NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/FRA/418 juillet 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Quatrième rapport périodique

FRANCE*, **

[13 février 2007]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

Introduction1 − 47

I.Observation figurant au paragraphe 3 des observations finalesdu Comité5 − 127

A.Justifications relatives au droit international57

B.Justifications d’ordre constitutionnel6 − 98

C.Déclarations que la France envisage de revoir10 − 128

II.Recommandation figurant au paragraphe 10 des observationsfinales du Comité138

III.Recommandation figurant au paragraphe 11 des observationsfinales du Comité14 − 449

A.L’applicabilité de principe des dispositions du droit international,en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes,à l’ensemble des départements d’outre-mer (DOM), régionsd’outre-mer (ROM) et collectivités d’outre-mer (COM)15 − 189

B.Le législateur est intervenu pour écarter des régimes dérogatoires,issus du droit local et coutumier, incompatibles avec le principed’égalité hommes-femmes dans la collectivité de Mayotte19 − 2510

C.Les initiatives contre la discrimination à l’égard des femmesdans les collectivités françaises du Pacifique26 − 4411

IV.Recommandation figurant au paragraphe 12 des observationsfinales du Comité45 − 4615

V.Recommandation figurant au paragraphe 13 des observationsfinales du Comité47 − 6015

A.La problématique de l’amnistie dans le cadre de périodesde transition48 − 5115

B.Le recours à l’amnistie comme moyen d’apaisement socialet de réconciliation en Nouvelle-Calédonie52 − 6016

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

VI.Recommandation figurant au paragraphe 14 des observationsfinales du Comité61 − 10918

A.La place des femmes dans la fonction publique61 − 7218

B.L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes73 − 9723

C.Une plus grande implication des entreprises9827

D.La politique familiale99 − 10927

VII.Recommandation figurant au paragraphe 15 des observationsfinales du Comité110 − 15229

A.Les poursuites pénales exercées contre des agents de la forcepublique119 − 12530

B.Les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des agents de la force publique126 − 15231

VIII.Recommandation figurant au paragraphe 16 des observationsfinales du Comité153 − 21936

A.Les garanties entourant la protection des individus153 − 17436

B.Les mesures adoptées pour réduire la fréquence durecours à l’isolement cellulaire175 − 21939

IX.Recommandation figurant au paragraphe 17 des observationsfinales du Comité220 − 29147

A.Rappel des principes de l’ordonnance du 2 février 1945applicable aux mineurs220 − 24447

B.La spécialisation du secteur public de la protectionjudiciaire de la jeunesse245 − 27551

C.Statistiques faisant apparaître l’évolution du nombre et de ladurée des placements en détention provisoire au cours desdernières années, en particulier en ce qui concerneles mineurs276 − 29155

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

X.Recommandation figurant au paragraphe 18 des observationsfinales du Comité292 − 30158

XI.Recommandation figurant au paragraphe 19 des observationsfinales du Comité302 − 31460

A.Les trois phases obligatoires du service national instauréen remplacement de la conscription303 − 30860

B.Les volontariats: volet facultatif du service national309 − 31461

XII.Recommandation figurant au paragraphe 20 des observationsfinales du Comité315 − 33062

XIII.Recommandation figurant au paragraphe 21 des observationsfinales du Comité33166

XIV.Recommandation figurant au paragraphe 22 des observationsfinales du Comité332 − 33766

XV.Recommandation figurant au paragraphe 23 des observationsfinales du Comité338 − 36066

A.Les garanties procédurales en matière de législationantiterroriste342 − 35467

B.Le champ d’application de la législation antiterroriste355 − 35868

C.Sur le recours à la vidéosurveillance.359 − 36069

XVI.Recommandation figurant au paragraphe 24 des observationsfinales du Comité361 − 49769

A.Fondements constitutionnels de la position française362 − 36869

B.Position française au regard de l’article 27 du Pacte369 − 37070

C.Actions thématiques générales et actions particulièresen ce qui concerne les populations d’outre-mer371 − 49772

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

XVII.Recommandation figurant au paragraphe 25 des observationsfinales du Comité498 − 50591

A.La réforme législative relative à l’âge légal du mariage498 − 50091

B.Les règles applicables en matière de déclaration de naissance501 − 50292

C.Les réformes législatives relatives à l’égalité des enfants«légitimes», «naturels» et «adultérins» à l’égard desdroits successoraux503 − 50592

XVIII.Recommandation figurant au paragraphe 26 des observationsfinales du Comité506 − 54692

A.La CNCDH508 − 52093

B.Le Médiateur de la République521 − 52594

C.Le Défenseur des enfants526 − 53095

D.La Commission nationale de l’informatique etdes libertés531 − 53595

E.La Haute Autorité de lutte contre les discriminationset pour l’égalité 536 − 54696

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Page

Liste des tableaux

Tableau 1:Répartition des demandeurs d’emploi par sexe à Mayotte11

Tableau 2:Titulaires civils des ministères par catégorie hiérarchiqueau 31 décembre 200418

Tableau 3:Les femmes dans les emplois de direction de services administratifs,d’inspection générale et de juridictions de l’État (en 2002,2003 et 2004)19

Tableau 4:Répartition hommes‑femmes au sein de la hiérarchie judiciaire20

Tableau 5:Les femmes dans les emplois de direction des trois fonctionspubliques à la fin 200421

Tableau 6:Nombre de suicides en prison (1980-2005)44

Tableau 7:État des suicides en prison (2003-2005)45

Tableau 8:Taux de détention provisoire56

Tableau 9:Durée de la détention provisoire effectuée lors de la condamnationdéfinitive57

Tableau 10:Mineurs délinquants – Mesures présentencielles prononcées58

Introduction

1.La France prie le Comité d’excuser le retard avec lequel elle dépose son quatrième rapport périodique sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

2.La préparation du présent rapport a été réalisée en concertation avec la société civile à travers la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cette dernière qui comprend, entre autres, des organisations non gouvernementales (ONG), des associations de défense des droits de l’homme et des organisations syndicales a eu l’occasion d’examiner le projet de rapport du Gouvernement et présenté ses observations aux représentants des administrations à la fois oralement à l’issue d’une réunion de travail et par une note écrite. Le présent rapport tient compte, dans la mesure où cela a été possible, des recommandations de la CNCDH.

3.La France a eu l’occasion dans ses trois précédents rapports de présenter les mécanismes qui garantissent les droits prévus par le Pacte. Conformément aux directives concernant les rapports adoptés par le Comité le 26 février 2001 (CCPR/C/66/GUI/Rev.2), le Gouvernement concentre son quatrième rapport sur les réponses aux recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales du 4 août 1997 à la suite de l’examen du troisième rapport (CCPR/C/79/Add.80). Ces recommandations portent sur des domaines essentiels et soulèvent des questions très pertinentes au vu des problématiques actuelles en matière de droits civils et politiques, comme l’égalité entre hommes et femmes dans la jouissance de ces droits (recommandations figurant aux paragraphes 14 et 25), les garanties offertes aux étrangers (par. 20 et 22), la bonne administration de la justice (par. 15, 16, 17, 18, 23), ou la mise en place d’un mécanisme indépendant de protection des droits de l’homme (par. 26). La réponse à ces questions permet de faire état des progrès accomplis dans ces domaines.

4.Le Gouvernement est conscient du fait que le délai écoulé entre la date des observations et recommandations du Comité et la présentation du présent rapport peut rendre nécessaire quelques adaptations et compléments. Il saisira l’opportunité des questions que le Comité ne manquera pas de poser, préalablement à la présentation orale du rapport, pour actualiser au mieux les données rentrant dans le champ de compétence du Comité.

I. OBSERVATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 3 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

A. Justifications relatives au droit international

5.La réserve concernant la compatibilité de l’interprétation du Pacte avec les objectifs et principes des Nations Unies vise à garantir la cohérence du système des Nations Unies. La déclaration relative à la compatibilité de l’interprétation des articles 19, 21, 22 du Pacte avec celle des articles 10, 11 et 16 de la Convention européenne des droits de l’homme vise quant à elle à préserver la cohérence des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, pour renforcer leur efficacité. La déclaration relative à l’article 20, paragraphe 1, du Pacte et à la définition du mot «guerre» vise à garantir le traitement de cette situation dans un esprit conforme au droit international.

B. Justifications d’ordre constitutionnel

6.La réserve relative à l’article 4, paragraphe 1, et la déclaration relative à l’article 27 du Pacte sont motivées par des considérations d’ordre constitutionnel.

7.L’article 16 de la Constitution confère au Président de la République des pouvoirs dérogatoires en cas de crise institutionnelle mettant en péril la République, dont l’étendue ne peut être limitée a priori par une clause conventionnelle. Cette procédure très exceptionnelle est encadrée par la consultation du Conseil constitutionnel. Elle satisfait aux exigences de l’article 4 du Pacte.

8.L’article premier de la Constitution (ancien article 2) prévoit que la République française est indivisible et qu’elle assure «l’égalité devant la loi de tous ses citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion». Dès lors, le peuple français est un. Les personnes appartenant à des minorités disposent des mêmes droits que tous les autres citoyens mais ne disposent pas de droits collectifs spécifiques. La déclaration de la France relative à l’article 27 du Pacte vise à rappeler cette conception française, qui est conforme à ce même article, et permet que les personnes appartenant à des minorités aient, également en conformité avec la déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, leur propre vie culturelle, professent et pratiquent leur propre religion hors des institutions de la République, qui est laïque, et emploient leur propre langue, comme cela est exposé dans la réponse à la recommandation figurant au paragraphe 27 des observations finales du Comité.

9.La réserve relative aux articles 9 et 14 du Pacte résulte de la nature spécifique des missions des forces de défense.

C. Déclarations que la France envisage de revoir

10.Les autorités françaises examinent actuellement les conditions dans lesquelles elles pourraient modifier la déclaration faite par le Gouvernement français en ce qui concerne l’article 13 du Pacte.

11.La déclaration relative à l’article 14, paragraphe 5, du Pacte pourrait être écourtée, la possibilité de l’appel des décisions de cours d’assises, en matière criminelle, ayant été rendue possible par la loi du 15 juin 2000, et codifiée dans le Code de procédure pénale aux articles 380‑1 et suivants.

12.La déclaration française relative à l’article 14, paragraphe 5, pourrait également être adaptée en tenant compte des modifications législatives intervenues dans ce domaine.

II. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 10 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

13.Un mécanisme ad hoc existe au sein du Ministère des affaires étrangères impliquant la Direction des Nations Unies et la Direction des affaires juridiques, ainsi que, lorsque cela est nécessaire, les ministères techniques concernés. Il convient de préciser qu’à chaque fois qu’une communication individuelle, introduite contre la France, a donné lieu à un constat de violation, le Gouvernement a fourni au Comité toutes les informations pertinentes sur les mesures de suivi et que ce dernier s’est toujours félicité de cette coopération (voir les rapports annuels du Comité à l’Assemblée générale, Supplément nº 40, vol. II). Le Gouvernement rappelle, par ailleurs, que la mise en place d’un mécanisme spécifique de suivi des constatations formulées par le Comité au sujet de communications individuelles ne constitue pas une obligation découlant du Pacte.

III. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 11 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

14.À la suite de l’observation du Comité, les autorités françaises (Ministère de l’outre-mer) ont entrepris une étude de cette question ayant permis de relever les éléments suivants.

A. L’applicabilité de principe des dispositions du droit international, en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, à l’ensemble des départements d’outre-mer (DOM), régions d’outre-mer (ROM) et collectivités d’outre-mer (COM)

15.Le Gouvernement rappelle, à titre liminaire, que l’ordre juridique constitutionnel national s’applique sur l’ensemble du territoire national, ce qui inclut l’outre-mer français. Par ailleurs, le principe de laïcité a une valeur constitutionnelle et s’applique sur l’ensemble du territoire de la République. Le statut civil personnel des femmes, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire de la République, doit être conforme au principe de laïcité.

16.Ne comportant pas de clause territoriale de la part de la France, le Pacte s’applique sur tout le territoire de la République y compris sur les DOM/ROM ainsi qu’aux COM. Le Pacte s’applique par conséquent, dans son ensemble, à tous les territoires français non métropolitains.

17.L’article 75 de la Constitution de la Cinquième République dispose que «les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé». Cette reconnaissance constitutionnelle du statut personnel s’est traduite dans les statuts des collectivités d’outre-mer par des dispositions protectrices du statut civil de droit coutumier:

a)L’article 2 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis‑et‑Futuna le statut de territoire d’outre-mer prévoit que les originaires du territoire de Wallis‑et‑Futuna «qui n’ont pas le statut de droit commun conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas expressément renoncé»;

b)La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie consacre son titre premier au statut civil coutumier et propriété coutumière;

c)De même, la loi no 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte consacre son titre VI au statut civil de droit local applicable à Mayotte.

18.Les collectivités françaises d’outre-mer sont régies par l’article 74 de la Constitution de 1958 qui encadre la répartition de compétences entre les institutions délibérantes locales et l’État; la Nouvelle-Calédonie, collectivité sui generis, est régie, quant à elle, par le titre XIII de la Constitution. Les mesures adoptées par les assemblées délibérantes des collectivités d’outre‑mer, notamment celles susceptibles d’intervenir en matière de statut civil, sont ainsi soumises à un contrôle juridictionnel étroit exercé par le Conseil d’État.

B. Le législateur est intervenu pour écarter des régimes dérogatoires, issus du droit local et coutumier, incompatibles avec le principe d’égalité hommes-femmes dans la collectivité de Mayotte

19.Deux statuts personnels coexistent à Mayotte et dans les deux collectivités d’outre-mer du Pacifique, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis‑et‑Futuna: l’un de droit commun, régi par les dispositions du Code civil; l’autre de droit local ou coutumier.

20.Dans sa décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003, le Conseil constitutionnel a considéré que «dès lors qu’il ne remettait pas en cause l’existence même du statut civil de droit local, [le législateur] pouvait adopter des dispositions de nature à en faire évoluer les règles dans le but de les rendre compatibles avec les principes et droits constitutionnellement protégés». En insistant sur le fait «qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions [Préambule de la Constitution de la République française, articles 1er, 72-3 et 75 de la Constitution] que les citoyens de la République qui conservent leur statut personnel jouissent des droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français et sont soumis aux mêmes obligations […]», le Conseil constitutionnel a ainsi justifié l’intervention du législateur pour écarter des régimes dérogatoires, issus du droit local et coutumier, tels que la répudiation, la polygamie ou l’inégalité des enfants devant l’héritage, ou susceptibles de heurter le principe d’égalité hommes-femmes.

21.À Mayotte, la loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003, modifiant la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, a permis une évolution significative en matière d’égalité hommes‑femmes par l’instauration de la monogamie, de la rupture du mariage par le divorce, de la prohibition de la répudiation unilatérale et l’interdiction des discriminations entre enfants devant l’héritage, fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance. L’article 68 de la loi du 21 juillet 2003 modifie le titre VI de la loi statutaire de Mayotte du 11 juillet 2001 en limitant le champ d’application du statut personnel de droit local à l’état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l’exclusion de tout autre secteur de la vie sociale.

22.La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a complété cette réforme sur deux points:

−La procédure de droit commun en matière de divorce a été rendue applicable aux cas de divorce entre personnes relevant du statut civil de droit local;

−L’accès au juge de droit commun a été rendu possible pour la partie la plus diligente dans le cadre de demande de divorce.

23.La profonde mutation du statut civil de droit local engagée par ces deux réformes législatives permet ainsi de faire évoluer la place des femmes dans la société mahoraise, sans remettre en cause l’existence même de ce statut, garanti par la Constitution.

24.En matière de droit du travail, l’ordonnance n° 2005-44 du 20 janvier 2005 a modifié les dispositions du Code du travail de Mayotte, afin de prévenir toute forme de discrimination fondée sur le sexe, en prévoyant notamment:

a)Un article L. 000-4 posant, entre autres, la prohibition de toutes discriminations fondées sur le sexe pour les offres d’emploi, l’embauche et les relations du travail;

b)Un alignement du droit local sur les dispositions en vigueur en métropole pour le travail de nuit;

c)Un alignement du droit local sur les dispositions en vigueur en métropole pour les institutions représentatives du personnel, et notamment celles d’entre elles concernant l’égalité hommes-femmes;

d)Un alignement des dispositions du droit local sur la négociation collective en matière d’égalité hommes-femmes.

Tableau 1: Répartition des demandeurs d’emploi par sexe à Mayotte

Source: IEDOM 2005

25.Dans ces circonstances, le droit du travail applicable à Mayotte ne fait désormais plus aucune place au statut personnel de droit local ni à aucune pratique discriminatoire.

C. Les initiatives contre la discrimination à l’égard des femmes dans les collectivités françaises du Pacifique

26.Au vu de l’observation du Comité portant sur la discrimination à l’égard des femmes, il semble utile au Gouvernement de rappeler que plusieurs initiatives locales dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique ont permis de mieux diffuser, par exemple, la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) auprès des femmes polynésiennes, calédoniennes, wallisiennes et futuniennes. En effet, en Polynésie française, un atelier-conférence sur ce thème a été organisé par le Ministère de la famille et de la condition féminine de la Polynésie française (ministère créé en mars 2005), en coopération avec le Ministère délégué à la parité et à la cohésion sociale. Cet atelier-conférence a débouché sur la rédaction de rapports des collectivités françaises du Pacifique qui seront intégrés au rapport national transmis aux Nations Unies avant le sommet de 2010. Les femmes du Pacifique se retrouveront à nouveau en 2006 autour du thème «les valeurs familiales et les valeurs culturelles pour la promotion des droits des femmes dans nos pays du Pacifique». Enfin, des recommandations ont été adoptées, visant notamment à sensibiliser les maires sur la place des femmes dans la politique et une traduction en langue polynésienne de la CEDAW est en cours de préparation.

27.Dans les collectivités territoriales du Pacifique, le dynamisme des femmes mérite d’être souligné. Bien qu’attachées à leurs traditions, elles n’hésitent pas à faire face à l’avenir dans tous les domaines. Il convient de noter, toutefois et selon la répartition des compétences, qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les politiques en direction des femmes relèvent de la compétence des autorités locales.

1. La situation des femmes à Wallis-et-Futuna

28.Ainsi, à l’instigation du Bureau des femmes de la communauté du Pacifique, le Conseil territorial des femmes a été créé en juillet 1993 dans les îles Wallis-et-Futuna, afin de réunir les femmes de tous les secteurs pour mieux appréhender leurs problèmes communs et promouvoir l’égalité des droits. Le travail de ce conseil est axé sur le domaine économique, notamment sur l’aide au développement de l’artisanat local.

29.Depuis octobre 1995, à l’initiative de structures calédoniennes, une association SOS Violences a également vu le jour à Wallis-et-Futuna, pour aider les femmes à lutter contre les abus sexuels dont sont victimes les enfants.

30.Plusieurs dispositions nouvelles ont été introduites récemment dans le code local du travail tendant à la protection de la femme. Il s’agit, notamment, de l’amélioration des conditions de suspension rémunérée du contrat de travail pour les femmes enceintes et en couches, l’interdiction de résilier le contrat de travail d’une salariée dont la grossesse est médicalement constatée, et pendant la période de suspension du contrat de travail à laquelle elle a droit, ou encore la faculté pour la femme salariée de ne pas être maintenue dans un emploi reconnu médicalement au‑dessus de ses forces ou incompatible avec son état de santé.

2. La situation des femmes en Nouvelle ‑Calédonie

31.En Nouvelle‑Calédonie, aucune loi du pays n’est intervenue dans la matière du statut civil coutumier. Il convient de rappeler que les projets de loi du pays sont soumis, en application de la loi statutaire no 99‑209 du 19 mars 1999 à l’examen du Conseil d’État qui s’assure que ceux‑ci sont conformes aux engagements internationaux de la France et aux principes et règles à valeur constitutionnelle.

32.Il convient également de noter que les lois applicables en Nouvelle‑Calédonie ne font pas de place à une quelconque discrimination entre hommes et femmes et que, bien au contraire, celles relatives au régime du travail applicable aux salariés des prestations de service en Nouvelle‑Calédonie l’interdit formellement (c. de l’article 90‑3 issu de l’article Lp 1 de la loi du pays 2002‑021 du 20 septembre 2002).

33.Dans un même ordre d’idées, la loi du pays du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle‑Calédonie refonde son régime général de sécurité sociale en faisant une large place au régime d’assurance maternité, permettant ainsi à ses affiliées de bénéficier d’avantages en nature et en espèce substantiels.

34.Les recours à la justice se sont multipliés en Nouvelle‑Calédonie en matière de règlement des différends matrimoniaux, traduisant une évolution notable de la condition des femmes calédoniennes. En effet, nombreuses sont les associations qui se sont mobilisées au cours de ces quinze dernières années pour encourager les femmes kanakes à se départir des pressions familiales. Dans ces circonstances, les Calédoniennes ont fait le choix de se détourner du règlement coutumier aléatoire, notamment en ce qui concerne les actes de violence conjugale, pour réclamer l’application du droit pénal.

35.Christine Salomon souligne que les années 90 ont constitué un tournant judiciaire et social dans l’évolution de la situation des femmes calédoniennes, dans la mesure où «les plaignantes mélanésiennes sont, depuis lors, de plus en plus nombreuses à utiliser les institutions judiciaires soit comme juridictions d’appel des sanctions coutumières […], soit en premier recours». Elle rappelle qu’«un certain nombre de femmes kanakes ont également choisi, ces dernières années, de renoncer à leur statut personnel et d’opter pour le droit commun afin d’échapper à certaines règles coutumières concernant le droit de la famille».

36.Les mobilisations collectives se sont également multipliées pour accompagner les femmes calédoniennes dans leur dénonciation des abus d’alcool, des conduites sexuelles masculines violentes et des violences conjugales. Il convient de souligner l’action considérable menée en matière de défense des droits des femmes par «SOS Violences sexuelles», association créée conjointement en 1992 par une magistrate et par Marie‑Claude Tjibaou, membre du Conseil économique, social et culturel. La Nouvelle‑Calédonie compte désormais plusieurs structures et associations mobilisées pour la défense des droits des femmes, telles que la «Maison Antoinette Kabar», centre d’hébergement situé à Poindimié, ou encore l’association «Cœur de Lys» qui regroupe les femmes des communes de La Foa, Sarramea, Farino et Moindou. Le collectif «Cyberfemmes» dispose d’un site Internet (http://www.cyberfemmes-nc.com/index.php) qui recense des informations utiles permettant aux femmes calédoniennes de trouver les moyens de défendre leurs droits, de développer leurs talents et de faciliter leur insertion. L’assemblée de la Province Sud a notamment organisé, en 2006, une campagne d’affichage intitulée «Nos femmes ont du talent».

3. La situation des femmes en Polynésie française

37.Une ordonnance du 24 mars 1945 a mis fin au statut particulier en Polynésie française. Le droit applicable à la Polynésie française ne comporte donc, a priori, aucune disposition susceptible de heurter le principe républicain d’égalité hommes‑femmes. Cependant, plusieurs initiatives locales ont été entreprises pour s’assurer du respect de cette égalité fondamentale au sein d’une société polynésienne où le poids des coutumes locales demeure important.

38.Ainsi, la promotion des droits des femmes et des familles est mise en avant lors de la célébration, chaque année, de la journée de la femme le 8 mars. Plus de 200 associations ayant pour objet de défendre les droits et intérêts des femmes par un accompagnement vers une autonomie financière et sociale, d’origine confessionnelle ou laïque, et parfois axées sur un moyen d’exercer une activité comme l’artisanat, sont recensées. Au lendemain du vote de la loi no 2000‑493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, une association, TE HINE MANOHITI, créée sous l’impulsion de femmes engagées sur la scène publique et politique, a organisé et mis en place des sessions d’information et de formation à l’engagement politique, tant au niveau municipal que dans les autres instances de représentation du territoire. Cette impulsion a encouragé l’implication de nombreuses femmes dans la vie publique, traduite par une représentation paritaire des femmes à l’assemblée territoriale de Polynésie française, où près de 51 % des membres élus lors des élections de 2001 étaient des femmes. Il est à noter, par ailleurs, que les première et deuxième vices‑présidences de l’assemblée de Polynésie française sont occupées par des femmes.

39.Dans le domaine du droit du travail, les conventions collectives en Polynésie française prévoient des mesures de traitement égalitaire entre hommes et femmes, conformément au Code du travail localement applicable. En 2005, une loi du pays a par ailleurs officialisé la prise en charge de la totalité du salaire des femmes durant leur congé de maternité, alors qu’auparavant seulement 60 % étaient versés.

40.La création d’un centre territorial d’information des droits des femmes et des familles en 1990, agréé par l’État, a répondu concrètement à la demande d’information et d’accompagnement des femmes pour la défense de leurs droits et leurs intérêts, que ce soit pour des affaires d’ordre civil ou dans le cadre de plaintes pour agressions physiques. Cette représentation est relayée sur l’ensemble des archipels par le biais des déléguées communales, bénévoles ou employées communales, qui assurent la diffusion de l’information.

41.Enfin, dans le but d’accompagner les parents dans l’exercice de leurs responsabilités, deux «écoles des parents» seront créées chaque année, pour permettre d’aider les parents à pallier aux carences affectives, éducatives ou psychologiques véhiculées par les couples auprès de leurs enfants. En 2006, le Gouvernement de la Polynésie française a annoncé la création de deux écoles des parents à Vairao et Papara. En 2007, il devrait subventionner la création de deux nouvelles unités dans les Îles du Vent et une aux Tuamotu.

42.L’ensemble des crédits destinés aux crèches en 2006 représentaient 62 millions de francs CFP. Pour 2007, 68 millions de francs CFP permettront de poursuivre l’effort en direction d’un secteur essentiel à l’harmonisation de la vie familiale et au développement des enfants. Une «Commission interministérielle pour l’harmonie familiale» dont la mission consiste à promouvoir l’harmonie familiale entendue comme le préalable indispensable à la cohésion sociale, a été créée en juillet 2006. Une dotation de 80 millions est requise en 2007 pour financer cette instance de sensibilisation.

43.De façon plus générale, en vue de parfaire les mesures en faveur des femmes d’outre‑mer, une réflexion sera par ailleurs menée concernant l’application dans les collectivités d’outre‑mer de la Convention no 156 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’égalité des chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes ayant des responsabilités familiales. Il convient de rappeler, par ailleurs, que s’appliquent déjà dans les collectivités ultramarines la Convention no 100 de l’OIT concernant l’égalité de rémunération entre la main‑d’œuvre masculine et la main‑d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, ainsi que la Convention no 111 concernant la discrimination, en matière d’emploi et de profession.

44.D’autre part, la France continue à examiner les mesures utiles de nature à renforcer l’application des dispositions du Pacte dans les collectivités de l’outre‑mer français et s’emploie à examiner avec ces dernières, dans le respect des compétences ou les pratiques administratives des collectivités ultramarines françaises, les modalités pratiques de la diffusion des informations nécessaires à la connaissance de la Convention sur l´élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de son Protocole facultatif, comme en témoignent les réunions de concertation et les débats participatifs engagés autour du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) dans les collectivités françaises du Pacifique.

IV. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 12 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

45.Cette observation du Comité fait référence au rapport rendu le 10 juillet 1997 par la «Commission de réflexion sur la justice» présidée par Pierre Truche, lequel rapport aborde notamment la question de l’indépendance du parquet.

46.Le Gouvernement informe le Comité que cette question fait actuellement l’objet de débats au sein de la société française compte tenu, notamment, d’échéances nationales. Le Gouvernement saisira l’occasion de la présentation orale du présent rapport pour présenter au Comité les informations pertinentes et actualisées.

V. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 13 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

47.Les lois d’amnistie du 9 novembre 1988 et du 10 janvier 1990 sont intervenues dans le cadre du règlement du conflit opposant les diverses communautés de l’archipel calédonien. Dans la mesure où ces deux lois ont répondu à une exigence d’apaisement social tout en veillant à ce que les intérêts des victimes soient respectés, la Commission européenne des droits de l’homme a estimé qu’elles ne contrevenaient pas à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et notamment son article 2.

A. La problématique de l’amnistie dans le cadre de périodes de transition

48.Dans son rapport no 23 du 8 juillet 2002 sur le projet de loi portant amnistie, devenue la loi no 2002‑1062 du 6 août 2002, la Commission des lois de l’Assemblée nationale a souligné que «l’amnistie consiste à effacer le caractère délictueux de certaines infractions en interdisant toutes poursuites pénales ou en effaçant les condamnations prononcées».

49.S’il apparaît indispensable de s’assurer que les États remplissent l’obligation qui leur est faite de veiller à la mise en cause de la responsabilité des auteurs de violations des droits de l’homme, l’amnistie constitue cependant un moyen d’«apaisement» dans des pays en phase de réconciliation nationale.

50.Le développement des tribunaux pénaux internationaux garantit que les crimes d’une extrême gravité qu’ils sanctionnent ne restent pas impunis, ces crimes n’étant jamais couverts par des lois d’amnistie.

