Nations Unies

CAT/C/TUN/3/Add.1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 novembre 2014

Français

Original: arabe

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Troisièmes rapports périodiques des États parties attendus en 1997

Tunisie *

Additif

Rapport complémentaire comportant des données actualisées

[Date de réception: 13 octobre 2014]

Table des matières

Page

I.Informations générales4

A.Introduction4

B.Cadre juridique général4

II.Renseignements concernant les différents articles de la Convention14

Article premier14

Article 215

Article 321

Article 421

Article 524

Article 625

Article 726

Article 829

Article 930

Article 1030

Article 1136

Article 1250

Article 1351

Article 1454

Article 1556

Article 1656

III.Principaux efforts faits par la Tunisie pour répondre aux préoccupations du Comité et donnersuite aux recommandations qu’il a formulées à l’issue de l’examen de son précédent rapport57

Annexes*

La Tunisie soumet au Comité, en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le présent rapport complémentaire à son troisième rapport périodique, qui constitue un rapport complet.

Elle avait présenté son rapport initial (CAT/C/7/Add.3) en octobre 1989 et son deuxième rapport périodique (CAT/C/20/Add.7) en novembre 1997. Celui-ci avait été examiné en novembre 1998 (CAT/C/SR.358, 359 et 363).

I.Informations générales

A.Introduction

Conformément à ses obligations internationales et à l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qu’elle a ratifiée en application de sa loi no 79 du 11 juillet 1988, la République tunisienne a établi le présent rapport qui complète son troisième rapport périodique.

En raison des importantes réformes constitutionnelles, législatives et administratives engagées en Tunisie à la suite de la révolution, qui a eu lieu du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, le présent rapport complémentaire constitue un rapport complet et sera dénommé ci-après «le rapport».

Le rapport présente l’ensemble des initiatives, des mesures et des procédures se rapportant à la mise en œuvre de la Convention que la Tunisie a adoptées entre 1999 et 2014, l’accent étant mis en particulier sur celles qu’elle a adoptées à la suite de la révolution du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011 en raison de leur importance et de leur spécificité.

Un grand nombre de rencontres et de réunions de travail ont été organisées avec les représentants des structures officielles de l’État et des organismes de défense des droits de l’homme associés à l’élaboration du présent rapport.

La participation de toutes ces entités a permis de renforcer leur collaboration et a abouti à la publication du présent rapport.

B.Cadre juridique général

La République tunisienne, mue par son attachement aux valeurs humaines et aux principes fondamentaux et universels des droits de l’homme qu’elle s’est engagée à respecter, ne cesse de prendre des initiatives et des mesures législatives et institutionnelles pour enraciner la culture des droits de l’homme et réprimer la torture et les mauvais traitements sous toutes leurs formes. Elle espère ainsi pouvoir donner suite, ne serait-ce que partiellement, à l’une des recommandations que lui a adressées le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan E. Méndez, à l’issue de sa mission en Tunisie, qui a eu lieu du 15 au 22 mai 2011, qui l’invitait à instaurer de solides garanties contre la torture et les mauvais traitements moyennant l’adoption rapide de réformes constitutionnelles, législatives et administratives.

1.Mesures constitutionnelles

Les travaux de l’Assemblée nationale constituante, élue le 23 octobre 2011, ont abouti à l’adoption, le 27 janvier 2014, de la nouvelle Constitution, ci-après dénommée «Constitution de 2014» (annexe 1), qui introduit des réformes en faveur de la promotion des droits de l’homme.

Droits et libertés garantis par la Constitution de 2014

La Constitution de 2014, en son article 6, dispose que l’État garantit la liberté de conviction et la liberté de conscience. Elle consacre également un chapitre entier à la protection des droits et des libertés (art. 21 à 49). Ce chapitre compte 29 articles, qui concernent: l’égalité de droits et de devoirs entre les citoyens et les citoyennes, le droit au respect du caractère sacré de la vie, de la dignité humaine et de l’intégrité physique, l’interdiction de la torture, le respect de la vie privée, l’inviolabilité du domicile, la confidentialité des correspondances, des communications et des données personnelles, le droit de choisir son lieu de résidence et le droit à la liberté de circulation, l’interdiction de déchoir un citoyen de sa nationalité, de l’exiler, de l’extrader ou de l’empêcher de retourner dans son pays, le droit d’asile politique et l’interdiction d’extrader les personnes qui en bénéficient, les principes selon lesquels toute personne est présumée innocente jusqu’à ce qu’elle ait été reconnue coupable à l’issue d’un procès équitable et toute peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’un texte de loi antérieur, sauf s’il existe un texte plus favorable à l’accusé, l’interdiction d’arrêter et de détenir quiconque sauf en cas de flagrant délit ou en application d’une décision de justice, le droit du détenu d’être informé immédiatement de ses droits et des chefs retenus contre lui et d’être représenté par un avocat, le droit de tout détenu à un traitement humain qui préserve sa dignité, le devoir de l’État de tenir compte, lors de l’exécution des peines privatives de liberté, de l’intérêt de la famille du détenu et de veiller à la réhabilitation de celui-ci et à sa réinsertion dans la société, la liberté d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication, l’interdiction de soumettre ces libertés à un contrôle préalable, le droit à l’information et le droit d’accès aux données, le devoir de l’État d’œuvrer à garantir le droit d’accès aux réseaux de communication, les libertés académiques, la liberté de la recherche scientifique, le droit de vote et le droit de participer ou de se porter candidat à des élections, le devoir de l’État d’agir pour garantir la représentation des femmes dans les assemblées élues, la liberté de former des partis politiques, des syndicats et des associations, le droit syndical, y compris le droit de grève, ainsi que le droit à la liberté de réunion et à la liberté de manifester pacifiquement.

La Constitution de 2014 consacre également le droit de tous à la santé et la gratuité des soins pour les personnes sans soutien et à faible revenu, ainsi que le droit à la protection sociale et l’instruction obligatoire. Elle dispose en outre que l’instruction est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans et garantit la gratuité de l’enseignement public, à tous les cycles et le devoir de l’État de veiller à la diffusion de la culture des droits de l’homme et de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit au travail en fonction des compétences de chacun et dans le respect du principe de l’équité, dans des conditions décentes et à salaire équitable. Elle garantit également le droit de propriété et le droit de propriété intellectuelle, le droit à la culture et à la liberté de création, l’appui aux activités sportives, le droit à l’eau et à un environnement sain et équilibré, l’obligation de protéger les droits acquis par les femmes, de les consolider et de s’efforcer de les développer et l’égalité des chances entre l’homme et la femme pour ce qui est de l’accès à toutes les responsabilités, dans tous les domaines. En vertu de la Constitution de 2014, l’État s’efforce en outre d’assurer la parité des sexes dans les assemblées élues, de prendre les mesures voulues pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes, de garantir les droits de l’enfant dans ses relations avec ses parents, ainsi que le droit de l’enfant au respect de sa dignité, à la santé, aux soins et à l’éducation, d’assurer toutes les formes de protection à tous les enfants, sans discrimination et compte tenu de leur intérêt supérieur, de protéger les personnes handicapées contre toutes les formes de discrimination et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir pleinement leur intégration au sein de la société.

Les garanties propres à assurer que les restrictions imposées par la loi à ces droits et à ces libertés ne portent pas atteinte à leur essence sont énumérées au paragraphe 49 ci‑après.

Protection de l’intégrité physique et interdiction de la torture

L’article 23 de la Constitution de 2014 dispose que l’État protège la dignité de la personne et son intégrité physique et interdit la torture morale et physique. En outre, il dispose expressément que le crime de torture est imprescriptible.

La Constitution de 2014, en son article 29, dispose également que nul ne peut être arrêté ou détenu sauf en cas de flagrant délit ou en application d’une décision de justice, que le détenu doit être immédiatement informé de ses droits et des chefs retenus contre lui et qu’il a le droit d’être représenté par un conseil.

En vertu de l’article 30, tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité et l’État doit tenir compte, pendant l’exécution des peines privatives de liberté, de l’intérêt de la famille et veiller à la réhabilitation du détenu et à sa réinsertion dans la société.

2.Nouvelles dispositions introduites dans la législation entre 1999 et 2010

Entre 1999 et 2010, le législateur a pris de nombreuses mesures concernant directement la prévention de la torture (voir annexe 6).

3.Nouvelles dispositions législatives et réglementaires et mesures adoptéesdepuis le 14 janvier 2011 (par ordre chronologique)

Depuis le 14 janvier 2011, le législateur a pris différentes mesures législatives et réglementaires qui concernent directement ou indirectement la prévention de la torture (voir annexe 6). Ces mesures nécessitent quelques explications.

Le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011 modifie et complète le Code pénal, qui qualifie les crimes, et le Code de procédure pénale, qui définit les procédures à appliquer en la matière. Il convient de souligner l’importance des modifications qu’il introduit. Citons notamment l’ajout, à l’article 101 du Code pénal, d’un nouvel article 101 bis qui contient une nouvelle définition de la torture (voir annexe 4 et commentaire relatif à l’article premier).

L’article 103 du Code pénal, dans sa version modifiée, punit plus sévèrement tout fonctionnaire public ou assimilé qui porte atteinte à la liberté individuelle d’autrui sans motif légitime.

Parmi les principales dispositions du Code pénal, tel qu’il a été modifié par le décret-loi susmentionné, on peut citer celle en vertu de laquelle est puni quiconque inflige ou fait subir, par l’intermédiaire d’autrui, de mauvais traitements à un accusé, un témoin ou un expert en raison d’une déclaration que celui-ci aura faite ou pour obtenir de lui des aveux ou des déclarations. Cette disposition est de nature à garantir une plus large protection à tout témoin ou expert qui témoigne contre l’auteur du crime de torture.

L’article 101 quater exempte également des peines prévues par le nouvel article 101 bis tout fonctionnaire public ou assimilé ayant pris l’initiative, avant que les autorités compétentes ne prennent connaissance de l’affaire et après qu’il a reçu l’ordre de commettre un acte de torture, qu’on l’a incité à commettre un tel acte ou qu’il a été informé d’un tel acte, de communiquer aux autorités administratives ou judiciaires des renseignements à cet égard, s’il a ainsi permis de découvrir le crime ou de l’éviter. Le législateur entend ainsi encourager les personnes visées à se manifester.

En vertu du nouvel article 101 ter, celui qui a dénoncé de bonne foi un acte de torture ne peut ni faire l’objet d’une action en réparation, ni être poursuivi au pénal. Cette disposition protège quiconque signale un acte de torture et l’exempte de toute responsabilité à condition qu’il agisse de bonne foi.

L’article susmentionné prévoit également des peines moins lourdes, notamment si les renseignements communiqués ont permis de faire cesser la torture, d’identifier ou d’arrêter les responsables ou certains d’entre eux, ou d’éviter un préjudice ou un meurtre.

Une peine plus lourde est en outre prévue si la torture est infligée à un enfant ou si elle entraîne l’amputation d’un membre, une fracture ou un handicap permanent.

Les dires ou les aveux de l’inculpé et les déclarations des témoins sont réputés nuls s’il est établi qu’ils ont été obtenus par la torture ou la contrainte.

Il convient de noter que le décret-loi no 2011-69 du 29 juillet 2011, modifiant et complétant le Code de justice militaire et le décret-loi no 2011-70 du 29 juillet 2011, relatif à l’organisation de la justice militaire et au statut des magistrats militaires introduisent des réformes importantes visant à renforcer les garanties prévues en faveur des accusés et des victimes de sorte que ces garanties soient en adéquation avec la phase actuelle et les théories modernes sur lesquelles reposent les principes fondamentaux de la justice pénale. On peut citer parmi les principales dispositions introduites par ces textes:

L’adoption du principe du double degré de juridiction pour la justice militaire;

La possibilité de se porter partie civile et d’engager une action civile devant la justice militaire;

La possibilité de faire appel de toutes les décisions rendues par le juge d’instruction militaire devant la chambre d’accusation;

L’alignement des délais de recours contre les décisions rendues par les tribunaux militaires avec ceux prévus par la justice pénale;

La suppression de l’ordre d’informer du Ministre de la défense nationale.

Bien qu’ils comportent des dispositions importantes, le décret-loi no 2011-40, portant réparation des dégâts résultant des émeutes et mouvements populaires survenus dans le pays, le décret-loi no 2011-97, portant indemnisation des martyrs et blessés de la révolution du 14 janvier 2011, ainsi que d’autres textes ayant trait, essentiellement, à l’indemnisation des familles des martyrs et des blessés de la révolution ne concernent pas directement l’application, par la Tunisie, de la Convention. Dans les affaires concernant les martyrs et les blessés de la révolution qui ont été portées devant la justice, les chefs d’accusation retenus contre les accusés étaient le meurtre, l’homicide involontaire ou diverses formes de violence. Aucun accusé n’a été en revanche, à l’issue de l’enquête, poursuivi au pénal pour des actes de torture commis contre les martyrs et les blessés de la révolution. Au vu des questions soulevées par les dispositions de la loi no 69-4 de 1969,qui régit les procédures spéciales relatives aux réunions publiques, aux manifestations, aux cortèges, aux défilés et aux attroupements, et compte tenu des questions relatives à la liberté d’expression, au traitement des manifestants, au recours à la force (obligation de respecter les principes de progressivité et de proportionnalité), ainsi que du rapport que tout cela a avec la torture, les mauvais traitements et les nombreuses allégations qui ont été faites à ce sujet au cours des événements en question, il nous a semblé judicieux de citer ces dispositions et ces procédures. Cela s’applique aussi aux personnes ayant bénéficié de l’amnistie générale après avoir été condamnées à l’issue de procès d’opinion intentés depuis l’indépendance de la Tunisie et qui se sont plaintes d’avoir subi des actes de torture et de mauvais traitements.

4.Instruments internationaux relatifs à la torture

En ce qui concerne les instruments internationaux relatifs à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que la Tunisie a signés ou auxquels elle a adhéré, il convient de signaler la signature le 26 avril 2005, par le Coordonnateur général des droits de l’homme au Ministère de la justice de l’époque, d’un accord avec le représentant régional du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) autorisant les délégués du CICR à visiter tous les établissements pénitentiaires et les centres de rééducation et de réinsertion pour mineurs délinquants relevant du Ministère de la justice, ainsi que les centres de garde à vue du Ministère de l’intérieur. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord, le CICR a effectué des visites dans différents établissements pénitentiaires et centres de garde à vue sur toute l’étendue du territoire national et a pu s’entretenir en privé avec tous les prisonniers et les détenus qu’il a souhaité rencontrer.

La Tunisie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vertu du décret-loi no 2011-3 du 19 février 2011 et l’a ratifié en vertu du décret no 2011-551 du 14 mai 2011.

La Tunisie a en outre approuvé l’adhésion du pays au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et à l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour en vertu du décret-loi no 2011-4 du 19 février 2011 et a ratifié les deux instruments en vertu du décret no 2011-549 du 14 mai 2011.

La Tunisie a approuvé en vertu du décret-loi no 2011-5 du 19 février 2011 l’adhésion au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’a ratifié en vertu de la loi organique no 2013-43 du 21 octobre 2013 (art. 25).

La Tunisie a ratifié en vertu du décret-loi no 2011-39 du 18 mai 2011 l’accord de siège entre le Gouvernement de la République tunisienne et l’Institut arabe des droits de l’homme.

En outre, la Tunisie a ratifié en vertu du décret-loi no 2011-92 l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République tunisienne et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés relatif à l’établissement du bureau du Haut‑Commissariat en Tunisie.

La Tunisie a également ratifié en vertu du décret-loi no 2011-94 du 29 septembre 2011l’accord entre la République tunisienne et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat en Tunisie. Il convient de rappeler qu’avant de signer l’accord de siège avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le 13 juillet 2011, le Gouvernement tunisien avait adressé, le 28 février 2011, une invitation ouverte aux rapporteurs spéciaux pour qu’ils effectuent des visites en Tunisie.

La Tunisie avait auparavant accepté la compétence du Comité contre la torture pour examiner des communications émanant de particuliers, prévue aux articles 21 et 22 de la Convention.

5.Mécanismes et organismes de prévention de la torture

Parmi les principales remarques formulées par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan E. Mendez, à l’issue de la visite qu’il a effectuée en Tunisie du 15 au 22 mai 2011, figure la suivante: «Il existe un nombre incalculable d’instructions administratives régissant le traitement des détenus mais leur application effective exige la mise en place de mécanismes d’exécution et de suivi.». À ce propos, nous passerons en revue brièvement ci-après quelques-uns des mécanismes et instances constitutionnels et autres institutions non prévues expressément dans la Constitution créés en Tunisie pour renforcer les droits de l’homme, en général, et protéger les personnes contre la torture, en particulier.

6.Instances constitutionnelles

La Constitution de 2014 prévoit dans son chapitre VI la création d’instances constitutionnelles indépendantes chargées de promouvoir la démocratie, dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative. Les membres de ces instances sont élus par l’Assemblée des représentants du peuple à une majorité qualifiée. Il s’agit de l’instance des élections, de l’Instance de la communication audiovisuelle, de l’instance des droits de l’homme, de l’instance du développement durable et des droits des générations futures et de l’instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.

Instances des droits de l’homme

Le législateur tunisien a élevé, en vertu de la loi no 37 du 16 juin 2008, le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales au rang d’institution nationale des droits de l’homme dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Il a renforcé ses compétences, l’habilitant par exemple à se saisir de toute question relative au renforcement des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à apporter sa contribution à l’élaboration des projets de loi et des rapports présentés par la Tunisie aux organes conventionnels de l’ONU et à suivre les observations émanant de ces organes, ainsi qu’à élaborer un rapport national annuel sur la situation des droits de l’homme dans le pays et à le publier. En outre, la composition de cette institution a été élargie pour qu’elle englobe un large éventail de compétences et de courants de pensée. Toutefois, les activités de cette institution dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme s’étant avérées trop restreintes et peu efficaces, l’Assemblée nationale constituante a décidé de l’élever au rang d’institution constitutionnelle dans la Constitution de 2014 sous l’appellation d’Instance des droits de l’homme. Cette dernière fait désormais partie des institutions constitutionnelles indépendantes, et les autorités compétentes s’emploient actuellement à revoir son statut de façon à mettre ses compétences et ses structures en conformité avec les Principes de Paris, ce qui est susceptible d’améliorer l’efficacité de cet organe.

7.Institutions non prévues expressément dans la Constitution

Le législateur tunisien a créé d’autres institutions qui ne sont pas expressément prévues par la Constitution, dont l’Instance nationale pour la prévention de la torture, qui a été mise en place en application de l’engagement pris par la Tunisie à la suite de la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, et l’Instance de la vérité et de la dignité, qui a été créée en vertu de la loi organique relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation.

Instance nationale pour la prévention de la torture

L’Instance nationale pour la prévention de la torture, créée en vertu de la loi organique no 2013-43, en date du 21 octobre 2013, est une institution nationale de prévention de la torture. C’est un organisme public doté de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et financière. Ses 16 membres doivent être choisis parmi des personnes connues pour leur intégrité, leur indépendance et leur neutralité. Six d’entre eux sont des représentants d’organisations et d’associations de la société civile actives dans le domaine de la défense des droits de l’homme. Les autres membres de l’Instance sont des spécialistes de différents domaines, notamment la médecine et la psychiatrie qui peuvent en raison de leur formation déceler les traces physiques et psychologiques de la torture, conformément à l’article 23 de la Constitution.

En outre, l’application du principe de la parité dans le choix des membres de l’Instance devrait permettre à cet organisme de s’occuper des personnes privées de liberté des deux sexes. L’Instance est considérée comme une autorité administrative, dont les membres jouissent de l’immunité qu’ils gardent même après avoir fini d’exercer leurs fonctions, dans la mesure où ni son président ni aucun de ses membres ne peut être poursuivi ou arrêté en raison d’opinions ou d’actes se rapportant à l’exercice de ses fonctions, même après l’expiration de son mandat. En outre, les membres de l’Instance ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour crime ou délit tant que l’Instance n’a pas levé leur immunité à la majorité de ses membres. Toute mesure de détention est suspendue même en cas de flagrant délit, si l’Instance le requiert.

