Nations Unies

CAT/C/ISL/CO/4

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

9 juin 2022

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Islande *

1.Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique de l’Islande à ses 1879e et 1882e séances, les 20 et 21 avril 2022, et a adopté les présentes observations finales à sa 1903e séance, le 9 mai 2022.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée pour l’établissement des rapports et d’avoir soumis son rapport périodique conformément à cette procédure, qui permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité. Il regrette toutefois que le rapport ait été soumis avec six années de retard.

3.Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été offerte de dialoguer avec la délégation de l’État partie et prend note avec intérêt des informations et explications complémentaires qui ont été fournies.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en 2021 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2019 ;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2018 ;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2016 ;

e)La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, en 2012 ;

f)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2012 ;

g)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel à ladite Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2010 ;

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour réviser sa législation et adopter de nouvelles lois dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’incorporation de la Convention relative aux droits de l’enfant dans le droit islandais, en 2013 ;

b)L’ajout de nouvelles dispositions sur le harcèlement obsessionnel et la protection contre la violence sexuelle numérique et sur le renforcement de la protection judiciaire des victimes de la traite des êtres humains dans le Code pénal général, en 2021 ;

c)L’adoption de la résolution parlementaire instituant un plan relatif aux mesures de lutte contre la violence et ses conséquences, pour la période 2019-2022 ;

d)L’adoption de la résolution parlementaire sur l’action préventive auprès des enfants et des jeunes contre la violence sexuelle et fondée sur le genre et le harcèlement, pour la période 2021-2025 ;

e)La modification de la loi sur le Médiateur de l’Althing, en 2018 ;

f)L’adoption de la loi relative aux services destinés aux personnes handicapées ayant besoin de soutien à long terme, en 2018 ;

g)La modification du Code pénal général relative à la définition du viol, en 2018 ;

h)L’adoption de la loi sur l’exécution des peines, en 2016 ;

i)Les modifications de la loi sur les étrangers, en 2010 et 2016 ;

j)La modification du Code pénal général érigeant la violence domestique en infraction distincte, en 2016 ;

k)La modification de la loi sur le transport aérien, en 2015 ;

l)La modification du Code pénal général alourdissant la peine maximale prévue pour le crime de traite des êtres humains, en 2011 ;

m)L’adoption de la loi no 85/2011 sur les ordonnances restrictives et l’expulsion du domicile, en 2011 ;

n)La modification du Code pénal général visant à incriminer expressément les bénéficiaires et les auteurs de la traite et de la prostitution, en 2009.

6.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et d’appliquer la Convention, en particulier :

a)L’adoption des orientations en matière de lutte contre la traite des êtres humains et les autres formes d’exploitation, en 2019 ;

b)L’adoption du plan d’action pour le traitement des infractions sexuelles, pour la période 2018-2022 ;

c)La création d’un comité de pilotage sur les mesures globales de lutte contre la violence sexuelle, en 2018 ;

d)La création du Comité directeur gouvernemental pour les droits de l’homme, en 2017 ;

e)La création du Comité de surveillance de la police, en 2017 ;

f)L’adoption du plan d’action sur l’immigration, pour la période 2016-2019 ;

g)La création du Centre de formation et de perfectionnement professionnel de la police attaché à la Direction de la Police nationale islandaise, en 2016 ;

h)La création de la Commission administrative de recours en matière d’immigration et d’asile, en 2015 ;

i)L’adoption de nouvelles règles de procédure relatives aux cas de violence familiale signalés à la police et à leur enregistrement, en 2014 ;

j)L’adoption du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016.

7.Le Comité accueille avec satisfaction la désignation du Médiateur de l’Althing comme mécanisme national de prévention à la suite des modifications législatives de 2018. Il note que le Médiateur de l’Althing peut mener des visites de contrôle dans tous les lieux de privation de liberté, qu’il a déjà effectué neuf visites et qu’il peut recevoir des plaintes de particuliers pour violence et adresser des recommandations non contraignantes aux autorités nationales.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

8.Dans ses précédentes observations finales, le Comité a demandé à l’État partie de lui fournir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations concernant le placement à l’isolement, la traite des êtres humains et la violence à l’égard des femmes et des enfants. Le Comité prend note avec intérêt des réponses que l’État partie lui a envoyées le 22 décembre 2009 dans le cadre de la procédure de suivi, mais, se référant à la lettre que son rapporteur chargé du suivi des observations finales a adressée au Représentant permanent de l’Islande auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, il estime que les informations reçues ne suffisent pas à apprécier la suite donnée auxdites recommandations et à conclure qu’elles ont été pleinement appliquées. Les questions pertinentes sont traitées aux paragraphes 13, 14 et 19 à 22 du présent document.

