Nations Unies

CAT/C/TUN/CO/3/Add.1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

9 juin 2017

Français

Original : arabe Anglais, arabe et français seulement

Comité contre la torture

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de Tunisie

Additif

Renseignements reçus de Tunisie au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 13 mai 2017]

Réponse aux recommandations urgentes relatives au rapport de la Tunisie sur la lutte contre la torture

1.Le Gouvernement tunisien a pris note des recommandations formulées par le Comité contre la torture à l’issue de l’ examen du troisième rapport périodique de la Tunisie à ses 1398e et 1401e séances, tenues les 19 et 21 avril 2016, publiées le 10 juin 2016. Le Comité a demandé au Gouvernement tunisien de lui fournir, au plus tard le 13 mai 2017, des éléments de réponse concernant le paragraphe 16, relatif aux allégations de torture et de traitements dégradants, le paragraphe 28, relatif aux conditions de détention et le paragraphe 38, relatif à l’Instance Vérité et Dignité.

2.Le Gouvernement tunisien a l’honneur d’apporter au Comité les éléments de réponses suivants, concernant les recommandations urgentes :

Recommandation 1 relative aux allégations de torture et de mauvais traitements (par. 16 des observations finales)

3.L’ensemble des actes entrepris par la police judiciaire est soumis au contrôle direct du ministère public, conformément aux dispositions de l’article 13 bis du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi no 5 du 16 février 2016, qui soumet les gardes à vue ou leur prolongement à une autorisation écrite du Procureur de la République. Après l’adoption de cette loi, et avant son entrée en vigueur au début du mois de juin 2016, de nombreuses réunions ont eu lieu entre les magistrats du parquet et les officiers de police judiciaire de la sécurité publique et de la garde nationale, sous l’égide des Ministères de la justice et de l’intérieur, dans le but d’assurer la bonne application de la loi susmentionnée et de trouver des solutions concrètes aux problèmes qui pourraient se poser dans le cadre de son application. Il convient de noter à cet égard que le ministère public exerce à présent une surveillance étroite sur les prolongements de la garde à vue, qui ne sont plus automatiques, nécessitant l’autorisation écrite du ministère public, après audition directe du suspect et examen de la nécessité de cette mesure par le Bureau du Procureur général. Étant donné que les délais de garde à vue ne peuvent excéder quarante-huit heures dans tous les cas et ne peuvent être prolongés que de vingt-quatre heures en matière de délits et de quarante-huit heures en matière de crimes, le suspect a la garantie d’être présenté rapidement au Procureur public en cas de torture.

4.Les actes pour lesquels les juges d’instruction commettent rogatoirement des officiers de police judiciaire sont également soumis à la surveillance desdits juges, conformément aux dispositions du nouvel article 57 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi no 5 de 2016 mentionnée ci-dessus. Tout acte d’enquête effectué par lesdits officiers doit être conforme à la commission rogatoire émanant du parquet.

5.L’État a procédé, dans la limite des moyens disponibles, à l’installation de caméras de surveillance dans certains lieux d’interrogatoire et de garde à vue, en particulier dans six centres pilotes, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), (voir le paragraphe 168 du troisième rapport périodique de la Tunisie). Les centres d’el Gorjani, de l’Aaouina et de Bouchoucha sont déjà équipés de caméras de surveillance. L’État cherche à étendre progressivement cette expérience au reste des lieux d’interrogatoire et de garde à vue. Les enregistrements demeurent à la disposition du pouvoir judiciaire au besoin.

6.Le Gouvernement tunisien a tenu une conférence de presse au siège de la Présidence du Gouvernement, le 16 mai 2016. Au cours de celle-ci, le Ministre chargé des relations avec les organes constitutionnels, la société civile et les droits de l’homme, qui avait conduit la délégation tunisienne dans le cadre de l’examen du troisième rapport périodique de la Tunisie, a présenté l’ensemble des recommandations du Comité contre la torture devant les médias.

7.En accueillant la délégation ayant participé à l’examen du rapport en question, le Premier Ministre a confirmé l’engagement de l’État tunisien à lutter contre toutes les formes de torture et de pratiques dégradantes.

