Nations Unies

CED/C/COL/OAI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

2 juin 2021

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant les renseignements complémentaires soumis par la Colombie en application de l’article 29 (par. 4) de la Convention *

I.Introduction

1.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires communiqués par la Colombie en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, renseignements que le Comité avait demandé dans ses observations finales de 2016 sur le rapport initial de l’État partie. Il se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures que celui-ci a prises pour s’acquitter de ses obligations conventionnelles liées aux questions suivantes : a) l’harmonisation de la législation interne avec la Convention ; b) la prévention des disparitions forcées et les mécanismes de recherche et d’enquête ; c) la réparation.

A.Aspects positifs

2.Le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour promouvoir la recherche des personnes disparues, y compris celles soumises à une disparition forcée. En particulier, il prend note de la création du Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, composé de la Commission pour la manifestation de la vérité, la coexistence et la non-répétition, de la Juridiction spéciale pour la paix et de l’Unité de recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, qui sont des mécanismes de vérité, de justice, de réparation et de satisfaction des droits des victimes du conflit armé. Il souligne l’adoption du plan national de recherche et des plans régionaux de recherche par l’Unité de recherche et le rôle clef de la société civile, en particulier des victimes, dans la lutte contre les disparitions forcées.

B.Mise en œuvre des recommandations du Comité et faits nouveaux survenus dans l’État partie

3.Le Comité est pleinement conscient des nombreuses difficultés auxquelles se heurte l’État partie en matière de prévention des disparitions forcées, d’enquête et de répression ainsi que de recherche et d’identification des personnes disparues. Il regrette que, malgré la signature de l’Accord de paix, le phénomène des disparitions forcées demeure très répandu dans diverses régions du pays. Il considère que, malgré les efforts faits par l’État partie, la législation en vigueur, son application et la manière dont les autorités compétentes s’acquittent de leurs fonctions ne sont toujours pas pleinement conformes à la Convention.

II.Harmonisation de la législation interne avec la Convention

A.Définition de la disparition forcée

4.Le Comité constate que la définition de la disparition forcée figurant à l’article 165 du Code pénal n’est toujours pas conforme à l’article 2 de la Convention. Comme il l’a fait dans ses précédentes recommandations, le Comité souligne sa préoccupation quant au fait que les actes incriminés par le Code pénal peuvent être commis par des agents de l’État et par des personnes agissant avec ou sans l’appui ou l’acquiescement d’un fonctionnaire. Il réaffirme que cela dilue la responsabilité de l’État, ce qui a un effet négatif sur l’application de la Convention (art. 2 à 4).

5. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir la définition qui figure à l ’ article 165 du Code pénal afin qu ’ elle soit pleinement conforme à l ’ article 2 de la Convention.

B.Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques

6.Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant à l’absence de disposition juridique prévoyant expressément la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques conformément aux dispositions de l’article 6 (par. 1 b)) de la Convention. Même si l’interprétation judiciaire peut combler cette lacune, seule l’existence d’une disposition distincte dans la législation nationale peut empêcher d’interpréter la loi d’une manière qui ne serait pas pleinement conforme à la Convention (art. 6).

7. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ in scrire expressément dans sa législation interne le principe de la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques, comme l ’ exige l ’ article 6 (par. 1 b)) de la Convention.

C.Communication et registre des personnes privées de liberté

8.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes détenues ont été empêchées de communiquer avec des personnes relevant des catégories visées à l’article 17 de la Convention (art. 17). Il se dit également préoccupé par les informations selon lesquelles les registres des personnes privées de liberté ne sont pas tenus à jour (art. 17).

9. Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations et prie instamment l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures nécessaires, y compris d ’ ordre législatif, pour garantir que toute personne privée de liberté ait accès à un avocat dès le début de sa privation de liberté et puisse communiquer sans tarder avec sa famille ou toute autre personne de son choix et, s ’ il s ’ agit d ’ un étranger, avec ses autorités consulaires. Il exhorte également l’État partie à s’acquitter des obligations que lui fait l’article 17 de la Convention concernant le registre des personnes privées de liberté.

D.Protection des enfants contre la disparition forcée

10Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant à l’absence, dans la législation colombienne, de dispositions qui répriment expressément les actes décrits à l’article 25 (par. 1 a)) de la Convention (art. 25).

11.Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ incorporer dans sa législation, en tant qu ’ infractions distinctes, les a c t e s visés à l ’ article 25 (par. 1 a)) de la Convention, qui doivent être sanctionnés par des peines appropriées prenant en compte leur extrême gravité.