L’Instance nationale pour la prévention de la torture exerce de vastes compétences en ce qui concerne l’ensemble des lieux de détention, qui comprennent en particulier les prisons civiles, les centres de rééducation des délinquants mineurs, les centres d’hébergement ou d’observation des mineurs, les centres de garde à vue, les établissements de psychothérapie, les centres d’hébergement de réfugiés et de demandeurs d’asile, les centres pour migrants, les centres de quarantaine, les zones de transit dans les aéroports et les ports, les centres de discipline et les moyens utilisés pour le transport des personnes privées de leur liberté. Les membres de l’Instance sont habilités à accéder à tous les lieux de détention, ainsi qu’à leurs installations et équipement et à s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté ou toute autre personne pouvant fournir des informations, sans la présence de témoins, directement ou, au besoin, par l’intermédiaire d’un interprète assermenté. L’Instance exerce ainsi de vastes compétences qui lui permettent d’opérer à l’abri de toute contrainte d’autant plus que les autorités concernées ne peuvent s’opposer à une visite périodique ou inopinée d’un lieu déterminé que pour des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu, qui empêchent provisoirement que la visite ait lieu, et ce, par une décision écrite motivée qui doit être immédiatement transmise au président de l’Instance et mentionnant obligatoirement la durée de l’interdiction provisoire. Toute personne qui transgresse les dispositions susmentionnées est passible de poursuites disciplinaires. L’Assemblée nationale constituante s’efforce actuellement de surmonter certaines difficultés rencontrées dans le cadre de l’élection des membres de l’Instance dues à l’absence de candidats issus de certaines catégories, qui doivent être obligatoirement être représentées parmi ses membres (annexe 2).

Instance de la vérité et de la dignité

Une autre loi organique, la loi no 2013-53, adoptée le 24 décembre 2013, porte sur l’instauration et l’organisation de la justice transitionnelle. S’agissant de l’application de la Convention contre la torture, cette loi a notamment pour but d’assurer le respect de l’obligation de rendre compte par la mise en œuvre d’un ensemble de mécanismes visant à empêcher que ceux qui ont commis des violations restent impunis ou se soustraient à leur responsabilité. En vertu de cette loi, sont créées des chambres judiciaires spécialisées chargées de statuer sur les affaires relatives aux atteintes graves aux droits de l’homme au sens des instruments internationaux ratifiés par la Tunisie, dont la Convention contre la torture, et des dispositions de la loi organique elle-même. Parmi ces violations figurent notamment l’homicide volontaire, le viol et toute autre forme de violence sexuelle, la torture, la disparition forcée et l’exécution en violation des garanties d’un procès équitable. Même si l’un des buts de la loi sur la justice transitionnelle est la réconciliation, celle-ci n’implique pas l’impunité ni qu’aucun compte ne soit demandé aux auteurs de violations graves des droits de l’homme (art. 15 de la loi organique).

L’Assemblée nationale constituante a élu les membres de l’Instance de la vérité et de la dignité et le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle a organisé, du 9 au 11 juin 2014, une conférence consacrée à la composition de l’Instance, à laquelle a participé M. Pablo Degreiff, Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion de la vérité et de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition. Le décret portant création de chambres criminelles spécialisées dans la justice transitionnelle (décret no 2014‑2887) a été adopté le 8 août 2014 (voie l’annexe 3).

8.Place des instruments internationaux dans l’ordre juridique interne

La Constitution de 2014 a défini la place des instruments internationaux dans l’ordre juridique national. Elle dispose en son article 20 que les traités approuvés par l’assemblée représentative et ratifiés ont une autorité supralégislative et infraconstitutionnelle.

9.Invocation de circonstances exceptionnelles pour justifier la pratique de la torture

Il n’existe dans la législation tunisienne aucun texte autorisant l’invocation de circonstances exceptionnelles, quelles qu’elles soient, pour justifier la torture. De plus amples détails sur la question figurent dans les observations concernant l’article 2.

10.Organes judiciaires et administratifs

La Constitution de 2014 dispose que le pouvoir judiciaire est indépendant et garantit l’instauration de la justice, la primauté de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et libertés et que le magistrat est indépendant et qu’il n’est soumis dans l’exercice de ses fonctions qu’à la loi. Vu que la Constitution interdit la torture en son article 23, il incombe au pouvoir judiciaire d’assurer le respect de cette interdiction en tant que protecteur des droits et des libertés selon les dispositions de l’article 102 de la Constitution.

En vertu de l’article 120 de la Constitution de 2014, la Cour constitutionnelle est, entre autres, habilitée à examiner les lois que lui transmettent les tribunaux suite à l’invocation d’une exception d’inconstitutionnalité à la demande d’une des parties à un litige, dans les cas et selon les procédures définis par la loi. Si la Cour prononce l’inconstitutionnalité d’une loi, son application est suspendue dans les limites de ce qui a été décidé par la Cour (art. 123 de la Constitution).

En outre, la Constitution de 2014 interdit, au paragraphe 1 de son article 110, la création de tribunaux d’exception, disposant que les différentes catégories de tribunaux sont créées par la loi et que la création de tribunaux d’exception est interdite au même titre que l’édiction de procédures exceptionnelles susceptibles de porter atteinte aux principes de l’équité des procès.

Aux termes de l’article 115 de la Constitution, «le ministère public fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des mêmes garanties constitutionnelles». Les magistrats du ministère public exercent leurs fonctions fixées par la loi et dans le cadre de la politique pénale de l’État conformément aux procédures déterminées par la loi.

L’Assemblée constituante était consciente du fait que la plupart des dispositions relatives aux droits et aux libertés de la précédente Constitution tunisienne ayant été formulées en des termes trop généraux et spécifiant systématiquement que ces droits et libertés étaient exercés «dans les limites prévues par la loi», cela avait vidé lesdits droits et libertés de leur contenu et porté atteinte à leur essence, surtout en l’absence d’une cour constitutionnelle habilitée à adopter des décisions contraignantes en la matière. Pour cette raison, l’article 49 de la Constitution de 2014 dispose ce qui suit: la loi détermine les restrictions relatives aux droits et libertés garantis par la présente Constitution, et à leur exercice, sans que cela porte atteinte à leur essence. Ces restrictions ne peuvent être décidées qu’en cas de nécessité exigée par un État civil et démocratique dans l’objectif de protéger les droits d’autrui, la sécurité publique, la défense nationale, la santé publique ou la morale publique, en respectant le principe de la proportionnalité des restrictions à l’objectif recherché. Les instances juridictionnelles se chargent de la protection des droits et libertés contre toute violation. Aucun amendement ne peut porter atteinte aux droits de l’homme et aux libertés garantis par la Constitution.

11.Facteurs et difficultés pouvant entraver l’exécution des engagements découlantde la Convention

Parmi les facteurs et les difficultés qui peuvent influer sur l’exécution des engagements découlant de la Convention figurent notamment:

Les difficultés à faire évoluer les mentalités face aux lourdes séquelles d’un passé chargé d’abus et de violations;

Les difficultés inhérentes à la transition démocratique et au fait que l’expérience démocratique en est encore à ses premiers balbutiements en Tunisie;

Un système de droit pénal nécessitant une refonte complète;

Les difficultés à faire évoluer la législation et la mettre en conformité avec les normes internationales compte tenu des engagements de l’Assemblée nationale constituante et de l’étendue des tâches qui lui incombent;

Des compétences insuffisantes sur le plan théorique et pratique;

La non-application des techniques modernes d’interrogatoires et d’enquête;

La faiblesse de l’infrastructure des prisons et des lieux de détention, le délabrement de bon nombre de ces établissements et le problème que pose leur rénovation aux vues des difficultés économiques que connaît le pays.

12.Recommandations issues de l’examen par le Comité du deuxième rapport périodique de la Tunisie et autres recommandations

Le Comité a adopté, à ses 358e, 359e et 363e séances, tenues les 18 et 20 novembre 1998 (CAT/C/SR.358, 359 et 363), à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de la Tunisie plusieurs conclusions et recommandations tendant notamment à ce que la Tunisie mette un terme à la pratique dégradante de la torture et comble le fossé qui existe entre la loi et son application, veille à l’application rigoureuse des dispositions de la loi et des procédures relatives à l’arrestation et à la garde à vue, applique scrupuleusement les procédures d’enregistrement, y compris la notification des familles des personnes placées en garde à vue, garantisse le droit des victimes d’actes de torture de déposer plainte sans avoir à craindre de faire l’objet de représailles, de harcèlement, de traitements brutaux ou de persécution de toute nature, même si les résultats de l’enquête ne confirment pas leurs allégations, et leur droit de demander et d’obtenir réparation si ces allégations s’avèrent justes.

Le Comité a en outre recommandé à la Tunisie de faire en sorte que des examens médicaux soient automatiquement prévus à la suite d’allégations de violation et qu’une autopsie soit pratiquée dans tous les cas de décès en garde à vue; que les résultats de toutes les enquêtes concernant les cas de torture soient rendus publics et que les informations fournies comprennent le détail des infractions commises, le nom des auteurs, les dates, lieux et circonstances des incidents et les sanctions imposées aux coupables.

Le Comité a par ailleurs exhorté la Tunisie à prendre plusieurs mesures consistant notamment à ramener la durée de la garde à vue à quarante-huit heures au maximum, à rendre les articles pertinents du Code pénal conformes à la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, à modifier la législation applicable pour garantir qu’aucune déclaration obtenue par la torture ne soit utilisée dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite.

Le Comité a enfin invité instamment la Tunisie à présenter son troisième rapport périodique au plus tard le 30 novembre 1999.

Quant aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la torture dans le rapport qu’il a publié à l’issue de la visite qu’il a effectuée en Tunisie du 15 au 22 mai 2011, elles concernent la lutte contre l’impunité des auteurs des violations commises par le passé, les conditions de détention, les garanties de protection contre la torture, l’application rapide de réformes constitutionnelles, législatives et administratives et la mise en place de mécanismes d’inspection et de suivi.

Les recommandations adressées à la Tunisie dans le cadre de l’Examen périodique universel, au cours de la vingt et unième session du Conseil des droits de l’homme peuvent être classées dans trois catégories. La première concerne la nécessité de réformer le secteur de la sécurité et de former les policiers, de lutter contre le surpeuplement carcéral, de réformer les règles régissant la garde à vue et d’en réduire à quarante-huit heures la durée maximale, de permettre aux avocats d’assister aux interrogatoires, de respecter les garanties juridiques et d’ouvrir les registres de détention aux familles et aux avocats. La deuxième catégorie porte sur la nécessité de faire en sorte que les auteurs des violations des droits de l’homme commises par le passé rendent compte de leurs actes, de garantir de moyens de recours et de mettre en place des mécanismes et des procédures de justice transitionnelle. La troisième catégorie a trait à la création d’un mécanisme national de prévention de la torture et à l’imprescriptibilité des crimes de torture.

La troisième partie du présent rapport est consacrée aux principaux efforts déployés par la Tunisie pour répondre aux préoccupations du Comité et donner suite aux recommandations qu’il a formulées à l’issue de l’examen de son deuxième rapport périodique. Quant aux réponses aux recommandations du Rapporteur spécial sur la torture et à celles issues de l’Examen périodique universel elles figurent dans les différentes sections du présent rapport.

II.Renseignements concernant les différents articlesde la Convention

Renseignements sur les mesures prises et les changements intervenusen ce qui concerne l’application des articles 1er à 16 de la Convention

L’Assemblée nationale constituante examine actuellement un projet de loi portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale et ajoutant au Code de nouvelles dispositions, dont le détail figure dans le tableau comparatif indiquant les changements proposés par rapport au texte de loi actuel (annexe 5).

Article premier

1.Définition de la torture

Le nouvel article 101 bis du Code pénal, tel que modifié par le décret-loi no 2011‑106 du 22 octobre 2011, contient une définition de la torture.

Le décret-loi abroge l’ancien article 101 bis du Code pénal et le remplace par un nouvel article, qui dispose ce qui suit: «Le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou une souffrance aiguë physique ou mentale, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis. Est considéré comme torture le fait d’intimider ou de faire pression sur une personne ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne aux fins d’obtenir des renseignements ou des aveux. Entre dans le cadre de la torture, la douleur, la souffrance, l’intimidation ou la contrainte infligées pour tout autre motif fondé sur la discrimination raciale. Est considéré comme tortionnaire, le fonctionnaire public ou assimilé qui ordonne, incite, approuve ou garde le silence sur la torture, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. N’est pas considérée comme torture, la souffrance résultant des peines légales, entraînée par ses peines ou inhérente à elles.». Les modifications apportées au Code pénal font que la définition qu’il donne de la torture est désormais conforme à celle qui figure dans la Convention.

2.Définition du fonctionnaire public

Le terme de fonctionnaire public qui figure dans la définition de la torture requiert une clarification. À cet égard le droit pénal tunisien donne un sens large au concept de fonctionnaire public. Ainsi l’article 82 du Code pénal, tel que modifié par la loi no 1998-33 du 23 mai 1998, contient la définition suivante: «Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne dépositaire de l’autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l’un des services de l’État ou d’une collectivité locale ou d’un office ou d’un établissement public ou d’une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d’un service public. Est assimilée aux fonctionnaires publics toute personne ayant la qualité d’officier public ou investie d’un mandat électif de service public ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire.».

3.Instruments internationaux contenant des dispositions de plus vaste portée

En ce qui concerne les instruments internationaux qui contiennent des dispositions dont le champ d’application est de plus vaste portée, il convient de se référer au point 4 de la section B concernant les instruments internationaux relatifs à la torture (par. 26 à 33 ci‑dessus).

Article 2

La Constitution de 2014 a consacré le droit à la vie et au respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique. L’article 19 dispose à cet égard que la sécurité nationale est chargée de veiller à l’application de la loi dans le respect des libertés et en toute neutralité. Le législateur tunisien a adopté d’autres dispositions constitutionnelles dans ce domaine (voir le point 1 de la section B, par. 7 à 13 ci-dessus).

En outre, l’article 23 de la Constitution de 2014 prévoit expressément que le crime de torture est imprescriptible.

La Constitution consacre dans le contexte de la justice transitionnelle l’imprescriptibilité de plusieurs crimes qui sont énumérés au paragraphe 9 de l’article 148, dont le crime de torture. Cette disposition confirme celle de l’article 9 de la loi organique no 2013-53 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation.

La Constitution de 2014 va donc ainsi plus loin que le décret-loi no 2011-106 susmentionné, qui avait fixé un délai de prescription de quinze ans pour l’action publique qui résulte d’un crime de torture.

1.Durée de la garde à vue et de la détention provisoire et règles applicablesà ces mesures

En plus de ce qui est prévu à l’article 29 de la Constitution de 2014 − dont il est question plus haut −, en ce qui concerne l’arrestation et la détention d’une personne et à l’article 30 relatif à l’obligation de traiter avec humanité tout prisonnier, le législateur tunisien a ramené, le 2 août 1999, le délai de garde à vue à trois jours pouvant être prolongés une seule fois d’une période identique. Auparavant ce délai était de quatre jours pouvant être prolongés une première fois d’une période similaire et, au besoin, une deuxième fois de deux jours.

Le législateur a également ramené la durée de la détention provisoire à neuf mois en cas de délit (six mois pouvant être prolongés d’une période de trois mois) et à quatorze mois pour les crimes (six mois pouvant être prolongés deux fois d’une période de quatre mois). On se souviendra que dans la loi du 26 novembre 1987, la durée de la détention provisoire était fixée à six mois pouvant être prolongés une seule fois d’une période identique (soit douze mois au total) pour les délits et de deux périodes de même durée (soit dix-huit mois au total) pour les crimes.

a)Réglementation des modalités de détention et élargissement des cas où la libérationde droit de l’accusé doit être prononcée

L’article 84 du Code de procédure pénale dispose expressément que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle. Le législateur a renforcé ce principe en modifiant, par la loi no 2008-74 du 11 décembre 2008, l’article 85 du Code; la nouvelle disposition élargit le régime de la remise en liberté de droit, requiert que toute mesure de détention soit motivée, rend obligatoire la remise en liberté du suspect à l’achèvement de la période légale de détention provisoire et définit de nouvelles mesures pour améliorer les conditions des détenus.

Le régime de la libération de droit est applicable à chaque accusé n’ayant pas été auparavant condamné à une peine de plus de six mois d’emprisonnement (contre trois mois dans l’ancien texte de loi) et lorsque la peine prévue par la loi est inférieure à deux ans d’emprisonnement (contre un an dans l’ancienne disposition). En vertu du nouvel article «un accusé doit être remis en liberté avec ou sans cautionnement cinq jours après l’interrogatoire sous réserve qu’il ait une résidence fixe en Tunisie et qu’il n’ait pas été condamné à une peine supérieure à six mois d’emprisonnement quand le maximum de la peine prévue par la loi ne dépasse pas deux ans, sauf s’il est condamné pour des infractions qui relèvent des articles 68, 70 et 217 du Code pénal, à savoir, respectivement, le complot formé dans le but de commettre une des atteintes visant la sûreté intérieure de l’État, le fait de proposer de former un complot dans le but de commettre une des atteintes visant la sûreté intérieure de l’État et l’homicide involontaire, commis ou causé par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements».

Ces mesures sont assorties de l’obligation de motiver les décisions de mise en détention et d’ordonner la libération de droit de l’accusé en cas d’expiration de la durée maximale de la détention provisoire.

En outre, la loi no 2008-21 du 4 mars 2008 rend obligatoire la motivation de la décision de détention provisoire (présentation des motifs de fait et de droit la justifiant), en sorte que l’article 85 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit: «Un inculpé peut être soumis à la détention provisoire dans les cas de crime ou délit flagrant et toutes les fois que, en raison de l’existence de présomptions grave, la détention semble nécessaire comme une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme garantie de l’exécution de la peine ou comme moyen d’assurer la sûreté de l’information.».

Le législateur a rendu obligatoire la libération de l’accusé en cas d’expiration de la durée maximale de la détention provisoire prévue par la loi. À ce propos, l’avant-dernier paragraphe de l’article 85 du Code de procédure pénale contient la disposition suivante: «La décision de la chambre d’accusation de renvoyer l’affaire devant le juge d’instruction pour l’accomplissement de certains actes nécessaires à la mise de l’affaire en état ne peut entraîner le dépassement de la durée maximale de la détention provisoire de l’inculpé; dans un tel cas, le juge d’instruction ou la chambre d’accusation, selon le cas, doit ordonner d’office sa mise en liberté provisoire, sans que cela empêche la prescription des mesures nécessaires pour garantir sa comparution.».

b)Règles régissant les droits d’une personne en arrestation d’être assistée par un avocat, examinée par un médecin et de prendre contact avec sa famille

L’article 13 bisdu Code de procédure pénale prévoit des mesures pour garantir les droits fondamentaux de la personne arrêtée ou placée en garde en vue, dont le droit d’être assistépar un avocat, d’être examiné par un médecin et de prendre contact avec sa famille (annexe 5).

2.Détention au secret

Il n’y a dans la législation tunisienne aucune disposition autorisant la détention au secret dans la mesure où la liste des établissements pénitentiaires et des centres de détention et de garde à vue doit être, conformément à la loi, connue de tous.

En plus de ce qui est prévu aux articles 29 et 30 de la Constitution de 2014 et à l’article 13 bis du Code de procédure pénale, dont il est question plus haut, la loi no 2001-52 du 4 mai 2001 relative à l’organisation des prisons dispose ce qui suit: «Un équilibre doit être trouvé entre, d’une part, les droits du prisonnier et, d’autre part, la garantie de la sécurité de l’établissement pénitentiaire et des autres prisonniers. À ce titre, les prisonniers jouissent de plusieurs droits, dont notamment:

Le droit d’être informé de la loi qui régit les prisons pour qu’ils soient au fait de leurs droits et devoirs;

Le droit à la protection de leur intégrité physique et mentale contre toute forme de mauvais traitement;

Le droit aux soins de santé physique et mentale et à la satisfaction de leurs besoins quotidiens;

Le droit des enfants âgés de 13 ans révolus d’accéder librement à l’un de leurs parents emprisonnés;

Le droit à un suivi médical des détenues enceintes pendant et après la grossesse et le droit des femmes détenues accompagnées d’enfants à des soins médicaux et sociaux;

La loi définit également les devoirs des détenus et prescrit des mesures et des sanctions disciplinaires en cas de transgression des règles pénitentiaires.

