Observations finales concernant le neuvième rapport périodique de la Fédération de Russie *

Le Comité a examiné le neuvième rapport périodique de la Fédération de Russie (CEDAW/C/RUS/9) à ses 1834e et 1836e séances (voir CEDAW/C/SR.1834 et CEDAW/C/SR.1836), qui se sont tenues les 2 et 3 novembre 2021. La liste de questions et de points établie par le groupe de travail d’avant-session figure dans le document CEDAW/C/RUS/Q/9 et les réponses de la Fédération de Russie dans le document CEDAW/C/RUS/RQ/9.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le neuvième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/RUS/CO/8/Add.1 et CEDAW/C/RUS/CO/8/Add.1/Corr.1) et de ses réponses écrites à la liste de points soulevés par le groupe de travail d’avant-session. Il remercie l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours du dialogue.

Le Comité félicite la délégation de haut niveau de l’État partie, qui était dirigée par Andrei Pudov, secrétaire d’État et vice-ministre du travail et de la protection sociale, et comprenait des représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’intérieur, du Ministère des sciences et de l’enseignement supérieur, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de la justice, du bureau du Procureur général, de la commission d’enquête, des services statistiques fédéraux, de l’agence fédérale des affaires ethniques, des services pénitentiaires fédéraux et de la mission permanente de la Fédération de Russie auprès de l’Office des Nations unies et des autres organisations internationales à Genève.

* Adopté par le Comité à sa quatre-vingtième session ( 18 octobre au 12 novembre 2021 ).

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2015 du précédent rapport périodique de l’État partie en ce qui concerne les réformes législatives, en particulier l’adoption de ce qui suit :

a)Le décret présidentiel no 274 du 18 avril 2020 et le décret présidentiel no 364 du 15 juin 2021, qui mettent en place des garanties pour les réfugiés et les demandeurs d’asile pendant la pandémie de COVID-19 ;

b)Les modifications de la loi fédérale sur la citoyenneté et de la loi fédérale sur le statut juridique des ressortissants étrangers, du cadre législatif concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile, qui prévoient la délivrance de permis de séjour temporaires.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La stratégie nationale d’action en faveur des femmes pour la période 2017‑2022, qui vise à donner des moyens d’action aux femmes et à les faire progresser, et la création du conseil de coordination chargé de veiller à sa mise en œuvre ;

b)Le projet national « Santé publique » (2019), qui vise à réduire les taux de mortalité et à renforcer l’accès des femmes aux services de santé.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l ’ égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme 2030 . Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement (Assemblée fédérale)

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée fédérale (Douma d ’ État et Conseil de la fédération), dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre de la Convention, de son protocole facultatifet des recommandations générales du Comité

Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie pour diffuser la Convention. Néanmoins, il est préoccupé par les disparités qui subsistent entre les différentes régions concernant son application. Il note également avec inquiétude que les pouvoirs publics, y compris les magistrats, les procureurs et les agents des forces de l’ordre, ont une connaissance limitée des droits des femmes et de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en vertu de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité, et que les femmes elles‑mêmes, en particulier les femmes rurales, sont peu sensibilisées à ces questions, ce qui les empêche de faire valoir les droits que leur accorde la Convention ou d’avoir recours aux procédures de communication ou d’enquête prévues dans le Protocole facultatif.

Le Comité recommande ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 8 ) à nouveau à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer la diffusion de la Convention, du Protocole facultatif s ’ y rapportant et des recommandations générales du Comité dans l ’ ensemble de ses régions  ;

b) De sensibiliser les femmes, en particulier les femmes rurales et celles vivant dans des zones éloignées, les femmes appartenant à des groupes défavorisés et les défenseuses des droits humains, aux droits que leur accorde la Convention et aux procédures disponibles en vertu du Protocole facultatif pour dénoncer les violations de leurs droits  ;

c) D ’ intégrer la Convention dans les cadres législatifs fédéraux et régionaux , ainsi que d ’ élaborer et de mettre en œuvre, pour les magistrats, les procureurs, la police et les autres responsables de l ’ application des lois aux niveaux fédéral et régional, des programmes systématiques de renforcement des capacités en matière de droits des femmes et d ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes en vertu de la Convention, de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes et des lois discriminatoires

Le Comité note que l’article 5.62 du Code des infractions administratives et l’article 136 du Code pénal interdisent la discrimination fondée sur le sexe. Néanmoins, il est préoccupé par l’absence de mesures prises pour adopter une définition complète de la discrimination, couvrant la discrimination directe et indirecte, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, ainsi que les formes de discrimination croisée ;

Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 10 ) invitant l ’ État partie à adopter, selon un calendrier précis, un ensemble de lois interdisant la discrimination à l ’ égard des femmes et qui englobe la discrimination directe et indirecte, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, ainsi que les formes de discrimination croisées, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention, et la recommandation générale n o 28 ( 2010 ) sur les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention et de la cible 5 . 1 des objectifs de développement durable visant à mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles.

