Nations Unies

CAT/OP/MDV/ROSP/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

1er février 2021

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée aux Maldives du 8 au 11 décembre 2014 : recommandations et observations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , ** , ***

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−93

II.Facilitation de la visite et collaboration des autorités10−144

III.Observations et recommandations15−1114

1.Cadre normatif et institutionnel15−294

2.Situation des personnes privées de liberté30−977

2.1Garde à vue et détention provisoire30−607

2.2Établissements pénitentiaires61−8712

2.3Foyer pour personnes ayant des besoins particuliers88−9717

3.Mécanisme national de prévention98−11119

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the SPT21

II.Officials and other persons with whom the delegation met22

I.Introduction

1.Conformément au mandat qui lui incombe au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « le Protocole facultatif »), le Sous-Comité pour la prévention de la torture a effectué une visite de suivi dans la République des Maldives (ci‑après « les Maldives ») du 8 au 11 décembre 2014.

2.La première visite régulière effectuée par le Sous-Comité dans le pays avait eu lieu du 10 au 17 décembre 2007 et le rapport correspondant avait été transmis à l’État partie à titre confidentiel le 9 février 2009 et publié par le Gouvernement le 23 février 2009. À ce jour, le Sous-Comité n’a reçu aucune réponse sur la suite donnée à ses recommandations ni aux demandes de renseignements formulées dans son premier rapport.

3.Le 5 juin 2014, compte tenu de l’absence de réponse du Gouvernement maldivien et conformément au Protocole facultatif, le Sous-Comité a rencontré des représentants de la Mission permanente des Maldives auprès de l’Office des Nations Unies à Genève au cours de sa vingt-troisième session et proposé à cette occasion d’effectuer une visite de suivi dans l’État partie. Des lettres officielles de notification ont été adressées à la Mission permanente le 15 août et le 16 octobre 2014, respectivement.

4.La délégation du Sous-Comité était composée des membres suivants : Petros Michaelides (chef de la délégation), Arman Danielyan, Lowell Patria Goddard et Suzanne Jabour. Elle a bénéficié de l’assistance de deux spécialistes des droits de l’homme et d’un agent de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

5.Pendant sa visite, le Sous-Comité s’est rendu dans des lieux de privation de liberté (voir annexe 1), s’est entretenu avec le Ministre des affaires étrangères et le coordonnateur du Gouvernement, s’est réuni avec le mécanisme national de prévention et a rencontré des représentants de la société civile.

6.Cette visite avait pour principal objectif de suivre les progrès réalisés par l’État partie dans la mise en œuvre des recommandations formulées par le Sous-Comité à l’issue de sa première visite en 2007, mais elle a aussi été l’occasion pour la délégation de déceler de nouveaux problèmes relevant de son mandat. En conséquence, le présent rapport contient non seulement un compte rendu de l’application des précédentes recommandations du Sous‑Comité, mais aussi de nouvelles recommandations concernant la situation observée pendant la visite. Dans le présent rapport, le terme générique « mauvais traitements » renvoie à toute forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

7.Le présent rapport et le rapport de 2007 s’inscrivent dans le cadre d’un dialogue entre le Sous-Comité et les autorités maldiviennes dont le but principal est la prévention de la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport demeura confidentiel jusqu’à ce que les autorités maldiviennes décident de le publier. Le Sous-Comité estime que la publication de ses rapports contribuerait à prévenir la torture et les mauvais traitements aux Maldives. En conséquence, il recommande à l ’ État partie d ’ autoriser la publication du présent rapport.

8.Le Sous-Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial établi en application de l’article 26 du Protocole facultatif. Des demandes de financement de la mise en œuvre des recommandations formulées dans les rapports du Sous-Comité peuvent être soumises une fois que ceux-ci ont été publiés.

9.Le Sous-Comité prie les autorités maldiviennes de lui faire parvenir dans les six mois suivant la date à laquelle le présent rapport leur a été transmis des renseignements complets sur les mesures prises pour donner suite à toutes les recommandations qui y figurent, en précisant si elles entendent le publier.

II.Facilitation de la visite et collaboration des autorités

10.Le Sous-Comité remercie vivement le mécanisme national de prévention des Maldives pour l’esprit de coopération dont il a fait preuve pendant la visite. En revanche, il note un manque regrettable de coopération de la part des autorités maldiviennes pendant la préparation de la visite sur plusieurs questions critiques, notamment en désignant très tardivement un coordonnateur et en organisant en dernière minute des réunions avec les autorités à Malé. Le fait que tout ait été planifié au dernier moment a failli compromettre le succès de la visite avant même qu’elle n’ait commencé.

11.La veille de la visite, les autorités maldiviennes ont sollicité son report au motif qu’une crise de l’eau sévissait à Malé. Le Sous-Comité est parfaitement conscient des difficultés engendrées par cette crise et compatit pleinement avec le peuple et le Gouvernement maldiviens, mais il n’a reçu cette demande de report qu’après la date à laquelle la visite devait commencer, alors que tous les membres de la délégation se trouvaient déjà à Malé.

12.En raison de la crise de l’eau, le Sous-Comité n’a pas pu rencontrer les autorités au début de sa visite comme prévu initialement, ni soumettre ses observations préliminaires confidentielles au Gouvernement à la fin de sa visite.

13.Le 8 juin 2014, le Sous-Comité a toutefois pu rencontrer brièvement le Ministre des affaires étrangères. Même si le Gouvernement n’a pas été en mesure d’aider activement la délégation du Sous-Comité ni de collaborer pleinement avec elle pendant sa visite en raison des problèmes liés à la crise de l’eau à Malé, le Sous-Comité a pu modifier son programme d’activités et obtenir un résultat concret. Les membres de la délégation ont fait de nouveau savoir qu’ils souhaitaient rencontrer le Gouvernement à la fin de leur visite et qu’ils étaient à sa disposition, le cas échéant.

14.Cependant, comme indiqué précédemment, cette rencontre n’a pas été possible. Le Sous-Comité relève néanmoins avec satisfaction que la direction des quatre institutions visitées par les membres de la délégation a fait preuve d’une plus grande volonté de coopérer ce qui a permis au Sous-Comité de s’acquitter des tâches qui lui incombaient en vertu du Protocole facultatif.

III.Observations et recommandations

1.Cadre normatif et institutionnel

Cadre normatif

15.Le Sous-Comité note avec satisfaction qu’en avril 2010, l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pour ce qui est des mesures prises au plan national, il félicite l’État partie de l’adoption en décembre 2013 de la loi sur la lutte contre la torture, qui criminalise la torture, interdit le placement à l’isolement et établit l’irrecevabilité dans le cadre d’une procédure des déclarations obtenues par la torture. En outre, cette loi confère à la Commission maldivienne des droits de l’homme le statut de mécanisme national de prévention, faisant de cette institution un organe délibérant. Le Sous‑Comité est toutefois préoccupé par des informations indiquant que la définition de la torture énoncée dans ce texte ne contient pas tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Par exemple, il n’y est pas fait mention des actes de torture commis par une personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ni des actes de torture perpétrés pour des motifs discriminatoires. Le Sous-Comité recommande aux Maldives de mettre en conformité la définition de la torture énoncée dans la loi sur la lutte contre la torture avec celle figurant à l ’ article premier de la Convention contre la torture et avec les dispositions de l ’ article 4 de cet instrument .

16.L’adoption en 2013 de la loi sur les prisons et la libération conditionnelle, qui prévoit des procédures régissant la libération conditionnelle, ainsi que l’imposition de mesures disciplinaires, représente un progrès encourageant. Le Sous-Comité note cependant avec inquiétude que, d’après les informations portées à sa connaissance, le mécanisme de plainte prévu par la loi ne remplit pas les critères de confidentialité et d’indépendance voulus car les détenus ont l’obligation de remettre leurs plaintes sur les conditions de détention et leurs allégations de mauvais traitements au personnel pénitentiaire. Le Sous-Comité recommande aux Maldives de modifier les dispositions de la loi sur les prisons et la libération conditionnelle afin d ’ assurer qu ’ un mécanisme de plainte efficace, confidentiel et indépendant soit en place.