Les autorités compétentes (administration des prisons et pouvoir judiciaire) répondent favorablement aux demandes de visites permettant un contact direct et autorisent les détenus à assister aux funérailles de leurs proches.

En ce qui concerne le recours à l’isolement cellulaire en tant que mesure disciplinaire, la circulaire du Ministre de la justice en date du 13 novembre 2008 énumère les garanties juridiques dont doivent bénéficier les prisonniers lorsqu’une telle sanction est infligée, notamment en ce qui concerne la composition de la commission de discipline et sa neutralité, la nécessité d’obtenir l’avis par écrit du médecin de la prison avant de prendre la décision, de surveiller l’état de santé du prisonnier d’une manière régulière et de bien mesurer le degré de gravité des actes commis avant de fixer la durée de l’isolement cellulaire.

3.Création de la fonction de juge d’application des peines et renforcement des attributions du juge

La fonction de juge d’application des peines a été créée en vertu de la loi no 2000-77 du 31 juillet 2000 amendant et complétant certains articles du Code de procédure pénale.

Les compétences du juge de l’application des peines ont été élargies par la loi du 29 octobre 2002 amendant et complétant le Code de procédure pénale.

Des règles de procédure ont été adoptées aux fins de déterminer la compétence territoriale du juge de l’application des peines et de définir ses fonctions. Celles‑ci consistent notamment à surveiller l’exécution des peines privatives de liberté dans les établissements pénitentiaires relevant de la juridiction du tribunal compétent.La loi habilite en outre ce dernier à faire des propositions destinées à accorder à certains prisonniers la liberté conditionnelle. À cet égard, le paragraphe 1 de l’article 342 bis du Code de procédure pénale dispose ce qui suit: «Le juge de l’exécution des peines contrôle les conditions d’exécution des peines privatives de liberté exécutées dans les établissements pénitentiaires sises dans le ressort de sa juridiction.».

Le juge de l’application des peines est habilité à visiter les établissements pénitentiaires, à s’entretenir avec les prisonniers et à consulter le registre où sont consignées les sanctions disciplinaires prises à leur encontre. La loi l’autorise en outre à accorder la liberté conditionnelle aux personnes accusées d’infractionsemportant une peine inférieure à huit mois d’emprisonnement, compétence qu’il partage avec le Ministre de la justice.

4.Dispositions prises en faveur des mineurs délinquants pour maintenir leurs liensavec le monde extérieur

Les centres de rééducation appliquent en matière d’enseignement un système de contrôle continu. Les enfants, qui sont placés en régime semi‑ouvert, suivent des programmes élaborés en collaboration avec le Ministère de l’éducation en faisant appel à des outils pédagogiques spéciaux (livres de lecture, manuels et guides didactiques) et à des enseignants spécialisés.

Les enfants qui suivent un programme de soutien intensif reçoivent des cours spéciaux d’enseignement général de sensibilisation et d’orientation. Ils sont également autorisés à suivre une formation professionnelle ou agricole portant sur divers domaines, dispensée en coordination avec les services du Ministère de l’éducation, des sciences et de la formation et du Ministère de l’agriculture, de l’environnement et des ressources en eau, le but étant de les préparer aux examens de fin d’études et d’aptitude professionnelle.

Le décret no 1995-2423 du 11 décembre 1995 portant règlement intérieur des centres de rééducation des délinquants mineurs fait obligation au directeur de chaque centre de consigner sur un registre coté et paraphé, qui lui est fourni par la Direction générale des prisons et de la rééducation, le jour et l’heure d’admission et de sortie de chaque mineur placé dans son établissement. La loi fait également obligation à l’administration du centre d’informer le tuteur de la sortie de l’enfant mineur trois jours avant celle‑ci. Au cas où le tuteur ne peut pas venir prendre son enfant, le mineur reste au centre, qui prend l’initiative d’aviser les autorités locales ou régionales compétentes pour convoquer le tuteur ou une personne qui le représente. La Direction du centre délivre au mineur, à l’expiration de la période de détention, une carte de sortie dont une copie est adressée à la Direction générale des prisons et de la rééducation.

5.Procédures d’hospitalisation pour cause de troubles mentaux

La loi no 1992-83 du 3 août 1992 relative à la santé mentale et aux conditions d’hospitalisation en raison de troubles mentaux, telle que modifiée par la loi no 2004-40 du 3 mai 2004, fixe les conditions d’hospitalisation et dispose d’une manière générale que l’hospitalisation des personnes en raison de troubles mentaux s’effectue dans le respect des libertés individuelles et dans des conditions qui garantissent la dignité humaine (art. 1) et que toute personne atteinte d’un trouble mental doit être protégée contre toute exploitation, tout abus ou tout traitement inhumain ou dégradant (art. 3, par. 1). L’article 12 de la même loi dispose que lorsqu’une personne est hospitalisée sans son consentement, les restrictions à sa liberté doivent être limitées à celles qui sont rendues nécessaires par son état de santé et à la mise en œuvre de son traitement, et que la personne doit être informée dès l’admission et, en tout cas, dès que son état le permet, de sa situation juridique. La loi réglemente en outre les visites des médecins de l’inspection de la santé publique et fait obligation à chaque établissement d’hospitalisation de tenir un registre coté et paraphé par les services de l’inspection médicale du Ministère de la santé publique donnant des détails précis sur l’état la personne hospitalisée.

Aux termes de l’article 37 de la loi, est puni d’emprisonnement et/ou d’une amende, le directeur d’un établissement d’hospitalisation qui aura hospitalisé une personne à la demande d’un tiers sans avoir respecté les conditions fixées à l’article 15 de la loi ou qui aura omis d’adresser, dans les délais prescrits, aux services spécialisés du Ministère de la santé les certificats médicaux et le bulletin d’entrée prévus à l’article 7 de la loi. Un certificat médical établi par un psychiatre de l’établissement d’hospitalisation constate l’état de santé mentale de la personne hospitalisée sans son consentement et indique s’il est nécessaire de la garder dans l’établissement. Le directeur de l’établissement d’hospitalisation est également puni s’il fait obstruction à une requête ou une réclamation adressée par une personne hospitalisée, selon les modalités prévues au chapitre III de la loi, à l’autorité judiciaire ou administrative, ceci sans préjudice du contrôle exercé par le Président du tribunal de première instance, le Procureur de la République et la Commission régionale de santé mentale.

6.Interdiction de l’invocation de circonstances exceptionnelles, de lois d’exception,ou de la nécessité de combattre le terrorisme pour restreindre les garantiesdont bénéficient les détenus

Le paragraphe 1 de l’article 80 de la Constitution de 2014 dispose ce qui suit: «En cas de péril imminent menaçant la nation ou la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures requises par ces circonstances exceptionnelles après consultation du chef du Gouvernement, du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et information du Président de la Cour constitutionnelle. Il adresse à ce sujet un message au peuple.».

Le décret no 1978-50 du 26 janvier 1978 régit l’application de l’état d’urgence en Tunisie. Il contient plusieurs dispositions qui touchent les droits fondamentaux et les libertés publiques, concernant notamment la résidence des personnes, le contrôle de la presse et des différents types de publication et l’interdiction des réunions qui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité; il ne contient toutefois aucune disposition de nature à porter atteinte aux garanties dont bénéficient les détenus. La loi tunisienne ne permet donc pas d’invoquer l’état d’urgence pour restreindre les droits des détenus.

Il convient de rappeler que le Président de la République a levé l’état d’urgence, qui avait été proclamé pendant la révolution qu’a connue le pays entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, sur toute l’étendue du territoire tunisien, en vertu du décret no 2014‑39 du 4 mars 2014.

D’autre part, la loi no 2003-75 du 10 décembre 2003, telle que modifiée et complétée par la loi no 2009-65 du 12 août 2009, organise le soutien aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et de répression du blanchiment d’argent. Aucune des dispositions de cette loi n’est de nature à porter atteinte aux garanties juridiques dont bénéficient toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction liée au terrorisme. La loi en question a été révisée et un nouveau projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent a été soumis à l’Assemblée constituante pour examen et approbation.

7.Interdiction de l’invocation des ordres d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture

Il n’existe dans les lois tunisiennes aucune disposition autorisant l’invocation des ordres d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture. L’article 42 du Code de procédure pénale fait actuellement l’objet d’un débat. On trouvera dans les observations ci-après des précisions sur la question.

L’article 101 bis (nouveau) du Code pénal dispose ce qui suit: «Est considéré comme tortionnaire, fonctionnaire public ou assimilé, qui ordonne, incite, approuve ou garde le silence sur la torture, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.».

Le fonctionnaire public qui garde le silence sur la torture est ainsi considéré comme un tortionnaire et encourt les peines prévues à l’article 101 bis; il ne peut invoquer les ordres d’un supérieur, y compris ceux émanant des autorités policières ou militaires pour justifier la torture, vu que rien qu’en gardant le silence sur cette pratique le fonctionnaire peut être considéré comme un tortionnaire passible des peines prévues par la loi. Cette orientation est confirmée par les dispositions mentionnées ci-après.

Le législateur tunisien a exempté, à l’article 101 quater (nouveau) du Code pénal, des peines encourues susmentionnées, le fonctionnaire public ou assimilé qui a pris l’initiative, avant que les autorités compétentes ne prennent connaissance de l’affaire, et après qu’il a reçu l’ordre de commettre des actes de torture ou qu’il a été incité à les commettre ou qu’il en a pris connaissance, de communiquer aux autorités administratives ou judiciaires les informations et renseignements ayant permis de découvrir l’infraction ou d’éviter sa perpétration. Le but visé est d’en encourager les personnes concernées à se manifester.

Aux termes du même article (101 quater), la peine encourue pour l’infraction est réduite à moitié, si les informations et les renseignements fournis ont permis de faire cesser la torture ou d’identifier et d’arrêter ses auteurs ou certains d’entre eux ou ont permis d’éviter un préjudice ou un meurtre. La peine d’emprisonnement à vie prévue pour l’infraction de torture ayant entraîné la mort, mentionnée au dernier alinéa de l’article 101 ter du Code, est remplacée par vingt ans d’emprisonnement. En outre, celui qui a informé de bonne foi les autorités ne peut faire l’objet d’une action en réparation ou être poursuivi au pénal.

Comme on peut le voir la responsabilité pénale du fonctionnaire public étant engagée par le simple fait de garder le silence sur des actes de torture, il n’est pas possible d’invoquer les ordres d’un supérieur pour justifier cette pratique.

En outre, l’article 41 du Code pénal contient ce qui suit: «La crainte révérencielle n’a pas le caractère de contrainte.». Ce qui signifie qu’il n’est pas permis d’invoquer une contrainte morale ou la crainte du supérieur hiérarchique pour se soustraire à sa responsabilité pour un acte interdit par la loi.

D’autre part, l’article 42 du Code pénal dispose ce qui suit: «N’est pas punissable celui qui a commis un fait en vertu de dispositions de la loi ou d’un ordre émanant d’une autorité compétente.». Cette disposition vise les actes qui sont autorisés par la loi, ce qui n’est pas le cas de la torture qui est interdite.

En ce qui concerne les forces de sécurité intérieures, l’article 46 de la loi no 1982-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieures contient la disposition suivante: «Sans préjudice des dispositions prévues par les statuts particuliers, tout agent des forces de sécurité intérieures, quel que soit son rang dans la hiérarchie de son corps, est responsable des tâches qui lui sont confiées et de l’exécution des ordres qui lui sont donnés par ses supérieurs dans le cadre de la légalité.».

8.Efficacité des mesures prises pour empêcher la pratique de la torture, notamment celles visant à faire en sorte que les responsables soient traduits en justice

La Tunisie a apporté des modifications à sa législation consistant notamment à rendre imprescriptible le crime de torture et irrecevables les déclarations et les aveux des accusés ou les déclarations des témoins s’il est établi qu’ils ont été obtenus par la torture ou la contrainte. Elle a en outre pris des mesures importantes pour empêcher la pratique de la torture, dont notamment la création d’une instance pour la prévention de la torture, l’élévation de l’Instance des droits de l’homme au rang d’institution constitutionnelle et la révision de la loi régissant son fonctionnement pour la mettre en conformité avec les Principes de Paris. D’autre part, les différentes autorités publiques collaborent avec les organismes des Nations Unies et les organisations internationales dans le cadre de divers programmes visant à former les agents chargés d’appliquer la loi et à les sensibiliser à la gravité de la torture et de ses conséquences. Il subsiste cependant des craintes quant au non-respect des lois et des mesures prises dans le cadre de la lutte contre la torture, comme en témoigne le nombre des plaintes reçues à ce propos.

Article 3

1.L’extradition dans la législation tunisienne

Le droit tunisien interdit l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’un étranger vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

Il convient de rappeler que la Tunisie a ratifié la Convention de Genève de 1951 et son Protocole additionnel de 1967.

La question de l’extradition des étrangers ayant commis une infraction pénale est traitée dans les articles 308 à 330 de la partie VIII du chapitre IV du Code de procédure pénale (De quelques procédures particulières).

L’article 308 dispose que les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont régis par les dispositions de la partie VIII du Code de procédure pénale, sauf dispositions contraires contenues dans les traités internationaux.

Le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale, a ajouté un troisième alinéa à l’article 313 du Code de procédure pénale qui dispose que l’extradition n’est pas accordée: «lorsque la personne faisant l’objet de la demande d’extradition risque d’être soumise à la torture».

2.Autorité judiciaire compétente pour examiner les demandes d’extradition

La chambre d’accusation de la Cour d’appel de Tunis, instance collégiale constituée d’un juge président et de deux juges assesseurs, est l’autorité compétente pour examiner les demandes d’extradition. Toutes ses décisions sont prises dans le respect des garanties d’une procédure équitable et compte dûment tenu de tous les aspects matériels et juridiques de l’affaire, y compris la question de savoir s’il y a des raisons sérieuses de croire que la personne devant être extradée risque d’être torturée dans l’État requérant. Le rejet par la chambre d’accusation de la demande d’extradition est contraignant pour le pouvoir exécutif et conformément à l’article 323 du Code de procédure pénale, qui dispose ce qui suit: «… la chambre d’accusation, statuant sans recours, donne son avis motivé sur la demande d’extradition. Si elle estime que les conditions légales de l’extradition ne sont pas réunies ou qu’une erreur évidente a été commise, elle rejettera la demande d’extradition. Cette décision est définitive et l’extradition n’aura pas lieu.». Lorsque l’avis de la chambre d’accusation est favorable, le Gouvernement est libre d’accorder ou non l’extradition.

Article 4

La torture constitue une infraction au regard du droit pénal tunisien, qui fixe les peines encourues selon le principe de progressivité et incite à dénoncer les actes de torture.

1.Progressivité des peines réprimant la torture

Aux termes de l’article 23 de la Constitution de 2014: «L’État protège la dignité de la personne et son intégrité physique, et interdit toute forme de torture morale et physique. Le crime de torture est imprescriptible.».

Il convient de rappeler ici la définition de la torture dans le droit tunisien (se reporter au commentaire relatif à l’article premier).

L’article 103 du Code pénal, tel que modifié par le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011, modifiant et complétant le Code pénal et le Code de procédure pénale, a aggravé les peines encourues par les auteurs d’actes de torture selon les modalités suivantes:

Est puni d’un emprisonnement de huit ans et d’une amende de 10 000 dinars, tout fonctionnaire public ou assimilé qui aura commis les actes mentionnés à l’article 101 bis du présent Code, qui définit le crime de la torture;

La peine est portée à douze ans d’emprisonnement et l’amende à 20 000 dinars, si la torture entraîne l’amputation d’un membre, une fracture ou un handicap permanent;

La peine d’emprisonnement est de dix ans et l’amende de 20 000 dinars, si la torture est infligée à un enfant;

La peine d’emprisonnement est portée à seize ans et l’amende à 25 000 dinars, si la torture infligée à un enfant entraîne l’amputation d’un de ses membres, une fracture ou un handicap permanent;

Tout acte de torture entraînant la mort est passible d’une peine d’emprisonnement à vie, sans préjudice, le cas échéant, de l’application des peines plus sévères prévues dans les cas d’atteintes à la personne.

2.Incitation à signaler les actes de torture

Afin de prévenir la torture, le législateur a exempté des peines prévues par le nouvel article 101 bis du Code pénal tout fonctionnaire public ou assimilé qui − ayant pris l’initiative avant que les autorités compétentes ne prennent connaissance de l’affaire et après qu’il a reçu l’ordre de commettre un acte de torture, qu’on l’a incité à commettre un tel acte ou qu’il a été informé d’un tel acte, de communiquer aux autorités administratives ou judiciaires des renseignements à cet égard − a permis de découvrir le crime ou de l’éviter (voir à ce propos le commentaire relatif à l’article premier).

Le législateur a réduit de moitié les peines prévues si les renseignements communiqués ont permis de faire cesser la torture, d’identifier ou d’arrêter les responsables ou certains d’entre eux, ou d’éviter un préjudice ou un meurtre.

En outre, le législateur a réduit la peine de réclusion à perpétuité prévue pour les actes de torture entraînant la mort, qui sont visés au dernier alinéa de l’article 101 ter du Code pénal, à vingt ans d’emprisonnement.

S’il est déclaré coupable d’avoir porté atteinte aux libertés individuelles, d’avoir utilisé la violence ou d’avoir pratiqué la torture, un fonctionnaire peut également être privé de certains droits comme celui de servir dans la fonction publique ou d’exercer certaines professions, ou perdre le droit de vote, le droit de porter une arme ou de porter des médailles officielles.

Conscient du fait que la dénonciation d’une infraction peut être motivée par la volonté de se soustraire à la responsabilité pénale ou civile, le législateur a précisé qu’il n’en était pas tenu compte lorsqu’elle avait lieu après la découverte de la torture ou l’ouverture de l’enquête. C’est pourquoi il a exigé que la dénonciation soit de bonne foi ajoutant que celui qui a dénoncé un acte de torture ne pouvait ni faire l’objet d’une action en réparation ni être poursuivi au pénal.

Le tableau ci-après indique le nombre et la nature des affaires jugées et les décisions auxquelles elles ont donné lieu.

Nombre d’affaires de torture dont ont été saisis les tribunaux du 14 janvierau 1er juillet 2014

Première instance

Nombre d ’ affaires examinées

Tribunal de Tunis

91

Tribunal de Tunis 2

1

Tribunal d ’ Ariana

4

Tribunal de Man n ouba

25

Tribunal de Ben Arous

5

Tribunal de Bizerte

6

Tribunal de Béja

2

Tribunal de Nabeul

1

Tribunal de Grombalia

5

Tribunal de Zeg h ouan

4

Tribunal de Sousse

14

Tribunal de Sousse 2

1

Tribunal de Kairouan

0

Tribunal de Monastir

5

Tribunal de Mahdia

1

Tribunal de Sfax

8

Tribunal de Sfax 2

0

Tribunal d u Kef

0

Tribunal de Jendouba

3

Tribunal de Kasserine

1

Tribunal de Siliana

4

Tribunal de Gabès

22

Tribunal de Kebili

0

Tribunal de Gafsa

0

Tribunal de Tozeur

0

Tribunal de Sidi Bouzid

2

Tribunal de Médenine

25

Tribunal de Tataouine

0

Total

230

Source : http://www.e-justice.tn/index.

Il convient en outre ce qui suit:

165 affaires sont encore en cours d’examen;

20 affaires ont été renvoyées devant le Tribunal militaire permanent de Tunis;

6 affaires ont été classées sans suite pour absence de fondement juridique, insuffisance de preuves, parce que l’auteur de l’infraction n’a pas été identifié ou à cause de l’expiration du délai de prescription de l’action publique;

Des peines d’emprisonnement et des amendes ont été prononcées dans 3 affaires jugées par contumace;

Des peines d’emprisonnement avec sursis ont été prononcées dans 2 autres affaires;

L’on observe une lenteur dans l’examen des affaires de torture, ce qui donne l’impression qu’il existe une certaine impunité.

