Nations Unies

CERD/C/PER/FCO/22-23

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

10 février 2022

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Renseignements reçus du Pérou au sujet de lasuite donnée aux observations finales concernant son rapport valant vingt‑deuxième et vingt-troisième rapports périodiques *

[Date de réception : 7 décembre 2021]

I.Introduction

1.Conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a demandé à l’État péruvien de rendre compte des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux recommandations figurant au paragraphe 23 c), 25 d) et 27 des observations finales qu’il a adoptées concernant le rapport du Pérou valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques.

II.Renseignements sur la suite donnée aux recommandations (CERD/PER/CO/22-23)

A.Renseignements sur la suite donnée à la recommandation formulée au paragraphe 23 c) des observations finales

2.À titre préliminaire, il convient de noter que le Ministère de la Justice et des droits de l’homme dirige la mise en œuvre du Plan national relatif aux droits de l’homme 2018-2021, outil de politiques générales de l’État péruvien conçu dans le but d’assurer une action coordonnée et concertée des différents organes gouvernementaux œuvrant à la réalisation des droits de l’homme de la population qui, pour la première fois, prend en compte les défenseurs et les défenseuses des droits humains en tant que groupe faisant l’objet d’une protection particulière.

3.En outre, le Plan national relatif aux droits de l’homme prévoit, dans son orientation stratégique no 3 (Conception et mise en œuvre de politiques en faveur de groupes ayant besoin d’une protection particulière) la promotion de mécanismes garantissant aux défenseurs et défenseuses des droits humains l’exercice en toute sécurité de leurs activités pacifiques et non violentes, qu’elles soient rémunérées ou non, sur l’ensemble du territoire national. À cette fin, il a été fixé comme objectif de disposer en 2021 d’un mécanisme de protection des défenseurs et défenseuses des droits humains.

4.Entre 2018 et 2021, l’État péruvien a participé à quatre audiences publiques de la Commission interaméricaine des droits de l’homme :

a)Lors de la première audience, qui s’est tenue en décembre 2018 dans le cadre de la 170e session ordinaire de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et qui portait sur la situation des peuples autochtones de l’Amazonie péruvienne, la terre et l’environnement, la Commission a examiné les cas dénoncés de violation des droits de l’homme commises contre des membres et des dirigeants et dirigeantes de la communauté autochtone de Santa Clara de Uchunya, dans l’Amazonie péruvienne ;

b)La deuxième audience publique, qui s’est tenue en février 2019, a porté sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et la politique de protection globale au Pérou ;

c)Lors de la troisième audience publique, qui s’est tenue le 6 octobre 2020 et qui portait sur les droits humains des peuples autochtones de Amazonie péruvienne, la Commission s’est penchée sur les agressions et les menaces visant les dirigeants autochtones qui défendaient leurs terres et leur territoire ;

d)Lors de la quatrième audience publique, qui s’est tenue le 23 mars 2021, la Commission a fait le bilan de la politique de protection des défenseurs et défenseuses des droits humains au Pérou, eu égard aux mesures que l’État avait prises pour apporter une protection particulière à ce groupe de personnes ;

e)Dans le cadre de ces séances, l’État péruvien a rendu compte de l’action menée et des mesures normatives adoptées en matière de corruption, de droits de l’homme, de protection des défenseurs et défenseuses des droits humains, de lutte contre l’impunité et d’attribution de titres fonciers, action menée par l’intermédiaire du Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la culture, le Ministère de l’environnement, le ministère public et la Police nationale du Pérou. Il s’est également dit conscient des difficultés qui subsistaient s’agissant de la protection des droits liés aux questions susmentionnées.

5.En 2019 a été adopté le Protocole de garantie de la protection des défenseurs et défenseuses des droits humains, qui a pour objet principal de mettre en place des mesures, des procédures et des dispositifs de coordination afin de créer, au niveau national, les conditions voulues pour que ces personnes puissent exercer leurs activités de promotion, de protection et de défense de ces droits.

6.Quand il était en vigueur, le protocole devait impérativement être suivi par les services relevant du Ministère de la justice et des droits de l’homme ; il permettait de coordonner l’action menée avec d’autres institutions publiques telles que le Ministère de l’intérieur, la Police nationale péruvienne, le ministère public-Bureau du Procureur général de la Nation, le Service du Défenseur du peuple et les gouvernements régionaux.

7.Parmi les mécanismes prévus par le Protocole figuraient, la conception, la mise en place et la tenue d’un registre des plaintes et des signalements concernant les situations de risque pour les défenseurs et défenseuses des droits humains, ainsi que la mise en place d’une procédure d’alerte rapide afin que les autorités concernées puissent réagir aux attaques ou menaces dirigées contre les défenseurs et défenseuses des droits humains.

8.La procédure d’alerte rapide était engagée à la demande de la personne menacée, ou de tout tiers ayant connaissance du risque couru par cette personne. Une fois acceptée la demande, l’intervention de l’État commençait lorsque : a) la personne pouvant bénéficier de mesures de protection était identifiée et l’endroit où elle se trouvait était établi ; b) la personne en question avait donné son consentement, sauf si elle n’était pas en mesure de le faire ; c) la personne avait donné une description des faits relatifs à la situation de risque, étayée par des éléments de preuve si possible ; d) la personne avait indiqué la mesure de protection ou l’intervention d’urgence dont elle souhaitait bénéficier.