17.Le Sous-Comité note que le nouveau Code pénal adopté en 2014 prévoit que les châtiments corporels sont autorisés s’ils sont infligés aux enfants en guise de mesure disciplinaire par leurs parents, leur tuteur, leurs enseignants et d’autres personnes chargées de surveiller ou de garder des enfants. En outre, en vertu de la charia, la flagellation demeure une peine applicable aux personnes, y compris aux enfants, bien qu’une nouvelle réglementation sur la flagellation adoptée en octobre 2014 par la Cour suprême des Maldives prévoie que cette peine ne peut être exécutée qu’une fois que l’enfant a 18 ans révolus. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que la pratique de la flagellation est inacceptable et qu’elle ne devrait pas faire partie des peines applicables, quel que soit le type d’infraction. Il invite l’État partie à indiquer si le nouveau Code pénal autorise l’infliction de châtiments corporels aux enfants en guise de mesure disciplinaire et, si tel est le cas, l’engage à modifier les dispositions pertinentes et à interdire sous toutes leurs formes les châtiments corporels infligés à des fins disciplinaires et en guise de sanction pour des actes considérés comme des infractions dans la charia.

18.Le Sous-Comité se dit préoccupé par l’absence de progrès accomplis depuis 2007 et relève en particulier les lacunes suivantes :

a)L’État partie n’a pas encore mis en place de système de justice pour mineurs et, dans ces conditions, les mécanismes chargés d’examiner les affaires concernant des mineurs en conflit avec la loi ne tiennent pas toujours compte de leur intérêt supérieur ;

b)Aucune information n’a été fournie au sujet de l’adoption du projet de loi sur la détermination des peines, le projet de loi sur l’administration de la preuve, le projet de loi sur la sécurité nationale et le projet de loi sur les procédures de détention.

19. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son cadre normatif, en tant que protection fondamentale contre la torture, de façon à le rendre pleinement conforme à la Constitution et aux normes internationales. Il réitère ses recommandations précédentes et l ’ exhorte à leur donner suite dans les meilleurs délais.

Cadre institutionnel

20.Commission de l ’ intégrité des services de police. La Commission de l’intégrité des services de police a été créée en application de la loi de 2008 sur la police. Elle est habilitée à enquêter de manière indépendante sur les plaintes déposées contre la police. Son mandat se limite toutefois à l’établissement de rapports sur les résultats de ses enquêtes et à la soumission de ces rapports au Ministre de l’intérieur pour suite à donner. La Commission peut aussi transmettre des affaires au Bureau du Procureur général afin que celui-ci engage des poursuites pénales. Le Sous-Comité note avec préoccupation que la Commission n’est pas habilitée à formuler directement des recommandations et craint que cela compromette son indépendance et l’efficacité de ses travaux.

21.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de revoir le mandat de la Commission de l ’ intégrité des services de police afin que son indépendance vis-à-vis de l ’ exécutif soit garantie . Il prie les autorités maldiviennes de fournir de plus amples informations sur le nombre et le type de plaintes dont la Commission de l’intégrité des services de police a été saisie pendant la période 2013-2014 et sur le résultat des enquêtes menées à leur sujet, en précisant le nombre de poursuites et de condamnations. Il souhaiterait en outre être informé de l’issue de l’examen des 35 affaires pendantes que le Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public avait transmises à la Commission. Il souhaiterait aussi des renseignements sur le mandat d’autres organismes ou bureaux habilités à examiner les plaintes déposées contre la police, dont l’Inspection générale des services et le Conseil disciplinaire de la police, et des informations sur le nombre et le type de plaintes déposées pendant la période 2013-2014 et le résultat des enquêtes ouvertes à leur sujet.

22.Surveillance exercée par les procureurs. S’il le juge utile, le Procureur général peut ordonner l’ouverture d’une enquête sur les plaintes dénonçant des activités criminelles. Cependant, les procureurs ne sont pas dotés de pouvoirs d’enquête et n’exercent aucun contrôle direct sur la police judiciaire, ce qui réduit leur marge de manœuvre et nuit à l’efficacité des enquêtes. En outre, les procureurs ne peuvent pas s’acquitter pleinement de leurs tâches en matière de surveillance des conditions de détention provisoire en raison de la grave pénurie de ressources financières et humaines. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer suffisamment de ressources financières, humaines et techniques au Bureau du Procureur général afin qu ’ il soit à même de remplir efficacement sa mission, en particulier en ce qui concerne la surveillance de la légalité des enquêtes de la police et des placements en garde à vue .

23.Indépendance et intégrité du pouvoir judiciaire. Le Sous-Comité note que des changements importants sont intervenus en ce que la Constitution maldivienne garantit désormais l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais il est préoccupé par des allégations faisant état de pressions politiques exercées sur le pouvoir judiciaire, qui seraient dues au moins en partie à l’absence de système solide et impartial de vérification des antécédents et de reconduction dans leurs fonctions des juges et à l’absence de vérification approfondie de l’intégrité et de l’indépendance des magistrats. Le Sous-Comité est également préoccupé par la composition actuelle de la Commission des services judiciaires, organe chargé de nommer et de révoquer les juges, qui est perçue comme politisée. L’absence de transparence en ce qui concerne la répartition des affaires entre les magistrats et la constitution des collèges de juges et les allégations de fautes professionnelles commises par des juges, notamment de corruption, suscitent la méfiance du public et favorise un sentiment d’impunité des pouvoirs publics.

24.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre en place un système judiciaire pleinement indépendant et qualifié et doté de ressources suffisantes. La composition et le fonctionnement de la Commission des services judiciaires devraient être mis en conformité avec les normes internationales relatives à l’indépendance du système judiciaire. Le code de déontologie des juges devrait être systématiquement appliqué dans le plein respect des garanties fondamentales d’une procédure équitable. En outre, l’État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations de pressions politiques ou d’autres pressions extérieures sur les magistrats fassent l’objet d’une enquête indépendante et faire en sorte que les responsables aient à rendre publiquement des comptes de leurs actes. L’État partie est invité à citer dans ses réponses au présent rapport des exemples de poursuites engagées dans des affaires de ce type et de condamnations auxquelles elles ont abouti.

25.Retards dans l ’ administration de la justice. Le Sous-Comité est préoccupé par des affaires de détention prolongée sans jugement, depuis quatre ans et demi, dans le cas d’une Indienne placée au centre de détention de Dhoonidhoo, et trois ans dans celui d’une autre personne. Ces cas de détention prolongée constituent une violation du principe de la présomption d’innocence et du droit de toute personne inculpée d’une infraction d’être jugée sans retard excessif. En outre, elles ont pour effet d’engorger encore plus le système de détention provisoire et d’entraver l’accès des détenus aux services de réinsertion.

26. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures efficaces de substitution à la détention provisoire et de veiller à ce que : a) le placement en détention provisoire ne soit prononcé qu ’ en dernier recours ; b) la durée de la détention provisoire ne soit pas indûment prolongée ; et c) des organes judiciaires contrôlent régulièrement et en toute indépendance la durée et les conditions de la détention provisoire.

27.Accès à un avocat et à l ’ aide juridictionnelle. Le Sous-Comité note que le droit à l’aide juridictionnelle est rendue obligatoire par la Constitution, mais seulement dans les affaires pénales concernant des infractions graves dont l’auteur présumé n’a pas les moyens d’engager un avocat. D’après des renseignements obtenus par la délégation, l’aide juridictionnelle est fournie par la Commission maldivienne des droits de l’homme et par l’État, mais elle est insuffisante et ne correspond pas aux besoins. Le Sous-Comité rappelle ses précédentes recommandations et engage de nouveau l ’ État partie à allouer suffisamment de ressources techniques et financières au système national d ’ aide juridictionnelle pour que toutes les personnes privées de liberté puissent bénéficier de l ’ assistance d ’ un avocat dès le début de leur détention.

28.Absence de mécanisme efficace de plainte. Le Sous-Comité demeure préoccupé par l’absence de progrès réalisés dans l’application de ses précédentes recommandations concernant la nécessité de mettre en place des mécanismes indépendants de plainte accessibles aux détenus. Dans tous les lieux de détention visités par la délégation, la majorité des personnes interrogées ont dit n’avoir aucune confiance dans le système de plainte et certaines ignoraient qu’elles avaient la possibilité de saisir la Commission maldivienne des droits de l’homme d’une plainte. En outre, la délégation a constaté que d’autres organes d’inspection tels que le Comité de surveillance des prisons n’étaient en réalité pas opérationnels.

29. Le Sous-Comité réitère ses précédentes recommandations à ce propos et invite l ’ État partie à faire en sorte que les informations voulues sur le droit de porter plainte contre la police et le personnel pénitentiaire et sur la procédure à suivre soient mises à la disposition des intéressés et soient largement diffusées, notamment en les affichant de manière bien visible dans tous les lieux de détention.

