Nations Unies

CRPD/C/GC/8

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

7 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observation générale no 8 (2022) sur le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi *

I.Introduction

1.La présente observation générale a pour objet de préciser les obligations des États parties concernant le droit au travail et à l’emploi, consacré par l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ci-après « la Convention »). Cette dernière énonce les principes et normes du droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, et constitue la base sur laquelle les États parties peuvent s’appuyer pour honorer les engagements qu’ils ont pris au titre des objectifs de développement durable, en particulier de la cible 8.5, et, d’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale.

2.Le droit au travail est un droit fondamental, indispensable à la réalisation d’autres droits de l’homme ; il est inhérent à la dignité humaine et en fait partie intégrante. Il contribue à la subsistance de la personne qui l’exerce, et à celle de sa famille, et, pour autant que le travail ait été librement choisi ou accepté, à son épanouissement et à sa reconnaissance au sein de la communauté. Le droit au travail est inscrit dans plusieurs instruments juridiques internationaux et régionaux. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels proclame le droit au travail, au sens général, dans son article 6 et explicite la dimension individuelle de ce droit en reconnaissant, à l’article 7, le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment la sécurité du travail. Le Pacte aborde la dimension collective du droit au travail dans son article 8, qui consacre le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix ainsi que le droit qu’ont les syndicats d’exercer librement leur activité. Le Comité des droits des personnes handicapées (ci-après « le Comité ») s’est appuyé sur sa propre jurisprudence, et sur celles du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et d’autres organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, pour élaborer la présente observation générale.

3.Avoir un travail et un emploi corrects est essentiel à la sécurité économique, à la santé physique et mentale, au bien-être et au sentiment d’identité d’une personne. Or, le Comité est conscient qu’un système de valeurs connu sous le nom de « capacitisme » entrave l’accès de nombreuses personnes handicapées à un travail et un emploi corrects. Le capacitisme et ses conséquences ont été décrits comme « un système de valeurs selon lequel certaines caractéristiques physiques et mentales sont jugées essentielles pour que la vie ait de la valeur. Parce qu’ils se fondent sur des normes strictes d’apparence, de fonctionnement et de comportement, les modes de pensée capacitistes assimilent le handicap à une fatalité qui est source de souffrances et d’inconvénients et dévalorise inéluctablement la vie humaine ». Fondement des modèles médical et caritatif du handicap, le capacitisme conduit à des préjugés sociaux, à des inégalités et à la discrimination à l’égard des personnes handicapées car il inspire des lois, des politiques et des pratiques telles que la ségrégation dans l’emploi − dont les « ateliers protégés » sont un exemple − et peut conduire certaines personnes à participer à l’économie informelle contre leur gré.

4.Les personnes handicapées rencontrent divers obstacles lorsqu’elles tentent de faire valoir et d’exercer leur droit au travail et à l’emploi sur le marché du travail général, sur la base de l’égalité avec les autres. Elles se heurtent à des taux de chômage élevés, à des salaires inférieurs, à la précarité, à de moins bonnes conditions d’embauche et à l’inaccessibilité de l’environnement de travail, et ont moins de chances que les autres personnes d’être nommées à des postes de direction lorsqu’elles sont employées dans le secteur formel. Tous ces obstacles sont encore plus grands dans le cas des femmes handicapées. Les personnes handicapées, notamment lorsqu’elles travaillent dans le secteur informel, exercent une activité indépendante ou sont employées à temps partiel, sont plus susceptibles que les autres personnes d’occuper un emploi mal rémunéré et précaire. Il ressort des données et autres éléments factuels disponibles que des facteurs comme l’âge, le genre, le sexe, l’origine ethnique et le lieu de résidence creusent encore ces inégalités.

5.L’évolution de la situation économique et du marché du travail crée à la fois de nouvelles difficultés et de nouvelles possibilités pour ce qui est de garantir le droit au travail. Les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle et le passage au travail numérique, peuvent faire apparaître de nouvelles barrières ou formes de discrimination, mais aussi de nouvelles possibilités d’accès au travail et de nouvelles formes d’emploi. Les transformations économiques, comme la transition vers une économie verte ou la gestion des crises, peuvent faciliter l’inclusion mais risquent aussi de laisser des personnes de côté.

6.L’article 27 de la Convention incorpore plusieurs droits interdépendants et liés entre eux dans le droit au travail, notamment, à l’alinéa b) du paragraphe 1, le droit des personnes handicapées à bénéficier, sur la base de l’égalité avec les autres, de conditions de travail justes et favorables, et à la sécurité sur les lieux de travail, y compris la protection contre le harcèlement, et, à l’alinéa c) du paragraphe 1, qui réaffirme la dimension collective du droit au travail, le droit des personnes handicapées d’exercer leurs droits professionnels et syndicaux sur la base de l’égalité avec les autres. La présente observation générale a pour objet de donner une vue d’ensemble des obligations que l’article 27 impose aux États parties, compte tenu de l’interdépendance des mesures relatives au droit au travail énumérées dans cet article, et des liens entre le droit au travail et à l’emploi et les dispositions d’autres articles de la Convention.

II.Modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme

7.Le Comité n’a cessé d’exprimer son inquiétude face aux lois et politiques d’États parties qui sont fondées sur le capacitisme et abordent encore le handicap sous l’angle caritatif ou médical, en dépit de l’incompatibilité de ces deux modèles avec la Convention. Selon ces modèles, les personnes handicapées ne sont pas considérées comme des sujets de droits et des titulaires de droits, mais sont « réduites » à leurs déficiences. Le traitement discriminatoire ou différencié et l’exclusion des personnes handicapées sont considérés comme la norme, légitimés par une approche du handicap axée sur la médecine et l’incapacité. Ces approches capacitistes conduisent les États parties à ne rien faire pour éliminer les obstacles persistants, en particulier les stéréotypes et la stigmatisation liés au handicap, qui privent les personnes handicapées de la possibilité de travailler dans des conditions d’égalité avec les autres.

8.Pour donner effet aux droits énoncés dans la Convention, les États parties doivent appliquer le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme. Dans son observation générale no 6 (2018) sur l’égalité et la non-discrimination, le Comité décrit le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, qui tient pour entendu que le handicap est une construction sociale, que les déficiences sont une composante de la diversité et de la dignité humaines et qu’elles ne sauraient être considérées comme un motif légitime pour empêcher ou restreindre l’exercice des droits de l’homme. Le handicap étant considéré comme une composante parmi beaucoup d’autres de l’identité, les lois et politiques doivent tenir compte de la diversité des personnes handicapées. De plus, les droits de l’homme sont considérés comme interdépendants, indissociables et indivisibles.

III.Contenu normatif

9.Le droit au travail est un droit humain fondamental et une composante essentielle de la dignité humaine. Il est proclamé à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Outre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les instruments suivant traitent du droit au travail : Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 8, par. 1, 2 et 3a)), Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 5, al.e)i) et ii)), Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (art. 11), Convention relative aux droits de l’enfant (art. 32), et Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 25, 26, 40, 52 et 54). Le droit au travail est également inscrit dans la Déclaration sur le progrès social et le développement (art. 6), proclamée par l’Assemblée générale dans sa résolution 2542 (XXIV) du 11décembre 1969.

10.Le droit au travail dans sa dimension générale est inscrit dans plusieurs instruments régionaux, notamment la Charte sociale européenne de 1961 (part. II, art. 1er à 10) et la Charte sociale européenne révisée de 1996 (part. II, art. 1er à 10), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 15) et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (art. 6 à 8), qui consacrent également le principe selon lequel le respect du droit au travail impose aux États parties l’obligation de prendre des mesures afin de parvenir au plein emploi.

11.L’Organisation internationale du Travail (OIT) a élaboré un ensemble de conventions fondamentales relatives aux droits du travail. Les sujets couverts sont considérés comme des principes et droits fondamentaux au travail et portent notamment sur la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

A.Droit au travail, sur la base de l’égalité avec les autres, notamment à la possibilité de gagner sa vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté dans un milieu ouvert, favorisant l’inclusion et accessible (art. 27, par. 1, chapeau)

12.En vertu du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, les États parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ce concept s’inspire de la jurisprudence du Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans laquelle celui-ci renvoie au principe d’égalité en lien avec le travail et l’emploi des personnes handicapées, constatant que la jouissance du droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté n’est pas réalisé lorsque la seule véritable possibilité offerte aux personnes handicapées est de travailler dans des structures ségréguées et considérant que les personnes handicapées ne devraient pas être cantonnées dans des ateliers protégés. Le paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, en expliquant expressément comment donner effet à ce droit, montre clairement l’incompatibilité des milieux de travail ségrégués.