51.En outre, comme dans le cas de la Nouvelle‑Calédonie, les droits des victimes à réparation sont préservés par la sauvegarde de leur possibilité de se constituer partie civile.

B. Le recours à l’amnistie comme moyen d’apaisement social et de réconciliation en Nouvelle ‑Calédonie

52.Dans sa lettre adressée le 5 octobre 1988 au Président de la République, le Premier Ministre Michel Rocard rappelait que «bâtir ensemble l’avenir suppose, enfin, que soit éclairci préalablement le passé» et que, dans ces circonstances, «le projet de loi [voir loi no 88‑1028 du 9 novembre 1988] prévoit l’indemnisation des dommages causés aux personnes et aux biens par des actes de violence liés aux événements politiques survenus en Nouvelle‑Calédonie, ainsi qu’une large amnistie, dont restent toutefois exclus les crimes d’assassinat». L’article 133‑10 du Code pénal dispose d’ailleurs que «l’amnistie ne préjudicie pas aux tiers». Cette exigence, qui sous‑tend que les intérêts de la victime ne peuvent être sacrifiés par le recours à l’amnistie, a été constamment respectée par toutes les lois d’amnistie françaises.

53.La loi no 88‑1028 du 9 novembre 1988 prévoit, dans son article 80, le bénéfice de l’amnistie dans le cas des «infractions commises avant le 20 août 1988, à l’occasion des événements d’ordre politique, social ou économique en relation avec la détermination du statut de la Nouvelle‑Calédonie ou du régime foncier du territoire». Cette loi exclut cependant du bénéfice de l’amnistie «ceux qui, par leur action directe et personnelle, ont été les auteurs principaux du crime d’assassinat prévu par l’article 296 du Code pénal». Enfin, le chapitre premier du titre VII de la loi susvisée mettait en place un régime d’indemnisation des personnes et des biens. Le recours au mécanisme de l’amnistie témoigne de la volonté des autorités françaises de «remédier à une situation inextricable, que celle‑ci résulte de troubles ayant gravement porté atteinte à l’unité nationale ou pour toute autre cause susceptible d’obérer la paix civile future».

54.Il convient de souligner que cette loi fut adoptée par référendum, manifestant le consensus national établi sur la nécessité d’apaisement social en Nouvelle‑Calédonie.

1. La loi du 10 janvier 1990 s’inscrit dans le cadre d’un processus de règlement du contentieux entre les diverses communautés de l’archipel

55.La loi no 90‑33 du 10 janvier 1990 portant amnistie d’infractions commises à l’occasion d’événements survenus en Nouvelle‑Calédonie a cependant prévu que l’amnistie s’appliquerait à toutes les infractions commises avant le 20 août 1988, à l’occasion des événements d’ordre politique, social ou économique en relation avec la détermination du statut de la Nouvelle‑Calédonie ou du régime foncier du territoire, y compris le crime d’assassinat. L’inclusion du crime d’assassinat dans le champ d’application de la loi d’amnistie résulte vraisemblablement d’une volonté du Gouvernement de sécuriser le compromis issu des accords de Matignon de 1988: il semble, en effet, que l’amnistie totale ait été prévue dès la conclusion des accords de l’automne 1988. De nombreuses voix se sont, dès lors, élevées contre cette deuxième loi d’amnistie générale qui tendait à remettre en cause la loi de 1988.

56.Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 89‑265 DC du 9 janvier 1990, a estimé, d’une part, que «le principe de la souveraineté nationale ne fait nullement obstacle à ce que le législateur, statuant dans le domaine de compétence qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, modifie, complète ou abroge des dispositions législatives antérieures» et, d’autre part, que le législateur peut «déterminer, en fonction de critères objectifs, quelles sont les infractions et, s’il y a lieu, les personnes, auxquelles doit s’appliquer le bénéfice de l’amnistie».

57.Cette loi a également donné l’occasion à la Commission européenne des droits de l’homme de répondre à la question de savoir si cette loi porte atteinte, notamment, au droit à la vie et au droit d’accès à un tribunal, garantis à la fois par la Convention européenne des droits de l’homme et par le Pacte. Ainsi, à la suite d’une saisine par le Comité du 22 avril 1988 à la mémoire des gendarmes d’Ouvéa, la Commission européenne des droits de l’homme a, tout en mettant à la charge de l’État l’obligation de prendre les dispositions visant à empêcher toute possibilité de violence, conclu que ce principe peut connaître un certain nombre de tempéraments, notamment par le mécanisme de l’amnistie.

58.«La Commission observe à cet égard que la législation française assure sans conteste la protection de la vie dans la mesure où le droit pénal français réprime le crime d’assassinat. Il est vrai que, comme toute infraction pénale, le crime d’assassinat peut faire l’objet d’une loi d’amnistie. Ce fait ne se heurte pas en soi à la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme] sauf s’il témoigne d’une pratique générale visant à empêcher systématiquement que des poursuites soient diligentées contre les auteurs de tels crimes.» (Décision du 2 septembre 1992, requête no 16734/90, Laurence Dujardin et al. contre la France.).

59.La Commission européenne des droits de l’homme reconnaît, par conséquent, que le bénéfice de l’amnistie pour le crime d’assassinat ne contrevient pas à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme tant qu’il résulte de circonstances exceptionnelles. Dans le cas de la Nouvelle‑Calédonie, la Commission a ainsi apprécié les circonstances exceptionnelles de la manière suivante:

60.«[…] La Commission estime à cet égard que la loi d’amnistie, qui présente un caractère tout à fait exceptionnel, a été adoptée dans le cadre d’un processus de règlement du contentieux entre les diverses communautés de l’archipel [et qu’]il n’appartient pas à la Commission de porter un jugement sur l’opportunité des mesures prises par la France à cet égard. En effet, l’État est en droit d’adopter, dans le cadre de sa politique criminelle, les lois d’amnistie qu’il juge nécessaires à condition toutefois qu’un équilibre soit ménagé entre les intérêts légitimes d’un État et l’intérêt des justiciables à ce que le droit à la vie soit protégé par la loi. En l’occurrence, la Commission estime qu’un tel équilibre a été respecté et qu’il n’a, dès lors, pas été porté atteinte à la disposition précitée.» (ibid.).

VI. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 14 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

A.  La place des femmes dans la fonction publique

1.  Les données

Tableau 2: Titulaires civils des ministères par catégorie hiérarchique au 31 décembre 2004

Ministères

Rappel 2003

2004

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Total titulaires civils

Effectifs

Femmes (%)

Effectifs

Femmes (%)

Effectifs

Femmes (%)

Effectifs

Femmes (%)

Affaires étrangères

9 921

4 762

22,3

1 178

41,7

3 857

66,3

9 797

42,0

Affaires sociales

23 913

5 999

54,3

7 653

71,6

10 478

81,4

24 130

71,6

Santé

14 229

4 047

58,4

4 368

71,0

5996

79,4

14 411

71,0

Emploi

9 684

1 952

46,0

3 285 4

72,0

4 482

84,2

9 719

72,5

Agriculture

32 279

15 055

43,5

8 190

48,5

9 220

69,8

32 465

52,2

Culture

12 051

4 232

46,8

2 298

61,0

5 571

53,9

12 101

52,8

Défense

44 469

5 266

26,5

12 323

40,1

25 857

69,5

43 446

55,9

Économie

185 214

44 424

39,3

58 708

58,5

80 295

70,5

183 427

59,1

Éducation nationale

1 100 337

833 090

62,6

109 467

79,4

159 502

66,0

1 102 059

64,7

Enseignement scolaire

977 453

749 588

65,5

97 157

81,2

131 001

65,8

977 746

67,1

Enseignement supérieur

122 877

83 497

36,6

12 310

65,3

28 501

66,8

124 308

46,4

Recherche a

7

5

n.s.

0

-

0

-

5

n.s.

Équipement

98 022

15 889

25,7

25 084

29,1

56 798

31,3

97 771

29,8

Hors aviation

87 425

8 739

28,4

22 803

28,7

55 452

30,1

86 994

29,5

Aviation civile

10 597

7 150

22,3

2 281

33,8

1 346

82,5

10 777

32,3

Intérieur

166 827

12 105

27,8

20 450

40,5

135 675

29,2

168 230

30,4

Police nationale

132 082

6 459

14,1

12 103

27,9

115 000

20,8

133 562

21,1

Hors police nationale

34 745

5 646

43,4

8 347

58,8

20 675

75,8

34 668

66,4

Jeunesse et sports

5 758

3 623

21,9

575

81,9

1 543

69,9

5 741

40,8

Justice

66 192

13 759

51,7

16 617

74,0

38 218

43,8

68 594

52,7

Outre-mer

1 491

299

31,1

290

58,3

943

71,3

1 532

61,0

Services du Premier Ministre

1 536

498

45,0

220

66,8

816

62,6

1 534

57,5

Total

1 748 010

959 001

59,3

263 053

63,2

528 773

52,3

750 827

57,8

DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.

Source: INSEE, exploitation des fichiers de paie. Tableau in «Rapport annuel fonction publique − Faits et chiffres 2005‑2006» publié à la Documentation française − juillet 2006.

Champ: Hors emplois-jeunes. Emplois principaux. Métropole, Dom, autres Com, étranger. L’appellation des ministères est générique, donc stable, pour éviter la multiplicité des libellés qui peuvent varier selon les années de référence. Y compris budgets annexes.

Enseignants: Y compris élèves enseignants; hors chercheurs, directeurs d’établissement, inspecteurs, personnels d’orientation et de surveillance.

a Allocataires de recherche.

Tableau 3: Les femmes dans les emplois de direction de services administratifs, d’inspection générale et de juridictions de l’État (en 2002, 2003 et 2004)

Emplois de direction et d’inspection générale

Effectif au 31 décembre 2002

Effectif au 31 décembre 2003

Effectif au 31 décembre 2004

Femmes

Total

Femmes (%)

Femmes

Total

Femmes (%)

Femmes

Total

Femmes (%)

Emplois laissés à la décision du Gouvernement

Directeurs d’administration centrale et assimilés

35

188

19

26

185

14

24

208

12

Chefs titulaires de mission ayant rang d’ambassadeur

17

174

10

21

179

12

19

180

11

Préfets

6

118

6

6

119

6

7

128

5

Recteurs

8

31

26

7

31

23

7

31

23

Sous ‑total

66

511

13

60

504

12

57

547

10

Autres emplois des administrations

Chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs

179

785

23

192

795

24

206

792

26

Chefs de services d’inspection générale

2

20

10

2

21

10

4

23

17

Trésoriers payeurs généraux

7

107

7

9

109

8

10

110

9

Chefs de services déconcentrés

181

1953

9

231

2 062

11

9 255

2 101

12

Sous ‑total

369

2 865

13

434

2 987

15

475

3 026

16

61.S’agissant des fonctionnaires des greffes des services judiciaires, le taux de féminisation dans les greffes des services judiciaires est de 84 % des effectifs; il est de 73 % dans les emplois comportant l’exercice de responsabilités particulières tels que les greffiers en chef, chefs de greffe et coordonnateurs de services administratifs régionaux.

62.S’agissant des magistrats, le taux de féminisation est d’environ 54 % des effectifs; il est de 17 % dans les emplois les plus élevés de la hiérarchie judiciaire tels que premier président et président, procureur général et procureur.

Tableau 4: Répartition hommes ‑femmes au sein de la hiérarchie judiciaire

Femme

Homme

Total

Nombre

Proportion (%)

Nombre

Proportion (%)

Siège

Premier Président

Hors hiérarchie

4

11,43

31

88,57

35

Président

Hors hiérarchie

8

16,00

42

84,00

50

Président

1 er grade

38

28,36

96

71,64

134

Président

2 e grade

0

0,00

2

100,00

2

Parquet

Procureur général

Hors hiérarchie

3

8,57

32

91,43

35

Procureur

Hors hiérarchie

1

2,17

45

97,83

46

Procureur

1 er grade

20

15,15

112

84,85

132

Procureur

2 e grade

0

0,00

1

100,00

1

Total

74

17,01

361

82,99

435

Pour rappel: Total des magistrats de l’ordre judiciaire

4 346

53,91

3 715

46,09

8 061

Emplois de direction et d’inspection générale

Effectif au 31 décembre 2002

Effectif au 31 décembre 2003

Effectif au 31 décembre 2004

Femmes

Total

Femmes (%)

Femmes

Total

Femmes (%)

Femmes

Total

Femmes (%)

Autres emplois de direction de juridictions

Dirigeants des juridictions nationales

3

33

9

3

34

9

4

32

13

Dirigeants des juridictions judiciaires territoriales

64

420

15

60

427

14

62

431

14

Présidents de TA et CAA

2

39

5

5

39

13

6

40

15

Présidents de chambres régionales des comptes

3

26

12

3

27

11

3

27

11

Sous ‑total

72

518

14

71

527

13

75

530

14

Total des emplois centraux

219

1 026

21

223

1 035

21

238

1 055

23

Total des emplois déconcentrés

288

2 868

10

342

2 993

11

369

3 048

12

Total

507

3 894

13

565

4 028

14

607

4 103

15

DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.

Source: Enquêtes auprès des directions de personnel. Tableau in «Rapport annuel fonction publique − Faits et chiffres 2005-2006» publié à la Documentation française − juillet 2006.

Tableau 5: Les femmes dans les emplois de direction des trois fonctions publiques à la fin 2004

Emplois de direction

Femmes

Total

Proportion de femmes (%)

Emplois à la décision du Gouvernement

Directeurs d’administration centrale et assimilés

24

208

12

Chefs titulaires de mission ayant rang d’ambassadeur

19

180

11

Préfets

7

128

5

Recteurs

7

31

23

Sous-total

57

547

10

Emplois de direction de l’enseignement supérieur et de la recherche

Directeurs d’établissement d’enseignement supérieur sous tutelle de l’Éducation

9

71

13

Présidents d’université (élus par les universitaires)

12

94

13

Directeurs d’établissement d’enseignement supérieur sous tutelle des autres ministères

7

118

6

Directeurs des établissements publics de recherche

3

21

14

Sous-total

19

210

9

Emplois de direction de la fonction publique territoriale a

DGS et DGA des conseils régionaux et généraux

63

471

13

DGS, DGA, DGST des villes de plus de 40 000 habitants

65

408

16

DGS, DGA, DGST des structures intercommunales

62

401

15

DGS, DGA, DGST des établissements publics nationaux

29

123

24

Sous-total

219

1 403

16

Emplois de direction de la fonction publique hospitalière b

Emplois fonctionnels

17

189

9

Chefs d’établissement hors classe

83

471

18

Chefs d’établissement de classe normale

45

158

28

Sous-total

145

818

18

L’ensemble des fonctions publiques − Total

1 006

8 027

13

DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.

Source: Enquête auprès des directions de personnel. Tableau in «Rapport annuel fonction publique − Faits et chiffres 2005-2006» publié à la Documentation française − juillet 2006.

a Chiffres au 31 décembre 2003.

b Chiffres au 31 décembre 2005.

2.  Le constat

63.La place des femmes s’est améliorée dans la fonction publique, mais des efforts restent à accomplir au niveau de la haute fonction publique. À la fin de l’année 2003, les femmes représentaient 58 % des emplois des trois fonctions publiques (de l’État, territoriale et hospitalière), mais seulement 12 % des 7 757 emplois supérieurs. Dans tous les secteurs, la proportion de femmes, importante parmi les agents, est plus faible dans les emplois dirigeants.

64.La fonction publique civile de l’État comprend 56 % de femmes, 57 % en catégorie A. Celles-ci représentent 14 % des emplois dirigeants fin 2003. Les 504 emplois à la décision du Gouvernement comprennent 12 % de femmes, les 2 800 autres emplois supérieurs 15 %, les directions de juridictions 13 %.

65.La présence des femmes aux emplois supérieurs de la fonction publique de l’État progresse lentement: 13 % en 2002, 14 % en 2003, 15 % en 2004. Cette progression est le résultat de deux mouvements inverses: elles sont moins nombreuses dans les emplois à la décision du Gouvernement, 10 % en 2004, 12 % en 2003, mais plus présentes dans les autres emplois supérieurs des administrations, 16 % en 2004, 15 % en 2003, comme aux postes de directions des juridictions (14 % contre 13 %).

66.Dans les emplois à la décision du Gouvernement, on compte moins de directrices d’administration centrale en 2004 (24) qu’en 2003 (26), alors que le nombre de directeurs a augmenté (208 contre 185).

3.  Les mesures prises

67.Les mesures mises en place dans la fonction publique en vue de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes visent à poursuivre les actions engagées depuis 2002 et à accentuer l’effort pour renforcer la place des femmes dans l’encadrement supérieur.

68.L’effort de promotion des femmes au sein des jurys, comités de sélection et instances consultatives est poursuivi. Dans ces différentes instances, l’objectif consiste à ramener la proportion de femmes à un tiers de l’ensemble. D’une manière générale, les premiers résultats disponibles montrent que cette proportion est respectée par les ministères. Ainsi la proportion de femmes désignées par l’administration en vue de siéger au sein des commissions administratives paritaires (CAP) s’élève à 38,4 % en 2002. Pour les comités techniques paritaires (CTP), ce chiffre est de 30 % et il est de 38 % dans les jurys.

69.Le renouvellement des plans pluriannuels d’amélioration de l’accès des femmes aux emplois et postes de l’encadrement supérieur à la fonction publique de l’État est engagé. Le 29 mars 2004, le ministre chargé de la fonction publique a donné des instructions destinées à donner un nouvel élan aux plans pluriannuels, en prévoyant de faire un bilan des plans ministériels arrivés à terme et un bilan d’étape dans les ministères où les plans étaient en cours de réalisation.

70.La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) poursuit l’animation du réseau des «coordonnateurs égalité hommes‑femmes» désignés dans les ministères. Ce réseau favorise les échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les administrations et encourage le travail en commun. Depuis 2002, il se réunit à une fréquence de deux fois par an.

71.Un groupe de travail, institué en 2004 conjointement par la ministre chargée de la parité et le ministre en charge de la fonction publique, a fait des propositions articulées autour des quatre axes suivants: améliorer la connaissance des inégalités, réorganiser le temps de travail, agir sur les voies d’accès et les conditions de recrutement, intervenir sur les déroulements de carrière. Parmi ses propositions figurent, l’assouplissement et l’accompagnement de la mobilité géographique, l’adoption de chartes de gestion du temps et la féminisation des viviers de promotion.

72.Ces axes ont ouvert des perspectives en vue d’améliorer les dispositifs déjà à l’œuvre.

B. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

1. La suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

73.La loi sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes a été adoptée le 23 mars 2006. Élaborée à la demande du Président de la République, elle vise à consolider, au sein de l’Europe, le modèle social français, fondé sur un fort taux d’emploi des femmes et un taux élevé de natalité. Elle concilie l’objectif de croissance et d’emploi et l’impératif de justice et de cohésion sociale contribuant ainsi à la modernisation de notre société.

74.Avec cette loi, le Gouvernement a choisi de privilégier le dialogue social tout en s’inscrivant dans une logique de résultat. Ce texte complète l’Accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle signé par les partenaires sociaux et inscrit le thème de l’égalité au cœur de la négociation collective dans les branches et dans les entreprises. Il prévoit a) l’obligation de négocier des mesures de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans un délai de cinq ans, et b) la neutralisation des effets du congé de maternité sur la rémunération.

a) L’obligation de négociation des mesures de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

75.Au sein des branches, un objectif de suppression des écarts d’ici à 2010 devra être fixé lors des négociations obligatoires. Pour cela, un diagnostic des écarts éventuels de rémunération est établi sur la base du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes pour chaque secteur d’activité. Dans le cas où aucune négociation n’a démarré dans le délai d’un an suivant la publication de la loi, une organisation syndicale représentative pourra demander son ouverture immédiate. À défaut d’accord ou en cas de désaccord, la commission mixte paritaire sera réunie à l’initiative du ministre chargé du travail. En outre, la convention collective de branche, qui ne comportera pas de disposition relative à la suppression de ces écarts, ne pourra être étendue.

76.Dans les entreprises, les négociations devront être également engagées sur la base d’un diagnostic, établi à partir du rapport annuel de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes. Les accords sur les salaires effectifs ne pourront être déposés auprès des services du travail compétents que s’ils sont accompagnés d’un procès‑verbal d’engagement des négociations sur l’égalité salariale.

377.Un rapport d’évaluation de l’application de la loi, prévu à la fin 2008 par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) sera remis au Parlement. Le Gouvernement présentera alors, le cas échéant, un projet de loi instituant une contribution financière, assise sur la masse salariale, à la charge des entreprises n’ayant pas ouvert de négociations en la matière.

b) La neutralisation des effets du congé maternité sur la rémunération perçue

78.La loi du 23 mars 2006 prévoit un mécanisme de compensation de l’effet de la maternité sur les rémunérations: la salariée en congé de maternité ou le salarié en congé d’adoption bénéficie en sus des augmentations générales, de la moyenne des augmentations individuelles perçues, pendant sa période d’absence, par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles de salaire dans l’entreprise.

79.En outre, la période d’absence du salarié pour congé de maternité, d’adoption, de présence parentale ou de congé parental d’éducation, est prise en compte pour le calcul des droits à la formation.

2. La question du temps partiel

80.Avec un taux de 17 % de salariés à temps partiel en 2003, la France se rapproche de la moyenne européenne qui est de 18 %. La part des femmes y est prépondérante avec un taux de 82 %. Le secteur tertiaire est celui qui a le plus recours au temps partiel, notamment les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’action sociale, les services aux particuliers, l’hôtellerie et la restauration.

81.Dans la pratique, on constate que plus de 30 % des salariés à temps partiel subissent cette situation et souhaiteraient augmenter leur temps d’activité.

82.En novembre 2004, le rapport d’activité de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes auprès de l’Assemblée nationale, a souligné un certain nombre de difficultés afférentes au temps partiel (nombre d’heures de travail trop faible, droits à la retraite insuffisants, horaires de travail trop espacés et instables) et préconisé une série de mesures tendant à améliorer la condition du salarié à temps partiel qui concerne une femme dans quatre cas sur cinq.

83.C’est dans ce contexte que le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes et la ministre chargée de la parité, ont décidé d’engager un dialogue avec les représentants des principaux secteurs concernés, dans lesquels le taux de temps partiel non choisi apparaît important. Ainsi, dès le mois de juin 2005, des réunions bilatérales ont été organisées avec les fédérations professionnelles et les représentants des salariés des principales branches ayant recours au travail à temps partiel (commerces; entreprises de propreté; réseaux de transports publics urbains de voyageurs; hôtels, cafés, restaurants; entreprises de prévention et de sécurité notamment).

84.Les premières conclusions des travaux ont mis l’accent sur la possibilité d’améliorer la qualité du travail à temps partiel et de faire reculer celui qui est subi à travers la négociation ou la mise en place de chartes ou guides «de bonnes pratiques».

85.Il a été entendu, en s’attachant plus particulièrement à certains secteurs spécifiques qui utilisent fortement le temps partiel, de continuer à recenser les «bonnes pratiques» en vue de leur généralisation, de répertorier les accords collectifs de branche ou d’entreprise qui traitent de ces questions afin de promouvoir ces thèmes de négociation, de s’attacher à encadrer et à organiser le partage du travail. Les travaux initiés par les ministres se poursuivent en ce sens.

3. L’accompagnement des entreprises dans leur conduite du changement

a) Le développement du label «égalité»

86.Le dossier du candidat au label est instruit par un organisme de certification, selon un cahier des charges qui permet aux entreprises de présenter leurs actions autour de trois champs:

Les actions menées dans l’entreprise en faveur de l’égalité professionnelle;

La gestion des ressources humaines et le management;

La prise en compte de la parentalité dans le cadre professionnel.

87.La décision d’attribution du label «égalité» appartient à la commission de labellisation, composée des partenaires sociaux et des représentants de l’État.

88.Délivré pour une durée de trois ans, le label fait l’objet d’un contrôle intermédiaire à l’issue d’une période de dix-huit mois; l’objectif étant de vérifier que son détenteur continue de satisfaire aux critères de labellisation.

89.À l’initiative de la ministre en charge de la parité, en concertation avec les partenaires sociaux, le cahier des charges a été adapté et simplifié pour les entreprises de moins de 50 salariés.

90.Le label a, jusqu’à présent, été décerné à 19 entreprises, couvrant ainsi plus de 150 000 salariés.

91.L’aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC): la loi du 23 mars 2006, relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, élargit le bénéfice des aides au conseil pour la GPEC aux entreprises et aux branches s’engageant dans une démarche de progrès en matière d’égalité professionnelle et d’articulation entre la vie familiale et l’activité professionnelle.

4. Le développement de partenariats institutionnels

92.Des partenariats de différentes natures se sont développés.

93.En février 2004, le ministère chargé de la parité a signé des accords de partenariat avec les entreprises de travail intérimaire ADIA et ADECCO. Ces accords visent trois grands objectifs: promouvoir la diversification des choix professionnels des femmes et assurer leur accès direct à l’emploi marchand, favoriser l’égalité professionnelle au sein des entreprises de travail intérimaire et promouvoir la mixité et l’égalité professionnelle auprès des entreprises clientes. Ces accords se poursuivent jusqu’en 2007.

94.Un protocole d’accord, ayant pour objet l’accès des femmes aux métiers du bâtiment, a été signé le 6 juin 2002 entre la Fédération française du bâtiment (FFB) et différents ministères (équipement; éducation nationale; emploi et solidarité/enseignement professionnel/droits des femmes et formation professionnelle). Cet accord a donné lieu à une enquête sur l’image et les représentations sociales du secteur du bâtiment, en vue d’examiner les perspectives d’évolution. Le rapport, remis fin juin 2004, comporte des propositions d’axes de communication et d’arguments à développer en direction des différents publics ciblés; divers documents de communication furent réalisés, en 2004 et début 2005, par la FFB, en partenariat, soit avec l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), soit avec l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et diffusés en direction des collégiennes et lycéennes, des femmes demandeuses d’emploi, et des chefs d’entreprise.

95.En outre, un bilan des démarches d’insertion des femmes, initié à titre expérimental depuis deux ans au niveau local par les différents réseaux (FFB, service public de l’emploi, réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité) a servi de base à l’élaboration d’un guide méthodologique à l’usage des réseaux professionnels, visant à faciliter le montage d’opérations d’insertion durable de femmes dans les entreprises du bâtiment. La diffusion de ce guide a été réalisée au cours du deuxième semestre 2005.

5. L’articulation des temps de vie

96.Aujourd’hui, 81 % des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent, mais elles sont confrontées à des difficultés quotidiennes pour concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. La participation accrue des femmes aux activités civiques et sociales et à la prise de décisions est directement liée à l’allégement des contraintes qui pèsent sur elles.

97.Le Gouvernement a pris des mesures en faveur du développement des services à la personne tout en réduisant leur coût au profit des ménages et des entreprises. Il a également pris des mesures visant à impliquer davantage l’entreprise dans la problématique de l’articulation des temps de vie.

C. Une plus grande implication des entreprises

98.Trois mesures œuvrent en ce sens:

a)L’obligation, inscrite dans la loi du 23 mars 2006 précitée, de dresser le bilan annuel de la situation de l’entreprise au regard de l’articulation des temps de vie professionnelle et familiale;

b)Les réductions et exonérations de charges sociales ou fiscales qui bénéficient aux entreprises pour leurs dépenses liées à l’exercice des responsabilités familiales, notamment le nouveau chèque emploi service universel (CESU) créé par la loi de juillet 2005 relative au développement des services à la personne. Les entreprises et comités d’entreprise peuvent préfinancer un ensemble de services en direction de leurs salariés comme élément de politique sociale, notamment en matière de garde d’enfant. Le CESU, qui fusionne les fonctionnalités du chèque emploi service et du titre emploi service dans une logique d’action plus «universelle» est pour le salarié (à l’instar du ticket restaurant), un moyen de paiement qui sert désormais à rémunérer aussi bien les organismes agréés (crèche, société de propreté…) qu’une personne employée dans le cadre d’un emploi direct. Les entreprises sont incitées à développer ces aides à travers le «crédit d’impôt famille» dont l’assiette comprend notamment les dépenses engagées au profit du financement direct ou indirect du soutien à la garde d’enfant. Le «crédit d’impôt famille» permet aux entreprises de déduire 25 % des dépenses engagées en faveur de mesures liées à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. En outre, les sommes consacrées au CESU sont exonérées de cotisations sociales dans la limite d’un plafond annuel de 1 830 euros par salarié;

c)L’élargissement, du champ des aides au conseil pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) (voir supra).

D. La politique familiale

99.Le modèle familial français repose sur le libre choix des familles, qui se traduit pour chacun des deux parents par la possibilité de continuer à travailler s’il le souhaite et par l’adoption d’un mode de garde adapté à leur activité.

