Nations Unies

CCPR/C/HUN/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 novembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Centième session

Genève, 11‑29 octobre 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Hongrie

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique de la Hongrie (CCPR/C/HUN/5) à ses 2754e et 2755e séances, les 18 et 19 octobre 2010 (CCPR/C/SR.2754 et 2755). À sa 2768e séance, le 27 octobre 2010, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de la Hongrie et les informations qu’il contient. Il note que l’État partie a fait parvenir des réponses écrites. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation et des réponses orales (CCPR/HUN/Q/5/Add.1) données à la liste des points à traiter. Il fait observer qu’il aurait été utile que ces renseignements fournis oralement soient inclus dans le rapport lui-même ou dans les réponses écrites.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du décret gouvernemental no 1021/2004 (III.18) et de la résolution parlementaire relative à la Décennie pour l’intégration des Roms, qui définit un programme visant à promouvoir l’intégration sociale du peuple rom.

4.Le Comité accueille aussi avec satisfaction la modification de la loi XXXIV de 1994 sur la police par la loi XC de 2007 portant création de l’Organe indépendant chargé d’instruire les plaintes contre la police.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments ci-après:

a)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants de 2000;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés de 2000.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité est inquiet du degré élevé de protection conféré par la loi LXIII de 1992 sur la protection des données personnelles, qui interdit la collecte de données ventilées de quelque sorte que ce soit. Il craint que cette interdiction ne l’empêche de surveiller effectivement la mise en œuvre des dispositions du Pacte (art. 2 et 17).

L’État partie devrait revoir la loi LXIII sur la protection des données personnelles pour la rendre conforme aux dispositions du Pacte, en particulier l’article 17, comme indiqué dans l’Observation générale n o 16 du Comité. L’État partie devrait s’assurer que la protection des données personnelles ne constitue pas un obstacle à la collecte légitime de données qui faciliteraient le suivi et l’évaluation des programmes ayant une incidence sur la mise en œuvre du Pacte.

7.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore mis en place une institution nationale des droits de l’homme centrale, ayant une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) (art. 2).

L’État partie devrait envisager de mettre en place une institution nationale des droits de l’homme dotée d’un mandat étendu dans le domaine des droits de l’homme et de lui allouer des ressources humaines et financières suffisantes, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

8.Le Comité note avec satisfaction la création de l’Autorité pour l’égalité de traitement en vertu de la loi CXXV de 2003 sur l’égalité de traitement, et le fait que l’État partie envisage de revoir le statut juridique de l’Autorité dans le cadre de la révision de la Constitution en cours, mais il est préoccupé par le fait que cet organe, dont la charge de travail s’est accrue de façon exponentielle depuis sa création, ne dispose pas des ressources humaines et matérielles nécessaires. Le Comité s’inquiète en outre de la précarité du mandat du Bureau du Président de l’Autorité pour l’égalité de traitement résultant du décret gouvernemental no 362/2004 (XII.26), qui donne au Premier Ministre le pouvoir de relever le Président de ses fonctions sans justification (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que l’Autorité pour l’égalité de traitement soit dotée des ressources financières et humaines nécessaires pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du mandat du Bureau du Président de l’Autorité pour l’égalité de traitement afin de garantir son indépendance.

9.Si le Comité reconnaît la nécessité pour l’État partie d’adopter des mesures de lutte contre le terrorisme, y compris en élaborant des textes de loi appropriés pour punir ce type d’actes, il regrette le manque de clarté de la définition de certaines infractions et l’absence de données relatives à la mise en œuvre de la législation antiterroriste (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que le Code pénal ne définisse pas seulement les infractions terroristes du point de vue de leur objet, mais aussi du point de vue de leur nature, avec suffisamment de précisions pour permettre aux individus de régler leur conduite en conséquence. L’État partie doit s’abstenir d’adopter une législation qui restreindrait indûment l’exercice des droits garantis par le Pacte. Il doit recueillir des données concernant l’application de la législation antiterroriste et ses incidences sur l’exercice d es droits énoncés dans le Pacte.