Définition et incrimination de la torture

9.S’il note que la Constitution interdit la torture et les mauvais traitements, que le Code pénal général punit toutes les formes de violence physique et que les tribunaux ont pour principe d’interpréter l’interdiction faite par la Constitution à la lumière des dispositions de la Convention, le Comité regrette néanmoins que la législation de l’État partie n’incrimine pas la torture en tant qu’infraction distincte, comme l’exige pourtant l’article 4 (par. 2) de la Convention. En outre, il constate avec préoccupation que le droit de l’État partie ne définit toujours pas la torture en des termes conformes aux dispositions de l’article premier de la Convention. À cet égard, il note que l’État partie s’est engagé à réexaminer la législation existante pour l’aligner sur la Convention. Enfin, le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas fourni d’informations sur les cas dans lesquels les tribunaux islandais ont, dans la pratique, interprété l’interdiction de la torture inscrite dans la Constitution à la lumière des dispositions pertinentes de la Convention (art. 1er, 2 et 4).

10.Le Comité réitère ses précédentes recommandations et demande instamment à l ’ État partie de prendre les mesures législatives qui s ’ imposent pour que le Code pénal incrimine la torture en tant qu ’ infraction distincte passible de peines proportionnées à sa gravité et dont la définition englobe tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention. Il appelle à nouveau l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  2 (2007) sur l ’ application de l ’ article 2, dans laquelle il est dit que si la définition de la torture retenue en droit interne est trop éloignée de celle donnée dans la Convention, il en découle, ou peut en découler, un vide juridique ouvrant la voie à l ’ impunité .

Garanties juridiques fondamentales

11.Le Comité prend note des garanties procédurales visant à prévenir la torture et les mauvais traitements qui sont énoncées dans le Code de procédure pénale et le règlement no 651/2009, et notamment du fait que les personnes privées de liberté se voient remettre une fiche d’information sur leurs droits, disponible en plusieurs langues. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que, malgré les assurances de la délégation, qui affirme que la décision exceptionnelle de retarder la notification de la garde à vue à un proche peut uniquement être prise par une personne n’ayant pas participé à l’enquête, l’article premier du règlement susmentionné prévoit que cette décision peut être prise par le fonctionnaire de garde et l’enquêteur (art. 2, 11 et 16).

12. L ’ État partie devrait garantir que toutes les personnes arrêtées ou détenues bénéficient, en droit et dans la pratique, dès le début de la privation de liberté, de toutes les garanties fondamentales contre la torture, y compris le droit de notifier leur garde à vue à un membre de leur famille ou à toute autre personne de leur choix. Il devrait également veiller à ce que le règlement n o  651/2009 soit modifié afin de spécifier que seul un officier de police qui n ’ a pas participé à l ’ enquête ou un magistrat du parquet peut autoriser de retarder la notification et que tout report de la notification de garde à vue doit être aussi court que possible .

Placement à l’isolement des détenus en attente de jugement

13.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que la loi autorise le placement à l’isolement des détenus en attente de jugement pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre semaines, voire plus longtemps en cas d’infraction passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans ou plus. Il constate avec préoccupation que des détenus en attente de jugement ont été placés à l’isolement pendant des périodes allant de 9 à 33 jours, en 2020, voire 37 jours, en 2021, et se félicite que l’État partie soit disposé à examiner plus avant le cadre législatif et procédural pertinent. S’il note que, selon la délégation de l’État partie, seules 2 % des personnes arrêtées sont placées en détention avant jugement et l’isolement est une mesure qui est strictement contrôlée par le juge et le ministère public et qui n’est imposée que lorsqu’elle est absolument nécessaire, le Comité constate avec préoccupation que, entre 2012 et 2021, au moins 54 % des détenus en attente de jugement ont été soumis à l’isolement et que, entre 2016 et 2018, les juges ont approuvé 98,77 % des demandes de placement à l’isolement. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes ayant un handicap mental ou psychosocial et même, à titre exceptionnel, les enfants peuvent être visés par une mesure d’isolement (art. 2, 11 et 16).