E.Communications émanant de particuliers ou d’États

12.Le Comité relève une nouvelle fois avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États (art. 31 et 32).

13. Le Comité engage une nouvelle fois vivement l ’ État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d ’ États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention , en vue de donner plein effet à celle-ci et de renforcer, dans l ’ intérêt des victimes, le régime de protection contre les disparitions forcées.

III.Prévention des disparitions forcées et mécanismes de recherche et d’enquête

14.Le Comité constate avec préoccupation que des disparitions forcées continuent de survenir dans l’État partie, y compris dans le contexte de la pandémie de COVID-19, sans qu’une politique globale visant à les prévenir ait été adoptée à ce jour (art. 1 à 3).

15. Le Comité, considérant que cela est indispensable, recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique publique globale de prévention des disparitions forcées fondée sur les obligations qui découlent de la Convention et qui prenne également en compte les lignes directrices sur la COVID-19 et les disparitions forcées adoptées par le Comité et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires .

A.Données statistiques sur les disparitions forcées

16.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de données statistiques claires et fiables sur le nombre de personnes disparues dans l’État partie, y compris celles qui pourraient avoir été soumises à une disparition forcée. Bien que le Registre national des personnes disparues soit le seul registre officiel des personnes disparues, il existe toujours de multiples bases de données institutionnelles concernant les personnes disparues qui contiennent des informations divergentes. Le Comité a conscience des progrès accomplis dans le processus de mise à jour et de consolidation du Registre national comme source unique d’information, mais regrette que ce processus ne soit pas encore achevé (art. 1 à 3, 12 et 24).

17.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ achever sans tarder le processus de mise à jour du Registre national des personnes disparues, de consolider les informations sur les personnes disparues contenues dans les différentes bases de données publiques, et de produire des statistiques précises et fiables sur le nombre de personnes disparues et celles qui pourraient avoir été soumises à une disparition forcée. Ces statistiques devraient permettre d ’ identifier les différents groupes de victimes, les causes et la dynamique des disparitions forcées, ainsi que les schémas de comportement, et servir ainsi de fondement à l ’ adoption de procédures de prévention, d ’ enquête et de recherche plus efficaces. Le Registre national doit être actualisé systématiquement, afin de garantir un enregistrement uniforme, complet et immédiat de tous les cas connus de pers onnes disparues. Il devrait, pour le moins, contenir les informations suivantes :

a) Le nombre total de personnes disparues et l ’ identité de chacune d ’ entre elles, avec mention de celles qui pourraient avoir été soumises à une disparition forcée au sens de l ’ article 2 de la Convention ;

b) Le sexe, l ’ identité de genre, l’orientation sexuelle, l ’ âge, la nationalité et le groupe ethnique de chaque personne disparue, ainsi que le lieu, la date, le contexte et les circonstances de sa disparition, y compris tous les éléments utiles pour déterminer s ’ il s ’ agit d ’ une disparition forcée ;

c) L ’ état d ’ avancement des procédures de recherche et d ’ enquête, ainsi que des procédures d ’ exhumation, d ’ identification et de restitution.

B.Enquête sur les cas de disparition forcée

18.Le Comité est préoccupé par l’absence de progrès significatifs dans l’enquête sur les cas de disparition forcée confiée au Bureau du Procureur et à la Juridiction spéciale pour la paix, y compris s’agissant des disparitions forcées de mineurs, de personnes détenues dans des prisons et sur les exécutions extrajudiciaires associées à des disparitions forcées. Il est également préoccupé par le grand nombre de procédures inactives et le peu de condamnations prononcées, notamment à l’encontre de supérieurs militaires et de hauts responsables de l’Armée, ce qui perpétue l’impunité. Il est en outre préoccupé par les allégations concernant l’existence de directives élaborées par les Forces armées pour faire en sorte que leurs membres donnent, devant les institutions du système de justice transitionnelle, une version coordonnée de leurs agissements pendant le conflit et dissimulent des informations utiles pour les enquêtes sur des cas d’infraction (art. 2, 6, 12 et 24).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Garantir que tous les cas de disparition forcée, sans exception, f assent d ’ office et sans délai l ’ objet d ’ une enquête approfondie, impartiale et indépendante, fondée sur une approche différenciée, et que la Juridiction spéciale pour la paix, dans le cadre de ses compétences, donne la priorité à l ’ ouverture d ’ une macro procédure concernant les disparitions forcées commises dans le contexte du conflit ;

b) Faire en sorte que les auteurs présumés d ’ une disparition forcée, y compris les supérieurs militaires ou civils, et les agents de l ’ État qui l ’ ont autorisée, ont apporté leur appui ou y ont acquiescé, soient poursuivis, et, s ’ ils sont reconnus coupables, punis par des peines appropriées, en évitant la peine de mort ;