8.Une consultation nationale avec la société civile a été organisée le 19 mai 2016. Plusieurs propositions d’ordre législatif, structurel et procédural ont été faites. Celles-ci seront prises en compte dans le cadre de l’élaboration du plan de travail relatif à la mise en œuvre des recommandationsdu Comité.

9.Il convient de signaler que l’article 67 de la loi organique no 26 du 7 août 2015 sur la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent porte sur la composition de la Commission nationale de lutte contre le terrorisme, et que cet article ne peut faire l’objet d’aucune interprétation arbitraire qui accorderait une impunité aux services de sécurité soupçonnés de torture ou de mauvais traitements.

10.Indépendamment de cette observation, dans le cadre des actions entreprises pour assurer que les membres des services de sécurité suspectés de torture ne jouissent pas d’une impunité sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’État a établi par sa législation et ses procédures administratives un ensemble de mesures destinées à prévenir l’impunité des agents des forces de l’ordre suspectés de participation à de tels actes. Ces mesures seront appliquées par le biais des mécanismes de contrôle du cadre de référence de la nouvelle politique ministérielle en matière de contrôle, d’inspection, d’examen et du système de gestion des plaintes et requêtes des citoyens (Ministère de l’intérieur) qui sont en cours d’élaboration, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), au sein d’un comité de pilotage qui répond aux normes internationales et aux principes de bonne gouvernance en la matière.

11.Le Ministère de l’intérieur, à travers ses organes de contrôle, prend les mesures disciplinaires appropriées contre toutes les infractions dans ce domaine. Dans le cas où des actes attribués à ses agents sont constitutifs de crimes, le dossier est transmis au ministère public afin que les mesures judiciaires nécessaires soient prises, conformément aux dispositions du Code pénal. Le requérant garde son plein droit de saisir directement la justice, même dans le cas d’un dossier classé sans suite.

12.Le simple fait de se taire sur la torture est considéré comme un crime en vertu de l’article 101 bis du Code pénal.

13.À ce jour, 18 cas d’enquêtes afférentes à des actes de torture imputés à des agents des forces de l’ordre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ont été enregistrés. Trois de ces enquêtes ont été ouvertes par le Procureur de la République et le juge d’instruction, sur la base de rapports d’inspection. Tous ces cas sont encore en cours d’instruction.

14.Dans le cadre de l’éducation relative aux droits de l’homme, de la promotion de l’excellence et de la responsabilisation professionnelle, le Ministère de l’intérieur a continué à renforcer les capacités des forces de l’ordre internes par le biais d’activités de formation conformément aux normes internationales. Ces activités visent à approfondir les connaissances juridiques du personnel du Ministère sur la base des normes et des instruments internationaux ratifiés par notre pays, ainsi que des dispositions législatives nationales afférentes à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Des universitaires nationaux et internationaux assurent ces sessions de formation, dans le cadre de la coopération internationale avec le Conseil de l’Europe, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’UNESCO, le Comité international de la Croix-Rouge, le Centre genevois pour le contrôle démocratique des forces armées et d’autres organisations. Dans ce contexte, l’État s’emploie actuellement à développer les écoles de police et de garde nationale, ainsi qu’à créer une académie de police.

15.Dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, l’État élabore actuellement un certain nombre de projets à savoir :

1.U n projet de révision de la loi fondamentale des forces de sécurité internes. Celui-ci vise à améliorer l’organisation du travail de ces forces en termes de discipline et de respect de la primauté de la loi et des principes des droits de l’homme, en harmonie avec les principes d’action du système de sûreté républicain prévu à l’article 19 de la Constitution, lequel appelle une refonte des attributions, de l’organisation et de la formation des forces de sécurité internes afin que celles-ci répondent aux critères en vigueur dans les systèmes démocratiques.

2.U n projet de loi sur la réunion pacifique. Celui-ci vise à revoir la loi no 04 de 1969 concernant l’organisation de réunions publiques, de manifestations, de cortèges, et de défilés dont certains articles ne sont pas conformes aux normes internationales en la matière. Dans ce contexte, le Ministère de l’intérieur a publié des notes de service contraignantes afin que nul ne puisse se fonder sur des articles de loi ou des dispositions permettant l’usage d’armes à feu qui ne sont pas conformes aux normes internationales, dans l’attente de l’adoption de la nouvelle loi.