14. L ’ État partie est instamment invité à mettre sa législation et sa pratique relatives au placement à l ’ isolement en conformité avec les normes internationales. Il devrait en particulier :

a) Veiller à ce que l ’ isolement ne soit imposé qu ’ à titre exceptionnel et en dernier recours, pour des motifs précis et à l ’ issue d ’ une évaluation au cas par cas, uniquement lorsqu ’ il en va de l ’ intérêt de l ’ enquête pénale ou lorsque cela est strictement nécessaire pour préserver la sécurité ou l ’ ordre, et à ce qu ’ il soit aussi bref que possible (pas plus de quinze jours consécutifs), respecte les garanties procédurales strictes énoncées aux règles 43 à 46 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela) et permette l ’ accès à un avocat qui soit en mesure de défendre efficacement son client en s ’ opposant à l ’ application d ’ une telle mesure ;

b) Respecter l ’ interdiction de soumettre les mineurs à l ’ isolement ou à des mesures similaires, et veiller à ce qu ’ un examen médical soit pratiqué et que l ’ état de santé de la personne concernée soit dûment pris en compte afin de garantir l ’ interdiction de placer les personnes ayant un handicap intellectuel, psychosocial ou physique à l ’ isolement lorsque leur état pourrait s ’ en trouver aggravé (voir la règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et la règle 45 (par. 2) des Règles Nelson Mandela) ;

c) Informer le Comité de l ’ état d ’ avancement et de l ’ issue éventuelle de toute procédure de révision de la législation relative au placement à l ’ isolement et des mesures prises pour assurer le suivi de la situation au niveau multisectoriel, et recueillir des données complètes et ventilées, en particulier sur les demandes formulées et les placements à l ’ isolement imposés et sur le nombre et le pourcentage de détenus en attente de jugement qui sont à l ’ isolement.

Conditions de détention

15.Le Comité se félicite de la réforme des prisons qui est en cours, des mesures prises pour améliorer l’accès aux soins de santé en prison et pour garantir un examen médical aux nouveaux arrivants, et de l’exécution du plan d’action visant à améliorer les soins de santé mentale dans les prisons. Néanmoins, il reste préoccupé par les informations selon lesquelles les thérapies et les mesures de réduction des risques destinées aux consommateurs de drogues et aux personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial sont toujours insuffisantes. S’il se félicite des modifications apportées en 2011 à la loi sur l’exécution des peines, qui prévoit à présent un recours plus large aux mesures non privatives de liberté, il constate avec préoccupation que le texte n’exige pas l’établissement d’un plan particulier pour chaque condamné. Selon lui, cette lacune entrave le développement personnel et l’accès au travail et aux autres activités dans les prisons et pourrait ultérieurement rendre plus difficile la réinsertion sociale des détenus (art. 2, 11 et 16).

16. L ’ État partie devrait :

a) Continuer de privilégier le recours aux mesures de substitution à la détention existantes ;

b) Améliorer l ’ accès de toutes les personnes privées de liberté à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale et veiller à ce que le droit et la pratique leur permettent de contribuer à l ’ élaboration d ’ un plan d ’ exécution de la peine individualisé afin de garantir leur complète réadaptation ;

c) Continuer de s ’ employer activement à améliorer les soins de santé dispensés dans les prisons, y compris les examens médicaux pour les nouveaux arrivants ainsi que les soins psychiatriques et psychologiques, et coopérer avec les services de santé publique pour garantir la continuité des traitements médicaux des détenus, en particulier pour les personnes toxicodépendantes ou alcooliques et les personnes handicapées.

Éléments de preuve obtenus par la torture

17.Le Comité regrette que, faute d’incriminer la torture en tant qu’infraction distincte, l’État partie n’ait pris aucune mesure législative pour rendre irrecevable tout élément de preuve obtenu par ce moyen (art. 15).

18. L ’ État partie devrait réviser sa législation afin d ’ interdire expressément l ’ utilisation d ’ éléments de preuve obtenus par la torture, sauf contre la personne accusée de torture.

