Nations Unies

CAT/C/SR.1136

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 mai 2013

Original: français

Comité contre la torture

Cinquantième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1136 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 7 mai 2013, à 10 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis en application de l’article 19 de la Convention

Cinquième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Cinquième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord (CAT/C/GBR/5; CAT/C/GBR/Q/5 et Add.1; HRI/CORE/GBR/2010; HRI/CORE/GBR/ 2011)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord prend place à la table du Comité.

2.M. Sweeney (Royaume-Uni), passant en revue les faits nouveaux intervenus depuis l’examen du quatrième rapport périodique, dit, à propos du renvoi de terroristes présumés, que les autorités britanniques n’expulsent aucun individu dans un pays où il court un risque réel de torture ou de mauvais traitements mais qu’elles considèrent les assurances diplomatiques comme un bon moyen de protéger la population tout en se conformant aux obligations internationales contractées par le Royaume-Uni. Elles veillent à prendre les mesures requises pour vérifier que ces assurances sont respectées.

3.L’enquête sur le traitement des détenus dirigée par Sir Peter Gibson, qui avait été ouverte à la suite de graves allégations de mauvais traitements commis à l’étranger par des agents de l’État et de transferts illégaux, a été interrompue par le Gouvernement en raison de l’ouverture en janvier 2012 d’une enquête de police sur des plaintes déposées par deux anciens détenus libyens. En juin de la même année, Sir Gibson a cependant soumis un rapport sur les résultats de l’enquête précitée. Ce document est actuellement examiné par le Gouvernement, qui compte en publier de larges extraits.

4.Le Parlement a récemment adopté la loi sur la justice et la sécurité (2013), qui vise à étendre les pouvoirs des services de sécurité et du renseignement et à renforcer leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Cette loi instaure notamment de nouvelles procédures civiles, fondées sur des éléments de preuve secrets (Closed Material Procedures), qui permettent aux tribunaux de rendre des décisions en parfaite connaissance de cause dans les affaires portant sur des informations sensibles ainsi que les affaires dans lesquelles des agents de l’État sont mis en cause.

5.En ce qui concerne l’application de la Convention dans les administrations investies de compétences déléguées, M. Sweeney indique qu’une vaste réforme du système de justice pénale est en cours en Écosse, qu’un cadre législatif a été adopté en vue d’éradiquer la violence à l’égard des femmes et que le Gouvernement écossais examine actuellement les recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) à l’issue de sa visite en Écosse en 2012 et qu’il prévoit d’y répondre au cours de 2013. La Convention européenne des droits de l’homme a été incorporée dans la loi sur l’Écosse ainsi que dans la loi sur le Gouvernement du pays de Galles. Un projet de loi sur la violence contre les femmes et la violence dans la famille a été élaboré en vue de lutter plus efficacement contre ce phénomène et contre les violences sexuelles et d’offrir une assistance aux victimes dans l’ensemble du pays de Galles. En Irlande du Nord, plusieurs initiatives ont été lancées par le Ministère de la justice, dont des programmes de réforme de l’administration pénitentiaire.

6.Le premier anniversaire du lancement de la stratégie du Ministère des affaires étrangères en matière de prévention de la torture pour 2011-2015 a été célébré en 2012; à cette occasion, une manifestation a été organisée afin de faire le bilan de son application. Le Gouvernement continue de déployer des efforts en vue d’atteindre les trois objectifs de cette stratégie, soit: mettre en place et appliquer des cadres juridiques; créer des capacités et susciter une volonté politique d’éradiquer la torture; et renforcer les compétences des organisations locales afin qu’elles soient à même de lutter efficacement contre cette pratique.

7.Enfin, le Royaume-Uni s’est engagé à allouer des fonds au secrétariat du Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) et il a versé des contributions au Fonds spécial créé par le Protocole facultatif. Il continue de jouer un rôle actif dans le domaine de la prévention de la torture au sein d’organisations multilatérales et a apporté toute sa coopération au CPT lors de sa visite en 2012.