10.Le Comité, rappelant ses précédentes observations finales (CCPR/CO/74/HUN, par. 9), note que les femmes demeurent sous-représentées dans les secteurs public et privé, surtout aux postes de décision, notamment au Parlement, dans les ministères et dans les gouvernements locaux (art. 3, 25 et 26).

L’État partie devrait adopter des mesures concrètes pour accélérer la pleine participation des femmes dans la sphère publique, à tous les niveaux, sur un pied d’égalité avec les hommes, et pour promouvoir énergiquement la participation des femmes dans le secteur privé, y compris aux postes de direction.

11.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/CO/74/HUN, par. 10) et note avec regret que des informations faisant état d’actes de violence à l’égard des femmes et de harcèlement sexuel dans l’État partie continuent de lui parvenir. Il regrette aussi l’absence de législation spécifique interdisant la violence dans la famille et le viol conjugal (art. 3 et 7).

L’État partie devrait adopter une approche globale pour prévenir et combattre toutes les formes et manifestations de violence à l’égard des femmes. À ce sujet , l’État partie devrait améliorer ses méthodes de recherche et de collecte de données en vue de déterminer l’ampleur du problème, ses causes et ses conséquences pour les femmes. Il devrait aussi envisager d’adopter une législation spécifique visant à interdire la violence familiale et le viol conjugal. L’État partie devrait veiller à ce que les cas de violence familiale et de viol conjugal fassent l’objet d’une enquête approfondie et que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate.

12.L’État partie est préoccupé par l’absence de données relatives à la traite des êtres humains malgré les informations indiquant la persistance de la traite de femmes et de filles à des fins d’exploitation sexuelle et de servitude domestique (art. 8).

L’État partie devrait examiner les causes profondes de la traite et recueillir des données statistiques relatives à ce phénomène, qui devraient être ventilées par sexe, âge, groupe ethnique et pays d’origine. Il devrait également recueillir des données statistiques détaillées montrant le nombre de poursuites engagées contre les trafiquants, le nombre de condamnations prononcées et le nombre de peines imposées ainsi que les mesures prises pour protéger les droits fondamentaux des victimes.

13.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/CO/74/HUN, par. 8) et s’inquiète de ce que les «arrestations de courte durée», qui peuvent se prolonger jusqu’à douze heures sans inculpation, sont toujours autorisées, que le fondement juridique en demeure flou et que la durée de la garde à vue (jusqu’à soixante-douze heures) n’a pas été revue par l’État partie. Le Comité note en outre qu’il y a encore des défaillances dans le système garantissant l’accès à un avocat et que l’enregistrement vidéo des interrogatoires n’est possible que si le suspect s’engage à en assumer le coût, ce qui affecte particulièrement les personnes sans ressources (art. 2, 9 et 14).

Le Comité réitère ses précédentes observations finales et recommande à l’État partie de modifier les dispositions de la loi de procédure pénale qui autorisent la détention pour une durée supérieure à quarante-huit heures. L’État partie devrait aussi revoir sa pratique concernant les arrestations de courte durée et sa législation relative à la détention avant jugement pour garantir la compatibilité avec l’article 9 du Pacte et veiller à ce que les dispositions juridiques nationales régissant les arrestations de courte durée soient suffisamment claires et aient un fondement juridique clair. L’État partie devrait en outre garantir l’accès à un avocat à toutes les personnes privées de liberté et fournir des services d’enregistrement vidéo gratuits afin que les suspects sans ressources ne soient pas privés de leurs droits à cause de leur situation matérielle.

14.Le Comité note avec satisfaction la création de l’Organe indépendant chargé d’instruire les plaintes relatives à des violations commises par la police, mais il regrette l’absence d’organisme médical indépendant qui pourrait examiner les victimes présumées de torture et autres peines ou traitements dégradants. Le Comité regrette également que des membres des forces de l’ordre soient présents pendant les examens médicaux même lorsque le personnel médical concerné n’en fait pas la demande. Le Comité regrette en outre l’absence d’enquête sur les allégations de torture et le fait que les agents de la force publique ne reçoivent pas de formation spécifique concernant l’interdiction de la torture et des mauvais traitements (art. 7 et 10).