2.Situation des personnes privées de liberté

2.1Garde à vue et détention provisoire

30.Le Sous-Comité s’est rendu au poste de police de Guraidhoo mais personne n’y était détenu et il n’y avait pas de cellule à cet effet. L’agent de police présent a indiqué que toutes les personnes arrêtées étaient directement transférées au tribunal puis à la maison d’arrêt de Malé dans les vingt-quatre heures suivant leur arrestation. La vérification du registre du poste de police a permis de confirmer ces informations.

31.Le Sous-Comité a noté avec satisfaction que sa recommandation précédente selon laquelle les personnes arrêtées ou détenues devraient être présentées à un juge dans les vingt‑quatre heures semblait être appliquée par le poste de police de Guraidhoo. Toutefois, le Sous-Comité a reçu lors d’autres visites des informations indiquant que certains travailleurs migrants, qui n’avaient pas respecté les prescriptions de la législation sur l’immigration, n’avaient pas été présentés à un juge dans les vingt-quatre heures.

32.Accès à un avocat. En dépit de l’article 51 de la Constitution maldivienne qui prévoit que les détenus ont le droit à un conseil juridique pouvant fournir des services adaptés à leur situation, le Sous-Comité a constaté que l’aide juridictionnelle gratuite n’était pas offerte à tous ceux qui en avaient besoin. Certains détenus interrogés pendant la visite, y compris un mineur, ont indiqué au Sous-Comité qu’ils avaient renoncé à leur droit à l’aide juridictionnelle sans en donner les raisons. Dans un autre cas, un détenu aurait été maintenu en détention pendant neuf mois sans aucun accès à un avocat. En outre, le Sous-Comité a reçu des informations concernant un détenu qui est resté menotté pendant plusieurs jours dans un poste de police sans avoir accès à une aide juridictionnelle.

33.Au vu de ce qui précède, le Sous-Comité rappelle à l’État partie qu’un détenu doit bénéficier du droit à l’aide juridictionnelle de son choix dès le début de sa détention. Un représentant en justice indépendant devrait être présent afin d’assister le détenu pendant tous les interrogatoires de police et durant les comparutions devant un juge, ce qui constitue une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. Si un détenu a subi des actes de torture ou des mauvais traitements, l’accès à un conseil juridique, outre sa fonction préventive, facilitera l’exercice du droit de plainte contre un tel traitement.

34. Le Sous-Comité recommande aux autorités de veiller à ce que les personnes privées de liberté soient systématiquement informées de leur droit d ’ avoir accès à l ’ avocat de leur choix, aient le droit de bénéficier d ’ une aide juridictionnelle gratuite et puissent exercer librement ce droit dès le début de la privation de liberté et tout au long de la procédure pénale . En outre, si une personne détenue n ’ a pas choisi d ’ avocat, elle devrait avoir le droit de s ’ en voir désigner un, et ce, sans frais si elle n ’ a pas les moyens de le rémunérer .

35.Droit d ’ informer un tiers du placement en détention. Le droit des personnes privées de liberté d’informer une personne de leur choix de leur détention représente une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. Les autorités ont indiqué que les enquêteurs informaient dûment la famille de la personne arrêtée. Dans certains cas, les personnes détenues ne souhaitaient pas que leur famille soit prévenue et leur demande était prise en compte.

36.Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que les personnes privées de liberté doivent pouvoir prévenir elles-mêmes ou demander à l’autorité compétente de prévenir une personne de leur choix de leur détention et du lieu où elles sont détenues. Cette notification doit être effectuée sans délai après le placement initial en détention ou l’arrestation ainsi qu’après tout transfert d’un lieu de détention à un autre.

37. Information sur les droits des détenus. La Constitution et la législation sont muettes en ce qui concerne le droit des personnes détenues d’être informées de leurs droits. Toutefois, au cours de la visite de la maison d’arrêt de Dhoonidhoo, le Sous-Comité a constaté qu’il y avait dans la zone d’accueil des affiches qui présentaient dans plusieurs langues les droits des personnes détenues. En outre, bon nombre des détenus interrogés ont déclaré qu’ils avaient été informés de leurs droits lors de leur arrivée à Dhoonidhoo et qu’ils avaient reçu un document à signer qui exposait leurs droits au titre de l’article 48 de la Constitution. Le Sous-Comité se réjouit de cette amélioration. Il rappelle cependant que le droit des personnes détenues d’être informées de leurs droits dès leur placement en détention devrait être prévu par la législation applicable. En outre, une copie du document exposant les droits au titre de l’article 48 de la Constitution devrait être donnée à la personne détenue dès son placement en garde à vue.

38.Registre des personnes détenues. Le Sous-Comité accueille avec satisfaction l’instauration à Dhoonidhoo d’une base de données électronique qui contient des informations détaillées sur les motifs de la détention et sa durée, les transferts dans et en dehors de l’établissement, les éventuelles comparutions devant un juge, les plaintes et requêtes, les mesures disciplinaires et les visites d’un membre de la famille ou les consultations médicales. La délégation a aussi constaté que la base de données générales contenait également des informations médicales relatives aux détenus, y compris des rapports médicaux. Chaque prisonnier avait son propre dossier sur papier et les plaintes et requêtes des détenus étaient consignées dans des archives sur papier séparées. Le Sous-Comité note avec satisfaction l ’ instauration d ’ un registre électronique complet . Toutefois, il réitère sa recommandation précédente selon laquelle les dossiers médicaux des détenus ne devraient pas être intégrés aux registres généraux de la base de données, afin de respecter le principe du secret médical.

39.Mesures disciplinaires et mise à l ’ isolement. Quatre cellules d’isolement de la maison d’arrêt de Dhoonidhoo étaient utilisées à des fins disciplinaires ou d’isolement. Selon l’administration, la construction de nouvelles cellules d’isolement est prévue pour l’année prochaine. Le Sous-Comité s’est entretenu avec deux femmes et trois hommes placés à l’isolement pour une durée indéterminée. Tandis que les personnes détenues n’avaient pas connaissance de la durée possible de leur isolement, les membres du personnel ont donné des explications variables et parfois contradictoires concernant les règles et procédures qui régissent l’isolement.

40.La base de données électronique de Dhoonidhoo ne fournissait aucun renseignement sur les motifs, les types et la durée des sanctions disciplinaires et n’indiquait pas le nom de l’agent ayant imposé la sanction enregistrée. Les détenus n’ont pas le droit de faire appel de la décision des agents. En outre, la délégation du Sous-Comité a été informée du fait que les sanctions appliquées étaient celles prévues par le Règlement d’application 1/2014 de la loi sur la police et l’isolement n’en faisait pas partie. Les détenus placés à l’isolement ne peuvent pas quitter leur cellule pendant toute la période d’isolement et ne sont pas informés de la durée de la sanction. Dans un cas en particulier, le Sous-Comité n’a trouvé aucune trace des motifs et de la durée de l’isolement d’un détenu interrogé dans une des cellules prévues à cet effet.

41. Le Sous-Comité recommande que tous les incidents, sanctions et autres mesures disciplinaires soient systématiquement enregistrés, y compris les motifs et la nature de la sanction, sa durée et le nom de l ’ agent qui l ’ a imposée. Aucune sanction autre que celles prévues par la loi ou la réglementation ne devrait être infligée et les droits fondamentaux, tels que les contacts avec la famille, ne devraient pas être restreints . La mise à l ’ isolement ne devrait pas concerner les personnes en détention provisoire et, si le règlement de la prison la prévoit, elle ne devrait constituer qu ’ une mesure de dernier ressort, appliquée dans des circonstances exceptionnelles, d ’ une durée aussi brève que possible et sous stricte supervision. Les personnes à l ’ isolement devraient avoir accès à l ’ air libre pendant au moins une heure par jour. Les personnes faisant l ’ objet de mesures disciplinaires au cours de leur détention devraient bénéficier de la garantie formelle d ’ une procédure régulière, notamment du droit de se défendre et de faire appel de la sanction auprès d ’ une autorité indépendante.

42. Le Sous-Comité recommande en outre que les détenus faisant l ’ objet de sanctions ou placés à l ’ isolement soient clairement informés des motifs et de la durée de la sanction ou de l ’ isolement. Ils devraient également être avisés des mécanismes de plainte disponibles.

