Communication présentée par :

G. M. N. F.

Au nom de :

L’auteure, sa fille et sa mère

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

12 avril 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 1er mai 2017

Date de la présente décision :

17 février 2020

Exposé des faits

L’auteure est G. M. N. F., de nationalité néerlandaise, née en 1964. Elle dépose la présente communication en son nom et au nom de sa fille, J. J. F.-H., ressortissante des Pays-Bas et des États-Unis d’Amérique, née en 2004, et de sa mère, A. M. F.-A., ressortissante des Pays-Bas, née en 1933. L’auteure affirme que les Pays-Bas ont violé les articles 1er, 2 a) à d), 6, 9 (par. 1 et 2), 15 (par. 1, 2 et 4) et 16 c), d) et g) de la Convention. La Convention et son Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour les Pays-Bas le 22 août 1991 et le 22 août 2002, respectivement.

Le 1er mai 2017, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications soumises en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur, a prié l’État partie de prendre les mesures qui suivent, en assurant la coordination avec les autorités centrales de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants des Pays-Bas et des États-Unis et en menant toutes les interventions consulaires utiles : a) déterminer exactement où se trouve la fille de l’auteure aux États-Unis ; b) assurer la sécurité et la sûreté de la fille de l’auteure ; c) garantir que l’auteure puisse rendre visite à sa fille et communiquer régulièrement avec elle en attendant que le Comité ait examiné la communication.

Le 16 octobre 2017, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications soumises en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a décidé, en vertu de l’article 66 de son règlement intérieur, d’examiner la recevabilité de la communication en même temps que le fond, et de maintenir sa demande concernant l’application de mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure a commencé à travailler aux États-Unis en 1988 comme professeure d’université, puis est retournée s’installer aux Pays-Bas en 2012. En 1997, elle a rencontré H., qui se faisait traiter dans un centre de désintoxication où elle faisait du bénévolat. Ils se sont mariés en 2001. Leur fille, J. J. F.-H., est née en 2004 aux États-Unis. En 2005, leur couple s’est brisé, entre autres parce que H. avait de nouveau sombré dans l’héroïnomanie. Un tribunal californien a accordé la garde principale de J. J. F.-H. à l’auteure et un droit de visite à H.

En 2008, l’auteure a constaté un changement radical dans le comportement de J. J. F.-H. après un séjour chez H. : celle-ci souffrait notamment d’incontinence nocturne, de crises de colère extrêmes et d’épisodes d’automutilation. En 2009, H. a admis devant la Cour supérieure du comté du Nevada qu’il avait fait une rechute. Le 21 juin 2010, la Cour a augmenté de 20 % à 50 % le temps de garde attribué à H. et lui a accordé un droit de visite sans supervision de dix semaines par an. Elle a également ordonné à H. de se soumettre régulièrement à des tests de dépistage, mais celui-ci ne s’est pas conformé à cette injonction. L’auteure affirme qu’elle n’avait pas les moyens financiers d’interjeter appel pour contester les modalités du droit de visite accordé à H. La Cour l’a menacée de lui retirer la garde de sa fille si elle ne respectait pas les modalités fixées.

Le 5 septembre 2012, la mère de l’auteure a eu une urgence médicale aux Pays-Bas. Avec l’accord de H., l’auteure s’y est rendue avec J. J. F.-H. Une fois arrivée aux Pays-Bas, J. J. F.-H. s’est effondrée, révélant que H. lui avait fait subir des violences pendant ses visites. Elle a notamment déclaré qu’il lui avait proposé de la poudre blanche, l’avait emmenée avec lui durant ses déplacements pour se procurer de la drogue et l’enfermait régulièrement dans un placard. Il lui aurait dit que, si elle en parlait à qui que ce soit, il arrêterait de lui donner à manger. L’auteure a immédiatement pris contact avec les autorités néerlandaises, qui lui ont conseillé de se rendre au centre médico-légal néerlandais spécialisé dans la prise en charge de la maltraitance des enfants et à l’Institut national de santé mentale pour enfants, GGNet Jeugd, afin que sa fille y soit traitée. Après avoir soumis J. J. F.-H. à des tests verbaux, non verbaux et neurologiques, les experts pédopsychiatres et les médecins ont conclu que celle-ci avait été victime d’attentat à la pudeur, de violence et de négligence et qu’elle souffrait de pertes de mémoire probablement dues à la consommation de substances toxiques. Ils lui ont diagnostiqué un trouble dissociatif de l’identité provoqué par sa relation perturbée avec son père, indiquant qu’elle avait des idées suicidaires et meurtrières. L’un des médecins a demandé l’arrêt immédiat des conversations par appels vidéo entre J. J. F.-H. et H.

H. a contesté ces allégations et intenté des poursuites judiciaires devant le Tribunal de district de La Haye, demandant le retour de J. J. F.-H. aux États-Unis. Invoquant l’alinéa b) de l’article 13 de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, l’auteure a soutenu que J. J. F.-H. ne pouvait pas y retourner. À l’appui de cette affirmation, elle a présenté cinq rapports faisant état des faits de violence, d’attentat à la pudeur et de négligence commis par H., ainsi que de la possibilité que celui‑ci ait droguée J. J. F.-H., un témoignage dans lequel H. reconnaît être toxicomane et des documents attestant sa propre situation financière. J. J. F.-H. a témoigné devant le Tribunal, déclarant que H. lui avait fait subir des violences et qu’elle ne souhaitait plus avoir de contact avec lui.