Accès des femmes à la justice

Le Comité prend note des informations sur la protection juridique dans le cadre légal national. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence d’informations sur le nombre d’affaires judiciaires relatives à la discrimination à l’égard des femmes et le faible nombre de plaintes de femmes reçues par le Haut-Commissariat aux droits de la personne de la Fédération de Russie (environ 400 en 2018) ;

b)Les obstacles auxquels se heurtent les femmes pour accéder à la justice, tels que la partialité du système judiciaire et les stéréotypes discriminatoires chez les juges, les procureurs, les membres des forces de l’ordre et les avocats envers les femmes qui signalent une violation de leurs droits, en particulier les femmes appartenant à des groupes défavorisés, notamment dans les zones rurales.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 ( 2015 ) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer un dispositif complet d ’ aide juridictionnelle pour les femmes aux niveaux fédéral et régional, avec des ressources durables et suffisantes, y compris un aménagement procédural, ciblant particulièrement les femmes rurales et les femmes appartenant à des groupes défavorisés tels que les femmes autochtones et tribales, les femmes appartenant à des groupes minoritaires, les femmes en détention, les journalistes et les femmes handicapées  ;

b) D ’ éliminer la stigmatisation des femmes et des filles qui déposent une plainte pour violation de leurs droits en sensibilisant davantage le grand public et en diffusant des informations sur les recours dont disposent les femmes pour dénoncer les violations de leurs droits, notamment dans les zones rurales et éloignées  ;

c) De proposer des activités systématiques et obligatoires de renforcement des capacités pour les juges, les procureurs, les avocats, les officiers de police et autres responsables des forces de l ’ ordre en matière de droits des femmes et d ’ égalité des genres, et de garantir un environnement favorable, dans lequel les femmes se sentent en sécurité pour signaler les violations de leurs droits sans craindre d ’ être à nouveau malmenées lors de leurs interactions avec le système judiciaire et les autorités chargées de l ’ application de la loi.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de l’adoption de la stratégie nationale d’action en faveur des femmes pour la période 2017-2022 et du plan d’action correspondant, ainsi que de la création, au sein du Gouvernement, d’un conseil de coordination des droits des femmes chargé de mettre en œuvre la stratégie et composé du vice-premier ministre, de membres du Conseil de la fédération et de la Douma d’État, de hauts fonctionnaires régionaux et de représentants de la société civile. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Le manque d’informations sur la mise en œuvre de la stratégie nationale aux niveaux régional et local, et l’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation de l’impact de cette mise en œuvre ;

b)L’absence de budgétisation tenant compte des questions de genre dans la stratégie nationale et son plan d’action ;

c)Les retards dans l’adoption du projet de loi sur l’égalité des genres et l’absence, dans l’État partie, d’un mécanisme gouvernemental distinct et exclusivement responsable des politiques en faveur de l’égalité des genres et de la mise en œuvre de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ intégrer une approche axée sur les résultats, y compris des indicateurs et des objectifs spécifiques, dans la stratégie nationale d ’ action en faveur des femmes pour la période 2017-2022 et d ’ introduire un mécanisme de suivi et des études d ’ impact régulières de la stratégie nationale pour évaluer son efficacité aux niveaux fédéral et régional, avec la participation effective des organisations de la société civile  ;

b) De mettre en place une budgétisation sensible au genre et de prévoir des crédits particuliers pour l ’ application de politiques, de stratégies et de programmes relatifs à la promotion de la femme dans l ’ ensemble de l ’ État partie  ;

c) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur l ’ égalité des genres et de créer un organisme central pour les droits des femmes, de le doter d ’ un mandat clair, de ressources financières suffisantes et pérennes et d ’ un personnel possédant les capacités techniques nécessaires pour lui permettre de mettre en œuvre des programmes et des projets visant à promouvoir l ’ égalité des genres et la promotion des femmes.

Institution nationale des droits humains

Le Comité prend note avec satisfaction de la création, au sein du Haut-Commissariat aux droits de la personne de la Fédération de Russie, d’un service distinct chargé de la protection des droits des femmes, des familles et des enfants, ainsi que des centres régionaux d’aide juridictionnelle et de l’action de proximité menée par les commissariats régionaux aux droits de la personne auprès des femmes vivant dans des zones rurales et éloignées. Le Comité prend note de l’examen d’un projet de loi fédérale visant à renforcer le Haut-Commissariat aux droits de la personne de la Fédération de Russie. Le Comité est néanmoins préoccupé par le processus de sélection et de nomination, le mandat limité du Haut-Commissariat aux droits de la personne et le faible engagement auprès des organisations de la société civile, notamment les organisations de femmes et les défenseuses des droits humains.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi fédérale sur le mandat et les activités du Haut-Commissariat aux droits de la personne de la Fédération de Russie, de garantir son indépendance conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) et d ’ élargir son mandat de manière à ce qu ’ il couvre la lutte contre les violations des droits humains, notamment celles commises contre les femmes, qui résultent d ’ actes et d ’ omissions d ’ entités privées, le suivi de la mise en œuvre de ses recommandations, la publication de ses rapports, études et communiqués de presse, le renforcement de ses relations et de sa coopération avec les organisations de la société civile, y compris les organisations de femmes et les défenseuses des droits humains, et le suivi de la mise en œuvre de la Convention conformément aux recommandations de l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme. Le Comité recommande également à l ’ État partie de développer les activités des commissaires régionaux aux droits de la personne et leurs déplacements dans les zones rurales et éloignées.