100.La France allie à la fois un taux d’activité des femmes très élevé (81 % pour les 25‑49 ans) et un taux de fécondité important, de 2 (S ource: INSEE, 2006), soit le premier d’Europe.

101.Dans cette optique, le Gouvernement a, depuis 2002, mis en place de nombreuses actions visant à faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la parentalité.

102.La période 2005‑2006 a vu les avancées suivantes.

103.La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), créée par la loi de financement de la sécurité sociale du 18 décembre 2003, dans un objectif de simplification des prestations d’accueil de l’enfant, a poursuivi sa montée en charge. Celle-ci s’applique dès le premier enfant et remplace les prestations liées à la naissance et à l’adoption ainsi que les différentes aides à la garde des jeunes enfants.

104.Dans le cadre de l’évaluation de cette réforme, une enquête de satisfaction a été réalisée en 2005 auprès de 3 000 bénéficiaires de la PAJE. Une très grande majorité des allocataires est satisfaite du montant de la PAJE. Si le complément de libre choix d’activité (CLCA), versé aux parents réduisant ou cessant leur activité professionnelle est jugé parfois insuffisant, les compléments de mode de garde (CMG), perçus en cas de recours à une assistante maternelle agréée ou à une garde à domicile recueillent une appréciation nettement plus positive. Les CMG permettent d’aider les familles dans leur effort de garde et cette aide peut représenter une part importante des dépenses engagées, d’autant plus que la PAJE a nettement augmenté le montant des aides pour les employeurs d’assistantes maternelles.

105.Le Gouvernement a lancé des «plans crèches ambitieux» afin d’augmenter le nombre de places: depuis 2002, 26 000 places de crèches ont été créées; 15 000 places supplémentaires ont été annoncées par le Premier Ministre lors de son discours de politique générale de juin 2005; 31 000 places sont prévues entre 2005 et 2008. Au total, 72 000 places auront ainsi été créées entre 2002 et 2008, ce qui représente une augmentation de près d’un tiers.

106.L’État et la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ont signé en juillet 2005 une convention d’objectifs et de gestion, qui prévoit l’augmentation du fonds d’action sociale de la CNAF de plus de 30 % sur la période 2005-2008. L’État a ainsi débloqué plus de 2,4 milliards supplémentaires.

107.Le Gouvernement a revalorisé le statut des assistant(e)s maternel(le)s par la loi du 16 juin 2005 dans l’objectif de faciliter l’exercice de ce métier, d’apporter une sécurité aux parents et d’en accroître le nombre. Ceux qui exercent ce métier disposent désormais d’une convention nationale collective de travail applicable depuis le 1er janvier 2005. Cette convention traduit des avancées en matière de congés, de durée du travail et de rémunération, et crée un droit à la formation professionnelle continue (financée en totalité par l’employeur, par le biais d’une taxe de 0,15 % de la masse salariale), ainsi qu’un régime obligatoire de prévoyance pour l’incapacité et l’invalidité. Le nombre d’assistants maternels agréés est évalué à 352 000 pour une capacité d’accueil théorique de l’ordre de 920 000 places. En raison d’une meilleure prise en charge des coûts par la PAJE-CMG (complément de mode de garde) comparativement à l’ancienne Aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA), le taux de recours à un(e) assistant(e) maternel(le) s’est accru de 10 %. Au second trimestre 2005, 32 % des familles ayant eu une première naissance au premier trimestre 2004 percevaient la PAJE-CMG pour l’emploi d’un(e) assistant(e) maternel(le) et 1,5 % pour l’emploi d’un(e) garde à domicile.

108.Une réforme du congé parental d’éducation a été mise en œuvre, avec la possibilité d’un congé d’un an mieux rémunéré à partir du troisième enfant. Ce congé, qui constitue une option supplémentaire, est entré en vigueur le 1er juillet 2006. Il est praticable à temps total ou partiel. Sa rémunération s’élève à 50 % de plus que l’ancienne APE.

109.La loi du 11 février 2005 permet désormais aux mères d’enfants prématurés de bénéficier d’un congé de maternité rémunéré prolongé destiné à tenir compte de leur situation particulière.

VII. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 15 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

110.À titre liminaire, le Gouvernement souhaite apporter au Comité des précisions sur l’outil statistique applicable à cette matière. Cette information vient, notamment, en réponse à une recommandation que la CNCDH a formulée lors de l’examen préalable du projet du présent rapport.

111.S’agissant du traitement judiciaire des violences commises par une personne dépositaire de l’autorité publique, le dispositif statistique du Ministère de la justice  permet, en l’état actuel, de rendre compte uniquement des condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels. La diversité des applications informatiques actuelles, au nombre de trois, ne permet de décrire ni les orientations données par les parquets, ni le type d’enquête menée dans de telles affaires, ni les mesures ordonnées par les tribunaux. En revanche, la généralisation de l’application informatique «Cassiopée», prévue pour le premier semestre 2009 permettra de fournir des statistiques consolidées et plus précises sur le traitement de contentieux spécifiques. En effet, cette application équipera 175 tribunaux de grande instance et sera dotée d’un infocentre statistique. Pour les sept autres tribunaux franciliens, il devrait être possible d’extraire les mêmes données.

112.Un comptage régulier des plaintes déposées contre des policiers et des gendarmes suppose en l’état actuel du dispositif statistique du Ministère de la justice la mise en place d’un dispositif de statistiques manuelles permanent à la charge des parquets des tribunaux de grande instance. Or un tel dispositif comporte des aléas importants (absences de réponse de certains parquets, données fournies difficilement vérifiables, temps induit dans les parquets). Néanmoins, une étude plus approfondie des plaintes déposées en la matière pourra être menée dès la mise en place du logiciel «Cassiopée» précité.

113.Dans l’attente de la mise en place de ce dispositif, qui permettra de mieux rendre compte des suites données aux plaintes déposées contre les agents de la force publique, le Gouvernement présente au Comité la procédure actuelle de suivi de ces plaintes. Bien que présentant certaines insuffisances, cette dernière présente néanmoins des garanties au regard des exigences du Pacte.

114.En application de l’article 12 du Code de procédure pénale, les enquêtes judiciaires diligentées à la suite de violences commises par des représentants des forces de l’ordre sont, comme toutes les procédures, menées sous la direction du Procureur de la République, lequel en contrôle la régularité et vérifie que toutes les investigations nécessaires sont effectuées afin de parvenir à la manifestation de la vérité.

115.En outre, lorsque des agissements de policiers ou de gendarmes sont constitutifs d’infractions pénales ou de manquements déontologiques, les services d’inspection de la police et de la gendarmerie nationales peuvent être saisis par l’autorité judiciaire ou administrative aux fins de diligenter des enquêtes.

116.En vertu de l’article 15-2 du Code de procédure pénale, les services de l’Inspection générale des services judiciaires peuvent de plus être associés aux enquêtes précitées lorsque le comportement d’un officier ou d’un agent de police judiciaire est mis en cause dans l’exercice d’une mission de police judiciaire.

117.Enfin, toutes les affaires dans lesquelles des policiers ou des gendarmes sont mis en cause pour des faits de violences revêtent un caractère «signalé» et, à ce titre, font l’objet, par les parquets, de rapports au Garde des sceaux, Ministre de la justice, dont les services assurent un suivi administratif strict de ces dossiers.

118.En sus de ce suivi administratif et en application de l’article 30 du Code de procédure pénale, le Ministre de la justice peut être conduit, le cas échéant, à donner des instructions écrites dans le cadre d’un dossier individuel, afin, par exemple, que telle ou telle mesure d’investigation soit diligentée ou que tel ou tel individu fasse l’objet de poursuites. Il y a lieu de préciser que le Ministre de la justice ne peut en aucun cas donner des instructions aux fins d’abandon ou de non‑déclenchement des poursuites.

A. Les poursuites pénales exercées contre des agents de la force publique

119.Au niveau du déclenchement des poursuites, le Code de procédure pénale ne prévoit pas de règles particulières pour les faits commis par des agents de la force publique. Conformément aux dispositions de l’article 40, premier alinéa, du Code de procédure pénale, «le Procureur reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner». Il peut donc décider, soit d’engager les poursuites, soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure (art. 40‑1 du Code de procédure pénale). Pour ce faire, selon l’article 41 du Code de procédure pénale, il «procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale». En tout état de cause, la victime a toujours la possibilité de mettre en mouvement l’action publique en portant plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction compétent (art. 85 du Code de procédure pénale).

120.En revanche, au niveau de la répression, les infractions commises par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions font l’objet d’un traitement particulier, puisqu’elles correspondent, en droit pénal français, à une circonstance aggravante.

121.Il importe toutefois de préciser que cette circonstance aggravante a une portée générale, puisqu’elle vise les «personnes dépositaires de l’autorité publique», soit l’ensemble des personnes investies de pouvoirs de puissance publique, et non pas uniquement les représentants des forces de l’ordre. À titre d’exemples, sont aussi considérées comme des personnes dépositaires de l’autorité publique, notamment, les maires, les préfets et les surveillants pénitentiaires dans l’exercice de leurs fonctions. Dès lors, les statistiques collectées, dont une synthèse figure infra (par. 122 à 125), doivent être analysées avec prudence, dans la mesure où sont incluses dans les données répertoriées, des procédures judiciaires dans lesquelles sont mises en causes des personnes dépositaires de l’autorité publique autres que les policiers ou les gendarmes.

122.Le nombre de condamnations prononcées à l’encontre de l’ensemble des personnes dépositaires de l’autorité publique est relativement faible (172 condamnations en 2005 contre 190 en 2004). Ces condamnations sont principalement prononcées en matière délictuelle.

123.En 2005, 99 condamnations concernaient des faits de violences volontaires (contre 78 en 2000, 91 en 2001, 88 en 2002, 101 en 2003, 115 en 2004) dont 91 pour des faits de violences n’ayant entraîné aucune incapacité ou une incapacité de travail n’excédant pas huit jours. Les peines le plus souvent prononcées par les tribunaux correctionnels sont, selon la gravité des faits, l’emprisonnement, avec ou sans sursis, et l’amende.

124.Quant aux condamnations pour atteintes à la liberté individuelle et au secret de la correspondance, elles sont peu nombreuses: 12 sont intervenues en 2001, 4 en 2002, 8 en 2003, 7 en 2004, et 5 en 2005.

125.Concernant plus précisément les agents de la force publique relevant de la Direction générale de la gendarmerie nationale, cinq procédures ont été intentées pour le motif de violation des droits de l’homme en 2005. Deux sont toujours en cours d’investigation, une a abouti à la condamnation de deux militaires à des peines d’emprisonnement avec sursis (15 et 8 jours), une autre s’est clôturée par un rappel à la loi, et la dernière par un classement sans suite. Pour le premier semestre 2006, une affaire s’est soldée par une condamnation à une peine d’amende, une autre a été classée sans suite. La dernière est en cours d’instruction.

B. Les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des agents de la force publique

1. La police nationale

126.Lorsque des plaintes mettent en cause des agents de la force publique, le procureur peut demander aux services d’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de mener une enquête. De telles enquêtes donnent lieu à toutes les vérifications utiles, auditions, recueil de témoignages, constatations sur place.

127.Dès lors que les faits allégués apparaissent avérés lors des investigations, menées par l’IGPN/IGS, ou directement engagées par la hiérarchie locale, des sanctions disciplinaires, réparties en quatre groupes de sévérité croissante (de l’avertissement à la révocation) peuvent être prononcées, selon les dispositions de l’article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Ces sanctions peuvent être prononcées rapidement, avant même que l’autorité judiciaire ait statué, et ce, sans préjudice des sanctions judiciaires qui pourraient ultérieurement être prononcées.

128.Ainsi en 2005, parmi les 2 936 sanctions disciplinaires prononcées à l’égard de policiers, 96 se rapportaient à des violences avérées, dont 16 ont conduit à la radiation des agents concernés.

129.En outre, il convient de préciser qu’une mesure conservatoire de suspension des fonctionnaires en cause est en pratique souvent prise par le Directeur général de la police nationale, dès les premières investigations, lorsque ces dernières tendent à démontrer que les accusations s’avèrent fondées, et ce, dans l’attente de sanctions disciplinaires et, s’il y a lieu, de sanctions pénales ultérieures.

130.Par ailleurs, en dehors des enquêtes effectuées à la demande de l’autorité judiciaire, les services de l’IGPN ont la possibilité d’ouvrir ou de faire ouvrir une enquête en cas d’allégations de violence. Si celles-ci sont avérées, les services de l’IGPN dénoncent les faits à l’autorité judiciaire.

131.On rappellera que, pour 2005, l’IGPN/IGS a été saisie de 1 535 dossiers, dont 663 allégations de violences, parmi lesquels 565 concernaient des violences légères. Ces 663 allégations sont à mettre en relation avec le nombre de personnes mises en cause, soit 750 473 (ratio de 0,088 %, contre 0,101 % en 2004, soit une baisse de plus d’un huitième) et de personnes placées en garde à vue, soit 404 085 (ratio de 0,164 %, contre 0,188 % en 2004, soit ici encore une baisse de plus d’un huitième) par la police nationale pendant cette même année 2005. Ces chiffres mettent en évidence une évolution favorable, puisqu’on constate une baisse sensible des violences alléguées, leur moins grande gravité (la proportion de violences légères augmente) et ce, alors même que les nombres de personnes mises en cause et de personnes gardées à vue ont sensiblement augmenté (+ 4,57 % et + 5,15 % respectivement).

132.Les mécanismes complémentaires de déclenchement d’enquête précités ont également pour objectif de permettre de sanctionner efficacement tout manquement aux obligations déontologiques, telles qu’elles résultent en particulier du Code de déontologie du 18 mars 1986. Ce code constitue en effet un instrument juridique pouvant, en cas de violation de ses dispositions, servir de fondement à une action administrative, même en l’absence de caractérisation d’une infraction pénale.

133.Les articles 7, 9 et 10 du Code de déontologie rappellent, en outre, le devoir de respect absolu des personnes quelles qu’elles soient, l’obligation d’un usage strictement nécessaire et proportionné de la force, ainsi que la prohibition de toute violence illégitime et de tout traitement inhumain ou dégradant. S’agissant de la protection de la personne appréhendée, il est rappelé qu’un respect absolu des personnes interdit à l’agent de police de se livrer à toute violence et à tout traitement inhumain ou dégradant sur les personnes détenues et prescrit de veiller à ce que les conditions de détention restent compatibles avec la dignité de l’être humain.

134.À ce titre, les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont prises en compte dans l’enseignement des règles déontologiques, en particulier le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, institué par la résolution 34/169 de l’Assemblée générale des Nations Unies, comme les principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, adoptés par le Huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane du 27 août au 7 septembre 1990. Ces actions de formation intègrent également systématiquement une présentation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

2. La gendarmerie nationale

135.L’instruction no 10668 DEF/CAB du 1er août 2002 relative aux attributions de l’inspection de la gendarmerie nationale définit son organisation et ses domaines d’action. Elle est compétente pour effectuer des missions d’audit, d’étude, d’inspection et d’enquête sur l’ensemble des formations de la gendarmerie de métropole, des départements et territoires d’outre‑mer, ainsi que des personnels agissant en opérations extérieures.

136.Au sein de l’inspection de la gendarmerie, l’inspection technique est plus particulièrement chargée des enquêtes que l’autorité judiciaire lui confie. Les résultats de ces investigations sont connus, puisque les comptes rendus sont faits aux magistrats compétents. Des enquêtes administratives sont aussi diligentées, à la demande du commandement de la gendarmerie ou de certaines autorités administratives indépendantes (Commission nationale de déontologie de la sécurité). Pour l’année 2005, l’inspection technique a été saisie de 64 enquêtes judiciaires, et de 6 administratives, dont 2 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

3. Place du parquet dans le dispositif

137.Comme rappelé supra (par. 114), et en application de l’article 12 du Code de procédure pénale, les enquêtes judiciaires diligentées à la suite de violences commises par des représentants des forces de l’ordre sont, comme toutes les procédures, menées sous la direction du Procureur de la République, lequel en contrôle la régularité et vérifie que toutes les investigations nécessaires sont effectuées afin de parvenir à la manifestation de la vérité.

138.En matière de rébellion ou d’outrages, comme en tout autre domaine, le parquet s’attache à vérifier, dans le cadre du traitement en temps réel des procédures ou dans le cadre des procédures transmises par courrier, la réalité des faits comme leur imputabilité à la personne mise en cause. Il est également tenu compte du contexte dans lequel les faits sont survenus, et notamment du comportement adopté par les représentants des forces de l’ordre, pour adapter au mieux la réponse pénale aux faits de l’espèce. Le cas échéant, les magistrats du siège ultérieurement saisis peuvent ordonner un supplément d’information si certaines investigations s’avéreraient nécessaires.

139.Une fois l’enquête clôturée, il appartient au Procureur de la République d’apprécier l’opportunité des poursuites, conformément aux termes de l’article 40 du Code de procédure pénale. Le Gouvernement ne considère pas opportun de remettre en question ce principe général de la procédure pénale française qui présente les garanties nécessaires à une bonne justice.

140.En effet, il convient de rappeler que les procédures judiciaires qui ont été classées sans suite peuvent toujours faire ultérieurement l’objet d’une décision de poursuites, tant que le délai de prescription de l’action publique n’est pas atteint. En outre, les victimes peuvent déposer un recours contre les décisions de classement sans suite auprès du procureur général compétent, en application de l’article 40-3 du Code de procédure pénale. Elles peuvent également déclencher elles-mêmes les poursuites en citant directement la personne mise en cause devant la juridiction compétente ou en se constituant partie civile auprès du doyen des juges d’instruction.

141.Enfin, le statut des membres du ministère public, qui sont des magistrats et non pas des fonctionnaires, constitue une garantie d’objectivité dans la manière dont ils exercent leurs attributions.

4. Les autres mécanismes de garantie

a) La Commission nationale de déontologie de la sécurité

142.Enfin, l’activité de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), autorité administrative indépendante instituée par la loi du 6 juin 2000, s’inscrit dans ce contexte de renforcement des exigences déontologiques et de volonté de transparence de l’action, notamment de la police et de la gendarmerie. Cette instance peut être saisie, par l’intermédiaire d’un parlementaire, par «toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie». De plus, le Premier Ministre et les membres du Parlement, ainsi que le Défenseur des enfants, peuvent également, de leur propre chef, saisir la Commission pour les mêmes manquements aux règles déontologiques. La Commission est également compétente pour demander aux ministres de saisir les corps de contrôle, comme l’inspection générale de la police nationale, afin qu’ils réalisent des enquêtes destinées à l’éclairer.

143.À titre d’exemple, au cours de l’année 2004, la CNDS a été saisie de six recours pour des faits mettant en cause l’action de la gendarmerie. Elle s’est déclarée incompétente dans deux affaires et n’a constaté, dans trois autres, aucun manquement de la part des militaires de la gendarmerie. Seul un cas a retenu son attention. Il s’agissait d’une escorte d’une personne condamnée pour viols (commis sur une mineure de 15 ans) ayant demandé à assister aux obsèques de l’un de ses enfants. Le juge d’application des peines avait autorisé cette sortie à la seule condition que le détenu porte les menottes pendant toute la cérémonie. Dans ces circonstances, la CNDS a recommandé l’utilisation d’autres moyens tels que la pose d’un bracelet électronique. Le rapport annuel 2005 de la CNDS fait apparaître que sur les 69 saisines examinées par cette institution, une seule met en cause l’action de la gendarmerie. En l’espèce, un stagiaire s’était vu refuser l’accès au site d’une centrale nucléaire par les services de la préfecture locale informés du fait que l’intéressé figurait dans un fichier de la gendarmerie en raison de faits de violences commis deux ans plus tôt. La CNDS a estimé qu’il s’agissait d’un problème d’ordre administratif. Incompétente, elle a transmis l’information à la CNIL et au Ministère de la défense, lequel a rappelé en retour que la gendarmerie était réglementairement autorisée à constituer le fichier en cause.

b) La Commission de contrôle des zones d’attente

144.La loi du 26 novembre 2003 a institué une Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente, chargée de veiller au respect des droits des étrangers retenus ainsi qu’au respect des normes relatives à l’hygiène, à la salubrité, à l’aménagement et à l’équipement des lieux de rétention, dont les conditions d’exercice ont été précisées par décret no 2005-616 du 30 mai 2005.

145.Composée de neuf membres (deux représentants du parlement, un membre du Conseil d’État, un membre de la Cour de cassation, une personne qualifiée en matière pénitentiaire, deux représentants d’associations humanitaires et deux représentants des administrations concernées), cette commission effectue des visites sur place.

146.Elle peut faire des recommandations au Gouvernement sur l’amélioration des conditions matérielles et humaines de maintien en rétention ou en zone d’attente et peut être consultée par le ministre sur tout projet portant sur ces questions.

147.Elle peut entendre toute personne susceptible de lui apporter des informations et peut être saisie de tout manquement à la réglementation des centres et de toute atteinte aux droits des personnes qui y serait constatée. Elle saisit les autorités en cas de constatation d’une infraction pénale ou d’un manquement à la déontologie.

148.La Commission a été effectivement installée le 22 mars 2006 et a débuté ses visites en avril 2006. À ce jour, six centres de rétention administrative (Paris, Coquelles, Le Mesnil Amelot et Palaiseau, Plaisir et Lyon), un local de rétention administrative (Nanterre) et la zone d’attente de Roissy ont fait l’objet d’une visite de la Commission.

149.Conformément au décret précité, la Commission établira un rapport annuel, assorti le cas échéant de recommandations. Ce rapport sera joint au rapport public sur les orientations de la politique annuelle d’immigration que le Gouvernement dépose chaque année devant le Parlement.

150.Le Gouvernement entend prendre attentivement en compte les recommandations de la Commission. Il est envisagé que la Commission se réunisse en séance plénière une fois par trimestre.

c) Les mécanismes internationaux

i)Le Comité européen pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants

151.Depuis la présentation par la France de son dernier rapport périodique, le Comité européen pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué cinq visites en France. Le Gouvernement renvoie au site Internet du CPT où le lecteur peut consulter à la fois les rapports de visite et les réponses du Gouvernement (http://www.cpt.coe.int/fr/etats/fra.htm).

ii)Le mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

152.La France a signé, le 16 septembre 2005, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002. Elle s’est engagée dans le cadre de sa candidature au Conseil des droits de l’homme à ratifier le Protocole au cours de son mandat. Elle a engagé des consultations interministérielles à l’issue desquelles elle s’oriente vers la désignation du Médiateur de la République comme mécanisme national de visite des lieux de privation de liberté moyennant une réforme législative de son statut. En tout état de cause, le Gouvernement est résolu à ce que le nouveau mécanisme réponde aux exigences du Protocole facultatif.

VIII. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 16 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

A. Les garanties entourant la protection des individus

153.Les autorités françaises sont très attentives aux conditions dans lesquelles doivent être traitées les personnes lors de leur arrestation ou de leur garde à vue et vigilantes sur les conditions d’utilisation de la contrainte par les forces de l’ordre. Ces obligations s’imposent dans le respect du principe de non-discrimination et s’appliquent donc avec la même force quelle que soit l’origine de la personne.

154.Afin de garantir efficacement la protection des individus et d’éviter tout manquement aux obligations déontologiques, la formation des policiers s’est renouvelée (1), des instructions ministérielles ont été prises (2), le rôle de la CNDS en la matière est à souligner (3) et enfin des poursuites pénales sont exercées et des sanctions disciplinaires sont prononcées à l’égard des agents de la force publique (4).

1. Un renouvellement de la formation des policiers

155.Un effort particulièrement important est effectué depuis plusieurs années quant à la formation des policiers afin de sensibiliser l’ensemble des agents de la police nationale au strict respect de la déontologie qui leur incombe, y compris dans les situations difficiles auxquelles ils sont exposés.

156.La formation initiale comporte un volet sur la déontologie qui a été renforcé depuis 1999, rappelant aux policiers quelles sont leurs obligations en la matière. En particulier, la formation destinée aux élèves commissaires de police comprend notamment une intervention du Président de la CNDS, ainsi qu’un module intitulé «application des libertés publiques au domaine de la police». Ce module met en avant les risques d’atteinte au droit, aux libertés et à la déontologie. Il aborde les thèmes «respect de la liberté individuelle et droit d’arrestation» et «respect de l’intégrité corporelle et usage de la violence».

157.Par ailleurs, tout au long de la carrière des policiers, de fréquentes formations sont dispensées, notamment lors d’un changement de grade, ou encore lors de l’obtention de la qualité d’officier de police judiciaire. Au cours de ces formations, de nouveaux rappels au respect de la déontologie sont dispensés, lesquels insistent plus particulièrement sur le rôle de la hiérarchie comme vecteur de transmission des valeurs de l’institution et garant du respect de ces règles. À titre d’exemple, la formation des gardiens de la paix à l’acquisition des compétences relatives à l’exercice des missions d’officier de police judiciaire est structurée autour de situations professionnelles concrètes, afin de parvenir à une plus grande professionnalisation des agents, dans le respect des obligations déontologiques et du respect des personnes.

2. Les instructions visant à renforcer le respect de la dignité des personnes

158.La circulaire du 11 mars 2003 relative à la garantie de la dignité des personnes gardées à vue a été prise à la suite d’un travail pluridisciplinaire et interservices entrepris à la demande du Ministre de l’intérieur, qui a regroupé les directions actives de la police, de la gendarmerie nationale, du Ministère de la justice, de l’ordre des avocats et des médecins. Les instructions du Ministre de l’intérieur contenues dans la circulaire du 11 mars 2003 visent à la mise en œuvre d’«une politique de modernisation des pratiques professionnelles et des moyens consacrés à la garde à vue […] afin de garantir la dignité de la personne».

159.À cet effet, elles imposent de traiter les personnes gardées à vue avec dignité et de respecter les principes de nécessité et de proportionnalité de la mesure de placement en garde à vue et des mesures de sécurité avec la gravité de l’infraction. En outre, elles prescrivent une amélioration des conditions matérielles afin de respecter les normes retenues, notamment par le CPT.

160.La circulaire du 11 mars 2003 enjoint également à chaque chef de service de désigner un officier de la garde à vue. Ce fonctionnaire doit contrôler au quotidien les conditions de déroulement des gardes à vue tant au regard de la sécurité que de la dignité des personnes. La mission de ces agents, définie localement par écrit, concerne tous les aspects de la garde à vue (sécurité, surveillance, conditions d’hébergement, d’alimentation et d’hygiène, soins médicaux, incidents…). Cette mesure est en cours de généralisation à l’ensemble des services.

161.Cette circulaire précise également les exigences déontologiques auxquelles le policier est tenu de se conformer.

162.À l’égard des mineurs, c’est la circulaire du 22 février 2006, complétant la circulaire du 11 mars 2003 précitée, qui détaille l’ensemble des attitudes et précautions à observer lors des interventions de police concernant des mineurs et lorsque ceux-ci sont placés sous la responsabilité de la police ou de la gendarmerie nationales, y compris lors d’une garde à vue; elle rappelle que dans ces circonstances, «l’action des policiers et des gendarmes doit continuer à s’inscrire dans le respect absolu de la dignité des personnes».

163.Enfin, la circulaire du 17 juin 2003, relative à l’usage de la contrainte proportionnée lors de l’exécution des mesures d’éloignement applicables aux étrangers, prescrit un recrutement et une formation adaptée. En outre, elle précise les gestes techniques professionnels autorisés en intervention, conformément aux exigences médicales. L’ensemble de ces gestes prend en compte le nécessaire respect de la déontologie, et préconise les attitudes à adopter afin de garantir le respect de la dignité des personnes faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.

3. Le rôle de la Commission nationale déontologique de sécurité

164.La CNDS, instituée par la loi du 6 juin 2000, est chargée du contrôle du respect de la déontologie par tous les services et autorités qui assurent des missions de sécurité ou de protection. Elle participe activement, par ses rapports annuels, à sensibiliser encore davantage les services de police au respect de la déontologie (voir à cet égard les paragraphes 110 à 152 ci‑dessus).

4. Les poursuites pénales et les sanctions disciplinaires relatives aux agents de la force publique

165.Concernant la préoccupation du Comité relative aux enquêtes diligentées à la suite des plaintes déposées pour mauvais traitements, on renverra à la réponse formulée à la recommandation figurant au paragraphe 15 des observations finales du Comité(supra par. 119 à 141).

166.S’agissant plus particulièrement de la préoccupation du Comité quant au nombre et à la gravité des allégations de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique, il sera rappelé que des sanctions sont prononcées. Il peut s’agir de sanctions pénales lorsque les faits sont sous le coup de la loi pénale, et/ou de sanctions disciplinaires prises après enquêtes des corps de l’Inspection générale de la police nationale (voir supra par. 119 à 141).

5. L’encadrement de l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre

167.L’usage des armes, par les militaires de la gendarmerie, trouve son fondement dans l’accomplissement d’un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires (art. 122‑4 du Code pénal) ou dans la légitime défense (art. 122‑5 du même Code).