3.U n projet de loi régissant les étapes et les conditions du recours à la force lors de l ’ intervention des forces armées dans le cadre d ’ opérations de maintien de l ’ ordre, de lutte contre le terrorisme et de réponse aux situations d ’ urgence ou de catastrophe naturelle. Cette loi vise à assurer l’équilibre entre la nécessité d’assurer la pérennité de l’État et la protection du territoire national d’une part, et l’adoption de mesures pour protéger les droits et les libertés d’autre part, dans le cadre de la proportionnalité stipulée à l’article 49 de la Constitution. L’examen de ce projet est actuellement en cours d’achèvement, en coordination avec les ministères concernés et sous la supervision des services du Chef de Gouvernement.

4.U n projet de loi sur la répression des atteintes aux forces armées. Il vise à garantir la protection nécessaire aux forces de l’ordre contre les menaces et les agressions, y compris les agressions contre leurs familles et les atteintes à leurs biens. Des clauses explicites contraindront l’État à établir un système complet de dédommagement en cas de préjudice, ce qui est particulièrement justifié par le fait que le système actuel de protection n’est plus en mesure de couvrir les risques que courent les forces de sécurité, notamment suite à des attaques terroristes.

5.U n projet de décret portant Code de conduite des forces de sécurité intérieures relevant du M inistère de l ’ i ntérieur. Ce projet vise à définir des règles déontologiques et les pratiques professionnelles exemplaires du secteur de la sécurité afin d’assurer l’application de la loi de façon professionnelle dans le respect des droits et des libertés garantis par la législation. La procédure d’élaboration de ce projet par le groupe de travail qui en est chargé est actuellement les en voie d’achèvement.

6.Un projet de décret portant création d’une direction générale des droits de l’homme au sein de la structure organisationnelle du Ministère de l’intérieur.

Recommandation 2 relative aux conditions d’arrestation/de détention (par. 28 des observations finales)

a)Réduire de manière significative la surpopulation carcérale, en recourant davantage aux peines de substitution à l’emprisonnement, ainsi qu’aux mesures de substitution à la détention provisoire.

Concernant les peines de substitution

16.Le travail d’intérêt général non rémunéré (art. 15 bis modifié) et la réparation pénale (art. 15 quater) figurent depuis 2009 parmi les peines principales prévues par le Code pénal. Néanmoins, ces peines n’ont pas été souvent prononcées.

17.Pour cette raison, le Ministère de la justice s’est employé à rendre le recours à ces peines effectif en sensibilisant davantage les juges à la nécessité de les appliquer, en particulier par le biais de formations continues. En mars 2016, une session de formation a ainsi été organisée autour du thème suivant : « Alternatives en matière pénale : situation actuelle et aspirations ».

18.Le Ministère de la justice et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont mis en place conjointement un bureau de probation pilote au sein du tribunal de première instance de Sousse, pour permettre, d’une part, aux juges d’ajuster les peines à la nature des crimes et au caractère de leur auteur, et pour mettre en application sur le terrain la peine de travail d’intérêt général et réduire la surpopulation carcérale d’autre part. Ce bureau est déjà opérationnel depuis 2013. Il a contribué à réduire le taux d’occupation d’environ 25 % dans la prison de Messadine et de diminuer le taux de récidive chez les personnes condamnées à un travail d’intérêt général.

19.Le 17 mai 2016, le Ministère de la justice a également accepté de mener un projet de deux ans pour la mise en application des peines de substitution dans la prison de Messadine.

Concernant la grâce présidentielle et la libération conditionnelle

20.La grâce peut être accordée par le Président de la République conformément aux dispositions de l’article 371 du Code de procédure pénale. Elle consiste en la remise de la peine, la réduction de sa durée ou le fait de lui substituer une peine plus légère prévue par la loi. Elle ne peut concerner que des personnes ayant fait l’objet de condamnations définitives, généralement connues pour leur bonne conduite et leur bonne moralité et n’ayant pas commis des crimes graves.