13.Malgré quelques progrès, le manque d’accès au marché du travail général et la ségrégation restent les plus grandes difficultés auxquelles se heurtent les personnes handicapées. La discrimination, qui se manifeste notamment par le refus d’aménagement raisonnable, l’inaccessibilité des lieux de travail et le harcèlement, pose des obstacles supplémentaires à l’emploi sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, qui empêchent les personnes handicapées de choisir véritablement leur travail. Dans sa convention de 1964 sur la politique de l’emploi (no 122), l’OIT fait référence au « plein emploi, productif et librement choisi », liant l’obligation des États parties de créer les conditions du plein emploi à leur obligation de garantir l’absence de travail forcé.

14.Le Comité fait observer que les emplois ségrégués, comme les ateliers protégés correspondent à diverses pratiques et expériences, où l’on retrouve quelques-uns au moins des éléments suivants :

a)Les personnes handicapées font l’objet d’une ségrégation et sont écartées des emplois ordinaires, inclusifs et accessibles ;

b)L’emploi est organisé autour de certaines activités que les personnes handicapées sont jugées capables d’exercer ;

c)L’approche médicale et l’approche fondée sur la réadaptation sont privilégiées et mises en avant ;

d)La transition vers le marché du travail général n’est pas réellement encouragée ;

e)Les personnes handicapées ne reçoivent pas une rémunération égale pour un travail de valeur égale ;

f)Les personnes handicapées ne sont pas rémunérées sur la base de l’égalité avec les autres pour le travail qu’elles effectuent ;

g)Les personnes handicapées n’ont généralement pas de contrat de travail régulier et ne sont donc pas couvertes par les régimes de sécurité sociale.

15.L’emploi ségrégué, dont les ateliers protégés sont un exemple, ne doit pas être considéré comme un moyen d’assurer progressivement aux personnes handicapées le plein exercice du droit au travail : seul un emploi librement choisi ou accepté, exercé sur un marché du travail ouvert et inclusif vient attester la réalisation de ce droit. Les entreprises qui sont gérées et dirigées par des personnes handicapées, notamment les coentreprises contrôlées de manière démocratique, ne sauraient être considérées comme des exemples d’emploi ségrégué si elles offrent des conditions de travail justes et favorables sur la base de l’égalité avec les autres.

B.Interdiction de la discrimination fondée sur le handicap (art. 27, par. 1 a))

16.La non-discrimination et l’égalité sont des obligations fondamentales découlant de l’article 27, elles s’étendent aux actions de tiers, y compris les entreprises, et s’appliquent tout au long du cycle de l’emploi, qui comprend le recrutement, l’embauche et l’emploi, le maintien dans l’emploi, les programmes de formation et l’avancement, ainsi que la recherche et la demande d’emploi et la sortie d’emploi. Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que, pour assurer l’égalité de facto au sens de la Convention, les États parties doivent veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination fondée sur le handicap dans le cadre du travail et de l’emploi. Il rappelle également que la pratique internationale des droits de l’homme met en évidence plusieurs formes de discrimination, qui peuvent se produire séparément ou simultanément : la discrimination directe, la discrimination indirecte, le refus d’aménagement raisonnable, le harcèlement et la discrimination par association.

17.Il y a discrimination directe lorsque des personnes handicapées sont traitées de manière défavorable pour une quelconque raison liée à leur handicap. Par exemple, un employeur du secteur public qui ne prend pas en considération la candidature d’une personne handicapée, en partant du principe qu’elle sera incapable de s’acquitter des tâches liées au poste vacant, crée une situation de discrimination directe.

18.On parle de discrimination indirecte lorsque l’application de lois, de politiques ou de pratiques qui semblent neutres a un effet préjudiciable sur les personnes handicapées. Cette discrimination se produit lorsque des personnes handicapées ne peuvent pas bénéficier d’une possibilité offerte aux autres parce que le cadre fixé ne prend pas en considération leur situation. Par exemple, si le seul moyen d’entrer dans un bâtiment public pour y passer un entretien d’embauche est d’emprunter un escalier, les candidats qui utilisent un fauteuil roulant sont placés dans une situation d’inégalité puisqu’ils ne peuvent pas entrer dans le bâtiment. L’interdiction de la discrimination indirecte implique l’obligation permanente de garantir l’accessibilité par la conception universelle, dans toutes les situations.

19.Il y a refus d’aménagement raisonnable lorsque les modifications, les ajustements et l’accompagnement individualisés nécessaires et appropriés (qui n’imposent pas une charge disproportionnée ou indue) ne sont pas mis en œuvre. Par « aménagement raisonnable », on entend les modifications, les ajustements et les mesures d’accompagnement qui sont nécessaires pour garantir la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, d’un droit de l’homme ou d’une liberté fondamentale. Par exemple, si un employé du secteur public ayant une déficience visuelle ne dispose pas de l’équipement approprié pour effectuer les tâches qui lui sont confiées, comme un programme informatique qui agrandit le texte sur un écran d’ordinateur, il y a refus d’aménagement raisonnable. D’autres aménagements raisonnables consistent, par exemple, à rendre les informations accessibles à une personne handicapée, à modifier l’équipement, à permettre le travail à domicile, à veiller à ce qu’un interprète soit présent lors des réunions, à réorganiser les activités, à reprogrammer le travail ou à permettre l’accès au personnel de soutien. Seuls les changements négociés avec la personne concernée peuvent être considérés comme un aménagement raisonnable. L’obligation de fournir un aménagement raisonnable est applicable dès réception d’une demande d’aménagement ou dès que le besoin d’aménagement se manifeste. Le Comité souligne que l’obligation de fournir un aménagement raisonnable est différente de l’obligation d’assurer l’accessibilité, qui découle de l’interdiction de la discrimination indirecte et qui est énoncée aux articles 4 et 9 de la Convention. Si ces deux obligations visent à garantir l’accessibilité, l’obligation de garantir l’accessibilité par la conception universelle ou les technologies d’assistance impose d’intégrer l’accessibilité dans les systèmes et les procédures indépendamment des situations individuelles, comme celle d’une personne handicapée qui aurait besoin d’avoir accès à un bâtiment, sur la base de l’égalité avec les autres. L’obligation de procéder à des aménagements raisonnables, en revanche, s’applique dès qu’une personne handicapée doit accéder à des situations ou des environnements non accessibles, ou veut exercer ses droits.

20.Le harcèlement est une forme de discrimination lorsqu’un comportement indésirable lié au handicap ou à d’autres motifs interdits a pour but ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou blessant. Aux fins de la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (no 190) de l’OIT, l’expression « violence et harcèlement » dans le monde du travail s’entend d’un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre.

21.La discrimination par association peut se produire lorsqu’une personne ayant un lien familial ou autre avec une personne handicapée fait l’objet d’une discrimination au travail en raison de ce lien, et que cette discrimination a une incidence directe ou indirecte sur la vie de la personne handicapée concernée.

22.Les personnes handicapées sont souvent touchées de manière disproportionnée par la discrimination multiple et intersectionnelle. Compte tenu de leur diversité, les personnes handicapées ne rencontrent pas les mêmes obstacles dans l’exercice de leur droit au travail et ne suivent pas les mêmes parcours tout au long de leur vie professionnelle. La discrimination multiple se produit lorsqu’une personne subit une discrimination fondée sur deux motifs ou plus, qui engendre une discrimination amplifiée ou aggravée, alors que la discrimination intersectionnelle se produit lorsque plusieurs motifs se recoupent jusqu’à devenir indissociables. Les concepts de discrimination multiple et intersectionnelle tiennent compte du fait que les personnes ne subissent pas la discrimination en tant que membres d’un groupe homogène, mais plutôt en tant qu’individus dont l’identité, le statut et la vie sont composés de différentes strates et dimensions. L’âge, la race, l’origine autochtone, l’origine nationale ou sociale, le statut de réfugié, de migrant ou de demandeur d’asile, les opinions politiques ou autres, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont autant de strates qui composent l’identité d’un individu et qui s’entrecroisent.

