CCPR

Pacte international relatif aux droits civilset politiquesDistr.

GÉNÉRALE

CCPR/CO/70/TTO

10 novembre 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITE DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-dixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Trinité‑et‑Tobago

1.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de la Trinité‑et‑Tobago réunis en un seul document (CCPR/C/TTO/99/3) à ses 1870ème et 1871ème séances (CCPR/C/SR.1870 et 1871), tenues le 17 octobre 2000, et a adopté ses observations finales et ses recommandations à sa 1891ème séance (CCPR/C/SR.1891), le 31 octobre 2000.

A. Introduction

2.Le Comité regrette le retard mis à présenter les rapports mais accueille avec satisfaction les renseignements qu'ils contiennent et les documents joints. Le Comité a reçu des réponses écrites supplémentaires à temps pour pouvoir les examiner.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la création, au Ministère de la justice et des affaires juridiques, d'un groupe des droits de l'homme, du travail du groupe qui a permis de rattraper le retard dans l'établissement des rapports demandés en vertu du Pacte et d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme ainsi que des autres initiatives qu'il a prises en vue d'améliorer la protection des droits fondamentaux.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les améliorations apportées aux mécanismes de recours offerts dans les cas de violence au foyer ainsi que l'affectation de personnel spécialisé pour venir en aide aux victimes, notamment avec la création du service chargé de la violence au foyer par le Ministère de la culture et de la condition de la femme.

5.Le Comité se félicite de la mise en place d'une Autorité indépendante chargée de recevoir les plaintes concernant le comportement de la police et attend avec intérêt la promulgation rapide de la loi portant extension de ses pouvoirs.

6.L'extension de l'aide juridictionnelle, tant du point de vue de la répartition géographique que des juridictions devant lesquelles elle peut être accordée, ainsi que le relèvement des honoraires des avocats qui permet d'obtenir l'assistance de conseils qualifiés renforcent le respect du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte.

C. Préoccupations et recommandations

7.Le Comité tient à marquer qu'il regrette profondément que l'État partie ait dénoncé le Protocole facultatif. Étant donné que la peine de mort est toujours en vigueur, malgré les assurances données par la délégation quant au rejet des propositions tendant à élargir son application, il recommande ce qui suit :

a) En ce qui concerne toutes les personnes accusées d'un crime emportant la peine de mort, l'État partie doit garantir le strict respect de chacune des dispositions de l'article 6;

b) En cas d'entrée en vigueur de la requalification du meurtre pour les personnes jugées et condamnées ultérieurement, celles qui ont déjà été reconnues coupables de cette infraction devraient aussi bénéficier de cette mesure, conformément au paragraphe 1 de l'article 15; et

c) L'assistance d'un conseil devrait être assurée, si nécessaire au titre de l'aide juridictionnelle, dès l'arrestation et tout au long de la procédure, aux personnes soupçonnées d'un crime grave, en particulier celles qui encourent la peine capitale.

8.En ratifiant le Pacte, l'État partie a accepté l'obligation, faite aux paragraphes 1 et 2 de l'article 2, de garantir à tous les individus relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte et de prendre les dispositions devant permettre l'adoption de mesures propres à donner effet aux droits reconnus dans le Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur.

L'État partie ne peut pas invoquer les limites inhérentes à sa Constitution pour justifier l'inobservation du Pacte mais devrait adopter les lois nécessaires pour parvenir à respecter ses dispositions.

9.Le Comité est préoccupé par le fait qu'aucune étude approfondie de la législation interne, nécessaire pour assurer la conformité avec les dispositions du Pacte, n'a encore été menée à bonne fin.

L'État partie devrait, par exemple, rendre les mesures internes autorisées en cas de danger public conformes aux restrictions imposées par l'article 4 du Pacte, de façon :

a) à garantir que l'état d'urgence ne soit proclamé que dans les cas où le danger entre dans la catégorie de ceux qui menacent "l'existence de la nation";

b) à respecter l'interdiction de déroger à certains articles faite au paragraphe 2 de l'article 4; l'État partie devrait vérifier que les mesures autorisées en vertu des pouvoirs d'exception sont compatibles avec le Pacte;

c) à assurer que toute dérogation aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte reste dans la limite de ce qui est nécessaire au vu des exigences de la situation.

10.Le Comité est préoccupé par l'absence, dans le cadre de la législation interne, y compris la Constitution, de recours pour les victimes de la discrimination, couvrant tous les cas visés au paragraphe 3 de l'article 2 et à l'article 26 du Pacte.

L'État partie devrait veiller à ce que des recours soient disponibles pour tout l'éventail des situations discriminatoires tombant sous le coup desdits articles et devrait faire figurer dans son prochain rapport des renseignements sur ce qui a été accompli à cet effet.