168.Les cas d’usage des armes sont énumérés aux articles L.2338‑3 du Code de la défense du 20 décembre 2004 et 174 du décret du 20 mai 1903.

169.Les officiers, gradés et gendarmes ne peuvent, en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants:

a)Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés;

b)Lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes;

c)Lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de «Halte gendarmerie» faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes;

d)Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.

170.La possibilité reconnue aux militaires de la gendarmerie de faire usage de leurs armes autrement qu’en situation de légitime défense impose, en raison de la gravité des conséquences susceptibles d’en découler, d’encadrer de façon particulièrement stricte l’exercice de ce droit.

171.C’est ainsi que l’usage d’une arme ne peut se concevoir (cumulativement):

a)Qu’à défaut de tout autre moyen permettant d’arrêter la personne en fuite ou d’immobiliser le véhicule;

b)Qu’à l’encontre de personnes dont la fuite caractérisée est précédée ou accompagnée d’éléments généraux ou particuliers qui établissent ou font présumer leur participation à un crime ou délit grave (circulaire no 5003/GEND/T du 5 février 1945).

172.Les cas d’usage des armes en gendarmerie ne sont pas très nombreux au regard du nombre de services effectués, avec moins de 150 cas par an depuis 1998.

173.Ainsi, 147 usages ont été recensés en 2005, dont 9 en outre‑mer. Ceci concerne essentiellement les unités territoriales chargées de la surveillance générale, à savoir les brigades territoriales (BT) et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG). Ce chiffre doit être mis en perspective avec les effectifs de la gendarmerie départementale qui comptent 66 537 militaires.

174.Dans 55 % des cas, l’ouverture du feu entre dans le cadre juridique de la légitime défense. Pour les autres cas, ils sont fondés sur l’article L.2338‑3 du Code de la défense et s’élèvent au nombre de 62. Sur ces 62 cas, 41 sont consécutifs à l’utilisation par les délinquants de leurs véhicules comme arme par destination contre les forces de l’ordre. Aucun gendarme n’a fait l’objet de condamnation, chacun de ces cas d’ouverture du feu étant légalement justifié.

B. Les mesures adoptées pour réduire la fréquence du recours à l’isolement cellulaire

175.Dans un arrêt REMLI adopté le 31 juillet 2003, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence, considérant dorénavant que l’isolement était une mesure faisant grief, dans la mesure où il aggrave les conditions de détention, et que cette mesure devait être susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

176.À compter de cette date, les détenus isolés ont la possibilité de demander en urgence la suspension des mesures d’isolement par la voie du référé suspension, dès lors qu’ils justifient de l’urgence et qu’il existe un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la décision.

177.À la suite de cet arrêt, l’administration pénitentiaire a décidé d’entamer une réforme d’ampleur de l’isolement administratif, notamment en clarifiant par décret les règles de compétence et de calcul de la durée d’isolement.

178.La procédure de placement à l’isolement a été modifiée par deux décrets du 21 mars 2006, lesquels sont entrés en vigueur le 1er juin 2006. Cette réforme d’ampleur remédie aux insuffisances de l’ancienne procédure, qui était peu détaillée par les dispositions alors en vigueur, ce qui avait pour effet d’induire certaines disparités dans les pratiques locales. Elle permet d’assurer une meilleure garantie des droits et une plus grande sécurité juridique pour les détenus.

179.Tout d’abord, la personne détenue peut désormais se faire assister ou représenter par un avocat ou un mandataire agréé et prendre connaissance de son dossier, préalablement à toute décision de placement ou de prolongation à l’isolement décidée par l’administration pénitentiaire.

180.Ensuite, le rôle des magistrats dans le suivi des procédures de placement à l’isolement a été renforcé. Ainsi, toute décision de placement doit immédiatement être communiquée au juge de l’application des peines, s’il s’agit d’un condamné, ou au magistrat saisi du dossier de l’information, s’il s’agit d’un prévenu. De plus, préalablement à la prolongation de la mesure au‑delà d’un an, leur avis doit être sollicité.

181.Quant à la durée maximale de l’isolement administratif, elle n’a pas été strictement limitée, compte tenu du profil particulier de certains détenus qu’il est parfois difficile, voire impossible, de maintenir en détention ordinaire.

182.Les détenus particulièrement violents sont parfois placés à l’isolement pour une longue période compte tenu de leur profil.

183.Ayant été amenée à statuer sur la question, la Cour européenne des droits de l’homme, prenant en considération les conditions et le régime de l’isolement dans les prisons françaises, et au cas par cas, a jugé que le maintien d’un détenu à l’isolement pendant huit ans n’était pas constitutif d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, compte tenu de la personnalité particulière et de la dangerosité [de la personne concernée], (arrêt Ramirez-Sanchez c. France, du 4 juillet 2006).

184.En revanche, la circulaire relative au placement à l’isolement en date du 9 mai 2006 prévoit que la prolongation de l’isolement au‑delà d’un an ne peut être envisagée que si aucune autre solution n’a été trouvée pour permettre au détenu concerné de bénéficier d’un régime de détention ordinaire. En outre, l’article D. 283‑1 du Code de procédure pénale interdit la prolongation de la mesure au‑delà de deux ans, sauf si l’isolement constitue l’unique moyen d’assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement. Pour déterminer la durée maximale de l’isolement, les périodes antérieures passées à l’isolement sont désormais prises en compte.

185.À l’occasion de la réforme de l’isolement, des actions de formation destinées aux directeurs régionaux et aux chefs d’établissement, autorités compétentes pour décider de l’isolement d’un détenu avec le Ministre de la justice, ont été mises en place. Ceux‑ci ont notamment été sensibilisés au fait que, compte tenu de l’aggravation des conditions de détention qu’implique une mesure d’isolement, tout doit être mis en œuvre pour trouver des solutions alternatives permettant d’assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement. Par ailleurs, il leur a été demandé d’être particulièrement vigilants et attentifs aux éventuelles conséquences physiques et psychiques qu’un isolement prolongé pourrait entraîner sur les détenus qui en font l’objet.

186.De plus, un effort de systématisation des propositions de transfert des détenus condamnés et isolés à leur demande a été réalisé afin de permettre à ces derniers d’être placés en détention ordinaire au sein d’un autre établissement.

187.La sensibilisation de l’ensemble des autorités compétentes pour décider d’un placement à l’isolement et l’encadrement plus strict de la procédure ont fortement fait baisser le nombre de mesures d’isolement et notamment celles de longue durée. Ainsi au 1er janvier 2007, sur 58 402 personnes détenues, 377 étaient placées à l’isolement (soit 0,6 %) dont 129 à leur demande. Parmi ce nombre, 96 étaient placées à l’isolement depuis plus d’un an dont 62 sur l’initiative de l’administration (soit 0,1 % de la population carcérale), alors qu’au 1er janvier 2006, sur 58 344 personnes détenues, 517 étaient placées à l’isolement (soit 0,9 %) dont 134 depuis plus d’un an. Sur ce nombre, 88 détenus étaient placés à l’isolement sur l’initiative de l’administration.

1. Le traitement des plaintes et requêtes individuelles des détenus

188.Il existe de nombreuses dispositions permettant aux détenus de présenter des plaintes ou des requêtes auprès d’organes internes a), mais aussi extérieurs à l’administration pénitentiaire b).

a) Le traitement au sein de l’administration pénitentiaire

189.Les détenus ont la possibilité de présenter à tout moment des requêtes, des plaintes ou des suggestions au chef de l’établissement.

190.Ils peuvent en outre exercer un recours gracieux, devant le directeur régional, s’ils entendent contester une décision relevant de la compétence du chef d’établissement, ou devant le Ministre de la justice, si la décision émane du directeur régional.

191.Par ailleurs, toutes les décisions administratives faisant grief, telles que décisions d’isolement, sanctions disciplinaires, retenue de correspondances, peuvent faire l’objet d’un recours contentieux devant les juridictions administratives.

b) Le traitement en dehors de l’administration pénitentiaire

i)La commission de surveillance

192.Une commission de surveillance présidée par le préfet de département et composée de plusieurs autorités administratives et judiciaires est instituée auprès de chaque établissement pénitentiaire.

193.Le Président de cette commission reçoit les plaintes des détenus relatives à la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire et l’organisation des soins, le travail, la discipline et l’observation des règlements, ainsi que l’enseignement et la réinsertion sociale des détenus.

ii)Les autorités judiciaires

194.Les détenus peuvent aussi adresser leurs demandes ou réclamations aux autorités judiciaires lors des différentes visites obligatoires effectuées dans les établissements pénitentiaires.

195.Par ailleurs, les détenus peuvent correspondre sous pli fermé avec de nombreuses autorités judiciaires auxquelles ils peuvent adresser des plaintes, sans contrôle de l’administration.

iii)Les parlementaires

196.Depuis la loi du 15 juin 2000, l’article 719 du Code de procédure pénale prévoit que les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. La loi ne leur confère toutefois qu’un droit de visite des locaux dans le cadre de leur mission générale de contrôle des établissements pénitentiaires, même si, à l’occasion de leurs déplacements, ils peuvent s’entretenir en particulier avec une personne détenue sous réserve d’avoir obtenu au préalable un permis de visite les y autorisant.

197.En outre, les députés et les sénateurs font partie des autorités avec lesquelles toute personne détenue peut correspondre sous pli fermé.

iv)Les autorités administratives

198.Les établissements pénitentiaires sont soumis au contrôle général de l’inspection des services pénitentiaires, des magistrats, des fonctionnaires de la direction de l’administration pénitentiaire et des préfets, ainsi que, dans leur domaine de compétence, toutes autres autorités administratives investies d’un pouvoir de contrôle à l’égard de services de l’administration pénitentiaire (inspection du travail…).

199.Dans ce cadre, les détenus peuvent demander à être entendus par les magistrats et fonctionnaires chargés de l’inspection ou de la visite de l’établissement pénitentiaire hors de la présence de tout membre du personnel de l’établissement pénitentiaire.

200.En outre, les détenus ont l’autorisation d’adresser des plaintes, sans contrôle de l’administration, sous pli fermé, à des autorités administratives (voir infra).

v)La Commission nationale de déontologie de la sécurité

201.La CNDS (voir supra par. 142, 143 et 164) est dotée de larges pouvoirs d’investigations: les autorités concernées doivent communiquer à la CNDS toutes informations et pièces utiles; elle peut entendre toute personne, y compris les détenus, qu’ils soient condamnés ou prévenus (depuis 2005, les détenus ont la possibilité de correspondre sous pli fermé avec son président), et elle peut charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à des vérifications sur place, notamment au sein des établissements pénitentiaires.

202.La CNDS émet des avis, formule des recommandations, et enfin, peut proposer des modifications de textes. Ces avis et recommandations visent à remédier aux manquements constatés et à en prévenir le renouvellement. Les autorités publiques concernées sont tenues, dans un délai fixé par la Commission, de rendre compte à celle‑ci de la suite donnée à ces avis.

203.La CNDS est saisie chaque année d’une quinzaine de plaintes concernant l’administration pénitentiaire. Les avis et recommandations de la CNDS sont publics (voir site www.cnds.fr). Un rapport annuel est remis au Président de la République.

vi)Les délégués du Médiateur de la République

204.Depuis fin 2005, l’intervention de délégués du Médiateur de la République, dans 10 établissements pénitentiaires, a été organisée à titre expérimental en vue de faciliter l’accès des détenus aux services du Médiateur, dont la mission est de faciliter le règlement amiable des différends entre un administré et une administration.

205.Dans ce cadre, les détenus ont la possibilité de contester des pratiques internes aux établissements pénitentiaires, lesquelles pourraient être modifiées par l’instauration d’un dialogue avec les services.

206.Les délégués du Médiateur ont déjà été saisis d’environ 700 saisines annuelles dans les 10 établissements concernés.

207.La généralisation du dispositif est prévue sur deux ans, dès 2007; les délégués du Médiateur devraient ainsi intervenir dans 25 nouveaux établissements.

vii)Sur l’instauration d’un mécanisme de contrôle indépendant

208.Le caractère insuffisamment opérationnel de ces mécanismes de contrôle, tant internes qu’externes à l’administration pénitentiaire, a été souligné en mars 2000 par le rapport sur «l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires» établi par la Commission présidée par le premier Président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet. Ce rapport, tout comme les rapports déposés par les deux commissions d’enquête parlementaire du Sénat et de l’Assemblée nationale, avaient conclu à la nécessité d’instaurer un contrôle extérieur des établissements pénitentiaires confié à une autorité indépendante.

209.La création de la CNDS a contribué en partie à l’amélioration des dispositifs de contrôle existants (voir supra par. 201 à 205).

210.Le projet visant à établir un contrôle extérieur indépendant des établissements pénitentiaires s’inscrit désormais dans le cadre du dispositif de ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adopté le 18 décembre 2002 et signé par la France le 16 septembre 2005. Ce protocole impose en effet aux États signataires de disposer de mécanismes nationaux de prévention indépendants, dotés de ressources propres et investis de pouvoirs, notamment de visite des lieux privatifs de liberté, tels que définis dans le Protocole (voir infra).

2. Les suicides en prison

a) Données statistiques

Tableau 6: Nombre de suicides en prison (1980 ‑2005)

Population moyenne

Nombre de suicides

Taux de suicide pour 100 détenus

1980

39 562

39

0,099

1981

37 509

42

0,112

1982

34 129

55

0,161

1983

38 787

57

0,147

1984

42 621

59

0,138

1985

43 816

64

0,146

1986

47 529

64

0,135

1987

51 537

60

0,116

1988

50 407

77

0,153

1989

47 232

62

0,131

1990

47 978

59

0,123

1991

50 783

67

0,132

1992

51 828

95

0,183

1993

52 288

101

0,193

1994

55 418

101

0,182

1995

55 988

107

0,191

1996

56 522

138

0,244

1997

56 008

125

0,223

1998

55 366

118

0,213

1999

55 247

125

0,226

2000

50 626

120

0,237

2001

48 318

104

0,215

2002

53 503

122

0,228

2003

58 574

120

0,205

2004

60 901

115

0,189

2005

59 791

122

0,204

Tableau 7: État des suicides en prison (2003 ‑2005)

2003

2004

2005

condamnés

prévenus

total

condamnés

prévenus

total

condamnés

prévenus

total

Tranches d’âge

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

16/20 ans

5

1

6

3

4

7

3

3

21/25 ans

11

1

13

25

8

7

15

11

8

19

26/30 ans

9

1

6

1

17

11

5

16

9

7

16

31/35 ans

13

1

6

20

9

8

1

18

11

3

14

36/40 ans

5

1

5

11

5

6

11

12

5

2

19

41/45 ans

8

10

1

19

6

8

1

15

5

1

15

1

22

46/50 ans

5

3

8

16

4

7

11

4

5

9

51/55 ans

2

2

5

8

13

3

8

11

56/60 ans

1

1

2

2

2

4

1

4

5

61/65 ans

0

1

1

1

1

2

+66 ans

1

1

2

1

3

4

2

2

Total

120

115

122

b) Les mesures de lutte contre le suicide en prison: suites données au rapport de mission du professeur Jean-Louis Terra pour la prévention du suicide des personnes détenues

211.Le 23 janvier 2003, le Garde des Sceaux et le Ministre de la santé ont conjointement missionné le professeur Terra (médecin psychiatre) afin de conduire une évaluation des actions mises en œuvre, tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant.

212.À la suite des conclusions de ce rapport, remises le 12 décembre 2003, deux grands axes de travail ont été identifiés: i) un plan national de formation à l’intervention de crise; et ii) l’amélioration des dispositifs existants.

i)Un plan national de formation à l’intervention de crise

213.L’objectif de ce plan est de permettre à chaque personne détenue d’être en contact avec une personne formée à la détection de la crise suicidaire, de jour comme de nuit, en cas de nécessité. Pour ce faire, un objectif ambitieux a été fixé à l’administration pénitentiaire: former 2 200 agents avant fin 2005. Sa réalisation a nécessité une coordination étroite entre la Direction de l’administration pénitentiaire, la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) et l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Les formations initiales ont été rénovées et renforcées. L’École nationale d’administration pénitentiaire a procédé, avec l’appui technique du professeur Terra, à la réactualisation des contenus des formations initiales de l’ensemble des personnels à la prévention de la crise suicidaire. Cette rénovation des enseignements a eu pour effet de doubler le nombre d’heures consacrées à ce sujet.

214.Une formation de formateurs relais pour développer les formations continues a été mise en place. Des formations à l’intervention de crise ont été conçues et pilotées par la DGS depuis 2001, dans le cadre notamment de la «Stratégie nationale d’action face au suicide pour 2000‑2005» que mène le Ministère de la santé.

215.De 2004 à 2006, près de 5 000 agents auront bénéficié de ces nouveaux apports en formation initiale (2 450 agents en 2004 et 1 080 pour 2005).

ii)Amélioration des dispositifs existants

216.L’amélioration des dispositifs existants s’effectue par:

a)La suppression des éléments favorisant le suicide: des études sont actuellement réalisées afin d’inclure les préconisations du professeur Terra dans le cahier des charges des futurs établissements, ainsi que dans l’aménagement des constructions en cours;

b)Le renforcement de la pluridisciplinarité: chaque établissement doit inscrire la thématique de la prévention du suicide dans le cadre préexistant des commissions pluridisciplinaires (commission locale d’insertion, commission de classement au travail, commission d’indigence,…) ou par le biais d’une commission spécifique de prévention du suicide.

217.La prévention du suicide est clairement inscrite dans le nouveau guide méthodologique santé/justice relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, qui a été diffusé par circulaire conjointe DHOS/DGS/DSS/DGAS/DAP du 10 janvier 2005.

218.En juillet 2005, une note aux directeurs régionaux des services pénitentiaires (DRSP) a rappelé les axes de travail définis à la suite des conclusions du rapport rendu par le professeur Terra, pour atteindre l’objectif de réduction du nombre de suicides en 2009. Il était demandé aux DRSP d’être particulièrement attentifs à l’évaluation du potentiel suicidaire et à la vérification de sa réalisation, qui doivent être systématiques dans le cadre de l’accueil des arrivants. Il était également demandé aux DRSP de préciser les modalités de mise en place, au sein des établissements de leur ressort, de commissions spécifiques de prévention du suicide ou de la commission support retenue pour aborder ce thème.

219.L’administration pénitentiaire considère que la prévention des suicides est l’une de ses priorités d’action. Le dispositif actuel fait l’objet d’une évaluation pilotée notamment par le professeur Terra.

IX. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 17 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

A. Rappel des principes de l’ordonnance du 2 février 1945 applicable aux mineurs

220.L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, texte fondateur dans le domaine de l’enfance délinquante, pose le principe de la priorité à l’action éducative. La répression n’intervient que lorsque les mesures éducatives ne sont pas adaptées à la personnalité du mineur. Ce postulat s’appuie sur l’idée fondamentale que l’enfant est un individu en formation et que la priorité n’est pas de le sanctionner mais de le rééduquer. Ce principe entraîne plusieurs conséquences: des juges et des services éducatifs spécialisés, une procédure aménagée pour permettre l’étude de la personnalité du mineur, tenir compte de son évolution et des dispositions plus protectrices que pour les majeurs. En l’état de la législation, la procédure applicable aux mineurs déroge, en partie, aux principes généraux du droit notamment en ce sens que le même magistrat pourra être compétent pour instruire l’affaire, pour juger le mineur ensuite et pour assurer le suivi de la mesure éducative ou de la peine prononcée. Ce cumul des fonctions est justifié par l’importance fondamentale que revêt la connaissance de la personne du mineur.

221.Dès lors que la priorité est donnée au volet éducatif, il convient de se donner les moyens de prendre les mesures les plus appropriées au mineur avant de le juger. Les juges des enfants ou le juge d’instruction ont l’obligation d’ordonner une enquête sociale ou de personnalité avant le passage du jeune en audience de jugement. La procédure de comparution immédiate n’existe donc pas pour les mineurs. Pour un mineur récidiviste, la loi du 9 septembre 2002 prévoit toutefois que le Procureur de la République peut saisir directement le tribunal pour enfants: le jeune sera alors jugé dans un délai compris entre dix jours et un mois.

222.Lors du jugement il doit être fait application par le tribunal pour enfants de l’excuse atténuante de minorité qui signifie que le mineur de moins de 16 ans n’encourt que la moitié de la peine prévue au Code pénal. Entre 16 et 18 ans cette excuse est une option qui peut être écartée par décision motivée du tribunal pour enfants ou de la cour d’assises des mineurs (qui juge des crimes commis par les mineurs entre 16 et 18 ans).

223.Si le mineur ne relève pas des juridictions ordinaires en matière pénale (sauf à l’égard du tribunal de police), il peut être poursuivi, à l’instar des majeurs, pour des infractions réparties, en droit français, en trois catégories: les contraventions (amende maximum de 1 500 euros, doublée en cas de récidive), les délits (jusqu’à dix ans d’emprisonnement) et les crimes (la peine maximum est l’emprisonnement à vie).

1. Le Procureur de la République, les poursuites et les alternatives

224.Quand une infraction est portée à la connaissance du Procureur de la République, il peut décider d’engager des poursuites pénales sur le fondement des éléments communiqués. Il peut aussi, le cas échéant, demander des investigations supplémentaires aux policiers ou gendarmes. Si cela se justifie, il a également la possibilité de classer sans suite la procédure.

225.À partir des années 80, la justice française a pris en compte de façon plus concrète la réponse apportée aux victimes d’infractions. Dès 1992, deux actions ont été conduites en direction des victimes avec le classement de la procédure sous condition et la médiation pénale. Dans ce dernier cas, il s’agit de suggérer une rencontre entre le délinquant et la victime, en présence d’une tierce personne, afin de dégager un règlement du litige en dehors du tribunal.

226.Progressivement, les Procureurs de la République, sous l’impulsion des modifications de la loi, ont développé les mesures alternatives aux poursuites particulièrement adaptées à l’égard d’un primo délinquant ayant commis une infraction aux conséquences limitées tant à l’égard de la victime que de la société.

227.Ces mesures alternatives proposent un large éventail, aussi bien pour les adultes que pour les mineurs, qui va du simple rappel à la loi à la mesure de réparation (réflexion autour de l’acte délinquant) au classement sous condition de réparation à l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ou encore à l’injonction thérapeutique (le procureur propose une obligation de soins) ou au stage de citoyenneté.

228.Lorsque les alternatives, décidées par le Procureur de la République, avec l’accord de l’auteur et de la victime, ne fonctionnent pas en raison d’une défaillance du délinquant, les poursuites sont réactivées et le mineur renvoyé, après mise en examen, devant une juridiction aux fins de jugement.

229.Pour l’année 2004, 168 809 affaires ont été traitées par les parquets français et:

−21 507 ont été classées sans suite;

−4 476 affaires dans lesquelles les mineurs ont été mis hors de cause;

−59 113 mesures alternatives aux poursuites ont été prononcées.

230.Pour l’année 2005:

−20 705 affaires ont été classées sans suite;

−63 408 mesures alternatives aux poursuites ont été prononcées.

231.Les lois du 9 septembre 2002 (loi d’orientation et de programmation de la justice − LOPJ) et du 9 mars 2004 (loi d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité), en introduisant de nouvelles dispositions au cœur de l’ordonnance du 2 février 1945, ont permis d’améliorer les réponses pénales à l’égard des mineurs délinquants en affinant les réponses judiciaires apportées et en diversifiant les prises en charge.

2. Un affinement des réponses judiciaires résultant des lois du 9 septembre 2002 et du 9 mars 2004

232.Le développement de réponses judiciaires diversifiées est le principal objectif de la loi d’orientation et de programmation de la justice dont le but est d’améliorer ces réponses et de les adapter à la problématique du mineur. Le législateur a voulu affirmer que la contrainte et le volet éducatif constituent deux aspects indissociables de l’action destinée au mineur.

233.Le stage de formation civique avait d’ores et déjà été institué par la loi du 9 septembre 2002 comme troisième réponse pénale pouvant être prononcée par le tribunal pour enfants et la cour d’assises. Outre les mesures éducatives (remise à parents, réparation, liberté surveillée, placement) et les peines, le tribunal pour enfants et la cour d’assises peuvent désormais prononcer des sanctions éducatives à l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans (mesure de réparation ou obligation de suivre un stage de formation civique). Le non‑respect d’une sanction éducative peut entraîner une mesure de placement, mesure éducative, ce qui est de nature à rendre la sanction plus efficace.

3. Une diversification des prises en charge

234.La LOPJ crée également les centres éducatifs fermés (CEF) au sein desquels les mineurs ne peuvent être placés que dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement de peine.

235.Éléments complémentaires du dispositif de placement des mineurs délinquants à côté des foyers d’action éducative (FAE), des centres de placement immédiat (CPI) et des centres éducatifs renforcés (CER), ces centres se caractérisent par la contrainte juridique encadrant la mesure de placement et par la nature de leur projet pédagogique. L’action éducative spécifique qui y est déployée est en effet primordiale au regard de l’objectif qui leur est assigné par la loi. Le placement implique un accompagnement constant du mineur à l’intérieur et à l’extérieur du centre.

236.Les CEF complètent le dispositif de placement de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et du secteur associatif habilité en accueillant des mineurs de 13 à 18 ans délinquants, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis d’épreuve ou d’une libération conditionnelle. Par le retrait du milieu social habituel des mineurs qu’ils induisent, ils sont une alternative à l’incarcération. Mais ils visent surtout à insérer les jeunes au moyen d’un projet éducatif construit, intensif et structuré.

237.Un encadrement strict des mineurs, un programme d’activités intensif et un fort engagement des équipes éducatives constituent autant de facteurs de succès dans la prise en charge de ces jeunes multirécidivistes.

238.La nature de la prise en charge, axée sur une présence contrainte du mineur et un accompagnement éducatif de tous les instants, a abouti à infléchir le nombre de mineurs incarcérés et à mieux prendre en charge leurs carences et difficultés multiples.

239.Il existe actuellement 18 CEF (environ 20 nouveaux CEF doivent ouvrir au cours de l’année 2007). Au 31 décembre 2005, 463 mineurs ont été accueillis depuis l’ouverture des CEF. Moins de 4 % des mineurs accueillis commettent des fugues et plus de 50 % ne récidivent pas à la sortie, ce qui constitue une réussite au regard du parcours antérieur des jeunes concernés.

4. La compétence générale du secteur public de la PJJ relative au suivi des mineurs incarcérés et des peines depuis le 1 er  janvier 2005

240.La modification de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante par la loi d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 avait deux objectifs principaux:

a)Renforcer la spécialisation des institutions intervenant auprès des mineurs délinquants, qu’il s’agisse des juridictions spécialisées pour mineurs ou du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse;

b)Offrir à la juridiction spécialisée pour mineurs une plus grande souplesse en lui donnant la possibilité de combiner une mesure éducative avec une peine ou avec l’aménagement de cette dernière.

241.Cette loi du 9 mars 2004 vient compléter un dispositif déjà enrichi par les apports de la loi du 9 septembre 2002 qui a instauré les sanctions éducatives, nouvelle catégorie de mesures, qui s’insèrent entre les mesures éducatives et les sanctions stricto sensu.

5. Un renforcement de la spécialisation des institutions intervenant auprès des mineurs délinquants

242.En matière d’application des peines, un principe général de compétence, depuis le 1er janvier 2005, est posé en faveur du juge des enfants, du tribunal pour enfants et de la chambre spéciale des mineurs aux lieux et place du juge de l’application des peines, du tribunal de l’application des peines et de la chambre de l’application des peines.

243.Ce principe de compétence comporte cependant un certain nombre de limites:

a)Lorsque les personnes condamnées atteignent l’âge de 21 ans;

b)Lorsque les personnes condamnées ont atteint l’âge de 18 ans au jour du jugement, sauf si la juridiction de jugement, spécialisée pour mineurs, décide de la compétence du juge des enfants par décision spéciale;

c)Lorsque le condamné a atteint l’âge de 18 ans et que le juge des enfants s’est dessaisi au profit du juge de l’application des peines.

244.Le juge des enfants est désormais investi d’une obligation de visiter les établissements pénitentiaires, en vertu de l’article 727 du Code de procédure pénale.

B. La spécialisation du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse

245.Le principe général de la compétence du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse en matière d’application des peines prononcées par les juridictions spécialisées pour mineurs est posé, qu’il s’agisse de la préparation de l’exécution, de la mise en œuvre ou du suivi des condamnations.

246.Cette compétence générale jusqu’aux 21 ans des condamnés englobe l’ensemble du champ de l’application des peines, qu’il s’agisse du milieu ouvert ou du milieu fermé, qu’il s’agisse de la préparation, de la mise en œuvre ou du suivi des alternatives à l’emprisonnement, des peines d’emprisonnement (individualisation de la peine) ou des aménagements de peine.

