4).

L’État partie devrait faire en sorte que les droits énoncés dans le Pacte, et en particulier les dispositions régissant les limites et dérogations à ces droits, soient pleinement pris en considération lors de l’adoption de dispositions et de lois antiterroristes. L’État partie devrait aussi être conscient de la nécessité de définir les actes de terrorisme de manière précise et stricte.

17.Le Comité note avec satisfaction le moratoire de fait sur les exécutions appliqué en Zambie depuis 1997, de même que la commutation en peines d’emprisonnement de nombreuses peines de mort, mais il s’inquiète du nombre élevé de personnes encore présentes dans les quartiers réservés aux condamnés à mort. Il note qu’il y a eu un débat public sur la peine de mort, mais il semble que ce débat n’ait pas été fondé sur des documents exposant en pleine connaissance de cause les questions en jeu. Il réaffirme aussi son opinion selon laquelle l’imposition obligatoire de la peine de mort pour vol à main armée est contraire au paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte.

L’État partie devrait réexaminer son Code pénal pour faire en sorte que la peine de mort ne soit imposée que pour les crimes les plus graves, catégorie à laquelle le vol à main armée, par exemple, n’appartient pas. Il devrait veiller à ce qu’un débat public sur la peine de mort se tienne sur la base d’une présentation pleine et entière de tous les aspects de la question, en particulier l’importance qu’il y a de progresser vers la jouissance du droit à la vie et l’intérêt, en définitive, de la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait aussi envisager de commuer la peine capitale pour tous ceux qui se trouvent actuellement dans le quartier des condamnés à mort.

18.Le Comité est préoccupé de ce que, malgré les progrès réalisés, la mortalité liée à la maternité demeure élevée en Zambie. S’il note les efforts considérables déployés par l’État partie dans le domaine de la planification familiale, il craint que la prescription selon laquelle trois médecins doivent consentir à un avortement puisse constituer un important obstacle pour les femmes qui souhaitent avorter légalement et donc en sécurité (art. 6).

L’État partie est encouragé à faire plus d’efforts pour lutter contre la mortalité liée à la maternité. Il devrait modifier ses lois sur l’avortement pour aider les femmes à éviter des grossesses non désirées et à ne pas avoir recours à des avortements illégaux risquant de mettre leur vie en danger.

19.Le Comité déplore qu’en dépit des nombreuses mesures positives adoptées pour lutter contre la violence et les sévices sexuels à l’égard des femmes ce phénomène continue d’être un grave problème en Zambie. Il est préoccupé de ce que, dans la pratique, l’agression sexuelle, la défloration et le viol tendent à être considérés comme des questions de droit coutumier et sont donc souvent traités par les tribunaux coutumiers et non par les tribunaux pénaux. Le Comité note aussi avec une préoccupation particulière les informations selon lesquelles les jeunes filles risquent d’être agressées sur le trajet de l’école ou à l’école même (art. 3, 6 et 7).

L’État partie est invité à renforcer considérablement l’action engagée pour lutter contre les violences sexistes et veiller à ce que ce type d’affaire soit traité de manière appropriée et systématique. Il est encouragé, en particulier, à renforcer la formation du personnel des bureaux de l’Unité de soutien aux victimes et de la police sur la violence à l’égard des femmes, notamment les agressions sexuelles et la violence dans la famille. Il devrait aussi adopter une législation spécifique érigeant en infraction la violence dans la famille, et prendre des mesures immédiates et concrètes pour lutter contre la violence sexuelle à l’égard des jeunes filles dans l’environnement scolaire.

20.Le Comité note que commettre des voies de fait contre des détenus est une infraction en vertu de la loi relative aux prisons, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur l’application concrète de cette loi. Il constate avec satisfaction que les juges visiteurs ainsi que les représentants de la Commission des droits de l’homme peuvent visiter et inspecter les prisons, mais regrette de ne pas avoir reçu d’évaluation qualitative de l’efficacité de telles dispositions. S’il note que les détenues ne doivent pas être gardées par des surveillants de sexe masculin, il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles cette règle n’a pas été respectée en raison d’une pénurie de surveillantes, à la fois dans les postes de police et dans les prisons (art. 7).

L’État partie devrait faire en sorte que tout acte de violence commis contre un détenu soit dûment poursuivi et puni, et que les femmes placées en garde à vue ou détenues dans les prisons ne soient jamais gardées par des surveillants de sexe masculin. Il devrait fournir au Comité de plus amples informations sur le système mis en place pour connaître des plaintes déposées par les détenus pour actes de violence.