Organisations non gouvernementales et défenseuses des droits humains

Le Comité note avec préoccupation les restrictions qui pèsent sur l’activité des organisations non gouvernementales et la suspension ou la fermeture de plusieurs de ces organisations qui œuvrent en faveur des droits des femmes et de l’égalité des genres, en vertu de la loi fédérale no 121-FZ sur les organisations non commerciales, au motif qu’elles sont des « agents étrangers » parce qu’elles reçoivent des fonds étrangers et mènent des « activités politiques ». Le Comité note également avec inquiétude qu’en conséquence, de nombreuses organisations qualifiées « d’agents étrangers » ont été contraintes de réduire ou d’interrompre le soutien apporté aux victimes de violences fondées sur le genre. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état de harcèlement, de menaces et d’agressions commises par les forces de l’ordre à l’encontre de défenseuses des droits humains et de militantes écologistes et autochtones.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 16 ) engageant l ’ État partie à réviser les dispositions législatives imposant aux organisations non commerciales qui reçoivent des fonds de l ’ étranger de s ’ enregistrer comme « agents étrangers » et à assurer un climat dans lequel les associations de femmes et les organisations non gouvernementales œuvrant en faveur des droits des femmes et de l ’ égalité des genres puissent mener leurs activités et lever des fonds librement. Il recommande également à l ’ État partie de garantir le plein respect des droits des défenseuses des droits humains à la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association pacifiques, de s ’ abstenir de toutes représailles à leur encontre, et de veiller à ce qu ’ elles aient un accès effectif à la justice et soient protégées contre le harcèlement, l ’ intimidation, les représailles et la violence.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que la nature des mesures temporaires spéciales et l’importance de celles-ci pour accélérer la réalisation d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes sont mal comprises dans l’État partie, y compris les quotas réglementaires, dans les secteurs public ou privé, en particulier pour les femmes rurales et les femmes et les filles confrontées à des formes de discrimination croisées telles que les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes minoritaires et les femmes autochtones et tribales.

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 ( 2004 ) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter et d ’ appliquer des mesures temporaires spéciales et de se fixer des objectifs assortis de délais en vue d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines dans lesquels les femmes continuent d ’ être défavorisées ou sous-représentées, y compris les sphères politique et publique, et l ’ emploi  ;

b) De mener, aux niveaux fédéral et régional, des programmes de renforcement des capacités à l ’ intention des législateurs, des décideurs, des autres agents publics et des employeurs des secteurs public et privé sur le caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales et leur importance pour ce qui est de réaliser l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines relevant de la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.

Stéréotypes discriminatoires

Le Comité prend note de la mise en œuvre, dans l’État partie, de projets visant à mettre en lumière, dans les médias, les réussites des femmes dans divers domaines. Il note toutefois avec préoccupation :

a)La persistance des attitudes patriarcales et des stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, considérant les femmes essentiellement comme des mères et des pourvoyeuses de soins et se concentrant uniquement sur les valeurs familiales traditionnelles, qui continuent d’entraver les progrès en matière d’égalité des genres ;

b)L’absence d’une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires liés au genre et les attitudes patriarcales, notamment au sein de l’appareil judiciaire ;

c)L’absence d’un mécanisme de réglementation visant à lutter contre les représentations stéréotypées et discriminatoires des femmes dans les médias, notamment en ce qui concerne les lesbiennes, les bisexuelles, les femmes transgenres, et les intersexes.

23. Le Comité rappelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 20 ) et recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre en place une stratégie globale prévoyant des mesures volontaristes et durables visant les femmes et les hommes à tous les échelons de la société, y compris les dignitaires religieux, ainsi qu ’ un mécanisme pour en suivre l ’ application en vue d ’ éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société  ;

b) De renforcer ses efforts pour sensibiliser les médias à la nécessité d ’ éliminer les stéréotypes sexistes et à l ’ importance d ’ une représentation positive des femmes comme force motrice du changement, et de mettre en œuvre des programmes de renforcement des capacités pour les juges et les services de police  ;

c) De s ’ attaquer à l ’ utilisation d ’ un langage misogyne, aux discours de haine à l ’ encontre des lesbiennes, des bisexuelles, des femmes transgenres et des intersexes, ainsi qu ’ aux représentations sexistes des femmes dans les discours publics, les médias et sur Internet.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note des informations fournies par la délégation au cours du dialogue concernant les mesures prises pour modifier le Code pénal afin qu’une action pénale puisse être engagée à la requête du Ministère public contre les actes de violence fondée sur le genre, et les efforts en cours pour modifier l’article 116 du Code afin d’ériger à nouveau les coups et blessures en infraction. Toutefois, il note avec préoccupation ce qui suit :

a)La définition étroite du viol et des infractions sexuelles dans le Code pénal, qui exige l’usage de la contrainte et l’usage de la violence ou la menace de recourir à la violence ou l’abus de la « situation de faiblesse de la victime », et le fait que le viol conjugal ne soit pas érigé en infraction ;

b)L’exemption de responsabilité pénale pour l’auteur d’atteinte sexuelle sur mineur lorsque celui-ci épouse la victime (article 134 du Code pénal) ;

c)En vertu du paragraphe 3) de l’article 20 du Code de procédure pénale, la citation directe, qui s’effectue à l’initiative de la victime continue de s’appliquer à la violence fondée sur le genre, obligeant les victimes à se constituer partie civile, à convoquer et à interroger des témoins, à présenter des preuves, à être constamment présentes et en permanence directement confrontées à l’auteur des faits lors des audiences, faute de quoi l’affaire risquerait d’être classée ;