c) E mpêcher que des agents de l ’ État, civils ou militaires, donnent des instructions visant à falsifier ou à dissimuler la vérité des faits et à entraver le déroulement des enquêtes ;

d) Garantir que toutes les autorités participant à l ’ enquête sur les disparitions forcées, y compris la Commission pour la manifest ation de la vérité, la coexistence et la non-répétition et la Juridiction spéciale pour la paix, aient un accès effectif et rapide à tous les documents susceptibles d ’ être en possession d ’ organismes publics, en particulier les services de renseignement des forces armées et de sécurité.

20.Le Comité est préoccupé par le fait que des agents des forces de l’ordre ont été promus alors qu’ils faisaient l’objet d’une enquête pour disparition forcée et autres violations des droits de l’homme, ce qui s’est traduit par une revictimisation des victimes (art. 12 et 24).

21. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre des mesures législatives pour que les conditions de promotion des membres des forces de l ’ ordre comprenn ent la preuve que l ’ intéressé(e) ne fait pas l ’ objet d ’ une enquête ou d ’ une procédure pour disparition forcée ou une autre violation des droits de l ’ homme.

C.Enquête sur les disparitions perpétrées sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État

22.Le Comité constate avec préoccupation le peu de progrès faits dans l’enquête sur les disparitions perpétrées par des groupes armés organisés hors-la-loi, en particulier celles liées aux « maisons-abattoirs » (casas de pique), au recrutement forcé d’enfants, principalement dans les communautés autochtones et afro-colombiennes, et aux disparitions transfrontalières (art. 3, 12 et 25).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir les actes visés par l’article 2 de la Convention, pour enquêter rapidement, de manière approfondie et impartiale, sur tous les actes définis dans cet article commis par des groupes armés organisés agissant sans l ’ autorisation, l ’ appui ou l ’ acquiescement d ’ agents de l ’ État, et pour en poursuivre et en punir les responsables.

D.Protection des personnes qui signalent une disparition forcée ou participent à une enquête sur une disparition forcée

24.Le Comité demeure préoccupé par les meurtres, les menaces et les représailles dont sont victimes des défenseurs des droits de l’homme, des peuples autochtones, des communautés d’ascendance africaine et des victimes de disparition forcée et leurs proches et représentants, y compris ceux qui comparaissent devant la Juridiction spéciale pour la paix, ainsi que par la grande impunité dont jouissent les auteurs de tels actes. Il est également préoccupé par les informations concernant : a) les lacunes dans l’exécution des programmes de protection, y compris l’inadéquation des mesures aux besoins des bénéficiaires, en particulier ceux des femmes et des membres des peuples et communautés autochtones et d’ascendance africaine ; b) l’insuffisance des ressources dont dispose l’Unité nationale de protection, qui nuit à l’efficacité de son action, en particulier dans les zones rurales (art. 12 et 24).

25.Le Comité prie instamment l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir les actes de violence, les menaces et les représailles à l ’ encontre des plaignants, des témoins, des proches des personnes disparues et de leurs défenseurs, ainsi que des personnes participant à une enquête sur une disparition forcée. Il lui recommande en particulier d ’ évaluer et de revoir le modèle de protection actuel en garantissant :

a) La protection de la vie et de l ’ intégrité de la personne ;

b) L ’ application rapide et efficace des mesures de protection prises par les autorités publiques, en veillant à ce que celles-ci coordonnent leurs activités et à ce que les personnes faisant l ’ objet de cette protection participent à l ’ évaluation des risques et à la détermination des mesures de protection à adopter en se fondant sur une approche différenciée selon le sexe, l ’ identité de genre, l ’ orientation sexuelle, l ’ âge, l ’ ethnie , le handicap et la situation de vulnérabilité de l ’ intéressé(e) ;

c) La tenue d ’ une enquête approfondie, impartiale et efficace, l ’ engagement de poursuites et l ’ imposition de sanctions contre les responsables, ainsi qu ’une réparation intégrale aux victimes ;

d) L ’allocation aux systèmes de protection d es ressources humaines, financières et techniques dont ils ont besoin pour s’acquitter efficacement de leur mandat.