43.Accès aux soins de santé. De manière générale, la visite a permis de déceler des faiblesses systémiques dans les services de santé et de santé mentale mis en place dans les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité rappelle au Gouvernement des Maldives qu’il est chargé de s’assurer de la santé et du bien-être des personnes privées de liberté en concevant des systèmes nationaux de santé et de santé mentale axés sur le bien-être physique et psychologique des détenus, et en garantissant à ces personnes l’accès à des soins adaptés. Le Sous-Comité a constaté que, dans la plupart des établissements visités, la situation en matière de soins de santé était préoccupante et que l’accès aux services médicaux était insuffisant. Il a relevé le manque global de moyens financiers, matériels et humains. Le Sous‑Comité reconnaît toutefois que ce sont des problèmes d’ordre général qui touchent l’ensemble des Maldives.

44.L’équipe médicale de Dhoonidhoo se composait d’un médecin et de deux infirmiers et intervenait lors des heures d’ouverture réglementées et en cas d’urgence. Une petite pharmacie disposait des médicaments de base. Il n’y avait ni organigramme ni description de poste. Aucune stratégie écrite ou claire pour gérer les situations d’urgence, aucun protocole de traitement et aucun code éthique ou principe directeur n’a été mis en place. L’expert médical du Sous-Comité a constaté l’absence totale de traitement et de suivi médical adéquats et adaptés. Les dossiers examinés n’indiquaient que les médicaments prescrits et les dates des consultations. L’équipe médicale n’avait ni les capacités ni les moyens de traiter les maladies graves et les personnes concernées devaient être transférées à Malé, tout comme celles atteintes de maladies contagieuses. Les demandes des détenus d’être auscultés par un médecin n’étaient pas consignées. L’équipe médicale n’a pas été en mesure de produire de trace écrite de cas de torture ou de mauvais traitements.

45.La maison d’arrêt de Dhoonidhoo n’a pas consigné de cas d’octroi d’accès à un médecin. Les détenus étaient soumis à un examen physique lors de leur arrestation et, normalement, avant leur arrivée au poste de police. Tous les détenus interrogés par le Sous‑Comité ont déclaré que cet examen était superficiel et sommaire. Selon le personnel administratif, les agents de police procédaient à un examen physique lors de l’arrivée du détenu et il n’était fait appel à un médecin que si le détenu était blessé. Ces informations n’ont cependant pas été confirmées par les détenus interrogés.

46.Les examens médicaux et l’enregistrement en bonne et due forme par la police ou des agents pénitentiaires des blessures que présentent les personnes privées de liberté sont des garanties importantes qui contribuent à prévenir la torture et les mauvais traitements et à lutter contre l’impunité. Ils constituent également un moyen de protéger la police et le personnel pénitentiaire contre les allégations mensongères. Ces examens devraient être réalisés en privé par un professionnel de santé formé à la description et au signalement des blessures et comprendre une évaluation médicale et psychologique indépendante et complète, et leurs résultats devraient être consignés de manière confidentielle sans que la police ou le personnel pénitentiaire puissent y avoir accès. Ces résultats ne devraient être communiqués qu’au détenu et/ou à son avocat conformément au Protocole d’Istanbul. Il est probable que l’inventaire minutieux des blessures dissuade tous ceux qui seraient autrement tentés de recourir à des mauvais traitements. L’État partie devrait procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a de sérieux motifs de croire qu’un acte de torture ou de mauvais traitements a été commis.

47. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que tous les détenus puissent être examinés par un médecin dès que possible après leur placement en détention. Cet examen médical doit être indépendant, gratuit et réalisé conformément au Protocole d ’ Istanbul. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie d ’ établir un système garantissant aux personnes en garde à vue la possibilité de recevoir rapidement et gratuitement un traitement et des soins médicaux chaque fois que le besoin s ’ en fait sentir .

48.Selon les détenus interrogés à Dhoonidhoo, l’assistance médicale était irrégulière et l’accès aux services médicaux n’était accordé qu’après une longue attente dans la plupart des cas. Les détenus ont ajouté que l’accès aux soins de santé était souvent laissé à la discrétion des gardiens de prison et que la liste d’attente pour voir un médecin était longue. En outre, il n’y avait pas d’équipe médicale disponible la nuit et le week-end.

49.Le Sous-Comité recommande qu’une assistance médicale soit disponible vingt‑quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept dans tous les lieux de détention. Les conditions de travail de l’équipe médicale, y compris leur rémunération, devraient être satisfaisantes afin d’attirer du personnel suffisamment qualifié. Par ailleurs, le personnel médical devrait être formé et bénéficier de programmes institutionnels d’accompagnement du personnel, afin d’éviter le risque d’épuisement professionnel, de maintenir les compétences professionnelles et le niveau d’efficacité, et de réduire au minimum le risque de conflit entre l’équipe médicale et l’administration des établissements de détention.

50.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que chaque détenu soit examiné par un professionnel de santé dans les meilleurs délais après son admission puis aussi souvent que nécessaire, conformément aux normes internationales en vigueur. Les détenus devraient pouvoir solliciter une assistance médicale professionnelle en toute confidentialité et sans que les gardes ou les autres détenus entravent ou filtrent leur demande.

51.Le Sous-Comité recommande que les autorités instituent l’examen médical systématique de toutes les personnes placées en garde à vue et que ces examens soient effectués sans aucun recours à des mesures de contrainte. Il recommande également que les examens médicaux soient réalisés dans le respect du principe du secret médical ; le patient mis à part, les personnes n’appartenant pas au corps médical ne devraient pas être présentes. Dans des cas exceptionnels, si un médecin le demande, des dispositions spéciales de sécurité peuvent être considérées comme opportunes, par exemple, le fait de placer un policier à proximité. Le médecin devrait consigner les résultats de son examen, de même que les noms de toutes les personnes présentes. Cependant, l’examen médical devrait être effectué sans que les policiers puissent entendre ce qui y est dit et, de préférence, sans qu’ils y assistent.

52.Le Sous-Comité recommande que chaque examen médical de routine se fonde sur un formulaire standard sur lequel sont consignés : a) les antécédents médicaux ; b) une description, par l’intéressé, des violences éventuellement subies ; c) les conclusions de l’examen médical approfondi, y compris la description des lésions éventuellement constatées ; et d) une appréciation de la cohérence des informations recueillies aux trois premiers points, pour autant que le médecin ait les compétences suffisantes pour le faire. Le dossier médical devrait être remis au détenu ou à son avocat si le détenu en fait la demande.

53.Conditions de détention des femmes. Les conditions de détention dans le quartier accueillant les femmes à Dhoonidhoo se sont semble-t-il détériorées depuis la première visite du Sous-Comité en 2007 et sont absolument inadmissibles. Dix-neuf femmes étaient détenues dans une seule cellule collective de 15 à 20 m². La cellule était dépourvue de mobilier et tous les effets personnels de ces femmes étaient à même le sol, là où elles s’asseyaient, dormaient et mangeaient. Il n’y avait que deux toilettes et deux douches, dans une pièce attenante. La cellule était dépourvue de source de lumière artificielle et les détenues se plaignaient d’un manque d’accès à l’eau potable. Les détenues devaient payer pour obtenir des articles d’hygiène ou davantage d’eau, et les quantités de ces produits étaient insuffisantes. Deux autres femmes étaient à l’isolement lors de la visite et leurs conditions de détention étaient déplorables. En outre, la seule activité proposée aux femmes était une heure d’exercice en plein air au cours de laquelle elles étaient, selon certaines informations, obligées de porter des menottes, lesquelles étaient également utilisées lors des transferts et comme sanction.

54. Le Sous-Comité réitère sa recommandation précédente relative aux conditions décentes de logement des détenues pendant la nuit et à l ’ accès aux sanitaires et à l ’ eau potable dans les centres de détention de la police .

55. Conditions de détention des hommes . Les hommes étaient détenus dans deux types de cellules. La majorité d’entre eux vivaient dans de grandes cellules collectives situées à l’extérieur. Les cellules étaient surpeuplées et sans aucune intimité ; tous les détenus ne disposaient pas de matelas pour dormir. Ils ne pouvaient pas sortir pour faire de l’exercice, car les autorités considéraient qu’ils avaient déjà accès à l’air libre. La maison d’arrêt comptait deux autres quartiers avec de petites cellules pouvant accueillir une ou deux personnes. Ces cellules étaient très exiguës et d’une obscurité inacceptable. Ceux qui y étaient détenus devaient passer toute la journée à même le sol sans accès à la lumière du jour. Les gardes en service ont indiqué que ces détenus sortaient menottés pour faire de l’exercice seulement une fois par semaine pendant quarante-cinq minutes. Il semblerait que cela ne soit même pas toujours respecté.

56. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie que tous les détenus sans exception bénéficient d ’ au moins une heure d ’ exercice en plein air par jour. Il recommande en outre que les autorités redoublent d ’ efforts pour mettre en place des activités constructives pour tous les détenus et améliorer le programme d ’ activités proposées dans les établissements pénitentiaires dans tout le pays. Le Sous-Comité rappelle que l ’ usage de menottes en guise de punition devrait être aboli immédiatement et sans exception , y compris lors de l ’ exercice en plein air, sauf si cela est absolument nécessaire ou pour des raisons conformes aux normes internationales. Dans ce cas, elles devraient constituer une mesure de dernier ressort, d ’ une durée aussi brève que possible et mise en place lorsque toutes les autres options pour maîtriser la situation ont échoué.

57.Les sanitaires se trouvaient à l’intérieur des cellules et les détenus n’ont pas souligné de problème à cet égard. En revanche, ils se sont plaints de moustiques et d’insectes dans les cellules. Les détenus vivant dans les cellules situées à l’extérieur se sont plaints des fuites dans le plafond lorsqu’il pleuvait, ce qui trempait leurs effets personnels.

58.Le Sous-Comité prie instamment l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires du pays soient rendues conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

59. En outre, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rénover toutes les cellules de Dhoonidhoo afin que les détenus disposent d ’ un espace personnel suffisant, d ’ assez de lumière du jour et de ventilation. Il faudrait également prendre les mesures nécessaires contre les insectes.

60. Le Sous-Comité recommande que tous les détenus aient le droit de communiquer, dans le cadre d ’ une surveillance appropriée, avec leur famille ou d ’ autres personnes. Les détenus devraient être autorisés à avoir le nécessaire pour écrire et envoyer des lettres.

2.2Établissements pénitentiaires

61.Prisonnières. Le Sous-Comité a effectué une visite du quartier des femmes de la prison de Maafushi, où étaient détenues 41 prisonnières réparties dans cinq sections surveillées par 37 gardiennes. Chaque cellule accueillait deux personnes et était dotée d’une douche et de toilettes, séparées par une basse cloison. Les cellules comportaient deux fenêtres barreaudées qui permettaient un passage suffisant de la lumière du jour et une ventilation adéquate. Elles étaient meublées d’une étagère, d’une table, de deux sièges et d’une couchette pour une seule personne, la seconde occupante étant contrainte de dormir à même le sol. Des matelas en bon état étaient fournis, ainsi que des draps et des oreillers. Les détenues se sont plaintes de la mauvaise qualité nutritionnelle de la nourriture, qui provoquait des problèmes cutanés et intestinaux. Elles se sont également plaintes de ne pas avoir un accès suffisant à de l’eau potable et de ne pas disposer de serviettes hygiéniques appropriées. Selon certains témoignages, les serviettes hygiéniques fournies par la prison étaient périmées. Les détenues souhaitant obtenir davantage de nourriture, d’eau et de produits d’hygiène devaient les acheter au magasin de la prison, et aucune liste des prix n’était disponible. Les détenues pouvaient travailler comme employées de nettoyage de l’établissement pénitentiaire pour 30 rufiyaa maldiviennes (MVR) par jour, et elles pouvaient jouer au badminton ou au volley-ball, et participer à des cours de couture, de tricot et de lecture du Coran. Toutefois, il ne leur était plus possible de prendre des cours d’anglais, de mathématiques, d’art, de langue locale ou d’informatique. Les détenues ont aussi exprimé le souhait d’avoir accès à des livres, notamment à des ouvrages de pratique et d’instruction religieuses autres que le Coran, et de pouvoir étudier.

62. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir le respect du droit des femmes détenues à disposer de nourriture d ’ une bonne qualité nutritionnelle, d ’ eau potable en quantité suffisante et de produits d ’ hygiène de base répondant à leurs besoins spécifiques. En outre, les femmes détenues devraient avoir accès aux mêmes possibilités en matière d ’ éducation que les hommes.

63.Plusieurs détenues ont mentionné que le taux de toxicomanie était très élevé parmi elles et que des drogues étaient introduites clandestinement dans la prison. Quelques détenues souffraient de symptômes aigus de sevrage mais ne bénéficiaient pas d’une assistance médicale car aucun service de soins d’urgence n’était disponible. En outre, les demandes de soins médicaux n’étaient pas rapidement traitées car le médecin ne rendait visite aux détenues qu’une fois par semaine et l’unique infirmière ne pouvait répondre aux besoins de toutes les détenues. Au cours de sa visite, le Sous-Comité s’est entretenu avec une femme enceinte qui était toxicomane et avait des problèmes de santé. Sa demande pour consulter une gynécologue était restée sans réponse pendant des semaines.

64. Le Sous-Comité réitère ses recommandations antérieures relatives à la nécessité d ’ une présence accrue et plus fréquente de femmes médecins à la prison de Maafushi et d ’ un meilleur accès des détenues à des soins médicaux spécialisés , en particulier en ce qui concerne l ’ accès rapide à des soins et à un traitement prénatals et postnatals. En outre, les autorités devraient mettre en place des programmes de traitement et de réadaptation pour les toxicomanes et informer le Sous-Comité des résultats des programmes entrepris dans le passé .

65.Prisonniers. Le Sous-Comité a été informé que 607 hommes étaient en détention à la prison de Maafushi au moment de sa visite. Une grande partie d’entre eux avaient été condamnés pour des infractions liées au trafic de stupéfiants. Les cellules dans lesquelles ils étaient logés étaient généralement propres. Toutefois, il n’y avait pas de lit ; quelques détenus disposaient de matelas et les autres dormaient sur des nattes. Les cellules étaient équipées de ventilateurs, mais la ventilation y était généralement insuffisante et il y faisait très chaud. Les toilettes n’étaient séparées du reste de la cellule que par un mur d’un mètre de haut ou un rideau.

66.La prison disposait d’espaces pour l’exercice. Toutefois, les détenus ont indiqué qu’ils n’étaient autorisés à sortir pour faire une promenade que deux fois par semaine. Certains avaient la possibilité de suivre des cours de récitation du Coran et des cours d’informatique, mais les critères d’accès à ces cours n’étaient pas transparents. Les détenus avaient le droit d’appeler gratuitement leurs proches au téléphone pendant sept minutes. Cela constituait un bon moyen de rester en contact avec sa famille, mais les détenus se sont plaints de ce que la durée et la fréquence des appels étaient insuffisantes.

67. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour améliorer les conditions de vie dans les cellules, s ’ agissant en particulier de la température ambiante, de la ventilation et des installations sanitaires. Il recommande en outre à l ’ État partie de faire en sorte que les détenus disposent de lits ou, à tout le moins, de matelas.

68. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder la priorité à l ’ élaboration de programmes d ’ activités satisfaisants pour tous les détenus. Ils devraient avoir accès à un large éventail d ’ activités constructives, notamment éducatives, sportives, récréatives et de développement social. Les jeunes délinquants devraient bénéficier d ’ un programme complet dans les domaines de l ’ éducation, de la culture, du sport, des loisirs et de la formation professionnelle. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un programme éducatif dans la prison en vue de faciliter l ’ accès à l ’ enseignement de base et supérieur, à la formation professionnelle et à des bibliothèque s , de façon à appuyer et promouvoir la réadaptation des détenus et leur réinsertion future dans la communauté de manière utile.

69.Au vu des nombreuses plaintes reçues, le Sous-Comité ne peut que conclure que sa précédente recommandation concernant la réglementation relative à la libération sous caution n’a pas été mise en œuvre. Il demande donc à l ’ État partie d ’ indiquer si la procédure prévue par la nouvelle Constitution a donné lieu à des modifications dans la procédure régissant la détention avant jugement et la libération sous caution. Le cas échéant, le Sous-Comité souhaite recevoir des informations sur ces modifications. Le Sous-Comité rappelle en outre à l ’ État partie que le montant de la caution exigée doit être proportionnel aux moyens financiers du détenu concerné . À cet égard, le Sous‑Comité souhaite recevoir des renseignements détaillés sur le nombre de demandes de libération sous caution en 2014 et le nombre de personnes libérées sous caution la même année.

70.Mécanismes de plainte. Le Sous-Comité a constaté l’absence d’un mécanisme de plainte dans la prison. Selon les autorités, les détenus pouvaient rédiger des plaintes et les remettre aux gardiens de prison. Mais, chose compréhensible, aucun des détenus interrogés n’avait envisagé de déposer une plainte, soit faute de confiance dans le processus, soit ignorance de l’existence de cette procédure.

