Nations Unies

CAT/OP/MDA/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

30 mai 2013

Français

Original: anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Rapport du Sous-Comité pour la préventionde la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur sa visitede conseil au mécanisme national de préventionde la République de Moldova

Rapport à l’intention du mécanisme national de prévention*, **

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−63

II.Recommandations à l’intention du mécanisme national de prévention7−333

I.Introduction

Conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après «le Protocole facultatif»), les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après «le SPT») se sont rendus en République de Moldova du 1er au 4 octobre 2012.

La visite avait pour objectif de fournir des conseils et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux dispositions de l’article 11 b) du Protocole facultatif. Elle visait aussi à contribuer à renforcer les capacités et le mandat du mécanisme national de prévention de la République de Moldova. À ces fins, le rapport présente des recommandations et des observations, conformément à l’alinéa iv) de l’article 11 b) du Protocole facultatif.

Dans le présent rapport figure une série de recommandations à l’intention du Centre des droits de l’homme et du Conseil consultatif qui constituent à eux deux le mécanisme national de prévention de la République de Moldova. Ces recommandations sont faites dans le cadre du mandat fixé aux alinéas ii) et iii) de l’article 11 b) du Protocole facultatif, selon lequel le SPT doit offrir aux mécanismes nationaux de prévention une formation et une assistance technique en vue de renforcer leurs capacités, ainsi que des avis et une assistance pour évaluer les besoins et les moyens nécessaires afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le présent rapport est transmis au mécanisme national de prévention à titre confidentiel, et la décision de le rendre public est laissée à sa discrétion. Toutefois, le SPT en recommande la publication et souhaite être informé de la décision que le mécanisme prendra .

Le SPT adressera aux autorités de l’État partie des recommandations dans un rapport confidentiel distinct.

Le SPT tient à remercier le Centre des droits de l’homme et le Conseil consultatif pour leur coopération et leur sait gré d’avoir facilité la visite.

II.Recommandations à l’intention du mécanisme nationalde prévention

La visite de conseil a été planifiée conjointement par le mécanisme national de prévention et le SPT. Ceux-ci ont décidé ensemble, à l’avance, du programme des réunions et le mécanisme national a choisi les lieux de détention à visiter. Les réunions ont permis au SPT de comprendre les obstacles juridiques, structurels et institutionnels auxquels se heurtait le mécanisme national et les visites effectuées conjointement dans deux lieux de privation de liberté ont permis d’analyser les méthodes de travail des équipes chargées des visites. Pendant les visites, les membres du SPT avaient une position d’observateurs et les membres du mécanisme national de prévention conduisaient la délégation.

Le SPT a eu une bonne impression des capacités individuelles des membres des équipes et estime donc que le mécanisme national de prévention a un potentiel important. Il félicite en outre le mécanisme national de s’être efforcé d’assurer l’équilibre entre les sexes dans les équipes, conformément au paragraphe 2 de l’article 18 du Protocole facultatif. Il est aussi d’avis que les membres et le personnel du mécanisme national de prévention devraient suivre une formation complémentaire conjointe et examiner ensemble régulièrement leurs méthodes de travail afin d’améliorer leur capacité d’exercer collectivement et individuellement les fonctions qui leur sont confiées en vertu du Protocole facultatif.

Le SPT reconnaît que les problèmes rencontrés ne sont pas tous imputables au mécanisme national de prévention, car les autorités sont responsables, par exemple, de facteurs institutionnels, comme le cadre législatif ambigu ou les contraintes budgétaires. Par conséquent, plusieurs problèmes juridiques, structurels et institutionnels seront soulevés par le SPT dans le rapport confidentiel distinct qu’il adressera aux autorités.

Recommandations relatives aux principaux problèmes juridiques, structurels et institutionnels

Bien que le Protocole facultatif laisse aux États le soin de décider de la forme institutionnelle de leur mécanisme national de prévention, il va de soi que le mécanisme national doit être structuré d’une manière qui tienne pleinement compte des dispositions du Protocole facultatif. Les Directives du SPT concernant les mécanismes nationaux de prévention constituent un outil essentiel dans ce domaine.

Le SPT est pleinement conscient du fait que les insuffisances actuelles du cadre normatif permettent diverses interprétations en ce qui concerne l’institution qui exécute le mandat du mécanisme national de prévention. Dans la pratique, il a observé que cette ambiguïté compromettait la collégialité du travail et l’échange d’informations et se traduisait souvent par des divergences de vues entre le Centre des droits de l’homme et le Conseil consultatif.