Le 25 juillet 2013, le Tribunal de district de La Haye a ordonné le retour aux États‑Unis de J. J. F.-H. avant le 9 août 2013. Il a indiqué qu’en application de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, il lui incombait de déterminer si J. J. F.-H. devait retourner aux États-Unis, et non si elle devait être confiée à son père. Il a estimé que l’auteure pouvait vivre aux États-Unis et demander la modification des modalités de garde. Il n’a pas retenu le moyen tiré de ce que J. J. F.-H. ne pourrait pas suivre un traitement psychologique aux États-Unis, puisqu’elle y avait suivi un tel traitement pendant de nombreuses années et que le père s’était engagé à contribuer aux frais afférents.

À la suite du jugement, J. J. F.-H. a cessé de s’alimenter et a dû être hospitalisée. En appel, l’auteure a produit un rapport établi par une pédopsychiatre et daté du 7 août 2013, faisant état des tendances suicidaires et meurtrières de sa fille. J. J. F.-H. a de nouveau déclaré sous serment que H. lui avait fait subir des violences.

Le 4 septembre 2013, la Cour d’appel de La Haye a débouté l’auteure et ordonné le retour de J. J. F.-H. aux États-Unis dans les 72 heures. Elle partageait l’avis du Tribunal de district selon lequel l’auteure n’avait pas suffisamment justifié les raisons pour lesquelles le retour de J. J. F.-H. l’exposerait à un préjudice corporel ou moral. La Cour a rappelé que l’auteure vivait aux États-Unis depuis 1990, qu’elle travaillait toujours pour un employeur américain et que, même si son contrat finirait par arriver à échéance, ce n’était pas le cas pour l’instant. En outre, elle a estimé que, l’auteure étant une artiste qui vendait ses œuvres, il ne semblait pas que ses possibilités d’emploi seraient plus nombreuses ou meilleures aux Pays-Bas qu’aux États-Unis. Elle a donc rejeté l’argument selon lequel l’auteure elle-même serait soumise à une situation intolérable si elle rentrait aux États-Unis avec sa fille. En outre, elle a considéré qu’il appartenait aux tribunaux américains de se prononcer sur les demandes introduites par l’auteure concernant les modalités du droit de garde. La Cour a estimé que les allégations de l’auteure concernant les atteintes sexuelles commises par H. et sa toxicomanie ne semblaient pas fondées. Elle a retenu que J. J. F.-H. s’opposait vivement à son retour aux États-Unis parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité avec H., mais estimé que le témoignage de J. J. F.-H. ne fournissait aucun élément de nature à justifier le rejet d’une ordonnance de retour. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle ne se sentait pas en sécurité avec H., J. J. F.-H. a évoqué un seul épisode, qui s’était produit plusieurs années auparavant, affirmant qu’elle ne se souvenait plus exactement des circonstances ni des faits. Le reste du temps, elle n’a cessé de répéter qu’on ne l’écoutait pas et qu’elle ne voulait pas retourner aux États-Unis, refusant de parler d’autre chose. La Cour a conclu qu’il ne semblait pas que J. J. F.-H. ait déjà atteint un niveau de maturité qui justifierait que son opinion soit prise en considération.

Avant l’expiration du délai de 72 heures, H. a demandé à la police de trouver J. J. F.‑H. Sans mandat, des policiers ont notamment fait irruption dans la maison d’A. M. F.-A., qui a souffert par la suite de troubles cardiaques et post-traumatiques et d’anxiété sévère. A. M. F.-A. a contacté l’auteure, qui se rendait à l’aéroport avec J. J. F.‑H., pour l’informer de la perquisition. Estimant qu’il était probable que H. l’ait accusée d’être une ravisseuse d’enfants aux États-Unis (ce qu’il a confirmé par la suite), que rentrer aux États-Unis avec J. J. F.-H. lui vaudrait neuf ans de prison, que sa carte de résident permanent aux États-Unis avait expiré et que l’Institut GGNet Jeugd avait diagnostiqué à sa fille un trouble dissociatif de l’identité et des tendances suicidaires et meurtrières, l’auteure « a paniqué et pris la décision déchirante et douloureuse » de se rendre en voiture avec J. J. F.-H. dans un pays tiers. À l’étranger, les ressources de l’auteure se sont épuisées en quelques semaines, ce qui l’a poussée à retourner aux Pays-Bas avec J. J. F.-H.

Le 22 avril 2014, alors que l’auteure emmenait J. J. F.-H. à l’école, un groupe d’intervention armé composé de six policiers et de quatre agents du Conseil de la protection de l’enfance a forcé J. J. F.-H. à monter à bord d’un véhicule. J. J. F.-H. a vomi pendant le trajet vers l’aéroport, où elle a été confiée à H. Ils se sont ensuite tous deux rendus par avion aux États-Unis. L’auteure, menottée et détenue à un poste de police, n’a pas été autorisée à appeler son avocat.

Une fois l’ordre d’expulsion exécuté, le Ministre de la justice et de la sécurité a refusé de répondre aux questions des parlementaires, invoquant la nature confidentielle de la plupart des informations demandées, mais a expliqué que les Pays-Bas avaient leur propre politique (« D’abord le retour de l’enfant, ensuite le dialogue »), qui prévalait sur la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Cela étant, les autorités néerlandaises n’ont pas assuré la protection de J. J. F.-H. : après le retour de celle‑ci aux États-Unis, la garde aurait dû être retirée à H.