9.En date d’avril 2021, un total de 31 demandes d’activation de la procédure d’alerte rapide au titre du Protocole avaient été reçues. Vingt-deux de ces demandes ont été acceptées car elles remplissaient les conditions énoncées au paragraphe 7.2.3 du Protocole, et ont donné lieu à l’activation de la procédure d’alerte rapide auprès des autorités compétentes, par la voie d’une décision de la Direction générale des droits de l’homme, une fois constatée l’existence d’une situation de risque dans laquelle la vie et l’intégrité de la personne concernée étaient menacées, et/ou la capacité de celle-ci de mener ses activités de défense était compromise, dans les départements suivants :

Lima: quatre alertes pour menaces contre l’intégrité de la personne, auxquelles s’ajoutaient dans un des cas des atteintes à l’image et dans un autre de la stigmatisation ;

Huánuco : deux alertes, à savoir une alerte pour agressions et menaces et une alerte pour homicide ;

Loreto : une alerte pour menaces et stigmatisation ;

Lambayeque : une alerte pour agressions et menaces ;

Piura : une alerte pour homicides, agressions et menaces ;

San Martín : une alerte pour agressions physique et menaces ;

Cusco : une alerte pour agression verbale et atteintes à l’image ;

Ucayali : deux alertes, à savoir une alerte pour menaces, agressions physiques et intimidation et une alerte pour menaces.

Amazonas : deux alertes pour menaces contre l’intégrité de la personne.

10.Le Ministère de l’intérieur, par le mémorandum nº 005-2020/IN/DGIN/DAE (4 juin 2020), a recommandé aux préfectures régionales du pays de donner pour instruction aux sous‑préfectures, chargées d’accorder des mesures de protection individuelles, de prêter une attention immédiate aux demandes émanant des défenseurs et défenseuses des droits humains, en tenant compte des lignes directrices énoncées dans le Protocole, afin de garantir leur protection. Le Ministère de l’intérieur a en outre établi le protocole no 001-2021-IN-VOI-DGIN, relatif la procédure d’octroi de mesures de protection individuelles aux défenseurs et défenseuses des droits humains, qui énonce les procédures à suivre par la Direction générale des affaires intérieures et ses services décentralisés pour prendre en charge rapidement et efficacement les demandes de mesures de protection et protéger l’intégrité et préserver la tranquillité des défenseurs et défenseuses des droits humains.

11.En octobre 2020, en application de l’arrêté ministériel no 0255-2020-JUS, un registre des situations de risque dans lesquelles se trouvent les défenseurs et défenseuses des droits humains a été créé, et ses règles de fonctionnement ont été adoptées. Ce registre doit servir à la collecte, l’analyse et la gestion officielles d’informations concernant les situations de risque et les types d’agression auxquels font face les défenseurs et défenseuses des droits humains en raison de leurs activités, aux niveaux local, régional et national, en vue de prendre des mesures appropriées à court, à moyen et à long terme propres à prévenir ces situations de risque et à garantir la pleine protection de ces personnes.

12.Le 22 avril 2021, en application du décret suprême no 004-2021-JUS, un mécanisme intersectoriel a été créé pour protéger les défenseurs et défenseuses des droits humains. Ce décret établit des principes, des mesures et des procédures visant à prévenir les risques que peuvent encourir ces personnes du fait de leurs activités, et à garantir leur protection et leur accès à la justice. Il convient de préciser que parallèlement à la création de ce mécanisme, le Protocole a été abrogé en application d’une disposition complémentaire du décret suprême susmentionné. Le mécanisme intersectoriel a été accueilli favorablement par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Bureau du Défenseur du peuple et des organisations de la société civile nationales et internationales.

13.Le mécanisme a un caractère multisectoriel, car il réunit huit ministères et les organismes qui leur sont rattachés et les met au service de la prévention des risques que peuvent courir les défenseurs et défenseuses des droits humains, de la protection de ces personnes et de leur accès à la justice. Il est de nature intergouvernementale, car il favorise une action coordonnée avec des administrations à d’autres niveaux de gouvernement dont les tâches sont liées à des problèmes structurels qui sont sources de risque (délivrance de titres fonciers à des communautés, régularisation d’activités minières, etc.). Il est aussi participatif, car il a été élaboré avec le concours de défenseurs et défenseuses des droits humains, d’organisations de la société civile et d’associations professionnelles qui s’occupent de ces questions.

14.En outre, le mécanisme établit une nouvelle procédure d’alerte rapide, qui relève du Vice‑Ministère des droits de l’homme et de l’accès à la justice. Cette procédure prévoit un délai de trente jours ouvrables pour l’octroi de mesures de protection (procédure ordinaire) ou de quinze jours ouvrables pour l’octroi de mesures de protection d’urgence (procédure extraordinaire, en cas de risque imminent). Un coordonnateur est désigné dans chaque secteur afin d’assurer une application rapide des mesures.

15.Le mécanisme prévoit diverses mesures de protection, notamment l’organisation de patrouilles de police, la fourniture d’une aide juridique, des déclarations publiques de soutien, la prise en charge complète des femmes victimes de violence, la délivrance de visas spéciaux ou de permis de séjour aux défenseurs et défenseuses des droits humains de nationalité étrangère, l’apport d’une aide consulaire aux défenseurs et défenseuses des droits humains ayant dû fuir dans un autre pays, la surveillance des impacts sur l’environnement et l’engagement de poursuites pour infraction contre l’environnement. À titre complémentaire, il prévoit des mesures de protection d’urgence telles que l’évacuation de la zone à risque, sous réserve de restrictions dûment justifiées, et la mise sous protection policière de la personne visée ou de ses biens, sous réserve de restrictions dûment justifiées.