d)L’absence d’un système de protection des victimes ;

e)L’introduction, par le biais de la modification du Code pénal en décembre 2020, de sanctions plus sévères en cas de diffamation, applicables lorsque les victimes portent des accusations de crime contre leur intégrité et leur liberté sexuelle, ce qui empêche les victimes de violences sexuelles d’accéder à la justice par crainte d’être poursuivies ;

f)L’absence d’une législation complète visant à prévenir et à éliminer la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et l’absence d’une définition de la violence domestique ;

g)La modification de l’article 116 du Code pénal en février 2017, dépénalisant les coups et blessures non aggravés contre les membres de la famille ou du ménage et les reclassant en infraction administrative ;

h)La forte prévalence du féminicide, de la violence domestique, de l’enlèvement, des mutilations génitales féminines et d’autres formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, ainsi que le manque de refuges et de services de soutien aux victimes, notamment dans les zones rurales et éloignées.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 ( 2017 ) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , et ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 22 ), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier les articles 131 à 134 du Code pénal afin d ’ abroger l ’ exemption de responsabilité pénale pour l ’ auteur d ’ atteinte sexuelle sur mineur lorsque ce dernier épouse la victime, de veiller à ce que les définitions du viol et des infractions sexuelles soient explicitement fondées sur l ’ absence de libre consentement et tiennent compte des circonstances coercitives, et d ’ ériger expressément le viol conjugal en infraction  ;

b) De modifier l ’ article 20 du Code de procédure pénale afin d ’ abolir le système de poursuites à la diligence de la victime dans les cas de violence de genre, y compris de violence domestique, qui fait peser la charge de la preuve entièrement sur les victimes, et d ’ introduire des poursuites à la diligence du ministère public afin de garantir l ’ égalité des moyens dans les procès pénaux  ;

c) D ’ adopter une législation complète pour prévenir et combattre la violence domestique, d ’ élaborer un plan d ’ action national sur la violence domestique et de modifier le Code pénal afin d ’ ériger en infraction toutes les formes de violence domestique, notamment physique, sexuelle, économique et psychologique  ;

d) De veiller à ce que tous les cas de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre fassent l ’ objet d ’ une enquête rapide et approfondie et que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés  ;

e) De veiller à ce que les victimes de violences de genre aient accès à une aide juridique, gratuite si nécessaire, ainsi qu ’ à un hébergement adéquat, à des ordonnances de protection et à des services de soutien aux victimes, et d ’ assurer un financement adéquat aux organisations de la société civile qui fournissent ces services  ;

f) De ratifier la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et la violence domestique (Convention d ’ Istanbul)  ;

g) D ’ accélérer la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité dans ses constatations concernant les affaires X et Y c. Fédération de Russie ( CEDAW/C/73/D/100/2016 ), O.G. c. Fédération de Russie ( CEDAW/C/68/D/91/2015 ) et S.T. c. Fédération de Russie ( CEDAW/C/72/D/65/2014 ).

Pratiques néfastes à l’égard des femmes dans la région du Caucase du Nord

Le Comité est profondément préoccupé par la prévalence de pratiques néfastes à l’encontre des femmes et des filles dans la région du Caucase du Nord, notamment le féminicide, les meurtres commis au nom de l’honneur, le mariage d’enfants, le mariage forcé, l’enlèvement de femmes et de filles en vue d’un mariage forcé et les mutilations génitales féminines. Il note avec inquiétude l’absence de mise en œuvre effective de la législation fédérale relative aux enquêtes, aux poursuites et aux sanctions concernant ces crimes contre les femmes dans la région.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 24 ) et recommande à l ’ État partie  :

a) De mener des campagnes d ’ éducation et de sensibilisation ciblant les communautés, les décideurs politiques et les chefs religieux et de prévoir un renforcement des capacités, une éducation et une formation obligatoires, systématiques et efficaces pour les juges, les procureurs, la police et les autres responsables de l ’ application des lois sur la stricte application des dispositions pénales interdisant les pratiques néfastes à l ’ encontre des femmes et des filles, telles que le féminicide, les meurtres commis au nom de l ’ honneur, le mariage d ’ enfants, le mariage forcé, l ’ enlèvement de femmes et de filles pour un mariage forcé et les mutilations génitales féminines  ;

b) D ’ adopter une législation érigeant expressément les mutilations génitales féminines en infraction  ;

c) D ’ élaborer et d ’ adopter des procédures et des protocoles normalisés sur les enquêtes et les méthodes d ’ investigation tenant compte des questions de genre et de garantir l ’ efficacité des enquêtes, des poursuites et des sanctions à l ’ encontre des auteurs de pratiques néfastes  ;

d) De veiller à ce que les victimes de pratiques néfastes aient accès à la justice, y compris à une aide judiciaire gratuite si nécessaire, à des réparations et à la réadaptation, y compris à un soutien social, médical et psychologique.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note des séminaires organisés par l’État partie qui permettent de mettre en commun les expériences acquises dans le cadre de la lutte contre la traite des femmes et des filles et la protection des victimes, ainsi que la coopération aux niveaux régional et international. Il est néanmoins préoccupé par :

a)L’absence d’un plan d’action national sur la traite et d’une entité de coordination au niveau fédéral ;

b)L’absence d’un système d’identification précoce et d’orientation des femmes et des filles victimes de la traite vers les services appropriés ;