8.M. Bruni (Rapporteur pour le Royaume-Uni) prend acte avec satisfaction des réponses et des renseignements très complets fournis pas l’État partie. Notant à la lecture des paragraphes 7 et 8 du rapport que le Royaume-Uni maintient son refus de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers en application de l’article 22, il souligne que le but de cette procédure est de vérifier la conformité des décisions rendues par les juridictions internes avec la Convention. À l’issue d’une telle procédure, le Comité peut soit conclure que la décision est conforme à la Convention, ce qui permet de dissiper les doutes à cet égard, soit constater qu’il y a eu violation, auquel cas sa décision permet à l’État partie de réparer le tort causé. Dans un cas comme dans l’autre, la décision du Comité a pour objectif de faire en sorte que la Convention soit dûment appliquée. La délégation est invitée à préciser la position de l’État partie sur la question.

9.Le Rapporteur souhaiterait vivement savoir quand le rapport de la commission d’enquête indépendante présidée par Sir Gibson sera publié car l’État partie a indiqué dans son rapport périodique (par. 28) qu’il reconsidérerait sa position concernant le réexamen de l’article 134 de la loi sur la justice pénale − que le Comité considère comme incompatible avec l’article 2 de la Convention − à la lumière des conclusions de ce rapport. À ce propos, la délégation voudra bien expliquer pourquoi l’enquête ouverte sur les allégations des deux anciens détenus libyens n’a pas encore été menée à bonne fin plus d’un an après son lancement. Elle pourrait en outre préciser si les autorités britanniques ont encore l’intention d’ouvrir une nouvelle enquête indépendante sur le traitement réservé aux personnes détenues par les forces britanniques dans le cadre d’opérations menées à l’étranger et, si tel est le cas, quand elles comptent le faire. Il y a une contradiction apparente entre le contenu du paragraphe 191 du rapport, d’après lequel les membres des forces armées britanniques sont soumis à un système disciplinaire dans lequel les infractions sont définies par le droit pénal et les juridictions britanniques, quel que soit le lieu où ils se trouvent dans le monde, et les dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article134 de la loi sur la justice pénale, qui permettent dans certains cas à l’auteur d’une violation de la Convention d’invoquer le fait que les actes en question ont eu lieu à l’étranger ou qu’ils sont autorisés par la législation de l’État où ils ont été commis. Quels commentaires la délégation du Royaume-Uni peut-elle faire à ce propos? Sachant que, de manière générale, l’État partie ne considère pas qu’il exerce un contrôle de jure ou de facto sur les régions d’un autre pays où ses forces armées mènent des opérations, mais que, dans le cas de l’Afghanistan, les zones où les forces britanniques sont intervenues n’étaient pas non plus sous le contrôle des autorités afghanes, le Rapporteur souhaiterait savoir à qui la responsabilité de l’application de la Convention doit être attribuée dans ces zones. Il voudrait également savoir combien de temps va encore durer le moratoire sur le transfert aux autorités afghanes des quelque 70 personnes détenues dans des bases militaires britanniques en Afghanistan qui, d’après des ONG, risquent d’être torturées. M. Bruni tient à souligner à ce propos que, contrairement à ce que la délégation a affirmé dans sa déclaration liminaire, les assurances diplomatiques ne sont pas fiables, surtout lorsqu’elles émanent d’un État qui ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. La délégation voudra bien décrire le mécanisme de surveillance permettant à des membres des forces armées britanniques de rendre visite aux personnes détenues par le Gouvernement afghan. Des exemples concrets et récents de telles visites, de résultats obtenus et de mesures prises pour remédier aux problèmes constatés seraient les bienvenus.

10.Dans ses réponses écrites (par. 7.4), l’État partie indique que les lignes directrices sur la détention et l’interrogatoire des détenus à l’étranger élaborées à l’intention du personnel des services du renseignement prévoient que tout cas de sévices doit être signalé aux autorités britanniques, «à moins que cela ne risque d’aggraver lasituation». Le Rapporteur demande si cela signifie qu’il existe des dérogations et que, dans certains cas, la torture peut être autorisée.