16.En ce qui concerne la mise en œuvre du mécanisme, depuis la désignation ad hoc de fonctionnaires dans les différents ministères concernés, une coordination intersectorielle constante est assurée en réponse aux situations de risque mises en évidence par la Direction générale des droits de l’homme dans le cadre de sa surveillance. À ce jour, quatre réunions de coordination ont été tenues.

a)Le 26 avril 2021, le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de l’environnement, le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la culture ont tenu une réunion de coordination avec des organisations de peuples autochtones d’Ucayali au sujet des risques encourus par la communauté autochtone du district d’Irazola, dans la province de Padre Abad (département d’Ucayali) ;

b)Le 20 juillet 2021 s’est tenue une réunion de coordination entre les fonctionnaires des Ministères de la justice et des droits de l’homme, de la culture et de l’environnement chargés de la mise en œuvre du mécanisme et la communauté autochtone du district de Punchana, dans la province de Maynas (département de Loreto) ;

c)Le 21 juillet 2021 s’est tenue une réunion entre le Ministère de la Justice et des droits de l’homme et le Ministère de la Culture sur les risques encourus par la communauté autochtone de la Fédération autochtone des fleuves Inuya et Mapuya (FIARIM) ;

d)Le 6 août 2021 s’est tenue une réunion entre le Ministère de la justice et des droits de l’homme et le Ministère de l’intérieur, sur les risques encourus par le peuple autochtone Wampís dans les provinces de Condorcanqui et de Datem del Marañón, situées respectivement dans les départements d’Amazonas et de Loreto, et à la frontière avec l’Équateur.

17.Dans le cadre du mécanisme ont aussi été organisés les activités et cours de formation suivants :

a)Du 14 au 23 juin 2021 : premier programme de formation sur les mécanismes de protection des défenseurs de l’environnement et sur les stratégies de lutte contre la criminalité environnementale, organisé par le Ministère de l’environnement, le Ministère de la culture et le Ministère de la justice et des droits de l’homme à l’intention des défenseurs et défenseuses de l’environnement et de la population en général ;

b)Du 25 juin au 21 juillet 2021 : cours en ligne sur le rôle des défenseurs et défenseuses des droits humains et leur protection par la police dans les situations de risque, organisé par le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de l’intérieur et la police nationale à l’intention des policiers instructeurs ;

c)Du 28 juin au 26 juillet 2021 : première formation destinée aux défenseurs et défenseuses des droits humains de l’Amazonie péruvienne, organisée par le Ministère de la justice et des droits de l’homme et l’association Derecho, Ambiente y Recursos Naturales à l’intention des organisations de peuples autochtones de Loreto, d’Ucayali, de Junín et de Cusco ;

d)Le 31 août et le 2 septembre 2021 : deux sessions du cours sur le renforcement des capacités destiné aux défenseurs de l’environnement et des peuples autochtones du Pérou, organisées par l’association Fondo Socioambiental del Perú ;

e)Le 7 et le 31 mai 2021 : séance de formation pour les fonctionnaires et agents du Bureau de gestion sociale du Ministère de l’environnement ;

f)Le 7 juin 2021 : formation pour les fonctionnaires du Service national des espaces naturels protégés par l’État ;

g)Le 25 août 2021 : conférence sur l’approche fondée sur les droits de l’homme et le rôle des défenseurs et défenseuses des droits humains, à l’intention des fonctionnaires et agents de l’Institut national de défense de la concurrence et de la propriété intellectuelle.

18.Au titre du mécanisme, le Ministère de l’environnement, par son arrêté no 134 2021‑MINAM, a adopté un protocole sectoriel de protection des défenseurs et défenseuses de l’environnement, qui doit permettre à ce groupe en situation de vulnérabilité d’exercer ses activités dans des conditions de sécurité. L’objectif était d’établir des lignes directrices pour la coordination des mesures de prévention, de repérage et de protection prises par les autorités dans le cadre du mécanisme, la mise en œuvre de ces mesures et l’évaluation de leur application, et de parvenir ainsi à une action intégrée de l’ensemble des services, des programmes et des projets spéciaux du Ministère de l’environnement et des organismes qui leur sont rattachés en vue de protéger les défenseurs de l’environnement, sous la direction de l’Unité de lutte contre la criminalité environnementale.

19.Par sa décision no 461-2021-MP-FN du 31 mars 2021, le Ministère public-Bureau du Procureur général de la Nation a créé une commission chargée de proposer des stratégies ou un mécanisme qui facilite l’accès à la justice des défenseurs et défenseuses des droits humains et aide les parquets à obtenir de meilleurs résultats dans les enquêtes relatives aux violations des droits de ce groupe de personnes ainsi que dans le suivi de ces affaires.

20.Par sa décision administrative no 29-2020/DP-PAD, le Bureau du Défenseur du peuple a adopté des lignes directrices relatives à son action dans les affaires concernant des défenseurs et défenseuses des droits humains. Ce document régit ses relations avec les préfectures et sous-préfectures, les postes de police, le ministère public, le pouvoir judiciaire et les institutions de l’État en général en cas d’attaque contre des défenseurs et défenseuses des droits humains, groupe de personnes nécessitant une protection particulière qui se trouve exposé à des violations réelles ou potentielles de ses droits en pareille situation. Par l’application de ces lignes directrices, le Bureau du Défenseur du peuple entend garantir la reconnaissance, la défense et la protection des défenseurs et défenseuses des droits humains, qui œuvrent par des moyens pacifiques à la réalisation des droits consacrés par la Constitution et les instruments internationaux et qui, pour cela, sont stigmatisés, persécutés, traités comme des délinquants et assassinés.

21.Enfin, en ce qui concerne le meurtre d’Olivia Arévalo Lomas, commis le 19 avril 2018, l’enquête préliminaire a été ouverte en avril 2018 par le deuxième bureau du procureur provincial de Yarinacocha, dans la région d’Ucayali, sous le numéro de dossier 3006064502‑2018-959-0. Au terme de l’enquête, il a été confirmé que Mme Arévalo était décédée d’une blessure par balle, laquelle avait été tirée par un ressortissant canadien, S. P. W., seul auteur du crime selon le rapport d’expertise. S. P. W. a été assassiné et retrouvé enterré dans une fosse le 21 avril 2018, comme indiqué dans l’expertise papillaire no 08‑2018-V-MACREPOL HUANUCO/REGPOL UCA-DIVINCRI-OFICRI-SI.