Le SPT a en effet constaté un manque d’esprit d’équipe lors de la préparation des visites et pendant les visites elles-mêmes (voir ci-après les recommandations d’ordre méthodologique), ainsi que pendant certaines réunions. Il est convaincu que l’absence d’unité dans l’équipe est malheureusement à l’origine de problèmes supplémentaires de toutes sortes touchant le mécanisme national de prévention dans sa structure et en tant qu’institution, notamment des différences dans les méthodes de travail, des malentendus dus à une mauvaise communication, un chevauchement des rôles, l’absence de définition claire des tâches, l’absence de stratégie commune, un manque de planification des visites et, dans une certaine mesure, un manque de cohérence des méthodes de travail. Il estime que ces problèmes peuvent nuire à l’efficacité et à la crédibilité institutionnelle du mécanisme national de prévention dans son ensemble.

En attendant que l’adoption, qu’on espère rapide, d’une réforme législative règle définitivement le problème de l’ambiguïté juridique existante, le fonctionnement actuel du mécanisme national de prévention en tant qu’institution peut être amélioré en renforçant la communication et la coordination entre le Centre des droits de l’homme et le Conseil consultatif. À ce sujet, le SPT a été heureux d’entendre les deux institutions déclarer, à la réunion du jeudi 2 octobre 2012, qu’elles étaient désireuses de mettre de côté les quelques malentendus qui existent entre elles et de s’efforcer de travailler de manière collégiale, comme prévu par le Protocole facultatif.

R appel ant que, d ’ après le Protocole facultatif, le mécanisme national de prévention est un organe d ’ experts collégial , le SPT engage les membres du mécanisme national à améliorer l ’ échange d ’ informations en tenant des réunions régulières, en créant une nouvelle page Intranet et, surtout, en faisant preuve d ’ un esprit de collaboration.

Le SPT a noté qu’en l’absence d’unité distincte chargée de la prévention de la torture, l’ampleur du mandat du Centre des droits de l’homme pouvait entraîner une confusion quant au rôle du Centre. Par exemple, les membres du personnel du Centre chargés des questions relatives au mécanisme national de prévention s’occupent aussi des plaintes émanant de particuliers et accomplissent d’autres tâches, ce qui peut nuire au volet protection des activités du Centre de prévention.

De plus, lorsque le Centre des droits de l’homme soumet des propositions au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en matière de prévention de la torture et autres formes de mauvais traitements, il n’indique pas s’il le fait en sa qualité de mécanisme national de prévention ou en tant qu’institution nationale des droits de l’homme. Enfin et pour autant que le sache le SPT, le Conseil consultatif ne présente pas de propositions au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en sa qualité de mécanisme national de prévention.

Afin que le mécanisme national de prévention , en tant qu ’ organe collégial , s ’ acquitte pleinement du mandat qui lui est confié par l ’ article 19  c) du Protocole facultatif , le SPT lui recommande de faire preuve d ’ initiative et de présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en matière de prévention de la tortur e et autres mauvais traitements. Conformément aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, le SPT recommande de séparer les activités que le Centre des droits de l ’ homme mène en sa qualité d ’ institution nationale des droits de l ’ homme en général de celles liées à ses fonctions de mécanisme national de prévention. Lorsque le Centre exécute des activités en vertu de son mandat de mécanisme national de prévention, il devrait l ’ indiquer clairement, notamment en ce qui concerne toutes les visites, les réunions et les communications écrites avec les autorités et avec les institutions pénitentiaires, d ’ autres institutions et les particuliers.

Le SPT a constaté pendant les réunions que les autorités chargées des lieux de détention, les personnes privées de liberté et la société civile ne percevaient pas le Conseil consultatif et le Centre national des droits de l’homme comme un organe collégial unique constituant le mécanisme national de prévention de la République de Moldova. Il estime que le manque de visibilité du mécanisme risque de nuire à son efficacité et à sa crédibilité.

Le SPT recommande au mécanisme national de prévention de renforcer sa visibilité institutionnelle au moyen de campagnes de sensibilisation du public et d ’ autres activités visant à le faire connaître. Il recommande d ’ élaborer et de distribuer des matériels sur le mandat et les activités du mécanisme national dans les lieux de privation de liberté et à la société civile dans son ensemble, notamment les associations d ’ anciens détenus et d ’ anciens patients d ’ établissements de santé mentale. Enfin, le mécanisme national devrait diffuser ses rapports annuels, et notamment les transmettre au SPT , conformément aux dispositions et aux objectifs du Protocole facultatif .