E.Recherche des personnes disparues

26.Le Comité se déclare préoccupé par le peu de résultats obtenus dans la recherche du grand nombre de personnes disparues dans l’État partie, y compris les 84 330 victimes de disparition forcée, dont 9 964 enfants, recensées par le Bureau du Procureur général, ainsi que des personnes disparues aux mains de groupes armés organisés hors-la-loi, sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État, y compris les enfants victimes de recrutement forcé. Si le Comité prend note de l’existence, à côté du Plan de recherche national de la Commission de recherche des personnes disparues, du Plan de recherche national et de plans de recherche régionaux conçus par l’Unité de recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, il est préoccupé par les retards pris dans l’exécution de ces deux derniers. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles le mécanisme de recherche d’urgence ne serait pas activé immédiatement et deviendrait peu à peu une procédure administrative sans résultat concret en matière de recherche (art. 2, 3, 12, 24 et 25).

27. Le Comité encourage l ’ État partie à adopter systématiquement la méthode décrite dans les principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues lorsqu ’ il conçoit et met en œuvre des stratégies globales de recherche, et lui recommande :

a) De garantir la mise en œuvre rapide des plans de recherche conçus par l ’ Unité de recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, et la coordination interinstitutionnelle entre les différentes entités créées par l ’ Accord de paix, le Bureau du Procureur général et d ’ autres institutions ;

b) De veiller à ce que les organismes chargés de la recherche des personnes disparues disposent des ressources humaines, financières et techniques dont ils ont besoin pour s ’ acquitter efficacement de leur mandat ;

c) De faire en sorte que, lorsqu ’ une disparition est signalée, les recherches soient lancées d ’ office et sans délai dans tous les cas ;

d) D ’ intensifier ses efforts pour rechercher, localiser et libérer les personnes disparues et, si elles sont retrouvées sans vie, identifier et restituer leurs restes avec dignité, en adoptant une approche différenciée pour les femmes, les enfants, les adolescents, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes , les groupes ethniques et les personnes handicapées ;

e) De faire en sorte que les enfants disparus soient rendus à leur famille d ’ origine et voient rétablie leur véritable identité en cas de substitution ;

f) De veiller à ce que la recherche de personnes disparues se poursuive jusqu ’ à ce qu ’ elles soient retrouvées, et que l ’ enquête sur leur disparition soit menée jusqu ’ à ce que les faits soient élucidés et les auteurs des faits identifiés.

F.Identification et restitution dans la dignité des restes des victimes

28.Le Comité constate avec préoccupation le peu de progrès faits dans l’identification et la restitution des restes de personnes disparues, en particulier s’agissant des plus de 24 000 corps non identifiés inhumés dans des cimetières publics et des plus de 4 000 corps de victimes de disparition forcée qui restent à identifier sur les plus de 10 000 qui ont été exhumés. Il est également préoccupé par les informations reçues concernant : a) des cas de proches de personnes disparues qui ont signalé la découverte de corps au Bureau du Procureur général, sans que ce dernier ne prenne quelque mesure que ce soit pour enlever les corps et les identifier ; b) l’insuffisance et l’inaccessibilité des campagnes de prélèvement d’échantillons génétiques, notamment dans les zones rurales ; c) le fait que tous les échantillons prélevés n’ont pas été analysés et versés dans la banque des profils génétiques ; d) des problèmes de manipulation et de protection des corps de personnes non identifiées, que ce soit dans les cimetières publics ou privés ou à ciel ouvert, qui entraînent l’altération, la perte, le mélange ou la destruction des corps non identifiés, situation qui a été exacerbée par la pandémie de COVID-19 (art. 12 et 24).

29. Le Comité invite instamment l ’ État partie à :

a) Intensifier ses efforts pour identifier les restes humains et les restituer aux familles dans des conditions dignes et conformément à leurs coutumes ;

b) Faire en sorte que le Bureau du Procureur général, lorsqu ’ il reçoit des informations concernant la découverte de corps, prennent immédiatement les mesures nécessaires pour assurer la protection des restes des personnes disparues et procéder à leur identification immédiate, même lorsqu ’ ils ont été localisés par des particuliers sans l ’ intervention d ’ agents de l ’ État ;

c) Faire en sorte également que les autorités compétentes protègent les zones où sont menées des activités d ’ exhumation et de médecine légale, ainsi que les cimetières ou les lieux où se trouvent des corps de personnes non identifiées ;

d) Veiller à ce que les campagnes menées en vue d ’ obtenir des informations ante mortem et des échantillons génétiques de membres de la famille des personnes disparues soient suffisantes et couvrent l’ensemble du pays, en particulier les zones rurales, et à ce que les échantillons prélevés soient rapidement analysés et versés dans la banque des profils génétiques ;

e) Faire en sorte que les cimetières qui conservent les restes de personnes non identifiées, ainsi que l ’ Institut de médecine légale et de criminalistique , disposent des ressources techniques, financières et humaines et de l ’ infrastructure nécessaires pour garantir une manipulation et une protection adéquates des restes de personnes non identifiées.