22.Conformément aux dispositions de l’article 78 (par. 1) du Code pénal péruvien, le bureau du procureur chargé de l’enquête a clôturé l’enquête pénale sur le décès d’OliviaArévalo Lomas, déclarant éteinte l’action pénale du fait du décès de l’inculpé S.W.

B.Renseignements sur la suite donnée aux recommandatione formuléee au paragraphe 25 d) des observations finales

23.En ce qui concerne l’usage excessif de la force, les mauvais traitements et les violences imputés aux agents des forces de l’ordre, il convient de noter que le Pérou a développé et étendu le cadre normatif régissant l’usage de la force par la Police nationale péruvienne et les forces armées. Le ministère public-Bureau du Procureur général de la Nation et le pouvoir judiciaire ont publié des directives institutionnelles applicables aux enquêtes et aux poursuites relatives aux faits d’usage arbitraire de la force.

1.Forces armées

24.Après l’adoption en 2010 du décret législatif no 1095, qui établit les règles régissant l’usage de la force par les forces armées sur le territoire national, en mars 2020, son règlement d’application a été adopté par la voie du décret suprême no 003-2020-DE.

25.Le règlement d’application du décret législatif no 1095 dispose que les forces armées n’interviennent en appui à la Police nationale, dans les zones où l’état d’urgence n’a pas été déclaré, qu’avec l’autorisation du Président de la République, donnée par voie de décision suprême (art. 29, par. 1 b)), lorsque la Police nationale n’est plus en mesure de maintenir l’ordre, lorsqu’il est prévisible que cela sera le cas ou lorsqu’il y a un risque que soit le cas, ainsi que dans les affaires de trafic illicite de drogues ou de terrorisme, ou pour protéger les services publics essentiels et les installations stratégiques nécessaires au fonctionnement du pays, ou dans les cas extrêmes où la vie, l’intégrité, la santé ou la sécurité de personnes ou de l’ensemble ou d’une partie d’une population sont menacées (art. 3, par. 4 et 5).

26.Le règlement d’application prévoit également que les dispositions relatives à l’usage de la force doivent être interprétées conformément aux dispositions de la Constitution du Pérou, aux normes du droit international des droits de l’homme reconnues par l’État péruvien, aux décisions des tribunaux supranationaux et des organes de surveillance du respect des traités relatifs au droit international des droits de l’homme auxquels le Pérou est partie, au Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et à la législation interne applicable (art. 23).

27.En 2019, le Centre de droit international humanitaire et des droits de l’homme des forces armées, qui est rattaché au Ministère de la défense, a formé des officiers des forces armées et du personnel civil du secteur de la défense au droit national et international des droits de l’homme, dans le cadre de son programme de formation continue du personnel militaire. Cette formation portait sur des sujets tels que le droit international public et les droits de l’homme, le système international, régional et national de protection des droits de l’homme et les normes relatives à l’usage de la force et aux conflits sociaux.

28.Enfin, en 2015, le Tribunal constitutionnel, à qui il revient en dernière instance d’interpréter la Constitution du Pérou, dans son arrêt rendu en l’affaire no 00022-2011-PI/TC, a déclaré constitutionnelles les dispositions relatives au pouvoir dont sont investies les forces armées en matière d’usage exceptionnel de la force en cas d’état d’exception ou d’attaque contre des « services publics essentiels », et aux limites de ce pouvoir.

2.Police nationale du Pérou

29.Comme indiqué dans le rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques du Pérou, en 2015 a été adopté le décret législatif no 1186 régissant l’usage de la force par les membres de la Police nationale, et en 2016 a été adopté son règlement d’application, en vertu du décret suprême no 012-2016-IN. Les normes énoncées dans ces textes sont conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme applicables aux agents des forces de l’ordre, en particulier le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

30.En 2018 a été adopté le Manuel des droits de l’homme à l’usage des forces de police, instrument normatif qui expose les aspects doctrinaux et juridiques des droits de l’homme ayant un rapport avec l’exercice de ses fonctions par la Police nationale, l’objectif étant d’assurer un exercice approprié des fonctions de maintien de l’ordre, qui vise à garantir le libre exercice par les personnes de leurs droits fondamentaux et à réduire au minimum les risques pour l’intégrité ou la vie des personnes impliquées dans une intervention. Cette même année :

31.Au titre de la mise en œuvre du cadre juridique sur l’usage de la force, le Ministère de l’intérieur et la Police nationale ont organisé des ateliers sur l’usage de la force publique et les droits de l’homme, formant ainsi 4 758 agents en 2018 et 2 798 agents en novembre 2019. La Police nationale a également adopté un nouveau programme d’études pour l’École d’officiers, prévoyant que la question de l’usage de la force est étudiée dans le cadre du cours sur les droits de l’homme, qui est dispensé au cours de huit des dix semestres sur lesquels se déroule le programme.

32.En 2020, le Congrès de la République a adopté la loi (no 31012) sur la protection de la police, abrogeant la disposition du décret législatif no 1186 (art. 4 (par. 1 c)) relative au principe de proportionnalité et modifiant une disposition du Code pénal relative à l’irresponsabilité pénale (art. 20 par. 11)) :

a)En 2020, un total de 23 officiers et sous-officiers de la Police nationale ont suivi un cours de formation des formateurs d’une journée portant sur les droits de l’homme dans le cadre du maintien de l’ordre. Ce cours, dispensé par la Direction générale pour la sécurité démocratique du Ministère de l’intérieur, visait à familiariser les policiers avec les outils méthodologiques et pédagogiques qui permettent d’expliquer les principes généraux des droits de l’homme et à les former aux techniques d’intervention respectueuses des normes relatives aux droits fondamentaux ;

b)En décembre 2020, le Ministère de l’intérieur a présenté un plan de décentralisation de la formation des formateurs de la police en matière de droits de l’homme, qui a permis de former plus avant des policiers à l’usage approprié de la force publique et aux moyens d’intervenir dans les situations comportant des risques pour la vie et l’intégrité des personnes dans le respect des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