L’auteure a déposé une plainte auprès du Conseil de la protection de l’enfance, affirmant que les intérêts de J. J. F.-H. n’avaient pas été suffisamment pris en considération lors de l’exécution de l’ordonnance de retour aux États-Unis. Le Conseil a estimé que les allégations de l’auteure étaient sans fondement. Celle-ci a ensuite porté plainte auprès du Bureau de la Médiatrice des enfants, qui lui a expliqué que ses conclusions ne concerneraient que la manière dont l’ordonnance avait été exécutée aux Pays-Bas et n’aboutiraient pas au retour de J. J. F.-H. des États-Unis.

H. a retenu J. J. F.-H. en otage dans un lieu tenu secret en Californie. Il a exigé que l’auteure lui verse de l’argent, a menacé l’intégrité physique de l’auteure en embauchant des criminels pour qu’ils l’agressent à son domicile aux Pays-Bas et l’a empêchée d’entrer en contact avec sa fille entre le 9 mai 2015 et le 22 novembre 2016.

L’auteure a saisi la Cour supérieure du comté de Marin, en Californie, accusant notamment H. de ne pas avoir respecté l’ordonnance de visite. Le médecin de H. a par la suite révélé que ce dernier souffrait d’une condition neuro-oncologique et que neuf personnes différentes s’occupaient en fait de J. J. F.-H.

Teneur de la plainte

L’auteure affirme que les tribunaux néerlandais, le Conseil de la protection de l’enfance et l’Autorité centrale ont rejeté les allégations de sa fille selon lesquelles elle aurait été victime d’attentat à la pudeur et de violence. Ils ont fait fi de la déclaration de J. J. F.-H. dans laquelle elle décrivait la toxicomanie et les activités criminelles de H., ainsi que les aveux de celui-ci à ce sujet. H. était manifestement inapte en tant que père, mais les tribunaux et le Conseil de la protection de l’enfance lui ont donné raison, rendant donc des décisions injustes et sexistes. Ils ont lésé J. J. F.-H. et l’auteure parce qu’elles sont de sexe féminin, en violation de l’article premier de la Convention. Les tribunaux et le Conseil de la protection de l’enfance ont bafoué le droit de l’auteure et d’A.M.F.-A., mère et grand-mère de J. J. F.-H., de permettre à celle-ci d’exercer ses propres droits. Ces faits, ainsi que la détention sans fondement de l’auteure, qui n’a pas été autorisée à contacter un avocat, constituent une violation des alinéas c), d) et g) de l’article 16 de la Convention.

Les tribunaux néerlandais et l’Autorité centrale n’ont pas assuré efficacement la protection de J. J. F.-H. et de l’auteure ni n’ont pris les mesures voulues pour éviter que celles-ci soient victimes de discrimination et pour protéger la maternité de la mère. Le Conseil de la protection de l’enfance a joué le jeu du procureur en expulsant brutalement J. J. F.-H. Les tribunaux, l’Autorité centrale, le Conseil et le procureur n’ont donc pas pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant qu’était J. J. F.-H., en violation des alinéas a) à d) de l’article 2 de la Convention.

Les tribunaux néerlandais et le Conseil de la protection de l’enfance n’ont en outre pas tenu compte des éléments irréfutables mettant en évidence des faits de traite et d’exploitation sexuelle d’enfants, en violation de l’article 6 de la Convention.

En demandant que l’auteure quitte les Pays-Bas, les tribunaux néerlandais ont tenté de la rendre apatride. Les tribunaux et le Conseil de la protection de l’enfance ont restreint le droit de l’auteure et de J. J. F.-H. de circuler librement et de choisir leur résidence et leur domicile, en violation des paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 15 de la Convention. Les tribunaux leur ont également refusé l’égalité des droits en leur imposant la nationalité de H., en violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 9 de la Convention.

De plus, le droit de l’auteure d’engager une procédure sommaire pour contester l’expulsion lui ayant été refusé, J. J. F.-H. et elle-même ont été privées de l’égalité des droits sur la base, de la part des autorités, d’une action injuste et sexiste. Cette action constitue un déni du droit de J. J. F.-H. d’être protégée et une violation du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention. Elle a également restreint la liberté de J. J. F.-H. de vivre dans un environnement exempt de violence familiale, en violation des paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 15 de la Convention.

L’auteure invite le Comité à demander à l’État partie de garantir une protection immédiate à J. J. F.-H. contre les mauvais traitements, les traumatismes, les menaces et les violences de H. et d’assurer son retour aux Pays-Bas. Elle demande également une indemnisation financière pour le préjudice matériel et moral subi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Dans une note verbale datée du 30 juin 2017, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication.

L’État partie rappelle que l’auteure s’est rendue aux Pays-Bas avec J. J. F.-H. le 5 septembre 2012. À la demande de H., l’Autorité centrale des États-Unis a transmis à son équivalent néerlandais, le 19 mars 2013, une demande en vue d’organiser le retour de J. J. F.-H. aux États-Unis. Le 3 avril 2013, l’Autorité centrale des Pays-Bas a informé l’auteure de cette demande. Celle-ci a répondu qu’elle souhaitait engager une médiation avec H., mais cette procédure n’a pas abouti. Le 13 juin 2013, le Tribunal de district de La Haye a donné raison au père, approuvant sa demande visant à organiser le retour de J. J. F.-H. aux États-Unis, prévu le 25 juillet 2013. La décision a été confirmée en appel le 4 septembre 2013.

En vertu du protocole applicable relatif à la coopération en matière d’exécution des décisions de retour dans les affaires d’enlèvement international d’enfants, le procureur a décidé, à la demande de l’avocat du père, d’organiser le retour immédiat de J. J. F.-H. aux États-Unis. L’auteure aurait pu contester cette décision en engageant une procédure d’injonction provisoire, mais elle ne l’a pas fait. Le 22 avril 2014, J. J. F.-H. a été confiée à H. à l’aéroport de Schiphol. En raison de la résistance véhémente au retour qu’avait opposée l’auteure et de la nature de ses déclarations, sa fille n’a pu lui dire au revoir. J. J. F.-H. s’est calmée sur le chemin de l’aéroport et a bien réagi face à son père. H. a par la suite confirmé qu’ils étaient bien arrivés aux États-Unis.

