Nations Unies

CRC/C/89/D/127/2020

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

11 mars 2022

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 127/2020*,**

Communication présentée par :

A. P. (représentée par un conseil, Frédéric Fabre)

Victime(s) présumée(s) :

S. T. P.

État partie :

France

Date de la communication :

10 novembre 2020 (date de la lettre initiale)

Objet :

Placement d’un enfant autiste dans une institution spécialisée

Question ( s ) de fond :

Développement de l’enfant ; séparation des enfants des parents ; droit de l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant

Article(s) de la Convention :

6, 9, 12, 23 (par. 1) et 37 (al. a))

1.L’auteure de la communication est A. P., de nationalité française, agissant au nom de son fils S. T. P., né le 10 mars 2008, de nationalité française également. Elle allègue une violation par l’État partie des articles 6, 9, 12, 23 (par. 1) et 37 (al. a)) de la Convention. Elle demande que l’enfant lui soit rendu pendant l’examen de sa communication. L’auteure est représentée par un conseil, Frédéric Fabre. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 7 avril 2016.

2.Le 19 novembre 2020, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail des communications, a décidé d’enregistrer la communication. Le Comité n’a pas accédé à la demande de mesures provisoires de l’auteure de placer l’enfant chez elle, mais a demandé à l’État partie de garantir une évaluation immédiate de l’enfant par des spécialistes indépendants, afin de déterminer son état de santé physique et mentale ainsi que d’assurer son accès immédiat aux soins médicaux qui pourraient être requis.

3.Après la naissance de son fils, l’auteure s’est séparée de son mari, qui bénéficiait encore d’un régime de droit de visite et d’hébergement régulier. Les médecins ont décelé un trouble du spectre de l’autisme chez l’enfant.

4.Le 14 octobre 2016, le Procureur de la République de Bonneville a saisi le juge des enfants sur la base d’une évaluation socioéducative de la Direction de la prévention et du développement social faisant état de la situation de S. T. P., alors âgé de 8 ans, qui présentait des troubles du développement et du langage, situation pour laquelle aucune évaluation n’avait été possible, autrement que par l’intermédiaire d’une rencontre avec sa mère. Par décision du 12 janvier 2017, une mesure judiciaire d’investigation éducative a été ordonnée, à la suite de laquelle, le 25 octobre 2017, une mesure d’accueil de jour a été mise en place. Cette mesure a été renouvelée le 23 octobre 2018, puis le 7 novembre 2019, dans l’attente du retour d’une expertise psychiatrique et pour une durée maximale d’un an.

5.Le 20 juillet 2020, le juge des enfants près le tribunal de Bonneville a accordé la mainlevée de la mesure d’accueil de jour ordonnée le 25 octobre 2017, et a confié S. T. P. à la Direction de la protection de l’enfance de Haute-Savoie jusqu’au 30 juillet 2021. Le juge a constaté que la mère, s’abritant derrière son fils, dont il apparaît clairement que son comportement se calque sur les attentes maternelles, consacrait toute son énergie à mettre en échec le travail du service d’accueil et la reprise du lien avec le père. Le juge a considéré que la situation péjorative de S. T. P., confiné dans un face-à-face avec sa mère et dans l’impossibilité d’exister par lui-même, devait connaître une évolution désormais sans délai, ce que l’expert psychiatrique préconisait, afin de permettre une nécessaire mise à distance, non pour rompre les liens entre les parents et l’enfant, mais pour tenter de rééquilibrer une relation, offrir à l’enfant un espace lui permettant de grandir et de se développer comme sujet à part entière. Le juge a accordé aux deux parents un droit de visite en présence continue d’un tiers et a demandé qu’un rapport soit adressé au juge des enfants tous les six mois, quinze jours avant la date d’échéance. Enfin, le juge a ordonné l’exécution provisoire de cette décision. Le 6 octobre 2020, la cour d’appel de Chambéry a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du 20 juillet 2020.

6.Le 6 avril 2021, l’État partie a demandé qu’il soit statué de manière séparée sur la recevabilité de l’affaire. Il considérait que la requête était irrecevable, les recours internes n’ayant pas été épuisés puisque la procédure judiciaire − l’appel contre le jugement de placement de l’enfant − était toujours en cours.

7.Cependant, le 15 juillet 2021, la cour de justice de Bonneville a rendu un jugement levant le placement de S. T. P. Le juge des enfants, après avoir admis que le placement de l’enfant ne lui avait pas permis de renouer des liens avec son père, a jugé que la mesure apparaissait contre-productive pour l’adolescent qui, en raison de ses troubles du spectre de l’autisme, devait faire l’objet d’un accompagnement soutenu et d’une attention particulière. Les 20 juillet et 7 octobre 2021, l’auteure a informé le Comité que son enfant était retourné chez lui, auprès d’elle.

8.Réuni le 8 février 2022, le Comité, ayant constaté que le fils de l’auteure lui avait été rendu et que le placement de S. T. P. n’était plus en place, a décidé de mettre fin à l’examen de la communication no 127/2020, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, celle-ci étant devenue sans objet.