23.Les concepts susmentionnés tiennent compte du quotidien et de la réalité vécus par les personnes qui font l’objet de formes multiples et intersectionnelles de discrimination et subissent de ce fait des inégalités plus marquées. Le Comité s’est penché sur différentes situations de discrimination multiple et intersectionnelle. Par exemple, les femmes handicapées et les personnes handicapées de genre non conforme aux catégories établies font face à une conjonction d’obstacles liés au genre et au handicap, qui peuvent être comportementaux, situationnels ou professionnels, et subissent notamment les effets cumulés d’une discrimination multiple qui limitent les possibilités de travailler, affectent leur droit à l’égalité de rémunération, et augmentent le risque de violence et de harcèlement sur le lieu de travail. De même, les effets croisés de la discrimination liée au handicap et de la discrimination liée à l’âge font que les jeunes handicapés et les personnes âgées handicapées peuvent se heurter à des difficultés très différentes lorsqu’ils ou elles tentent d’exercer leur droit au travail.

C.Droit à des conditions de travail justes et favorables sur la base de l’égalité avec les autres (art. 27, par. 1 b))

24.L’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 27 porte sur la protection du droit des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, à des conditions de travail justes et favorables, y compris :

a)L’égalité des chances et l’égalité de rémunération à travail égal ;

b)La sécurité et l’hygiène sur les lieux de travail, y compris la protection contre le harcèlement ;

c)Les procédures de règlement des griefs.

25.Le droit des personnes handicapées à des conditions de travail justes et favorables est un corollaire du droit à la possibilité de gagner sa vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté. Il est une composante importante d’autres droits consacrés par la Convention, notamment les droits syndicaux (art. 27, par. 1 c)) ; sa jouissance est à la fois une condition préalable à la jouissance d’autres droits inscrits dans la Convention et le résultat de la jouissance de ces droits, comme le droit à un niveau de vie adéquat (art. 28) grâce à une rémunération décente.

26.Le droit à des conditions de travail justes et favorables est conféré à tous les travailleurs handicapés dans tous les contextes, indépendamment de leur handicap, de leur genre, de leur âge, de leur origine culturelle ou linguistique, ou de leur statut migratoire, et qu’ils soient employés dans le secteur formel ou le secteur informel, indépendants ou employés, dans le secteur agricole ou dans des zones rurales et reculées. En outre, ce droit fait interdiction de se fonder sur le handicap d’une personne pour justifier le versement d’un salaire inférieur au salaire minimum, et ce, quelles que soient les circonstances.

27.Des conditions de travail justes et favorables pour les personnes handicapées supposent l’accès aux prestations et protections dont bénéficient les autres travailleurs, telles que pension de retraite, congé de maladie, congé de longue durée, congé parental, promotion, repos, loisirs et congés payés périodiques.

28.Les travailleurs handicapés ont le droit de recevoir une rémunération égale à celle des autres travailleurs lorsqu’ils effectuent un travail identique ou similaire. Ce principe de l’égalité de rémunération s’applique également quand le travail est complétement différent mais de valeur égale. Les États parties devraient veiller à ce que l’abandon des emplois ségrégués n’exonère pas les employeurs de l’obligation de garantir un salaire égal pour un travail de valeur égale.

29.Le respect du droit à la sécurité et à l’hygiène sur les lieux de travail suppose d’appliquer une politique nationale cohérente en matière de santé au travail qui inclue les travailleurs handicapés. Cette politique doit avoir pour objet de prévenir les accidents et blessures découlant du travail, liés au travail ou survenant pendant le travail. Elle devrait prévoir la protection de tous les travailleurs, y compris ceux qui ont un handicap et ceux qui ont des contrats de courte ou de longue durée, qui travaillent à temps partiel, qui sont apprentis, qui sont indépendants, qui sont des travailleurs migrants ou qui sont employés dans le secteur informel. Les organisations de personnes handicapées devraient participer à la formulation, à l’application et à la révision de cette politique, le but étant de veiller à ce que les politiques nationales ne permettent pas la discrimination.

30.Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que la protection contre le harcèlement lié au travail et à l’emploi s’étend à l’intégralité du cycle de l’emploi et exige d’offrir des voies de recours utiles par la promulgation et l’application d’une législation complète portant expressément sur la discrimination. Cette législation devrait aller de pair avec des voies de recours et des sanctions juridiques appropriées et efficaces en matière de discrimination dans les procédures civiles, administratives et pénales. Les mesures de réparation individuelles devraient s’accompagner de changements concrets sur le lieu de travail afin de prévenir de nouvelles violations.

D.Droits professionnels et syndicaux (art. 27, par. 1 c))

31.Les droits syndicaux, la liberté d’association et le droit de grève sont déterminants pour l’instauration, la préservation et la défense de conditions de travail justes et favorables. Les syndicats devraient admettre, accepter et permettre la participation pleine et entière des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres. Les syndicats devraient jouer un rôle important dans la défense du droit au travail des personnes handicapées, y compris celles qui travaillent encore dans un environnement de travail ségrégué. Les États parties ont l’obligation de respecter et protéger le travail des défenseurs des droits de l’homme et des autres acteurs de la société civile, en particulier des syndicats, qui aident les personnes handicapées et d’autres groupes marginalisés à exercer leur droit au travail.

32.La promotion de l’emploi des personnes handicapées nécessite la participation effective des syndicats, et des autres associations représentatives qui protègent et promeuvent les droits des travailleurs handicapés, à l’établissement des priorités, à la prise de décisions, à la planification, et à la mise en application des stratégies et à leur évaluation.

33.Les lois et codes généraux du travail devraient interdire expressément la discrimination fondée sur le handicap et inclure des dispositions relatives à la responsabilité de veiller à ce que les militants syndicaux, les employeurs et les institutions du marché du travail aient pleine connaissance des questions d’égalité et de non-discrimination dans le contexte du travail et de l’emploi des personnes handicapées.

34.Les accords de négociation collective devraient interdire la discrimination fondée sur le handicap. Lorsqu’ils précisent les conditions de travail, ces accords doivent prévoir un mécanisme au moyen duquel les employés peuvent demander l’apport d’aménagements raisonnables.

E.Accès aux programmes d’orientation technique et professionnelle, aux services de placement et à la formation (art. 27, par. 1 d))

35.Pour exercer leur droit au travail et à l’emploi, les personnes handicapées doivent avoir accès aux services généraux d’orientation et de formation techniques et professionnelles et aux services généraux de placement, sans discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres, que ces services soient publics ou privés. Leur participation aux services offerts à la population en général contribue à promouvoir la non-ségrégation des services et l’accès des personnes handicapées à des services d’emploi et de formation professionnelle ouverts. Ces services peuvent être utiles lors de l’entrée dans le monde du travail, en cours d’emploi ou pendant les périodes de transition entre deux fonctions. Les États parties devraient prendre des mesures pour garantir la certification des compétences et des acquis sur la base de l’égalité avec les autres, l’inclusion explicite des personnes handicapées dans la législation relative à la formation professionnelle, des références explicites aux personnes handicapées dans les politiques générales régissant la formation professionnelle, l’accessibilité des locaux, des informations et des équipements, l’accès à des programmes de formation professionnelle sur les droits des personnes handicapées et le financement des mesures d’aménagement raisonnable. Les programmes de préparation et de formation professionnelles et autres services connexes devraient être accessibles et inclusifs, notamment grâce à l’octroi d’une aide financière aux participants.

F.Promotion des possibilités d’emploi et d’avancement (art. 27, par. 1 e))

36.Les États parties devraient veiller à ce que les personnes handicapées aient de réelles possibilités d’avancement, quelle que soit la forme d’emploi. Les possibilités d’évolution de carrière comprennent la reconversion et le relèvement des compétences, la formation, la formation continue et les programmes de mentorat.

37.Tous les travailleurs handicapés ont le droit, sur la base de l’égalité avec les autres, de demander une promotion et de voir leur candidature examinée dans le cadre de procédures équitables, fondées sur le mérite et transparentes. Les États parties devraient analyser les obstacles directs et indirects qui entravent l’avancement des personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées. La formation professionnelle dont il est fait mention à l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 27 englobe toute formation suivie par des travailleurs handicapés aux fins de leur avancement. Les cours doivent être accessibles et les travailleurs doivent pouvoir demander l’apport d’aménagements raisonnables.

G.Promotion des possibilités d’exercice d’une activité indépendante, de l’esprit d’entreprise et de l’organisation de coopératives (art. 27, par. 1 f))

38.Les personnes handicapées ont le droit de choisir librement leur travail, notamment si elles souhaitent avoir le statut de travailleur indépendant, créer leur propre entreprise ou travailler dans une coopérative. Les États parties devraient prendre des mesures ciblées pour protéger et soutenir les personnes handicapées travaillant dans l’économie informelle, faciliter et accélérer leur transition vers l’économie formelle, et empêcher que le travail dans l’économie formelle ne devienne informel.