71. Le Sous-Comité réitère sa recommandation antérieure tendant à ce que les autorités pénitentiaires veillent à ce qu ’ un mécanisme de recours et de surveillance efficace, confidentiel et indépendant soit en place, et qu ’ elles examinent rapidement toute requête ou plainte et y répondent sans retard injustifié.

72. Le Sous-Comité réitère en outre sa précédente recommandation tendant à ce qu ’ un registre spécifique pour consigner systématiquement tous les incidents au cours desquels il y a eu recours à la force soit établi et tenu à jour. Les informations enregistrées doivent être au moins les suivantes : date et nature de l ’ incident, types de moyens de coercition utilisés ou nature de la force employée, durée, motifs, noms des personnes impliquées et autorisation accordée pour le recours à la force.

73.Isolement. Lors de la visite effectuée par le Sous-Comité, trois cellules du bloc 8 étaient utilisées pour la mise à l’isolement. Ces cellules ne disposaient pas d’une ventilation traversante, ni d’installations sanitaires ou d’hygiène de base. Dans l’une des cellules, un tuyau d’évacuation des eaux usées ouvert devait être utilisé comme toilettes. Les détenus incarcérés dans ces cellules étaient obligés de dormir dans leurs vêtements car ils n’avaient pas de matelas ni de natte. Le Sous-Comité a par ailleurs constaté qu’il n’y avait aucun mécanisme de recours pour contester les motifs ou la durée de l’isolement. Les détenus impliqués dans des incidents de sécurité faisaient l’objet de sanctions plus sévères encore.

74.Le Sous-Comité rappelle sa recommandation antérieure tendant à ce que tous les détenus, y compris ceux qui sont placés à l’isolement, disposent d’une literie appropriée, y compris d’un matelas, lequel devra être composé, si nécessaire, d’un matériau indestructible spécialement adapté à l’usage en milieu carcéral. Il recommande en outre que les unités d’isolement soient équipées d’installations sanitaires adéquates.

75.Prisonniers mineurs . Le Sous-Comité a effectué une visite de la section réservée aux mineures dans le quartier des femmes de la prison de Maafushi, où une jeune fille de 15 ans était détenue dans des conditions d’isolement, étant la seule mineure présente dans l’ensemble de l’établissement. Lors de cette visite, le Sous-Comité a appris que les deux établissements pénitentiaires pour enfants (le Centre d’éducation et de formation pour enfants de Maafushi et le Centre correctionnel de formation pour enfants de Feydhoofinolhu) avaient été fermés en 2013 et qu’il n’y avait aucun autre établissement destiné à l’accueil des enfants en conflit avec la loi. Lors de sa rencontre avec les membres du Sous-Comité, la jeune détenue avait déjà passé huit mois à Maafushi sur les vingt mois d’emprisonnement auxquels elle était condamnée pour vol à l’étalage. Elle n’avait été assistée par aucun avocat lors de sa comparution devant le tribunal et sa condamnation n’avait fait l’objet d’aucun d’appel, situation que les membres du Sous-Comité ont trouvée à la fois indûment sévère et contraire aux principes. Le Sous-Comité rappelle que, conformément à la clause 17 b) du Règlement applicable aux enquêtes, à la procédure judiciaire et au choix des peines pour les infractions commises par des mineurs (2006), lorsqu’une infraction commise par un mineur requiert une peine d’emprisonnement, le juge a le pouvoir discrétionnaire de décider que le mineur soit placé dans un centre de détention ou de réadaptation pour mineurs, voire assigné à résidence, dans le but de faciliter sa participation à des programmes de réinsertion. En conséquence, le Sous-Comité considère que le placement de cette jeune fille dans une prison pour adultes, même dans un quartier séparé, enfreint ladite clause 17. Il rappelle à l’État partie que la privation de liberté d’un mineur doit être une mesure prise en tout dernier recours et pour le minimum de temps nécessaire et être limitée à des cas exceptionnels. L’intérêt supérieur de l’enfant et son bien-être auraient dû être les critères décisifs pour la détermination de la peine imposée à cette mineure.

76.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de relâcher cette mineure (si sa libération n ’ est pas encore survenue à la date de la transmission de ce rapport) et de réexaminer son cas, ainsi que tout autre cas similaire conformément aux normes internationales applicables aux mineurs en conflit avec la loi . Les autorités maldiviennes devraient accorder la priorité à d’autres solutions disponibles, telles que l’assignation à résidence, et concevoir de nouveaux types de sanction pour les mineurs, comme la probation. Si, en raison de la gravité de l’infraction commise, un jeune délinquant doit être placé en institution, la privation de liberté devrait être limitée autant que faire se peut, et la priorité devrait être accordée aux maisons de correction ou aux structures éducatives. À cet égard, les autorités devraient fournir des informations sur les plans de réouverture du Centre d’éducation et de formation pour enfants et du Centre correctionnel de formation pour enfants, et veiller à ce qu’ils soient en conformité avec les normes des droits de l’homme. En outre, le Sous-Comité rappelle à l’État partie que les mineurs devraient avoir le droit de se faire assister par un avocat durant toute la procédure et être en mesure de demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle gratuite de l’État.

77.Même si les conditions de détention du quartier des mineures de Maafushi étaient décentes, la mineure âgée de 15 ans était, comme il a déjà été indiqué, soumise de fait à l’isolement, puisqu’elle n’avait le droit de quitter son quartier que pour une heure d’exercice et n’avait que des contacts limités avec le personnel de la prison. On ne lui rendait aucune visite, car sa famille était pauvre et vivait sur un autre atoll. Elle n’avait pas d’argent pour payer ses vêtements ou accessoires de toilette et tout ce qu’elle possédait lui était fourni par les gardes de la prison. Elle n’avait pas la possibilité de poursuivre ses études en détention et aucune activité n’était organisée à son intention. Elle n’avait rien d’autre à lire que quelques extraits du Coran et ne disposait que de quelques fournitures pour écrire et dessiner. La délégation a relevé l’état de détresse manifeste de la jeune fille et assimilé sa situation à un mauvais traitement.

78.Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que l’isolement des mineurs devrait être proscrit eu égard aux effets potentiels d’une vie recluse sur le bien-être d’un enfant, y compris sur sa santé mentale. En outre, l’État partie devrait offrir à tout mineur privé de liberté la possibilité de suivre des études ou une formation et de prendre part à des activités qui l’aideront à s’intégrer dans la société. Il faudrait aussi leur fournir, gratuitement, des produits d’hygiène de base et des vêtements décents.

79.Accès aux soins de santé. Le personnel médical de la prison de Maafushi était restreint. Il n’y avait pas d’organigrammes ni de fonctions clairement définies, et pas de protocoles médicaux écrits ni de politiques de formation. L’équipe médicale était supervisée par un chef de service qui n’était pas un médecin spécialiste.

80.Aucune visite médicale de routine n’était organisée dans la prison et les détenus n’étaient examinés que quand ils se plaignaient ou demandaient une consultation. Les détenus n’avaient pas tous un dossier médical. Les cas sérieux étaient envoyés à Malé. Les problèmes dentaires signalés par un très grand nombre de détenus étaient laissés sans traitement, en raison de l’absence d’un dentiste dans la prison. Tout autre type de spécialisation médicale faisait également défaut.

81.Malgré la présence de 40 patients psychiatriques dans la prison, le service médical ne disposait pas de médicaments adaptés à leur situation. D’une manière générale, le Sous‑Comité a constaté l’absence de politique en matière de santé mentale au niveau national, ce qui avait inévitablement des effets négatifs sur le système carcéral. Le traitement médical des détenus était uniformisé et des médicaments étaient administrés sans consentement préalable des patients. Aucune attention particulière n’était accordée aux risques liés à la nutrition encourus par les détenus ayant des problèmes de santé particuliers.

82.Le Sous-Comité recommande aux autorités d’envisager la mise en place d’un système de supervision des équipes de santé pénitentiaires par un médecin ou un autre professionnel de la santé. Ce médecin ou autre professionnel de la santé devrait être investi de la responsabilité et doté du pouvoir d’assurer que les besoins des détenus en soins médicaux adéquats soient respectés et être en mesure de résister pour des raisons éthiques à toute demande officielle pouvant l’amener à participer à la violation des droits des patients ou à la tolérer. Le professionnel de la santé doit signaler aux autorités pénitentiaires et, s’il y a lieu, à un mécanisme indépendant toute preuve ou allégation de soumission de détenus à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont il a connaissance. Le professionnel de la santé devrait en outre prendre en considération tout risque de représailles ou de sanction encouru par les détenus lorsque des cas avérés de torture sont signalés.