Le SPT sait que d’autres contraintes institutionnelles, structurelles et législatives pèsent sur les activités du mécanisme national de prévention, comme l’absence de structure et de ligne budgétaire distinctes pour les fonctions de mécanisme national au sein du Centre des droits de l’homme, l’absence d’honoraires et d’équipe d’appui administratif pour les membres du Conseil consultatif et la nécessité de revoir le barème des classes de salaires des employés du Centre.

Le SPT recommande au mécanisme national de prévention de continuer à collaborer avec le Groupe de travail chargé de modifier la loi sur les avocats parlementaires et de coopérer de manière dynamique avec le corps législatif et les autres institutions compétentes, en particulier la Commission parlementaire des droits de l ’ homme, afin de contribuer à l ’ élimination de toutes les contraintes juridiques ou institutionnelles actuelles ou futures.

Recommandations d’ordre méthodologique

Afin d’aider et de conseiller le mécanisme national de prévention dans sa mission de protection des personnes privées de liberté, le SPT formule les recommandations suivantes concernant la préparation des visites dans les lieux de privation de liberté, la méthode à suivre pendant les visites et les mesures à prendre après celles-ci.

Avant les visites. Le mécanisme national de prévention, en tant qu’organe collégial d’experts, devrait arrêter une stratégie à long terme concernant ses activités, puis établir un plan de travail annuel qui prévoirait des visites inopinées et des visites de suivi et couvrirait tous les lieux de détention relevant de la juridiction de l’État où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, conformément aux articles 4 et 29 du Protocole facultatif. Le SPT recommande au mécanisme national de prévention d ’ arrêter des critères pour choisir les lieux qu ’ il inspectera de manière à garantir que tous soient visités périodiquement, en fonction du type et de la taille des établissements et de la gravité des problèmes de droits de l ’ homme dont le mécanisme aura eu connaissance, mais sans exclure du champ de ses activités un type d ’ établiss ement ou une zone géographique.

Le mécanisme national de prévention devrait planifier ses activités et utiliser ses ressources d’une manière qui lui permette d’effectuer ses visites dans les lieux de privation de liberté aussi efficacement que possible. Le SPT recommande au mécanisme national de prévention de répartir collectivement les tâches entre ses membres avant l ’ arrivée au lieu de détention, afin d ’ éviter les chevauchements et de couvrir le plus grand nombre d ’ aspects. En outre, il recommande de choisir des éléments précis qui seront plus particulièrement étudiés pendant la visite.

Le SPT accueille avec satisfaction les informations indiquant que toutes les visites effectuées par le mécanisme national de prévention sont inopinées mais souhaiterait mettre l’accent sur la nature confidentielle des activités du mécanisme national, comme le prévoit le Protocole facultatif. En outre, pour que le mécanisme national soit efficace, il est nécessaire de disposer de directives communes pour les entretiens et de méthodes communes pour les visites des différents lieux de détention. À cet égard, le SPT prend note avec satisfaction des méthodes élaborées par le personnel du Centre des droits de l’homme. Dans le même temps, il a constaté un manque de cohérence dans les pratiques des membres de l’équipe pendant les visites. Il recommande que des directives opérationnelles et un guide soient élaborés à moyen terme à l ’ intention de tous les membres et de tout le personnel du mécanisme national de prévention, afin de garantir la cohérence des méthodes de travail et le transfert des connaissances entre toutes ces personnes.

Pendant les visites. Le SPT a constaté que les membres du mécanisme national de prévention s’étaient présentés correctement aux autorités des lieux de détention, mais très sommairement aux détenus et n’avaient pas insisté sur les principes essentiels que sont la confidentialité et le caractère volontaire des entretiens. Il pense qu’une présentation correcte et complète faciliterait la communication et l’instauration de relations de confiance avec les personnes interrogées. Il recommande que les membres du mécanisme national de prévention chargés des entretiens se présente nt aux détenus en précisant leur nom, leur profession et la position qu ’ il s occupe nt au sein du mécanisme. La  personne chargée de l ’ entretien devra it expliquer au détenu le mandat du mécanisme national de prévention, en insistant sur son objectif préventif; elle devrait aussi obtenir son consentement e t lui précis er que l ’ entretien est confidentiel et volontaire et qu ’ il peut être interrompu à tout mo ment à la demande du détenu. Le  SPT recommande également au mécanisme national de prévention d ’ é laborer une brochure dans laquelle il décri rai t son mandat et ses méthodes de travail, explique rait ce qu ’ est le consentement éclairé et donne rait ses coordonnées. Le mécanisme national devra it aussi encourager les personnes privées de liberté à porter à son attention toute forme de représailles en utilisant les coordonnées fournies dans la brochure.