39.La promotion des possibilités de travail librement choisi suppose l’accès à des informations accessibles sur l’entrepreneuriat, les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, ainsi que d’autres formes de modèles d’entreprises et d’unités économiques, comme les coopératives. L’accès, sans discrimination, aux services fournis aux entreprises, aux marchés, aux infrastructures et aux technologies, à la sécurité et à la santé au travail, aux services financiers, au mentorat et au réseautage doit également être pris en compte. Les États parties devraient concevoir et appliquer un cadre de politiques intégrées, incluant les personnes handicapées, qui assure la coordination entre les différents niveaux de gouvernement et la coopération entre organes et autorités compétents, notamment les autorités fiscales et les institutions de sécurité sociale.

H.Emploi dans le secteur public (art. 27, par. 1 g))

40.Les dispositions de certains alinéas de l’article 27 s’appliquent aussi bien au secteur public qu’au secteur privé. Toutefois, lorsque l’État partie est l’employeur, il devrait adopter une approche plus rigoureuse de l’inclusion. Les États parties devraient mettre en place des normes objectives de manière à recruter et promouvoir les personnes handicapées sur la base du mérite et s’engager à employer davantage de personnes handicapées. Lorsqu’il y a lieu, ils devraient prendre des mesures spéciales pour sensibiliser le secteur public, attirer et recruter des personnes handicapées et soutenir les employés handicapés du secteur public, afin de tenir compte de la diversité de la population et de tirer parti des expériences vécues par les personnes handicapées.

41.Afin de stimuler l’emploi des personnes handicapées dans le secteur public, le Comité a recommandé aux États parties d’élaborer et d’appliquer des mesures d’action positive comme le financement ciblé des activités de promotion de l’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé, y compris des programmes professionnels. D’autres mesures sont envisageables, notamment la mise en place d’un système de quotas − obligation pour les employeurs de compter un certain pourcentage de personnes handicapées dans leur personnel − ou de cibles. Toutes ces mesures devraient être assorties d’une obligation de rendre compte, chaque année, du respect des dispositions par les autorités publiques.

I.Promotion de l’emploi dans le secteur privé, y compris au moyen de programmes d’action positive (art. 27, par. 1 h))

42.Le Comité a recommandé aux États parties des stratégies visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées dans le secteur public, qui sont également applicables au secteur privé. Des mesures d’action positive, comme la mise en place d’un système de quotas, peuvent être nécessaires pour stimuler l’emploi des personnes handicapées dans le secteur privé. Cependant, les quotas ne suffisent pas à promouvoir l’emploi des personnes handicapées et celles-ci peuvent s’y opposer si le système est axé sur la déficience plutôt que sur la capacité. Les quotas soulèvent également des problèmes de confidentialité. Parmi les autres mesures d’action positive envisageables, on peut citer les mesures relatives aux marchés publics, comme les procédures d’appel d’offres, qui donnent la préférence aux entreprises détenues par des personnes handicapées ou qui emploient des personnes handicapées, et le financement ciblé des activités visant à promouvoir l’emploi des personnes handicapées, notamment des modifications de l’environnement de travail, des primes à l’apprentissage, des déductions fiscales et des subventions salariales.

43.Les politiques d’achat préférentielle qui favorisent ou soutiennent l’emploi ségrégué ne sont pas des mesures d’action positive conformes à la Convention. Pour se conformer aux prescriptions de la Convention, il convient notamment :

a)De veiller à ce que les employeurs ne cantonnent pas les personnes handicapées à certaines professions, à des emplois réservés ou à des unités d’emploi spéciales ;

b)De veiller à ce que les employeurs ne restreignent pas l’accès des personnes handicapées aux possibilités de promotion et d’évolution de carrière ;

c)De faire en sorte que le travail promu ne corresponde pas à un emploi « factice », situation dans laquelle des personnes handicapées sont embauchées par des employeurs mais n’effectuent aucun travail ou n’occupent pas un emploi utile, sur la base de l’égalité avec les autres ;

d)De prendre en considération les questions relatives au handicap, au genre et à l’âge, sur l’ensemble du lieu de travail.

44.Les États parties devraient consulter étroitement les organisations de personnes handicapées, lorsqu’ils élaborent des mesures d’action positive. Dans le secteur privé, ces mesures seront plus efficaces si elles font partie d’une approche globale des États parties ayant pour objet de promouvoir l’emploi des personnes handicapées.

J.Mise en place d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail (art. 27, par. 1 i))

45.L’obligation de fournir un aménagement raisonnable est différente de l’obligation d’assurer l’accessibilité. L’aménagement raisonnable suppose d’apporter des modifications, des ajustements et des mesures d’accompagnement individualisés pour permettre aux personnes handicapées de s’acquitter des tâches inhérentes à leur travail, sur la base de l’égalité avec les autres. Les États parties devraient veiller à ce que la mise en place d’aménagements raisonnables soit facilitée par des mesures et des programmes qui fournissent une assistance technique et financière aux employeurs publics et privés. Néanmoins, compte tenu de leurs obligations en matière d’accessibilité, les employeurs publics et privés doivent mettre en place une procédure claire, accessible et rapide de manière à pouvoir répondre aux besoins d’aménagement raisonnable. Lorsqu’un obstacle à la pleine inclusion d’une personne handicapée est constaté par cette personne ou par son employeur, ce dernier doit prendre les mesures décrites ci-après, faute de quoi il y aura refus d’aménagement raisonnable :

a)L’employeur examine, en collaboration avec la personne concernée, les solutions envisageables pour supprimer ou éviter l’obstacle constaté, notamment la solution privilégiée par cette personne ;

b)L’employeur met en application la solution privilégiée par la personne concernée, à moins que cette solution impose une charge indue, auquel cas l’employeur applique une autre des solutions envisagées, n’imposant pas de charge indue, ou met en œuvre la solution privilégiée autant qu’il est possible de le faire sans subir une charge indue.

K.Promotion de l’expérience professionnelle sur le marché du travail général (art. 27, par. 1 j))

46.L’expérience professionnelle sur le marché du travail général peut être favorisée au moyen de stages, de programmes de formation continue, de bourses d’études et d’incitations financières pour les entreprises, notamment dans le cadre de l’apprentissage et d’autres modalités de formation par le travail. Elle est essentielle au développement des compétences des personnes handicapées, offre la possibilité de transformer les conditions d’emploi et permet de créer des liens et une entente entre les employeurs.

47.Les personnes handicapées sont plus exposées que les autres à une utilisation inappropriée des programmes de stage et de formation non rémunérés et de bénévolat, ce qui a des effets néfastes sur la sécurité de l’emploi et les perspectives de carrière. Les jeunes handicapés sont particulièrement vulnérables. Les États parties devraient clairement réglementer et contrôler la situation des personnes handicapées dans le cadre de ces programmes.

L.Promouvoir des programmes de réadaptation technique et professionnelle, de maintien dans l’emploi et de retour à l’emploi (art. 27, par. 1 k))

48.Tous les travailleurs peuvent éprouver le besoin de se recycler, d’acquérir de nouvelles compétences ou de changer de métier. Les programmes de maintien dans l’emploi et de retour à l’emploi destinés aux personnes handicapées s’inscrivent dans le cadre plus large des mesures visant à garantir le perfectionnement continu de la main-d’œuvre. Les États parties doivent faire en sorte que les personnes handicapées puissent conserver leur emploi ou assumer de nouvelles fonctions après l’acquisition d’un nouveau handicap ou l’aggravation d’un handicap existant.

49.En ce qui concerne les mesures de réadaptation, les États parties devraient faire en sorte que les travailleurs handicapés à la suite d’un accident ou d’une maladie, et s’il y a lieu, les personnes à leur charge, soient indemnisés comme il convient, notamment de leurs coûts de traitement, de la perte de leurs revenus et d’autres coûts, et puissent accéder à des services de réadaptation.

50.Les programmes de retour à l’emploi peuvent permettre à l’employé concerné de conserver son poste, d’être transféré à un autre poste chez le même employeur ou d’accepter un poste chez un autre employeur. Ces programmes ne devraient pas être utilisés pour promouvoir l’emploi dans des environnements de travail ségrégués.