11.Après la visite qu’il a effectuée au Royaume-Uni en novembre 2008, le CPT a recommandé que les suspects soient toujours présentés physiquement au juge chargé de décider de la prolongation de la détention. Or l’État partie semble penser qu’une vidéoconférence peut suffire. La délégation voudra bien indiquer si un détenu qui souhaiterait voir personnellement un juge peut voir sa requête rejetée. M. Bruni relève d’autre part que l’article 4 de la loi sur la prévention du terrorisme et les mesures d’enquête adoptée en décembre 2011 couvre la participation aux actes liés au terrorisme, que celle-ci ait commencé avant ou après la promulgation de cette loi, ce qui est contraire au principe de non-rétroactivité. La délégation voudra bien commenter ce point.

12.Des ONG ont formulé des critiques au sujet de la loi sur la justice et la sécurité évoquée précédemment par la délégation, faisant valoir que les éléments de preuve secrets dont l’utilisation est autorisée en vertu de cette loi peuvent avoir été obtenus par la torture et que, comme leur origine n’est pas divulguée, la personne contre laquelle ces éléments sont utilisés ne peut pas en contester la recevabilité. La délégation est invitée à donner son point de vue sur cette question.

13.En ce qui concerne le surpeuplement carcéral, le Rapporteur souhaiterait savoir si l’État partie a étudié la possibilité de se doter d’une loi qui prévoirait des peines non privatives de liberté pour les auteurs d’infractions mineures. Il demande des explications sur l’écart non négligeable en matière de surpeuplement entre les prisons publiques et les prisons privées. Il prie la délégation de donner des exemples concrets de techniques de contrainte douloureuses qui peuvent être imposées aux mineurs placés dans des centres fermés, dont l’abolition a d’ailleurs été recommandée par le CPT.

14.Dans sa réponse à la liste des points à traiter, l’État partie mentionne la décision par laquelle la Haute Cour a ordonné aux autorités de ne pas expulser vers Sri Lanka des Tamouls dont la demande d’asile a été rejetée, vu que les personnes qui sont dans cette situation risquent d’être soumises à la torture. La délégation est priée d’indiquer si ce moratoire est toujours en vigueur et de donner des renseignements sur la politique générale du Royaume-Uni en la matière.

15.En 2011, le Gouvernement a créé une commission chargée d’étudier la possibilité d’adopter une charte des droits qui remplacerait la loi sur les droits de l’homme actuellement en vigueur, dans laquelle a été incorporée la Convention européenne des droits de l’homme. Or les ONG concernées condamnent unanimement ce projet, estimant qu’il se traduirait par un affaiblissement de la protection contre la torture et les mauvais traitements offerte par la loi et du droit des victimes de tels faits à un recours utile. Il semble également que certaines personnalités politiques évoquent l’idée de dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme. Des précisions sur ces points seraient les bienvenues.

16.M. Tugushi (Corapporteur pour le Royaume-Uni) dit que, s’agissant des garanties juridiques contre la torture, les personnes privées de liberté en Écosse peuvent accéder à un médecin, mais cet accès n’est pas garanti par une disposition législative, ce qui appelle des commentaires. De même, il est indiqué dans les réponses à la liste des points à traiter qu’en Angleterre et au pays de Galles, toute personne arrêtée se voit remettre un document l’informant de ses droits, notamment celui de bénéficier des services d’un conseil et d’aviser un tiers de sa détention. Qu’en est-il du droit de voir un médecin? Selon les informations dont dispose le Comité, l’accès des personnes privées de liberté aux services d’un conseil pendant les week-ends peut laisser à désirer, en particulier en Écosse, le contact avec un conseil étant parfois limité à un échange téléphonique de quelques minutes. Est-il envisagé de prendre des mesures pour remédier à ces insuffisances?

17.Bon nombre de critiques adressées au Royaume-Uni concernent les conditions carcérales, le grave problème du surpeuplement des établissements de détention du pays et le nombre élevé de décès − notamment par suicide − et de cas d’automutilation dans ces établissements. Selon des statistiques récentes, 59 % des établissements de détention en Angleterre et au pays de Galles connaissent un problème de surpopulation. L’État partie a indiqué qu’il s’employait à remédier à ce problème en ouvrant de nouveaux établissements. Or l’expérience de nombreux pays montre qu’une telle mesure n’est pas susceptible à elle seule d’y apporter une solution durable et qu’elle doit s’accompagner d’une stratégie cohérente visant à faire de l’incarcération une mesure de dernier ressort et mettant l’accent sur le recours à un ensemble de mesures non privatives de liberté et de mesures permettant d’accélérer la remise en liberté. La délégation voudra bien indiquer si l’État partie envisage d’adopter une telle stratégie.