c)Le manque de refuges et de services médicaux, sociaux et juridiques, ainsi que de programmes de réadaptation et de réintégration pour les victimes de la traite, qui sont financés de manière adéquate ;

d)Les rapports faisant état de violences fondées sur le genre et de discrimination à l’encontre des femmes qui se prostituent, notamment de harcèlement, de menaces, d’intimidations, de passages à tabac et de viols, et l’absence de programmes de sortie et de réinsertion pour les femmes qui souhaitent abandonner la prostitution.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer et d ’ adopter, selon un calendrier précis, un plan d ’ action national pour lutter contre la traite des personnes et de créer un organe de coordination pour assurer sa mise en œuvre effective aux niveaux fédéral et régional  ;

b) D ’ élaborer des lignes directrices nationales pour l ’ identification précoce et l ’ orientation des femmes et des filles victimes de la traite vers des services appropriés, en intégrant une approche centrée sur la victime et tenant compte des questions de genre, et de dispenser une formation systématique sur ces procédures à la police, aux fonctionnaires de l ’ immigration et aux autres responsables de l ’ application des lois  ;

c) De réviser l ’ article 6.11 du Code des infractions administratives afin de dépénaliser la prostitution féminine et d ’ adopter des mesures visant à garantir la protection des prostituées contre la violence, les atteintes et l ’ exploitation fondées sur le genre, y compris lorsqu ’ elles sont commises par la police  ;

d) De créer des centres d ’ accueil et des refuges pour les victimes de la traite  ;

e) De proposer des programmes de soutien et d ’ autres activités génératrices de revenus pour aider les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution  ;

f) De prendre des mesures pour réduire la demande de prostitution, y compris en réalisant des campagnes publiques d ’ éducation et de sensibilisation, particulièrement en direction des hommes et des garçons, en s ’ attachant à lutter contre toutes les formes de subordination et d ’ objectivation de la femme.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité demeure préoccupé par la faible représentation des femmes aux postes de décision et dans la vie politique et la vie publique. À cet égard, il note que seuls deux des 10 vices-premiers ministres, un des 21 ministres fédéraux, 38 des 170 députés du Conseil de la Fédération et 74 des 450 députés de la Douma d’État sont des femmes, et que le corps diplomatique de l’État partie ne compte que trois ambassadrices. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures ciblées, y compris de mesures temporaires spéciales conformément à sa recommandation générale no 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique, pour accroître la représentation des femmes dans la vie publique.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 28 ) et recommande à l ’ État partie d ’ accélérer la réalisation de la pleine et égale participation des femmes, notamment aux niveaux régional et local, à la vie politique et publique, conformément à sa recommandation générale n o 23 , en  :

a) Adoptant des mesures temporaires spéciales, y compris des quotas réglementaires et un système de parité des genres dans la fonction publique et le corps diplomatique, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, afin d ’ accroître la représentation des femmes à la Douma d ’ État, au Conseil de la Fédération, aux postes ministériels, au sein de l ’ appareil judiciaire et du corps diplomatique, et en donnant la préférence aux femmes dans le cadre du recrutement pour la fonction publique et le corps diplomatique, en accordant une attention particulière aux femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés  ;

b) Renforçant les capacités des femmes politiques et des candidates en matière d ’ encadrement et d ’ organisation de campagnes politiques, et en obligeant les partis politiques à faire figurer un nombre égal de femmes et d ’ hommes sur leurs listes électorales en alternant entre le nom d ’ une femme et celui d ’ un homme d ’ une ligne à l ’ autre (système de la fermeture éclair)  ;

c) Sensibilisant davantage les responsables politiques, les médias, les chefs religieux et communautaires, ainsi que le grand public, à l ’ importance de la participation pleine, indépendante et démocratique des femmes sur un pied d ’ égalité avec les hommes à la vie politique et publique afin de garantir l ’ application de la Convention.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité note avec préoccupation le manque d’informations sur les activités de l’État partie relatives à la participation des femmes au processus de négociations pacifiques et au soutien à la sécurité et à la situation des femmes et des filles, y compris des femmes et des filles déplacées et réfugiées, dans :

a)La République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) temporairement occupées par la Fédération de Russie (résolutions de l’Assemblée générale 75/192 et 75/29) ;

b)Les zones de conflit en Abkhazie et dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie) (résolution 74/300 de l’Assemblée générale) ;

c)La République populaire autoproclamée de Donetsk et la République populaire autoproclamée de Louhansk.

Conformément à sa recommandation générale n o 30 ( 2013 ) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, notamment en ce qui concerne les obligations extraterritoriales des États parties, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) Conformément à la résolution 75/29 de l ’ Assemblée générale du 7 décembre 2020, de mettre fin à ses opérations militaires et d ’ utiliser des moyens pacifiques pour résoudre les conflits, d ’ assurer le plein respect du droit humanitaire international, d ’ enquêter efficacement sur les allégations de violations du droit humanitaire international et du droit international des droits de l ’ homme par ses forces armées et ses milices et de veiller à ce que les femmes et les filles touchées par le conflit aient effectivement accès à la justice, à des voies de recours et à une assistance, y compris une assistance psychologique  ; et

b) D ’ adopter un plan d ’ action national détaillé aux fins de la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité, et des résolutions ultérieures sur le sujet, et conformément à ces résolutions, de promouvoir l ’ inclusion et la participation véritables des femmes dans les négociations de paix formelles et informelles et dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits.