M.Esclavage, servitude et travail forcé ou obligatoire (art. 27, par. 2)

51.L’interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé ou obligatoire est au cœur du droit international des droits de l’homme. Les personnes handicapées, notamment les enfants handicapés, risquent plus que les autres de connaître des situations d’esclavage ou de servitude, telles que l’emploi ségrégué, l’enlèvement et le travail forcé. On peut également citer les situations de servitude pour dettes, de traite, de mendicité et de travail dans des ateliers clandestins, des exploitations agricoles ou des environnements de travail ségrégués.

52.Les États parties devraient élaborer des mesures globales pour prévenir l’esclavage, la servitude et le travail forcé ou obligatoire et enquêter sur tous les cas présumés. Ces mesures devraient englober des programmes de sensibilisation, des campagnes d’information, des dispositions législatives, des procédures de plainte, des régimes de sanctions, des mécanismes d’enquête et des moyens de recours et de réparation.

53.Pour s’acquitter des obligations découlant du paragraphe 2 de l’article 27 de la Convention, les États parties devraient prêter attention au droit des personnes handicapées au choix, au consentement et à l’absence de coercition. Le choix doit être compris dans le contexte du préjudice que les conditions de travail peuvent causer. Dans certains cas, les conditions de travail peuvent être préjudiciables à la santé et au bien-être des personnes handicapées pour des raisons liées à leur handicap. Ces personnes ont besoin de mesures d’aménagement raisonnable de leurs conditions de travail, ainsi que d’une protection sociale correcte et d’autres formes de soutien propres à garantir qu’elles ne seront pas contraintes d’effectuer un travail contre leur gré. Dans d’autres cas, les personnes handicapées subissent un préjudice du fait de la discrimination causée par la ségrégation, du non-respect du principe de la rémunération égale pour un travail de valeur égale et des possibilités limitées d’occuper un emploi librement choisi, sur la base de l’égalité avec les autres. Le risque de coercition tient au fait que les personnes handicapées sont souvent en butte à une plus grande vulnérabilité sociale, à l’absence de véritables solutions de remplacement et à des relations de dépendance ou de soins qui finissent par relever de l’exploitation. Ce risque doit être pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer si le consentement a été donné. Même lorsque le consentement a été donné, il convient de vérifier qu’il n’existe pas un contexte plus large d’exploitation ou de coercition. Le consentement ne saurait à lui seul indiquer qu’une personne n’est pas en situation d’esclavage, de servitude ou de traite.

IV.Obligations des États parties

A.Obligations générales

54.L’article 4 (par. 2) de la Convention exige que, dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, les États parties agissent au maximum des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale, en vue d’assurer progressivement le plein exercice de ces droits. La principale obligation générale des États parties consiste donc à assurer progressivement l’exercice du droit au travail. Des mesures délibérées, concrètes et ciblées doivent être prises en vue d’atteindre cet objectif dans un délai raisonnablement bref à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie concerné. Cette obligation s’ajoute à l’obligation immédiate de garantir la non‑discrimination en ce qui concerne le droit au travail que les articles 4 (par. 1), 5 et 27 font peser sur les États parties.

55.Le droit de toutes les personnes handicapées au travail impose trois catégories ou niveaux d’obligations aux États parties : l’obligation de respecter ce droit, l’obligation de le protéger et l’obligation de lui donner effet. Cette dernière obligation englobe les obligations de faciliter l’exercice de ce droit, de l’assurer et de le promouvoir. L’obligation de respecter est énoncée à l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, qui dispose que l’État partie est tenu de s’abstenir de tout acte ou de toute pratique incompatible avec la Convention. L’obligation de protéger est énoncée aux alinéas c) et e) du paragraphe 1 de l’article 4, qui disposent que l’État partie est tenu de prendre en compte la protection et la promotion des droits humains des personnes handicapées dans toutes les politiques et dans tous les programmes et de prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap pratiquée par des tiers, y compris des entreprises privées. L’obligation de donner effet est énoncée, par exemple, aux alinéas f) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, qui disposent que l’État est tenu d’entreprendre ou d’encourager la recherche et le développement de biens et services de conception universelle et de nouvelles technologies d’assistance.

56.Les mesures régressives ne sont pas autorisées en ce qui concerne les droits couverts par la Convention, y compris le droit au travail. S’il prend une mesure délibérément régressive, l’État partie doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles, que cette mesure est pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans la Convention, et à l’ensemble des ressources disponibles, et qu’elle n’a pas d’incidences disproportionnées sur les personnes handicapées.

57.L’obligation de respecter exige des États parties qu’ils s’abstiennent d’entraver directement ou indirectement l’exercice du droit au travail, notamment en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès de toutes les personnes handicapées à un travail décent, en s’abstenant d’exempter les employeurs du paiement du salaire minimum national sur la base du handicap et en interdisant le travail forcé ou obligatoire. Les États parties ont l’obligation de respecter le droit des femmes handicapées et des jeunes handicapés d’avoir accès à des conditions de travail justes et favorables, et sont donc tenus de prendre des mesures pour lutter contre la discrimination multiple et intersectionnelle et pour parvenir à l’égalité des possibilités de promotion et à l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Toute évaluation par les États parties de la « valeur » du travail doit se garder des stéréotypes à l’égard des personnes handicapées, y compris ceux concernant le sexe ou le genre, susceptibles d’entraîner une sous-estimation des tâches principalement accomplies par des femmes handicapées. De plus, les États parties devraient prendre immédiatement des dispositions pour éliminer les obstacles découlant des lois, politiques et programmes qui associent le handicap à l’« incapacité de travailler ». Plus particulièrement, les mesures d’évaluation ou de classification du handicap ne devraient pas s’appuyer sur le droit des personnes handicapées à travailler ni conduire à une limitation de ce droit.

58.L’obligation de protéger exige des États parties qu’ils prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap exercée par des acteurs privés non étatiques, comme les entreprises commerciales privées, les syndicats et tous les membres de la société, afin d’empêcher toute restriction des garanties prévues à l’article 27. En particulier, les États parties ont l’obligation de protéger les personnes handicapées contre les principales formes de discrimination liées au travail et à l’emploi − discrimination directe, discrimination indirecte, refus d’aménagement raisonnable, harcèlement et discrimination par association − qui peuvent se produire séparément ou simultanément. De plus, dans sa jurisprudence, le Comité a recommandé des mesures de lutte contre la discrimination multiple et intersectionnelle, notamment : l’adoption de lois, de politiques et de programmes qui reconnaissent explicitement la discrimination multiple et intersectionnelle, afin que les plaintes portant sur ces formes de discrimination soient examinées à la fois en vue d’établir les responsabilités et en vue d’offrir des voies de recours ; l’établissement d’un cadre pour la collecte de données relatives à la lutte contre la discrimination intersectionnelle dont font l’objet les femmes et les filles handicapées ; l’autorisation des plaintes pour discrimination fondée sur plus d’un motif, l’établissement de niveaux d’indemnisation plus élevés pour les victimes et l’imposition de peines plus lourdes pour les auteurs ; le renforcement des lois anti-discrimination afin de lutter contre la discrimination intersectionnelle ; l’examen de la pertinence des structures utilisées pour traiter la discrimination intersectionnelle et l’adoption de mesures efficaces et spécifiques pour prévenir les formes de discrimination intersectionnelle à l’égard des femmes et des filles ; l’élaboration de cadres visant à faciliter la participation inclusive, complète et transparente des organisations de personnes handicapées, y compris celles qui subissent une discrimination intersectionnelle.

59.Enfin, l’obligation de donner effet au droit du travail − qui englobe les obligations de faciliter, d’assurer et de promouvoir ce droit − exige des États qu’ils adoptent des mesures législatives, administratives, budgétaires, judiciaires, promotionnelles et autres pour faire que les environnements de travail soient ouverts, inclusifs et accessibles.

60.Pour s’acquitter de l’obligation de faciliter l’exercice du droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, les États parties doivent prendre des mesures positives pour permettre à ces personnes de suivre un enseignement et une formation techniques et professionnels et leur apporter l’aide voulue pour ce faire, et mettre en application des plans d’enseignement technique et professionnel destinés à faciliter l’accès à l’emploi. Ils doivent également mener des activités de recherche et développement ou promouvoir ces activités et encourager l’offre et l’utilisation de nouvelles technologies − y compris les technologies de l’information et de la communication, les aides à la mobilité, les équipements et les technologies d’assistance, en privilégiant les technologies d’un coût abordable.