18.Évoquant les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires d’Irlande du Nord, notamment leur surpeuplement, les conditions inhumaines dans lesquelles les femmes y sont détenues, l’intimidation dont les détenus sont victimes, la pratique de l’isolement cellulaire et le recours à des moyens de contention, M. Tugushi demande si la réforme en cours du système pénitentiaire est assortie de délais et si elle permettra de déboucher sur des améliorations concrètes dans un proche avenir.

19.Dans son dernier rapport, le CPT a recommandé au Royaume-Uni de considérer tout détenu âgé de 17 ans comme un mineur, de le traiter comme tel et de lui accorder les droits correspondant à son statut. Or le problème que pose le régime appliqué dans ce cas persiste dans certaines régions du Royaume-Uni. La délégation voudra bien fournir des renseignements à jour sur cette question. Le Comité constate également que le nombre de cas dans lesquels des moyens de contention ont été utilisés contre des enfants âgés de 10 à 17 ans détenus dans des établissements en Angleterre et au pays de Galles a augmenté de 70 %. L’État partie envisage-t-il de prendre des mesures pour remédier à ce problème? Par ailleurs, selon les informations dont dispose le Comité, des enfants sont parfois détenus pendant plus de douze heures dans des conditions dégradantes, avec des adultes, à l’aéroport de Heathrow. Qu’en est-il? Le Comité a également reçu des informations selon lesquelles des mineurs − âgés de 11 ans à peine dans certains cas − qui n’ont pas commis d’infraction sont parfois placés dans des locaux de garde à vue pendant plus de soixante-douze heures parce que la police estime qu’ils sont atteints de troubles mentaux ou qu’ils sont perturbés ou agités, ce qui appelle des éclaircissements.

20.La plupart des allégations de torture évoquées dans la liste des points à traiter concernent des actes commis par des militaires hors du territoire du Royaume-Uni, essentiellement en Irak. L’indépendance et l’efficacité des enquêtes menées à cet égard ont été mises en doute dans de nombreux cas. Des commentaires de la délégation à ce sujet seraient les bienvenus.

21.À la question posée au paragraphe 30 de la liste des points à traiter, à savoir si la décision de la Chambre des lords dans l’affaire A. v. Secretary of State for the Home Department (n o 2) (2006), déclarant irrecevables les éléments de preuve obtenus par la torture avait été intégrée dans la législation ou dans un engagement pris devant le Parlement, l’État partie a répondu que cette décision était contraignante. Le Comité souhaiterait néanmoins savoir si l’État partie prévoit d’inscrire ce principe dans la législation.

22.Selon la législation en vigueur dans l’État partie, les migrants peuvent être détenus pour une période de temps indéfinie, bien qu’en pratique cette détention dépasse rarement un mois. La délégation est priée d’indiquer s’il est prévu de réviser la législation en vue de fixer des périodes de détention maximales. En Irlande du Nord, les immigrants peuvent être placés en rétention pendant des périodes prolongées et ne bénéficient pas de la protection prévue par l’article 35 du Règlement des centres de rétention, qui dispose notamment que les médecins dans ces centres doivent signaler aux autorités tout cas présumé de torture. Il a été indiqué à cet égard qu’un projet de règlement des centres de rétention d’Irlande du Nord était à l’étude. La délégation voudra bien donner des précisions sur l’état d’avancement de cet examen et indiquer si ce règlement comportera une disposition similaire à celle de l’article 35 du Règlement susmentionné.

23.Un mécanisme national de prévention a été mis en place dans l’État partie, ce dont le Comité se félicite. Ce mécanisme est composé de 18 organes distincts. L’un des problèmes les plus fréquemment évoqués concernant ce mécanisme est celui des ressources qui lui sont affectées, qui auraient été réduites et seraient parfois insuffisantes. Qu’en est-il exactement? L’indépendance de certains des organes composant ce mécanisme a également été mise en doute, des agents pénitentiaires y étant détachés pendant une période et réintégrant ensuite leurs fonctions. Cette pratique a-t-elle encore cours?