247.Certaines limites sont posées à ce principe général:

a)La compétence du secteur public de la PJJ est liée à celle du juge des enfants: lorsque ce dernier n’est pas compétent, le secteur public de la PJJ ne peut être désigné;

b)Lorsque le juge des enfants est compétent, il a la possibilité de saisir le SPIP lorsque le condamné a atteint l’âge de 18 ans.

1. Une souplesse accrue en faveur de la combinaison d’une mesure éducative avec une peine ou l’aménagement de celle ‑ci

248.Pour toute peine ou tout aménagement de peine dans le cadre duquel l’une des obligations prévues pour la mise à l’épreuve peut être prononcée, le juge des enfants agissant en tant que juge d’application des peines peut imposer au condamné de respecter l’une des mesures définies aux articles 16 et 19 de ladite ordonnance: mesure de remise à parent, de placement ou de liberté surveillée. Ces mesures peuvent être modifiées au cours de l’exécution de la peine.

249.Cette combinaison est donc possible avec les peines ou aménagements de peine suivants: peine d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, peine d’emprisonnement avec sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général (TIG, suivi sociojudiciaire, libération conditionnelle, placement sous surveillance électronique, semi‑liberté, placement extérieur, suspension et fractionnement de peine, permission de sortir.

2. Une nouvelle cohérence dans la définition des missions de la PJJ

250.Ces nouvelles missions conférées à la PJJ vont dans le sens de la réforme de la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice qui a œuvré pour que tous les mineurs en conflit avec la loi, y compris les plus difficiles, bénéficient d’une prise en charge éducative, par la création d’établissements pénitentiaires pour mineurs et l’intervention continue des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse au sein des quartiers mineurs.

251.La responsabilité de la préparation et du suivi des aménagements de peine donnée au service public de la PJJ achève cette évolution permettant au service spécialisé intervenant auprès du mineur détenu de préparer sa sortie et d’assurer l’individualisation de la peine ainsi qu’une progressivité dans le retour à la liberté.

252.Dans le cadre du décret d’application de la loi du 9 mars 2004, il est ainsi prévu de confier l’intégralité des attributions du SPIP à la PJJ, avec bien sûr le maintien de la spécificité de cette dernière dont l’action première est d’ordre éducatif.

253.Il s’agit de faire en sorte que le temps de la détention permette également une prise en charge éducative et autorise par exemple un travail sur les activités d’apprentissage ou les relations familiales. Il s’agit aussi de mieux préparer la sortie avec l’élaboration d’un projet et éventuellement le passage par un aménagement de peine.

254.L’intervention éducative en détention ainsi que la préparation et le suivi des aménagements de peine dans la cohérence de cette action éducative sont, à terme, de nature à faire diminuer à la fois le nombre et la durée des incarcérations prononcées à l’égard des mineurs, ainsi qu’à favoriser chez eux la prévention de la récidive.

255.Enfin, pour les perspectives sur l’année 2007, il convient d’évoquer les conditions rénovées de détention des mineurs.

3. L’amélioration des conditions de détention des mineurs

a) Le programme des établissements pour mineurs

256.En application de la loi no 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ), les directions de l’administration pénitentiaire (AP) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont été chargées de lancer un programme d’ouverture de sept établissements pénitentiaires spécialement habilités à l’accueil des mineurs (EPM).

257.À terme, chaque EPM sera en capacité d’accueillir jusqu’à 60 mineurs détenus. Le travail réalisé avec l’AP sur une carte pénitentiaire «mineurs» qui respecte au mieux l’intérêt des jeunes et des familles, en privilégiant la relation de proximité et donc le lien familial, y compris pendant le temps de l’incarcération, permet d’envisager le maintien de 34 des 58 quartiers des mineurs (QM) existants et au sein desquels interviennent depuis 2003 des équipes éducatives de la PJJ.

258.Outre les 77 agents de l’AP dont 70 personnels de surveillance, chaque EPM accueillera 43 professionnels de la PJJ regroupés dans un Service éducatif en établissement pénitentiaire pour mineurs (SEEPM).

b) Un nouveau régime de détention des mineurs

259.En lien avec la création des établissements pour mineurs, la direction de l’administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ont élaboré un nouveau régime de détention des mineurs. Deux décrets sont en cours de validation.

260.Ce nouveau régime est organisé sur le sens de l’intervention auprès des mineurs en détention (formation, maintien des liens avec la famille, place des titulaires de l’autorité parentale, santé).

261.Il réforme également le régime disciplinaire, et prévoit notamment le recours exceptionnel au placement en quartier disciplinaire.

262.Enfin, il supprime le recours à la mise à l’isolement pour les mineurs et crée en remplacement une mesure de protection plus adaptée.

c) Point sur le dispositif pertinent en matière d’assistance juridique des mineurs dans le cadre des procédures judiciaires

263.Le dispositif actuel de l’aide juridictionnelle découlant de la loi no 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique permet d’assurer la défense des mineurs dans le cadre d’une procédure judiciaire civile ou pénale.

264.L’article 5 de cette loi permet, en cas de conflit d’intérêts entre personnes vivant habituellement au même foyer, de faire une appréciation distincte de leurs ressources. Cette mesure concerne particulièrement les mineurs victimes d’infractions commises au sein de la cellule familiale. Dans cette hypothèse, le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) ne tiendra pas compte des ressources des parents qui excèderaient les plafonds retenus par la loi.

265.Récemment, l’ordonnance no 2005‑1526 du 8 décembre 2005 a modifié cet article 5 afin d’ajouter un autre cas d’appréciation distinct des ressources. Ainsi, lors de l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle concernant l’assistance d’un mineur délinquant, l’article 5 dispose qu’il ne doit pas être tenu compte des ressources des parents ou des personnes vivant au foyer du mineur si ces derniers manifestent un défaut d’intérêt à son égard.

266.Par ailleurs, la loi no 2002‑113 du 9 septembre 2002 est venue compléter la loi du 10 juillet 1991 par un article 9‑2 qui dispense les victimes de crimes d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne ainsi que leurs ayants droit de la condition de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. Cette disposition est applicable aux mineurs victimes de tels crimes dans le cadre des procédures d’instruction et de jugement.

267.En outre, les dispositions de l’article 388‑2 du Code civil permettent de désigner un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur victime qui pourra lui‑même désigner un avocat afin d’assurer la défense des intérêts de ce dernier ainsi que sa représentation en justice, notamment au cours d’une procédure correctionnelle.

268.En toute hypothèse, il convient de rappeler que les bureaux d’aide juridictionnelle peuvent toujours déroger à la condition de ressources lorsque, en application de l’article 6 de la loi du 10 juillet 1991, la situation d’une personne «apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès». Cette disposition peut s’appliquer aussi bien au mineur victime ou auteur d’une infraction. Il peut à ce titre être éligible à l’aide juridictionnelle en raison des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise.

269.L’ensemble de ce dispositif est largement utilisé par les bureaux d’aide juridictionnelle. En effet, les demandes d’aide juridictionnelle présentées pour un mineur sont très largement admises puisque le taux d’admission en 2005 est proche de 90 %.

270.Par ailleurs, dans le cadre des protocoles d’amélioration de la défense pénale souscrits par les barreaux avec les juridictions en application des articles 91 et 132‑6 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, une permanence de défense des mineurs délinquants, assurée par des avocats, permet de leur garantir une assistance au cours de la garde à vue, des procédures d’instruction pénale, devant les juridictions correctionnelles ou devant le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative.

271.Allant plus loin, la loi no 2002‑113 du 9 septembre 2002 et le décret no 2003‑300 du 2 avril 2003 ont étendu le champ des engagements souscrits par les barreaux avec les juridictions dans le cadre des protocoles d’amélioration de la défense pénale à l’assistance des mineurs victimes d’infraction, quelle que soit leur gravité, dans les procédures d’instruction pénale et devant les juridictions correctionnelles.

272.La circulaire du Ministère de la justice du 19 août 2003 a permis la mise en œuvre rapide de cette mesure. Ainsi, la création de permanences «victimes» et «mineurs», déjà organisées par les barreaux dans de nombreuses juridictions, a été accélérée dans le cadre de protocoles d’amélioration de la défense pénale.

273.Depuis l’entrée en vigueur du dispositif, le 3 avril 2003, 36 protocoles, sur les 38 en cours d’exécution, ont intégré ces permanences d’avocats commis qui comprennent, alors que le dispositif ne le prévoit pas, une consultation juridique gratuite précontentieuse et l’assistance des mineurs victimes dans le cadre des instructions pénales et des audiences correctionnelles.

274.Par ailleurs, là où les barreaux n’ont pas encore mis en place de dispositif spécifique, il est recommandé par le guide «des politiques pénales en matière de violence conjugale» que s’agissant des violences familiales, le président du tribunal s’assure systématiquement de la présence du mineur victime et préconise, dans la négative, le renvoi de l’affaire avec envoi d’un second avis au plaignant spécifiant que sa présence est indispensable et lui rappelant les soutiens dont il peut bénéficier.

275.Enfin, le dispositif actuel de l’aide juridictionnelle sera prochainement complété par un décret qui étendra le champ de l’aide juridictionnelle aux missions d’assistance des mineurs devant le tribunal de police ou le juge de proximité pour une contravention de police de la première à la quatrième classe. Cette réforme permettra ainsi d’assurer au mineur délinquant, au titre de l’aide juridictionnelle, l’assistance d’un avocat quelle que soit l’importance de l’infraction commise (contravention, délit ou crime).

C. Statistiques faisant apparaître l’évolution du nombre et de la durée des placements en détention provisoire au cours des dernières années, en particulier en ce qui concerne les mineurs

276.À titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 4‑1 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, «le mineur poursuivi doit être assisté d’un avocat. À défaut de choix d’un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le Procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction fait désigner par le bâtonnier un avocat commis d’office».

277.Par conséquent, le droit à un conseil juridique pour le mineur, dans le cadre d’une procédure judiciaire ne peut être méconnu.

1. Tendances générales

278.Depuis la loi du 15 juin 2000, la décision de placement en détention provisoire est prise non plus par le juge d’instruction mais par le juge des libertés et de la détention au terme d’un débat contradictoire. La personne mise en examen est assistée d’un avocat de son choix ou commis d’office.

279.Le nombre de personnes placées en détention provisoire au cours d’une instruction (majeurs et mineurs confondus) est passé de 19 534 en 2001 à 23 196 en 2005. Cette tendance à la hausse s’explique en partie par l’augmentation du nombre de personnes mises en examen au cours de cette même période (de 44 058 en 2001 à 53 833 en 2005).

280.Dès lors, la part de personnes mises en examen et placées en détention provisoire est globalement à la baisse sur ces dernières années (passant de 44,7 % en 2001 à 43,4 % en 2005) avec, toutefois, une augmentation en 2002 et 2003 (respectivement 48,6 % et 46,3 %).

Tableau 8: Taux de détention provisoire

2001

2002

2003

2004

2005

Nombre de personnes physiquesmises en examen

43 711

48 746

51 821

55 640

3 494

Nombre de personnes placées en détention provisoire

19 534

23 691

24 001

23 800

3 196

Taux de détention provisoire

44,7 %

48,6 %

46,3 %

42,8 %

43,4 %

Source: Cadres des parquets.

281.En outre, le nombre de personnes placées en détention provisoire dans le cadre d’une comparution immédiate est relativement stable depuis ces trois dernières années (19 989 en 2003 et 20 824 en 2005). Compte tenu des règles juridiques régissant le régime de la détention provisoire dans le cadre d’une comparution immédiate (présentation devant le tribunal dans les trois jours ouvrables suivant le placement), la durée du placement est relativement courte.

282.Dans le cadre d’une instruction, la durée moyenne de la détention provisoire tend à augmenter corrélativement à l’allongement de la durée moyenne de l’instruction lié en partie à la politique pénale menée par les parquets tendant à limiter les saisines du juge d’instruction aux affaires délictuelles les plus complexes. De 6,1 mois en 2001, la durée moyenne de la détention provisoire est de 8,7 mois en 2005. La durée moyenne varie selon la nature de l’infraction: 17 mois en matière criminelle (affaires pour lesquelles l’instruction est obligatoire); 7,1 mois en matière délictuelle (5,5 en 2002; 6,2 en 2003).

283.Le régime de la détention provisoire peut se poursuivre au‑delà de la clôture de l’instruction et du jugement de la personne jusqu’à ce que la décision du tribunal ou de la cour soit définitive (épuisement des voies de recours). De même, une personne ayant fait l’objet d’un mandat de dépôt à l’issue de l’audience de première instance et qui interjette appel du jugement portant condamnation est incarcérée sous le régime de la détention provisoire. Dès lors, la durée moyenne de la détention provisoire au cours de l’entière procédure est, en 2004, de 24,3 mois en matière criminelle (tout comme en 2001) et de 4,1 mois en matière délictuelle (pour toutes les procédures correctionnelles confondues y compris celles ayant fait l’objet d’une instruction). Cette durée moyenne est demeurée relativement stable au cours de ces dernières années passant de 3,7 mois en 2001 à 4,1 mois en 2004 en matière délictuelle.

Tableau 9: Durée de la détention provisoire effectuée lors de la condamnation définitive

2001

2002

2003

2004

Durée moyenne de la détention provisoire délictuelle (en mois)

3,7

3,4

3,8

4,1

Durée moyenne de la détention provisoire criminelle (en mois)

24,3

24,9

23,6

24,3

Source: Casier judiciaire.

2. La détention provisoire des mineurs

284.Les mineurs peuvent faire l’objet d’un placement en détention provisoire dans le cadre d’une instruction menée soit par un juge d’instruction soit par un juge des enfants.

285.Les données suivantes concernent des mesures de placement et non des mineurs placés en détention provisoire sachant qu’un mineur peut faire l’objet de plusieurs placements en détention provisoire au cours d’une instruction.

286.En 2005, les juges des enfants ont prononcé 1 111 placements en détention provisoire contre 938 en 2004.

287.Dans les affaires instruites par les juges d’instruction terminées en 2005, les juges des libertés et de la détention ont prononcé 1 110 placements en détention provisoire à l’encontre de mineurs dont 1 079 ont été suivis soit d’un renvoi devant le tribunal pour enfants ou le juge des enfants soit d’une mise en accusation devant la cour d’assises des mineurs.

288.Dans le cadre des instructions menées par les juges d’instruction, la durée moyenne de la détention provisoire est relativement stable en matière délictuelle (environ trois mois) et diminue sensiblement en matière criminelle (10,9 mois en 2001 contre 9,8 mois en 2004).

289.La durée moyenne de la détention provisoire effectuée au cours de la procédure par les mineurs condamnés en 2004 (données issues du casier judiciaire) s’élève à 14,1 mois en matière criminelle (266 mineurs condamnés pour crime) et à 2,5 mois en matière délictuelle (1 956 mineurs condamnés pour délit).

290.Afin de faciliter la réinsertion des mineurs, les juges des enfants privilégient les mesures présentencielles à caractère éducatif. En effet, les mesures de placement, de liberté surveillée et de réparation représentent en 2005 58,8 % des mesures présentencielles (52,6 % en 2001) et augmentent de manière continue (+15,2 % en 2002, +5,5 % en 2003, +12,2 % en 2004, +14,5 % en 2005).

Tableau 10: Mineurs délinquants − mesures présentencielles prononcées

1999

Évol .

2000

Évol . à champ constant

2001

Évol .

2002

Évol .

2003

Évol .

2004

Évol .

2005

Toutes mesures présentencielles

22 027

+2,8

22 637

-3,6

21 396

+16,0

24 812

-0,2

24 761

+9,6

27 139

+10,2

29 915

Enquête sociale, IOE, expertise

6 013

+5,5

6 342

-8,7

5 666

+11,9

6 340

+6,9

6 779

+12,4

7 618

+0.9

7 686

Placement, liberté surveillée, réparation

10 774

+5,9

11 406

+4,4

11 264

+15,2

12 975

+5,5

13 691

+12,2

15 358

+14,5

17 581

Contrôle judiciaire

3 274

-2,7

3 186

-6,1

3 289

+23,8

4 073

-19,3

3 285

-1,8

3 225

+9,7

3 537

Détention provisoire

1 966

-13,4

1 703

-34,0

1 177

+21,0

1 424

-29,4

1 006

-6,8

938

+18,4

1 111

Source: Tableaux de bord des juridictions de mineurs

291.En outre, le développement des centres éducatifs fermés institués par la loi du 9 septembre 2002 constitue l’une des priorités du Ministère de la justice (voir supra,par. 234 à 239).

X. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 18 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

292.À titre liminaire, il convient de rappeler que, même si la gendarmerie nationale est une institution militaire, son action, qu’il s’agisse de mission de sécurité publique ou de maintien de l’ordre, est menée selon les directives et sous le contrôle des autorités administrative et judiciaire, intervenant dans le champ des missions de police civile.

293.Les pouvoirs de la gendarmerie, conférés par les lois et règlements, peuvent trouver à s’appliquer tant dans les missions de maintien de l’ordre que dans les missions de sécurité publique.

294.La gendarmerie mobile est la composante spécialisée en maintien de l’ordre (MO) et en rétablissement de l’ordre (RO). L’engagement de la gendarmerie mobile obéit à des règles contraignantes. En effet, l’instruction interministérielle no 500 du 9 mai 1995 prescrit aux autorités civiles d’établir une réquisition écrite pour l’emploi de la gendarmerie. En outre, la présence permanente de l’autorité civile est exigée pendant les opérations de maintien de l’ordre. C’est cette dernière qui est la seule habilitée à fixer la mission, à décider de l’emploi de la force,à autoriser le recours à l’usage des armes (avec sommations, sauf exceptions prévues par l’article 431‑3 du Code pénal, applicable également aux forces de police nationale).

295.Dans les actions de maintien de l’ordre, et sauf cas particuliers prévus par l’article 431‑3 du Code pénal, l’emploi de la force ou l’usage des armes ne sont autorisés que par l’autorité civile, et selon un formalisme écrit précis, sous forme de réquisitions. La réquisition générale, cadre d’emploi, est établie par le préfet de zone de défense. La réquisition particulière, établie par l’autorité civile désignée par la précédente ou devant traiter une situation d’urgence, peut mentionner l’emploi de la force ou l’exclure. La réquisition complémentaire spéciale est la seule qui prévoit le recours possible à l’usage des armes, en fonction des circonstances de fait.

296.Dans le cadre d’une mission de sécurité publique, outre l’état de légitime défense, le recours aux armes est admis pour les officiers et sous‑officiers de la gendarmerie lors de la fuite d’un évadé n’obéissant pas aux sommations ou pour stopper un véhicule refusant de s’arrêter malgré les injonctions des gendarmes (art. L.2338‑3 du Code de la défense).

297.Ce recours est encadré par l’ensemble du dispositif normatif et par la jurisprudence de la Cour de cassation:

a)La fuite de l’évadé ou du véhicule doit être caractérisée (refus d’obtempérer aux appels répétés de «Halte gendarmerie» ou aux signes et gestes d’injonction) et la qualité de gendarme être bien perçue (militaire en uniforme);

b)Des éléments doivent laisser présumer de la participation de l’évadé à un crime ou un délit grave;

c)Le militaire de la gendarmerie doit avoir agi en service (police judiciaire ou administrative), avec son armement de dotation, et le tir doit être «absolument nécessaire».

298.La gendarmerie s’est dotée de plusieurs types d’armes non létales pour intervenir dans des situations intermédiaires où l’usage des armes à feu n’est pas adapté. Peuvent être cités en exemple le bâton de protection télescopique, le pistolet à impulsion électrique,le flash‑ball (LBD).

299.L’usage des armes doit être considéré comme un moyen exceptionnel. Le droit d’emploi de la force et d’usage des armes des gendarmes n’a été mis en cause ni par le CPT, ni par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), ni par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière admet l’usage des armes dans le but de faire obstacle à la fuite des criminels si aucun autre moyen ne permet d’immobiliser immédiatement ou plus tard ces derniers (art. 2‑2b CEDH).

300.Cette conformité à la Convention européenne des droits de l’homme a au demeurant été expressément retenue par la Cour de cassation s’agissant de l’article 174 du décret du 20 mai 1903, dont l’article L.2338‑3 du Code de la défense est l’avatar législatif. La chambre criminelle de la Cour relevait ainsi que «contrairement à ce qui est allégué, l’article 174 du décret du 20 mai 1903 est compatible avec les dispositions de l’article 2‑2 de la Convention européenne des droits de l’homme et n’est contraire à aucune disposition de droit interne».

301.Cette compatibilité est d’autant plus affirmée que la Cour de cassation a tiré toutes les conclusions de l’article 2‑2 de la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où, depuis un arrêt du 18 février 2003, confirmé notamment par un arrêt du 13 avril 2005, elle a encadré l’usage des armes par les gendarmes en exigeant que cet usage soit «rendu absolument nécessaire en l’état des circonstances de l’espèce». Ainsi, la Cour de cassation a procédé à l’harmonisation, souhaitée par le Comité, tendant à ce que l’ensemble des agents chargés du maintien de la paix publique, appartenant à des structures administratives distinctes, mais se retrouvant face à des situations de danger identiques ou similaires, soient soumis à une même règle consistant à réserver l’emploi de la force au seul cas où les circonstances le rendent absolument nécessaire et dans une proportion qui permet d’atteindre un objectif considéré comme légitime.

XI. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 19 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

302.Cette observation du Comité se trouve désormais sans objet depuis l’abolition de la circonscription obligatoire. En effet, l’article 2 de la loi no 97‑1019 du 28 octobre 1997 a suspendu l’appel sous les drapeaux, immédiatement pour les jeunes gens nés après le 31 décembre 1978 et progressivement, jusqu’au 1er janvier 2003, pour ceux nés avant le 1er janvier 1979.

A. Les trois phases obligatoires du service national instauré en remplacement de la conscription

1. L’enseignement de défense

303.L’enseignement de défense, instauré depuis 1998, est diffusé dans le cadre des programmes des établissements du second degré des premier et second cycles.

304.Cet enseignement a pour objet de renforcer le lien entre l’armée et la nation et de sensibiliser la jeunesse à son devoir de défense, par la présentation des principes et de l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne.

2. Le recensement

305.Le recensement est effectué obligatoirement par tous les Français (hommes et femmes) âgés de 16 ans, à la mairie ou au consulat du domicile. À cette occasion, les Français déclarent leur état civil, leur situation familiale et sociale, universitaire ou professionnelle, et il leur est remis une attestation de recensement.

3. L’appel de préparation à la défense

306.L’appel de préparation à la défense, également effectué par tous les Français, entre la date de leur recensement et leur dix‑huitième anniversaire. Cet appel, qui dure une journée, consiste en une présentation générale de la défense et de ses enjeux, et des engagements dans les armées et volontariats possibles. Les jeunes reçoivent également une sensibilisation à la prévention des risques, ainsi qu’un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours. Enfin, ils subissent des tests d’évaluation de maîtrise de la langue française, ce qui permet de détecter les jeunes en difficulté et de les informer des dispositifs d’insertion sociale existants.

307.Le non‑respect de ces obligations entraîne l’interdiction, jusqu’à l’âge de 25 ans, de s’inscrire à des examens ou concours soumis au contrôle de l’autorité publique. Cette interdiction peut toutefois être levée par la régularisation de la situation des intéressés.

308.Chaque année, 800 000 jeunes effectuent l’appel de préparation à la défense.

B. Les volontariats: volet facultatif du service national

309.Les volontariats visent, soit à apporter un concours personnel et temporaire à la communauté nationale dans le cadre d’une mission d’intérêt général (volontariats civils), soit à bénéficier du concours de l’État en vue de remédier à des difficultés d’insertion professionnelle et/ou sociale (volontariat pour l’insertion).

1. Les volontariats civils

310.Les volontariats civils durent entre six et vingt‑quatre mois. Ils s’adressent aux jeunes de 18 à 28 ans, Français ou ressortissants communautaires, et peuvent être effectués auprès d’une personne morale autre que l’État en France métropolitaine ou toute personne morale à l’étranger et dans les collectivités d’outre‑mer, pour des activités à plein temps, agréées par le ministre compétent, dans trois domaines:

a)Défense, sécurité et prévention;

b)Cohésion sociale et solidarité;

c)Coopération internationale et humanitaire.

311.Près de 6 000 jeunes servent en France et à l’étranger au titre du volontariat civil.

2. Le volontariat pour l’insertion

312.Le volontariat pour l’insertion est mis en œuvre dans le cadre du dispositif «Défense deuxième chance», conduit par l’Établissement public d’insertion de la défense (EPID). Il s’adresse à des jeunes de 18 à 21 ans présentant de grandes lacunes scolaires et éducatives et de graves difficultés d’insertion sociale et professionnelle, détectées notamment lors de la journée d’appel de préparation à la défense.

313.Ce volontariat consiste en une formation à la fois scolaire, civique et préprofessionnelle, d’une durée de six à vingt‑quatre mois, diffusée dans des centres de formation qui seront, à terme, répartis sur tout le territoire national.

314.L’objectif est d’accueillir, à partir de fin 2007, près de 20 000 jeunes par an.

XII. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 20 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

315.La loi no 2003‑1176 du 10 décembre 2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a modifié en profondeur le droit d’asile appliqué en France. À cet égard, la prise en compte des persécutions d’origine non étatique et la création d’une forme de protection complémentaire à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés constituent de véritables avancées. Par ailleurs, désormais, un seul organisme, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est compétent en matière d’asile, c’est‑à‑dire pour octroyer, selon les cas, l’asile conventionnel ou la protection subsidiaire et une seule juridiction, la Commission des recours des réfugiés (CRR), a autorité pour statuer sur les recours formés contre les décisions prises en matière d’asile.

316.Conformément à la doctrine du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la France a abandonné le critère de l’origine étatique des persécutions pour l’interprétation de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Dès lors que les conditions d’application de la Convention sont remplies, le statut de réfugié est désormais accordé si les menaces de persécution proviennent d’acteurs non étatiques.

317.Une forme de protection subsidiaire, complémentaire de la protection accordée en application de la Convention de 1951, a été instituée. Elle vise les personnes qui établissent qu’elles sont menacées dans leur pays de la peine de mort, de la torture ou d’autres traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle vise également, dans les situations de conflit armé ou de guerre civile, les civils sur lesquels pèse une menace grave, directe et personnelle. Les critères retenus sont plus stricts que ceux de l’ancien asile territorial mais l’octroi de la protection subsidiaire est obligatoire dès lors que les conditions sont réunies alors que la protection accordée dans le cadre de l’asile territorial était discrétionnaire. L’absence de critère d’origine des persécutions vaut également pour la protection subsidiaire. Le caractère prioritaire des dispositions de la Convention de 1951 résulte du texte même du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile: la protection subsidiaire ne peut être accordée qu’à des personnes ne remplissant pas les conditions pour obtenir la protection conventionnelle.

318.S’il est vrai qu’il y a une hausse en valeur absolue et proportionnelle du nombre des bénéficiaires de la protection subsidiaire, il s’agit d’une hausse toute relative. Elle a d’abord pour une part été imputable au report d’une année sur l’autre de dossiers ayant nécessité une réflexion approfondie au regard de nouveaux critères de protection. Ceux‑ci ont aussi suscité des demandes d’un type nouveau démultipliant les problématiques que l’OFPRA doit analyser. Il n’y a pas substitution de la protection subsidiaire à la protection conventionnelle mais au contraire un nombre plus élevé de personnes protégées en raison de l’application des critères de la protection subsidiaire. Il est à cet égard notable que c’est précisément après l’instauration d’une protection subsidiaire que la doctrine et la jurisprudence en sont arrivées à donner à la notion de groupe social une nouvelle dimension, qu’il s’agisse des problématiques soulevées (excision, mariage forcé, orientation sexuelle) ou des pays d’origine considérés. La CRR ne s’est prononcée, lorsqu’elle a considéré les faits comme étant établis sur la protection subsidiaire, qu’après avoir motivé sa décision sur la reconnaissance du statut conventionnel.

319.Comme la plupart des États européens, la France reconnaît au titre de sa nouvelle loi que, dans certaines circonstances, des autorités autres que l’État, telles que des organisations internationales, peuvent être considérées comme assurant une protection à la population. Il convient pour ce faire que ces autorités exercent un contrôle sur le territoire sur lequel le retour du demandeur est envisagé et veuillent et puissent faire respecter les droits de cette personne et la protéger des atteintes de la même manière qu’un État reconnu à l’échelon international.

320.La notion d’asile interne qui permet de tenir compte de la diversité de la situation sécuritaire prévalant dans les pays d’origine a été introduite dans l’ordre juridique français. Elle autorise l’OFPRA à rejeter les demandes d’asile de personnes qui auraient accès à une protection sur une partie du territoire de leur pays d’origine et qui pourraient raisonnablement y être renvoyées. La loi offre la garantie d’une application prudente de l’asile interne dans la mesure où il sera systématiquement procédé à une évaluation du caractère raisonnable du retour de la personne dans la partie de territoire concernée.