S’agissant de la prise en compte de la gravité du crime de torture lors de la détermination des peines, le législateur a adopté le principe de progressivité comme cela a été indiqué précédemment.

Article 5

Les tribunaux tunisiens sont compétents pour connaître des infractions commises sur le sol tunisien et à bord des navires et aéronefs immatriculés en Tunisie, et des affaires dont l’auteur est un ressortissant tunisien. Ils sont également compétents pour poursuivre et juger quiconque hors du territoire tunisien s’est rendu coupable, soit comme auteur principal, soit comme complice, d’un crime ou d’un délit, lorsque la victime est de nationalité tunisienne.

1.Territorialité de la loi pénale

Le droit tunisien a adopté le principe de la territorialité de la loi pénale, qui confère aux tribunaux tunisiens le pouvoir de connaître de toutes les infractions commises sur le territoire tunisien.

2.Compétence des tribunaux tunisiens pour les actes de torture commis à bordde navires et aéronefs immatriculés en Tunisie

L’article 129 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi no 85 du 15 août 2005, qui étend la compétence des tribunaux tunisiens pour les infractions commises à bord des navires et des aéronefs, dispose ce qui suit: «Est compétent pour connaître d’une infraction le tribunal du lieu où elle a été commise, celui du domicile du prévenu, celui de sa dernière résidence ou celui du lieu où il a été appréhendé.». Si l’infraction a été commise à bord d’un navire ou d’un aéronef immatriculé en Tunisie, ou affrété sans équipage à un exploitant domicilié sur le sol tunisien, le tribunal compétent est celui du lieu d’atterrissage ou d’accostage. Ce même tribunal est également compétent même si l’une des conditions susmentionnées n’est pas remplie, si le suspect se trouve à bord du navire ou de l’aéronef lors de l’accostage ou de l’atterrissage sur le sol tunisien.

3.Compétence des tribunaux tunisiens pour les crimes de torture lorsque l’auteurde l’infraction est un ressortissant tunisien

La compétence des tribunaux tunisiens s’étend aux infractions commises par les ressortissants tunisiens en dehors du territoire tunisien conformément à l’article 305 du Code de procédure pénale, qui dispose ce qui suit: «tout citoyen tunisien qui, hors du territoire tunisien, s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit puni par la loi tunisienne peut être poursuivi et jugé par les juridictions tunisiennes, à moins qu’il soit reconnu que la loi étrangère ne réprime pas ladite infraction ou que l’inculpé justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger et, en cas de condamnation à une peine, que cette dernière a été exécutée, qu’elle est atteinte de prescription extinctive ou qu’il a bénéficié d’une mesure d’amnistie.». Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à l’auteur du fait qu’il n’a acquis la qualité de citoyen tunisien que postérieurement au fait qui lui est imputé.

4.Engagement de poursuites contre les auteurs de crimes ou de délits hors du territoire tunisien, et leur jugement en qualité d’auteurs principaux ou de complices lorsquela victime est de nationalité tunisienne

Aux termes de l’article 307 bis du Code de procédure pénale: «Quiconque hors du territoire tunisien s’est rendu coupable, soit comme auteur principal, soit comme complice, d’un crime ou d’un délit, peut être poursuivi et jugé par les tribunaux tunisiens lorsque la victime est de nationalité tunisienne. Les poursuites ne peuvent être engagées qu’à la requête du ministère public, sur plainte de la partie lésée ou de ses ayants droit. Aucune poursuite ne peut être engagée si l’inculpé apporte la preuve qu’il a été définitivement jugé à l’étranger et, en cas de condamnation à une peine, que cette dernière a été exécutée, qu’elle est atteinte de prescription extinctive ou qu’il a bénéficié d’une mesure d’amnistie.».

Il convient de noter qu’aucun de ces cas susmentionnés ne s’est encore présenté aux autorités tunisiennes.

Article 6

L’étranger arrêté ou placé en détention en Tunisie bénéficie des mêmes garanties juridiques et de procédure que celles accordées à tout Tunisien.

Lorsqu’une personne se trouvant sur le sol tunisien, soupçonnée d’une infraction punie par le droit pénal tunisien, est arrêtée ou placée en détention, les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête préliminaire sur les faits.

Tout ressortissant étranger arrêté ou détenu reçoit immédiatement une assistance pour qu’il puisse prendre contact avec le service consulaire le plus proche de l’État dont il a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne apatride, avec le service consulaire de l’État où il réside habituellement.

En cas d’arrestation d’un ressortissant étranger, les autorités tunisiennes informent immédiatement les autorités de son pays des motifs de son arrestation et de l’ouverture de l’enquête préliminaire et indiquent si la personne va être jugée.

Les règles générales de procédure montrent que le détenu étranger peut communiquer avec le représentant de son pays, et que cette pratique découlant de la coutume internationale est courante bien qu’il n’existe pas de disposition explicite à cet égard.

La procédure exige que le suspect étranger soit convoqué pour subir un interrogatoire. S’il ne se présente pas, le juge d’instruction peut émettre un mandat d’amener à son encontre précisant les chefs d’accusation et les textes de loi applicables et autorisant les agents de la police judiciaire à exécuter ledit mandat. Le juge d’instruction, après interrogatoire du suspect, peut délivrer un mandat de dépôt après avoir consulté le Procureur général, si l’acte commis est passible d’emprisonnement ou d’une peine plus sévère. Au cours de l’interrogatoire préliminaire, le suspect peut décider de ne répondre aux questions qu’en présence d’un avocat de son choix et d’un interprète. Si le suspect est placé en détention provisoire après l’interrogatoire, il est en droit de s’entretenir avec son avocat à tout moment.

La Convention, objet du présent rapport, fait partie intégrante de l’ordre juridique tunisien depuis qu’elle a été ratifiée en 1988. En conséquence et conformément à l’article 20 de la Constitution de 2014, elle peut être invoquée devant les tribunaux tunisiens en cas d’absence de dispositions en la matière dans le droit national.

En outre, il convient de rappeler que la Tunisie a signé avec plusieurs pays des accords de coopération judiciaire, qui réglementent pour la plupart les modes de communication visés à l’article 6 de la Convention, par exemple:

Avec l’Égypte: Accord de coopération juridique et judiciaire en matière civile, commerciale et pénale et en matière de statut personnel (12 mai 1976), et Mémorandum d’entente dans le domaine de l’administration de la justice (23 février 2006);

Avec la Côte d’Ivoire: Accord de coopération judiciaire (1er mars 1978);

Avec l’Espagne:

Accord de coopération judiciaire en matière pénale (21 mai 2002);

Accord de coopération judiciaire en matière civile et commerciale, et de reconnaissance et d’exécution des jugements (21 mai 2002).

Article 7

Les procédures et les peines prévues pour le crime de torture sont les mêmes quels que soient le lieu où il a été commis et la nationalité de l’auteur.

I.Garanties prévues par le droit tunisien pour assurer une procédure équitableavant le procès

1.Caractère exceptionnel du recours à la garde à vue et à la détention provisoire et droit de la personne gardée à vue ou placée en détention provisoire d’être informée immédiatement de ses droits et des accusations portées contre elle

Outre les garanties prévues à l’article 29 de la Constitution de 2014, l’article 85 du Code de procédure pénale souligne le caractère exceptionnel du recours à la détention provisoire en disposant ce qui suit: «L’accusé peut être placé en détention provisoire en cas de crime ou de délit flagrant et toutes les fois où, en raison de fortes présomptions, la détention semble nécessaire comme mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme garantie de l’exécution de la peine ou comme moyen d’assurer le bon déroulement de l’enquête.».

La présence d’un avocat pendant l’interrogatoire de police est désormais garantie par la loi no 2007-17 du 22 mars 2007 complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale, qui oblige les agents de la police judiciaire à informer le suspect, pendant son interrogatoire, en application d’une commission rogatoire de son droit «de se faire assister par l’avocat de son choix et à ce qu’il en soit fait mention dans le procès-verbal» et à informer à l’avance l’avocat du déroulement de la procédure.

Conformément à l’article 87 du Code de procédure pénale, un inculpé peut faire appel de la décision d’un juge d’instruction de le placer en détention provisoire devant la chambre d’accusation, qui est une autorité de niveau supérieur. Il convient de noter à cet égard l’obligation de motiver toute prolongation de la détention provisoire qui met en évidence le caractère exceptionnel de cette mesure.

2.Droit de communiquer avec l’extérieur

Outre les informations figurant dans le commentaire relatif à l’article 2, il convient de noter le droit de la personne gardée à vue de prendre contact avec un membre de sa famille, et le droit d’un étranger gardé à vue ou détenu de contacter un représentant de son pays conformément à l’article 13 bis du Code de procédure pénale et à l’article 36 de la loi no 52 de 2001 relative à l’organisation des prisons, qui autorise les agents consulaires ou diplomatiques à rendre visite à leurs concitoyens détenus en Tunisie. Le droit d’être examiné par un médecin et le droit de recevoir des visites sont également reconnus à l’étranger placé en garde à vue ou en détention provisoire.

L’article 70 du Code de procédure pénale autorise le suspect placé en détention provisoire de communiquer avec son avocat à tout moment. Il confère toutefois au juge d’instruction le droit de prescrire, par ordonnance motivée et non susceptible d’appel, l’interdiction de communiquer pour une période de dix jours renouvelable une fois. En aucun cas, l’interdiction de communiquer ne s’applique au conseil du suspect.

3.Droit de l’accusé de disposer de suffisamment de temps pour préparer sa défense,et droits de l’accusé pendant l’interrogatoire

L’accusé, qu’il soit placé en détention ou non, a le droit de bénéficier d’un temps suffisant pour préparer sa défense. On entend par «temps suffisant» le temps nécessaire pour prendre contact avec son avocat afin que celui-ci puisse étudier son dossier et les charges retenues contre lui et recueillir des témoignages, des informations, des indices et des preuves.

S’agissant des droits de l’accusé pendant l’interrogatoire, il convient de noter que le droit à la présence d’un avocat est garanti à cette étape de la procédure en vertu de la loi no 2007-17 du 22 mars 2007. La loi interdit le recours à la contrainte pour obtenir des aveux de l’accusé. Tout aveu obtenu sous la contrainte est nul et irrecevable conformément à l’article 199 du Code de procédure pénale qui dispose que tous actes ou décisions contraires aux règles fondamentales de la procédure et à l’intérêt légitime de l’inculpé sont annulés. L’accusé peut garder le silence encore que l’article 74 du Code de procédure pénale précise que: «Si l’accusé refuse de répondre ou simule des infirmités qui l’en empêcheraient, le juge l’avertit qu’il sera passé outre à l’instruction du procès et fait mention de cet avertissement au procès-verbal.».

La Cour de cassation a confirmé ce principe dans certains de ses arrêts, où l’on peut lire notamment ce qui suit: «la juridiction du fond a l’obligation de répondre à tout argument matériel susceptible d’influer sur la décision. À ce titre, le refus de celle-ci de suivre un argument contredisant des aveux est de nature à donner lieu à une décision non motivée susceptible d’être attaquée en appel.» (Cour de cassation, arrêt pénal no 8616 du 25 février 1974).

4.Droit de l’accusé à l’assistance d’un interprète

L’article 66 du Code de procédure pénale dispose que l’inculpé a le droit de se faire assister d’un interprète dans le cas où il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée par le tribunal.

La Cour de cassation a statué dans de nombreux arrêts que le droit de l’accusé à l’assistance d’un interprète faisait partie des règles fondamentales de la procédure liées à l’intérêt légitime de l’accusé, et que l’inobservation de cette règle entraînait la nullité de toute la procédure (Cour de cassation, arrêt no 54929 du 29 décembre 1993).

5.Droit d’être traité avec humanité pendant la détention

Conformément à l’article 23 de la Constitution de 2014, l’État protège la dignité de la personne et son intégrité physique, et interdit toute torture physique ou morale; le crime de torture est imprescriptible. En outre, l’article 30 dispose que tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité.

II.Garanties d’un procès équitable prévues par le droit tunisien

1.Garanties constitutionnelles concernant le pouvoir judiciaire

La Constitution de 2014, dont le chapitre V est consacré au pouvoir judiciaire, dispose que le pouvoir judiciaire est indépendant, que le magistrat doit être compétent et faire preuve de neutralité et d’intégrité, et qu’il bénéficie de l’immunité judiciaire. Elle reconnaît en outre la contribution de la profession d’avocat à l’instauration de la justice et à la défense des droits et libertés et prévoit des garanties légales afin de protéger l’avocat et de lui permettre d’exercer ses fonctions.

Conscientde sa gravité, le législateur a proscrit toute ingérence dans le fonctionnement de la justice (art. 109 de la Constitution 2014), et a interdit la création de tribunaux d’exception ou l’édiction de procédures exceptionnelles susceptibles de porter atteinte aux garanties d’un procès équitable (art. 110). Ce chapitre prévoit plusieurs autres garanties, notamment le droit de toute personne à un procès équitable dans un délai raisonnable, l’égalité des justiciables devant la justice (art. 108), le droit d’ester en justice et le droit à la défense, la facilitation de l’accès à la justice conformément à la loi, le droit à l’aide juridictionnelle pour les plus démunis, le droit au double degré de juridiction, la publicité des audiences des tribunaux sauf si la loi prévoit le huis clos, et le fait que les jugements doivent être prononcés en public. Y sont également prévues des garanties relatives à la nomination, à la mutation, à la suspension et à la révocation des magistrats, aux procédures disciplinaires pouvant être engagées contre eux et aux sanctions qui leur sont applicables.

Il convient de noter que les règles relatives aux plaidoiries et les procédures civile et pénale permettent de mettre en cause l’impartialité du tribunal, par exemple, dans le cas où un juge siégeant à l’audience a participé à une autre phase de la procédure. Le Code de procédure pénale a ainsi consacré un chapitre complet à la récusation des magistrats (chap. VI, art. 296 à 304).

2.Droit à la présomption d’innocence

L’article 27 de la Constitution de 2014 consacre ce principe en ces termes: «Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité, dans le cadre d’un procès équitable lui assurant toutes les garanties nécessaires à sa défense durant toutes les phases de la procédure». La jurisprudence tunisienne a consacré le principe du bénéfice du doute dans de nombreux arrêts de la Cour de cassation, notamment l’arrêt no 2858 du 10 octobre 2004 aux termes duquel «le doute profite au prévenu et qu’il est préférable d’acquitter un prévenu plutôt que de déclarer un innocent coupable».

3.Non-rétroactivité de la loi et droit de l’inculpé de ne pas être jugé deux foispour la même infraction

Ces deux principes sont garantis par la Constitution de 2014 qui dispose que la peine est personnelle et qu’elle ne peut être prononcée qu’en vertu d’un texte de loi antérieur, sauf en cas de texte plus favorable au prévenu (art. 28). En outre, l’article premier du Code pénal dispose que les infractions sont punies par application des lois en vigueur. Si une loi entre en vigueur avant le prononcé d’une décision, et que le texte de la nouvelle loi est plus favorable à l’inculpé, cette loi est la seule à être appliquée.

La contradiction apparente entre ces principes et l’exception figurant dans la loi organique no 2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation appelle certaines précisions.

L’Instance Vérité et Dignité, qui a été créée conformément à l’article 16 de la loi susmentionnée est habilitée en vertu de l’article 42 de cette même loi à soumettre au ministère public toutes les affaires dans lesquelles il est établi que des violations graves des droits de l’homme ont été commises. Celles-ci seront examinées par des chambres spécialisées au sein des tribunaux de première instance siégeant dans des cours d’appel à la lumière des instruments internationaux ratifiés, dont la Convention contre la torture que la Tunisie a ratifiée en 1988 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale auquel elle a adhéré en 2011. Au nombre des violations visées figurent l’homicide volontaire, le viol et toute forme de violence sexuelle, la torture, la disparition forcée, l’application de la peine de mort en l’absence des garanties d’un procès équitable, la fraude électorale, la corruption financière, le détournement de deniers publics et la contrainte à l’exil politique (art. 8).

Le fait de soumettre au ministère public les affaires dans lesquelles des violations ont été établies ne s’oppose pas au principe de l’autorité de la chose jugée. Cette approche semble s’opposer au principe selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits et au principe de la non-rétroactivité de la loi (par exemple, dans le cas de la fraude électorale qui n’était pas encore considérée comme une infraction pénale) mais il n’en est rien. En effet, l’alinéa 9 de l’article 148 de la Constitution de 2014 fait obligation à l’État d’appliquer le système de la justice transitionnelle dans tous ses domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte, en précisant que l’évocation de la non‑rétroactivité de la loi, de l’existence d’une amnistie antérieure, de l’autorité de la chose jugée ou de la prescription du crime ou de la peine, est irrecevable dans ce contexte. Ce choix obéit au principe de la suprématie de la volonté du peuple qui exerce sa souveraineté par le biais de ses élus et à la nécessité de lutter contre l’impunité, principes généraux qui régissent la justice transitionnelle partout dans le monde.

Article 8

Aux termes de l’article 26 de la Constitution de 2014: «Le droit d’asile politique est garanti conformément aux dispositions de la loi; il est interdit d’extrader les personnes qui bénéficient de l’asile politique.». Ce principe est également édicté dans le Code pénal.

Il est à noter que la Tunisie a adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et à l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale en vertu du décret no 2011-4 du 19 février 2011 et que ces instruments ont été ratifiés en vertu de l’ordonnance no 2011-549 du 14 mai 2011.

La Tunisie veille à ce que les infractions visées à l’article 4 fassent partie des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité d’extradition qu’elle conclut avec d’autres États, sauf dans le cas des personnes bénéficiant du statut de réfugié politique.

S’agissant de ces infractions, la Tunisie s’est engagée à considérer la Convention comme la base juridique de l’extradition lorsqu’elle reçoit une demande d’extradition d’un autre État partie avec lequel elle n’a pas conclu de traité d’extradition.

Si on les examine de près tous les traités conclus par la Tunisie avec d’autres États, on s’apercevra effectivement que la torture fait partie des infractions donnant lieu à extradition.

Les conditions, procédures et effets de l’extradition sont régis par le Code de procédure pénale (art. 308 à 330), à moins qu’il n’existe déjà un accord bilatéral de coopération judiciaire ou un instrument international en la matière que la Tunisie doit appliquer, compte tenu de la primauté des traités internationaux sur le droit national dont il a déjà été fait état précédemment.

Article 9

Comme cela a été indiqué dans le commentaire relatif à l’article 6, la Tunisie a signé des accords de coopération judiciaire avec plusieurs États.

L’article 331 du Code de procédure pénale fournit des exemples de coopération judiciaire entre la Tunisie et d’autres États, dont des États avec lesquels elle n’a pas d’accord. En cas de poursuites répressives non politiques dans un pays étranger, les commissions rogatoires émanant de l’autorité étrangère sont reçues par la voie diplomatique et transmises au Secrétariat d’État à la justice. Les commissions rogatoires sont exécutées conformément à la loi tunisienne. En cas d’urgence, elles peuvent faire l’objet d’une communication directe entre les autorités judiciaires des deux États.

L’article 325 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit: «En cas d’urgence et sur la demande directe des autorités judiciaires de l’État requérant, les Procureurs de la République peuvent sur un simple avis, transmis soit par la poste soit par tout mode de transmission plus rapide et laissant une trace écrite de l’existence d’une des pièces indiquées par l’article 316, ordonner l’arrestation de l’étranger. Un avis régulier de la demande doit être en même temps transmis par voie diplomatique, au Secrétariat d’État aux affaires étrangères. Les Procureurs de la République doivent donner avis de cette arrestation au Procureur général de la République.».

Dans le même esprit, on peut lire ce qui suit à l’article 332 du Code de procédure pénale: «lorsqu’un gouvernement étranger juge nécessaire la notification d’un acte de procédure ou d’un jugement à une personne résidant sur le territoire tunisien, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux articles 316 et 317, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction en langue arabe. La notification est faite à la requête du ministère public. Le document constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.».

Article 10

La diffusion de la culture des droits de l’homme est désormais inscrite dans la Constitution en vertu de l’article 39, qui dispose que l’État veille à la diffusion de la culture des droits de l’homme.