61.Pour s’acquitter de l’obligation d’assurer le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, les États parties sont tenus de reconnaître ce droit dans l’ordre juridique interne et d’adopter une politique nationale et un plan d’action détaillé pour sa réalisation. Ils doivent allouer à cette politique et à ce plan des ressources suffisantes pour qu’un plus grand nombre de personnes handicapées, en particulier de femmes handicapées, soient présentes sur les marchés du travail et de l’emploi. Ils doivent également fournir aux personnes handicapées des informations accessibles sur les nouvelles technologies mises au point en vertu de l’obligation de faciliter.

62.Pour s’acquitter de l’obligation de promouvoir le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, les États parties devraient prendre des mesures pour que ce droit fasse l’objet de campagnes de formation, d’information et de sensibilisation appropriées, prenant en compte les questions de genre, dans les secteurs privé et public. Les campagnes de sensibilisation devraient cibler les employeurs et les employés des secteurs privé et public, les recruteurs et les agences pour l’emploi, ainsi que le grand public, et devraient être menées dans les langues pertinentes et dans des formats accessibles aux personnes handicapées.

B.Obligations fondamentales

63.Les États parties ont l’obligation fondamentale immédiate d’assurer, au minimum, la satisfaction de l’essentiel du droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi. Dans le contexte de l’article 27, cette obligation fondamentale englobe l’obligation d’assurer la non-discrimination et l’égale protection de l’emploi.

64.Dans sa jurisprudence relative à l’article 5 de la Convention, le Comité a énoncé les mesures d’application immédiate que les États parties étaient tenus de prendre pour assurer l’égalité de fait et pour qu’il n’y ait pas de discrimination fondée sur le handicap dans le contexte du droit au travail et à l’emploi. En particulier, afin de garantir le respect du principe de l’aménagement raisonnable conformément au paragraphe 3 de l’article 5 et à l’alinéa i) du paragraphe 1 de l’article 27, et de réaliser ou d’accélérer l’égalité de fait dans le travail et l’emploi conformément au paragraphe 4 de l’article 5, les États parties devraient :

a)Faciliter l’abandon des environnements de travail ségrégués et encourager l’entrée des personnes handicapées sur le marché du travail général et, dans l’intervalle, garantir l’applicabilité immédiate des droits du travail aux environnements de travail ségrégués ;

b)Promouvoir le droit à l’emploi aidé, y compris les programmes d’aide à la recherche d’un emploi, de mentorat et de formation professionnelle, protéger les droits et intérêts des travailleurs handicapés, et garantir le droit à un emploi librement choisi ;

c)Veiller à ce que les personnes handicapées perçoivent un salaire qui ne soit pas inférieur au salaire minimum et ne perdent pas le bénéfice des allocations d’invalidité lorsqu’elles commencent à travailler ;

d)Reconnaître expressément que le refus d’aménagement raisonnable est une discrimination et interdire la discrimination multiple et intersectionnelle, ainsi que le harcèlement ;

e)Faire en sorte que, lorsqu’une personne handicapée accède à un emploi ou le quitte, la transition se fasse dans des conditions appropriées et non discriminatoires, et garantir un accès égal et effectif aux allocations et prestations, telles que les prestations de retraite ou les prestations de chômage, qui ne doit pas être restreint en cas d’exclusion de l’emploi, afin de ne pas aggraver encore la situation d’exclusion ;

f)Promouvoir le travail dans un environnement inclusif, et accessible, qui offre des conditions de travail sûres et salubres, dans les secteurs public et privé, y compris l’accès à des toilettes adaptées ;

g)Faire en sorte que les personnes handicapées jouissent de l’égalité des chances en ce qui concerne les possibilités d’avancement de carrière, en organisant régulièrement des réunions d’évaluation avec leurs responsables et en définissant les objectifs à atteindre, dans le cadre d’une stratégie globale ;

h)Garantir l’accès des employés handicapés à la formation, à la reconversion et à l’éducation, y compris la formation professionnelle et le renforcement des capacités, et prévoir une formation sur l’emploi des personnes handicapées et sur l’aménagement raisonnable à l’intention des employeurs, des membres des organisations qui représentent les employés et les employeurs, des représentants des syndicats et des autorités compétentes.

i)S’attacher à mettre en place des mesures de sécurité et de santé au travail qui soient d’application universelle, notamment des réglementations en matière de sécurité et de santé au travail qui soient non discriminatoires et qui incluent les personnes handicapées ;

j)Reconnaître le droit des personnes handicapées d’avoir accès aux syndicats.

65.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a également recensé des obligations fondamentales concernant le droit à des conditions de travail justes et favorables. Plus particulièrement, les États parties devraient :

a)Mettre en place un système très complet de lutte contre la discrimination sexuelle au travail, notamment en ce qui concerne la rémunération ;

b)Établir par voie de législation et en concertation avec les travailleurs et les employeurs, les organisations qui les représentent et d’autres partenaires concernés un salaire minimum non discriminatoire et non susceptible de dérogation, fixé en tenant compte des facteurs économiques pertinents et indexé sur le coût de la vie afin de garantir un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille ;

c)Définir et interdire par voie de législation le harcèlement au travail, y compris le harcèlement sexuel, mettre en place des procédures et des mécanismes de dépôt et de traitement des plaintes, et prévoir des sanctions pénales pour harcèlement sexuel ;

d)Adopter et appliquer des normes minimales en matière de repos, de loisirs, de limitation raisonnable de la durée du travail, de congés payés et de jours fériés.

V.Liens avec d’autres articles de la Convention

66.L’article 5 de la Convention, relatif à l’égalité et à la non-discrimination, exige des États parties qu’ils promeuvent l’égalité sans exclusive et éliminent la discrimination − discrimination directe, discrimination indirecte, refus d’aménagement raisonnable, harcèlement et discrimination par association − dans tout ce qui a trait au travail, à l’emploi et au cycle de l’emploi. Or, les femmes handicapées, les personnes handicapées de genre non conforme aux catégories établies, les personnes handicapées âgées et les jeunes handicapés se heurtent à un ensemble d’obstacles, liés au sexe, au genre, à l’âge et au handicap, qui limitent les possibilités de travail, nuisent à l’exercice du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale et augmentent le risque de violence et de harcèlement sur le lieu de travail.

67.Les femmes handicapées (art. 6) subissent une discrimination multiple et intersectionnelle dans le travail et l’emploi, tout au long du cycle de l’emploi, ce qui les empêche de participer au monde du travail dans des conditions d’égalité Elles sont harcelées sexuellement, sont moins bien rémunérées pour un travail de valeur égale, sont plus limitées dans leurs choix de carrière et ne peuvent pas accéder à certains emplois en raison de leurs parcours professionnels moins prestigieux ; en outre, elles n’ont pas accès à des moyens de réparation à cause des attitudes discriminatoires qui conduisent au rejet de leurs plaintes, et doivent faire face à des obstacles physiques et des problèmes d’information et de communication. Les femmes handicapées sont exposées à l’exploitation dans l’économie informelle et dans le travail non rémunéré, ce qui creuse les inégalités dans des domaines tels que la rémunération, la santé et la sécurité, le repos, les loisirs et les congés payés, y compris le congé de maternité.

68.Le nombre d’enfants handicapés (art. 7) dans le monde est estimé à près de 240 millions. Des millions d’enfants, handicapés ou non, travaillent comme domestiques ou exercent des activités non dangereuses auprès de leur famille, sans temps de repos suffisant ni possibilité de suivre une scolarité adéquate, et ce, pendant la plus grande partie de leur enfance. Les enfants handicapés et les jeunes handicapés sont plus exposés que les autres au risque de travailler dans des conditions dangereuses.

69.Des campagnes de sensibilisation (art. 8) à la situation des personnes handicapées et à leurs droits doivent être menées auprès des secteurs public et privé afin de combattre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques dangereuses concernant les personnes handicapées dans tous les domaines. Ces campagnes devraient inclure des activités visant à combattre les stéréotypes fondés sur des hypothèses selon lesquelles certaines personnes handicapées − comme les personnes autistes, les personnes sourdes, les personnes aveugles, les personnes ayant des handicaps psychosociaux − sont peu susceptibles d’interagir avec leurs collègues de travail ou d’être distraites sur le lieu de travail et ont donc une productivité supérieure à celle de leurs collègues. Les systèmes de valeurs comme le capacitisme, qui sous-tendent la législation, les politiques et les pratiques conduisant à l’inégalité et à la discrimination, doivent être recensés et éliminés.