321.La notion d’asile interne est également très encadrée par les juridictions françaises. Le Conseil constitutionnel a fixé, dans sa décision du 4 décembre 2003, l’interprétation à donner à la loi en prévoyant que l’OFPRA «peut rejeter la demande d’asile d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine si cette personne n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave et s’il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays. L’Office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l’auteur de la persécution au moment où il statue». Les conditions sont donc très strictes: la personne doit non seulement ne pas être menacée mais elle doit aussi pouvoir rester durablement dans la partie de territoire où elle se réinstalle et y mener une existence normale. Le Conseil d’État et la CRR se sont également prononcés sur ces critères de manière très protectrice pour les requérants.

322.La procédure prioritaire est étendue aux personnes ayant la nationalité d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr. La loi définit un «pays d’origine sûr» comme un pays respectant les principes de la liberté, de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit dans lequel on peut présumer que des persécutions ne sauraient être ni perpétrées, ni autorisées, ni laissées impunies. Il n’est pas déraisonnable de traiter plus rapidement les demandes des ressortissants des pays où les persécutions et les atteintes au droit de l’homme ne sauraient en principe être perpétrées ou tolérées. Le traitement selon la procédure prioritaire des demandes d’asile des ressortissants des États qui figurent sur la liste des pays d’origine sûrs ne pénalise pas les demandeurs: l’OFPRA a l’obligation de répondre à ces demandes et la garantie d’un examen au fond de chaque dossier est respectée, conformément aux principes constitutionnels français. Les personnes dont les demandes sont examinées en procédure prioritaire sont entendues par l’OFPRA dans les conditions définies par la loi. Enfin, les personnes concernées ont le droit de se maintenir sur le territoire tant que l’OFPRA n’a pas statué sur leur demande. Sont considérés comme sûrs pour l’application de la procédure prioritaire les pays suivants: depuis le 30 juin 2005, le Bénin, la Bosnie‑Herzégovine, le Cap‑Vert, la Croatie, le Ghana, l’Inde, le Mali, Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l’Ukraine et, depuis le 16 mai 2006, l’Albanie, l’ex‑République yougoslave de Macédoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie.

323.Les dossiers traités en procédure prioritaire doivent être traités en quinze jours dans la plupart des cas et en quatre‑vingt seize heures si la personne est dans un centre de rétention en vue de son éloignement du territoire français (voir infra, par. 324).

324.La procédure prioritaire a démontré son utilité. La distinction faite entre les demandeurs selon leur pays d’origine permet de mettre en place un traitement spécifique des demandes dans le respect intégral de la Convention de 1951. Les autres critères d’instruction en procédure prioritaire sont tout aussi justifiés. Il s’agit des cas où le demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État, où la demande repose sur une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement. Le Haut‑Commissaire pour les réfugiés n’est d’ailleurs pas opposé à l’institution de procédures accélérées qui réduisent le délai d’attente des demandeurs d’asile si, comme dans le cas français, les garanties de procédures sont respectées. La notion de pays d’origine sûr ne contrevient pas, en particulier, à la Convention relative au statut des réfugiés.

325.En 2005, l’OFPRA a été saisi de 12 056 demandes en procédure prioritaire (dont 2 020 faites dans le cadre de la rétention) ce qui représente 23 % du total des demandes. Le délai de quinze jours est suffisant pour que la personne soit convoquée dans les conditions posées par la loi. Il convient de relever que, pour les trois premiers mois de 2006, 69 % des dossiers enregistrés en procédure prioritaire correspondent à des réexamens. Les personnes concernées ont donc bénéficié antérieurement d’un délai supérieur à quinze jours pour le traitement de leur demande. Pour les mêmes raisons, la majorité des personnes dont les dossiers sont traités en procédure prioritaire a déjà reçu une réponse de la CRR dans le cadre d’un recours suspensif. Si les besoins de l’instruction l’exigent, les délais de quinze jours ou de quatre‑vingt seize heures peuvent être exceptionnellement dépassés.

326.Les étrangers dont l’éloignement du territoire français est en cours d’exécution peuvent être placés dans des locaux de rétention administrative pour une durée qui ne peut excéder trente‑deux jours. À leur arrivée en centre de rétention les étrangers reçoivent une information sur les droits qu’ils peuvent exercer en matière d’asile. À compter de cette notification, ils disposent d’un délai de cinq jours pour formuler une demande d’asile. Ce type de demande est traité en très haute priorité. L’Office peut demander à entendre la personne qui est alors conduite sous escorte dans ses locaux. Les personnes en rétention bénéficient du concours d’une association qui les aide à exercer leurs droits.

327.Conformément à ses engagements en application du Règlement (CE) no 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (ci‑après «Règlement Dublin II») de l’Union européenne, la France transfère les demandeurs d’asile vers d’autres États européens lorsqu’il s’avère que ceux‑ci sont responsables de l’examen des dossiers au vu de critères précis et des renseignements recueillis auprès des intéressés (passeports, titres d’identité, billets nominatifs et datés de train ou d’avion…). En signant ce règlement, l’ensemble des États membres a souscrit au fait que la demande d’asile sera étudiée conformément aux dispositions prévues par la Convention relative au statut des réfugiés, quel que soit l’État qui traite la requête.

328.La procédure dite «d’asile à la frontière» n’est pas une procédure d’examen au fond de demandes d’asile. C’est une procédure d’admission sur le territoire relevant de la compétence du Ministère de l’intérieur qui a pour objet d’autoriser ou non l’entrée sur le territoire des ressortissants étrangers qui sollicitent l’asile mais sont démunis des documents requis pour être admis. La procédure est régie par l’article L.221‑1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article prévoit que l’étranger qui sollicite son admission sur le territoire au titre de l’asile est maintenu dans une zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à un examen visant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée. Le Ministère de l’intérieur prend la décision d’admettre ou non le demandeur sur le territoire, après avoir recueilli l’avis de l’OFPRA. Cet avis, rendu par les agents de la division «asile à la frontière» de l’Office, porte exclusivement sur le caractère manifestement infondé ou non des demandes. Si la personne est admise sur le territoire, elle dépose ensuite sa demande d’asile dans les mêmes conditions que les autres personnes déjà présentes sur le territoire. Les demandes d’asile faites à la frontière sont toutes enregistrées et toutes transmises à l’OFPRA. Les avis sont rendus en moyenne en quarante‑huit heures. Les demandes faites à l’aéroport de Roissy sont traitées sur place par les agents de l’Office; celles faites dans d’autres aéroports ou dans les ports sont traitées par téléphone, dans tous les cas avec un interprète si cela s’avère nécessaire.

329.Les représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés peuvent avoir accès aux personnes en zone d’attente à condition d’avoir reçu un agrément individuel. Celui‑ci est matérialisé par la remise d’une carte nominative permettant d’obtenir, lors de chaque visite, une autorisation d’accès à la zone d’attente. Ces représentants peuvent s’entretenir avec les agents de la police aux frontières, avec les agents de l’OFPRA ainsi qu’avec les personnes maintenues dans la zone qui ont demandé à être admises sur le territoire au titre de l’asile. Des associations agréées interviennent également en zone d’attente.

330.S’agissant du cas spécifique des étrangers qui sollicitent l’asile alors qu’ils arrivent en France par voie maritime, le Conseil d’État, par un arrêt du 29 juillet 1998 pris à la suite de l’arrêt du Tribunal des conflits du 12 mai 1997 (affaire Bensalem et Taznaret ) a jugé que ces étrangers ne pouvaient être consignés à bord et qu’ils devaient être placés en zone d’attente dans les conditions prévues aux articles L.221 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Les autorités françaises, dont l’action est régie par le principe de légalité, ont pris cet arrêt en compte.

XIII. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 21 DES OBSERVSATIONS FINALES DU COMITÉ

331.La loi du 10 décembre 2003 relative au droit d’asile a renforcé la protection accordée par la France aux personnes exposées à des risques pour leur vie, leur liberté ou leur intégrité, en consacrant le principe selon lequel les persécutions prises en compte pour l’octroi de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire (voir supra, par. 315 à 330) «peuvent être le fait des autorités de l’État, de partis ou d’organisations qui contrôlent l’État ou une partie substantielle du territoire de l’État», mais aussi «d’acteurs non étatiques dans le cas où les autorités […] refusent ou ne sont pas en mesure d’offrir une protection»(art. L.713.2 du CESEDA).

XIV. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 22 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

332.Prenant en compte les recommandations du Comité des droits de l’homme, la France a fait évoluer le régime de l’accès des associations et des représentants du Haut‑Commissaire aux droits de l’homme aux zones d’attente. En application de l’article L.223.1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le délégué du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou ses représentants bénéficient désormais d’un accès à la zone d’attente où peuvent être retenus les étrangers qui, ayant demandé l’asile, s’y trouvent le temps nécessaire à l’examen de leur demande.

333.Les conditions de cet accès sont définies par les articles R. 223-1 à R. 223-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui précisent également les conditions d’accès des associations humanitaires à la zone d’attente.

334.En application de ce texte, le délégué du HCR ou ses représentants ont accès à la zone d’attente «dans des conditions permettant de garantir leur accès effectif aux demandeurs d’asile».

335.Le délégué ou ses représentants, qui bénéficient d’un agrément individuel, «peuvent s’entretenir avec le chef des services de contrôle aux frontières … les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et les agents de l’Office des migrations internationales chargés de l’assistance humanitaire». Ils peuvent également «s’entretenir confidentiellement avec les personnes maintenues en zone d’attente…».

336.Les seules restrictions qui peuvent exister en ce qui concerne l’accès en zone d’attente sont liées à: «de l’ordre public et de la sécurité des transports».

337.Les modalités pratiques de l’accès en zone d’attente et notamment la périodicité des visites «sont arrêtées d’un commun accord» entre les délégués du HCR et le Ministre de l’intérieur «de manière à permettre l’exercice effectif de sa mission».

XV. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 23 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

338.La France s’est dotée progressivement d’une législation antiterroriste spécifique, régulièrement actualisée depuis la loi du 9 septembre 1986. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les lois du 15 novembre 2001, du 9 septembre 2002, du 18 mars 2003, du 9 mars 2004 et du 23 janvier 2006 sont venues renforcer la législation de fond et les règles procédurales applicables.

339.Ce corpus législatif ne crée nullement un droit d’exception, mais seulement un droit spécialisé et dérogatoire comme il en existe en droit pénal économique et financier ou en droit de la criminalité organisée, dans lequel le droit de la lutte antiterroriste s’insère.

340.Dans cette matière, comme dans toute autre, plus la mesure est attentatoire aux libertés, plus le contrôle du juge est à la fois préalable et effectif.

341.Le système préserve les garanties procédurales des personnes mises en cause afin de leur permettre de bénéficier d’un procès équitable. Ainsi, l’individu mis en cause bénéficie du droit à l’assistance d’un avocat, d’un contrôle permanent de l’autorité judiciaire sur les actes d’enquête et les mesures coercitives mises en œuvre par les services spécialisés, de la possibilité d’un recours contre tous les actes de l’autorité judiciaire, ainsi que de celle de relever appel des décisions de condamnation rendues en première instance ou au second degré, quelle que soit la gravité des faits reprochés.

A. Les garanties procédurales en matière de législation antiterroriste

342.La possibilité ouverte par la loi du 23 janvier 2006 de recourir à une garde à vue de six jours en matière terroriste est strictement encadrée par l’article 706-88 du Code de procédure pénale.

343.Sur le fond, cette prolongation qui doit demeurer «exceptionnelle» ne peut être accordée que «s’il existe un risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement».

344.Quant à la forme, cette décision de prolongation ne peut être délivrée que par le juge des libertés et de la détention, par décision écrite et motivée.

345.Ainsi, la prolongation exceptionnelle de la garde à vue en matière de terrorisme est soumise à l’autorisation d’un magistrat, garant de la liberté individuelle aux termes de l’article 66 de la Constitution. Ce magistrat est indépendant de l’enquête. Il est saisi par le Procureur de la République ou par le juge d’instruction mais ne dépend pas d’eux et prend sa décision en toute indépendance.

346.Sur la possibilité d’entretien avec un avocat à compter de la soixante-douzième heure de garde à vue, le Conseil constitutionnel dans une décision du 11 août 1993 a estimé que «la différence de traitement prévue par le législateur correspond à des différences de situation liées à la nature de ces infractions et que cette différence de traitement ne procède donc pas d’une discrimination injustifiée».

347.En outre, cette disposition de même que le droit de la lutte antiterroriste en général s’insèrent dans le droit de la criminalité organisée. Ainsi, pour ce type d’infractions également, le gardé à vue ne peut s’entretenir avec un avocat qu’à compter de la soixante-douzième heure.

348.En matière de terrorisme, outre la possibilité d’examen médical effectué à la demande du gardé à vue, dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, un examen médical obligatoire est mis en place, effectué par un médecin désigné par le Procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire. Le médecin requis doit se prononcer sur la compatibilité de la prolongation de la mesure de garde à vue avec l’état de santé de l’intéressé.

349.S’il n’a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frère et sœur ou son employeur, de la mesure dont elle est l’objet, elle peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième heure (art. 706-88 du Code de procédure pénale).

350.La détention provisoire est encadrée par des délais très stricts.

351.En matière d’infractions criminelles terroristes, l’article 145-2 du Code de procédure pénale prévoit un délai maximal de quatre années de détention provisoire avec deux prolongations possibles de quatre mois chacune. Pour l’association de malfaiteurs terroriste, le délai maximal de détention provisoire est de trois ans.

352.La mise en œuvre de ces prolongations se déroule selon une procédure très stricte définie par l’article précité.

353.Les décisions de placement et de prolongation de cette mesure sont prises par le juge des libertés et de la détention qui est indépendant de l’enquête. Ces décisions sont susceptibles de recours qui doivent être examinés par la chambre de l’instruction dans des délais très courts.

354.La personne détenue peut faire des demandes de mise en liberté en nombre illimité.

B. Le champ d’application de la législation antiterroriste

355.Ce sont les autorités judiciaires qui déterminent si une affaire relève des lois antiterroristes.

356.Lorsque le Procureur de la république demande à un juge d’instruction de droit commun de se dessaisir au profit d’un magistrat antiterroriste, les parties, y compris la défense, sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations auprès du juge d’instruction.

357.Le juge d’instruction peut également se déclarer incompétent de lui-même ou sur requête des parties. La partie qui n’a pas présenté la requête est invitée à faire connaître ses observations. Le dossier est alors renvoyé à la juridiction de droit commun territorialement compétente.

358.Toute ordonnance rendue par laquelle un juge d’instruction statue sur son dessaisissement ou par laquelle le juge d’instruction antiterroriste statue sur sa compétence peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation est signifié aux parties. Ces dispositions s’appliquent aussi aux décisions par lesquelles la chambre de l’instruction statue sur sa compétence (art. 706-18, 706-19 et 706-22 du Code de procédure pénale).

C. Sur le recours à la vidéosurveillance

359.Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, actuellement débattu devant le Parlement français, ne comporte pas de disposition permettant l’installation systématique de dispositifs de vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue. L’enregistrement audiovisuel de ces actes n’est prévu de manière obligatoire que pour les infractions criminelles de droit commun. Cet enregistrement serait en revanche facultatif s’agissant des infractions en matière terroriste. Ceci se justifie au regard de la nécessaire conciliation entre, d’une part, le respect des droits individuels et, d’autre part, la sûreté nationale. Pour autant, même en matière terroriste, l’enregistrement audiovisuel pourra être ordonné par le Procureur de la République ou, le cas échéant, par le juge d’instruction.

360.Ces indications sont, bien entendu, données sans préjudice des modifications que ce texte connaîtra au cours du débat parlementaire.

XVI. RECOMMANDATION FIGURANT AU PARAGRAPHE 24 DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ

361.Le Gouvernement souhaite présenter, dans un premier temps, les fondements constitutionnels de la position française sur la question des «minorités» et, dans un second temps, démontrer au Comité que cette position, qui n’est pas incompatible avec l’article 27 du Pacte, ne constitue pas un obstacle à la diversité de la société française sous toutes ses formes.

A. Fondements constitutionnels de la position française

362.La doctrine traditionnelle du droit français sur les minorités découle de principes inscrits dans l’histoire de France et fixés par la Constitution. Elle repose sur deux notions fondamentales:

a)L’égalité de droits des citoyens, qui implique la non-discrimination;

b)L’unité et l’indivisibilité de la nation, qui portent à la fois sur le territoire et la population.

363.Ainsi, saisi d’une demande d’avis au moment où la France envisageait de signer et ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le Conseil d’État a considéré qu’elle était, par son objet même, contraire à l’article 2, aujourd’hui article premier, de la Constitution, aux termes duquel «la France est une République indivisible», et au principe selon lequel le peuple français est composé de tous les citoyens français «sans distinction d’origine, de race ou de religion» (avis du 6 juillet 1995).

364.De son côté, le Conseil constitutionnel, sur une question tout autre, a rappelé dans sa décision no 91-290 DC du 9 mai 1991, les deux piliers de l’ordre juridique français:

a)Le concept de «peuple français» a une valeur constitutionnelle du fait de la référence à cette notion au premier alinéa du préambule de la Constitution de 1958, et au préambule de la Constitution de 1946;

b)La République est en outre «une et indivisible» aux termes de l’ancien article 2 de la Constitution de 1958, devenu article premier, et assure «l’égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine»; que dès lors la mention faite par le législateur du «peuple corse, composante du peuple français» est, selon le Conseil constitutionnel, contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion.

365.Le caractère indivisible de la République rejaillit sur celle du peuple français, qui ne peut comprendre en son sein des «peuples» reconnus en tant que tels.

366.Dans sa traduction concrète, cette conception pose le principe que l’affirmation de l’identité est le résultat d’un choix personnel, non de critères applicables définissant a priori tel ou tel groupe. Une telle approche protège tout à la fois le droit de chaque individu de se reconnaître une tradition culturelle, historique, religieuse ou philosophique, et celui de la refuser. La défense du particularisme, en effet, doit s’accompagner du droit fondamental d’y échapper. La France a toujours souligné ce point de vue dans les instances internationales, en relevant les effets pervers que pourrait receler une conception trop rigide de la protection des minorités et notamment la tentative de définition des critères généraux d’appartenance à des minorités, voire de réaliser de véritables recensements des personnes appartenant à ces minorités.

367.De façon générale, ces éléments d’ordre constitutionnel constituent un obstacle pour que la France adhère aux conventions internationales reconnaissant les minorités, en tant que telles, et titulaires de droits collectifs.

368.La France considère que l’application des droits de l’homme à tous les ressortissants d’un État, dans l’égalité et la non-discrimination, apporte à ceux-ci, quelle que soit leur situation, la protection pleine et entière à laquelle ils peuvent prétendre. Il s’agit donc d’une conception particulièrement exigeante des droits de l’homme.

B. Position française au regard de l’article 27 du Pacte

369.La France rappelle que la «doctrine» du Comité des droits de l’homme (Observation générale n° 23 de 1994 sur les droits des minorités [art. 27]) combinée à celle du Comité des droits économiques, sociaux et culturels permet de décliner la portée de l’article 27 du Pacte en quatre obligations:

a)Droit pour les personnes appartenant à des minorités de jouir normalement de la liberté d’association, de réunion et d’expression. La jouissance de ces droits ne doit être tributaire d’une décision de l’État:

i)La France souligne que la liberté d’association, de réunion et d’expression est garantie en droit français. L’exercice de cette liberté est reconnu à toute personne sans distinction de sexe, d’origine, de religion ou de croyance. Cette liberté est par ailleurs consacrée dans la Convention européenne des droits de l’homme et soumise à la sanction de la Cour européenne des droits de l’homme qui, en cas de constat de violation, impose le cas échéant des mesures individuelles et/ou générales. Rien, en droit français, n’interdit à des personnes se reconnaissant comme appartenir à tel ou tel groupe de créer une association;

ii)L’exercice de ces libertés n’est pas soumis, en France, à la règle de l’autorisation préalable. Ces libertés ne font l’objet d’aucune restriction. Seule la liberté d’association est soumise à la simple formalité de la déclaration préalable. Cette formalité a pour objectif de vérifier que l’objet de l’association n’est pas contraire à l’ordre public ou à la moralité publique;

b)Droit pour ces personnes d’employer leur langue entre elles, en privé ou en public. Bien que le français soit la langue officielle de la République, l’usage de langues autres que le français est libre en dehors des institutions de la République. Le dispositif institutionnel reconnaît même l’existence des «langues de France» et favorise leur enseignement dans les écoles de la République (voir infra);

c)Mesures positives à prendre par l’État pour la protection, non seulement contre les actes commis par l’État lui-même, par l’entremise de ses autorités législatives, judiciaires ou administratives, mais également contre les actes commis par d’autres personnes se trouvant sur le territoire de l’État partie. En France, la règle de droit s’applique indistinctement aux organes de l’État et aux particuliers. Partant, les mesures positives de protection sont celles déjà prises et contenues dans le texte constitutionnel et les règles à valeur constitutionnelle qui s’imposent à tous, y compris aux organes de l’État;

d)Les États devront également prendre les mesures positives pour protéger l’identité des minorités et les droits des membres des minorités de préserver leur culture et leur langue et de pratiquer leur religion, en commun avec les autres membres de leur groupe. Pour les raisons d’ordre constitutionnel exposées plus haut (par. 362 à 368), la France ne reconnaît pas de droits spécifiques découlant de la seule appartenance à une minorité.

370.Au principe fédérateur d’unicité du peuple français ne correspond cependant pas un cadre juridique impliquant une négation de la diversité culturelle de la France, elle constitue simplement un ferme rappel de l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit la source de leur construction identitaire, et l’un des moyens de mise en œuvre du principe de non-discrimination sur l’ensemble du territoire de la République. C’est pourquoi la France a adopté des politiques et actions qui, tout en promouvant le principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction d’origine, permettent en pratique à toute personne, se reconnaissant ou non comme appartenant à un ou plusieurs groupes, d’exercer ses droits et libertés sans subir de discrimination relative à son identité. Au demeurant, la France a adopté, comme elle va le démontrer, des politiques et actions allant dans le sens de ce qu’exige le Pacte tout en ne dérogeant pas à ses règles constitutionnelles.

C. Actions thématiques générales et actions particulières en ce qui concerne les populations d’outre-mer

1. Actions thématiques générales

a) Liberté de religion et de conscience

371.Le principe de laïcité de l’État et le principe de séparation des Églises et de l’État assurent la protection de la liberté de conscience des individus et garantissent le principe du libre exercice des cultes.

372.Des dispositions du droit français prévoient explicitement des repas kascher ou halal dans les hôpitaux, les cantines et restaurants administratifs des écoles et casernes, la possibilité d’accorder des autorisations d’absence pour le respect des jours de fêtes religieuses, juives, musulmanes ou celles de la communauté arménienne ainsi que pour les occasions solennelles propres à chaque confession (communions ou bar mitzvah par exemple). Des dispositions spécifiques ont également été édictées en matière d’abattage rituel dans les abattoirs pour les religions juive et musulmane. Sont également prévus des espaces particuliers dans les cimetières pour les tenants des religions non chrétiennes, etc.

373.Les pouvoirs publics ont, en outre, depuis longtemps favorisé la création d’institutions représentatives des communautés religieuses permettant la mise en place d’instances consultatives spécifiques, chargées d’émettre des propositions. Il en est ainsi du Conseil représentatif des institutions juives de France qui fédère plus de 60 associations juives, ou de la plus ancienne institution juive de France: le Consistoire de Paris, crée le 11 décembre 1808. Ce dernier a pour tâche d’organiser le culte hébraïque pour une communauté aujourd’hui proche d’un demi-million de personnes. Dès sa création, le Consistoire de Paris a développé tous les services garantissant les intérêts de la vie juive: des lieux de culte à l’instruction religieuse, de la célébration des mariages à l’abattage rituel. De même, depuis 1905, la Fédération protestante rassemble la plupart des églises et des associations protestantes de France. Elle a pour mission de représenter le protestantisme français auprès des pouvoirs publics et des médias et assure par ailleurs un certain nombre de services communs, tels que: télévision (Présence protestante), radio, aumônerie aux armées et aux prisons, recherche biblique, relations oecuméniques... Plus récemment, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a vocation à devenir l’instance représentative des musulmans de France. Le CFCM a pour objet de s’occuper des questions portant notamment sur la construction de mosquées, de carrés musulmans dans les cimetières, de l’organisation des fêtes religieuses, la nomination des aumôniers dans les hôpitaux, les prisons, les lycées et collèges et la formation des imams.

b) Liberté d’apprendre des langues minoritaires dans le cadre d’établissements publics et privés d’enseignement et de formation

374.Les langues régionales de France font partie du patrimoine culturel national. Si la langue de la République est le français en vertu de la Constitution, le plurilinguisme est officiellement encouragé. À ce titre, on recense quelque 75 langues de France, parlées en métropole et en outre‑mer par des Français depuis plusieurs générations, et qui, par ailleurs, ne sont pas langue officielle dans un autre pays. C’est ainsi, pour ne mentionner que les langues africaines, que le berbère ou l’arabe dialectal algérien sont des langues de France. La France montre ainsi que son attachement à l’unité nationale se conjugue avec le respect de son patrimoine, dont les diverses langues de France constituent un témoignage vivant.

375.Par ailleurs, la loi du 4 août 1994 (loi dite Toubon), relative à l’emploi de la langue française, précise dans son article 21 que «les dispositions de la présente loi s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage». La loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école a confirmé la place de l’enseignement des langues régionales dans l’ensemble du système éducatif. Aux termes de l’article 20 de la loi, cet enseignement est appelé à inscrire son développement dans le cadre de conventions entre l’État et les collectivités territoriales. Ces conventions doivent offrir aux collectivités territoriales concernées l’opportunité de développer les actions visant à accompagner la diffusion de l’enseignement des langues et cultures régionales.

376.La réforme de l’enseignement bilingue en langue régionale dans les écoles, collèges et lycées à la rentrée 2001 est précisée par un décret et un arrêté du 31 juillet 2001. Elle prévoit la création d’un conseil académique des langues régionales chargé de la politique académique des langues régionales dans les régions concernées. L’enseignement bilingue en langue régionale pourra être dispensé soit dans un établissement spécialisé dit «langues régionales» soit dans des sections «langues régionales». Selon l’article 2 du décret précité, le conseil académique des langues régionales veillera au statut et à la promotion des langues et cultures régionales dans l’académie, dans toute la diversité de leurs modes d’enseignement et s’attachera à favoriser l’ensemble des activités correspondantes. Selon un rapport de 2002 du Ministère français de la culture et de la communication (Rapport au Parlement sur l’emploi de la langue française, 2003), dans les écoles, collèges et lycées publics et privés sous contrat, quelque 250 258 élèves, toutes formes d’enseignement confondues, hors enseignement associatif, ont reçu un enseignement de langue et culture régionales.

377.Pour sa part, la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 prévoit dans son article 34 que les langues régionales en usage dans les départements d’outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la nation. À ce titre, elles bénéficient du renforcement des politiques en leur faveur afin d’en faciliter l’usage (voir infra).

c) Le droit de conserver son mode de vie traditionnel

378.La Commission nationale consultative des gens du voyage, créée par le décret no 99-733 du 27 août 1999, a pour mission de faire des propositions en vue d’améliorer leur insertion dans la communauté nationale et de lutter contre toutes les formes de discrimination les concernant. La loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage entend par ailleurs reconnaître et garantir le mode de vie de cette population en prévoyant la mise en place d’un dispositif d’accueil permettant à celle-ci de séjourner dans ses résidences mobiles, dans des conditions décentes. Au 1er janvier 2006, la quasi-totalité des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, soit 93 sur 96, ont été signés et publiés. Le bilan des réalisations fait apparaître une nette accélération du rythme à partir de 2004 et cette tendance devrait se prolonger en 2006 et 2007. À la fin de l’année 2005, le taux de réalisation des aires d’accueil est de 18 % des prescriptions des schémas départementaux et 25 % des places en accueil ont bénéficié d’une subvention de l’État représentant 70 % de l’investissement.

d) Le libre accès aux médias

379.Depuis la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle, la langue d’expression dans les médias est devenue libre. L’article 5 de cette loi assigne notamment aux services publics de télévision l’objectif de soutenir l’expression des langues et des cultures régionales. Aux termes de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, les sociétés de radio et de télévision de service public doivent contribuer à l’expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain. La loi no 86-1067 du 30 septembre 2006 modifiant celle du 30 septembre 1986 précise, dans son titre III relatif au secteur public de la communication audiovisuelle, que les sociétés qui ont des missions de service public «assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale».

380.Sur le réseau de Radio France, de nombreuses antennes régionales proposent des émissions axées sur la langue et la culture de ces régions. Parmi de nombreux exemples, les plus illustratifs sont ceux de France Bleu Alsace et de France Bleu Radio Corse. La première se compose de deux antennes distinctes: une antenne francophone et une antenne en langue régionale. La seconde: France Bleu Radio Corse Frequenza Mora est une antenne régionale de Radio France en Corse qui propose quatorze heures de programmes quotidiens intégralement bilingues.