33.En ce qui concerne l’année 2021, il convient de signaler ce qui suit :

a)En février 2021 a été publié un document posant les bases du renforcement et de la modernisation de la Police nationale. L’une des actions stratégiques qui y sont définies consiste à garantir le respect des protocoles relatifs à la qualité et aux droits de l’homme par l’ensemble des forces de police dans le cadre de leurs contacts directs avec la population et, à cette fin, il est notamment prévu de développer plus avant la stratégie de formation des formateurs de la police à l’application des normes relatives aux droits de l’homme dans le contexte de l’usage de la force ;

b)Au titre de l’action menée par le Ministère de l’intérieur pour renforcer les compétences des policiers touchant l’exercice de leurs fonctions, plus de 300 policiers de 17 commissariats de Lima ont suivi une formation sur la question de l’usage de la force et les droits de l’homme dans le cadre du maintien de l’ordre ;

c)En juin 2021 a été entamé un cycle de formation aux droits de l’homme destiné à plus de 120 formateurs de la Police nationale de tout le pays, l’objectif étant de renforcer leurs connaissances et leurs compétences en la matière et de leur permettre de s’appuyer dessus dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ;

d)En juillet 2021, le Ministère de l’intérieur a approuvé le profil d’emploi de la police péruvienne, où figure, au nombre des compétences expressément requises, le respect des droits de l’homme dans le cadre de l’usage de la force.

3.Ministère public − Bureau du Procureur général de la Nation et pouvoir judiciaire

34.En 2018, le ministère public − Bureau du Procureur général de la nation a adopté la directive générale no 003-2018-MP-FN, qui porte sur l’exercice de l’action pénale dans les cas où la Police nationale fait usage de la force, et qui a pour objet de régir l’action du ministère public en pareil cas. Des ateliers de formation aux dispositions de cette directive ont été organisés dans diverses régions du pays.

35.En 2019, la chambre plénière de la Cour suprême de justice de la République a adopté l’arrêt no 005-2019/CJ-116 sur le maintien de l’ordre et l’exonération de la responsabilité pénale. Au paragraphe 53 de cet arrêt, il pose comme principe juridique général applicable par les juges pénaux que les exonérations de responsabilité pénale liées à l’accomplissement du devoir prévues par la législation n’autorisent pas le Pérou (et ses policiers) à limiter ou à contourner les paramètres de l’usage de la force qui ont été établis pour tous, au niveau mondial, par les instruments internationaux que la communauté des nations unies (à laquelle le Pérou appartient) s’est engagée à respecter ; les dispositions relatives à ces exonérations ne peuvent pas non plus être interprétées de manière à contrevenir aux dispositions du décret législatif no 1186 et à son règlement d’application, ou au Manuel des droits de l’homme à l’usage des forces de police.

36.La Cour suprême a également établi dans l’arrêt susmentionné que l’exonération de responsabilité pénale découlant du fait d’avoir agi dans l’exercice de ses fonctions ne couvre pas les traitements inhumains ou dégradants, qui sont interdits par la Constitution ainsi qu’au niveau international, car ils constituent une atteinte grave à la dignité de la personne. Elle a également précisé que conformément à ce qu’a établi la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’usage des armes est limité lorsqu’il porte atteinte à la dignité de la personne, et que les policiers qui doivent utiliser la force doivent toujours le faire dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.

C.Renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées au paragraphe 27 des observations finales

1.Enquêtes sur les stérilisations forcées et sanction des responsables

37.En ce qui concerne les enquêtes sur les stérilisations forcées réalisées entre 1995 et 2000, le ministère public-Bureau du Procureur général de la nation indique que des procédures sont en cours dans les affaires no 26-2014 et no 59-2019 :

a)En ce qui concerne l’affaire no 26-2014, un avis portant mise en accusation de S. L. C. R. pour mise en danger de personnes en situation de dépendance, pour des faits commis sur la personne de M. M. M. C., et demandant le classement des poursuites contre E. O. M. O., E. Z. D., E. C. C., visés par le même chef d’accusation pour des faits également commis sur la personne de M. M. M. C., avait été rendu le 27 septembre 2018. Il a été transmis par la quatrième chambre transitoire de la Cour supérieure nationale de justice au Bureau du Procureur suprême pour examen en décembre 2020, et renvoyé à celle-ci le 30 avril 2021. Le procès de S. L. C. R., pour mise en danger de personnes en situation de dépendance, pour des faits commis sur la personne de M. M. M. C., devrait maintenant s’ouvrir;

b)Concernant l’affaire no59-2019, A.F.F. et consorts sont accusés d’avoir atteint à la vie, à l’intégrité physique et à la santé de M.M.M.C. et de quatre autres femmes, en leur infligeant des blessures graves ayant entraîné la mort, et d’avoir grièvement blessé 1310personnes. Les deux infractions avaient été commises dans le cadre de violations graves des droits de l’homme. L’audience de mise en accusation s’est ouverte le 11janvier 2021 devant le tribunal pénal supranational transitoire spécialisé dans les affaires de criminalité organisée. Au cours des 43séances consécutives qui se sont tenues, la dernière en date du 14juin 2021, le Bureau du Procureur de la nation a justifié oralement sa demande de mise en accusation. Le juge chargé de l’affaire a tenu deux audiences, les 14 et 21septembre 2021, pendant lesquelles il a exposé les motifs de sa décision concernant la demande du Bureau du Procureur général de la nation d’ouvrir une procédure pénale contre les mis en cause. L’audience s’est poursuivie les 29septembre, 18octobre, 25octobre, 2novembre, 17 novembre (reportée), 20 novembre, 25 novembre, 26 novembre, 2 décembre et 3 décembre 2021 (deux séances, à 10 h 00 et à 15 h 00), où elle a été reportée au 6 décembre 2021 à 9 h 00.