83.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de dispenser une formation à tous les membres du personnel, y compris médical, sur les mécanismes et normes internationaux en la matière, et notamment les conventions relatives aux droits de l’homme se rapportant aux personnes privées de liberté, un accent particulier devant être mis sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif s’y rapportant, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, les Règles de Bangkok et le Protocole d’Istanbul.

84.Des consommateurs de drogues et des toxicomanes font partie de la population carcérale mais ne bénéficient aux Maldives d’aucun service spécialisé. Pour les raisons susmentionnées, il faudrait établir au moins un centre spécialisé dans le traitement de la toxicomanie au niveau national, afin de procurer des services de désintoxication mettant l ’ accent sur les activités de réinsertion sociale .

85.Dans tous les lieux de détention visités, les professionnels de la santé ne disposaient d’aucun accès direct à des médicaments psychopharmacologiques et l’obtention de tels médicaments nécessitait de longues démarches.

86. Outre l ’ absence totale de professionnels de la santé mentale, la complexité des procédures de fourniture de services dans ce domaine expose les détenus nécessitant des soins à un niveau de risque important.

87.En résumé, les Maldives sont dépourvues de législation relative à la santé mentale, d’établissements spécialisés destinés aux patients psychiatriques, ainsi que d’institutions spécialisées dans le traitement des toxicomanes. Les Maldives devraient adopter une législation en matière de santé mentale pour assurer que la privation de liberté des personnes souffrant d’un trouble psychiatrique repose sur une base juridique solide.

2.3Foyer pour personnes ayant des besoins particuliers

88.Le Sous-Comité s’est rendu pour la première fois au foyer pour personnes ayant des besoins particuliers de Guraidhoo (ci-après « le foyer »), qui assure la prise en charge institutionnelle des personnes âgées et des personnes souffrant de troubles psychiatriques, y compris les enfants. Ce foyer avait une capacité de 200 personnes et, au moment de la visite, il accueillait 167 patients, dont 121 malades psychiatriques, quatre enfants handicapés mentaux et un enfant sans foyer.

89.Les Maldives ne disposent pas d’une législation sur la santé mentale, ni d’une réglementation sur la prise en charge institutionnelle des handicapés mentaux et des patients en gériatrie, ni d’un contrôle juridictionnel de cette prise en charge. Le placement en institution d’une personne est fondé sur un accord entre le tuteur ou la famille et le Ministère des affaires juridiques et de l’égalité des sexes, sans consultation de la personne concernée et parfois contre sa volonté. La décision relative au placement en institution doit, en principe, s’accompagner d’une lettre d’un psychiatre demandant que cette mesure soit appliquée, mais il a été constaté que cela n’était pas toujours le cas et que les patients étaient parfois envoyés dans un foyer sans document prescrivant cette mesure ou sans accompagnateur. En outre, 24 patients attendaient que leurs tuteurs ou leurs familles respectives les reprennent en charge suite à la décision de les laisser quitter l’institution.

90.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de mettre en place des services communautaires ou de substitution pour la prise en charge des personnes souffrant d’un handicap mental et des personnes âgées, afin d’offrir des solutions de remplacement moins restrictives que l’internement. L’État partie devrait aussi adopter une législation et une réglementation prévoyant des garanties de fond et de procédure appropriées pour les personnes internées dans des institutions telles que le foyer pour personnes ayant des besoins particuliers. Ces garanties devraient inclure notamment le consentement libre et éclairé de la personne concernée. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que le placement en institution sans consentement devrait être une mesure de dernier ressort, pour une période d’une durée minimale et seulement lorsque cela est considéré comme nécessaire et proportionné aux fins de la protection de l’intéressé ou de la prévention des atteintes à autrui. Les personnes placées en institution contre leur gré devraient être aidées à obtenir l’accès à un recours utile leur permettant de faire valoir leurs droits, y compris un contrôle judiciaire initial puis périodique de la légalité de la décision de placement sans consentement.

91.Les soins médicaux aux patients vivant dans le foyer étaient fournis par un médecin généraliste, deux infirmiers de service et quatre aides-soignants, dont les services étaient limités vu l’insuffisance des ressources humaines et matérielles disponibles. L’établissement ne disposait pas de services de supervision par un psychiatre et n’était pas en mesure d’effectuer des analyses de sang ou d’urine ; le traitement des patients handicapés mentaux était axé sur la prescription de médicaments. Le personnel médical de l’établissement avait des difficultés à orienter les patients vers des spécialistes en raison de l’absence de protocoles d’aiguillage.

92.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de doter le foyer pour personnes ayant des besoins particuliers des ressources financières et matérielles ainsi que des spécialistes nécessaires pour assurer aux patients psychiatriques un traitement approprié équivalent à celui fourni à la population afin de prévenir ou de guérir les troubles mentaux.

93.Le personnel médical du foyer était assisté par 59 prestataires de soins répartis sur trois plages horaires. À chaque plage horaire, il y avait trois prestataires au maximum pour un établissement accueillant 35 à 44 patients psychiatriques. Ces patients étaient souvent maîtrisés au moyen de camisoles de force durant toute la nuit sans instruction médicale et sans supervision, ce qui les rendait vulnérables au comportement des autres patients. Il existait certes un projet de protocole relatif à l’usage d’une camisole de force, mais il n’avait été ni approuvé ni mis en application. Les patients étaient aussi maîtrisés au moyen de produits chimiques (injections) et il y avait des cellules d’isolement dans chaque établissement, mais selon certaines informations, elles n’étaient pas utilisées. Le recours à des moyens de contention était consigné dans des dossiers médicaux, mais la délégation a été informée que cela n’était pas systématique. En outre, les patients psychiatriques étaient soumis à une violence verbale, et parfois physique, par le personnel de santé.

94.Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que le recours à des moyens de contention devrait être évité autant que possible, et que ceux-ci ne devraient être utilisés qu’en dernier ressort lorsque la loi ou la réglementation l’autorise et que toutes les autres mesures non coercitives ou moins restrictives ont échoué. Quand ils sont utilisés, les moyens de contention devraient l’être le moins longtemps possible, sous une stricte supervision et conformément au principe de proportionnalité. Le recours à des moyens de contention devrait toujours être consigné, tout comme la date et la nature de l’incident ayant rendu leur utilisation nécessaire, le type de contrainte ou de force employé, sa durée, les motifs de son utilisation, l’identité du personnel et du patient concernés, et l’autorisation d’utiliser le moyen de contention. Les autorités maldiviennes devraient aussi veiller à ce que les patients vivant dans le foyer soient assistés par un personnel qualifié et que des inspections soient effectuées afin d’enquêter efficacement sur les violations commises et de les sanctionner.

95.Dans le foyer pour personnes ayant des besoins particuliers, les patients étaient généralement logés dans des quartiers accueillant une vingtaine de personnes chacun. Les femmes étaient logées dans des quartiers séparés, et les enfants n’étaient pas séparés des adultes. Il a été constaté que les douches et les toilettes étaient sales, que de l’eau stagnait dans les toilettes et que les portes étaient abîmées et ne pouvaient pas être fermées de façon à préserver une intimité suffisante. La délégation du Sous-Comité a été informée d’un problème général d’approvisionnement en eau salubre et d’accès à l’eau potable sur l’île.

96.En ce qui concerne les activités disponibles, le personnel parvenait à organiser quelques activités récréatives pour les patients avec peu de fonds. Une compétition sportive, un pique-nique et un concours de chant avaient lieu le jour de la visite du Sous-Comité. Il y avait dans le bâtiment principal une galerie de photographies présentant des événements passés et des portraits de patients anciens actuels. Cela avait manifestement de l’importance aussi bien pour les patients que pour le personnel. Généralement, il semblait n’y avoir guère de fonds pour les programmes de réadaptation, les services de bibliothèque ou les possibilités d’études. En dehors du service psychiatrique, le personnel semblait attentionné vis-à-vis des patients.

97.Le Sous-Comité recommande que les personnes placées dans le foyer bénéficient d’un accès approprié à la nourriture et à des installations d’assainissement. Les autorités devraient faciliter l’accès à l’éducation à ceux qui souhaitent entreprendre des études, de même qu’à une formation professionnelle et à des services de bibliothèque, afin de favoriser la réadaptation et la future réintégration des détenus dans la société. Les enfants devraient être placés dans des quartiers séparés et se voir proposer des activités récréatives et éducatives adaptées à leur situation et pouvant contribuer à leur bien-être.