381.Radio France Internationale (RFI) est également un média essentiel pour la valorisation et la transmission en France et à l’étranger des cultures et patrimoines des personnes issues de minorités. L’ensemble de ses programmes est disponible en 20 langues sur son site Internet. RFI propose une très large programmation autour notamment de l’Afrique et des diasporas africaines, qu’il s’agisse de sujets d’actualité, de culture ou de société.

382.Enfin, la loi sur la liberté de la communication de 2000 prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille «à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplisse une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels…». Ainsi, de nombreuses radios associatives dites «communautaires» comme Africa no 1, Mangembo FM, Média Tropical, Beur FM, Radio Orient, etc., diffusent chaque jour des programmes culturels, éducatifs, musicaux, qui permettent de favoriser et de promouvoir les échanges intra et extraculturels au sein de la population française.

e) L’accès à l’éducation et à la formation

383.Le système français privilégie, notamment à travers le système de gratuité des études et de l’anonymat des concours, l’égalité et l’universalité de l’offre éducative.Cependant, la mise en place d’une politique d’équité s’est avérée nécessaire pour compenser les handicaps territoriaux ou sociaux qui font obstacle à la pleine réalisation du principe de l’égalité dans la compétition scolaire.

384.Le Ministère de l’éducation nationale a créé ces dernières années des «Classes préparatoires aux grandes écoles» (CPGE) dans les lycées des quartiers défavorisés. L’effort est donc porté aujourd’hui davantage en amont, particulièrement sur les partenariats entre lycées de ces quartiers et grandes écoles, dans le cadre notamment du «Comité interministériel à l’intégration», où l’accent est mis sur l’intégration des jeunes des quartiers en difficulté et notamment des jeunes d’origine immigrée. Le but est ici d’accroître l’ambition de ceux d’entre eux qui réussissent et de favoriser leur orientation vers l’enseignement supérieur. Pour accompagner ce mouvement, 30 000 «bourses au mérite» sont versées chaque année au niveau du lycée, dont un tiers désormais aux jeunes issus des quartiers de la politique de la ville. Des «bourses de mérite» peuvent prendre le relais dans l’enseignement supérieur.

385.Ont ainsi été mis en place le renforcement des zones d’éducation prioritaires (ZEP), la création de «Classes préparatoires aux grandes écoles» dans les lycées des quartiers défavorisés, et plus récemment l’initiative de la Fondation Euris, le dispositif conçu par l’ESSEC et le système des Conventions ZEP de Sciences Po. Ces trois dernières initiatives instaurent un traitement préférentiel fondé sur un critère de type socioéconomique, et non sur un critère ethnoracial ou ethnoreligieux, puisqu’il bénéficie à des élèves issus de milieux défavorisés ou de condition modeste. Par exemple, la démarche de la Fondation Euris consiste à aider substantiellement des élèves talentueux mais défavorisés, en leur octroyant une bourse au mérite. Le dispositif de l’ESSEC instaure, au sein de lycées partenaires, une forme de tutorat auprès d’élèvesissus de milieux défavorisés, dans le but d’accroître leurs chances de poursuivre et de réussir des études supérieures ambitieuses. Enfin, le système des Conventions d’éducation prioritaire de Sciences Po instaure une procédure de sélection distincte du concours d’entrée, à l’attention d’un certain nombre d’élèves issus de lycées de ZEP conventionnés.

f) L’accès à l’emploi

386.La Charte de la diversité dans les entreprises a été signée en novembre 2004 par quelques dizaines de grandes entreprises qui se sont engagées à diversifier leur recrutement et à encourager la promotion professionnelle en faveur de la diversité culturelle, ethnique et sociale de leurs collaborateurs.

g) L’accès au logement

387.Dans le domaine du logement, le Gouvernement français a lancé une politique volontariste de rénovation urbaine visant à désenclaver les ghettos urbains et à favoriser la mixité sociale. Un plan de rattrapage massif de financement de 500 000 logements sociaux sur cinq ans a également été mis en œuvre: ce plan comprend également la remise sur le marché de 100 000 logements dans le parc privé pour la même période à partir de 2005.

2. Actions favorisant le respect des cultures des populations d’outre-mer

388.En Guyane, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et Wallis‑et‑Futuna, coexistent, dans des proportions variables, des populations originelles (respectivement les Amérindiens, les Polynésiens, les Kanaks, les Mahorais, les Wallisiens et Futuniens) et des populations allogènes.

389.Dans les départements et régions d’outre-mer (DOM/ROM) et les collectivités d’outre‑mer (COM), le code civil et la coutume locale de tradition orale coexistent.

390.Le droit des personnes y est régi par le droit coutumier. L’article 75 de la Constitution énonce que «les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé». Cette disposition constitutionnelle assure aux populations d’outre-mer le respect intégral de leurs coutumes et traditions dans le domaine sensible de la famille notamment.

391.Le statut personnel demeure aujourd’hui en vigueur en Nouvelle-Calédonie, à Wallis‑et‑Futuna et à Mayotte. Quant à la Polynésie, elle ne connaît plus de statut personnel depuis l’ordonnance du 24 mars 1945.

392.Le Gouvernement entend proposer au Comité une présentation − non exhaustive − des mesures prises par la France en vue de protéger et encourager la diversité culturelle des populations d’outre-mer.

a)Guyane

393.La population amérindienne de Guyane rassemble six ethnies. Les Arawak et les Galibi, installés sur le littoral, sont les plus nombreux (environ 6 000). Les Palikur, les Emerillon et les Wayapi (quelques centaines) occupent principalement les rives du fleuve Oyapock. À l’intérieur des terres, les Wayana vivent le long du Haut-Maroni.

394.Les Noirs-Marrons ou Bushi-Nenge sont les descendants des populations qui se sont installées dans l’arrière‑pays surinamien et sur le fleuve Maroni pour fuir l’esclavage. On compte quatre ethnies de Noirs-Marrons: les Boni (ou Aluku), installés à Apatou, Papaïchton et Maripasoula; les Djuka, installés à Grand-Santi sur le Maroni; les Paramaca et les Saramaca originaires du Surinam.

395.Les Hmongs se sont installés beaucoup plus récemment en Guyane, dans les années 70, pour fuir la guerre d’Indochine. Ils ont constitué deux villages principaux: Cacao et Javouhey.

396.En 1989, pour répondre à une forte revendication territoriale, les villages d’Aouara et des Hattes (Ouest guyanais) ont été érigés en commune de plein exercice.

397.Les populations amérindiennes de Guyane bénéficient d’un régime très libéral depuis la constitution du territoire de l’Inini en 1930.

i)Spécificités juridiques

398.Une réglementation spécifique qui tient compte de la réalité coutumière de la Guyane s’est progressivement constituée.

399.Afin de protéger les Amérindiens dans les domaines sanitaire et culturel, un arrêté du 14 décembre 1970 a soumis l’accès en pays amérindien à autorisation préfectorale.

ii)Soutien aux langues et cultures locales

400.En matière de stratégies patrimoniales culturelles et éducatives, la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 contient des mesures en faveur des langues et cultures régionales des DOM. Le cas de la Guyane est spécifique du fait de la présence d’ethnies amérindiennes minoritaires, dont les langues n’avaient pas jusqu’alors été intégrées au système éducatif. Le Ministère de la culture a lancé un plan d’action pluriannuel (2000-2003) intitulé «Pratiques linguistiques en Guyane» auquel participaient l’Institut de recherche pour le développement et le Ministère de l’outre-mer dans le but de développer les connaissances des langues amérindiennes, de les codifier et de constituer des outils pédagogiques pour l’enseignement.

401.En matière de valorisation des langues régionales d’outre-mer, la loi du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion prévoit que le conseil régional détermine les activités éducatives et culturelles complémentaires relatives à la connaissance des langues et des cultures régionales, qui peuvent être organisées dans les établissements scolaires relevant de la compétence de la région.

402.La loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 prévoit dans son article 34 que les langues régionales en usage dans les départements d’outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la nation. À ce titre, elles bénéficient du renforcement des politiques en leur faveur afin d’en faciliter l’usage. En outre, cet article précise que la loi du 11 janvier 1951, dite loi Deixonne, relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, s’applique aux langues régionales en usage dans les départements d’outre-mer.

403.La loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école a confirmé la place de l’enseignement des langues régionales dans l’ensemble du système éducatif. Au terme de l’article 20 de la loi, cet enseignement est appelé à inscrire son développement dans le cadre de conventions entre l’État et les collectivités territoriales. Ces conventions doivent offrir aux collectivités territoriales concernées l’opportunité de développer les actions visant à accompagner la diffusion de l’enseignement des langues et cultures régionales dont les modalités d’apprentissage ont été étendues au tahitien, aux langues mélanésiennes et au créole, en application de l’article 34 de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer. La passation de ces conventions doit également conforter et renforcer le partenariat déjà mis en place avec ces collectivités au sein des conseils académiques des langues régionales institués dans les quatre académies d’outre-mer de Guyane, de Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion en application du décret du 31 juillet 2001 portant création des conseils académiques des langues régionales.

404.En matière d’enseignement et de formation des enseignants, dans les départements d’outre‑mer, l’enseignement du créole et des langues amérindiennes faisait davantage l’objet jusqu’à présent d’actions expérimentales au sein de quelques établissements plutôt que d’un enseignement généralisé. Toutefois, l’application progressive de la loi Deixonne aux créoles en usage dans les départements d’outre-mer devrait permettre de mieux structurer cet apprentissage et de l’étendre à tous les niveaux d’enseignement. La mise en œuvre de ces nouvelles mesures fait désormais l’objet des priorités intégrées au sein des projets académiques des DOM. Le décret du 31 juillet 2001 a créé des conseils académiques des langues régionales ayant pour objectif d’assurer le développement et le suivi des politiques d’apprentissage des langues régionales.

405.D’ores et déjà, dans le second degré, l’enseignement du créole fait l’objet d’options et d’une épreuve facultative au baccalauréat depuis la session 2004. Il sera introduit, à partir de la session 2007 de l’examen, dans la liste des langues vivantes 1 ou 2 que peuvent choisir les candidats, au titre des épreuves obligatoires, dans les séries générales et technologiques. Le tahitien et les langues mélanésiennes peuvent également, à l’instar du créole, faire l’objet d’une épreuve obligatoire ou facultative au baccalauréat.

406.Par ailleurs, la possibilité qui a été donnée, à compter de 2006, à tous les candidats au concours de recrutement des professeurs des écoles de demander à subir une épreuve facultative de langue régionale fait partie des dispositions propres à consolider la connaissance de ces langues régionales dès l’école. En outre, dans le domaine de la formation des enseignants, un CAPES de créole a été créé en 2002.

407.L’université des Antilles-Guyane propose un diplôme universitaire de niveau maîtrise en langue et cultures régionales et, depuis 1995, il existe également une licence de langue créole à la faculté de lettres en Martinique. L’antenne guyanaise de l’IUFM des Antilles-Guyane organise des stages d’initiation aux langues amérindiennes pour l’ensemble des étudiants de deuxième année.

408.En matière d’initiatives culturelles, dans le domaine de la recherche et de l’aide à l’édition, des projets sur les langues locales sont soutenus soit par le Ministère de l’outre-mer, soit par d’autres institutions.

409.Le Ministère de l’outre-mer soutient le programme de recherche intitulé «Écrire l’histoire Kali’na» mené par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de la Guyane sur l’adaptation de l’enseignement aux spécificités culturelles des composantes ethniques de la Guyane (ouvrage paru en mars 2000) et le programme sur la dynamique des contacts linguistiques en Guyane mené par l’IRD de Guyane et par l’université d’Orléans. En outre, le Ministère de l’outre-mer a souhaité pérenniser et développer les travaux déjà entrepris, notamment en faveur des langues amérindiennes de Guyane, afin d’aboutir à des actions concrètes dans le domaine pédagogique destinées aux élèves et aux enseignants. C’est pourquoi il s’est engagé à poursuivre son soutien aux programmes de recherche sur les langues de Guyane.

410.D’autres dispositifs juridiques ont également été mis en place afin de prendre en compte la coutume locale en Guyane.

411.En matière foncière, le décret no 87-287 du 14 août 1987 relatif aux dispositions foncières du code du domaine de l’État spécifiques à la Guyane accorde aux Amérindiens le droit d’attribution de terres sous forme de cessions ou de concessions gratuites ainsi que de droits d’usage collectif (chasse, culture d’abattis). En application de cette réglementation, le préfet a pris des arrêtés reconnaissant à chacune des communautés amérindiennes des droits d’usage collectif. Enfin, la loi du 30 décembre 1989 établit un véritable droit de propriétéau profit des communautés d’habitants.

412.En matière de nomination et de rémunération des chefs coutumiers, depuis les lois de décentralisation de 1982, l’exécutif départemental étant assuré par le Président du Conseil général, c’est par arrêté que sont désignés les chefs coutumiers.

413.En matière d’administration communale, l’évolution du droit foncier a trouvé un prolongement avec la création de communes «amérindiennes» (commune de Camopi sur l’Oyapock en 1969; commune de galibi d’Awala Yalimapo en 1989 créée par arrêté préfectoral).

414.En matière d’état civil, une ordonnance du 8 juillet 1998 a porté à un mois le délai de déclaration des naissances, au lieu du délai de trois jours en droit commun, dans les communes riveraines des fleuves Maroni et de l’Oyapock.

415.En matière d’espaces protégés, le projet de création du parc de la Forêt tropicale guyanaise fait suite aux engagements du Gouvernement à la Conférence de Rio (1992) et répond à la volonté de constituer un pôle d’excellence dans le domaine du développement durable et un outil de conservation à long terme de l’écosystème forestier guyanais.

416.Une démarche de travail menée en concertation avec les communautés locales a permis de centrer le projet sur la préservation de la biodiversité de la forêt tropicale dans le respect des modes de vie traditionnels. Parmi les actions proposées, on trouve:

a)La valorisation des savoir-faire locaux et l’animation locale;

b)La pérennisation de la technique d’agriculture sur brûlis sur des cycles longs afin de tirer parti des potentialités écologiques;

c)La création d’un réseau d’espaces protégés.

417.Après une interruption de près de cinq ans, une nouvelle mobilisation s’effectue depuis 2003 autour du projet. La question du zonage demeure en négociation.

b)Nouvelle-Calédonie

418.En Nouvelle-Calédonie, la répartition de la population (196 836 habitants au dernier recensement général de 1996) par communauté d’appartenance est la suivante: 44,1 % de Mélanésiens, 34,1 % d’Européens, 9 % de Wallisiens et Futuniens, 2,6 % de Tahitiens, 2,5 % d’Indonésiens et 7,5 % de personnes d’autres origines.

419.La cellule de base du monde mélanésien est constituée par le clan, groupement de plusieurs familles. Entre ces différents clans s’est constitué tout un réseau d’échanges et d’alliances. Les clans sont issus d’une terre et font du sol calédonien une succession de lieux chargés de significations mythiques.

420.L’évolution de la Nouvelle-Calédonie, à travers la loi organique du 19 mars 1999, traduit une tentative d’équilibre entre égalité républicaine et prise en compte des spécificités de la population d’origine. Elle contient des dispositions en faveur du droit coutumier et des mesures en matière culturelle.

i)Spécificités juridiques

421.Elle comporte des transferts progressifs des compétences à la Nouvelle-Calédonie, crée une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie pour le droit de vote aux institutions locales (assemblées de province et Congrès de la Nouvelle-Calédonie) et conforte le statut civil coutumier des Kanaks.

422.Les Kanaks ont la qualité de citoyen français depuis la Constitution de 1946, qui a posé le principe, dans son article 80, de la reconnaissance à tous les ressortissants d’outre-mer de la citoyenneté française.

423.Le Préambule de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 reconnaît explicitement l’identité kanake et fonde une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.

424.Les effets de la citoyenneté calédonienne, mentionnée à l’article 77 de la Constitution, sont principalement électoraux. En outre, l’article 24 de la loi organique permet au législateur local d’instituer des mesures de «protection de l’emploi local» au profit des citoyens de la Nouvelle‑Calédonie et des personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence, fixée par une loi de pays.

a.La coexistence du droit commun et du droit coutumier

i)Le statut civil coutumier

425.En application de l’article 75 de la Constitution, il est reconnu en Nouvelle-Calédonie un statut civil particulier à la population kanake, désormais dénommé statut civil coutumier, que consacre le titre premier de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999. Près de 90 000 personnes relèveraient actuellement de ce statut en Nouvelle-Calédonie.

426.L’inscription des personnes relevant du statut civil coutumier sur des registres d’état civil spécifiques tenus dans chaque commune par les maires, officiers d’état civil, a été instituée par un arrêté du tribunal supérieur d’appel de Nouméa du 28 février 1920, repris par un arrêté no 631 du 21 juin 1934 portant création d’un état civil des indigènes, lequel a été modifié et complété par une délibération no 424 du 3 avril 1967, elle-même complétée par une circulaire no 13-2815 du 25 août 1967.

427.La délibération du 3 avril 1967 a défini les règles qui s’imposent au service d’état civil des citoyens de statut civil particulier. Elles coïncident en grande partie avec les règles qui régissent l’état civil de droit commun, mais prévoient des adaptations, comme par exemple un délai de déclaration des naissances de trente jours.

428.Les communes tiennent à côté des registres traditionnels (naissance, mariage, décès) des registres qui comportent le recensement de la population de chaque tribu. La naissance d’un enfant relevant du droit coutumier doit être déclarée, comme en droit commun, dans sa commune de naissance. La personne qui le déclare peut aussi réclamer que l’enfant soit recensé comme membre de la tribu du père.

429.Pour éviter la désagrégation des structures traditionnelles, l’administration impériale, par un arrêté du 24 décembre 1867, a donné une existence légale à la structure coutumière de la tribu qui regroupe en un lieu les membres d’un ou de plusieurs clans. Cette géographie imposée a été complétée par l’arrêté du 9 août 1898, qui a institué des districtsou groupements de tribus: à leur tête sont placés des grands chefs, en principe désignés à l’unanimité par le conseil des anciens, tandis que des petits chefs dirigent les affaires des tribus.

430.Le statut particulier des mélanésiens est un droit coutumier de tradition orale, vivant, qui varie selon les localités et qui couvre actuellement le droit des personnes − état civil, mariage, adoption, dévolution successorale −et le régime de propriété, lequel consacre le principe de la propriété collective de la tribu.

431.Un débat relatif au champ d’application de la coutume kanake au sein des juridictions s’est instauré. Alors même que la cour d’appel de Nouméa se livrait à une interprétation a contrario de l’article premier de la loi no 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun, en déduisant que le droit coutumier régissait seulement l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités, la Cour de cassation a rappelé, par deux décisions, que le droit coutumier ne pouvait pas être regardé comme un droit subsidiaire.

432.Plus récemment, par un avis en date du 16 décembre 2005, la haute juridiction a été amenée à déterminer si l’article 7 de la loi organique, qui dispose que les personnes de statut personnel sont régies «en matière de droit civil par leurs coutumes», concerne l’ensemble du droit civil ou seulement le droit civil traité par ces coutumes (de nombreux domaines du droit, comme l’assistance éducative, sont en effet actuellement ignorés par la coutume).

433.La Cour de cassation retient la plénitude de compétence de la norme coutumière pour régir l’ensemble des rapports de droit privé traités par le Code civil (personnes, biens et contrats). Contrairement en effet au statut de Mayotte, qui limite le champ d’application du droit coutumier à certains domaines du droit des personnes, le statut de la Nouvelle-Calédonie vise le droit civil dans son ensemble, écartant par là même l’idée d’un droit commun qui viendrait combler les lacunes de la coutume.

b.Le droit au retour

434.Les dispositions de l’article 7 de la loi organique dérogent partiellement à l’article 75 de la Constitution, en offrant la possibilité non seulement de passer du statut civil coutumier vers le statut civil de droit commun, mais également du statut civil de droit commun vers le statut civil coutumier (art. 11, 12 et 13).

c.La reconnaissance de terres coutumières

435.La question foncière revêt une importance particulière dans la double logique de la reconnaissance de l’identité kanake et de l’équilibre économique du territoire.

436.Sont régis par la coutume les «terres coutumières» ainsi que les biens appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier. La loi organique définit cette notion de «terres coutumières» comme des réserves de terres attribuées au groupement de droit particulier local et de terres qui sont attribuées par les collectivités territoriales ou les établissements publics fonciers (l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier) pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre.

437.Au plan juridique, ces terres dérogent à la notion classique de propriété. Ainsi, la loi organique rappelle le principe selon lequel elles sont inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables, reprenant en cela les termes de l’arrêté du Gouverneur Guillain de 1868 et de la délibération du territoire no 67 du 10 mars 1959 relative au régime des «réserves autochtones».

438.L’agence de développement rural et d’aménagement foncier, qui existe depuis 1988, a rétrocédé à la communauté mélanésienne environ 80 000 hectares depuis 1989. La propriété collective de la terre est reconnue aux tribus.

d.L’absence de juridiction spécifique

439.L’ordonnance no 82-877 du 15 octobre 1982 a tiré les conséquences de l’existence d’un statut civil particulier mélanésien à côté du statut civil de droit commun en instituant, dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie, des assesseurs coutumiers chargés de compléter les tribunaux judiciaires lorsqu’ils sont saisis de contestations entre justiciables de statut civil particulier, notamment en matière foncière (cinq assesseurs par aire coutumière).

440.L’article 19 de la loi organique confirme cette organisation judiciaire particulière, en permettant aux assesseurs coutumiers de compléter les formations civiles de première instance et d’appel saisies de «litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres coutumières». Âgés de plus de 25 ans et présentant des garanties de compétence et d’impartialité, ces assesseurs, qui siègent en nombre pair avec voix délibérative, ont pour vocation d’aider le magistrat à mieux cerner les règles coutumières qu’il doit appliquer aux personnes relevant du statut local de droit civil.

441.La Cour de cassation a consacré l’application systématique du droit civil coutumier par le juge judiciaire assisté d’assesseurs coutumiers, dès lors que le litige concerne une personne de statut local.

442.Enfin, s’inscrivant dans la continuité de l’accord de Nouméa, qui place la coutume au premier rang des éléments constitutifs de l’identité kanak, la loi organique du 19 mars 1999 consacre un chapitre au Sénat et aux Conseils coutumiers (art. 137 à 152).

443.Les vingt dernières années ont vu la reconnaissance des autorités coutumières précisée et leur rôle accru, en particulier après 1988, année du découpage du territoire en huit zones coutumières − représentées par des conseils coutumiers et regroupant chacune plusieurs clans ou «tertres-lignages», qui reconnaissent un ensemble commun et cohérent de règles coutumières, de croyance et d’usages, ainsi que le rattachement à un ancêtre commun, considéré comme le plus ancien représentant connu de l’ensemble des familles élémentaires. Chacune de ces aires fixe, selon les usages propres, la composition de son conseil coutumier, consulté sur toute question par le Sénat, le Haut-Commissaire ou le Gouvernement. Un conseil consultatif coutumier a été créé, auquel s’est substitué après l’accord de Nouméa le Sénat coutumier. La Nouvelle‑Calédonie compte actuellement 57 districts et 340 tribus, dont 14 dites «indépendantes», c’est-à-dire situées en dehors du ressort des districts.

444.La répartition des compétences est désormais clarifiée: le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se voit notifier la désignation des autorités coutumières, après que celle-ci a été constatée par le Sénat coutumier, et l’autorité coutumière demeure, localement, le lien indispensable avec les pouvoirs publics. Trait d’union entre les collectivités mélanésiennes et l’administration, le syndic aux affaires coutumières officialise les décisions prises par la tribu en les consignant dans un procès-verbal de palabre; depuis le début du siècle, ce rôle a été assuré par la gendarmerie. En cas de litige sur l’interprétation d’un procès‑verbal de palabre coutumier, les parties saisissent le Conseil coutumier.

445.Le Sénat coutumier, qui se substitue au conseil consultatif créé par la loi référendaire du 9 novembre 1988, est consulté sur les questions relatives à la coutume, et intervient dans le processus d’élaboration des lois du pays touchant à l’identité kanake.

446.Il est composé de 16 membres désignés par chaque conseil coutumier, selon les usages reconnus par la coutume, qui élisent chaque année un président et un bureau.

447.Le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie participe à l’élaboration de la norme en matière de droit foncier et de droit civil.

ii)Soutien aux langues régionales

448.En matière culturelle et de valorisation des langues régionales d’outre-mer, des mesures ont également été mises en place: adaptation des programmes scolaires en fonction des réalités culturelles et linguistiques pour lesquelles les provinces sont compétentes; reconnaissance des langues kanakes comme langues d’enseignement et de culture (loi organique du 19 mars 1999), intégrant des engagements en matière d’enseignement, de recherche scientifique et universitaire et de formation de formateurs. La loi organique de 1999 prévoit par ailleurs dans son article 215 qu’afin de contribuer au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci conclut avec l’État un accord particulier. Cet accord a été signé le 22 janvier 2002. En matière d’enseignement et de formation des enseignants, dans le cadre de cet accord particulier État‑Nouvelle‑Calédonie, des engagements sont pris en matière d’enseignement, de recherche scientifique et d’enseignement universitaire, de formation des formateurs.

449.Un enseignement universitaire des quatre langues kanakes en option au baccalauréat donnant lieu à la délivrance d’un DEUG a été mis en place à l’Université de la Nouvelle‑Calédonie en 1999. L’Accord particulier prévoit la création d’une licence de langue et culture régionale dans le prolongement du DEUG. Cette licence a été inscrite dans le cadre du contrat d’établissement 2000-2003 conclu entre le Ministère de l’éducation nationale et l’Université de Nouvelle‑Calédonie.

450.L’Accord prévoit également que l’enseignement des langues kanakes sera intégré dans la formation des maîtres du premier degré et des professeurs du second degré assurée respectivement par l’Institut territorial de formation des maîtres et l’institut universitaire de formation des maîtres du Pacifique. Pour l’IUFM, cette formation a été intégrée au contrat d’établissement conclu avec le Ministère de l’éducation nationale pour 2000-2003. En outre, l’accord particulier prévoit la création d’une académie des langues kanakes, établissement public territorial.

iii)Protection de l’environnement des populations autochtones

451.En Nouvelle‑Calédonie, l’environnement et la mise en œuvre de l’article 8 j) de la Convention sur la diversité biologique relèvent essentiellement des attributions provinciales. L’Accord de Nouméa précise dans son chapitre 3.1.1 que les compétences en matière «d’exploitation, d’exploration, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques de la zone économique» sont immédiatement transférées au Congrès de la Nouvelle‑Calédonie et le domaine maritime aux provinces.

452.La France a mis en place le Programme IFRECOR inscrit dans le cadre de l’Initiative internationale sur les récifs coralliens. Il s’agit d’une action nationale de protection et de gestion durable des récifs coralliens des collectivités d’outre-mer dont le principe est fondé notamment sur la participation directe des communautés locales. L’intégration des connaissances traditionnelles et des communautés locales et autochtones dans les stratégies de conservation représente une part croissante des programmes retenus.

iv)Soutien aux cultures locales

453.En matière de «savoirs traditionnels», dès 1980, la France a établi un conseil et une mission du patrimoine ethnologique sous la tutelle du Ministère de la culture, afin d’assurer la conservation des éléments fondateurs de l’identité des cultures locales et de contribuer à la coordination de la politique de recherche ethnologique sur l’ensemble du territoire métropolitain et outre-mer.

454.La France participe au projet «Best practises on Indigenous Knowledge» défini par l’UNESCO, projet qui vise au recensement des savoir-faire traditionnels compatibles avec les objectifs de développement durable.

c)Wallis-et-Futuna

455.Les structures sociales traditionnelles à Wallis-et-Futuna demeurent fortement marquées par l’influence de l’Église catholique. Elles reposent encore largement sur une conception clanique de la famille et sur l’indivision du patrimoine foncier.

456.À Wallis-et-Futuna, l’organisation coutumière comprend trois niveaux: le chef traditionnel «Sau», plus communément appelé «roi», les ministres coutumiers et les chefs de villages, au nombre de cinq à six par circonscription.

i)Spécificités juridiques

457.La loi du 29 juillet 1961 confère aux habitants des îles Wallis‑et‑Futuna la citoyenneté française. Cette loi précise par ailleurs que les citoyens français «qui n’ont pas le statut de droit commun conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas expressément renoncé» (art. 2), et que «La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis‑et‑Futuna le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu’elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi» (art. 3). Dans le domaine juridictionnel, l’article 5 prévoit la création d’une juridiction de droit commun située dans le ressort de la cour d’appel de Nouméa et une juridiction de droit local. La juridiction de droit commun est seule compétente en matière pénale et en matière civile et commerciale sous réserve des compétences dévolues à la juridiction de droit local. Cette juridiction de droit coutumier est compétente pour les litiges entre citoyens régis par un statut de droit local et portant sur l’application de ce statut et pour les contestations portant sur des biens détenus selon la coutume. En matière pénale, la compétence du juge de droit commun est affirmée sans équivoque par la loi de 1961.