24.M. Domah rappelle qu’il est ressortissant mauricien. Or, Maurice et le Royaume-Uni ont un différend portant sur Diego Garcia et l’expulsion forcée d’habitants de cette île. Aussi, ne prendra-t-il pas part à l’examen du rapport du Royaume-Uni, auquel il assistera en tant qu’observateur.

25.Le Président dit que le Comité prend bonne note de la décision de M. Domah.

26.M. Gaye constate que le surpeuplement carcéral constitue un problème important dans l’ensemble du Royaume-Uni et estime qu’il est difficile de ne pas faire de lien entre ce problème et le nombre assez élevé de décès dans les établissements de détention. Dans ce contexte, la réflexion porte généralement sur deux questions: d’une part, l’aménagement de nouvelles structures carcérales ou l’amélioration des structures existantes et d’autre part, l’adoption de mesures de substitution à la détention. Or l’État partie n’a donné aucune indication quant à son éventuelle intention d’adopter ce type de mesures. Concernant les violations des droits de l’homme dont des militaires britanniques se seraient rendus coupables à l’étranger, M. Gaye souhaiterait savoir si elles ont fait l’objet d’enquêtes et, dans l’affirmative, quel a été leur résultat. Enfin, il serait souhaitable que la délégation s’exprime sur la question de l’acceptation par l’État partie de la compétence du Comité pour examiner des communications émanant de particuliers.

27.M. Mariño Menéndez demande pourquoi l’État partie ne se prévaut-il pas, pour obtenir le retour de M. Shaker Aamer, détenu à Guantanamo Bay, de la possibilité qu’offre l’article 21 de la Convention de présenter au Comité une communication sur cette question. L’intéressé est détenu pour une période de temps indéfinie sans chef d’inculpation ni jugement, ce qui est clairement contraire à la Convention. M. Mariño Menéndez souhaite également savoir quelles sont les perspectives de règlement de cette affaire.

28.S’agissant du principe de l’application extraterritoriale de la Convention, l’État partie indique au paragraphe 4.5 de ses réponses que le champ d’application de chaque article de la Convention doit être déterminé en fonction de l’objet de l’article considéré. La délégation voudra bien expliquer si l’État partie entend par là que chaque article de la Convention a un champ d’application qui lui est propre et que la Convention ne doit pas être interprétée comme formant un tout.

29.L’État partie fait appel aux services de sociétés privées dans le cadre d’opérations militaires menées à l’étranger. Selon certaines allégations, des membres du personnel de telles sociétés ont commis des violations des droits de l’homme, pour lesquelles l’État partie décline toute responsabilité. Le Comité voudrait savoir dans quels cas l’État partie estime qu’une société privée qui agit pour son compte dans le cadre d’une opération militaire peut être considérée comme un de ses agents. Enfin, il semble que le nombre des membres des forces de l’ordre de l’État partie qui seront équipés de pistolets à impulsion électrique (Taser) augmentera considérablement à l’avenir. La délégation est invitée à préciser si l’utilisation de ces armes, que le Comité a toujours jugées dangereuses, sera encadrée et limitée.

30.M me Gaer demande des précisions concernant les mécanismes en place pour vérifier que les personnes expulsées ne sont pas soumises à la torture dans le pays de renvoi, en particulier dans les cas où l’État partie a procédé à l’expulsion sur la foi d’assurances diplomatiques. Elle voudrait également connaître le nombre de procédures d’asile dans lesquelles des allégations dénonçant des actes de torture commis à Sri Lanka après la fin du conflit ont été jugées crédibles, et savoir combien d’entre elles concernaient des Tamouls et dans quelle mesure le Gouvernement tient compte des faits mis en lumière par ces affaires pour modifier sa politique à l’égard des demandeurs d’asile tamouls. Des explications concernant le nombre élevé de personnes, majoritairement des femmes, emprisonnées pour non-paiement d’amendes en Irlande du Nord seraient souhaitables.