La Constitution de 2014, en son article 42, garantit le droit à la culture et à la liberté de création et, disposant que l’État encourage la création culturelle et soutient la culture nationale dans son enracinement, sa diversité et son renouvellement, de manière que soient consacrés les valeurs de tolérance, le rejet de la violence, l’ouverture sur les différentes cultures et le dialogue entre civilisations.

L’État poursuit dans cette optique ses efforts dans le domaine de l’éducation relative aux droits de l’homme en général, notamment en faisant en sorte que le thème de l’interdiction de la torture fasse partie intégrante des programmes d’enseignement et de formation destinés aux fonctionnaires chargés de l’application des lois, en particulier ceux relevant des Ministères de l’intérieur et de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle. Ces ministères, agissant en coopération avec des partenaires internationaux, ont commencé à mettre en place une stratégie globale en matière des droits de l’homme ainsi qu’une stratégie d’éducation axée sur la culture des droits de l’homme.

I.Inscription de modules relatifs à l’interdiction de la torture et à la sensibilisationà cette question dans les programmes de formation

Tous les organes et les forces de sécurité reçoivent une formation de base dans le domaine des droits de l’homme.

1.Inscription de modules relatifs à l’interdiction de la torture et à la sensibilisationà cette question dans les programmes de formation destinés aux cadreset agents des forces de sécurité

Programmes et activités ciblés du Ministère de l’intérieur pour lutter contrela torture, les mauvais traitements et les pratiques dégradantes

a)Coopération avec les organismes et mécanismes compétents des Nations Unies

Afin de renforcer ses capacités de formation dans le domaine des droits de l’homme, le Ministère de l’intérieur a organisé des stages de formation ciblés au profit des agents des forces de sécurité intérieures, en partenariat avec des experts du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et du Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAf) et a mis au point un plan de communication à cet effet.

Plusieurs programmes de coopération ont été élaborés en vue de mettre au point des codes de conduite destinés aux agents des forces de sécurité intérieures et, notamment:

Un Code de bonne conduite des forces de sécurité intérieures dans leurs rapports avec les journalistes, élaboré en partenariat avec l’UNESCO;

Une procédure intitulée «Les forces de sécurité intérieures et les normes relatives aux droits de l’homme en Tunisie», élaborée en partenariat avec le HCDH;

Un «Modèle tunisien de police de proximité», qui a été élaboré en partenariat avec le PNUD et dont les principes seront mis en application en 2014 dans six commissariats pilotes.

Le Ministère a coopéré avec les mécanismes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme à la réussite des visites effectuées par les Rapporteurs spéciaux de l’ONU et la Rapporteuse spéciale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2011 et 2012 et en vue de donner effet à leurs recommandations.

b)Amélioration du traitement des détenus

Le Code de déontologie des forces de sécurité de 2003 a été révisé en 2011 dans le sillage de la Révolution et soumis à une large consultation.

Dans le cadre de ses engagements en matière de respect des droits des personnes privées de liberté, le Gouvernement tunisien coopère avec le Comité international de la Croix-Rouge et l’autorise à visiter les établissements pénitentiaires et les centres de garde à vue relevant des forces de sécurité intérieures.

Le programme d’amélioration du traitement des détenus, qui a été lancé en 2013 et se poursuit jusqu’en 2016, prévoit ce qui suit:

L’amélioration des conditions matérielles de détention;

L’adoption d’un programme de formation initiale et continue visant à améliorer le traitement des détenus selon une approche fondée sur les droits de l’homme. La première étape de ce programme a permis de former 20 formateurs, qui ont pu à leur tour dispenser une formation à plus de 2 000 agents de police;

L’adoption du «Code des bonnes pratiques en matière de traitement des détenus», qui a été soumis à une consultation nationale lors de journées d’étude organisées le 19 octobre 2013 et le 12 mars 2014, auxquelles ont participé les organismes compétents de l’ONU et les organisations de défense des droits de l’homme concernées;

L’adoption d’une liste des «garanties accordées aux détenus» et son affichage dans les postes de police;

La mise en place de normes de qualité pour évaluer l’amélioration des conditions de détention.

c)Appui à la formation pour renforcer le respect des droits de l’homme

Le temps consacré au module de formation aux droits de l’homme a été doublé en 2013, passant ainsi à deux cent vingt heures. Un nouveau module portant spécifiquement sur «le crime de la torture et les abus de pouvoir» et un autre sur «la police de proximité et le comportement civilisé», d’une durée de deux cent vingt heures chacun, ont été inscrits aux programmes de formation. Ainsi, le temps consacré à la formation aux droits de l’homme a progressé de 50 % par rapport à la période antérieure à 2010.

Des activités de formation continue et des journées d’étude sur les droits de l’homme ont été organisées, en partenariat avec des experts du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et de l’UNESCO, afin de rendre systématique la formation dans le domaine des droits de l’homme conformément aux normes internationales et aux meilleures pratiques relatives au traitement des citoyens lors des attroupements, à la liberté d’expression, à la liberté de la presse et la sécurité des journalistes. Il convient de noter que le droit à la vérité a été l’un des thèmes de réflexion retenus à l’occasion de la commémoration du soixante-cinquième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

d)Activités ciblées

Le Ministère de l’intérieur a participé à la consultation nationale sur les réformes nécessaires pour prévenir la torture et y mettre un terme qui a été organisée en partenariat avec l’Organisation mondiale contre la torture à Tunis en février 2012, et à la journée d’étude consacrée au lancement du guide d’inspection des lieux de détention.

Un appui a été apporté à l’organisation de stages de formation continue pour lutter contre les mauvais traitements en détention. Pendant la première étape du programme, qui se poursuit jusqu’en 2016, 15 stages ont été organisés à travers le pays au profit de plus de 2 000 agents des forces de sécurité; une évaluation est prévue à la fin du programme.

Le Ministère a organisé, en partenariat avec le Comité international de la Croix‑Rouge, un voyage d’étude à Genève en septembre 2013 au profit des chefs des équipes qui supervisent la mise en œuvre du programme relatif à l’amélioration du traitement des détenus.

D’autre part, la Commission des lois de l’Assemblée nationale constituante a examiné un projet de loi visant à ramener la durée de la garde à vue à quarante-huit heures (renouvelables une fois sur avis motivé du Procureur de la République) et incluant des dispositions permettant à la personne placée en garde à vue de se faire assister par un avocat pendant l’enquête préliminaire menée par les officiers de police judiciaire.

Il convient de noter par ailleurs l’organisation, le 9 octobre 2013, d’une journée d’étude sur «l’amélioration du traitement des personnes en garde à vue» à laquelle ont participé les organisations de défense des droits de l’homme, les médias et la presse écrite.

Les services concernés du Ministère de l’intérieur ont pris part, à Tunis du 4 au 7 novembre 2013, à la quatrième conférence régionale des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sur le contrôle et la surveillance des lieux de détention, organisée par la Ligue tunisienne des droits de l’homme, en partenariat avec le centre danois «Dignity» et le centre «Restart» pour la réhabilitation des victimes de la torture. À cette occasion, des orateurs sont intervenus pour expliquer la stratégie adoptée par le Ministère pour améliorer les conditions de détention et le traitement des personnes en garde à vue et présenter un guide des bonnes pratiques en la matière.

Le Ministère a participé au séminaire organisé, les 11 et 12 novembre 2013, par le Ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle sur les instruments européens de protection des droits de l’homme, avec l’appui du programme européen «TAIEX».

En avril 2012, une journée d’étude, consacrée à la diffusion de la culture du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme aux règles régissant l’arrestation, la détention et la garde à vue, a été organisée au profit des cadres de la police à l’école supérieure des forces de sécurité intérieures.

Deux voyages d’étude ont été organisés en Suisse et au Canada pour permettre aux fonctionnaires concernés de s’inspirer de l’expérience de ces deux pays et de leurs approches en matière de traitement des personnes en garde à vue et de police de proximité.

Les 4 et 5 avril 2014, le Ministère de l’intérieur a organisé, avec l’appui du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, un stage de formation sur la lutte contre la torture et la protection des droits des réfugiés à l’intention des élèves de la quinzième promotion de l’école supérieure des forces de sécurité intérieures.

e)Coopération aux fins de surveiller les conditions de détention et le respect des droits de l’homme dans les lieux de garde à vue

Le Ministère de l’intérieur poursuit sa coopération avec les organisations internationales intergouvernementales et non gouvernementales afin de renforcer la protection des droits de l’homme, notamment en:

Instaurant un dialogue avec les organisations de la société civile concernées aux fins d’examiner leurs propositions concernant la réforme de l’institution sécuritaire;

Autorisant la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, l’Association Liberté et Équité et Human Rights Watch à visiter les lieux de garde à vue en Tunisie.

Human Rights Watch a publié un rapport à ce propos à la fin de l’année 2013, et le Ministère prend en compte ses recommandations, tant sur le plan législatif que réglementaire, afin d’améliorer les conditions de la garde à vue.

Depuis l’année 2012, 103 cadres des forces de sécurité affectés aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont bénéficié, avec l’appui du Comité international de la Croix-Rouge, d’une formation spécifique sur la contribution des missions de maintien de la paix à la protection des droits de l’homme.

2.Intégration de l’éducation et de l’information relative à l’interdiction de la torture dans les programmes de formation destinés aux cadres et aux agents des servicesdes droits de l’homme et de la justice transitionnelle, aux magistratset aux cadres et aux agents de la Direction générale des prisonset de la rééducation

a)Formation des cadres et des agents des services des droits de l’homme et de la justice transitionnelle

Le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle a commencé à dispenser à ses cadres et à ses agents relevant des services des droits de l’homme et de la justice transitionnelle une formation théorique et une formation pratique aux techniques de contrôle et de surveillance des lieux de privation de liberté. Il a à cet effet organisé une série de stages de formation et de visites dans les établissements concernés, notamment:

Un stage de formation organisé en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme du 6 au 8 février 2013 à Tunis sur le thème «Les droits de l’homme et les visites dans les lieux de détention». Ce stage a servi à dispenser une formation théorique aux techniques d’inspection des prisons et des lieux de détention et aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers; plusieurs visites d’établissements pénitentiaires ont eu lieu dans le cadre de ce stage;

Deux stages de formation, organisés respectivement en septembre et en décembre 2013 en coopération avec le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées, à l’intention des cadres des services des droits de l’homme sur le thème du renforcement des droits de l’homme en Tunisie au moyen de visites dans les lieux de détention. Le premier stage a permis de dispenser une formation théorique et pratique sur l’inspection des prisons; le deuxième, qui était consacré à la fourniture d’une formation théorique et pratique au personnel des centres de garde à vue, s’est achevé par une visite des principaux centres de garde à vue en Tunisie.

À la suite des stages de formation susmentionnés, le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées a élaboré un projet de guide pour les visites dans les lieux de détention qui a fait l’objet d’une discussion avec les responsables concernés le 22 mai 2014 en vue de son adoption.

b)Formation des magistrats

L’Institut supérieur de la magistrature dispense, depuis sa création en 1987, à la fois à ses étudiants et aux magistrats en poste, une formation axée sur la question du respect des libertés et des droits de l’homme selon les modalités suivantes:

En ce qui concerne les étudiants de l’Institut, les principaux modules de formation comprennent, conformément à une décision prise par le Ministre de la justice le 26 juin 1993, des cours consacrés aux droits de l’homme visant à développer les connaissances des étudiants sur les instruments internationaux, les recommandations et les principes déontologiques édictés par l’ONU et les organisations régionales dans le domaine des droits de l’homme, à les familiariser avec les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme et à leur donner des notions de droit comparé. La formation dispensée, qui comprend des cours théoriques et des travaux pratiques revêtant la forme de simulations de procès et faisant appel à d’autres outils de formation, vise à sensibiliser les étudiants aux normes internationales destinées à garantir le respect des droits des justiciables et assurer la justice;

En ce qui concerne les magistrats en poste, une autre décision, adoptée aussi le 26 juin 1993, vise à organiser à l’Institut des conférences pour permettre aux magistrats de se perfectionner et d’actualiser leurs connaissances sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et la législation et la jurisprudence nationales dans l’optique du renforcement et de la protection des droits de l’homme. Ces conférences sont organisées dans le cadre de séminaires, de colloques et de rencontres qui ont lieu à l’Institut ou dans les tribunaux.

L’enseignement des droits de l’homme à l’Institut supérieur de la magistrature, que ce soit dans le cadre du programme d’études des étudiants de l’Institut ou dans celui du perfectionnement des magistrats déjà en poste, porte sur les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme et les mécanismes de protection de ces droits:

L’enseignement des mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme est axé en particulier sur les sujets suivants:

Instruments internationaux adoptés par l’ONU et d’autres organismes (déclarations, recommandations, principes directeurs);

Instruments régionaux adoptés à l’échelon des États arabes, musulmans, africains, ainsi qu’à celui des États américains et européens;

L’enseignement des mécanismes de protection des droits de l’homme porte sur:

Les mécanismes de l’ONU, des institutions spécialisées et de l’Organisation internationale du Travail, ainsi que ceux des organisations régionales et leur relation avec le système juridique et judiciaire national;

Les mécanismes des organisations non gouvernementales et, notamment, le rôle de ces organisations dans la diffusion des principes relatifs aux droits de l’homme et la protection de ces droits.

En outre, l’Institut organise de nombreux colloques sur les droits de l’homme dans le cadre de la formation de base de ses étudiants et des programmes de perfectionnement destinés aux magistrats déjà en poste.

c)Formation des cadres et des agents de la Direction générale des prisonset de la rééducation

L’étude du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture a été inscrite, après la ratification de cet instrument par la Tunisie, au programme de formation aux droits de l’homme de tous les cadres et agents de la Direction générale des prisons et de la rééducation. Ces derniers sont en outre familiarisés avec les activités du Sous-Comité pour la prévention de la torture, en tant que mécanisme international habilité à visiter les lieux où se trouvent des personnes privées de leur liberté.

D’autre part, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a organisé en 2013 un stage de formation dans ce domaine à l’intention des cadres de la Direction générale des prisons et de la rééducation.

Dans le cadre de la coopération avec le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle le Haut-Commissariat se prépare à organiser une série de stages de formation destinés aux cadres et aux agents de la Direction.

II.Incorporation de l’interdiction de la torture dans les lois et les instructions destinées aux personnes chargées d’appliquer la loi

1.Ministère de l’intérieur

Le Ministère de l’intérieur a intensifié, après la révolution, ses efforts pour promouvoir les garanties juridiques et le respect de l’intégrité physique et la protection des droits des personnes placées en garde à vue; il a, à cette fin, publié à l’intention des forces de sécurité intérieures plusieurs textes et notamment:

Une note datée du 21 juin 2011 appelant à déployer le maximum d’efforts pour améliorer les conditions matérielles (conditions d’hébergement, alimentation, hygiène et soins de santé) dans les lieux de garde à vue;

Communication no 15337 du 18 octobre 2012 destinée à sonder les opinions dans les différents corps des forces de sécurité en vue d’une amélioration de la relation entre l’agent de police et le citoyen;

Communication no 12428 du 5 décembre 2012 destinée à mieux organiser la lutte contre la criminalité et à la traque des auteurs d’actes criminels dans le respect des garanties juridiques dont bénéficient les personnes placées en garde à vue;

Communication no 71877 du 7 décembre 2012 appelant à veiller davantage à prendre en compte la dimension humaine dans l’action des agents de la sécurité opérant sur le terrain, au moyen d’une approche fondée sur le respect du droit et la consécration du principe d’une police au service du citoyen;

Communication no 5768 du 14 mai 2013 rappelant aux agents de la police judiciaire les procédures juridiques applicables en cas de placement d’un suspect en garde à vue, et la nécessité d’assurer la coordination avec le ministère public et de rédiger des procès-verbaux complets sur les procédures portant sur le fond et la forme;

Communication no 10602 du 25 août 2013 rappelant aux agents de la police judiciaire le message susmentionné et les appelant à se conformer aux procédures et à ne pas dépasser les attributions qui leur sont conférées par la loi en cas de placement d’un suspect en garde à vue;

Communication no 10956 du 4 septembre 2013 rappelant aux agents des forces de sécurité la nécessité d’éviter et de combattre les comportements répréhensibles dans le cadre du traitement des personnes placées en garde à vue, dans la mesure où de telles pratiques constituent une violation des principes relatifs aux droits de l’homme passible de poursuites judiciaires et de sanctions administratives, et exhortant les responsables à surveiller les agents et à superviser les enquêtes judiciaires et les interrogatoires et la façon dont sont traités les suspects, en veillant à ce que la loi soit respectée et à ce que toute forme de brutalité soit évitée et à ce que le suspect soit au besoin immédiatement soumis à une visite médicale.

2.Ministère de la défense nationale

Le paragraphe 2 de l’article 24 de l’instruction du 23 janvier 2002 sur les règles générales de discipline des forces armées interdit à tous les militaires d’infliger des traitements cruels ou inhumains. Cet article dispose ce qui suit: «Il est interdit aux militaires de commettre des atteintes à la vie et à l’intégrité physique des malades, des blessés, des naufragés et des prisonniers, ainsi que des civils, notamment le meurtre, les mutilations, les traitements cruels ou dégradants ou les actes de torture.».

Le Procureur général, Directeur de la justice militaire, a publié le 29 novembre 2012 à l’intention de l’ensemble des tribunaux militaires un mémorandum sur le suivi des dossiers des détenus, exhortant les membres du parquet militaire et les juges d’instruction militaires à soumettre à un examen médical tout accusé qui affirme avoir été torturé au cours des interrogatoires, de façon à vérifier ses allégations et à adopter le cas échéant les mesures nécessaires.

Article 11

La Tunisie s’efforce actuellement de renforcer les règles régissant la garde à vue et la détention provisoire et les mécanismes qui sont susceptibles d’assurer un contrôle régulier et efficace de l’application des règles qui régissent les enquêtes et les méthodes d’interrogatoire et le traitement des personnes privées de leur liberté. Le but est de prévenir et d’interdire les actes de torture. Les questions relatives à la garde à vue, à la détention provisoire, à la présomption d’innocence, aux droits de la défense et à l’équité des procès sont couvertes par la Constitution de 2014.

Le contrôle est exercé à la fois par les magistrats et par l’administration.

I.Contrôle de l’application des règles régissant les enquêtes et des méthodes et pratiques d’interrogatoire

1.Contrôle exercé par les magistrats

L’article 10 du Code de procédure pénale désigne les autorités qui exercent les fonctions de la police judiciaire. Le contrôle exercé par la justice sur les personnes qui exercent ces fonctions consiste notamment à soumettre les interrogatoires à la surveillance du ministère public et des juges d’instruction. Les activités des juges d’instruction, y compris les interrogatoires, sont elles-mêmes soumises au contrôle de la chambre d’accusation.

a)Contrôle par la justice des interrogatoires effectués par les officiersde police judiciaire

Conformément à l’article 11 du Code de procédure pénale les commissaires de police, officiers de police et chefs de poste de police et les officiers, sous-officiers et chefs de poste de la Garde nationale sont placés sous l’autorité directe du Procureur général, en tant qu’auxiliaires de celui-ci. Ils ont l’obligation en vertu de la loi de l’informer immédiatement de leurs activités, y compris les interrogatoires, qui, de ce fait, se déroulent sous la surveillance continue des représentants du Procureur général. Les agents de la police judiciaire ne peuvent donc procéder à aucun acte d’investigation sans autorisation judiciaire écrite préalable.

Lesdits agents sont également soumis au contrôle des juges d’instruction lorsqu’une commission rogatoire leur est adressée, dans la mesure où tous les actes qu’ils accomplissent − à l’exception de l’émission de mandats judiciaires, qui relève de la compétence exclusive des juges d’instruction − sont placés sous l’autorité directe et sous le contrôle des juges.

b)Contrôle des activités des juges d’instruction, y compris les interrogatoires,par la chambre d’accusation

Le travail du juge d’instruction est soumis par la loi à nombreuses règles. En vertu de l’article 53 du Code de procédure pénale, il exerce ses fonctions, qui consistent à entendre les témoins, à interroger les inculpés et à procéder aux constatations sur les lieux, aux visites domiciliaires et à la saisie des pièces à conviction, avec l’assistance de son greffier. Les articles 66 et 72 réglementent respectivement la participation d’un interprète et d’un avocat à l’interrogatoire du suspect.