21.La libération conditionnelle peut quant à elle bénéficier à toute personne qui aura exécuté une partie de sa peine et qui aura montré par sa conduite en détention qu’elle s’est amendée ou dont la libération aura été jugée dans l’intérêt de la collectivité, conformément aux dispositions des articles 353 et 354 du Code de procédure pénale. Elle est accordée par le Ministre de la justice ou par le juge d’exécution des peines, selon les cas.

22.La grâce présidentielle et la libération conditionnelle sont des solutions de principe au problème de la surpopulation carcérale. Elles permettent en effet de réduire le nombre de personnes incarcérées suite à une condamnation définitive. Le tableau suivant donne un aperçu de l’application de ces mesures :

Année

Grâce présidentielle

Libération conditionnelle accordée par le Ministère de la justice

Libération conditionnelle accordée par un juge

Total

2012

3 292

7 636

9 619

20 547

2013

4 440

6 720

4 764

15 924

2014

3 969

4 889

4 795

13 653

2015

4 619

2 713

6 951

14 283

2016

3 928

4 364

5 800

14 092

2017, jusqu’au 20 mars

1 731

5 239

6 970

23.Vu que sur 23 553 détenus, 6 662 sont coupables d’actes liés aux stupéfiants, soit 28 %, et compte tenu du fait que la loi actuelle sur les stupéfiants prévoit un an d’emprisonnement pour chaque consommateur, quel que soit son âge ou son statut social, le Gouvernement a présenté à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) un projet de réforme de ladite loi. Il permettrait de ne pas engager de poursuites judiciaires contre un consommateur de stupéfiants qui demanderait en personne ou par l’intermédiaire d’un représentant, d’un conjoint, d’un parent, d’un enfant ou d’un médecin, d’être soumis à un programme de désintoxication et au traitement psychologique requis par son état, à condition qu’il n’interrompe pas son traitement et ne quitte pas l’établissement médical sans l’accord des médecins traitants. Néanmoins, les procédures de validation de ce projet, qui propose une profonde révision de la législation actuelle sur les drogues, en particulier l’adoption d’une approche thérapeutique plutôt que répressive, pourraient prendre du temps. Pour cette raison, dans l’intervalle, sur la base d’une initiative gouvernementale, l’Assemblée des représentants du peuple a approuvé, par la loi no 39 du 8 mai 2017, la révision de l’article 12 de la loi actuelle pour autoriser l’invocation des conditions de réduction de peine énoncées à l’article 53 du Code pénal, c’est-à-dire, la possibilité de prononcer une peine d’emprisonnement de moins d’un an ou même d’une peine avec sursis, afin de réduire la proportion de détenus de cette catégorie.

24.Une révision du Code pénal est également en cours concernant les peines, en particulier d’emprisonnement, prévues pour certains crimes.

25.Dans le même temps, un comité technique restreint a été formé au sein du Ministère de la justice aux fins d’examiner les mécanismes à adopter pour mettre en œuvre les peines de substitution et intégrer de nouvelles mesures en la matière.

b)Assurer le respect absolu de la durée maximale de la détention provisoire et veiller à ce que les personnes détenues soient jugées sans retard excessif

26.Vu que le nombre de détenus en attente de jugement s’élève à 11 753 soit, près de 50 % des 23 553 prisonniers recensés au 30 décembre 2016, le Ministère de la justice travaille à la révision des procédures de détention provisoire à travers la révision du Code de procédure pénale. Il s’emploie à trouver des solutions de remplacement pour la détention avant jugement, telles que la surveillance judiciaire et la surveillance électronique, lesquelles limitent grandement le recours à la détention provisoire.

27.Les juges d’instruction fixent la durée maximale de la détention provisoire et veillent à ce qu’elle ne soit pas dépassée. Ils s’emploient pour cela à clore l’enquête dans des délais raisonnables et à libérer les détenus si les délais de détention prévus par la loi sont écoulés.