11.Le Comité engage l'État partie à donner la priorité à toute mesure préparatoire nécessaire pour proclamer l'entrée en vigueur, le plus tôt possible, de la loi de 2000 sur l'égalité des chances, notamment dans l'optique de la promotion de la femme.

Par la suite, l'État partie devrait promulguer une loi de modification de façon à étendre l'application de la loi aux personnes qui subissent une discrimination au motif de l'âge, de l'orientation sexuelle, de l'état de grossesse ou parce qu'elles sont infectées par le VIH ou atteintes du sida.

12.En ce qui concerne le harcèlement sexuel au travail, le Comité note la décision de justice rendue dans l'affaire de conflit du travail 17, de 1995, Bank Employees' Union v. Republic Banks Ltd., dans laquelle le tribunal a statué qu'une personne, dont le comportement a été dûment qualifié de harcèlement sexuel au vu des faits de la cause, avait été régulièrement relevée de ses fonctions.

Il convient de vérifier d'une façon continue si les recours judiciaires sont suffisants et, si nécessaire, d'adopter des textes.

13.Le Comité est inquiet d'apprendre que, hormis une interdiction des châtiments corporels pour les personnes de moins de 18 ans, les peines de flagellation (fouet ou baguette), qui sont des traitements cruels et inhumains prohibés par l'article 7, sont toujours appliquées dans l'État partie.

Les peines de flagellation (fouet ou baguette) devraient être abolies immédiatement.

14.Le Comité regrette que les problèmes concernant les forces de police (corruption, brutalité, abus de pouvoirs, obstacles érigés devant les membres de la police qui veulent remédier à de telles pratiques, etc.) qui ont été relevés au cours des 10 dernières années, n'aient toujours pas été corrigés. Il s'inquiète de ce que le nombre de plaintes pour harcèlement et voies de fait déposées en 1999 et 2000 n'ait pas beaucoup baissé.

Le Plan d'action en préparation devrait renforcer les réformes amorcées et garantir que la culture de la force se transforme en une authentique culture du service public; les abandons de poste, harcèlements et voies de fait (entre autres choses) constatés chez les policiers doivent faire rapidement l'objet de procédures disciplinaires ou pénales (art. 2, par. 1 et 2, et art. 7).

15.Le Comité souscrit à la préoccupation de l'Autorité trinidadienne chargée d'examiner les plaintes concernant la police au sujet de l'insuffisance des rapports de la Division des plaintes et du fait que cette Division ne rend pas compte comme il convient de griefs persistants, dans des domaines importants.

La Division des plaintes devrait améliorer le contenu de ses rapports et accélérer sa procédure de rapport afin de permettre à l'Autorité chargée des plaintes de remplir efficacement ses fonctions statutaires de façon qu'il soit dûment enquêté sur les violations de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 9.

16.Le Comité est préoccupé par le chapitre 15.01 de la loi sur la police, qui habilite tout policier à arrêter une personne sans mandat dans de nombreuses circonstances. Le fait que ces circonstances soient vaguement définies dans la loi laisse une trop grande liberté à la police.

Le Comité recommande à l'État partie de formuler avec plus de précision sa législation de façon à l'harmoniser avec le paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention.

17.Le Comité se déclare préoccupé par les conditions pénitentiaires, tout en reconnaissant que l'ouverture de la nouvelle prison de sécurité maximale et le transfert progressif de prisonniers dans cet établissement ainsi que les peines non privatives de liberté auront pour effet de réduire la population carcérale hébergée dans des établissements vétustes, où les conditions sont incompatibles avec l'article 10.

Le rapport de la nouvelle Commission sur les moyens de donner effet à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus devrait être publié puis mis en œuvre à titre prioritaire.

18.Le Comité recommande que les restrictions imposées par la loi à la pratique de l'avortement soient réévaluées et que celles qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits des femmes garantis à l'article 3, au paragraphe 1 de l'article 6, et à l'article 7 soient éliminées, si nécessaire par un texte législatif.

19.Le Comité craint que la législation en vigueur sur la diffamation puisse être utilisée pour restreindre la liberté de critiquer le Gouvernement ou les agents publics.

L'État partie devrait mener à bonne fin ses projets de réforme de la loi sur la diffamation, en veillant à établir un juste équilibre entre la protection de la réputation et la liberté d'expression (art. 19).

20.Le Comité attend depuis longtemps des informations sur la suite donnée aux constatations formulées à l'issue de l'examen de communications.

Des réponses circonstanciées devraient être données, comme le Comité l'avait recommandé, au sujet des réparations qui ont pu être octroyées, en toute conformité avec le paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif.

21.Le Comité demande que le cinquième rapport périodique lui soit soumis d'ici le 31 octobre 2003. Il prie l'État partie de diffuser largement les présentes observations finales ainsi que le texte du prochain rapport périodique parmi la population, y compris la société civile et les organisations non gouvernementales actives dans le pays.

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