G.Coordination des activités de recherche, d’enquête et d’identification des personnes disparues

30.Le Comité est préoccupé par le manque de coordination et d’échange d’informations entre les institutions chargées des activités de recherche, d’enquête, de récupération et d’identification des personnes disparues, y compris dans les cas de disparition forcée, tant au sein du Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition et du Bureau du Procureur général qu’entre ces deux entités et d’autres institutions publiques, en particulier la Commission de recherche des personnes disparues, l’Institut de médecine légale et de criminalistique et le Bureau du Défenseur du peuple. Il est également préoccupé par les informations reçues concernant la participation limitée des victimes à ces processus (art. 12 et 24).

31. Le Comité recommande en particulier à l ’ État partie de garantir :

a) La coordination, la coopération et le recoupement des données entre les institutions participant aux activités de recherche, d ’ enquête, de récupération et d ’ identification des restes de personnes disparues, afin que lesdites institutions puissent remplir leurs fonctions efficacement et rapidement ;

b) La participation des proches des personnes disparues aux activités de recherche et d ’ identification des restes humains, aux enquêtes ainsi qu ’ à toutes les étapes des procédures, dans le cadre d ’ une procédure régulière, en veillant à ce qu ’ ils soient tenus régulièrement informés de l ’ avancement et des résultats de ces activités et de ces enquêtes.

IV.Réparation

Droit à réparation

32.Le Comité est préoccupé par le fait que, sur les 185 422 victimes de disparition forcée recensées dans le Registre unique des victimes, seul un petit nombre de personnes (12 490) ont reçu une réparation, limitée à une compensation financière. Il est également préoccupé par l’insuffisance de la coordination et du recoupement des données entre l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale, le Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, le Bureau du Procureur général et le Registre national des personnes disparues, qui se traduit par l’absence de données précises et fiables sur le nombre de victimes de disparition forcée qui auraient droit à réparation. Il regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les mesures de réparation accordées ou celles prévues par la législation nationale pour les victimes de disparitions forcées survenues en dehors du contexte du conflit armé et non visées par la loi no 1448 de 2011 (art. 24).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Faire en sorte que la législation nationale prévoie un système complet de réparation et d ’ indemnisation, conformément à l ’ article 24 (par. 4 et 5) de la Convention, pour toutes les victimes de disparition forcée, telles que définies à l ’ article 24 (par. 1) de la Convention, à la charge de l ’ État, et que ce système soit applicable même lorsqu ’ aucune procédure pénale n ’ a été engagée ;

b) Veiller à ce que toutes les victimes de disparition forcée, telles que définies à l ’ article 24 (par. 1) de la Convention, y compris celles qui ne relèvent pas du champ d ’ application de la loi n o 1448 de 2011, reçoivent une réparation intégrale ;

c) Ga rantir que le système de réparation tienne compte de la situation personnelle des victimes, notamment de leur sexe, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur origine ethnique, de leur statut social et de leur handicap.

V.Mise en œuvre des droits et obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

34.Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte soient pleinement conformes à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

35.Le Comité souligne également l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants. Les femmes victimes d’une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes membres de la famille d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour retrouver leur proche. Les enfants victimes d’une disparition forcée, qu’ils y soient soumis eux-mêmes ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de leur proche, sont particulièrement exposés aux violations de leurs droits humains. C’est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte de façon systématique des questions de genre et des besoins particuliers des femmes et des enfants lorsqu’il met en œuvre les recommandations figurant dans les présentes observations finales et l’ensemble des droits et obligations énoncés par la Convention.

36.L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, les renseignements complémentaires qu’il a soumis en application de l’article 29 (par. 4) de la Convention et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser l’ensemble des autorités publiques, tous les acteurs de la société civile et le grand public. Le Comité encourage aussi l’État partie à promouvoir la participation de la société civile à l’action menée pour donner suite aux recommandations figurant dans les présentes observations finales.

37.En application de l’article 29 (par. 4) de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 7 mai 2022, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 17 (Registre national des personnes disparues), 19 (Enquête sur les cas de disparition forcé) et 27 (Recherche des personnes disparues) ci-dessus. En outre, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 7 mai 2024, des informations précises et à jour sur la suite qu’il aura donnée à chacune des recommandations formulées dans les présentes observations finales, ainsi que tout autre renseignement qu’il jugera utile concernant l’exécution des obligations mises à sa charge par la Convention. Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes de disparition forcée, à la compilation de ces informations.