3.Mécanisme national de prévention

98.Les Maldives ont ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 15 février 2006. En décembre 2007, la Commission maldivienne des droits de l’homme a été désignée comme mécanisme national de prévention en vertu d’un décret présidentiel notifié le 15 novembre 2007. Le mécanisme national de prévention a donc été mis en place très rapidement après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif et il a été l’un des premiers à être créé dans la région. Dans un premier temps, il a revêtu la forme d’un service au sein de la division des plaintes de la Commission maldivienne des droits de l’homme, et des membres du personnel de la Commission avaient été chargés d’exécuter les activités du mécanisme national. En 2009, une nouvelle division a assumé les tâches incombant au mécanisme conformément aux Principes de Paris. En décembre 2013, suite à l’adoption de la loi sur la lutte contre la torture (13/2013), la Commission maldivienne des droits de l’homme a été officiellement désignée comme mécanisme national de prévention. Le mécanisme continue donc d’opérer dans les locaux de la Commission des droits de l’homme.

99. Ressources humaines et financières. Le mécanisme national de prévention se compose d’un directeur et de quatre membres du personnel dotés des connaissances et des compétences requises en matière de santé, de détention avant jugement, d’administration pénitentiaire et de justice pour mineurs. L’un des commissaires de la Commission des droits de l’homme est chargé d’encadrer les activités du mécanisme national de prévention. Ce commissaire est aussi un membre du conseil régional de l’Association pour la prévention de la torture. Le mandat du mécanisme n’est cependant pas séparé de celui de la Commission des droits de l’homme, et le mécanisme ne dispose pas de son propre budget de fonctionnement.

100.Le Sous-Comité fait observer que le manque d’autonomie budgétaire a des incidences sur l’indépendance du mécanisme national de prévention. Étant donné que ses ressources financières proviennent du budget général de la Commission des droits de l’homme, l’accès à des moyens financiers suffisants reste un défi pour le mécanisme. Le budget total de la Commission pour 2012 s’élevait à 271 362 MVR alors qu’un montant de 362 940 MVR avait été demandé. Le budget reçu pour 2013 était encore plus faible : la Commission des droits de l’homme avait demandé 484 680 MVR mais n’a reçu que 143 198,26 MVR. Ces limitations budgétaires font que le mécanisme national de prévention ne peut pas recruter d’experts pour l’accompagner lors de ses visites.

101.Comme la Commission des droits de l’homme elle-même ne jouit pas d’une autonomie financière, le mécanisme national de prévention n’en a pas non plus. En outre, lors du processus d’établissement des priorités budgétaires, certaines activités du mécanisme national de prévention sont souvent sacrifiées au profit de plus larges objectifs de la Commission, malgré le bon niveau de coopération entre ces deux organes.

102.Le Sous-Comité a constaté que, pendant les visites conjointes des lieux de privation de liberté, des membres du mécanisme national de prévention se sont présentés comme des représentants de la Commission maldivienne des droits de l’homme car cet organisme était mieux connu et plus largement reconnu. Cela pourrait conduire à une certaine confusion concernant les mandats distincts de chacune des deux institutions, tant pour les autorités pénitentiaires que pour les détenus.

103.Visites et rapports. Le mécanisme national de prévention a fait savoir au Sous-Comité qu’il avait effectué 13 visites en 2009 ; 10 en 2010 ; 18 en 2011 ; 21 en 2012 ; 12 en 2013 et 18 en 2014. Les visites périodiques se font selon des plans annuels élaborés à l’avance. Des visites de suivi sont en outre organisées chaque année dans la plupart des lieux de privation de liberté. Le choix des centres de détention où sont effectuées des visites de suivi se fonde sur les recommandations et les observations formulées par le mécanisme national de prévention lors de ses visites périodiques.

104.Le mécanisme national de prévention a soumis 56 rapports aux autorités compétentes, et huit autres ont été élaborés pour un usage interne. En outre, trois rapports thématiques ont été produits : le rapport sur le foyer de Hiyaa ; le rapport sur l’isolement des détenus à Dhoonidhoo ; et le rapport sur l’isolement des prisonniers à Malé et dans la prison de Maafushi.

105.Le processus de présentation de rapports du mécanisme national de prévention prend fin lors de l’approbation finale du rapport par la Commission maldivienne des droits de l’homme. Tout retard en la matière entraîne un retard dans la finalisation du rapport et nuit à l’indépendance opérationnelle du mécanisme. À ce jour, aucun des rapports annuels du mécanisme national de prévention n’a été publié et diffusé par l’État partie. Le mécanisme a confirmé qu’aucun des rapports annuels sur ses travaux n’avait été publié en tant que tel depuis sa création ; ses activités sont simplement présentées dans le rapport annuel de la Commission maldivienne des droits de l’homme.

106.Au cours de la visite conjointe de la délégation du Sous-Comité et du mécanisme national de prévention à la prison de Maafushi, les membres du Sous-Comité ont noté avec satisfaction que le mécanisme était bien considéré par les autorités pénitentiaires et les détenus. Le Sous-Comité a constaté que les membres du mécanisme avaient pleinement accès à tous les lieux de privation de liberté dans la prison, ainsi qu’à toutes les informations concernant le nombre de détenus et les conditions de détention.

107.Le Sous-Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la lutte contre la torture et de la désignation du mécanisme national de prévention. Il rappelle toutefois que le financement du mécanisme national de prévention devrait provenir d’un poste budgétaire distinct dans le budget de l’État, et que ce mécanisme devrait jouir d’une totale autonomie financière et opérationnelle. Pour ce faire, l’État partie devrait veiller à ce que le financement du mécanisme provienne de crédits budgétaires distincts dans le budget annuel de l’État, et que le mécanisme soit désigné expressément comme le bénéficiaire des fonds alloués. Ce financement devrait être suffisant pour permettre au mécanisme d’exécuter son propre programme de visites sur tous les atolls des Maldives et d’effectuer des visites de suivi. Il devrait en outre permettre de répondre aux besoins du mécanisme en matière de logistique et d’infrastructure, et notamment de lui permettre de publier ses propres rapports et de se doter des outils de diffusion que requiert l’exécution de son mandat.

108. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ en vertu du paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif, il est légalement tenu d ’ assurer des ressources financières et humaines suffisantes, et souhaite être informé, à titre prioritaire, des mesures qu ’ il entend prendre pour allouer au mécanisme national de prévention des ressources financières et humaines suffisantes pour qu ’ il jouisse d ’ une complète autonomie financière et opérationnelle.

109.Le Sous-Comité recommande en outre d’allouer des budgets distincts à la Commission maldivienne des droits de l’homme et au mécanisme national de prévention. Le mécanisme national de prévention devrait mettre en place, en coopération avec la Commission, des modalités claires de séparation de leurs mandats respectifs et un système d’échange d’informations permettant d’éviter que leurs mandats se chevauchent. Le mécanisme national de prévention devrait entreprendre des activités visant à mieux faire connaître sa mission et son mandat au public, et en particulier aux personnes privées de liberté.

110.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de publier et de diffuser largement les rapports annuels du mécanisme national de prévention, ainsi que de les transmettre au Sous‑Comité, conformément à l’article 23 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité invite instamment l’État partie à mettre en place un cadre institutionnel pour débattre de ces rapports et y donner suite.

111.Le Sous-Comité recommande également à l’État partie d’établir un rapport annuel dans lequel il examinerait l’efficacité des interactions entre le Gouvernement et le mécanisme national de prévention s’agissant d’évaluer et d’éliminer la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté aux Maldives. Ce rapport devrait bénéficier d’une large publicité, et pourrait être inclus dans une analyse plus complète de la situation des droits de l’homme dans l’État partie, mais il devrait être distinct des autres états sur les activités de la Commission des droits de l’homme ou de toute autre instance.

Annexes

Annexe I

[Anglais seulement]

List of places of deprivation of liberty visited by the SPT

Dhoonidhoocustodial

Gurahidhoo policestation

HomeforPeoplewithSpecialNeeds(Gurahidhoo)

Maafushiprison

Annexe II

[Anglais seulement]

Officials and other persons with whom the delegation met

A.Nationalauthorities

AliNaseerMohamed,ForeignSecretary,MinistryofForeignAffairs

Ms.KhadeejaNajeeha,Director,InternationalAffairs,MinistryofForeignAffairs

B.Civilsociety

Maldivian DemocracyNetwork

Advocacy for the Rights of Children

Voice ofWomen