Nationalité

Le Comité prend note avec satisfaction des informations concernant la simplification des procédures d’enregistrement des naissances et les modifications législatives visant à accorder aux réfugiés et aux demandeurs d’asile des permis de séjour temporaires, ainsi que la procédure mise en place pour accorder la citoyenneté de la Fédération de Russie aux ressortissants russophones des anciennes républiques de l’Union soviétique. Toutefois, le Comité est préoccupé par la lenteur de la mise en œuvre et par les informations selon lesquelles les femmes se heurtent toujours à des obstacles pour obtenir la citoyenneté et l’enregistrement de la naissance de leurs enfants, en particulier les réfugiées et les demandeuses d’asile, les migrantes, les lesbiennes, les bisexuelles, les femmes transgenres et les intersexes, les femmes roms et les femmes rurales.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ appliquer effectivement la loi fédérale sur la citoyenneté et la loi fédérale sur le statut juridique des ressortissants étrangers sur l ’ ensemble de son territoire afin que les femmes puissent acquérir la citoyenneté de la Fédération de Russie et enregistrer les naissances des enfants, en particulier les réfugiées et les demandeuses d ’ asile, les migrantes, les femmes roms et les femmes rurales, conformément à la recommandation générale n o  32 (2014) du Comité relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d ’ asile et la nationalité et l ’ apatridie des femmes  ;

b) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité note avec satisfaction le nombre élevé de femmes dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que les initiatives visant à promouvoir la participation des femmes et des filles dans des domaines d’études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier dans la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, l’informatique et la communication. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Les rapports décrivant la ségrégation et la discrimination dans l’accès à l’éducation à l’encontre des femmes et des filles roms, des réfugiées et des demandeuses d’asile ;

b)L’absence d’une éducation sexuelle complète et adaptée à l’âge dans les écoles ;

c)La persistance de stéréotypes sexistes discriminatoires dans les programmes et les manuels scolaires et l’absence d’éducation sur l’égalité des genres ;

d)L’absence de mesures efficaces pour assurer la protection des femmes et des filles contre la violence de genre, le harcèlement et les brimades dans les écoles et les universités, et l’absence de mécanismes efficaces de plainte et de recours.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 ( 2017 ) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les filles et les femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, comme les filles et les femmes handicapées et les filles et les femmes roms, les migrantes, les réfugiées et les demandeuses d ’ asile, aient accès à une éducation inclusive  ;

b) D ’ intégrer dans les programmes scolaires à tous les niveaux d ’ enseignement, une éducation sexuelle obligatoire adaptée à l ’ âge, y compris sur la planification familiale, les formes modernes de contraception et les pratiques sexuelles responsables  ;

c) D ’ intégrer dans les programmes scolaires une éducation sur l ’ égalité des genres dans des formats accessibles et inclusifs  ;

d) D ’ assurer la protection des femmes et des filles dans les écoles et les universités contre le harcèlement et la violence de genre, notamment en mettant en place des mécanismes efficaces de signalement et de responsabilisation, et d ’ approuver la Déclaration sur la sécurité dans les écoles  ;

e) D ’ élaborer une politique nationale de lutte contre le harcèlement afin d ’ offrir des milieux éducatifs sûrs et inclusifs, exempts de discrimination, de harcèlement et de violence.

Emploi

Le Comité note que le programme public de soutien à l’emploi vise à promouvoir des modalités de travail flexibles et à distance, ainsi qu’à augmenter le nombre de structures d’accueil pour les enfants dans l’État partie. Toutefois, il note avec préoccupation ce qui suit :

a)La ségrégation verticale et horizontale des emplois et la persistance de l’écart salarial femmes-hommes, avec des disparités régionales, malgré la reconnaissance dans la législation nationale du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, et le fait que les soins et les travaux domestiques non rémunérés continuent de peser de façon démesurée sur les femmes ;

b)La longue liste de professions et de secteurs restreints qui présentent un risque pour la sécurité ou la santé des femmes, malgré l’adoption de l’ordonnance no 512n du ministère du Travail de juillet 2019, visant à réduire le nombre de professions restreintes de 456 à 100 ;

c)L’absence de législation pénalisant expressément le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer les mesures visant à éliminer la ségrégation verticale et horizontale des emplois et d ’ améliorer l ’ accès des femmes à des postes de décision plus élevés dans les secteurs privé et public, de faire appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale afin de réduire et, à terme, de combler l ’ écart de rémunération entre les femmes et les hommes, d ’ atténuer les disparités régionales et de répartir équitablement la charge du travail non rémunéré et des tâches domestique entre les femmes et les hommes  ;

b) De réexaminer la liste des professions et des secteurs restreints qui sont considérés comme présentant un risque pour la sécurité ou la santé des femmes, en vue de démanteler les stéréotypes discriminatoires liés au genre  ;

c) D ’ adopter une législation interdisant expressément le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, de veiller à ce que les victimes aient la garantie d ’ accéder à des recours effectifs et de faire en sorte que les plaintes pour harcèlement sexuel fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces, que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés et que les victimes soient protégées contre les représailles  ;

d) De ratifier la Convention (nº 190 ) de 2019 sur la violence et le harcèlement, et la Convention (nº 183 ) de 2000 sur la protection de la maternité de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT).