28. En outre, conformément aux exigences de la Constitution tunisienne, les dispositions du Code de procédure pénale sont en cours de révision afin d’écourter la durée des enquêtes et de fournir les garanties d’un procès équitable, ce qui comprend des délais raisonnables et le respect de la présomption d’innocence.

c) Poursuivre ses efforts pour améliorer et agrandir les établissements pénitentiaires, de façon à remettre à niveau ceux qui ne sont pas conformes aux normes internationales et allouer les ressources nécessaires pour améliorer les conditions de détention et renforcer les activités de réinsertion et de réhabilitation

29.En application des recommandations faites lors d’un colloque organisé en février 2015 par le Ministère de la justice a, en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et l’organisation Penal Reform International (PRI), sur le thème « Vers une stratégie nationale pour endiguer la surpopulation carcérale en Tunisie » et afin de rendre les prisons conformes aux normes internationales en la matière, l’État œuvre à réduire la surpopulation carcérale au moyen des mesures suivantes :

Plusieurs prisons sont en cours d’agrandissement pour accroître leur capacité d’accueil ou pour permettre le réaménagement de certaines cellules ou de certaines ailes. Notons entre autres :

L’augmentation de la capacité d’accueil des prisons de Sfax, Mahdia et Messadine (première tranche) et de la prison de Monastir (première tranche), pour 1 480 prisonniers au total, respectivement en janvier et mars 2017 ;

L’augmentation de la capacité d’accueil des prisons de Gabès et de Borj El Amri, pour 1 076 prisonniers en juin 2017 ;

Le projet de construction de quatre cellules dans la prison de Sfax. Les travaux ont été réalisés à 95 % et la réception est prévue au cours du mois de juin 2017 ;

De septembre 2016 à mars 2017, de nombreuses prisons ont été réaménagées, des espaces dédiés au personnel ont été créés, des cliniques ont été agrandies, des cuisines ont été équipées et des espaces de réadaptation ont été construits. Parmi les aménagements effectués on notera : la réalisation d’une toiture dans l’espace visiteurs et l’atelier central de la prison de Mornaguia ; le réaménagement et l’extension de la clinique de la prison de Borj El Amri ; l’installation d’un nouveau système de lutte contre les incendies dans la nouvelle aile de la prison de Monastir ; les travaux de raccordement de la prison de Gabès au réseau d’assainissement public ; la construction de quartiers pour la brigade canine ; et la réalisation d’une citerne pour le système de lutte contre les incendie à la prison de Mahdia.

Des projets ont été adoptés pour le réaménagement de certaines prisons ou la création de nouvelles, en particulier pour :

La construction d’une prison dans la région de Belli d’une capacité de 1 000 prisonniers. La réception des travaux est prévue en mai 2020 ;

La construction d’une prison à Béja. La réception des travaux est prévue en 2020 ;

La rénovation de la prison de Bourj al-Roumi, avec une capacité de 1 000 prisonniers. La réception des travaux est prévue en 2021.

La construction de nouveaux quartiers dans la prison de Mornag, avec une augmentation de la capacité à 500 lits.

En ce qui concerne la réadaptation et la réinsertion, l’accord de partenariat avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) a commencé à être appliqué, le but étant de renforcer les services de prévention, d’assistance et de traitement liés aux stupéfiants et aux maladies transmissibles sexuellement ou par le sang dans les prisons et de promouvoir la réadaptation et la réinsertion des prisonniers.

d) Mettre en place les mesures nécessaires pour garantir la séparation stricte entre prévenus et condamnés, ainsi qu’entre adultes et mineurs

30.Il convient de noter que le système judiciaire tunisien sépare les condamnés adultes des mineurs. Les adultes sont placés dans des prisons et les mineurs dans des centres de rééducation. Cependant, dans certains cas exceptionnels définis dans le Code de la Protection de l’enfant, des mineurs peuvent être placés dans des prisons à condition qu’ils ne soient pas mêlés aux adultes. En décembre 2016, les mineurs représentaient 3,8 % de l’ensemble des détenus dans les prisons.

31.De nouveaux travaux d’aménagement des prisons sont en cours pour bien séparer les prévenus des condamnés, mesures qui va de pair avec une révision du système de justice pour mineurs visant à le rendre conforme aux normes internationales en la matière.