458.Le statut de Wallis‑et‑Futuna (loi du 29 juillet 1961) prend en compte les structures politiques autochtones. Le statut maintient en effet les «rois» et traduit ainsi l’organisation de la société selon des règles coutumières. Les «rois» sont membres d’un conseil territorial, qui assiste l’administrateur supérieur. Le territoire est divisé en trois circonscriptions qui correspondent aux trois «royaumes» (Wallis, Sigave et Alo).

459.Les trois «chefs traditionnels» (Sau) de Wallis‑et‑Futuna, qui sont communément appelés «rois», constituent les autorités coutumières suprêmes. Ils sont respectivement entourés de cinq notables, ou «Aliki Fau», plus communément appelés «ministres coutumiers», d’un maître de cérémonie et d’un chef de «police».

460.Les titres coutumiers cités ci-dessus sont constatés à l’article 3 de l’arrêté n° 19 du 20 mai 1964 portant organisation des circonscriptions administratives, pris par l’administrateur supérieur du territoire. Les attributions des ministres peuvent varier suivant les «rois» mais portent essentiellement sur les cultures de la terre, l’enseignement, la santé, les affaires culturelles et la voirie.

461.La chefferie a pour mission principale de faire respecter les règles coutumières dont elle est garante. Ces règles régissent les rapports au sein de la communauté et entre la communauté et son environnement.

462.Le régime d’indemnisation des chefs traditionnels est défini par des arrêtés locaux en vertu de l’article 13 de l’arrêté n° 19 du 20 mai 1964 portant organisation des circonscriptions administratives. Il se compose d’une «rémunération» et d’une «allocation viagère» versées par l’État, les circonscriptions ne disposant, à la différence des communes, d’aucune ressource fiscale propre.

463.Chaque «roi» est en quelque sorte la mémoire foncière de son peuple et son juge suprême. Il est censé connaître les généalogies et les limites de propriété de chaque famille.

464.Les «rois» participent au fonctionnement institutionnel du territoire en leur qualité:

a)De vice-président du conseil territorial. Les trois chefs traditionnels des trois royaumes en sont en effet membres de droit. Cet organe, présidé par l’administrateur supérieur et qui comprend en outre trois membres qu’il désigne après accord de l’assemblée territoriale, est chargé d’examiner les projets de délibération qui doivent être soumis à l’assemblée territoriale (art. 10). L’article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 établit les transferts de compétence à l’assemblée territoriale. Sont notamment soumises à sa délibération les questions relatives à la «constatation, rédaction et codification des coutumes» (al. 5), «la protection de la nature et des végétaux» (al. 11), «la chasse» (al. 26), «les centres culturels» (al. 30), «la protection des monuments et des sites» (al. 34);

b)De président d’un des trois conseils de circonscription, qui recouvre géographiquement les «royaumes» historiques (Uvéa à Wallis, Alo et Sigave à Futuna). Les autres membres sont élus dans les conditions prévues par la coutume. Cet organe, qui représente la circonscription en justice (art.18), délibère sur les projets préparés par l’administrateur supérieur ou son représentant dans la circonscription, et notamment sur le budget de cette dernière.

465.La propriété de la terre est collective, inaliénable et incessible, selon le droit coutumier qui s’applique aux personnes qui relèvent du statut personnel, soit 99 % de la population de Wallis-et-Futuna.

466.La force de la coutume se manifeste donc essentiellement dans le statut des terres. Trois types de «propriété» peuvent être distingués:

a)La propriété publique, qui appartient au roi, bien que les droits coutumiers de cueillette et de ramassage du bois puissent s’y exercer;

b)La propriété des villages, qui est en principe répartie entre les familles et peut faire l’objet de plantations collectives;

c)La propriété familiale, à l’échelle de la famille élargie, qui compte généralement un terrain de résidence, une terre pour les plantations et une cocoteraie.

ii)Soutien aux langues régionales

467.En matière de valorisation des langues régionales outre-mer, la convention portant concession de l’enseignement primaire du 10 février 2000 prévoit que l’enseignement scolaire délivré dans les écoles maternelles et élémentaires peut comporter des cours ou activités dispensés ou organisés en langue wallisienne ou futunienne. Cette disposition existait déjà dans la précédente convention de 1995.

468.La prise en compte des langues locales fait l’objet, depuis 1998, d’une expérimentation dans le premier degré qui se poursuit. À l’issue de cette expérimentation, un bilan sera effectué. Dans le secondaire, quatre professeurs dispensent un enseignement de langues vernaculaires à raison d’une heure par classe.

469.L’antenne de l’IUFM du Pacifique à Wallis‑et‑Futuna qui forme des instituteurs territoriaux propose durant la formation qui se déroule sur trois ans, un module d’enseignement aux langues vernaculaires.

d)Mayotte

470.L’île de Mayotte a bénéficié d’un brassage culturel et religieux à forte dominance africaine, bantou, animiste et islamique. De fait, la religion musulmane y est implantée depuis le XVe siècle et occupe une place majeure dans l’organisation de la société: 95 % de la population de Mayotte est d’obédience musulmane de rite sunnite.

471.La langue maternelle des Mahorais est le shimaoré (d’origine swahilie) ou le shiboushi (d’origine malgache).

i)Spécificités juridiques

472.Les Constitutions de la IVe et de la Ve République ont généralisé le système de la dualité des statuts civils, en limitant cependant le champ du statut personnel à l’état et la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et libéralités.

473.La société mahoraise à dominante musulmane dispose d’un statut civil personnel qui intègre une pluralité de traditions juridiques notamment les règles de la Sunna.

474.Plusieurs dispositions ont rapproché le droit civil à Mayotte avec celui en vigueur en métropole.

475.L’ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte a rendu obligatoire la comparution personnelle des deux époux aux fins de recueillir leur libre et plein consentement ainsi que la présence de l’officier d’état civil lors de la célébration du mariage.

476.La loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a affirmé le droit des femmes ayant le statut civil de droit local d’exercer librement une profession indépendante ou salariée et les droits et les devoirs qui s’attachent à cette liberté. Cette loi a également précisé les règles de conciliation du statut civil de droit local avec celui de droit commun et les modalités de renonciation au statut de droit local.

477.L’ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 portant extension et adaptation de dispositions de droit civil à Mayotte a permis de rapprocher le droit civil à Mayotte avec celui en vigueur en métropole.

478.La loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003, modifiant la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, a permis une évolution significative en matière d’égalité entre l’homme et la femme par l’instauration de la monogamie, de la rupture du mariage par le divorce, la prohibition de la répudiation unilatérale et l’interdiction des discriminations entre enfants devant l’héritage, fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance. L’article 68 de la loi du 21 juillet 2003 modifie le titre VI de la loi statutaire de Mayotte du 11 juillet 2001 pour finalement borner le champ d’application du statut personnel de droit local à l’état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l’exclusion de tout autre secteur de la vie sociale.

479.La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a complété cette réforme sur deux points: la procédure de droit commun en matière de divorce est désormais applicable aux cas de divorce entre personnes relevant du statut civil de droit local et l’accès au juge de droit commun a été rendu possible pour la partie la plus diligente dans le cadre de demande de divorce.

480.La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration tient compte des problèmes spécifiques d’immigration clandestine rencontrés à Mayotte. Elle vise à mettre un terme aux reconnaissances d’enfant dites de complaisance en limitant les cas de dation et rend obligatoire le mariage pour les personnes relevant du statut civil coutumier, en mairie, en présence de l’officier d’état civil et de deux témoins.

481.La profonde mutation du statut civil de droit local engagée par ces réformes législatives permet incontestablement une évolution conforme aux principes de la République, sans remettre en cause l’existence même de ce statut, garanti par la Constitution.

a.La justice cadiale

482.À Mayotte, les citoyens de statut civil de droit local peuvent, si la partie la plus diligente le souhaite, soumettre certains de leurs litiges à la juridiction des cadis, juridiction coutumière de droit musulman.

483.Explicitement maintenue par l’article premier du traité du 25 avril 1841, la justice cadiale est organisée par la délibération no 64‑12 bis du 3 juin 1964 de la Chambre des députés des Comores portant réorganisation de la procédure en matière de justice musulmane, et le décret du 1er juin 1939 relatif à l’organisation de la justice indigène dans l’archipel des Comores, modifié par l’ordonnance no 81‑295 du 1er avril 1981 relative à l’organisation de la justice à Mayotte.

484.L’organisation judiciaire coutumière s’articule autours de trois juridictions:

a)Les 17 tribunaux de cadis, situés dans chacune des communes de Mayotte, sont compétents pour l’état des personnes et les litiges patrimoniaux n’excédant pas 300 euros. La juridiction est saisie par une requête écrite, généralement en shimaoré, traduite par le secrétaire‑greffier;

b)La juridiction du Grand cadi statue en appel sur les décisions des tribunaux de cadis et en premier ressort pour les litiges supérieurs à 300 euros. Elle connaît également des affaires relevant de la compétence des cadis lorsque ces derniers estiment devoir se dessaisir en raison de la complexité du litige;

c)La chambre d’annulation musulmane du tribunal supérieur d’appel, composée d’un président et de deux cadis sans voix délibérative, est compétente pour statuer en appel des décisions du Grand cadi.

485.Depuis le vote de la loi no 2003‑660 de programmation pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 et de la loi no 2004‑439 du 26 mai 2004 relative au divorce, les cadis peuvent connaître des litiges entre personnes de statut civil de droit local dans les domaines du droit suivants: affaires relatives à l’état et à la capacité des personnes, le mariage à l’exclusion du divorce et de la séparation de corps. Ils sont également compétents dans les petits litiges concernant les successions, les libéralités et les obligations.

486.Échappent à leur compétence la matière pénale, l’assistance éducative et les contentieux de moyenne et grande importance en matière d’obligation.

487.Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi no 2006‑911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, les cadis célébraient le mariage de personnes de droit local. Depuis, ce dernier est célébré en mairie par l’officier d’état civil en présence de deux témoins.

488.Les cadis remplissent un rôle de juge, mais aussi de médiateur et de régulateur de la vie sociale et familiale.

ii)Soutien aux langues régionales

489.En matière de valorisation des langues régionales d’outre‑mer, l’Accord sur l’avenir de Mayotte du 27 janvier 2000 prévoit une convention particulière entre la collectivité et l’État consacrée au développement culturel, à la promotion de l’identité mahoraise et au développement de la francophonie.

490.L’article 23 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L. 3533‑4 qui reprend les compétences du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement en matière culturelle et éducative reconnues aux régions et départements d’outre‑mer.

491.En outre, les articles L. 3551‑24 et L. 3551‑25 prévoient des dispositions particulières en matière linguistique. Ainsi, la collectivité peut conclure avec les sociétés publiques du secteur audiovisuel des conventions en vue de promouvoir la réalisation de programmes de télévision et de radiodiffusion ayant pour objet le développement des langues et de la culture mahoraises. Elle peut proposer, dans les mêmes conditions, un plan de renforcement de l’apprentissage du français et de développement de l’enseignement des langues et de la culture mahoraises. Les modalités d’application de ce plan font l’objet d’une convention conclue entre la collectivité départementale et l’État.

492.La situation très particulière de la collectivité où existent deux langues locales, le shimaoré et le shiboushi, parlées par la grande majorité de la population dans un contexte d’analphabétisme important et d’absence de maîtrise du français, a amené le conseil général à créer en 1997 l’Institut pour l’apprentissage du français, qui a pour objectif de mener des recherches linguistiques sur ces deux langues et de créer des méthodes d’apprentissage du français langue seconde, prenant en compte la spécificité identitaire mahoraise, par l’élaboration d’outils pédagogiques adaptés et par la formation des formateurs à ces méthodes, les instituteurs mahorais maîtrisant pour la plupart davantage les langues locales que le français, et par l’actualisation de la documentation.

e)Polynésie française

i)Spécificités juridiques

493.La loi organique no 2004‑192 du 27 février 2004 accorde le statut d’autonomie à la Polynésie française en précisant dans l’article premier la notion de «respect de ses spécificités géographiques et de l’identité de sa population». La collectivité possède toutes les compétences en matière d’environnement, d’exploitation des ressources maritimes naturelles et de développement culturel. Les langues polynésiennes sont d’ailleurs reconnues et l’étude de la culture et de la langue tahitienne est programmée et intégrée aux enseignements scolaires.

ii)Soutien aux langues et cultures locales

494.Au sein du chapitre consacré à l’identité culturelle, l’article 57 de la loi organique du 27 février 2004 prévoit que le français est la langue officielle de la Polynésie française. Son usage s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, ainsi qu’aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.

495.Toutefois, la loi dispose que la langue tahitienne est un élément fondamental de l’identité culturelle. Ciment de la cohésion sociale et moyen de communication quotidien, elle est reconnue et préservée, de même que les autres langues polynésiennes, aux côtés de la langue de la République, afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française.

496.Le français, le tahitien, le marquisien, la paumotu et le mangarevien sont les langues de la Polynésie française. Les personnes physiques et morales de droit privé en usent librement dans leurs actes et conventions, ceux‑ci n’encourent aucune nullité au motif qu’ils ne sont pas rédigés dans la langue officielle.

497.L’Université de la Polynésie française propose un cursus de langue tahitienne (DEUG/licence/maîtrise) et l’antenne polynésienne de l’IUFM du Pacifique prépare au CAPES de tahitien‑français depuis 1998. Une épreuve obligatoire de tahitien est prévue pour le recrutement des instituteurs territoriaux du corps de l’État pour l’administration de la Polynésie française (CEAPF). En outre, l’Université de la Polynésie française propose un module de formation au tahitien dans le cadre de la formation qu’elle dispense pour la préparation aux concours administratifs de la fonction publique territoriale. Il existe par ailleurs un projet de création d’une académie de langue marquisienne.

XVII. Recommandation figurant au paragraphe 25 des observations finales du Comité

A. La réforme législative relative à l’âge légal du mariage

498.L’article premier de la loi no 2006‑399 du 4 avril 2006 «renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs» a aligné l’âge légal du mariage pour les filles sur celui des garçons. En portant l’âge minimal légal du mariage pour les femmes de 15 à 18 ans, comme c’était déjà le cas pour les hommes, cette loi a mis fin à une différence existant depuis 1804 entre les hommes et les femmes face au mariage. Le nouvel article 144 du Code civil prévoit désormais que «l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant 18 ans révolus».

499.Les dispositions de l’article 144 du Code civil sont applicables de plein droit à l’ensemble des COM et des DOM/ROM. En premier lieu, l’article 18 de la loi du 4 avril 2006 précise en effet que «les dispositions de la présente loi sont applicables en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis‑et‑Futuna». Ensuite, les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et régions d’outre‑mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane et la Réunion) en vertu du principe de l’identité (ou «assimilation») législative (art. 73 de la Constitution). Enfin, l’article 144 du Code civil étant relatif à l’état des personnes, il est applicable de plein droit à Mayotte (art. 3 de la loi no 2001‑616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte) et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon (loi no 85‑595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon).

500.Au demeurant, le mariage d’un mineur sur le territoire français nécessite, outre l’accord de ses ascendants, que le Procureur de la République accorde une dispense d’âge, ce qui n’est prévu qu’en cas de motifs graves (art. 145 du Code civil). Ce dispositif a été complété à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté définitivement le 12 octobre 2006, dont l’article premier prévoit que, dans le cadre des formalités préalables à la célébration du mariage, le futur conjoint mineur est entendu par l’officier de l’état civil, hors la présence de son futur conjoint et de ses représentants légaux.

B. Les règles applicables en matière de déclaration de naissance

501.La déclaration de naissance est régie par l’article 56 du Code civil qui précise que celle‑ci doit être faite par le père ou, à défaut, par un membre du personnel médical ou toute autre personne ayant assisté à l’accouchement. Cette règle s’explique par la volonté d’éviter à la mère d’avoir à effectuer cette démarche qui doit être effectuée dans les trois jours suivant l’accouchement (art. 55 du Code civil). Il est donc matériellement difficile pour la mère de pouvoir se présenter devant l’officier de l’état civil dans un délai si bref après l’accouchement. Toutefois, une pratique courante consiste à faire la déclaration auprès d’une antenne de la mairie présente au sein même de la maternité, ce qui permet à la mère de réaliser cette démarche sans difficultés.

502.En tout état de cause, l’énumération de l’article 56 n’est pas exhaustive et la déclaration peut émaner de toute personne ayant assisté à l’accouchement, et notamment la mère elle‑même, lorsque l’accouchement s’est déroulé sans témoins ou lorsque les personnes désignées par l’article précité sont dans l’impossibilité de le faire.

C. Les réformes législatives relatives à l’égalité des enfants «légitimes», «naturels» et «adultérins» à l’égard des droits successoraux

503.Les enfants nés hors mariage bénéficient des mêmes droits que les enfants nés dans le cadre d’un mariage, dès lors que leur filiation est établie à l’égard de leurs parents.

504.En effet, la dernière discrimination, qui concernait les droits successoraux des enfants adultérins, a été abrogée par la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, lesquelles sont applicables de plein droit à l’ensemble des COM et des DOM/ROM (avec certains aménagements), ainsi qu’à Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. La France a ainsi tiré les conséquences de l’arrêt Mazureck contre France, rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 1er février 2000 et qui consacre le principe de l’égalité patrimoniale entre les enfants, quelle que soit la nature de leur filiation.

505.Plus encore, tirant les conséquences de la parfaite égalité entre les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, l’ordonnance no 2005‑759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a supprimé toute distinction entre «enfant légitime» et «enfant naturel».

XVIII. Recommandation figurant au paragraphe 26 des observations finales du Comité

506.Le juge, administratif ou judiciaire, est la première autorité indépendante de protection et d’application des droits de l’homme.

507.Des institutions spécialisées sont également en place au niveau national pour prévenir et corriger les violations des droits de l’homme, en particulier la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

A. La CNCDH

508.Une réforme du statut de la CNCDH est en cours, afin de satisfaire aux Principes de Paris, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 1993.

509.Un projet de loi visant à donner à l’existence de la CNCDH une base législative, garantie de son indépendance, a été déposé en novembre 2006 auprès de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Il est en cours d’examen.

1. Composition

510.La composition de la Commission tend à un double objectif, qui est d’assurer l’information réciproque de l’État et de la société civile et de garantir le pluralisme des convictions et opinions dans le domaine des droits de l’homme.

511.La participation de l’État est assurée, en ce qui concerne le pouvoir exécutif, par les représentants du Premier Ministre et de 17 ministres principalement concernés.

512.La présence d’un député désigné par le Président de l’Assemblée nationale et d’un sénateur désigné par le Président du Sénat permet la liaison avec le pouvoir législatif.

513.Celle de membres du Conseil d’État et de magistrats de l’ordre judiciaire facilite le contact avec le pouvoir juridictionnel.

514.Enfin, le Médiateur de la République apporte l’expérience de cette institution dans les rapports des particuliers avec les diverses administrations nationales et locales.

515.Le pluralisme des convictions et opinions est garanti par le choix des divers représentants de la société civile: représentants de 33 associations nationales ayant pour objet la promotion et la protection des droits de l’homme dans leurs différents aspects; représentants de 7 confédérations syndicales, 47 personnalités (notamment représentants des religions catholique, musulmane, protestante et juive; membres de l’université, du corps diplomatique, du barreau, sociologues...); 7 experts français siégeant dans leur capacité personnelle dans les instances internationales de droits de l’homme: Comité pour l’élimination de la discrimination raciale; Sous-Commission de lutte contre les mesures discriminatoires; Groupe d’experts chargé d’étudier l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; Comité européen pour la prévention de la torture; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

2. Attributions

516.Conformément à son décret constitutif du 30 janvier 1984 modifié, la compétence de la Commission s’étend à la totalité du champ des droits de l’homme: libertés individuelles, civiles et politiques; droits économiques, sociaux et culturels; domaines nouveaux ouverts par les progrès sociaux, scientifiques et techniques; action et droit humanitaires.

517.Ses attributions initiales qui privilégiaient l’action de la France en faveur de la défense des droits de l’homme dans le monde ont été étendues à l’ensemble des questions nationales relevant des droits de l’homme.

518.La Commission, qui conserve ses attributions antérieures dans le domaine international, contribue à la préparation des rapports que la France présente devant les organisations internationales. Elle éclaire de ses avis les positions françaises dans les négociations multilatérales portant sur les droits de l’homme. Elle attire l’attention de la diplomatie française sur les graves violations des droits de l’homme dans le monde. Elle coopère avec les autres institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme.

519.Elle a une double fonction de vigilance et de proposition. Cette double fonction s’exerce aussi bien en amont de l’action gouvernementale lors de l’élaboration des projets de loi ou de règlement, des politiques et programmes, qu’en aval pour vérifier l’effectivité du respect des droits de l’homme dans les pratiques administratives.

520.Commission indépendante, elle donne des avis consultatifs au Gouvernement français. Agissant sur saisine du Premier Ministre et des membres du Gouvernement ou par autosaisine, elle rend publics ses avis et études.

B. Le Médiateur de la République

521.Depuis sa création en 1973, l’institution du Médiateur de la République a pour mission d’améliorer les relations entre l’administration française et le citoyen.

522.Nommé pour six ans et irrévocable, ce qui garantit son indépendance, le Médiateur de la République examine au cas par cas l’inadaptation de certains textes ou procédures, les excès de certains comportements. Il propose des solutions sur mesure et des réformes de fond.

523.Depuis 2000, toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’un organisme visé à l’article premier n’a pas fonctionné conformément à la mission de service public qu’il doit assurer peut, par une réclamation individuelle, demander que l’affaire soit portée à la connaissance du Médiateur de la République, par l’intermédiaire de son député ou sénateur.

524.Depuis 2005, le Médiateur de la République dispose, sur l’ensemble du territoire, de délégués qu’il désigne. Ils apportent aux personnes visées au premier alinéa de l’article 6 les informations et l’assistance nécessaires à la présentation des réclamations.

525.Afin de faire connaître l’institution du Médiateur par les groupes vulnérables, le Médiateur de la République et le Ministre de la justice ont signé, le 16 mars 2005, une convention destinée à mettre en place à titre expérimental des permanences de délégués du Médiateur dans les établissements pénitentiaires. Le but étant de permettre aux détenus d’être concrètement informés du rôle et des missions du Médiateur ainsi que sur son mode de saisine. Dix établissements, comptant au total 7 500 détenus, soit plus de 10 % de la population pénale française, ont été choisis: la maison d’arrêt de Fresnes; le centre pénitentiaire de Marseille: Les Baumettes, la maison d’arrêt d’Aix‑en‑Provence-Luynes, la maison d’arrêt de Saint‑Étienne, le centre de détention de Melun, le centre de détention de Bapaume, la maison centrale de Poissy, la maison d’arrêt de Nanterre, la maison d’arrêt d’Épinal et la maison d’arrêt de Toulon La Farlède. La phase expérimentale s’est achevée en 2006 et les résultats positifs obtenus ont permis d’envisager une généralisation progressive du dispositif avec la création, en 2007, de 25 permanences de délégués en établissements pénitentiaires. Cette première extension permettra désormais de toucher un total de 26 500 détenus.

C. Le Défenseur des enfants

526.Le Défenseur des enfants a été institué par la loi no 2000‑196 du 6 mars 2000. La loi confère à cette autorité indépendante un rôle de défense et de promotion des droits de l’enfant, tels qu’ils ont été consacrés par la loi ou les engagements internationaux ratifiés ou approuvés par la France (art. 1).

527.Dans le cadre de sa mission, le Défenseur des enfants reçoit les réclamations individuelles dénonçant la violation des droits de l’enfant commise par une personne publique ou privée. Le Défenseur des enfants est relayé, au niveau départemental ou régional selon la densité de population, par des correspondants territoriaux qui assurent un rôle de renseignement, d’orientation et de coordination auprès de l’ensemble des personnes concernées par la situation du mineur visé par la réclamation.

528.La particularité de cette autorité indépendante est d’être saisie directement par les particuliers, sans l’intermédiaire d’un parlementaire.

529.Il peut ainsi être saisi: par les enfants mineurs eux‑mêmes, avec dans ce cas la possibilité d’aviser de cette réclamation le représentant légal du mineur requérant; par les représentants légaux des enfants mineurs; et par les associations reconnues d’utilité publique qui défendent les droits de l’enfant.

530.Ainsi, dans le respect du principe général lui interdisant toute intervention dans les procédures judiciaires, son champ d’intervention amène le Défenseur des enfants à s’intéresser à la place de l’enfant en tous domaines, y compris dans la sphère judiciaire.

D. La Commission nationale de l’informatique et des libertés

531.La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a été instituée par la loi no 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui la qualifie d’autorité administrative indépendante.

532.C’est un collège pluraliste de 17 commissaires: 4 parlementaires (2 députés, 2 sénateurs), 2 membres du Conseil économique et social, 6 représentants des hautes juridictions (2 conseillers d’État, 2 conseillers à la Cour de cassation, 2 conseillers à la Cour des comptes), 5 personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale (1 personnalité), par le Président du Sénat (1 personnalité), par le Conseil des ministres (3 personnalités).

533.Le mandat de ses membres est de cinq ans ou, pour les parlementaires, d’une durée égale à leur mandat électif.

1. Attributions

534.Tout citoyen peut saisir la CNIL pour:

a)Porter plainte concernant des difficultés à exercer ses droits à information, opposition, accès ou rectification des données individuelles le concernant; des abus ou des pratiques irrégulières;

b)Demander conseil avant d’utiliser des données personnelles;

c)Accéder à des fichiers de police ou de gendarmerie;

d)Demander les coordonnées d’un responsable de fichier auprès de qui exercer ses droits.

535.Lorsqu’elle est saisie par un citoyen, la CNIL peut:

a)Intervenir comme médiateur en vue d’un règlement amiable d’un problème, en particulier dans l’exercice du droit d’accès à des données et du droit d’opposition à figurer dans un traitement ou à faire l’objet de prospection commerciale;

b)Contrôler des personnes ou des organismes qui exploitent des données personnelles;

c)Prononcer des sanctions;

d)Dénoncer à la justice des infractions graves.

E. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

536.Le Président de la République a décidé de mettre en place une autorité indépendante pour traiter de l’ensemble des discriminations visées par deux directives européennes de 2000 et 2002. Ces dernières ont ainsi été transposées en droit interne par la loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), promulguée le 30 décembre 2004 et publiée au Journal officiel du 31 décembre 2004.

537.La HALDE est une instance collégiale de 11 membres nommés par décret du Président de la République pour un mandat de cinq ans, non révocable et non renouvelable. Un comité consultatif de 18 membres a été créé pour lui donner une ouverture sur la société civile.

538.La HALDE est compétente pour toutes les discriminations, directes ou indirectes, réprimées par la loi ou par un engagement international ratifié par la France.

539.Deux missions principales lui sont confiées: le traitement des cas de discrimination et la promotion de l’égalité, dans les secteurs privé et public.

540.Concernant les cas de discrimination, la HALDE peut être saisie, soit directement par la victime, soit par l’intermédiaire d’un parlementaire ou d’un représentant parlementaire français au Parlement européen, soit conjointement par la victime et une association. La HALDE peut également s’autosaisir, si une victime identifiée ne s’y oppose pas.

541.Sans empiéter sur les pouvoirs de la justice, la HALDE peut demander des explications, auditionner des personnes, consulter des documents ou même, dans certains cas, procéder à des vérifications sur place.

542.Ses pouvoirs ont été renforcés par la loi no 2006‑396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances (art. 41 à 47): elle peut maintenant proposer à l’auteur d’une discrimination une transaction consistant dans le versement d’une amende et, s’il y a lieu, dans l’indemnisation des victimes, qui épuise l’action publique au pénal, sous condition d’accord du Procureur de la République.

543.Dans les matières qui relèvent des services publics, la HALDE peut demander aux autorités d’ordonner des enquêtes, menées par des organismes ou corps de contrôle. Elle peut également initier une médiation. Dans ce cas, la possibilité pour la HALDE de publier des recommandations à l’encontre de l’administration mise en cause est une forte incitation à coopérer.

544.Depuis sa création au mois d’avril 2006, 900 saisines ont été comptabilisées. Près de la moitié (45 %) concerne le domaine de l’emploi. Le critère de discrimination prédominant est celui de l’origine (40 %).

545.Concernant la promotion de l’égalité, la HALDE conduit des travaux d’études et de recherches, suscitant et soutenant des initiatives d’organismes publics ou privés prises en vue de l’adoption de chartes de bonne pratique en matière d’égalité de traitement.

546.La HALDE peut également émettre des recommandations sur des textes de nature législative ou réglementaire. Elle est consultée par le Gouvernement sur les textes relatifs à la lutte contre les discriminations ou à la promotion de l’égalité.

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