21.Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour infliger des sanctions disciplinaires aux agents de police qui se sont rendus coupables d’actes de torture ou de mauvais traitements, mais il regrette de ne pas avoir reçu d’informations suffisamment détaillées sur les poursuites engagées, les condamnations et les sentences prononcées, et les réparations octroyées relativement à de tels actes (art. 7).

L’État partie devrait veiller à ce que chaque affaire de torture ou de mauvais traitements fasse l’objet d’une enquête sérieuse, de poursuites et d’une punition appropriée en vertu de ses lois pénales, et qu’une réparation suffisante, notamment une indemnisation, soit accordée aux victimes. Pour faciliter l’application d’une telle politique, il devrait envisager d’ériger en infractions pénales la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants en tant que tels. Il est également encouragé à renforcer considérablement l’action engagée pour veiller à ce que les enquêteurs de police soient suffisamment formés aux techniques d’investigation et aux droits de l’homme, et disposent d’un matériel adapté.

22.Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles la reconnaissance légale du droit pour les parents et les enseignants d’administrer des punitions aux enfants est source de confusion et compromet leur pleine protection contre les mauvais traitements. Il est préoccupé en outre de ce que des punitions corporelles sont encore fréquemment administrées aux enfants (art. 7 et 24).

L’État partie devrait interdire toutes les formes de violence à l’égard des enfants où qu’elles se produisent, y compris les châtiments corporels dans les établissements scolaires, et entreprendre des campagnes d’information concernant la protection contre la violence dont doivent bénéficier les enfants.

23.Le Comité se déclare préoccupé par le surpeuplement intolérable des prisons et les très mauvaises conditions qui y règnent. Il note toutefois que l’État partie a reconnu cette situation et adopté quelques mesures pour y remédier. Il est également préoccupé de ce que la durée moyenne de la détention avant jugement est dans de nombreux cas excessive (art. 7, 9 et 10).

L’État partie devrait mettre au point des mesures de substitution à l’emprisonnement. Il devrait prendre des mesures pour que la personne accusée qui attend d’être jugée ne soit pas maintenue en détention pendant une durée excessive. Il devrait renforcer considérablement l’action engagée pour garantir le droit des détenus à être traités avec humanité et dignité, en faisant en sorte qu’ils vivent dans de bonnes conditions d’hygiène et aient un accès adéquat à des soins de santé et à une alimentation saine. Si l’État partie n’est pas en mesure de répondre aux besoins des détenus, il devrait prendre immédiatement des mesures pour réduire la population carcérale.

24.Le Comité note avec préoccupation que le Code pénal érige en infractions pénales les activités homosexuelles entre adultes consentants (art. 17 et 26).

L’État partie devrait abroger cette disposition du Code pénal.

25.Le Comité note avec une préoccupation particulière qu’en vertu du Code pénal le fait de diffamer le Président et la publication de fausses nouvelles sont toujours considérés comme des infractions pénales. Il réaffirme sa préoccupation face aux informations selon lesquelles des journalistes auraient fait l’objet d’arrestations et inculpations pour avoir publié des articles critiques à l’égard du Gouvernement, arrestations et inculpations qui sont utilisées comme des techniques de harcèlement et de censure (art. 19).

L’État partie devrait abroger les dispositions susmentionnées du Code pénal. Il devrait, pour respecter pleinement le Pacte et en particulier pour assurer la liberté d’expression, trouver d’autres moyens d’obliger la presse à rendre compte de ses actes.

26.Le Comité réaffirme sa préoccupation devant le fait qu’en vertu du Code pénal les enfants de 8 ans sont pénalement responsables de leurs actes (art. 24).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour relever l’âge minimal de la responsabilité pénale et le porter à un niveau acceptable au regard des normes internationales.

27.Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales et son troisième rapport périodique auprès du grand public, notamment en les publiant sur le site Web du Gouvernement, en les rendant accessibles dans toutes les bibliothèques publiques et en les communiquant aux chefs coutumiers.

28.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements pertinents sur l’évaluation de la situation et la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 10, 12, 13 et 23.

29.Le Comité prie l’État partie de communiquer, dans son prochain rapport, à présenter avant le 20 juillet 2011, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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