La chambre d’accusation, en tant qu’organe chargé d’examiner les recours contre les actes des juges d’instruction, jouit de vastes pouvoirs de contrôle sur les activités de ces derniers, y compris les interrogatoires, et peut, conformément aux dispositions de l’article 199 du Code de procédure pénale, annuler toute action qui serait contraire aux règles, aux procédures de base et aux intérêts légitimes de l’accusé.

2.Contrôle exercé par l’administration

a)Contrôle administratif exercé par le Ministère de la justice, des droits de l’hommeet de la justice transitionnelle

L’article 13 du décret no 1992-1330 du 20 juillet 1992, portant organisation du Ministère de la justice, réglemente les activités de l’Inspection générale du Ministère, qui exerce, sous l’autorité directe du Ministre, un mandat d’inspection sur tous les tribunaux à l’exception de la Cour de cassation, ainsi que sur tous les organismes relevant du Ministère.

L’Inspection générale recueille et analyse les rapports des inspections effectuées par les premiers présidents et procureurs généraux des cours d’appel pour s’assurer de la bonne administration des tribunaux relevant de leur compétence et du déroulement normal des procès. Elle a également pour tâche dans le cadre de son travail d’inspection, de rechercher les moyens susceptibles d’améliorer le travail des tribunaux.

Depuis décembre 2008 un système spécial de traitement des données est en place dans les services de l’Inspection générale, l’objectif étant de garantir le non-dépassement de la durée légale de la détention provisoire. Ce système permet à l’Inspection d’exploiter les principaux indicateurs concernant les personnes placées en détention provisoire tirés des données transmises par la Direction générale des prisons et de la rééducation. L’Inspection générale s’appuie sur ces données dans le cadre des contrôles qu’elle effectue dans les bureaux d’enquête ou les chambres d’accusation, grâce auxquels les dysfonctionnements constatés peuvent être corrigés.

Le fonctionnement de ce système a été renforcé par les dispositions de la circulaire no 9 de janvier 2009 qui fait obligation aux autorités compétentes de suivre une procédure précise pour actualiser les données relatives aux listes de détenus établies par la Direction générale des prisons et de la rééducation et assurer leur conformité avec celles des tribunaux.

Une représentante de l’Inspection générale a participé au Colloque international sur l’application du Protocole d’Istanbul, organisé du 13 au 15 avril 2013 à Tunis à l’intention d’avocats et de médecins spécialistes de Tunisie et de Libye et de membres du parquet tunisien. Elle a en outre participé à une journée d’étude organisée le 13 novembre 2013 au Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle dans le cadre de la coopération entre le Ministère et le Centre de réadaptation et de recherche pour les victimes de la torture.

L’Inspection générale a également contribué aux travaux de la Conférence internationale tenue à Tunis les 14 et 15 novembre 2013 sur le thème «L’Afrique et la Cour pénale internationale: participation des États francophones et des États de l’Afrique du Nord». Elle a présenté à cette occasion une communication intitulée «Torture et justice en Tunisie».

b)Contrôle administratif exercé par le Ministère de l’intérieur

Contrôle administratif, suivi des plaintes et prévention des comportements humiliants et dégradants pour le citoyen

Services de contrôle administratif

Les services de contrôle administratif ont porté devant le Conseil de discipline 31 cas de cadres d’agents de police accusés d’abus de pouvoir et de mauvais traitements. On trouvera dans le tableau ci-après la répartition de ces cas par année.

Année

Nombre de cas

2011

3

2012

11

2013

17

Les sanctions infligées vont de l’avertissement et la suspension au licenciement.

Traitement des plaintes

La cellule des droits de l’homme du Ministère s’est saisie au cours des années 2010‑2013 de 128 plaintes, dont les auteurs affirmaient avoir été victimes d’abus de la part d’agents de la force publique. Le tableau suivant donne la répartition par année de ces plaintes:

Année

Nombre de plaintes

2010

40

2011

42

2012

21

2013

25

Après l’examen de ces plaintes par les services de contrôle interne, des mesures disciplinaires ont été prises dans plus de 17 % des cas. En ce qui concerne les autres cas, il s’est avéré qu’il s’agissait d’allégations faites par des personnes pour échapper aux poursuites judiciaires.

Surveillance des cas de décès dans les centres de garde à vue

Des enquêtes administratives et judiciaires ont été ouvertes sur quatre cas de décès dans des centres de garde à vue. Les mesures administratives et judiciaires requises ont été prises dans deux cas qui se sont produits à Sidi Bouzid pendant les événements de 2010. Les affaires suivent leur cours en ce qui concerne les deux autres décès dont le premier s’est produit au poste de Sejoumi en 2012 et le deuxième au poste de Sidi Bechir en 2013. Ces deux cas sont suivis de près par l’Assemblée nationale constituante, les organisations de défense des droits de l’homme, et l’opinion publique, toutes les parties concernées souhaitant connaître la vérité sur ces décès suspects. On trouvera dans le tableau suivant la répartition de ces cas par année:

Année

Nombre de cas

2010

2

2012

1

2013

1

II.Contrôle de l’application des règles régissant la garde à vue, la détention provisoireet le traitement des personnes privées de leur liberté

Ce contrôle est exercé par la justice et par d’autres mécanismes.

1.Mécanismes de contrôle judiciaire

Le contrôle judiciaire est exercé par le Procureur général et par le juge de l’exécution des peines.

a)Rôle joué par le ministère public dans le contrôle des règles relatives à la garde à vue et à la détention provisoire

D’autres règles, s’ajoutant à celles évoquées dans les remarques concernant l’application de l’article 2 de la Convention, sont passées en revue dans les paragraphes ci‑après.

La loi no 1999-90 du 2 août 1999 a ramené la durée de la garde à vue de quatre à trois jours pouvant être prolongés une seule fois d’une période identique et permet au suspect, à un de ses parents, enfants, frères ou sœurs, ou à son conjoint de demander un examen médical pendant la garde à vue ou à la fin de celle-ci. Cette demande est consignée dans un procès-verbal qui doit indiquer la date du début et de la fin de la garde à vue et de chaque interrogatoire.

La loi du 4 mars 2008 portant modification des articles 13 bis, 57 et 85 du Code de procédure pénale a renforcé le contrôle exercé par le Procureur général sur l’application des règles relatives à la garde à vue et à la détention provisoire en prévoyant expressément l’obligation d’étayer la décision de prolonger la durée de la garde à vue en présentant par écrit les motifs de fait et de droit la justifiant. Le Procureur de la République peut ainsi contrôler les motifs invoqués pour justifier la décision de prolonger la garde et la détention provisoire, tels que la nécessité de déterminer si une infraction a été commise, d’éviter la commission d’une autre infraction ou d’entendre des témoins dans le cadre d’une enquête, d’arrêter un suspect en fuite ou d’apprécier les éléments à la base de la décision de procéder à l’arrestation.

L’obligation faite au juge d’instruction de motiver le placement d’une personne en garde à vue ou en détention provisoire permet en cas de contestation de cette décision à la chambre d’accusation de se prononcer en connaissance de cause sur son bien‑fondé et, notamment, de vérifier dans quelle mesure l’obligation de libérer le détenu dans certains cas est respectée, conformément au principe selon lequel la liberté et la règle et la détention l’exception.

b)Création de la fonction de juge de l’exécution des peines en vue de garantir le contrôle judiciaire du traitement des personnes privées de leur liberté

En plus de ce qui a été dit à propos du juge de l’exécution des peines dans le contexte de l’article 2 de la Convention, d’autres informations relatives à cette institution seront données dans les paragraphes suivants.

L’article 30 de la Constitution dispose ce qui suit: «Tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité. Lors de l’exécution des peines privatives de liberté, l’État doit considérer l’intérêt de la famille et veiller à la réhabilitation du détenu et à sa réinsertion dans la société.».

C’est dans cette optique qu’a été adoptée la loi no 2000-77 du 31 juillet 2000 portant création de l’institution du juge de l’exécution des peines et que les compétences du juge ont été élargies et renforcées par la loi no 2002-92 du 29 octobre 2002 modifiant et complétant le Code de procédure pénale.

En vertu des dispositions des deux lois susmentionnées, les principales compétences du juge de l’exécution des peines consistent à:

Contrôler l’exécution des peines privatives de liberté exécutées dans les établissements pénitentiaires et dans le ressort de la juridiction;

Visiter les établissements pénitentiaires au moins une fois tous les deux mois pour prendre connaissance des conditions dans lesquelles les détenus exécutent leur peine;

Informer le juge de la famille des conditions dans lesquelles vivent les enfants accompagnant leur mère en détention pour qu’il prenne une des mesures prévues à l’article 52 du Code de protection de l’enfant, qui prévoit entre autres la possibilité de confier l’enfant de façon temporaire ou permanente à une famille d’accueil ou à une institution sociale ou éducative compétente ou de le placer dans un centre d’éducation ou de formation professionnelle;

Rencontrer les prisonniers qui le souhaitent ou qu’il souhaite entendre dans un local privé. Le juge est en effet habilité à remettre à la direction de la prison, le cas échéant, sur la base d’informations ou de plaintes qu’il aura reçues, une liste comportant les noms des prisonniers qu’il souhaite entendre en privé;

Consulter le registre relatif aux sanctions disciplinaires prévu aux articles 22 à 26 de la loi relative à l’organisation des prisons en vertu desquels une commission de discipline (composée selon les modalités fixées à l’article 26) peut, après avoir entendu le prisonnier, prononcer, s’il s’avère que ce dernier a violé les règles de l’établissement ou porté atteinte à la sécurité de la prison des sanctions disciplinaires pouvant consister à adresser un avertissement ou un blâme au contrevenant, à suspendre les visites familiales pendant quinze jours au maximum ou à confiner le prisonnier dans une cellule individuelle dotée des installations sanitaires nécessaires pendant dix jours au maximum;

Demander à l’administration de la prison de donner aux détenus accès aux services sociaux pour leur permettre de résoudre des conflits familiaux ou les problèmes scolaires de leurs enfants, sachant que la direction de la prison est tenue de soumettre au juge de l’application des peines un rapport annuel sur son action sociale pour lui permettre d’intervenir dans la solution des problèmes sociaux rencontrés par certains prisonniers;

Accorder des permissions de sortie aux prisonniers pour qu’ils puissent rendre visite à leurs conjoints, parents ou enfants en cas de maladie grave ou assister aux funérailles d’un proche;

Obtenir par écrit du médecin de la prison la notification de tous les cas graves, l’objectif étant pour le juge de rester informé de l’état de santé particulier des prisonniers pour en déterminer les causes et notifier au procureur toute agression envers un détenu ou appeler l’attention du directeur de la prison sur la détérioration de l’état de santé d’un des détenus;

Rédiger un rapport annuel contenant ses observations et propositions et l’adresser au Ministre de la justice afin de lui permettre de prendre connaissance des dysfonctionnements et d’y remédier;

Proposer la libération conditionnelle de certains prisonniers.

2.Mécanismes de contrôle extrajudiciaire

Le contrôle extrajudiciaire est assuré par des mécanismes de contrôle administratif et les institutions de défense des droits de l’homme.

a)Mécanismes de contrôle administratif

En plus de ce qui a été dit dans le contexte de l’article 2 de la Convention au sujet du contrôle exercé par l’administration, il convient d’appeler l’attention sur certaines activités de contrôle qu’accomplissent les cellules des droits de l’homme créées au sein des ministères et l’institution du conciliateur administratif, qui transmettent les requêtes qu’ils reçoivent pour examen aux autorités concernées.

Les services chargés des droits de l’homme au Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle effectuent eux aussi des visites dans les prisons et les lieux de garde à vue. Le chef du Gouvernement a adopté, le 27 novembre 2012, une décision par laquelle il a chargé le Ministre des droits de l’homme et de la justice transitionnelle de l’époque de lui présenter un rapport sur la situation dans les prisons et les centres de détention et de garde à vue, et d’effectuer des visites dans ces établissements et de rencontrer les prisonniers pour s’informer de leur situation et préoccupations. Le chef du Gouvernement a autorisé le Ministre et toute personne désignée par lui à entrer dans tous les établissements pénitentiaires et les centres de détention et de garde à vue sans préavis et de s’y entretenir avec tous les responsables ou les détenus là où ils sont incarcérés ou dans tout autre lieu. Il lui a aussi demandé de lui présenter un rapport détaillé qui contiendrait ses observations sur la situation dans les prisons et les centres de détention et de garde à vue et ses recommandations pour l’amélioration de cette situation. Les services des droits de l’homme ont effectué plusieurs visites dans les centres de garde à vue et les prisons et ont commencé, comme cela a été signalé plus haut, à former une équipe pour effectuer des visites dans ces établissements.

Inspection des services pénitentiaires

Le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle s’emploie, en coopération avec les autorités pénitentiaires et d’autres parties concernées, à revoir les lois, décrets et règlements régissant le fonctionnement des prisons et les lieux de détention à la lumière de la Constitution de 2014 en vue de mettre en place un système d’application de la loi dans le cadre de l’exécution des peines et d’élaborer un code éthique et des règles déontologiques à l’usage des agents pénitentiaires. L’Inspection des services pénitentiaires s’emploie dans cette optique à mettre en place les mécanismes décrits ci‑après.

Instauration d’un système d’application de la loi dans les prisons

Un système d’application de la loi dans les prisons est actuellement mis en place dans le cadre d’une stratégie intégrée faisant appel à des mécanismes d’inspection et des programmes de surveillance et de suivi, l’exécution de cette stratégie sera confiée à des spécialistes des questions pénitentiaires et s’appuiera sur un document de travail destiné aux cadres appelés à effectuer les inspections qui constituera une feuille de route pour les activités d’inspection fixant des lignes directrices sur lesquelles les inspecteurs pourront s’appuyer pour exercer leurs fonctions et les dotant d’un code de conduite régissant toutes les opérations d’inspection depuis l’admission du prisonnier dans l’établissement jusqu’à sa sortie. L’inspection porte sur l’ensemble des conditions dans lesquelles est exécutée la peine (hébergement dans les cellules, soins de santé et services médicaux, répartition et qualité des repas, hygiène, conditions des personnes placées en cellule disciplinaire, procès‑verbaux relatifs à cette mesure, auditions effectuées à ce propos et conformité de ces auditions avec le règlement intérieur de la prison et les lois en vigueur garantissant l’application des règles minima pour le traitement des prisonniers.

Les pratiques et les procédures qui sont conformes à la loi sont mises en évidence de façon à pouvoir appeler l’attention sur les abus et les violations pouvant se produire dans certaines circonstances et dans des cas isolés pouvant survenir lors d’incidents.

Rôle de l’Inspection en tant qu’organe de contrôle administratif

Par le biais des inspections, qui sont en général inopinées, il est possible de repérer les problèmes qui se posent dans le cadre du régime carcéral et les défaillances qui peuvent se produire dans le fonctionnement de la prison et entraver la bonne marche de l’Institution pénitentiaire selon les modalités fixées dans les lois, décrets et règlements applicables en la matière, et de déterminer dans quelle mesure les cadres et les agents chargés de l’exécution des peines dans les établissements pénitentiaires respectent les normes, notamment les règles générales pour un traitement humain du prisonnier.

Le plan d’inspection et de suivi est exécuté par un service d’inspection distinct relevant de la Sous-Direction des inspections et des investigations. Le travail de ce service consiste à inspecter le fonctionnement des différentes installations de l’établissement pénitentiaire pour repérer les pratiques, les procédures et les politiques qui sont contraires au règlement et aux normes garantissant un traitement humain des prisonniers. Lorsque des infractions sont constatées, le service en dresse la liste et la communique à la Sous‑Direction qui la transmet à son tour au service d’investigation du Ministère.

Compétences exercées par le Service d’investigation, en tant que structure relevantde l’Inspection générale des prisons et des centres de rééducation, en ce qui concernele suivi et le contrôle des conditions d’exécution des peines privatives de libertéà la lumière des normes internationales

Le Service d’investigation s’appuie sur les normes internationales garantissant le droit du prisonnier à présenter une plainte, le respect de son intégrité physique, l’interdiction de le soumettre à la torture et à des mauvais traitements, l’obligation d’ouvrir une enquête administrative ou judiciaire au sujet des plaintes présentées, ainsi que sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Modalités d’application effectives des normes internationales

Le Service d’investigation de l’Inspection des prisons et des centres de rééducation est l’organe central chargé d’enquêter sur toutes les plaintes qui lui sont adressées par des prisonniers qui affirment être victimes d’abus, d’atteintes à leur intégrité physique et morale et de mauvais traitements.

Mode de saisine du Service d’investigation

Le Service d’investigation peut être saisi selon les modalités décrites ci-après:

Plainte du prisonnier adressée à la direction de la prison: le prisonnier adresse à la direction de la prison une plainte que cette dernière transmet à l’administration centrale, qui décide s’il convient ou non d’ouvrir une enquête;

Plainte directe adressée par une tierce partie, généralement un membre de la famille du prisonnier, à l’administration centrale ou au Ministère de la justice;

Collecte d’informations.

Déroulement de l’enquête administrative

1.Recueil des déclarations du prisonnier dont émane la plainte

Les fonctionnaires concernés se rendent à la prison où se trouve le prisonnier dont émane la plainte et dressent un procès-verbal de ses allégations dans lequel sont mentionnés l’ensemble des faits, la nature des actes dont le prisonnier dit avoir fait l’objet, la date et le lieu des incidents, les éléments de preuve et les données fournis par le plaignant, les témoignages qui sont susceptibles d’étayer ses déclarations, ainsi que le détail des lésions corporelles subies, l’identité, la description ou le grade des agents mis en cause et l’heure des incidents (aux fins de déterminer le lieu où se trouvaient les personnes mises en cause).

2.Recueil des déclarations des prisonniers présents au moment des faits

3.Collecte des données matérielles

Les enquêteurs rassemblent les données matérielles en prenant connaissance du dossier disciplinaire du plaignant, des conditions générales dans lesquelles il exécute sa peine, de la mesure dans laquelle il jouit de ses droits fondamentaux tels que le droit de visite, des services sociaux dont il bénéficie, et des achats qu’il a effectués dans le point de vente de la prison; ils procèdent ensuite à une confrontation de ces éléments avec les allégations du prisonnier et les informations fournies par son médecin sur les soins qu’il lui a fournis ou l’examen qu’il lui a fait subir en cas de plainte portant sur une atteinte à l’intégrité physique du prisonnier. L’éthique de la profession médicale et les exigences du secret médical sont, bien entendu, prises en compte en ce qui concerne le traitement de la correspondance avec le service chargé de la santé et des rapports détaillés reçus.

4.Convocation des fonctionnaires mis en cause

Les fonctionnaires mis en cause sont convoqués et informés de l’ensemble des éléments de preuve, données et indices recueillis et invités à répondre aux allégations.

5.Confrontation des faits et des actes

Conformément aux procédures de maintien de l’ordre suivies dans les prisons en application de la loi no 2001-52 relative à l’organisation des prisons, il est tenu compte de la mesure dans laquelle le prisonnier a respecté les obligations qui lui incombent et appliqué le règlement intérieur de la prison.

Conclusion de l’enquête et présentation des résultats

À la fin de l’enquête, différentes propositions sont faites:

Propositions concernant les faits de la cause:

Proposition de sanctions disciplinaires lorsqu’il est établi qu’un ou plusieurs agents pénitentiaires ont commis une infraction. Les sanctions proposées sont proportionnelles au rôle joué par chacun (auteur principal ou accessoire ou complice). Le classement sans suite de l’affaire pour manque de preuves ou le renvoi du dossier à la justice, si les faits revêtent un caractère pénal, peuvent aussi être proposés;

Propositions ayant trait à l’organisation de la prison ou au règlement:

Elles sont faites lorsqu’un dysfonctionnement est constaté dans l’organisation de l’établissement ou dans son mode d’administration;

Procédures administrative et judiciaire concomitantes:

Lorsque la justice est saisie de la même plainte en même temps que l’administration, la procédure disciplinaire est suspendue en attendant que les tribunaux prononcent leur décision, dont le contenu est pris en compte pour établir les responsabilités administratives.