70.Les personnes handicapées ne peuvent pas jouir effectivement de leur droit au travail et à l’emploi sur la base de l’égalité avec les autres si l’accessibilité (art. 9) et la mobilité personnelle (art. 20) ne sont pas garanties tout au long du cycle de l’emploi, dans leurs activités professionnelles et leurs activités syndicales, grâce à des services d’accompagnement et des moyens accessibles de transport jusqu’à leur lieu de travail. Toutes les informations relatives au travail et à l’emploi devraient être accessibles en langue des signes, en braille, en langage FALC, sous des formes électroniques accessibles, en écriture adaptée et par des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative.

71.Les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique (art. 12), et elles jouissent de la capacité juridique sur la base de l’égalité avec les autres, dans tous les domaines, notamment pendant tout le cycle de l’emploi et, en particulier, lors de l’établissement de la relation de travail (par exemple, par un contrat formel), et pour l’accès au financement, au crédit et à l’assurance. L’aide à l’exercice de la capacité juridique peut comprendre la prise de décisions accompagnée.

72.Les personnes handicapées ont droit à l’accès à la justice (art. 13), sur la base de l’égalité avec les autres, dans tous les domaines du droit de l’emploi, y compris en ce qui concerne les relations entre partenaires sociaux et les demandes d’indemnisation en cas d’accident lié à l’emploi.

73.Les personnes handicapées ont droit au choix, au consentement et à l’absence de coercition. Le risque de coercition découle des obstacles sociaux et environnementaux plus importants auxquels se heurtent les personnes handicapées, qui rendent celles-ci plus vulnérables, les privent de véritables solutions de remplacement et les placent dans des relations de dépendance ou de soins qui peuvent finir par relever de l’exploitation (art. 16). Il est essentiel de savoir si le consentement a été donné. Cependant, le fait qu’une personne a donné son consentement ne dispense nullement de vérifier qu’elle ne subit pas de contraintes, n’est pas exploitée ni privée de solutions de remplacement. Le consentement ne saurait à lui seul indiquer qu’une personne handicapée n’est pas en situation de servitude ou d’esclavage. Les enfants handicapés sont plus exposés que les autres à l’exploitation économique, notamment au travail des enfants, au trafic de drogues et à la mendicité. Les jeunes handicapés sont également particulièrement exposés à une utilisation inappropriée des stages non rémunérés, des programmes de formation et des programmes de bénévolat.

74.Le libre choix du travail et de l’emploi, sur la base de l’égalité avec les autres, est fondamental pour vivre de manière autonome et être inclus dans la société (art. 19). Il permet d’acquérir une indépendance économique, d’avoir le choix, de créer des liens sociaux et amicaux, et de se construire une identité. Pour de nombreuses personnes handicapées, les programmes et mesures de financement de l’aide personnelle sont indispensables à l’exercice du droit au travail.

75.Le respect de la vie privée (art. 22) est un élément important qui met souvent en jeu des questions personnelles sensibles. Le respect de la vie privée des employés handicapés exige que les employeurs obtiennent le consentement de l’employé handicapé concerné avant de partager − avec le personnel des ressources humaines, par exemple − les informations relatives au handicap ou à l’incapacité qui leur sont communiquées. L’obligation de protéger les informations confidentielles s’applique tout au long du cycle de l’emploi et englobe la protection contre l’utilisation d’informations génétiques qui pourraient indiquer une prédisposition à certaines déficiences.

76.L’éducation inclusive (art. 24) est essentielle pour donner aux personnes handicapées les moyens d’exercer leur droit au travail et à un emploi librement choisi, sur la base de l’égalité avec les autres. Une éducation inclusive de qualité prépare les personnes handicapées au travail et à l’emploi en leur permettant d’acquérir les connaissances, les compétences et la confiance nécessaires pour participer au marché du travail général. Toutefois, un tiers des enfants non scolarisés dans le monde sont des enfants handicapés. De nombreux États promeuvent officiellement l’éducation inclusive, mais, dans la pratique, les enfants handicapés, en particulier les filles handicapées, sont soit exclus, soit ségrégués dans des écoles spéciales, ce qui, plus tard, aura une incidence négative sur la jouissance du droit au travail et à un emploi librement choisi, sur la base de l’égalité avec les autres. Le passage de l’enseignement secondaire ou supérieur à l’emploi doit faire l’objet d’une attention particulière pour donner effet au droit au travail. Il est important de veiller à ce que les possibilités d’accès au marché du travail général soient promues auprès des personnes handicapées et à ce que ces dernières ne soient pas dirigées vers des environnements de travail ségrégués. L’éducation permanente est un élément clé pour garantir et favoriser l’évolution de carrière des personnes handicapées.

77.Les employeurs ont la responsabilité fondamentale de protéger la santé et la sécurité des travailleurs (art. 25). Les services et programmes complets d’adaptation et de réadaptation (art. 26) sont essentiels pour l’emploi des personnes handicapées. Lorsque des personnes handicapées sont blessées au travail ou lorsqu’une personne acquiert un handicap par le travail, il est essentiel que les mesures de réadaptation et de retour au travail mises en place respectent pleinement le choix et les préférences de la personne intéressée et ne soient pas utilisées pour promouvoir l’emploi dans des environnement de travail ségrégués.

78.Les personnes handicapées ont droit à une protection sociale (art. 28) qui couvre la perte ou l’absence de revenus découlant de l’incapacité d’obtenir ou de garder un emploi librement choisi, sur la base de l’égalité avec les autres. Le système de protection sociale doit garantir une protection adéquate des travailleurs handicapés au chômage, sur la base de l’égalité avec les autres. Le droit à la protection sociale s’étend aux travailleurs à temps partiel handicapés, aux travailleurs occasionnels handicapés, aux travailleurs saisonniers handicapés et aux travailleurs indépendants handicapés, ainsi qu’aux personnes handicapées travaillant dans l’économie informelle. Les prestations devraient inclure le versement d’une allocation jusqu’à l’obtention d’un emploi durable et couvrir les pertes de revenus subies par les personnes handicapées priées de ne pas se rendre sur leur lieu de travail pendant une situation d’urgence sanitaire ou une autre situation d’urgence publique. En cas de cessation d’emploi, le versement de l’allocation prévue devrait être immédiatement rétabli. Les allocations associées aux dépenses liées au handicap devraient être maintenues tout au long de l’emploi, afin de garantir le droit à un emploi sur la base de l’égalité avec les autres. Les allocations prévues devraient également couvrir les personnes, y compris les aidants principaux (essentiellement des femmes) et les proches, qui soutiennent une personne handicapée. Des concepts tels que « l’incapacité de travailler » et « l’aptitude au travail » n’ont pas leur place dans les systèmes de protection sociale. Compte tenu de la diversité des situations personnelles, des besoins individuels et des obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées dans la recherche d’un emploi, le maintien dans l’emploi et le retour à un emploi rémunéré, il convient de concevoir des systèmes de protection sociale flexibles et adaptés à la situation de chaque personne.

79.La négociation collective revêt une importance fondamentale dans la formulation de politiques de l’emploi. Les droits relatifs aux syndicats s’appliquent aux travailleurs handicapés de la même manière qu’aux autres travailleurs. L’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27, lu conjointement avec l’article 29, met en évidence l’importance du droit des personnes handicapées de former leurs propres organisations. Pour que ces organisations soient à même de favoriser et de protéger les intérêts économiques et sociaux des personnes handicapées, il faut que les organes gouvernementaux et autres les consultent régulièrement au sujet de toutes les questions qui les intéressent. Il peut également être nécessaire d’accorder un appui financier à ces organisations afin d’assurer leur viabilité.

80.La collecte et l’analyse de données (art. 31), ventilées en fonction du handicap, en vue de recenser toutes les formes de discrimination, y compris la discrimination multiple et intersectionnelle, sont essentielles pour examiner les obstacles qui entravent l’emploi des personnes handicapées sur la base de l’égalité avec les autres. Des données correctement ventilées permettent également de recenser les personnes travaillant dans l’économie informelle et les obstacles liés au travail indépendant et à l’entrepreneuriat.