Santé

Le Comité prend note des informations sur le lancement en 2019 du projet national « Santé publique », qui vise à réduire la mortalité maternelle et infantile, à remédier aux pénuries de personnel dans les établissements de santé et à améliorer l’accès des femmes aux services de santé. Toutefois, il note avec préoccupation ce qui suit :

a)Les restrictions de l’accès à l’avortement avec notamment une consultation obligatoire avant l’IVG afin de proposer aux femmes d’autres options ;

b)Le fait qu’environ 22 % seulement des femmes en âge de procréer utilisent des formes modernes de contraception, en raison du manque d’informations disponibles sur ces méthodes et de l’accès limité des femmes et des adolescentes à des services de santé sexuelle et reproductive adéquats, y compris des services de planification familiale ;

c)Le fait que les femmes rurales, les migrantes, les réfugiées et les demandeuses d’asile ainsi que les femmes en détention se heurtent à des obstacles dans l’accès aux soins de santé de base, et selon certaines informations, les femmes handicapées, en particulier les femmes souffrant de handicaps intellectuel ou psychosocial, sont soumises à une stérilisation forcée ;

d)La stigmatisation des femmes vivant avec le VIH/sida et des toxicomanes, et la discrimination dont elles sont victimes dans l’État partie.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 ( 1999 ) sur les femmes et la santé ainsi que la cible 3 . 7 associée aux objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer les mesures visant à garantir la disponibilité, l ’ accessibilité et le caractère économiquement abordable des contraceptifs modernes pour toutes les femmes et les filles, y compris celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés et celles qui vivent en milieu rural, d ’ empêcher la stérilisation forcée des femmes et des filles handicapées, et d ’ exiger leur consentement libre et éclairé avant toute intervention médicale  ;

b) D ’ adopter des mesures pour combattre et éliminer la violence fondée sur le genre ainsi que la discrimination et la stigmatisation dont sont victimes les femmes vivant avec le VIH/sida, les toxicomanes, les femmes en détention et les femmes handicapées dans le cadre des soins de santé, et de veiller à ce qu ’ elles aient accès à des services de santé adéquats, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, de traitement antirétroviral et de traitement de la toxicomanie  ;

c) De garantir la nécessité d ’ obtenir un consentement préalable, libre et éclairé pour toute intervention ou traitement médical  ;

d) D ’ ériger la stérilisation forcée en infraction dans la législation de l ’ État partie.

Femmes rurales

Le Comité prend note de la création des conseils de femmes rurales et des initiatives visant à améliorer les infrastructures et les services essentiels dans les zones rurales. Toutefois, il note avec inquiétude que les femmes ne représentent qu’un tiers des agriculteurs et des titulaires de postes au sein des collectivités locales. Il s’inquiète également de l’accès limité des femmes rurales à la justice, à l’éducation, à l’emploi formel, aux soins de santé, au crédit et aux programmes d’autonomisation économique, ainsi qu’à la protection contre la violence de genre.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 ( 2016 ) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer ses efforts pour garantir l ’ accès des femmes rurales à la justice, à l ’ éducation, à l ’ emploi formel, aux soins de santé, au crédit et aux programmes générateurs de revenus, à la propriété foncière, ainsi qu ’ aux refuges, aux ordonnances de protection et aux services de soutien destinés aux victimes de violences de genre  ;

b) De promouvoir la représentation des femmes rurales dans les processus décisionnels et de les associer à la conception, à l ’ élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des politiques agricoles et autres politiques pertinentes.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité prend note de l’adoption de la loi fédérale no 11-FZ (2020), qui établit une liste unique des peuples autochtones dans l’État partie et une procédure d’enregistrement. Il note avec inquiétude l’absence d’informations détaillées sur la procédure d’enregistrement et sur le nombre de femmes autochtones appartenant à des peuples autochtones qui se sont inscrites sur la liste unique pour pouvoir accéder à leurs terres ancestrales et aux artisanats traditionnels et participer aux processus décisionnels aux niveaux local, régional et fédéral.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures pour faciliter l ’ enregistrement des femmes et des filles autochtones sur la liste unique des peuples autochtones et de garantir leur accès à l ’ éducation, aux prestations sociales et aux soins de santé  ;

b) De garantir et de protéger les droits collectifs des femmes autochtones sur les terres et les ressources traditionnelles et leur participation effective aux organes et aux processus décisionnels aux niveaux local, régional et fédéral.

Le Comité note avec préoccupation les dispositions discriminatoires de la loi fédérale no 135-FZ (2013) interdisant la « promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs », qui renforcent les stéréotypes discriminatoires, la stigmatisation et les discours de haine à l’égard des lesbiennes, des bisexuelles, des femmes transgenres et intersexes, en particulier dans la région du Caucase du Nord. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’augmentation signalée des violences de genre telles que les féminicides, les attaques, les actes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des lesbiennes, des bisexuelles, des femmes transgenres et intersexes, y compris sur Internet, et par les restrictions frappant leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Il prend également note avec inquiétude des informations faisant état de poursuites et d’arrestations de femmes en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur expression du genre, et de leur accès limité à la justice en raison de la crainte de représailles et du manque de protection.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/RUS/CO/8 , par. 8 ) et invite l ’ État partie à  :

a) Abroger, dans un délai précis, toutes les dispositions de la loi fédérale n o 135-FZ (2013) qui discriminent les femmes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre  ;

b) Mener des campagnes de sensibilisation du public dans toutes les régions, en particulier dans celle du Caucase du Nord, pour lutter contre les discours de haine et la stigmatisation des lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes dans la société et les médias, et proposer aux responsables de l ’ application des lois, y compris à la police, des programmes systématiques de renforcement des capacités concernant leur devoir de protéger les droits des lesbiennes, des bisexuelles, des transgenres et intersexes  ;

c) Enquêter, poursuivre et punir comme il se doit tous les actes de violence de genre et les crimes de haine à l ’ encontre des lesbiennes, des bisexuelles, des transgenres et intersexes, et fournir réparation aux victimes.