Violence sexuelle et fondée sur le genre, y compris la violence domestique et les autres formes de violence

19.Le Comité se félicite des diverses mesures législatives prises par l’État partie, notamment des modifications apportées au Code pénal général, ainsi que des progrès accomplis sur le plan des politiques et des institutions s’agissant de prévenir et combattre la violence sexuelle et fondée sur le genre, de protéger les victimes et de leur garantir l’accès aux soins médicaux ainsi qu’à des centres d’accueil, à des services d’accompagnement et à d’autres formes d’aide, y compris pendant la pandémie de COVID-19. Il note que l’État partie indique que le nombre de cas de violence sexuelle et fondée sur le genre signalés a augmenté et que davantage de fonds ont été accordés aux districts de police afin de renforcer les moyens alloués aux enquêtes et aux poursuites relatives aux infractions sexuelles et de planifier la numérisation des registres de police. Néanmoins, il relève les sujets de préoccupation suivants :

a)Le nombre toujours élevé d’actes de violence domestique et sexuelle et de viol, notamment sur les enfants, les migrantes, les femmes et les filles handicapées et les femmes issues de minorités, et la faible proportion de cas signalés qui donnent lieu à des poursuites. Les affaires de viol et de violence sexuelle continuent dans bien des cas d’aboutir à un non‑lieu, et l’État partie n’a pas précisé s’il s’était penché dans le détail sur les raisons pour lesquelles les procès, par exemple dans les affaires de violence sexuelle, se soldaient souvent par un acquittement. Le Comité regrette l’absence de statistiques récentes sur les poursuites engagées dans des affaires concernant telle ou telle forme de violence fondée sur le genre, l’issue de ces poursuites et les réparations accordées aux victimes ;

b)S’il prend note des efforts déployés par l’État partie pour mettre fin à la violence fondée sur le genre et au harcèlement sexuel dont les policières sont victimes dans l’exercice de leurs fonctions et constate que 24 cas ont été signalés au conseil de la préfecture nationale de police entre 2014 et 2020, le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures correctives prises. Il se félicite toutefois qu’il soit prévu de mener des travaux de recherche sur la culture qui règne au sein de la police (art. 2 et 16).

20. L ’ État partie devrait :

a) S ’ employer plus activement encore à faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, en particulier ceux liés à des actes ou des omissions de la part des autorités de l ’ État ou d ’ autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l ’ État partie au regard de la Convention, fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et les coupables dûment sanctionnés et que les victimes obtiennent une réparation complète, notamment une indemnisation adéquate et des mesures de réadaptation ;

b) Établir et fournir au Comité des statistiques, ventilées par âge et origine ethnique ou nationalité des victimes, sur le nombre de plaintes déposées, d ’ enquêtes menées, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité et de condamnations prononcées dans des affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre, ainsi que sur les mesures prises pour que les victimes aient accès à des recours utiles et obtiennent réparation, et contrôler l ’ efficacité des mécanismes de plainte, notamment la suite donnée aux cas qui leur sont signalés ;

c) Informer le Comité des mesures correctives prises pour éliminer la violence fondée sur le genre et le harcèlement sexuel au sein de la police ainsi que de tout progrès dans l ’ évolution de la culture qui règne dans cette institution ;

d) Continuer de dispenser, à l ’ intention de l ’ ensemble des membres des services de police et de justice, des formations obligatoires sur la poursuite des auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre et les méthodes d ’ audition des victimes et, à l ’ intention des travailleurs sociaux et du personnel médical, des formations sur la manière de repérer les signes de traite et de protéger efficacement les victimes de violence sexuelle et fondée sur le genre, et continuer de mener des campagnes de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes.

Traite des êtres humains

21.Le Comité salue les efforts que l’État partie continue de déployer dans différents secteurs pour éliminer la traite des êtres humains et accueille avec satisfaction les informations que la délégation lui a fournies au sujet des modifications apportées au Code pénal général en 2021 en vue renforcer la protection judiciaire des victimes de la traite. Il attend avec intérêt de recevoir le texte intégral des nouvelles dispositions dans lesquelles la traite sera définie comme désignant tous les types d’exploitation, toutes fins confondues, conformément aux obligations internationales mises à la charge de l’État partie. S’il prend note du renforcement des garanties applicables sur le marché du travail, il constate avec préoccupation que les travailleurs migrants doivent être davantage protégés contre l’exploitation et que seule une très faible proportion d’allégations de traite formulées au cours de la période considérée ont donné lieu à des poursuites (art. 2 et 16).

22. L ’ État partie devrait :

a) Affecter des crédits suffisants à la prévention et la répression de la traite des êtres humains, contrôler la bonne application des mesures prises et évaluer les résultats obtenus ;

b) Confirmer que, depuis les modifications récemment apportées au Code pénal général, la définition de la traite des êtres humains recouvre toutes les formes d ’ exploitation, y compris l ’ esclavage, les pratiques assimilées à l ’ esclavage et la servitude ;

c) Continuer d ’ affiner les critères permettant d ’ évaluer la vulnérabilité des victimes de la traite des êtres humains et garantir que, quelle que soit la forme qu ’ elle prend, la traite donne lieu à des enquêtes approfondies, que les auteurs présumés sont poursuivis et les coupables dûment sanctionnés et que les victimes ont accès à une protection et une réparation effectives, notamment une indemnisation juste et adéquate et une réadaptation aussi complète que possible ;

d) Continuer de dispenser, à l ’ intention des policiers, des gardes frontière , des agents des services de l ’ immigration, des magistrats du parquet, des inspecteurs du travail, des professionnels de santé et des autres acteurs concernés, des formations spécialisées sur la détection et l ’ identification des victimes de la traite, en mettant l ’ accent sur les personnes vulnérables ;

e) Continuer de mener des campagnes nationales de prévention dénonçant le caractère criminel de la traite des êtres humains.

Institution nationale des droits de l’homme

23.Le Comité regrette que l’État partie ait beaucoup tardé à respecter l’engagement pris au cours de l’Examen périodique universel de 2016, mais prend note de la création d’un groupe de travail en 2021 aux fins de la mise en place d’une institution nationale indépendante des droits de l’homme et de la présentation d’un projet de loi à ce sujet en 2023 (art. 2).

24. Le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que l ’ État partie accélère la mise en place d ’ une institution nationale indépendante des droits de l ’ homme dotée d ’ un large mandat en matière de protection des droits de l ’ homme ainsi que de ressources humaines et financières suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Le Médiateur de l’Althing en tant que mécanisme national de prévention

25.Le Comité constate avec préoccupation que le Médiateur de l’Althing dispose apparemment d’effectifs limités et ne peut donc pas s’acquitter pleinement de son mandat de mécanisme national de prévention, qui consiste notamment à effectuer des visites régulières et fréquentes, y compris des visites de suivi. Il accueille avec satisfaction les informations fournies sur les mesures adoptées par l’État partie afin d’appliquer plusieurs des recommandations formulées par le Médiateur de l’Althing à la suite de ses visites en tant que mécanisme national de prévention, et attend avec intérêt de recevoir davantage d’informations précises et à jour sur l’application de toutes les recommandations du Médiateur. Outre cette mission de prévention, le Comité prend note de la compétence du Médiateur de l’Althing pour recevoir des plaintes émanant de particuliers, mais regrette de ne pas avoir reçu davantage de détails sur la suite donnée auxdites plaintes, y compris leur issue (art. 2 et 11).

26.Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de renforcer le rôle du Médiateur de l ’ Althing , notamment en allouant à celui-ci les ressources humaines dont il a besoin pour s ’ acquitter pleinement de son mandat, qui consiste entre autres à surveiller la suite donnée aux visites qu ’ il effectue dans les lieux de privation de liberté, conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il devrait aussi continuer de veiller à l ’ application des recommandations formulées par le Médiateur de l ’ Althing à l ’ issue de ses visites en tant que mécanisme national de prévention. En outre, l ’ État partie devrait faire en sorte que les plaintes transmises au Médiateur de l ’ Althing soient traitées comme il se doit, que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation et de mesures de réadaptation médicale et psychosociale , et que toutes les informations relatives aux plaintes reçues et traitées, y compris l ’ issue de ces plaintes, soient consignées dans un registre.

Établissements psychiatriques et hospitalisations sans consentement

27.S’il prend note de la révision en cours de la loi sur les droits des patients, du projet de loi à l’examen clarifiant les dispositions applicables et prévoyant des garanties juridiques visant à assurer la sécurité de la prise en charge des patients et de l’examen prévu de la loi sur la capacité juridique, le Comité regrette néanmoins que les garanties juridiques relatives aux hospitalisations sans consentement soient insuffisantes, comme l’a constaté le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. En particulier, la loi prévoit toujours la privation obligatoire de la capacité juridique en cas de prolongation de l’hospitalisation sans consentement au-delà des douze semaines initialement autorisées par le tribunal. L’hospitalisation sans consentement et le prolongement des soins à la demande de tiers ou sur décision judiciaire ne reposent pas sur des critères d’absolue nécessité. La prolongation de l’hospitalisation sans consentement pour une durée indéterminée et l’internement pour une durée supérieure à six mois ne sont pas soumis à un contrôle automatique et régulier du juge. De surcroît, le Comité constate avec préoccupation que certains établissements psychiatriques ne donnent pas aux patients la possibilité de faire de l’exercice en plein air tous les jours et que l’intervention de la police pour maîtriser les patients en crise n’est pas suffisamment réglementée (art. 2, 11 et 16).

28. L ’ État partie est instamment invité à :

a) Poursuivre les réformes législatives en cours et, en particulier, accélérer la révision de la législation relative à l ’ admission et au maintien en soins sans consentement afin que ce type de privation de liberté repose sur des critères et des garanties précis, notamment l ’ obtention d ’ un avis médical supplémentaire, pour respecter le principe de nécessité absolue, et faire en sorte que les décisions d ’ hospitalisation soient soumises au contrôle permanent du juge ;

b) Lancer son plan de réforme des établissements psychiatriques et s ’ employer plus activement encore à offrir aux patients des activités thérapeutiques et des activités de réadaptation et à développer la psychiatrie communautaire ;

c) Limiter strictement la possibilité pour les établissements psychiatriques de faire appel à la police pour gérer les patients et faire en sorte que l ’ ensemble du personnel, médical et non médical, continue de bénéficier régulièrement de formations sur les mesures de désescalade et les méthodes d ’ intervention non violentes et non coercitives.

Usage excessif de la force et comité de surveillance de la police

29.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie selon lesquels le comité de surveillance de la police a reçu 30 plaintes pour mauvais traitements entre 2017 et 2019. Il constate que la plupart des allégations concernaient l’usage excessif de la force par la police lors d’arrestations. Il est préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées : sur les 30 cas susmentionnés, seuls 2 ont conduit à des poursuites, et 5 ont été renvoyés au commissaire de police compétent pour un suivi interne. En outre, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les plaintes enregistrées depuis 2019, y compris le nombre d’affaires transmises et l’issue de chacune, et que les données disponibles n’aient pas pu être ventilées par type d’infraction (y compris la torture) à cause des lacunes législatives mentionnées aux paragraphes 9 et 10 (art. 2, 12, 13 et 16).

30. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que toute allégation d ’ usage excessif de la force par la police donne rapidement lieu à une enquête impartiale et approfondie et à ce que les auteurs présumés soient traduits en justice, que les coupables soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et que les victimes bénéficient d ’ une réparation appropriée ;

b) Faire en sorte que les policiers soupçonnés d ’ usage excessif de la force soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pour la durée de l ’ enquête tout en respectant la présomption d ’ innocence, en particulier s ’ il existe un risque de récidive, de représailles contre la victime présumée ou d ’ obstruction à l ’ enquête ;

c) Continuer de garantir que tous les responsables de l ’ application des lois se voient systématiquement dispenser des formations sur le recours à la force et, en particulier, les moyens de prévenir ou de limiter au minimum la violence pendant les arrestations, compte étant dûment tenu des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois ;

d) Recueillir et publier des statistiques complètes sur les plaintes et les signalements relatifs à l ’ usage excessif de la force, en indiquant s ’ ils ont donné lieu à des enquêtes et, le cas échéant, par quelles autorités les enquêtes ont été menées, si des mesures disciplinaires ont été prises ou des poursuites ont été engagées et si les victimes ont obtenu réparation.

Garanties contre le non-refoulement

31.Le Comité prend note de la révision complète de la loi sur les étrangers menée à bien en 2016 ainsi que de la création, en 2015, de la Commission administrative de recours en matière d’immigration et d’asile, qui examine les décisions de la Direction de l’immigration. Il note que l’État partie a fait droit à une proportion accrue de demandes de protection internationale (en 2021, il a accueilli 354 des 872 demandes reçues). Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles la procédure de recours devant la Commission a en général pour effet de suspendre l’expulsion sauf pour les demandes de protection jugées manifestement infondées ou émanant de ressortissants de pays « sûrs ». La Commission peut décider que le recours a un effet suspensif pour autant qu’elle estime que les circonstances le justifient. La décision est donc apparemment laissée à sa discrétion, sachant que l’opportunité de la suspension est examinée uniquement si le requérant le demande, ce qu’il doit faire dans un délai très court et suivant une procédure particulière. En outre, la proposition de loi portant modification de la loi sur les ressortissants étrangers, en cours d’examen, maintient à cinq jours à peine le délai légal de recours contre le rejet des demandes de protection jugées manifestement infondées ou émanant de ressortissants de pays « sûrs » (art. 2, 3, 12 et 13).

32. L ’ État partie devrait :

a) Garantir que le principe de non-refoulement consacré à l ’ article 42 de la loi sur les étrangers est appliqué dans le plein respect des dispositions de l ’ article 3 de la Convention et que toute modification législative à venir tiendra dûment compte de ce principe ;

b) Veiller à ce que tous les étrangers qui risquent d ’ être expulsés, y compris ceux qui viennent de « pays d ’ origine sûrs », aient accès à des procédures équitables, comprenant un entretien visant à évaluer le risque qu ’ ils soient soumis à la torture et à des mauvais traitements dans leur pays d ’ origine, au regard de leur situation personnelle ;

c) Veiller à ce que toutes les personnes qui risquent d ’ être expulsées puissent demander le contrôle juridictionnel de la décision d ’ expulsion qui les vise et faire en sorte que ce contrôle ait un effet suspensif ;

d) Faire en sorte que les personnes vulnérables, notamment les victimes de torture et de mauvais traitements et les victimes de violence sexuelle et fondée sur le genre, soient repérées rapidement et aient dûment accès à des soins de santé et à des services d ’ accompagnement psychologique ;

e) Fournir des informations sur les demandes de non-refoulement de personnes risquant d ’ être victimes d ’ actes de torture que la Commission de recours en matière d ’ asile a examinées depuis sa création, en indiquant combien de demandes ont été soumises, combien ont été tranchées et quelles décisions la Commission a prises (expulsion ou annulation de la décision d ’ expulsion), combien de recours ont été formés et quelle a été l ’ issue de ces recours.

Enfants demandeurs d’asile

33.Conscient du faible nombre d’enfants demandeurs d’asile non accompagnés (10 en 2022 et 16 en 2021), le Comité est néanmoins préoccupé par les conditions d’hébergement dans le centre de Baejarhraun, qui est administré par la Direction de l’immigration et qui accueille ces enfants jusqu’à leur placement dans une famille d’accueil ou un centre pour adultes. S’il note que les enfants accueillis dans cet établissement relèvent des services de la protection de l’enfance, il constate que, selon certaines informations, ce centre ne convient pas à des enfants et ne répond pas pleinement à leurs besoins, car il ne dispose pas d’espaces adaptés aux enfants et à des activités de loisirs ni de procédures de sécurité clairement définies (art. 11 et 16).

34. L ’ État partie devrait adopter une approche globale de l ’ accueil des enfants demandeurs d ’ asile non accompagnés et faire en sorte que ces enfants soient dûment accueillis et pris en charge, notamment en les hébergeant dans des établissements sûrs et adaptés à leurs besoins, et qu ’ ils aient accès à des soins de santé, à une éducation et à un accompagnement psychosocial appropriés. Il devrait également, à intervalle régulier, surveiller les conditions d ’ hébergement des enfants qui séjournent dans les centres d ’ accueil et s ’ assurer que leurs besoins sont satisfaits.

Procédure de suivi

35.Le Comité demande à l’État partie de fournir, le 13 mai 2023 au plus tard, des informations sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14 (al. c)), 20 (al. a)) et 32 (al. a)) du présent document, qui portent sur l’isolement pendant la détention provisoire, la violence sexuelle et fondée sur le genre et les garanties de non-refoulement, respectivement.

Autres questions

36.Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

37.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

38.Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le cinquième, d’ici au 13 mai 2026. À cette fin, et compte tenu du fait qu’il a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le cinquième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.