38.Une information judiciaire a aussi été ouverte sur les stérilisations forcées. Le dossier d’instruction no 14-2016 est composé de 169 volumes (67 851 pages) et recense 2 729 victimes présumées, réparties dans 14 régions (Ancash, Apurímac, Ayacucho, Cajamarca, Cusco, Huancavelica, Huánuco, Junín, Lima, Loreto, Moquegua, Piura, San Martín et Ucayali).

39.Le 12 novembre 2019, une information judiciaire (dossier d’instruction no 96-2019) a été ouverte contre les personnes qui, par les graves blessures qu’elles avaient infligées dans le cadre de violations graves des droits de l’homme, avaient atteint à la vie, à l’intégrité physique et à la santé de O. A. P. et d’autres femmes qui ne figuraient pas parmi les victimes dans la demande de mise en accusation précitée. Elle a été jointe à l’information judiciaire no 14-2016, compte tenu de leurs liens étroits.

40.Les enquêtes en cours concernent en tout 4 044 victimes présumées de stérilisation forcée.

2.Mesures prises par l’État au sujet des stérilisations forcées

41.Sans préjudice de ce qui précède, l’État péruvien tient à mentionner qu’en novembre 2015, par le décret suprême no 006-2015-JUS, la prise en charge des personnes victimes de stérilisations forcées entre 1995 et 2001, consistant en la fourniture d’une aide juridique gratuite, d’un accompagnement psychologique et de soins de santé complets, a été déclarée question d’intérêt national et considérée comme une priorité. Ce décret prévoit la création d’un registre des victimes de stérilisations forcées, géré par le Ministère de la justice et des droits de l’homme, afin d’identifier toutes les personnes lésées et de garantir l’accès à la justice et d’apporter une aide juridique gratuite à toutes les personnes dans le pays qui estiment avoir été stérilisées de force.

42.En décembre 2015, le Ministère de la justice et des droits de l’homme a adopté une procédure d’inscription au registre des personnes qui ont été victimes de stérilisations forcées pendant la période 1995-2001. Le calendrier de mise en service du registre a été établi par les arrêtés ministériels nos 0319-2015-JUS, 0001-2016-JUS, 0161-2016-JUS et 0157‑2017-JUS. La première étape a concerné les directions de district de cinq régions : Cusco, Cajamarca, Piura, Huancavelica et Lima Este ; la deuxième étape a concerné les directions de district de quatre régions supplémentaires : Ayacucho, Lima Centro, Lima Sur et San Martín ; la troisième étape a concerné les directions de district de neuf autres régions : La Libertad, Huánuco, Junín, Moquegua, Ventanilla, Apurímac, Ucayali, Loreto et Ancash. De janvier 2016 à août 2021, 7 769 personnes se considérant victimes de stérilisations forcées se sont fait connaître et ont engagé la procédure d’inscription sur le registre.

43.En 2016, une approche intersectionnelle a été appliquée au registre afin de tenir compte de l’interculturalité, du genre et des droits humains, eu égard à la situation des locutrices autochtones. La même année, le Ministère de la culture a indiqué que 2 000 personnes, surtout des femmes autochtones, avaient bénéficié des services d’un interprète lors de leur inscription au registre, et que 200 fonctionnaires du Ministère de la justice et des droits de l’homme et du Ministère des femmes et des populations vulnérables avaient suivi une formation afin d’être à même de remplir leurs fonctions dans le respect des cultures. En 2017, pour la première fois, une décision du Bureau du Procureur général de la nation a été publiée en langue awajún.

44.Entre janvier 2016 et décembre 2019, 42 campagnes ou journées d’inscription itinérante au registre des victimes de stérilisations forcées ont été organisées dans les directions de district de la défense publique d’Áncash, d’Apurímac, d’Ayacucho, de Cusco, de Cajamarca, de Huancavelica, de Huánuco, de Junín, de La Libertad, de Loreto, de Moquegua, de Piura, de San Martín et d’Ucayali. Entre janvier et décembre 2019, la Direction générale de la défense publique et de l’accès à la justice du Ministère de la justice et des droits de l’homme, conjointement avec le Programme national d’action pour l’inclusion sociale (programme PAIS), par l’intermédiaire des « plateformes fixes » ou tambos du Ministère du développement et de l’inclusion sociale, ont organisé six ateliers de sensibilisation au registre, dans les directions de district de la défense publique des régions d’Amazonas, d’Áncash, de Huánuco, de Huancavelica, d’Ayacucho et de Puno.

45.Dans la situation que connaît actuellement le Pérou, Internet est devenu un outil essentiel et stratégique, qui permet de maintenir le contact avec la population et de lui donner accès aux services dont elle a besoin sans que des interactions en face-à-face soient nécessaires, ce qui réduit les effets néfastes de la pandémie. Diverses formes de soutien ont ainsi été mises en place pour que les usagers puissent avoir accès aux technologies de l’information et de la communication et à leurs applications et bénéficier des prestations du Service de la défense publique.

46.Par exemple, les « plateformes fixes » ou tambos garantissent la présence effective de l’État dans les zones rurales et reculées. Elles disposent d’un personnel qualifié et d’équipements modernes, et fournissent des services en lien avec les activités sociales et productives aux populations pauvres de leur ressort. Elles rapprochent l’État des populations vulnérables vivant dans des zones rurales et reculées, et aident à mieux répondre à leurs besoins de services publics.