32Il convient de noter que s’agissant de la classification des détenus et du traitement des prisonniers dans le cadre des affaires de crimes terroristes, les mesures préventives suivantes sont prises :

Les détenus terroristes sont classés selon le degré de dangerosité de chacun, en fonction des données et des informations disponibles les concernant et de la nature de l’affaire à l’origine de leur incarcération. Le placement ou le transfert des détenus se fait sur la base de cette classification ;

Les chefs et les personnes influentes sont placés dans des cellules individuelles équipées de toutes les installations sanitaires nécessaires (ventilation et éclairage), conformément aux instruments internationaux relatifs au respect de l’intégrité physique et mentale des détenus. Ces prisonniers sont par ailleurs suivis et surveillés.

e) Augmenter les effectifs de personnel qualifié en contact avec les prisonniers

33.Outre les efforts engagés pour augmenter les effectifs dans les établissements pénitentiaires en proportion de l’extension des prisons existantes et de la construction de nouvelles prisons, le Ministère de la justice s’emploie à former le personnel de la Direction générale des prisons et de la rééducation et à renforcer ses capacités. Il s’efforce d’en faire un personnel spécialisé en diffusant la culture des droits de l’homme. En coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) en Tunisie, il organise des sessions de formation dont ont déjà bénéficié quelque 1 600 cadres et agents pénitentiaires. Cette formation inclut une présentation générale des normes internationales en matière de droits de l’homme, d’une part, et du rôle des agents pénitentiaires et des éducateurs dans la promotion des droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires et les centres de rééducation, d’autre part. Elle met l’accent sur la réadaptation et la réintégration des prisonniers après l’exécution de leur peine.

34.Dans le cadre du partenariat entre le Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance et le Ministère de la justice, un certain nombre de sessions de formation consacrées à la diffusion de la culture des droits de l’enfant et à la prévention de la violence contre les enfants ont été organisées. Entre 2015 et 2016, plus de 200 personnes y ont participé.

35.Le programme général du Groupe des droits de l’homme consacré à la formation de base pour tous les organes a également été actualisé en 2016.

f) Assurer la disponibilité des services médicaux dans tous les établissements pénitentiaires

36.Des services médicaux sont disponibles dans tous les établissements pénitentiaires. Le Ministère de la justice travaille au développement de ces services, à la fois en ce qui concerne l’infrastructure, comme dans le cas du réaménagement et de l’extension de la clinique de la prison de Borj El Amri, et le renforcement de leur personnel d’encadrement.

37.Dix médecins généralistes à temps plein et 57 auxiliaires de santé ont été recrutés et 3 ambulances ont été achetées. Une unité d’analyse médicale a en outre été implantée à la prison de Mornaguia, en coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge.

38.Le Ministère de la justice a élaboré une série de programmes visant à renforcer les services médicaux. En particulier :

Il a été convenu avec l’École de santé militaire de former 30 infirmiers dans l’objectif de leur faire obtenir le certificat de santé de deuxième degré d’ici le mois d’avril 2017, et d’en former 30 autres pour le mois de septembre 2017 ;

6 médecins généralistes à temps plein, 2 dentistes de santé publique (désignés par le Ministère de la santé pour intégrer l’Administration générale des prisons et des centres de rééducation), ainsi que de 7 techniciens supérieurs ont été affectés ;

En application de l’accord conclu avec l’ONUDC, 4 prisons et centres de rééducation pilotes seront compris dans le programme d’assistance médicale, psychologique et sociale pour toxicomanes, personnes infectées par le VIH ou atteinte du sida, ou souffrant d’hépatite ou de tuberculose.

g) Limiter le recours à l’isolement cellulaire, sous supervision stricte et avec la possibilité d’un contrôle judiciaire, conformément aux normes internationales

39.La loi sur les prisons de 2002 est actuellement en cours de révision le but étant de la rendre conforme aux normes internationales en la matière.

40.Dans l’attente de l’adoption de cette loi, l’isolement est pratiqué à titre exceptionnel dans le respect des normes internationales, comme c’est le cas pour les chefs ou personnes influentes du terrorisme.

Recommandation 3 relative à la justice transitionnelle (par. 38 des observations finales)

41.L’Instance Vérité et Dignité (IVD) établit ses prévisions budgétaires annuelles et les soumet à l’examen de la Chambre des représentants du peuple. Le Ministère des finances fournit les ressources requises et ouvre les crédits nécessaires.