L’auteure a par la suite pris contact avec l’ambassade des Pays-Bas à Washington et a été contactée par la Division des affaires consulaires du Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas. Elle a également informé l’ambassade et le consulat général de San Francisco (Californie) de l’affaire. Le 30 avril 2014, l’ambassade a indiqué à l’auteure que les tribunaux américains étaient compétents pour se prononcer sur les questions de tutelle concernant J. J. F.-H., puisque celle-ci résidait habituellement aux États-Unis. Le père a obtenu la garde exclusive et l’auteure, un droit de visite. Le 2 mai 2014, la Division des affaires consulaires a expliqué à l’auteure que la procédure de garde devait se dérouler aux États-Unis et qu’en vertu de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, elle pouvait introduire une demande d’ordonnance de garde internationale. L’auteure a également été invitée à prendre contact avec le Centre néerlandais de lutte contre l’enlèvement international d’enfants.

Le 6 juin 2014, à la demande de l’Institut GGNet Jeugd, l’Autorité centrale des Pays-Bas a envoyé une alerte au service de protection de l’enfance du comté de Marin en Californie. Elle lui a demandé de coopérer dans l’esprit de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Le service a répondu qu’il avait déjà fait une enquête mais qu’il était disposé à rouvrir le dossier. Le 11 septembre 2014, il a indiqué à l’Autorité centrale qu’il n’y avait aucune raison de se préoccuper pour J. J. F.-H. puis a classé le dossier. En février 2015, à la suite d’un échange de correspondance avec l’auteure, le Conseil de la protection de l’enfance des Pays-Bas a soumis des questions au service de protection de l’enfance concernant le bien-être de J. J. F.-H. et ses échanges avec l’auteure. Les réponses du service ont été transmises à l’auteure. En septembre 2015, l’Autorité centrale des Pays-Bas a soumis des questions au Service de protection de l’enfance, mais celui-ci a expliqué ne pas pouvoir y donner suite compte tenu de la nature confidentielle des informations demandées.

Dans l’intervalle, l’auteure a eu de nombreux échanges avec l’Autorité centrale des Pays-Bas et la Division des affaires consulaires du Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, faisant part de ses craintes que sa fille ait disparu. Le Ministère lui a conseillé de prendre contact avec la police du comté de Marin, lui a fourni les coordonnées des services de l’enfance et de la famille de ce comté, lui a indiqué qu’elle pouvait entamer des procédures pour obtenir la garde de sa fille ou un droit de visite aux États-Unis et l’a renvoyée vers les autorités compétentes et le Service social international aux Pays-Bas. En janvier 2017, en réponse aux préoccupations de l’auteure, le consulat général des Pays-Bas à San Francisco a contacté les services de l’enfance et de la famille du comté de Marin, qui n’ont vu aucune raison d’intervenir. En février 2017, la Division des affaires consulaires a de nouveau expliqué à l’auteure que les tribunaux américains avaient compétence pour intervenir dans cette affaire. On l’a également informée du fait qu’elle pouvait, de sa propre initiative, lancer une alerte auprès des services de protection de l’enfance. L’État partie croit savoir que l’auteure a eu des conversations supervisées par appels vidéo avec J. J. F.-H., qu’elle connaît son lieu de résidence et qu’elle avait engagé une procédure contre le père aux États-Unis pour non-respect de l’ordonnance de visite. Le 14 avril 2017, l’auteure a remis à la Division des affaires consulaires un rapport sur l’audience qui s’était déroulée au tribunal et lui a demandé d’intervenir. La Division a longuement débattu avec le consulat général de la façon dont ils pourraient entrer en contact avec J. J. F.-H. afin de faire la lumière sur son sort.

Le 1er mai 2017, l’auteure a indiqué à la Division des affaires consulaires que H. était décédé. Le lendemain, elle l’a informée qu’une audience était prévue le 4 mai 2017 aux États-Unis, à la demande de J. J. F.-H. et de son oncle paternel, qui souhaitait qu’on lui accorde la garde de celle-ci. Le 3 mai 2017, la Division a expliqué à l’auteure que les autorités néerlandaises ne pouvaient pas intervenir dans cette affaire. Le 7 mai 2017, l’auteure a indiqué à la Division que l’oncle avait obtenu la garde provisoire de J. J. F.-H.

Le 23 mai 2017, l’auteure a déposé une demande auprès de l’Autorité centrale des Pays-Bas en vue d’obtenir le retour de J. J. F.-H. Le 31 mai 2017, il a été décidé de ne pas donner suite à cette demande. L’auteure n’a pas fait appel de cette décision.

Par une lettre du 22 mars 2016, le Bureau de la Médiatrice des enfants a informé le Ministère de la justice et de la sécurité de la plainte de l’auteure concernant les mesures prises par le Conseil de la protection de l’enfance pour organiser et exécuter le renvoi de J. J. F.-H. La plainte avait été déclarée sans fondement. Par une lettre du 14 juin 2016, le Ministère de la justice et de la sécurité a apporté une réponse détaillée aux questions que lui avait adressées le Bureau de la Médiatrice des enfants. Le 17 février 2017, il a envoyé une réponse concernant le rapport du Bureau de la Médiatrice daté du 12 janvier 2017. La Médiatrice n’avait pas encore établi de rapport contenant sa décision finale.

L’État partie estime que la communication est irrecevable pour plusieurs raisons. Premièrement, elle est présentée en partie au nom de J. J. F.-H., sans que l’absence du consentement de l’intéressée soit justifiée. On ne saurait se passer du consentement d’une personne au motif que celle-ci est mineure. La communication devrait donc être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif étant donné qu’elle a été présentée au nom de J. J. F.-H.

Deuxièmement, les résultats que l’auteure espère obtenir, à savoir le rétablissement de ses contacts avec J. J. F.-H. et le retour de celle-ci aux Pays-Bas, ne relèvent pas de la compétence de l’État partie. J. J. F.-H. résidant aux États-Unis, les tribunaux américains peuvent donc se prononcer sur la situation la concernant. Il n’appartient pas aux autorités néerlandaises d’intervenir dans une procédure judiciaire engagée aux États-Unis. L’État partie a communiqué à l’auteure des informations concernant tous les recours qui étaient à sa disposition aux États-Unis, mais rien n’indique qu’elle les ait épuisés. La communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif à la Convention, les États‑Unis n’étant pas partie à cet instrument.

Troisièmement, la communication est manifestement dénuée de fondement au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, et par conséquent irrecevable, car il n’y est pas question de discrimination fondée sur le sexe. Si l’auteur avait été un homme, il n’y aurait eu aucune différence dans les mesures prises.

L’État partie est d’avis que les autorités néerlandaises ont agi avec le plus grand soin et dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas a agi dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Le Conseil de la protection de l’enfance et l’Autorité centrale des Pays-Bas ont également agi dans le cadre des pouvoirs que leur confèrent la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants et la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

Le 14 août 2017, l’auteure a noté que l’État partie n’avait pas répondu à tous ses griefs (par. 2.1 à 2.8). Celui-ci n’aborde pas non plus l’extorsion dont elle a été victime devant le Tribunal de district et la Cour d’appel de La Haye, ni les divers autres éléments discriminatoires qu’elle a signalés, ni sa politique « D’abord le retour de l’enfant, ensuite le dialogue ».

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel elle n’aurait usé d’aucun recours pour contester la décision du procureur d’organiser le retour de J. J. F.-H. aux États‑Unis, l’auteure affirme n’avoir pas été informée que H. avait demandé le retour de sa fille. Autrement, elle aurait contesté la demande.

L’auteure estime que l’État partie ne répond pas au grief selon lequel le Conseil de la protection de l’enfance aurait dû prendre connaissance de l’affaire en s’entretenant avec elle, son avocat, J. J. F.-H. et l’Institut GGNet Jeugd. Le Conseil a admis qu’il n’avait pas pris connaissance de l’affaire. Il n’a pas fait de l’intérêt supérieur de J. J. F.-H., qui était alors une enfant, une considération primordiale. S’il l’avait fait, il n’aurait pas imposé le renvoi de la fille de l’auteure aux États-Unis.

L’État partie n’explique pas si l’ordonnance de retour a été exécutée dans le respect du protocole relatif à la coopération en matière d’exécution des décisions de retour dans les affaires d’enlèvement international d’enfants, les agents du groupe d’intervention ayant brutalement attaqué l’auteure et J. J. F.-H. La scène était extrêmement impressionnante et traumatisante. Les déclarations des témoins contredisent l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteure se serait opposée physiquement au renvoi de sa fille. J. J. F.-H. a été contrainte de se soumettre à l’abus de pouvoir des autorités et n’a eu d’autre choix que d’accepter la situation. L’État partie n’a pas non plus abordé la question de l’arrestation illégale de l’auteure (voir par. 2.9).

L’auteure conteste l’affirmation selon laquelle les services de protection de l’enfance auraient mené une enquête ; ils ont simplement effectué une visite à domicile. Elle conteste également l’affirmation selon laquelle l’État partie aurait reçu une réponse de ces services, affirmant que la réponse avait en fait été envoyée par l’avocat de H. L’auteure estime que l’État partie n’a jamais pris contact avec les services d’aide à l’enfance et à la famille du comté de Marin. Elle a signalé l’enlèvement de sa fille à la police après avoir appris que J. J. F.-H. vivait avec des personnes qu’elle ne connaissait pas. Le 2 août 2017, elle a rendu visite à ces personnes mais celles-ci ont refusé de la laisser voir sa fille et ont porté plainte à la police, l’accusant d’être une ravisseuse d’enfants. La police a refusé d’enregistrer la disparition de la fille de l’auteure. Celle-ci a pris contact avec les services d’aide à l’enfance et à la famille du comté de Marin, qui l’ont informée que, puisqu’elle n’était pas résidente de la localité, ils ne pouvaient pas intervenir en son nom.

L’auteure conteste l’observation de l’État partie selon laquelle J. J. F.-H. n’aurait pas été victime d’un enlèvement d’enfant au sens de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Elle dit avoir obtenu la garde parentale exclusive, aux États-Unis et aux Pays-Bas, à la mort de H.. L’État partie refusant de lui venir en aide, elle a déposé, aux États-Unis, une « réclamation pour le retour de l’enfant ». Elle a dû se renseigner sur la législation américaine et n’a pas eu le temps de se prévaloir des voies de recours possibles contre la décision qui avait été prise de ne pas traiter la demande qu’elle avait introduite devant l’Autorité centrale des Pays-Bas.

L’auteure constate que, dans ses observations, l’État partie ne mentionne pas A.M.F.-A. qui, âgée de plus de 80 ans, a dû être témoin des souffrances atroces de sa fille et de sa petite-fille.

Concernant l’argument de l’État partie selon lequel J. J. F.-H. n’aurait pas donné son consentement pour qu’elle agisse en son nom, l’auteure fait observer qu’elle n’a eu que des conversations surveillées par appels vidéo avec J. J. F.-H. entre le 22 novembre 2016 et le 8 mai 2017, et que, selon les règles du tribunal supérieur du comté de Marin régissant les visites surveillées, aucune question juridique ne pouvait être évoquée durant ces appels. Le 7 août 2017, le tribunal des successions du comté de Marin a confié la tutelle conjointe de J. J. F.‑H. à son oncle paternel et à E., une femme avec laquelle J. J. F.-H. vivait après le décès de H., ordonnant que les contacts avec l’auteure ne puissent être initiés qu’à la demande de J. J. F.-H.

En ce qui concerne le défaut de compétence des tribunaux néerlandais compte tenu de la résidence de J. J. F.-H. aux États-Unis, l’auteure avance que sa fille est de nationalité néerlandaise et que l’État de Californie ne peut retenir un ressortissant néerlandais lorsque son seul parent, qui en a la garde, réside aux Pays-Bas.

Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel elle n’aurait pas épuisé tous les recours qui lui étaient ouverts aux États-Unis, l’auteure fait observer que sa communication concerne les Pays-Bas. Elle déclare avoir épuisé tous les recours dont elle pouvait se prévaloir dans ce pays.

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la communication ne met pas en évidence de discrimination fondée sur le sexe, l’auteure affirme qu’elle connaît d’innombrables mères ayant subi la même cruauté de la part de l’État partie concernant leurs enfants néerlandais retenus aux États-Unis, mais aucun père. L’État partie a privilégié de manière flagrante les intérêts du père américain au détriment des droits de l’auteure en tant que mère.

L’auteure conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle aurait demandé aux autorités néerlandaises d’intervenir dans la procédure de tutelle se déroulant aux États‑Unis. Elle a en réalité demandé aux autorités néerlandaises de revendiquer leur compétence à l’égard de J. J. F.-H., qui n’avait plus de tuteur depuis le décès de H. Une fois H. décédé, la garde exclusive de J. J. F.-H. revenait en effet à l’auteure en vertu des droits néerlandais et américain. C’est donc à tort que l’État partie a invoqué l’argument de la résidence habituelle de J. J. F.-H. Le droit américain aurait permis l’intervention des autorités néerlandaises. Toutefois, celles-ci ont fait fi de toutes les demandes de l’auteure, et c’est l’oncle paternel de J. J. F.-H. qui a obtenu sa garde provisoire. Cependant, il l’a abandonnée avec E., lequel lui a fait subir des violences en l’amenant à ressentir une peur extrême à l’égard de l’auteure. Celle-ci demande à l’État partie de lui procurer un avocat bénévole aux États-Unis de sorte qu’elle puisse plaider sa cause devant la cour fédérale.

Observations de l’État partie sur le fond

Par une note verbale datée du 16 février 2018, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il note tout d’abord que les tribunaux américains ont accordé la garde exclusive à H. L’avocat qui a rédigé un avis juridique corroborant les dires de l’auteure selon lesquels elle avait la garde exclusive après le décès de H. n’était pas au courant de cette décision lorsqu’il a rendu son avis, qu’il a retiré pour cette raison le 26 mai 2017. L’État partie considère que J. J. F.-H. ne vit pas illégalement avec son oncle et E., étant donné que la tutelle conjointe leur a été accordée par un tribunal.

L’État partie rappelle que la demande de renvoi de J. J. F.-H. aux États-Unis a été faite en vertu de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, qui, avec la loi sur l’exécution des décisions rendues dans les affaires d’enlèvement international d’enfants, constitue le cadre juridique applicable. L’article premier de la Convention dispose que le retour immédiat de l’enfant déplacé ou retenu illicitement dans un État contractant est considéré comme étant dans l’intérêt supérieur de celui-ci. La Cour d’appel de La Haye est la plus haute juridiction compétente pour statuer sur les affaires relatives à la Convention ; la cassation n’est possible que dans l’intérêt d’une application uniforme de la loi. Si un parent ravisseur refuse de coopérer pour organiser le retour de son enfant, l’autre parent peut invoquer le protocole relatif à la coopération en matière d’exécution des décisions de retour dans les affaires d’enlèvement international d’enfants par l’intermédiaire du procureur chargé de l’exécution de la décision, conjointement avec le Conseil de la protection de l’enfance et la police.

En ce qui concerne l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle ne disposait d’aucun recours pour contester le retour de sa fille aux États-Unis, l’État partie fait observer qu’elle aurait pu contester la décision du procureur d’exécuter l’ordonnance de retour mais qu’elle ne l’a pas fait. Elle aurait également pu accompagner sa fille aux États-Unis, mais elle ne s’y est rendue que le 2 août 2017. L’État partie n’a à sa disposition aucun élément attestant l’exactitude des propos de l’auteure, qui affirme qu’elle aurait été arrêtée si elle s’était rendue aux États-Unis.

L’État partie souligne que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes vise à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et qu’il n’est pas question, dans la communication, de discrimination fondée sur le sexe. L’État partie réaffirme qu’il n’y aurait eu aucune différence dans les mesures prises si l’auteure avait été un homme. L’auteure n’étaye pas suffisamment les griefs qu’elle tire des articles qu’elle invoque.

Les tribunaux néerlandais ont statué conformément à la législation nationale et au droit international applicables et conclu que l’auteure retenait J. J. F.-H. de façon illicite aux Pays-Bas. En ce qui concerne l’allégation de l’auteure selon laquelle le retour forcé aurait été exécuté de manière inappropriée, l’État partie soutient que c’est en raison du refus de l’auteure de coopérer que l’ordonnance de retour a dû être exécutée. Bien qu’il ait été émotionnellement pénible pour l’auteure, le retour a été effectué avec le soin voulu et dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’État partie indique que les procédures de retour forcé sont rares aux Pays-Bas et que l’issue de chaque procédure dépend dans une large mesure de l’attitude des parents.

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle les autorités n’auraient pas pris les mesures voulues pour assurer la sécurité de J. J. F.-H. aux États-Unis, l’État partie fait observer que les décisions concernant la garde et les arrangements relatifs à l’enfant sont prises par les tribunaux du pays où l’enfant réside habituellement. Les autorités néerlandaises ont continué de conseiller l’auteure et de lui communiquer des informations sur la manière dont elle pouvait défendre ses intérêts concernant J. J. F.‑H. devant les tribunaux américains après l’exécution de l’ordonnance de retour. Elles sont allées au-delà de leur obligation légale en répondant toujours avec le plus grand soin aux nombreux courriers de l’auteure.

L’État partie réaffirme que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 et du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, et que ses actes n’ont nullement conduit à une violation de la Convention.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant le fond

Le 7 mai 2018, l’auteure a soumis ses commentaires, affirmant que l’État partie n’avait pas tenu compte de la réponse qu’elle avait fait tenir à l’avocat qui avait rendu un avis juridique concernant son droit de garde. Dans cette réponse, l’auteure expliquait qu’aucun tribunal américain n’avait statué sur la garde de J. J. F.-H. Elle affirme avoir été sous la contrainte en 2014, lorsqu’elle a accepté, dans le cadre du règlement supervisé par la justice, que H. se voie accorder la garde exclusive de sa fille. L’État partie n’a pas fait valoir sa compétence à l’égard de J. J. F.-H. après le décès de H. Au moment de la présentation de ses observations, l’auteure avait saisi la Cour d’appel californienne du premier district d’un recours contre la décision de tutelle et l’affaire était en instance. Elle conteste l’allusion de l’État partie selon laquelle elle aurait pu se pourvoir en cassation. Elle affirme que le Conseil de la protection de l’enfance n’a jamais examiné les conclusions de l’Institut GGNet Jeugd, ce qui lui aurait permis de constater que H. était un toxicomane dont il a été attesté qu’il avait fait subir des violences à J. J. F.-H. Elle conteste l’argument de l’État partie selon lequel la résidence habituelle de J. J. F.-H. se trouverait aux États‑Unis et fait observer que, de septembre 2012 à avril 2014, celle-ci était enregistrée en tant que résidente néerlandaise.

L’auteure fait observer que E. a fait en sorte qu’elle et sa fille n’aient plus aucun contact depuis le 8 mai 2017. L’État partie n’a pas tenu compte du fait que J. J. F.-H. avait été déplacée de foyer en foyer pendant des mois, étant prise en charge par neuf personnes différentes, dont des hommes inconnus. D’après les échanges que l’auteure a eus auparavant avec J. J. F.-H., il semblerait que celle-ci continue de souffrir de troubles et de traumatismes psychologiques ou psychiatriques. Aucune information concernant J. J. F.‑H. n’est communiquée par l’État partie ni par qui que ce soit d’autre. Les contenus que celle-ci publie sur les médias sociaux portent à croire qu’elle consomme des drogues et qu’elle est gravement déprimée.

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel elle n’aurait pas contesté la décision du procureur de faire exécuter l’ordonnance de renvoi de J. J. F.‑H. aux États‑Unis, l’auteure affirme que ni elle ni son avocat n’avaient été informés par celui-ci de cette décision ni de la demande de H. à cet effet.

L’auteure admet qu’il n’existait aucun élément permettant de démontrer qu’elle serait effectivement arrêtée sur le territoire américain, mais il n’existe aucune preuve du contraire non plus. Étant victime de faits de violence familiale commis par H., lequel s’était associé à des criminels pour la menacer aux Pays-Bas, elle n’a pas tenté de se rendre aux États-Unis avant le décès de celui-ci.

L’auteure soutient que les arguments de l’État partie sont fondés sur des faits et des documents inexacts et sur une méconnaissance de ses propres arguments. L’État partie n’a pas assuré son bien-être et ne l’a pas aidée à obtenir le retour de sa fille aux Pays-Bas. Défendre ses droits sans l’assistance d’un avocat ni de l’État partie est devenu une occupation à plein temps pour l’auteure, une situation qui continue de la traumatiser. L’État partie doit mettre un avocat à sa disposition aux États-Unis.

Observations complémentaires de l’État partie

Par une note verbale datée du 4 juillet 2018, l’État partie a présenté une copie du rapport final du Bureau de la Médiatrice des enfants, daté du 13 juin 2018 et établi à l’issue de l’examen du dossier de l’auteure. La Médiatrice a conclu que la plainte de l’auteure, examinée à la lumière de la Convention relative aux droits de l’enfant, n’était pas fondée.

Délibérations du Comité

Le Comité doit, conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable étant donné qu’elle a été soumise au nom de J. J. F.‑H. sans le consentement de celle-ci. Il fait observer que, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif, les communications présentées au nom d’autres personnes doivent l’être avec leur consentement, à moins que l’auteure puisse justifier sa décision d’agir sans ce consentement. Le Comité note que l’auteure dit n’avoir eu, entre le 22 novembre 2016 et le 8 mai 2017, que des contacts supervisés avec J. J. F.‑H. et que les règles régissant le droit de visite ne lui ont pas permis d’évoquer des questions juridiques. Par la suite, la Cour supérieure du comté de Marin a ordonné à l’auteure de ne pas contacter J. J. F.-H. Ces affirmations n’ont pas été réfutées par l’État partie. En conséquence, dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que l’absence de consentement de J. J. F.-H. ne l’empêche pas d’examiner la communication.

Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les résultats que l’auteure espère obtenir, à savoir le rétablissement de ses contacts avec J. J. F.-H. et le retour de celle-ci aux Pays-Bas, ne relèvent pas de la compétence des tribunaux néerlandais, étant donné que J. J. F.-H. réside aux États-Unis. Il note que l’État partie affirme qu’il n’appartient pas aux tribunaux nationaux d’intervenir dans des procédures judiciaires engagées aux États-Unis et que l’auteure devrait chercher à obtenir réparation dans ce pays. Il fait observer que l’auteure a déposé une communication contre l’État partie, dont la substance concerne principalement le comportement et les décisions des autorités néerlandaises. Le Comité considère donc que la résidence de J. J. F.‑H. aux États-Unis ne l’empêche pas de déterminer si tous les recours internes disponibles ont été épuisés dans l’État partie, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

Le Comité note que, dans un courriel adressé au Ministère néerlandais des affaires étrangères le 9 septembre 2015, l’auteure affirme que la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants est principalement préjudiciable aux femmes. Toutefois, au regard des éléments versés au dossier, rien ne permet d’affirmer que l’auteure a saisi les tribunaux néerlandais ou d’autres autorités pour obtenir réparation d’une discrimination fondée sur le sexe dont elle aurait été victime. Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que les auteurs des communications présentées au titre du Protocole facultatif doivent avoir effectivement soulevé au plan interne le grief qu’ils souhaitent soumettre au Comité, afin que les autorités ou les juridictions internes aient la possibilité de se prononcer sur ce grief. Le Comité indique que l’auteure n’a pas avancé d’argument justifiant qu’elle soit dispensée de l’obligation d’épuiser les recours internes ou démontrant que les recours qui lui étaient ouverts aux Pays-Bas auraient donné lieu à des procédures excédant des délais raisonnables ou n’auraient pas pu lui permettre d’obtenir une réparation effective. Le Comité rappelle que de simples doutes quant à l’utilité des recours ne dispensent pas de l’obligation de les épuiser. Compte tenu de ces considérations, et en l’absence de toute autre information utile dans le dossier, le Comité déclare la présente communication irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, pour non-épuisement des recours internes.

Le Comité note également que l’État partie conteste la recevabilité de la communication en ce qu’il la juge manifestement dénuée de fondement au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif. L’État partie soutient, en particulier, que la communication ne porte pas sur des faits de discrimination sexiste, et que les autorités de l’État partie n’auraient pas agi différemment si l’auteure avait été un homme.

Le Comité note que l’auteure dit avoir uniquement connaissance de cas de mères, et non de pères, ayant été, comme elle, désavantagées par le traitement dont elles avaient fait l’objet de la part de l’État partie concernant leurs enfants néerlandais retenus aux États‑Unis. Il note, en outre, que, d’après l’auteure, les tribunaux de l’État partie, le Conseil de la protection de l’enfance et l’Autorité centrale ont rendu des décisions injustes et sexistes les lésant, elle et sa fille, au motif qu’elles étaient de sexe féminin. L’auteure affirme également que les tribunaux et le Conseil de la protection de l’enfance n’ont pas tenu compte des éléments mettant en évidence des faits de traite et d’exploitation sexuelle d’enfants et n’ont pas protégé la maternité de l’auteure et son droit, ainsi que celui d’A. M.F.-A., en tant que mère et grand-mère, respectivement, de permettre à J. J. F.-H. d’exercer ses propres droits. L’auteure affirme en outre que les tribunaux et les autorités de l’État partie l’ont privée de son droit d’engager une procédure sommaire et, partant, de l’égalité des droits, sur la base d’une action injuste et sexiste. Elle soutient également que les juridictions et les autorités néerlandaises ont tenté de la rendre apatride et de lui imposer, ainsi qu’à J. J. F.-H., la nationalité de H., et qu’elles ont restreint leur liberté de circulation et leur droit de ne pas être victimes de violence familiale.

Le Comité rappelle qu’au sens de l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la discrimination à l’égard des femmes s’entend de « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes […] des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Il rappelle également qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties à la Convention d’évaluer les faits et les éléments de preuve ou l’application de la législation interne dans un cas particulier, sauf s’il peut être établi que l’évaluation était partiale ou fondée sur des stéréotypes sexistes préjudiciables constituant une discrimination à l’égard des femmes, qu’elle a été manifestement arbitraire ou qu’elle a constitué un déni de justice. Le Comité note que la validité des décisions et du comportement des autorités de l’État partie a été confirmée en appel et que les éléments versés au dossier ne permettent pas de démontrer que les analyses effectuées par les autorités ont présenté les irrégularités précitées. Il note également que l’argument de l’auteure selon lequel l’application par l’État partie de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement internationald’enfants pénalise davantage les mères ne permet pas de conclure que les décisions et le comportement de l’État partie à l’égard de l’auteure impliquaient des distinctions, une exclusion ou des restrictions fondées sur le sexe. Par conséquent, et en l’absence de toute autre information utile dans le dossier, le Comité déclare la communication irrecevable au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.

En conséquence, le Comité décide que :

a)La communication est irrecevable au regard des paragraphe 1 et 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.