47.Deux programmes de travail ont été mis en place dans le cadre du programme national PAIS du Ministère du développement et de l’inclusion sociale et de la Direction générale de la défense publique et de l’accès à la justice du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Le premier concernait la période allant de septembre 2020 à décembre 2020, et le second, la période allant de janvier 2021 à décembre 2021.

48.De septembre 2020 à juillet 2021, la Direction générale de la défense publique a organisé 57 présentations en ligne pour faire connaître le registre et diffuser des informations à son sujet. Il s’agissait des mêmes présentations que celles organisés par le programme PAIS et ses tambos et/ou les directions de district de la défense publique d’Ancash, d’Apurímac, d’Ayacucho, de Cajamarca, de Cusco, de Huánuco, de Junín, de Loreto, de Moquegua, de Piura, de San Martín et d’Ucayali.

49.Selon les informations communiquées par l’Organisme de l’assurance maladie, au 19 juin 2021, sur l’ensemble des personnes inscrites au registre des victimes de stérilisations forcées, 6 131 personnes étaient affiliées au régime d’assurance maladie. Les personnes affiliées peuvent recevoir les soins dont elles ont besoin dans l’établissement de santé dont elles relèvent et, si nécessaire, être orientées vers un établissement plus adapté. En cas d’urgence, elles peuvent se faire soigner dans n’importe quel établissement de santé relevant du Ministère de la santé ou du gouvernement régional, ou ayant signé un accord avec l’Organisme de l’assurance maladie.

50.En ce qui concerne l’accès à la justice, la Direction générale de la défense publique et de l’accès à la justice du Ministère de la justice et des droits de l’homme a mis en place des partenariats avec 1 882 personnes, entre janvier 2016 et juillet 2021, dans les régions d’Amazonas, d’Apurímac, d’Ayacucho, de Cajamarca, de Cusco, de Huancavelica, de Lambayeque, de Lima Centro, de Lima Este, de Lima Sur, de Loreto, de Moquegua, de Piura, de San Martín, de Sullana et de Tumbes.

a)Les victimes de stérilisations forcées peuvent bénéficier des services d’aide juridique et de défense gratuites du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Le Défenseur du peuple est tenu de les informer de la portée et des avantages de ces services gratuits, de la possibilité qui leur est donnée de décider ou non d’engager des poursuites pénales, et de leur droit de choisir librement un avocat.

b)Les informations relatives au système d’accès à la justice devant être disponibles dans les langues autochtones, le Service de la défense publique, suivant une démarche interculturelle, compte actuellement 125 avocats habilités à proposer leurs services en langue quechua et 8 avocats habilités à proposer leurs services en langue aymara.

c)Les avocats en question exercent leurs fonctions au sein des directions de district de la défense publique d’Ancash, d’Apurímac, d’Arequipa, d’Ayacucho, de Callao, de Cañete, de Cusco, de Huancavelica, d’Ica, de Junín, de La Libertad, de Lambayeque, de Lima Norte, de Lima Este, de Lima Sur, de Madre de Dios, de Pasco, de Piura, de Puno, de San Martín, de Selva Central, de Tacna et de Ventanilla.

51.De plus, le Programme national en faveur des droits de l’homme prévoyait la création d’un groupe de travail, composé de représentants de l’État et de la société civile, en vue d’examiner la question des stérilisations forcées effectuées entre 1995 et 2001 et d’apporter des solutions aux victimes. Il précisait que le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de la santé et le Ministère de la femme et des populations vulnérables seraient chargés de l’application de cette mesure stratégique.

52.Le groupe de travail a été mis en place en septembre 2018, et est composé de représentants de l’État et de la société civile, notamment du Groupe de suivi des réparations accordées aux victimes de stérilisations forcées ; il a pour mission d’analyser et de résoudre les problèmes auxquels se heurtent les victimes des stérilisations forcées effectuées entre 1995 et 2001. En septembre 2019, il a tenu sa première réunion dans la ville de Cusco, à laquelle ont participé 40 organisations de la société civile des provinces d’Anta, de Chumbivilcas et de Paruro, afin de s’informer de la situation des victimes dans la région et de faciliter le dialogue entre les organisations et les agents de l’État.

53.Dans le cadre du système judiciaire, un groupe de travail multisectoriel a également été créé en application de l’arrêté ministériel no 216-2020-JUS du 14 août 2020, afin de poursuivre le processus d’institutionnalisation et d’aider le groupe de travail précité à atteindre ses objectifs, en procédant à des analyses des problèmes auxquels se heurtent les personnes qui ont été victimes de stérilisations forcées entre 1995 et 2001 et de proposer des mécanismes pour les résoudre. Il est chargé de coordonner, de promouvoir et de renforcer les mesures stratégiques prises par les autorités à l’intention des victimes de stérilisations forcées, par la voie d’une action concertée entre les secteurs concernés :

a)Le groupe de travail multisectoriel a été institué le 27 août 2020, en présence de représentants du Ministère de la femme et des populations vulnérables, du Ministère de la santé et du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Ceux-ci se sont vu demander où en était l’application du décret suprême no 006-2015-JUS,  ;

b)Le 12 février 2021, le groupe de travail multisectoriel a tenu sa deuxième réunion, à laquelle ont participé des représentants du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Ministère de la femme et des populations vulnérables et du Ministère de la santé (en tant que membres) et des représentants du Ministère du développement et de l’inclusion sociale et du Ministère de la culture (en tant qu’invités). Au cours de cette réunion, il a adopté un plan de travail et lancé un appel aux autres institutions de l’État qui pourraient offrir leurs services aux victimes de stérilisations forcées ;

c)Le 27 juillet 2021, le groupe de travail multisectoriel a tenu sa troisième et dernière réunion, au cours de laquelle il a adopté le rapport sur la prise en charge par l’État des personnes ayant été stérilisées de force entre 1995 et 2001. Il a aussi élaboré un schéma de prestation de services de santé mentale aux victimes de stérilisation forcée.