81.La coopération internationale (art. 32) est essentielle en ce qu’elle appuie les efforts déployés au niveau national pour réaliser le droit au travail et pour atteindre les objectifs de développement durable, en particulier la cible 8.5, qui vise à parvenir au plein emploi productif et à garantir à toutes les personnes un salaire égal pour un travail de valeur égale. La coopération internationale est également essentielle pour remédier aux inégalités concernant l’accès aux technologies d’assistance dans des contextes où les ressources sont limitées, afin que les personnes handicapées puissent participer au marché du travail sur la base de l’égalité avec les autres.

VI.Application au niveau national

82.Afin de garantir le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi sur la base de l’égalité avec les autres, les États parties devraient satisfaire aux normes et obligations décrites ci-dessus et veiller à appliquer intégralement l’article 27 de la Convention au moyen des mesures suivantes :

a)Mener une étude approfondie afin de déterminer l’incidence du capacitisme sur le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, sur la base de l’égalité avec les autres, notamment sur la possibilité pour elles de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ;

b)Mener des études afin de déterminer les obstacles qui entravent l’accès des personnes handicapées au droit au travail, recenser les difficultés liées au genre et à l’âge que les personnes handicapées doivent surmonter pour exercer ce droit, et mettre en lumière les pratiques et solutions innovantes qui découlent de la protection et de la promotion du droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi ;

c)Examiner les lois, les politiques, les programmes et les pratiques existant au niveau national en matière d’emploi et les harmoniser avec les dispositions de la Convention, abroger les lois et règlements discriminatoires qui sont incompatibles avec la Convention, modifier ou abolir les coutumes et les pratiques qui sont discriminatoires à l’égard des personnes handicapées, et élaborer un code de bonnes pratiques pour l’emploi des personnes handicapées devant servir de guide étape par étape pour prévenir la discrimination à l’égard des personnes handicapées sur le marché du travail et sur le lieu de travail, en veillant à consulter étroitement et à faire participer activement les personnes handicapées, notamment les groupes sous-représentés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, conformément à l’article 4 (par. 3) de la Convention ;

d)Veiller à ce que l’examen susmentionné s’étende aux secteurs public et privé, qu’il vise notamment à s’assurer que les questions relatives au genre, à l’âge et au handicap sont prises en considération lors de l’élaboration, de l’application et de l’évaluation des lois, des politiques et des programmes, et qu’il couvre les domaines suivants : la promotion de l’emploi des jeunes ; la santé et la sécurité au travail ; la protection contre la violence, y compris la violence fondée sur le genre, le harcèlement et le travail forcé ; la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle ;

e)Élaborer une stratégie et un plan d’action pour l’emploi, qui incluent les personnes handicapées, qui soient conçus et revus sur la base d’un processus participatif et transparent, et qui soient assortis d’indicateurs et de points de référence permettant de suivre les progrès ;

f)Veiller à ce que la protection et la promotion du droit des personnes handicapées au travail soient prises en compte dans les nouveaux domaines du travail et de l’emploi, notamment l’économie numérique, le télétravail, la réglementation de l’économie à la tâche et de l’économie de plateforme, la réactivation ou reprise de l’activité économique après une crise, la transition vers une économie verte et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les procédures de recrutement et dans le travail ;

g)Veiller à ce que les mesures visant à protéger et à promouvoir le droit au travail couvrent l’ensemble des personnes handicapées, en tenant compte de leur diversité, de leur expérience professionnelle et de leurs compétences ;

h)Mettre fin à l’exploitation des femmes handicapées, des enfants handicapés et des personnes handicapées de genre non conforme aux catégories établies, dans l’économie formelle, l’économie informelle et le secteur du travail non rémunéré, notamment en garantissant le droit au congé parental pour tous ; en faisant en sorte, par des mesures d’action positives, que davantage de femmes handicapées travaillent dans le secteur formel ; en adoptant des lois et des politiques qui prévoient un congé parental rémunéré suffisant, des services de garde d’enfants abordables, accessibles, adéquat et de qualité, et des mesures de protection sociale sans incidence négative sur les personnes handicapées enceintes ou celles qui doivent prendre un congé pour s’acquitter de leurs obligations en matière de soins ; en adoptant des lois et des politiques qui garantissent que tous les enfants qui travaillent ne le fassent pas dans des conditions portant atteinte à leurs droits ; et en adoptant des lois et des politiques visant à ce que les employeurs préviennent la violence fondée sur le genre et y répondent efficacement, et à faire évoluer les normes culturelles et sociétales lorsqu’elles contribuent à la violence fondée sur le genre ;

i)Éliminer progressivement et rapidement les emplois ségrégués, notamment les ateliers protégés, et faciliter la transition vers les emplois ordinaires en adoptant des plans d’action concrets, assortis de ressources, de calendriers et de mécanismes de suivi, qui prévoient les obligations suivantes :

i)Examiner les lois, les politiques, les approches et les hypothèses qui ont servi de fondement à la promotion de l’emploi protégé ;

ii)Tenir des consultations étroites avec les personnes handicapées et veiller à ce qu’elles contribuent activement, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent et à titre prioritaire, à la conception, à l’exécution et au suivi des processus de transition ;

j)Élaborer et exécuter des programmes d’acquisition de connaissances, de sensibilisation et de renforcement des capacités, avec la participation effective des personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, notamment des programmes de formation dans les secteurs public, privé et informel, afin de garantir le respect des dispositions de la Convention ;

k)Établir des méthodes efficaces de collecte et de ventilation des données, sur la base d’un cadre conceptuel et méthodologique solide en matière de droits de l’homme, tel que celui décrit dans le document Indicateurs des droits de l ’ homme  : Guide de mesure et de mise en œuvre, pour mieux comprendre la situation des personnes handicapées qui travaillent ou qui sont au chômage, en accordant une attention particulière à la pertinence et à l’efficacité des mesures prises par les pouvoirs publics pour promouvoir l’emploi dans l’économie formelle ;

l)Mettre en place des mécanismes de recours accessibles et efficaces, et veiller à ce que les victimes de la discrimination fondée sur le handicap aient accès à la justice, sur la base de l’égalité avec les autres, ce qui suppose que toutes les personnes handicapées aient accès à des procédures judiciaires ou administratives efficaces, y compris des mécanismes de plainte efficaces et accessibles, et à une aide juridictionnelle adéquate, abordable et de qualité ;

m)Recenser et améliorer les possibilités d’accès au travail pour les personnes handicapées, notamment au moyen de mécanismes de mise en correspondance des offres et des demandes d’emploi qui servent de passerelle entre les personnes handicapées et les employeurs, et de mécanismes spécialement conçus pour faciliter l’accès à l’emploi dans le secteur public ;

n)Promouvoir et renforcer les partenariats et réseaux multipartites visant à faciliter l’emploi des personnes handicapées, notamment en s’appuyant sur les réseaux pour rassembler les employeurs sur la question de la promotion du travail des personnes handicapées ; en travaillant en collaboration avec les organisations de personnes handicapées, y compris en leur transmettant systématiquement les offres d’emploi des secteurs public et privé ; et en engageant les organismes généraux de promotion de l’emploi à renforcer leurs capacités d’aider les personnes handicapées par la voie de partenariats avec des organisations œuvrant au respect des droits des personnes handicapées ;

o)Engager les employeurs étatiques et non étatiques à établir des rapports sur les niveaux et les conditions d’emploi des personnes handicapées, et à y faire figurer des informations sur les mesures prises et sur les résultats obtenus en ce qui concerne l’avancement des employés handicapés ;

p)Promouvoir l’emploi des personnes handicapées, en particulier des femmes handicapées, y compris par des mesures d’action positive comme la mise en place de mécanismes de quotas et la définition d’objectifs, et prendre des mesures pour atténuer le risque d’effets négatifs imprévus, comme le renforcement des stéréotypes, le défaut de conformité et la création de possibilités d’emploi uniquement pour des groupes limités de personnes handicapées, en particulier :

i)Veiller à la clarté des procédures de suivi, à la transparence des activités et à l’établissement de rapports ;

ii)Recenser et prévenir les pratiques de travail qui ne sont pas conformes à la Convention, notamment la ségrégation, l’usage de stéréotypes ou la discrimination ;

iii)Mesurer les performances et les résultats, notamment par des activités visant à évaluer la qualité du travail accompli et à vérifier si les employés handicapés sont cantonnés à certains rôles ou types de travail et si seuls certains groupes de personnes handicapées bénéficient d’un emploi ;

iv)Veiller à ce qu’il existe des mécanismes adéquats de responsabilisation et de mise en application ;

v)Veiller à ce que les mesures d’action positive s’accompagnent de mesures visant à aider les employeurs à les appliquer.