Lacunes au niveau de l’application des normes internationales en matière d’investigation

Les lacunes constatées dans l’application des normes internationales concernent:

Les problèmes que pose la qualification des faits et, notamment:

L’absence de règles législatives claires pour faire la distinction entre la torture et les mauvais traitements;

La tendance à considérer toute atteinte à l’intégrité physique et tout acte de violence commis à l’égard d’un prisonnier comme un simple mauvais traitement, sachant que selon la loi pour qu’il y ait torture les actes commis doivent avoir pour but d’obtenir des aveux;

Le fait de considérer la privation du prisonnier de ses droits fondamentaux sans motif valable comme un simple abus de pouvoir et d’estimer qu’il suffit pour corriger cet abus de rétablir le prisonnier dans ses droits;

Lacunes dans les procédures:

Absence de garanties suffisantes pour protéger les prisonniers dont émane la plainte et ceux qui témoignent et absence d’une procédure pour répondre à la plainte et informer le plaignant des résultats auxquels elle a abouti;

Lacunes dans la formation théorique et professionnelle:

La spécialisation juridique et la connaissance des techniques d’enquête et d’investigation en la matière ne peuvent garantir à elles seules l’application des normes internationales;

La formation pratique ou sur le terrain des cadres chargés de mener l’enquête ne donne pas les résultats escomptés;

L’absence d’une formation spécialisée et ciblée (requise par les normes internationales) en matière d’enquêtes administratives sur les actes de torture et les mauvais traitements;

Le manque de possibilités de participation aux stages de formation et de perfectionnement prévus par les normes internationales.

Nombre et issue des plaintes déposées contre des responsables et des agentsde la Direction des prisons et de la rééducation (2011-2014)

Année

Mesures prises

Observations

Nombre de plaintes

Classement

Sanctions disciplinaires

Mesures administratives

Renvoi devant la justice

2011

69

43

5

18

3

2012

67

30

9

24

4

2013

84

59

4

19

2

2014

25

6

5

14 plaintes en instance

Rôle de la Sous-Direction

Le Service des analyses et des études qui relève de la Sous-Direction des analyses, des études et des archives s’emploie à recueillir des statistiques portant notamment sur les infractions commises par le personnel des établissements pénitentiaires dans l’exercice de ses fonctions, y compris dans l’application de la loi et la mise en œuvre des décisions judiciaires privatives de liberté. Les données recueillies sont ensuite analysées et les dysfonctionnements qui requièrent une réorganisation ou une réforme sont repérés. Dans ce contexte, tous les litiges sont examinés afin de cerner les tendances et de tirer des enseignements généraux en ce qui concerne le fonctionnement de l’institution. Sur la base d’une analyse des indicateurs, des réformes ponctuelles ou de vaste portée sont recommandées en fonction de la nature et de l’ampleur du dysfonctionnement et selon qu’il s’agit d’un problème humain, technique ou infrastructurel.

Pour définir les caractéristiques générales des violations, il est procédé à un examen comparatif complet des abus individuels et collectifs communs à plusieurs établissements pénitentiaires et à la recherche de leurs causes réelles, qu’elles soient humaines, techniques ou liées à l’environnement carcéral afin d’y remédier. En effet, cet environnement est un facteur important qui détermine la manière dont un établissement fonctionne et même la nature des violations et des abus pouvant être commis.

La Sous-Direction est chargée d’élaborer des notes d’orientation et des instructions administratives en vue d’améliorer l’organisation; de promouvoir la discipline, de lancer des mises en garde ou d’interdire certaines pratiques. Un programme d’inspection et de suivi est ensuite élaboré en vue d’assurer l’application des mesures adoptées, le but étant de garantir la primauté du droit et d’empêcher la commission d’abus ou de violations semblables à l’avenir.

S’agissant des efforts visant à protéger l’intégrité physique et morale du prisonnier et à préserver sa dignité, l’Inspection s’efforce de garantir, dans le cadre de la politique pénitentiaire, les droits spécifiques de certaines catégories de prisonniers, telles que les mères et les groupes ayant des besoins particuliers et de leur assurer les services d’assistance requis, en particulier pendant les fêtes nationales et religieuses.

Les mécanismes d’inspection s’efforcent, dans le cadre des activités consacrées par les services d’inspection au suivi de l’application des peines, de respecter les principes déontologiques en préservant le fragile équilibre entre la protection des droits du prisonnier et la préservation de sa dignité, d’une part, et la sécurité de l’établissement, de son personnel et des autres prisonniers, d’autre part.

Ces principes ont pour but de garantir le bon fonctionnement des établissements pénitentiaires à tous les stades de l’application de la peine, depuis l’incarcération du prisonnier jusqu’à sa libération, en accordant une attention particulière à tous les aspects de l’assistance apportée aux prisonniers, notamment sur le plan médical et social.

Contrôle de l’assistance apportée aux prisonniers

L’Inspection s’efforce d’appliquer l’article premier de la loi relative à l’organisation des prisons qui réglemente les conditions de détention, le but étant de protéger l’intégrité physique et morale du détenu, de le préparer à la vie en liberté et d’aider à sa réinsertion dans la société. Le détenu bénéficie à cette fin d’une assistance médicale et psychologique, d’une formation et de services éducatifs, ainsi que d’une assistance sociale visant à préserver ses liens familiaux.

Assistance médicale

L’assistance médicale et les services sociaux fournis aux personnes exécutant une peine privative de liberté dans un établissement pénitentiaire ou dans un centre de rééducation fait l’objet d’un contrôle régulier. Ainsi, le prisonnier subit dans un délai de quarante-huit heures au maximum après son admission dans un établissement pénitentiaire, un examen médical. Pour chaque prisonnier est établi un dossier dans lequel sont consignées des informations sur d’éventuelles blessures, ainsi que sur les maladies dont il pourrait être atteint et les symptômes qu’il présente. Il est fait état dans ce dossier de toute trace de violence ou lésion. Les prisonnières qui sont enceintes bénéficient d’une assistance médicale particulière, tant prénatale que postnatale, aux fins de protéger leur santé et celle du nouveau-né. Les accouchements ont lieu dans des hôpitaux publics.

Assistance sociale

Chaque prisonnier bénéficie en vertu de l’article premier de la loi no 2001-50 du 14 mai 2001 d’une assistance sociale avec pour objectif, entre autres, la préservation de ses liens familiaux. À cet égard, l’article 14 de la même loi fait obligation à l’administration de la prison d’informer l’un des ascendants, descendants, frères ou sœurs ou le conjoint du prisonnier du lieu de son incarcération, ainsi que de tout transfert d’une prison à une autre dont il pourrait faire l’objet. L’administration de la prison met en place dans chaque établissement pénitentiaire un bureau d’assistance sociale qui a pour tâche d’accueillir les prisonniers, de procéder avec eux à un entretien préliminaire et de les informer des dispositions du règlement intérieur de la prison et de leurs droits et devoirs. Le bureau fournit les informations voulues à la famille du prisonnier et l’incite à lui rendre visite.

Le contrôle dont fait l’objet l’assistance sociale accordée aux prisonniers dans le domaine médical et social et les autres mesures prises pour protéger leur intégrité physique et mentale et leur dignité n’empêchent cependant pas que des insuffisances subsistent en ce qui concerne les ressources financières et humaines et les moyens de transport et de secours et que l’espace consacré à chaque prisonnier a diminué. Ces insuffisances sont résumées par les tableaux ci-après.

Tableau 1Évolution des ressources financières consacrées aux établissements pénitentiaires entre 2013 et 2014(en milliers de dinars)

Année

Dépenses d ’ alimentation

Dépenses d ’ infrastructure

Dépenses de fonctionnement

2013

21 298 500

19 000 000

159 296 500

2014

17 798 500

16 800 000

178 235 335

Tableau 2 Ressources humaines mises à la disposition des établissements pénitentiaires

Type de ressource humaine

Effectif s du personnel d ’ encadrement par rapport au nombre de prisonniers (24 000  prisonniers )

Ratios

Normes internationales et exemples nationaux

Personnel en contact direct avec les prisonniers

2 000

1  fonctionnaire pour 12 prisonniers Prison de Morna g uia: 1  fonctionnaire pour 26 prisonniers

France: 1  fonctionnaire pour 3 prisonniers Allemagne: 1  fonctionnaire pour 4 prisonniers

Psychologue s

28 psychologues

1 psychologue pour 860 prisonniers

Norme internationale : 1 psychologue pour 7 prisonniers Allemagne: 1 psychologue pour 15 prisonniers

Médecin s

36 médecins généralistes résidents

Prison de Morna g uia: 1 médecin pour 1 000 prisonniers

Psychiatre s

Aucun psychiatre résident

Interventions de psychiatres sous contrat pour combler les lacunes

Dentiste s

14

Interventions de dentistes sous contrat pour combler les lacunes

T echnicien s supérieur s

23 techniciens spécialisés dans divers domaines

Tableau 3 Dégâts subis par l ’ infrastructure et diminution en conséquence de l ’ espace consacré à chaque prisonnier

Infrastructure

Espace consacré aux prisonniers

Situation avant en 2011

2,7 m 2 par prisonnier

Situation suite aux dégâts subis en 2011

1,2 m 2 par prisonnier

Situation à la suite de travaux de remise en état et de la construction de nouveaux locaux

2,1 m 2 par prisonnier

Tous les nouveaux locaux ont été en fait aménagés pour remplacer ceux qui ont été détruits en 2011

Tableau 4 Locaux devant être construits en 2014 et 2015

Année

Mois

Lieu

Capacité d ’ accueil additionnelle

Capacité d ’ accueil totale

Total par année

2014

Juillet

Nouveau quartier de la prison de Mornag

400

1 280

2 750

Nouveau quartier de la prison de Borj Erroumi

450

Espace de réadaptation de la prison de Sfax

150

Espace de réadaptation de la prison de Mahdia

200

Deux cellules à la prison de Sawaf

80

Centre Al-Aqsa de Sawaf

200

Décembre

4 cellules à la prison de Gafsa

70

1 470

Prison de G abes UNOPS

600

Prison de Borj al-Amri

100

Prison de Borj al-Amri CICR

500

2015

juillet

Nouveau quartier de la prison de Monastir

500

1 600

1 600

Centre d ’ Oudhna

500

Nouveau quartier de la prison de Messaadine ( Sousse ), UNOPS

600

Total général

4 350

Inspections générales de la sûreté et de la garde nationale

Depuis leur création en 1997, ces deux inspections assurent le contrôle des forces de police et de la garde nationale, tant au niveau du comportement des agents que des rapports qu’ils entretiennent entre eux, avec la hiérarchie et avec les citoyens accueillis dans leurs locaux. L’inspection porte aussi sur la tenue des registres dans les services de police (consignation des informations conformément à la loi et respect des formalités) et les locaux (cellules de garde à vue, bureaux d’accueil, bureaux de la police judiciaire, etc.).

Afin de renforcer l’efficacité et les compétences des forces de police et de la garde nationale, les services d’inspection contrôlent l’exécution du mandat et des missions confiées aux enquêteurs et s’assurent que les compétences disponibles sont utilisées à bon escient.

L’Inspection générale de la sûreté nationale et l’Inspection générale de la garde nationale prennent une série de mesures lorsque des irrégularités sont constatées dans le comportement des agents (abus d’autorité, corruption, violence, torture, etc.) ou dans les procédures (mauvaise tenue des registres des procès-verbaux, des registres des gardes à vue, des registres des messages d’information, etc.). En fonction de la nature des irrégularités constatées, les inspections attirent l’attention du responsable du centre concerné et l’invitent à y remédier ou à ouvrir une enquête administrative et proposent de prendre des sanctions administratives contre les responsables ou de porter l’affaire devant la justice s’il est établi que des actes constitutifs d’une infraction pénale ont été commis.

En outre, les inspections mènent les investigations nécessaires pour vérifier les informations concernant des violations des droits de l’homme commises par les forces de police (requêtes émanant de victimes ou d’autres sources) et prennent les mesures administratives voulues s’il est établi que ces informations sont exactes.

b)Institutions et mécanismes nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme

Outre les informations figurant plus haut (par. 34 à 42) sur les mécanismes et les organismes pour la prévention de la torture, il convient de noter qu’en vertu de l’accord de siège que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a signé avec le Gouvernement tunisien, les représentants du Haut-Commissariat sont habilités à effectuer des visites dans les lieux de détention tunisiens, et que le HCDH a récemment publié (en mars 2014) un rapport intitulé «Les prisons tunisiennes, entre normes internationales et réalité». En outre, le Rapporteur spécial sur la torture a effectué une visite en Tunisie du 15 au 22 mai 2011 et a publié un rapport à son issue. D’autre part, la Tunisie ayant ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, les représentants du Sous-Comité pour la prévention de la torture peuvent désormais effectuer des visites dans les lieux de détention tunisiens.

Le mémorandum d’accord sur les visites dans les prisons, signé le 10 décembre 2012 entre le Ministère de la justice et plusieurs organisations nationales des droits de l’homme, stipule que les représentants des associations signataires peuvent effectuer des visites dans les prisons tunisiennes sans autorisation préalable, dans la limite de trois personnes, et qu’ils peuvent être accompagnés par un médecin à condition que celui-ci soit annoncé la veille de la visite.

Nombre de visites effectuées par des associations et organisations des droitsde l’homme dans différents établissements pénitentiairesde janvier 2013 à mai 2014

Organisation/association

Nombre de visites

Association internationale de soutien aux prisonniers politiques

16

Association Liberté et Équité

55

Association de la réinsertion des prisonniers et du suivi des conditions de détention

3

Association Dignité pour le prisonnier politique

6

Association Justice et Réhabilitation

22

Association Bariq

3

Ligue tunisienne de défense des droits de l ’ homme

14

Comité supérieur des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales

2

C omité international de la Croix- Rouge

94

Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme

11

Total

226

Il convient de signaler que certaines associations ont été autorisées à effectuer des visites dans des prisons bien qu’elles n’aient pas signé le mémorandum d’accord conclu avec le Ministère de la justice.

Article 12

Le dispositif juridique en place permet aux autorités compétentes de procéder à une enquête lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur le territoire tunisien. Il s’agit notamment d’enquêtes judiciaires et administratives et d’enquêtes menées par les organismes et les mécanismes existants.

I.Enquêtes judiciaires

Le ministère public, représenté par le Procureur de la République en personne ou ses substituts, ainsi que les juges d’instruction et les magistrats de la chambre d’accusation sont compétents pour poursuivre et instruire le crime de torture.

1.Enquêtes conduites par les procureurs de la République ou leurs substituts

Aux termes de l’article 26 du Code de procédure pénale, «le Procureur de la République est chargé de la constatation de toutes les infractions et de la réception des dénonciations qui lui sont faites par les fonctionnaires publics ou les particuliers, ainsi que des plaintes des parties lésées. Hors le cas de crime ou de délit flagrant, il ne peut faire d’actes d’instruction. Toutefois, il peut recueillir, par enquête préliminaire, à titre d’information, des preuves, interroger sommairement l’inculpé, recevoir des déclarations et en dresser procès-verbal». Le Procureur de la République est également compétent pour enquêter sur les allégations de torture et recueillir les moyens de preuve, qu’il mettra ensuite à la disposition au juge d’instruction.

2.Enquêtes conduites par le juge d’instruction

L’alinéa 5 et suivants de l’article 69 du Code de procédure pénale disposent ce qui suit: «Nonobstant les termes des alinéas précédents, le juge d’instruction peut procéder à un interrogatoire immédiat et à des confrontations si l’urgence résulte soit de l’état d’un témoin en danger de mort, soit de l’existence d’indices sur le point de disparaître, ou encore s’il est transporté sur les lieux en cas de flagrant délit. L’interrogatoire doit fournir à l’inculpé l’occasion de se disculper ou d’avouer. S’il invoque des preuves à sa décharge, vérification en est faite dans le plus bref délai. L’aveu de l’inculpé ne dispense pas le juge d’instruction de rechercher d’autres éléments de preuve.».

Une fois l’instruction terminée, le juge soumet le dossier au Procureur de la République qui doit décider, sous huitaine, de transférer le dossier à une juridiction compétente ou de classer l’affaire, d’ordonner un complément d’enquête ou se dessaisir de l’affaire au motif qu’elle n’est pas de son ressort.

Une fois que le Procureur de la République a déposé ses réquisitions, le juge d’instruction statue sur les chefs retenus contre le ou les inculpés, ainsi que sur les réquisitions du Procureur.

3.Enquêtes conduites par les chambres d’accusation

Une chambre d’accusation est un organe d’instruction du second degré. L’article 116 du Code de procédure pénale lui confère notamment la compétence d’ordonner un complément d’information confié à l’un de ses conseillers ou au juge d’instruction, d’ordonner de nouvelles poursuites, ou de procéder elle-même ou par le biais d’une tierce partie à des investigations sur des faits qui n’ont pas été encore examinés, et ce, après avoir entendu le représentant du ministère public.. Il convient de préciser que les chambres d’accusation sont également compétentes pour instruire les affaires de torture.

II.Enquêtes administratives

Il existe deux types d’enquêtes administratives: les enquêtes menées par les organes d’inspection du Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, et celles menées par les organes d’inspection du Ministère de l’intérieur.

1.Enquêtes administratives menées par les organes d’inspection du Ministèrede la justice

Outre les informations contenues dans le commentaire relatif à l’article 11 concernant le contrôle administratif exercé par le Ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, il convient de signaler que ce ministère, créé le 19 janvier 2012, devenu par la suite (en 2014) Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle est chargé d’examiner les requêtes et les plaintes pour torture, ainsi que toutes les allégations de torture portées à sa connaissance (voir le commentaire relatif à l’article 13).

2.Enquêtes administratives menées par les organes d’inspection relevant du Ministère de l’intérieur

Les Inspections générales de la sûreté et de la garde nationale, dont les attributions ont été passées en revue plus haut (par. 252 à 255), sont habilitées à mener des enquêtes administratives.

III.Enquêtes menées par les institutions et mécanismes nationaux et internationauxde protection des droits de l’homme

Comme cela a été indiqué précédemment, il existe plusieurs institutions et mécanismes de protection des droits de l’homme. Il s’agit de l’Instance des droits de l’homme (par. 36 du présent rapport), qui avait été chargée par le Chef de l’État de l’époque de mener certaines enquêtes, de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (par. 38 à 40), de l’Instance Vérité et Dignité (par. 41 et 42) et des organisations internationales qui ont signé un accord de siège avec le Gouvernement tunisien, notamment le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Haut-Commissariat pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge.

Article 13

Dans le présent commentaire seront passés en revue les mécanismes pour la protection du droit de toute personne qui affirme avoir été soumise à la torture de porter plainte auprès des autorités compétentes, les procédures d’examen des plaintes par les autorités et les dispositions législatives régissant la protection des plaignants et des témoins contre toute forme de mauvais traitement ou d’intimidation. Après la Révolution, la saisine de la justice est devenue possible dans les affaires de torture comme en témoigne le nombre d’affaires pendantes devant les tribunaux (voir le commentaire relatif à l’article 4) et la réouverture des affaires classées de feu Rachid Chammakhi et Fayçal Baraket − dont les rapports d’experts ont établi qu’ils étaient décédés sous la torture − alors que cela était impossible avant 2011.

I.Mécanismes garantissant le droit de toute personne qui affirme avoir été soumiseà la torture de porter plainte auprès des autorités compétentes, et procédures d’examen des plaintes par les autorités

Il existe trois types de mécanismes de plainte concernant la torture et les violations des droits de l’homme, à savoir les mécanismes judiciaires, les mécanismes administratifs et les institutions nationales de défense des droits de l’homme.