L’État partie devrait envisager d’établir un organisme médical indépendant qui serait chargé d’examiner les victimes présumées de torture et de garantir le respect de la dignité humaine pendant les examens médicaux. L’État partie devrait également veiller à ce que les agents de la force publique reçoivent une formation concernant la prévention de la torture et d es mauvais traitements en intégrant le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) dans tous les programmes de formation qui leur sont destinés. L’État partie devrait veiller à ce que les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu à des enquêtes efficaces et à ce que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées.

15.Le Comité note avec préoccupation que les demandeurs d’asile et les réfugiés sont placés en rétention dans des locaux où les conditions sont mauvaises et, à ce sujet, que certains d’entre eux sont détenus dans des prisons qui avaient été fermées en 2004-2005 parce qu’elles n’étaient pas conformes aux normes fixées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Le Comité regrette que la réouverture de ces installations pénitentiaires n’ait pas été précédée de travaux de rénovation. Il est également préoccupé par des informations faisant état d’expulsions illégales de demandeurs d’asile somaliens et afghans (art. 7, 10 et 13).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de vie et le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés et veiller à ce qu’ils soient traités dans le respect de la dignité humaine. Les demandeurs d’asile et les réfugiés ne devraient jamais être retenus dans des conditions carcérales. L’État partie devrait faire en sorte que le principe du non-refoulement soit respecté sans réserve et que toutes les personnes qui ont besoin d’une protection internationale reçoivent, à tous les stades, un traitement approprié et équitable et que les décisions d’expulsion, de renvoi ou d’extradition soient prises avec diligence et dans le respect des garanties de procédure.

16.Le Comité note que l’État partie a adopté l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus qui fait désormais partie de son droit interne mais il regrette que les prisons continuent d’être surpeuplées, situation encore aggravée par l’introduction dans le Code pénal de la «règle des trois infractions», qui aboutit à l’imposition obligatoire de peines d’emprisonnement à perpétuité. Le Comité regrette en outre que des moyens de contrainte excessifs soient appliqués aux prisonniers dits «de la catégorie 4» et aux prisonniers qui exécutent de longues peines, dans les unités à régime spécial (unité HSR) (art. 7 et 10).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer le traitement des prisonniers et les conditions dans les établissements pénitentiaires et les lieux de détention, de façon à les rendre conformes au Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. À ce sujet, l’État partie devrait envisager non seulement la construction de nouvelles prisons mais aussi l’application plus étendue de peines de substitution non privatives de liberté.

17.Le Comité est préoccupé par le retard excessif mis à mener à bonne fin les poursuites pénales ouvertes à la suite des manifestations à Budapest en septembre et octobre 2006. Il s’inquiète de ce que sur les 202 actions pénales qui ont été engagées, 2 seulement ont abouti à une condamnation et 7 jugements seulement ont été rendus (art. 14).

L’État partie devrait accélérer les procédures pénales engagées à la suite des manifestations de Budapest en cherchant à résoudre les difficultés liées à la production de preuves de façon que tous les accusés bénéficient d’un procès équitable. L’État partie devrait veiller à ce que les victimes des crimes perpétrés pendant les manifestations reçoivent une indemnisation complète et adéquate.

18.Le Comité est préoccupé par les déclarations anti-Roms virulentes et généralisées faites par des personnalités publiques, les médias et les membres de l’organisation dissoute Magyar Gàrda. Il note également avec préoccupation que les mauvais traitements et le profilage racial dont les Roms sont l’objet de la part de la police n’ont pas cessé. Il est en outre préoccupé de relever des indications d’une montée de l’antisémitisme dans l’État partie. Le Comité est préoccupé par l’interprétation restrictive donnée par la Cour constitutionnelle de l’article 269 du Code pénal relatif à l’incitation à la violence contre la communauté, qui peut être incompatible avec les obligations de l’État partie en vertu de l’article 20 du Pacte (art. 20).

L’État partie devrait prendre des mesures spécifiques de sensibilisation afin de promouvoir la tolérance et la diversité dans la société et faire en sorte que les juges, les magistrats, les procureurs et tous les agents de la force publique reçoivent une formation leur permettant de déceler les crimes motivés par la haine et le racisme. L’État partie devrait veiller à ce que les membres ou les associés de l’actuelle ou de l’ancienne Magyar Gàrda fassent l’objet d’une enquête, soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées. D e plus il devrait lever les obstacles à l’adoption et à la mise en œuvre d’une législation visant à lutter contre les discours haineux, qui soit conforme au Pacte.

19.Le Comité craint que l’évolution des lois dites «de mémoire» dans l’État partie ne risque d’aboutir à criminaliser une grande diversité d’opinions portant sur la compréhension de l’histoire de l’après-guerre de l’État partie (art. 19 et 20).

L’État partie devrait revoir ses «lois de mémoire» de façon à garantir leur co mpatibilité avec les articles 19 et 20 du Pacte.

20.Le Comité donne acte à l’État partie de l’adoption d’une stratégie pour l’insertion des Roms mais il est toujours préoccupé par la discrimination et l’exclusion généralisées dont les Roms sont victimes dans différents domaines comme l’enseignement, le logement, la santé et la participation à la vie politique (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour éliminer les stéréotypes et les abus très courants , notamment en multipliant les campagnes de sensibilisation de façon à promouvoir la tolérance et le respect de la diversité. Il devrait également prendre des mesures pour favoriser l ’ accès aux possibilités et aux services dans tous les domaines et à tous les niveaux par des mesures volontaristes de façon à corriger les inégalités passées. À ce sujet, l’État partie devrait envisager de réintroduire l’allocation de sièges réservés aux minorités nationales et ethniques afin d’accroître la participation de celles-ci à la conduite des affaires publiques.

21.Le Comité est préoccupé par les insuffisances administratives du registre électoral des minorités et par le système d’administration autonome qui, entre autres choses, oblige les minorités à enregistrer leur identité ethnique et, par conséquent, dissuade ceux qui ne veulent pas que leur identité ethnique soit connue, ou ceux qui ont plusieurs identités ethniques, de s’inscrire sur les listes électorales pour des scrutins particuliers (art. 2 et 25).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour remédier aux insuffisances du registre électoral des minorités, et s’occuper du système d’administration autonome des minorités en général, de façon à garantir qu’il ne dissuade pas les minorités de participer aux élections de l’administration autonome et ne les prive pas de leurs droits.

22.Le Comité note avec préoccupation que la loi LXXVII de 1993 relative aux droits des minorités nationales et ethniques prévoit que seuls les groupes de personnes qui représentent une minorité numérique et sont présents sur le territoire de l’État partie depuis au moins un siècle seront considérés comme une minorité ou un groupe ethnique en vertu de cette loi (art. 26 et 27).

L’État partie devrait envisager de supprimer la condition qui fait qu’un groupe minoritaire devrait pouvoir prouver qu’il vit sur le territoire de l’État partie depuis au moins un siècle pour pouvoir être reconnu comme groupe minoritaire national ou ethnique. Il devrait veiller à ce que les conditions fixées pour obtenir la reconnaissance de l’État en tant que groupes minoritaires soient conformes au Pacte, en particulier avec l’article 27, comme il est explicité dans l’Observation générale n o 23 du Comité, de façon que les groupes nomades et autres qui ne satisfont pas au critère en raison de leur mode de vie ne soient pas exclus de la protection complète de la loi.

23.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 6, 15 et 18.

24.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir au plus tard le 29 octobre 2014, des renseignements spécifiques sur les mesures prises pour donner suite aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.