Comme cela est expressément mentionné dans le Protocole facultatif, les entretiens en privé avec les personnes privées de liberté sont un élément essentiel des visites préventives. Le SPT a constaté que la plupart des entretiens menés pendant les visites étaient collectifs et avaient souvent lieu en présence de surveillants. Par conséquent, sauf raisons impérieuses, il recommande d ’ avoir avec les détenus et les employés de l ’ institution visitée, y compris le personnel médical, des entretiens individuels en privé, sans la présence de surveillants.

Le SPT a noté qu’à une occasion certains membres du mécanisme national de prévention se sont intéressés à des plaintes présentées par des détenus et ont tenté d’y apporter une solution. Bien qu e l ’ intention soit louable, il rappelle que le mandat du mécanisme national de prévention diffère de celui d ’ autres organes chargés de lutter contre la torture et se distingue par son approche préventive qui consiste à repérer les pratiques et à déceler les risques systémiques de torture. Le mécanisme national de prévention devrait donc plutôt conseiller les détenus sur la manière de déposer une plainte et sur la personne à qui s ’ adresser.

Le SPT a constaté que les équipes chargées des visites manquaient de matériel, notamment de lampes torches et d’outils de mesure (pour mesurer le taux d’humidité et l’espace). De plus, les membres de l’équipe ne portaient pas tous des badges, alors que ceux-ci sont importants à des fins d’identification. Le SPT recommande au mécanisme national de prévention d ’ utiliser du matériel de mesure et de porter des badges d ’ identification de manière visible.

Suivi des v isites. Le SPT souhaite souligner la nécessité de mieux protéger les personnes interrogées contre d’éventuelles représailles. Il a remarqué que les équipes chargées des visites n’avaient pas mentionné aux autorités des établissements lors de la dernière réunion que toute forme d’intimidation ou de représailles contre les personnes privées de liberté constituait une violation des obligations de l’État partie. Cela est particulièrement alarmant, étant donné que les entretiens collectifs ont été beaucoup plus nombreux que les entretiens individuels et ont été menés en présence de membres du personnel des établissements. Le SPT recommande au mécanisme national de prévention de renforcer la protection des personnes qui fournissent des informations au SPT contre les sanctions ou les représailles, notamment en effectuant des visites de suivi, en prenant contact avec les membres des familles et en prévenant fermement les autorités des centres de détention qu ’ une telle conduite sera signalée et sanctionnée.

Le mécanisme national de prévention devrait établir un rapport sur chaque visite qu’il effectue et le rendre public − à défaut de quoi, ses visites seraient nettement moins efficaces. Le SPT lui recommande d ’ établir à l ’ issue de chacune de ses visites un rapport qui soit ax é sur la prévention et le diagnostic des problèmes et la propos ition de solutions sous forme de recommandations. Celles-ci doivent être concrètes et bien étayées , viser à l ’ élaboration de mesures de prévention afin de traiter les insuffisances du système et des pratiques et être applicables dans la pratique .

Le mécanisme national de prévention devrait arrêter une stratégie pour la soumission de ses rapports aux autorités compétentes en vue de leur publication et de leur diffusion, et l’utilisation de ces rapports pour instaurer un dialogue. Conformément au paragraphe 36 des Directives du SPT concernant les mécanismes nationaux de prévention, l e SPT recommande au mécanisme national de prévention d ’ établir, si possible en c ollaboration avec les autorités , des dispositifs de suivi des recommandations qu ’ il aura formulées.

Le SPT espère que sa récente visite de conseil et le présent rapport marqueront le début d’un dialogue constructif avec le mécanisme national de prévention de la République de Moldova. Il est tout disposé à apporter à celui-ci son assistance, dans la mesure de ses possibilités, en vue de la réalisation de l’objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements et afin que les engagements pris soient traduits en actions concrètes.