1.Mécanismes de plainte judiciaires

Le Procureur de la République ou ses substituts de même que le juge d’instruction, le juge de l’application des peines ou les tribunaux judiciaires peuvent être saisis pour des affaires de torture au moyen de requêtes ou de plaintes.

a)Le Procureur de la République et ses substituts

Conformément aux articles 30 et 31 du Code de procédure pénale, le Procureur de la République peut, lorsqu’il est saisi d’une plainte ou que des informations sont portées à sa connaissance et que cette plainte est insuffisamment motivée ou justifiée, ordonner qu’une enquête contre X soit ouverte par le juge d’instruction en attendant que, s’il y a lieu, des accusations puissent être portées ou de nouvelles réquisitions émises contre une personne déterminée.

b)Possibilité de se constituer partie civile

Aux termes de l’article 36 du Code de procédure pénale: «le classement de l’affaire par le Procureur de la République ne fait pas obstacle au droit qu’a la partie lésée de mettre en mouvement l’action publique sous sa propre responsabilité. Dans ce cas, elle peut, en se constituant partie civile, soit demander l’ouverture d’une information, soit citer directement le prévenu devant le tribunal.».

c)Saisine du juge de l’application des peines de plaintes pour torture et mauvais traitements

Le juge de l’application des peines s’entretient avec les détenus qui émettent le souhait de le rencontrer à l’occasion des visites qu’il effectue dans les établissements pénitentiaires, ou avec des détenus qu’il souhaite entendre après avoir reçu des informations ou des plaintes concernant des mauvais traitements ou des actes de torture qui auraient été infligés en prison; il peut dans ce cas s’entretenir avec le détenu en privé (art. 342-3 du Code de procédure pénale).

En outre, le paragraphe 7 de l’article 17 de la loi no 52 de 2001 relative à l’organisation des prisons prévoit le droit de tout détenu de s’entretenir avec le juge de l’application des peines pour lui soumettre ses doléances ou plaintes.

d)Saisine des tribunaux judiciaires de plaintes concernant des actes de tortureet des mauvais traitements

En vertu du Code pénal, tout suspect poursuivi pour un crime ou un délit puni d’emprisonnement est tenu de comparaître personnellement (art. 141), et il appartient au Président du tribunal de l’interroger lors de l’audience et de procéder à toutes les confrontations nécessaires (art. 143). La comparution devant le tribunal permet à l’inculpé de présenter tous ses arguments et d’évoquer les circonstances dans lesquelles il a été interrogé par les enquêteurs dans le cadre de l’enquête préliminaire ou d’une commission rogatoire, et le cas échéant, d’informer, à cette occasion, le juge des actes de torture ou mauvais traitements dont il aurait fait l’objet, de présenter les éléments de preuve dont il dispose et de demander à être examiné par un médecin.

Le tribunal peut également demander de sa propre initiative que l’inculpé soit examiné par un médecin s’il a des raisons de croire qu’il a été soumis à des actes de torture ou à de mauvais traitements.

2.Mécanismes de plainte administratifs

a)Principaux mécanismes de plainte administratifs

Les mécanismes de plainte administratifs compétents pour recevoir les plaintes des citoyens sont les suivants:

Cellules des droits de l’homme au sein des ministères;

Mécanismes d’inspection relevant des ministères, des organes de sécurité et des établissements pénitentiaires;

Sous-Direction des droits de l’homme de la Direction générale des prisons.

Il convient de noter la création du Ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle en vertu du décret no 2012-22 du 19 janvier 2012, portant création et attributions du Ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, et du décret no 2012-23 du 19 janvier 2012, relatif à l’organisation de ce ministère, qui a été rattaché au Ministère de la justice en 2014 pour former le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle.

L’article 8 du décret no 2012-23 du 19 janvier 2012, relatif à l’organisation du Ministère dispose que le bureau des relations avec le citoyen est chargé notamment de ce qui suit:

Accueillir les citoyens, recevoir leurs plaintes et les étudier avec les services concernés en vue de trouver les solutions appropriées;

Informer les citoyens sur les procédures administratives en vigueur pour leur permettre d’accéder directement aux différents services;

Recevoir les dossiers adressés par le médiateur administratif, les étudier et coordonner avec les services du Ministère afin de trouver les solutions adéquates;

Repérer les obstacles au niveau des procédures administratives en analysant les requêtes des citoyens et proposer les réformes appropriées.

L’article 25 du décret susmentionné dispose qu’il est créé un service des requêtes, des plaintes et de l’orientation à la sous-direction de la gestion relevant de la Direction de la gestion et du suivi, qui dépend de la Direction générale des droits de l’homme.

Requêtes et plaintes relatives à des actes de torture et des mauvais traitements reçues par les services des droits de l’homme relevant du Ministère de la justice, des droitsde l’homme et de la justice transitionnelle

Année

Nombre de cas

2012

2

2013

33

2014

11

b)Sanctions applicables aux agents chargés de l’application des lois

L’alinéa a de l’article 50 (nouveau) de la loi no 2000-58 du 13 juin 2000, modifiant et complétant la loi no 1982-70 du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieures dispose que les agents des forces de sécurité intérieures peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires du premier degré, notamment: l’avertissement, le blâme, l’arrêt simple, l’arrêt de rigueur et le déplacement d’office. L’article précise que la durée de l’arrêt simple et de l’arrêt de rigueur est fixée par décret.

Aux termes de l’alinéa b de cet article, les sanctions du deuxième degré qui peuvent être prononcées à l’encontre des agents des forces de sécurité comprennent: l’abaissement d’un ou de deux échelons même si cela entraîne une rétrogradation, la radiation de la liste d’aptitude, l’exclusion temporaire pour une période maximale de six mois avec privation de traitement, et la révocation sans suspension des droits à la pension.

c)Mécanismes de plainte nationaux

Les instances et mécanismes nationaux pour la promotion et la protection des droits de l’homme ont été passés en revue plus haut (par. 34 à 42).

II.Dispositions législatives régissant la protection des plaignants et des témoinscontre toute forme de mauvais traitement ou d’intimidation

Bien qu’il existe des textes législatifs spécifiques prévoyant la protection des témoins (loi relative à la lutte contre le terrorisme), le droit tunisien ne contient pas de dispositions générales en la matière.

Toutefois, l’article 103 du Code pénal, tel que modifié par le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011, dispose ce qui suit: «Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 5 000 dinars d’amende tout agent public ou assimilé qui, sans motif légitime, porte atteinte à la liberté individuelle d’autrui ou inflige ou fait subir de mauvais traitements à un accusé, un témoin ou un expert, pour en obtenir des aveux ou des déclarations. La peine est réduite à six mois d’emprisonnement s’il y a eu seulement menace de mauvais traitements.».

L’article 14 de la loi organique no 2013-43 du 23 octobre 2013, relative à l’instance nationale pour la prévention de la torture dispose ce qui suit: «Tout en respectant la législation relative à la protection des données personnelles, aucune personne ne peut être poursuivie pour avoir communiqué des renseignements ou avoir divulgué des secrets se rapportant à la pratique de la torture ou aux auteurs d’actes de torture.».

En outre, l’article 40 de la loi organique no 2011-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation a investi l’Instance Vérité et Dignité de plusieurs pouvoirs, y compris l’adoption de toute mesure appropriée, en coopération avec les structures et les services compétents, pour protéger les témoins, les victimes, les experts et tous ceux qu’elle auditionne au sujet des violations visées par la loi susmentionnée, quel que soit leur statut, et ce, en prenant les précautions sécuritaires nécessaires, et en assurant la protection requise contre l’incrimination et les agressions, et la préservation de la confidentialité.

Article 14

La législation tunisienne garantit le droit de saisir les tribunaux pour obtenir réparation du préjudice subi tant aux victimes d’actes de torture qu’à leurs ayants droit.

1.Droit des victimes d’actes de torture à une indemnisation équitable et adéquate

Aux termes de l’article premier du Code de procédure pénale: «Toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage.». Par conséquent, toute personne victime d’actes de torture peut exercer l’action civile en même temps que l’action publique, ou, séparément devant la juridiction civile, et ce droit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction.

En outre, l’article 49 de la loi no 1982-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieures dispose que l’administration garantit à la victime le droit à réparation au civil si un agent des forces de sécurité fait l’objet de poursuites pour avoir commis une faute dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

Il convient de noter que, conformément au dernier alinéa du nouvel article 101 ter, ajouté en vertu du décret-loi no 106 de l’année 2011 modifiant et complétant le Code pénal et le Code de procédure pénale, celui qui dénonce de bonne foi un acte de torture ne peut ni faire l’objet d’une action en réparation, ni être poursuivi au pénal.

2.Loi sur la justice transitionnelle et mesures de réparation prises après le 14 janvier 2011

Le Gouvernement tunisien a pris une série de mesures de réparation et d’indemnisation en faveur de toutes les victimes des violations des droits de l’homme, y compris la torture. Le Gouvernement a effectivement commencé à verser des avances aux blessés et familles des martyrs de la Révolution et aux bénéficiaires de l’amnistie, en attendant la mise en œuvre des dispositions de la loi organique no 53 de 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation dont le chapitre IV est consacré à la réparation des préjudices et la réhabilitation des victimes (art. 10 à 13). L’article 11 de cette loi dispose que la réparation du préjudice subi par les victimes des violations est un droit garanti par la loi et l’État a la responsabilité de procurer les formes de dédommagement suffisantes, efficaces et adéquates en fonction de la gravité des violations et de la situation de chaque victime. Aux termes de l’article 12, l’État procure une assistance immédiate et une indemnisation provisoire à ceux qui en ont besoin parmi les victimes sans attendre les décisions et les jugements portant réparation du préjudice. Les mesures de réparation, qui peuvent être individuelles ou collectives, concernent notamment le dédommagement matériel et moral, le rétablissement de la dignité, la présentation d’excuses, la restitution des droits, la réadaptation et la réinsertion (création de centres spécialisés, le cas échéant), et prennent en considération la condition des personnes âgées, des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des catégories ayant des besoins spécifiques, des malades et des catégories vulnérables.

Ainsi que le prévoyait l’article 41 de la loi susmentionnée, un Fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de la dictature a été créé en vertu de la loi de finances de 2014.

Création d’un centre pour la réadaptation des victimes de la torture

Les services des droits de l’homme relevant du Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle ont tenu plusieurs séances de travail avec des représentants des pouvoirs publics et des organisations concernés afin d’examiner un projet relatif à la création d’un centre pour la réadaptation des victimes de la torture. Ce centre aura pour principal objectif d’assurer un accompagnement psychologique, social et juridique aux victimes de tortures, de violences et de violations des droits de l’homme, ainsi qu’aux blessés de la Révolution et aux victimes de violences politiques en vue de leur réadaptation et réinsertion sociale. Les tâches du centre consistent notamment à entendre les victimes en vue d’évaluer leur situation sous tous ses aspects. Des dossiers individuels seront ensuite constitués et confiés, selon les cas, à des psychologues, des travailleurs sociaux, des médecins ou des juristes. Le centre aura également pour mandat de documenter les cas de torture et d’en déterminer le nombre pour établir une base de données, mettre en place un registre unique et recevoir les plaintes et les requêtes de toute victime de violations. Il fera appel à l’expertise de partenaires étrangers et d’organisations non gouvernementales conformément aux traités et accords internationaux conclus en la matière afin d’assurer une prise en charge efficace des victimes et de former une équipe de spécialistes pour leur réadaptation psychologique d’une manière qui préserve leur dignité.

Article 15

Le droit tunisien garantit que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure.

1.Textes de loi prévoyant l’irrecevabilité des déclarations dont il est établi qu’elles ont été obtenues par la torture

L’article 155 (par. 2) du Code de procédure pénale tel que modifié par le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011, dispose expressément que les aveux de l’inculpé et les déclarations des témoins sont réputés nuls s’il est établi qu’ils ont été obtenus sous la torture ou la contrainte.

2.Jurisprudence en matière d’irrecevabilité des déclarations dont il est établiqu’elles ont été obtenues par la torture

Dès la fin des années 1960, la Cour de cassation faisait observer ce qui suit: «même si l’aveu constitue la plus solide preuve de culpabilité, son utilisation relève de la discrétion absolue du juge. Les juges peuvent légalement se fier à des aveux s’ils sont clairs et ne heurtent pas la conscience du juge.» (Cour de cassation, arrêt no 6124 du 16 avril 1969).

Dans un autre arrêt, on peut lire ce qui suit: «la juridiction du fond a l’obligation de tenir compte de tous les arguments essentiels de nature à peser sur sa décision. À ce titre, le rejet par celle-ci d’arguments contredisant des aveux est de nature à produire un arrêt non motivé susceptible d’être attaqué en appel.» (Cour de cassation, arrêt no 8616 du 25 février 1974).

En outre, la Cour a considéré dans son arrêt no 12150 du 26 janvier 2005 qu’un aveu obtenu par l’usage de la violence était frappé de nullité absolue conformément à l’article 152 du Code de procédure pénale, qui dispose que l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges.

Article 16

L’article 103 du Code pénal tel que modifié par le décret-loi no 2011-106 du 22 octobre 2011 dispose ce qui suit: «Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 5 000 dinars d’amende tout agent public ou assimilé qui, sans motif légitime, porte atteinte à la liberté individuelle d’autrui ou inflige ou fait subir de mauvais traitements à un accusé, un témoin ou un expert, à cause d’une déclaration qu’il a faite ou pour en obtenir des aveux ou des déclarations. La peine est réduite à six mois d’emprisonnement s’il y a eu seulement menace de mauvais traitements.».

L’article susmentionné interdit donc expressément les mauvais traitements.

Le Code pénal punit sévèrement quiconque menace de recourir à la violence ou aux mauvais traitements. Aux termes de l’article 222, «est puni de six mois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende, quiconque menace, par quelque moyen que ce soit, autrui de voies de fait passibles de sanctions pénales».

La peine est portée au double si les menaces sont accompagnées d’un ordre ou assorties d’une condition, quand bien même ces menaces seraient verbales.

L’article 223 dispose que quiconque aura menacé autrui à l’aide d’une arme, même sans intention d’en faire usage, est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende.

III.Principaux efforts faits par la Tunisie pour répondreaux préoccupations du Comité et donner suiteaux recommandations qu’il a formuléesà l’issue de l’examen de son précédentrapport

En application de la recommandation du Comité contre la torture invitant les États parties à consacrer une partie de leur rapport à la suite donnée aux recommandations qu’il a formulées et aux préoccupations qu’il a exprimées, il convient de noter que la Tunisie a réagi positivement aux recommandations formulées par le Comité à l’issue de l’examen de son deuxième rapport (CAT/C/20/Add.7), qui a eu lieu lors de ses 358e, 359e et 363eséances, tenues les 18 et 20 novembre 1998 (CAT/C/SR.358, 359 et 363). Le présent rapport présente des renseignements sur la suite donnée auxdites recommandations et préoccupations.

Compte tenu de l’observation du Comité selon laquelle l’État partie ne fait pas droit aux demandes d’extradition de réfugiés politiques et que cela ne devrait pas être le seul cas pouvant motiver un refus d’extradition et du fait que le Comité a appelé l’attention sur les dispositions de l’article 3 de la Convention et a fait part de ses préoccupations dans le contexte (par. 101), il convient de noter que la Tunisie a ajouté un troisième alinéa à l’article 313 du Code de procédure pénale qui dispose ce qui suit: «lorsque la personne faisant l’objet de la demande d’extradition risque d’être soumise à la torture.».

Concernant la recommandation appelant la Tunisie à mettre un terme à la pratique de la torture et à combler le fossé qui existe entre la loi et son application, et à prendre les mesures voulues, notamment à veiller à l’application rigoureuse des dispositions de la loi et des procédures relatives à l’arrestation et à la garde à vue (par. 102 a)), et à appliquer scrupuleusement les procédures d’enregistrement, y compris la notification des familles des personnes placées en garde à vue (par. 102 b)), il convient de rappeler les informations figurant dans le commentaire relatif à l’article 10 du présent rapport. Il y est question des efforts consentis par le Ministère de l’intérieur dans ce sens, notamment sa coopération avec les organismes et mécanismes compétents de l’ONU pour lutter contre les mauvais traitements et les pratiques dégradantes et améliorer le traitement des personnes en garde à vue, et ses efforts visant à renforcer la formation pour enraciner la culture des droits de l’homme et promouvoir les activités dans ce sens. Il convient également de noter la coopération du Ministère avec différents organismes et associations pour surveiller le respect des droits de l’homme dans les lieux de garde à vue, et les instructions qu’il a transmises à l’ensemble des officiers de police judiciaire en vue d’une application rigoureuse de la procédure de garde à vue. Ces consignes sont également données dans le cadre des activités de formation organisées par le Ministère de la justice à l’intention des magistrats et des responsables et agents des établissements pénitentiaires.

S’agissant de la recommandation appelant la Tunisie à garantir le droit des victimes de torture de déposer plainte sans avoir à craindre de faire l’objet de représailles, de harcèlement …, et de demander réparation si leurs allégations s’avèrent fondées (par. 102 c)), il convient de noter que les organes de surveillance de l’administration tunisienne ont reçu de nombreuses plaintes contre des actes de torture et mauvais traitements. La cellule des droits de l’homme relevant du Ministère de l’intérieur en a examiné 128 entre 2010 et 2013. Le service des enquêtes de l’Inspection des prisons et de la rééducation a, quant à lui, examiné 245 plaintes déposées contre des cadres et agents des établissements pénitentiaires entre 2011 et 2014 (voir le commentaire relatif à l’article 11). En outre, 46 plaintes pour torture et mauvais traitements ont été examinées par le service des requêtes, des plaintes et de l’orientation de la Direction générale des droits de l’homme qui relève du Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle (voir le commentaire relatif à l’article 13). Il convient aussi de noter les mesures suivantes:

Mise en place au niveau des parquets des tribunaux de première instance d’un registre dédié aux plaintes pour torture;

Ouverture d’enquêtes judiciaires et administratives concernant quatre personnes décédées dans des lieux de détention; les dispositions judiciaires et administratives voulues ont été prises dans deux cas intervenus lors des événements de 2010 tandis que les deux autres affaires sont toujours en cours d’examen (voir le commentaire relatif à l’article 11);

Examen de 230 affaires concernant des allégations de torture portées devant les tribunaux tunisiens (voir le commentaire relatif à l’article 4);

Adoption de la loi organique no 2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, qui prévoit la création de chambres spécialisées au sein des tribunaux et dont le chapitre IV est consacré aux mesures de réparation et de réhabilitation en faveur des victimes de violations des droits de l’homme. Il convient de préciser que les chambres susmentionnées, qui sont chargées d’examiner les affaires relatives aux violations flagrantes des droits de l’homme intervenues entre 1955 et la date d’adoption de la loi sur la justice transitionnelle, ont été effectivement créées par le décret no 2014‑2887 du 8 août 2014.

En vue de donner effet à la recommandation du Comité consistant à faire en sorte que des examens médicaux soient automatiquement prévus à la suite d’allégations de mauvais traitements et qu’une autopsie soit pratiquée dans tous les cas de décès en garde à vue (par. 102 d)), il convient de noter qu’une disposition reprenant ces termes a été introduite dans le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale, soumis à l’Assemblée nationale constituante pour examen et adoption (voir annexe 5).

En vue de donner suite à la recommandation du Comité appelant instamment la Tunisie à ramener à quarante-huit heures la durée maximale de la garde à vue (par. 103 a)), une disposition allant dans ce sens a été ajoutée au projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale, qui est soumis à l’Assemblée nationale constituante pour examen et adoption.

S’agissant de la recommandation du Comité appelant la Tunisie à rendre les articles pertinents du Code pénal conformes à la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention (par. 103 b)), il convient de se reporter aux renseignements figurant dans le commentaire relatif à l’article premier (plus haut), qui font état du remplacement de l’article 101 bis du Code pénal, par un nouvel article 101 bis, qui contient une définition de la torture plus conforme à l’article premier de la Convention.

En vue de donner suite à la recommandation du Comité appelant à la modification de la législation pertinente pour garantir qu’aucune déclaration obtenue par la torture ne soit utilisée dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite (par. 103 c)), le législateur tunisien a ajouté un deuxième alinéa à l’article 155 du Code de procédure pénale, qui dispose ce qui suit: «les aveux de l’inculpé et les déclarations des témoins sont réputés nuls s’il est établi qu’ils ont été obtenus sous la torture ou la contrainte.» (voir le commentaire relatif à l’article 15).

En vue de donner suite à la recommandation invitant instamment l’État partie à présenter son troisième rapport périodique pour le 30 novembre 1999 (par. 104), la Tunisie a soumis son troisième rapport au Comité en 2009 et a demandé à élaborer le présent rapport complémentaire après la Révolution intervenue entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011.