Le Comité est préoccupé par la prévalence de la violence à l’égard des femmes dans les centres pour personnes handicapées et les hôpitaux psychiatriques.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les établissements tels que les centres pour personnes handicapées et les hôpitaux psychiatriques soient effectivement contrôlées par des autorités indépendantes.

Le Comité est préoccupé par la prévalence de la violence à l’égard des femmes en détention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les établissements pénitentiaires pour femmes soient effectivement contrôlés par des autorités indépendantes et à ce que les femmes en détention aient accès à la justice et à une aide judiciaire et des conseils juridiques gratuits.

Le Comité est préoccupé par l’absence d’un cadre juridique adapté garantissant l’égalité devant la loi et la justice pour les femmes et les filles handicapées. Le Comité est également préoccupé par la prévalence du modèle de l’assistanat et l’absence de prise en compte des femmes et des filles handicapées dans les politiques publiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier son cadre juridique, et en particulier le code civil et le Code de procédure civile, afin de garantir la capacité juridique des femmes handicapées  ;

b) D ’ intensifier ses efforts pour que les femmes handicapées victimes de violations des droits humains puissent effectivement accéder à la justice  ;

c) D ’ adopter des mesures d ’ action positive fondées sur les droits humains et destinées aux femmes handicapées, en consultation avec les organisations de femmes en situation de handicap  ;

d) De promouvoir le développement de l ’ autonomie de vie chez les femmes handicapées tout en assurant des services d ’ assistance personnelle au niveau local.

Réduction des risques de catastrophes et changements climatiques

Le Comité note avec préoccupation l’absence de prise en compte des questions de genre dans la formulation et la mise en œuvre des politiques et des plans d’action sur les changements climatiques et la réduction des risques de catastrophe, en particulier pour les femmes rurales et autochtones, alors qu’elles sont touchées de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques et des catastrophes naturelles.

Le Comité recommande que, conformément à sa recommandation générale n o 37 ( 2018 ) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, l ’ État partie revoie ses politiques relatives aux changements climatiques et à l ’ énergie, et tienne compte des effets négatifs des changements climatiques sur les moyens de subsistance des femmes, en particulier des femmes rurales et autochtones.

Mariage et liens familiaux

Le Comité prend note de l’obligation d’établir sous forme notariée tout accord de partage des biens entre époux, et des nouvelles garanties afin de faire respecter le versement des pensions alimentaires pour les enfants. Toutefois, il note avec préoccupation ce qui suit :

a)L’exception concernant l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes, en vertu de la loi fédérale no 140-FZ (1997) modifiant le Code de la famille, qui autorise le mariage des enfants dès l’âge de 16 ans ;

b)Les informations sur la pratique de la polygamie et l’absence de protection juridique et économique des femmes dans les unions polygames, et l’application de lois religieuses et coutumières discriminatoires sur le divorce et l’héritage, ainsi que le refus d’accorder la garde des enfants aux femmes, en particulier dans la région du Caucase du Nord ;

c)Les informations faisant état d’enlèvements de fiancées, conduisant à des mariages d’enfants ou à des mariages forcés.

Conformément à ses recommandations générales n o 21 ( 1994 ) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 ( 2013 ) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De réviser l ’ article 13 du Code de la famille pour supprimer toutes les exceptions à l ’ âge minimum du mariage de 18 ans pour les femmes et les hommes et d ’ ériger expressément les violations en infraction pénale  ;

b) De faire respecter l ’ interdiction de la polygamie, de veiller à ce que les lois religieuses et coutumières discriminatoires en matière de divorce, d ’ héritage et de garde des enfants n ’ aient aucun effet juridique et ne soient pas appliquées dans la pratique, et de sensibiliser le public aux risques des unions polygames et non enregistrées  ;

c) De veiller à ce que tous les cas de mariage d ’ enfants et de mariage forcé fassent l ’ objet de poursuites et à ce que les auteurs soient dûment punis, et d ’ apporter un soutien aux femmes et aux filles subissant ces unions forcées.

Collecte et analyse des données

Le Comité est préoccupé par l ’ absence générale de données statistiques ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique, handicap, emplacement géographique et situation socioéconomique, qui sont indispensables pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l ’ ampleur et la nature de la discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et assurer le suivi systématique et l ’ évaluation des progrès accomplis dans la réalisation de l ’ égalité réelle entre femmes et hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer l ’ application de la Convention dans le contexte de l ’ examen, après 25 ans, de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme en vue de parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la ou les langue(s) officielle(s) de l ’ État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie . Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 13 c), 29 f) et 41 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son dixième rapport périodique, qu ’ il doit soumettre en novembre 2025 . Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).