42.L’Instance Vérité et Dignité reçoit les requêtes et les plaintes relatives aux violations et les instruit, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi organique no 53 du 24 décembre 2013. Elle transmet au ministère public les dossiers portant sur des violations graves avérées des droits de l’homme, conformément aux dispositions de l’article 42. Comme la même loi le prévoit à l’article 8, le ministère public les transmet à son tour aux chambres spécialisées qui ont été créées conformément au décret no 2887 du 8 août 2014. L’Instance Vérité et Dignité est informée de toutes les mesures prises ensuite par le pouvoir judiciaire.

43.L’article 40 de la loi de justice transitionnelle prévoit que l’Instance Vérité et Dignité adopte toute mesure appropriée pour protéger les témoins, les victimes, les experts et tous ceux qu’elle auditionne, quel que soit leur statut, au sujet des violations relevant des dispositions de la loi, et ce, en assurant les précautions sécuritaires, la protection contre l’incrimination et les agressions, et, la préservation de la confidentialité, en coopération avec les services et structures compétents.

44.Dans le contexte de mesures d’urgence, l’État fournit accorde une indemnisation provisoire aux victimes qui en ont besoin urgent, et tout particulièrement aux personnes âgées, aux femmes, aux enfants, aux personnes handicapées, aux personnes ayant des besoins spécifiques, aux malades et aux groupes vulnérables, en attendant qu’une décision ou un jugement relatif aux indemnisations soit rendu dans le cadre du processus de justice transitionnelle (art. 12 de la loi de justice transitionnelle).

45.L’article 11 de la loi de justice transitionnelle stipule que l’État a la responsabilité de procurer les formes de dédommagement suffisantes, efficaces et adéquates en fonction de la gravité des violations et de la situation de chaque victime, eu égard aux ressources dont il dispose lors de l’application des mesures de dédommagement.

46.La loi de justice transitionnelle établit des critères précis en matière de dédommagement matériel et moral, de réhabilitation, d’expression des excuses, de rétablissement des droits, de réadaptation et de réinsertion individuelle ou collective.

47.La loi de justice transitionnelle définit la victime sans discrimination aucune. Il s’agit de quiconque a subi un préjudice suite à une violation au sens de la loi, qu’il s’agisse d’individus, de groupe d’individus ou d’une personne morale. Sont considérés comme victimes, les membres de la famille ayant subi un préjudice du fait de leurs liens de parenté avec la victime au sens des règles du droit public, ainsi que toute personne ayant subi un préjudice lors de son intervention pour aider la victime ou empêcher une violation qu’elle risquait de subir. Cette définition englobe toute région qui a été marginalisée ou exclue de façon systématique.

48.Conformément à l’article 39 de la loi de justice transitionnelle, l’Instance Vérité et Dignité, en tant qu’organisme indépendant, se charge d’établir un programme global, individuel et collectif, de réparation. Ce programme vise à :

Reconnaître les violations subies par les victimes et prendre des mesures et des décisions de réparation en leur faveur, en tenant compte de toutes les décisions et mesures administratives ou judiciaires dont ils ont pu bénéficier antérieurement ;

Fixer les critères requis pour dédommager les victimes de violations ;

Définir les modalités de paiement des indemnisations, en prenant en considération les estimations établies ;

Prendre des mesures d’assistance et de dédommagement provisoires et d’urgence au profit des victimes.

49.L’article 41 de la loi de justice transitionnelle crée un « Fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de l’oppression ».

50.L’article 40 de la loi de justice transitionnelle habilite l’instance Vérité et Dignité recevoir les requêtes et les plaintes relatives aux violations, pendant une période d’un an à compter de la date du commencement de ses activités, susceptible d’être prorogée de six mois au maximum.

51.Pour poursuivre les coupables et présenter des demandes de réparation, les victimes de violations ont la possibilité de saisir soit l’Instance soit les autorités judiciaires compétentes, conformément aux règles du droit pénal. L’article premier du Code de procédure pénale dispose en effet que « [T]oute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage ».