Nations Unies

CCPR/C/FRA/CO/4/Add.2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 août 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports soumis par les É tats parties

au titre de l ’ article 40 du P acte

France *

Renseignements communiqués par la France sur la suite donnée auxobservations finales du Comité des droits de l’homme* *(CCPR/C/FRA/CO/4)

[9 juillet 2010]

Introduction

L’audition de la France devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU, pour l’examen de son quatrième rapport périodique, s’est déroulée les 9 et 10 juillet 2008. Les observations finales rendues par le Comité (CCPR/C/FRA/CO/4), le 31 juillet 2008, demandaient à la France de transmettre, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations 12, 18 et 20.

Le 20 juillet 2009, la France a adressé au Comité des droits de l’homme les renseignements demandés (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1). Il ressort de la note verbale du Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme, datée du 11 janvier 2010, que le Comité a examiné ces renseignements durant sa quatre-vingt-dix-septième session, tenue en octobre 2009. Constatant que les informations fournies au sujet de la recommandation 12 étaient «largement satisfaisantes», il a néanmoins estimé que celles concernant les paragraphes 18 et 20 «manquaient de spécificité». Le Rapporteur spécial a ainsi sollicité les informations complémentaires suivantes :

« a)Les données et les informations jusque-là enregistrées par le COMEDD (paragraphe 12) ;

« b)La révision de la politique de détention à l’égard des mineurs non accompagnés, et en particulier la fonction et les tâches du groupe de travail ministériel mis en place en mai 2009 ; les mesures spécifiques visant à l’atténuation de la surpopulation et l’amélioration des conditions de vie dans les centres de rétention, en particulier ceux des départements et territoires d’Outre-mer (paragraphe 18) et ;

« c)La suspension automatique de l’expulsion dans les cas où des “considérations de sécurité nationale sont en jeu” ; les expulsions en vertu de la procédure dite “prioritaire”; la mise en œuvre de la loi relative aux droits des sans papiers et des demandeurs d’asile ; la possibilité pour les demandeurs d’asile d’obtenir l’assistance d’un traducteur et la garantie d’un droit de recours avec effet suspensif pour tous les individus frappés d’un arrêté d’expulsion ; la proposition de loi visant à porter à 72 heures le délai de recours pour les demandeurs d’asile (paragraphe 20).»

En réponse à cette demande, le Comité voudra bien trouver les éléments d’information suivants.

a) Sur les données et les informations enregistrées par le COMEDD

1.Le Comité voudra bien trouver en annexe le rapport du Comité pour la mesure de la diversité et l'évaluation des discriminations (COMEDD), dans sa version du 5 février 2010, présenté au Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances.

b) Sur les conditions de rétention

2.En sus des renseignements transmis au Comité, le 20 juillet 2009, le Rapporteur spécial voudra bien trouver les éléments d’information complémentaires suivants.

Sur les mineurs étrangers isolés

3.Le groupe de travail créé par le Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, le 11 mai 2009, a associé l'ensemble des acteurs concernés par la problématique des mineurs étrangers isolés : ministères (Immigration, Intérieur, Justice, Travail), institutions nationales et internationales (Défenseure des enfants, Médiateur, OFPRA, OFII, HCR, UNICEF France) et associations (Anafé, Croix-Rouge, Enfants du monde, Forum réfugiés, France terre d’asile, etc.).

4.Ce groupe de travail avait pour objectif d'établir un diagnostic de situation et de proposer des améliorations au dispositif applicable aux mineurs étrangers isolés, (dépassant les seules questions du placement en zone d'attente de ces mineurs), avec le souci d'apporter toutes les garanties à l'examen de situation de ces jeunes étrangers, dans le respect de «l'intérêt supérieur de l'enfant».

5.Le groupe s'est réuni à cinq reprises, et a remis son rapport définitif le 16 novembre 2009, qui comprend l'ensemble des contributions des différents intervenants.

6.Sur la base de ce rapport, le Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a retenu une série de propositions, certaines susceptibles d'être mises en œuvre à court terme, telles que :

La mise en place d'un système d'information permettant d'améliorer le suivi des mineurs étrangers isolés avec l'ensemble des acteurs concernés ;

La construction d'un secteur dédié à l'accueil des mineurs étrangers dans la zone d'attente de Roissy (un appel d'offres a été lancé pour la construction d'un secteur mineurs dans la zone d'attente, où les mineurs jusqu'à 16 ans seront accompagnés jour et nuit dans des locaux adaptés par des membres de la Croix-Rouge, les 16-18 ans bénéficiant parallèlement d'une aile réservée près des locaux de la Croix-Rouge) ;

Le lancement d'une expérimentation sur la mise en œuvre d'une permanence d'administrateurs ad hoc chargés d'assister les mineurs isolés à la frontière ;

Le renforcement du nombre et de la formation des administrateurs ad hoc.

7.D'autres propositions, qui justifient des études complémentaires et des arbitrages, ont été formulées par le groupe de travail, par exemple concernant la situation du jeune majeur qui poursuit une formation en France.

8.En matière d’accueil des mineurs étrangers, le groupe de travail a souligné l’intérêt que peut présenter, dans certaines situations particulières, la mise en place de «dispositifssas» permettant un premier accueil des mineurs étrangers isolés, puis une orientation vers des structures de l’aide sociale à l’enfance sur le territoire national.

9.Enfin, il est également ressorti des travaux de ce groupe de travail que certains principes fondamentaux devaient être maintenus. Au nombre de ceux-ci figurent l'interdiction de prononcer une mesure d'éloignement forcé à l'égard d'un mineur étranger isolé se trouvant irrégulièrement sur le territoire français (ce qui emporte pour conséquence qu'un mineur isolé ne peut en aucune circonstance être placé en centre ou en local de rétention, comme indiqué dans la précédente réponse au Comité), mais également la possibilité de placer en zone d'attente, le temps d'examiner leur situation, les mineurs isolés ne remplissant pas les conditions d'entrée en France. En effet, s'il est important d'entourer cet examen de toutes les garanties, il serait en revanche dangereux, sur le plan migratoire et au regard des intérêts des enfants exposés à un risque de trafic et d'exploitation, de conférer un droit automatique à l'entrée sur le territoire au bénéfice de ces mineurs.

Sur l'amélioration des conditions de vie dans les centres de rétention

10.Les précisions suivantes peuvent être apportées, lesquelles ont également été transmises récemment au Comité contre la torture de l’ONU, dans le cadre de l’examen du dernier rapport présenté par la France.

11.Plus de 30 millions d'euros sont consacrés en 2010 au fonctionnement hôtelier des centres de rétention. 24 millions d'euros sont, en outre, consacrés à des dépenses d'investissement, pour cette même année. Depuis 2007, plusieurs constructions ou rénovations importantes ont été réalisées ; on citera, en particulier, les centres de rétention administrative de Nîmes, Rennes, Metz, Coquelles et Palaiseau.

12.Plusieurs projets importants devraient se concrétiser prochainement, tels les nouveaux bâtiments des centres de rétention du Mesnil-Amelot (2 et 3). Par ailleurs, il est prévu de créer deux centres de rétention à Vincennes, de 60 places chacun ; l'extension provisoire, mise en service en décembre 2009, sera fermée concomitamment.

13.Ainsi que les autorités françaises s'y sont engagées, un nouveau centre de rétention administrative sera également construit à Mayotte. Le programme de construction a été validé, et la construction devrait être achevée fin 2011. Le centre comportera des petites unités de 12 à 24 personnes comprenant chacune des salles de détente intérieure, des salles de télévision, des espaces de libre circulation, de même que des aires extérieures avec auvent ; plusieurs salles de restaurant ont été prévues. Le centre comportera, enfin, une unité pour les femmes et les familles, avec notamment des salles de jeux pour les enfants.

c) Sur les procédures d’éloignement et l’exercice du droit d’asile

14.La notion «d'expulsions en vertu de la procédure dite “prioritaire» évoquée par le Rapporteur spécial procède d'une confusion entre, d’une part, la procédure «prioritaire» applicable à l'examen de certaines demandes d'asile et, d’autre part, les mesures d'éloignement du territoire ; elle appelle donc les clarifications suivantes.

15.Ainsi qu'indiqué au point 57 de la précédente réponse (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1) du Gouvernement français, il est exact que dans un certain nombre de cas, exceptionnels et précisément énumérés par la loi, certaines demandes d'asile peuvent faire l'objet d'une procédure «prioritaire» qui, tout en étant entourée de toutes les garanties, permet un examen dans des délais plus rapides par l'OFPRA, et en application de laquelle, par dérogation au principe général, le recours juridictionnel éventuellement formé devant la Cour nationale du droit d'asile n'a pas un caractère suspensif.

16.Toutefois, il est important de souligner que la décision négative de l'OFPRA considérée dans ces hypothèses n'entraîne pas, par elle-même, l'éloignement du territoire. La décision d'éloignement du territoire est une décision distincte, prise par l'autorité préfectorale, et qui est elle-même susceptible d'un recours juridictionnel devant le juge administratif.

17.Comme indiqué au point 66 de la réponse (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1), le juge administratif est habilité à contrôler la conformité de la mesure administrative d'éloignement au regard des conventions internationales, et peut donc annuler une décision d'éloignement qui exposerait l'intéressé à des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Si la mesure d'éloignement se définit comme une obligation de quitter le territoire français ou une décision de reconduite à la frontière pour séjour irrégulier (hypothèses les plus fréquentes), le recours a un caractère pleinement suspensif.

18.Cela signifie que l'étranger ne peut être éloigné avant l'expiration du délai de recours et, si le juge a été saisi, avant que le juge ait statué sur le recours. Enfin, si la mesure d'éloignement est une mesure d'expulsion pour motif grave d'ordre public (hypothèse rare), la décision peut faire l'objet d'un référé liberté ou d'un référé suspension qui, s'il est prononcé par le juge, suspend l'exécution de la mesure d'éloignement.

19.S’agissant de l’assistance d’un traducteur ou d'un interprète dans le cadre des procédures d’asile, toutes les précisions ont été données aux points 53 et 54 (s’agissant de la procédure d’asile à la frontière), 56 (s’agissant des demandes d’asile présentées sur le territoire français) et 62 (concernant la situation spécifique de la demande d’asile en rétention) de la réponse précédente. Il pourra cependant être rappelé, sur ce dernier point, que l'étranger qui présente une demande d'asile en rétention est systématiquement entendu par l'OFPRA, sauf cas exceptionnels de demandes multiples de réexamen, et qu'il est alors entendu avec un interprète chaque fois que nécessaire. C'est sur la base de cet entretien, qui est essentiel et au cours duquel le demandeur peut exposer l'ensemble de ces craintes, que la décision sur la demande d'asile est prise.

20.S’agissant, enfin, du délai de recours contre une décision de refus d’entrée au titre de l’asile, le Gouvernement peut indiquer au Rapporteur spécial que la proposition de loi visant à porter de 48 à 72 heures le délai de recours a été adoptée en première lecture par le Sénat, le 6 mai 2009, mais qu’elle n'a pas encore été discutée devant l'Assemblée nationale. En tout état de cause, il convient de souligner que le délai de 48 heures, prévu par la loi du 20 novembre 2007 validée par le Conseil constitutionnel, vise, comme cela était indiqué au point 55 de la réponse, à assurer un équilibre entre les exigences du droit au recours contre les décisions de refus d’entrée au titre de l’asile et les contraintes résultant de la durée maximale du maintien en zone d’attente, une des durées les plus courtes d'Europe (durée de 20 jours prorogeable de quelques jours seulement en cas de demande d'asile et de recours).

21.Dans ce cadre, l’ensemble des garanties juridiques qui entourent ce recours (absence de formalisme dans la présentation de la requête, audience en présence de l’étranger, présence d’un avocat le cas échéant commis d’office, concours d’un interprète, impossibilité de mettre à exécution la mesure pendant le délai de recours et tant que le juge ne s’est pas prononcé) en fait une voie de droit effective et efficace.