54.Le programme national AURORA du Ministère de la femme et des populations vulnérables, qui vise à prévenir et éradiquer la violence contre les femmes et les membres de la famille, a indiqué que de 2016 à juin 2021, les centres d’urgence pour femmes avaient pris en charge 6 103 victimes de stérilisation forcée et fourni 70 596 prestations d’assistance spécialisée et individualisée dans le cadre de leurs compétences.

55.De 2016 à 2017, afin de renforcer l’assistance fournie, des équipes de professionnels spécialisés dans l’accompagnement psychologique et social et ayant un profil adapté aux caractéristiques et aux besoins de la population ont été mises en place dans 46 centres d’urgence pour femmes de 22 régions, l’objectif étant de fournir ces services dans les zones rurales et de les adapter en conséquence. Les régions où ces services ont ainsi été renforcés étaient celles de Cusco, Cajamarca, Piura, Huancavelica, Lima, Huánuco, San Martín, Ayacucho, Moquegua, La Libertad, Junín, Apurímac, Ucayali, Loreto, Ancash, Arequipa, Puno, Tumbes, Amazonas, Pasco, Lambayeque et Ica.

56.Entre 2018 et juin 2021, les centres d’urgence pour femmes ont fourni 1 191 prestations d’assistance spécialisée et individualisée à 125 femmes, dans le cadre de leurs compétences et en concertation avec les secteurs concernés, conformément à la directive no 010-2015-MIMP sur la prise en charge des victimes de stérilisation forcée dans les centres d’urgence pour femmes.

57.En août 2021, le Ministère de la femme et des populations vulnérables comptait 423 centres d’urgence pour femmes, dont 247 étaient des centres réguliers, 175 se trouvaient dans des postes de police et un se trouvait dans un établissement de santé. Pour ce qui est du renforcement des capacités, 66 professionnels des unités territoriales du programme national AURORA, qui étaient chargés des prestations de services dans les centres d’urgence pour femmes, ont bénéficié d’une assistance technique pour l’application de la directive précitée, l’objectif étant d’apporter un soutien psychologique à 93 personnes inscrites au registre des victimes de stérilisation forcée.

58.En 2016-2017, dans le cadre du programme AURORA, il a été apporté une assistance technique permanente aux 46 équipes des centres d’urgence pour femmes utilisant le registre des victimes de stérilisation forcée afin d’assurer une mise en œuvre adaptée et progressive des services de prise en charge psychologique et sociale destinés aux dites victimes.

59.En 2017, le programme AURORA a permis de renforcer les capacités des équipes de soins des centres d’urgence pour femmes, des services du registre des victimes de stérilisation forcée et des unités de stratégie de stratégie rurale, grâce aux activités suivantes :

a)Un cours-atelier visant à renforcer les capacités en matière d’accompagnement psychologique et social des victimes de violence fondée sur le genre dans les villes et les communautés, dispensé en 2017 dans tous les centres d’urgence pour femmes du pays sous forme de 11 ateliers régionaux de seize heures chacun, auxquels ont pris part en présentiel 197 professionnels ;

b)Deux ateliers sur la prise en charge des victimes de stérilisation forcée organisés à l’intention des professionnels des centres d’urgence pour femmes chargés de l’accueil et des activités de promotion, auxquels ont pris part 448 personnes ;

c)Une formation sur l’accompagnement psychologique social des victimes de violence fondée sur le genre dans les villes et les communautés, composée de cinq modules (deux en ligne et trois en semi-présentiel) et d’une durée totale de cinquante-cinq heures, qui a été suivie par 305 professionnels du programme national AURORA et 1 811 acteurs locaux de la prise en charge des cas de violence fondée sur le genre qui relèvent du registre.

60.En application de l’arrêté ministériel no 191-2021-MIMP, un groupe de travail multisectoriel temporaire a été créé dans le but de promouvoir l’égalité des sexes et l’accès à la justice. Il doit assurer la coordination entre le Ministère de la femme et des populations vulnérables et les organisations de la société civile, l’objectif étant de proposer, d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et des mesures permettant d’établir un document technique normatif qui contribue à promouvoir l’égalité entre les sexes et l’accès à la justice pour toutes les femmes, et qui aide à lutter contre les diverses manifestations d’une discrimination sexiste structurelle telles que la violence fondée sur le genre, les stérilisations forcées, les féminicides et les disparitions de femmes.

61.En vertu de la décision administrative no 10-2016-JNAC-RENIEC, adoptée en 2016, la demande d’établissement d’une première carte nationale d’identité ou de renouvellement, de copie ou de correction d’une carte d’identité ainsi que la délivrance de ladite carte sont gratuites dans tout le pays pour les personnes qui ont été victimes de stérilisation forcée entre 1995 et 2001.

62.Enfin, il convient de noter que le 27 octobre 2020, le Tribunal constitutionnel, par la décision qu’il a rendue en l’affaire no 02064-2018-PA/TC, a déclaré irrecevable le recours formé par M. R. L. C. B., qui avait occupé le poste de Ministre de la santé dans le gouvernement d’A. F. F. et avait été chargé de mettre en œuvre le programme national de santé procréative et de planification familiale pour la période 1996-2000. Dans sa décision, il a souligné que l’inaction constatée pendant les vingt années qui avaient suivi les faits était incompatible avec l’obligation faite à l’État d’enquêter sur les violations graves des droits de l’homme et d’en punir les auteurs.

III.Conclusion

63.L’État péruvien a pris diverses mesures en lien avec les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, notamment la création du mécanisme intersectoriel de protection des défenseurs et défenseuses des droits humains, l’adoption de normes régissant le recours à la force, la mise en place de formations à l’intention du personnel de la Police nationale péruvienne et l’avancement des procédures judiciaires relatives aux stérilisations forcées.