31.La Commission des droits de l’homme d’Irlande du Nord a signalé que l’usage excessif de moyens de contrainte était courant dans les établissements accueillant des personnes âgées. Mme Gaer voudrait savoir quelle formation est dispensée au personnel des établissements concernés et si des employés ont déjà été condamnés pour mauvais traitements. Elle demande aussi pourquoi il a été décidé de ne pas ouvrir d’enquête sur la mort de Patrick Finucane et en quoi cette décision est favorable au processus de justice transitionnelle en Irlande du Nord. Enfin, elle souhaite savoir quelles mesures sont prises pour garantir le droit à réparation des femmes qui ont été victimes de mauvais traitements dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine («Magdalene Laundries»).

32.M me  Belmir dit que la prérogative qui permet au Directeur du parquet pour l’Irlande du Nord de décider qu’une affaire sera jugée sans jury constitue une grave atteinte au droit à un procès équitable. Elle demande si les décisions de ce type sont susceptibles de recours. L’État partie fait valoir dans son rapport que l’utilisation de pistolets à impulsion électrique n’a à ce jour entraîné aucun cas de décès ou de blessure grave sur son territoire. Pourtant les dangers inhérents à leur emploi ont été illustrés à plusieurs reprises par des incidents tragiques dans d’autres pays, ce qui devrait inciter l’État partie à la prudence.

33.M me  Sveaass dit que le maintien dans la loi de la notion de «châtiment raisonnable» ouvre une brèche dans la protection contre les châtiments corporels, dont toutes les formes devraient être interdites. Elle invite l’État partie à revoir sa législation dans ce sens, et à renforcer les initiatives d’éducation parentale de manière à mieux informer les parents sur cette question. Le nombre de femmes incarcérées en Écosse a doublé en dix ans, entraînant un grave problème de surpeuplement carcéral. Il serait intéressant de connaître les causes de ce phénomène et de savoir quelles mesures sont envisagées pour désengorger les établissements pénitentiaires concernés. Au vu des allégations faisant état de mauvais traitements dans les hôpitaux psychiatriques et les centres sociaux, Mme Sveaass demande quels sont les dispositifs en place pour assurer une surveillance effective et indépendante de ces établissements, s’il existe des mécanismes de plainte et s’il est veillé à ce que les victimes de mauvais traitements obtiennent réparation.

34.Outre le Protocole d’Istanbul, il existe de nombreux instruments sur les méthodes permettant de reconnaître les manifestations de la torture, dont plusieurs ont été élaborés par des spécialistes britanniques. Il serait intéressant de savoir si ces instruments sont utilisés dans les centres de rétention pour repérer d’éventuelles victimes de torture parmi les demandeurs d’asile. Des précisions concernant la nature des règlements intervenus à la suite de plaintes pour torture ou mauvais traitements évoqués par l’État partie dans ses réponses écrites (par. 29.3) seraient également utiles, ainsi que des informations sur les services d’assistance psychologique et de réadaptation ouverts aux victimes de torture et sur les mesures prises pour garantir l’accès des victimes, en particulier des réfugiés, à ces services. D’après une ONG, l’État partie a accordé le statut de réfugié à 15 Tamouls qu’il avait déboutés une première fois et expulsés vers Sri Lanka, où ceux-ci avaient été torturés. La délégation voudra bien indiquer si l’État partie a accordé réparation aux intéressés et, dans l’affirmative, sous quelle forme.

35.M. Wang Xuexian relève à propos du décès de Baha Mousa que le caporal qui a été reconnu coupable des mauvais traitements ayant entraîné la mort de la victime n’a été condamné qu’à un an d’emprisonnement. Il souhaiterait savoir si l’État partie considère que cette peine est à la mesure de la gravité de l’infraction commise. Le Ministère de la défense a accepté de verser 2,83 millions de livres de dommages-intérêts aux détenus ayant été soumis à des mauvais traitements par des membres des forces armées britanniques en Iraq. Des précisions concernant les détenus concernés seraient les bienvenues.

36.Le Président demande en quoi consistent les propositions visant à modifier la loi sur les droits de l’homme et si elles tendent vers un renforcement de la protection de ces droits. Il voudrait savoir quand le processus de ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées sera achevé. Au vu du nombre considérable d’enfants de moins de 11 ans qui ont été placés en garde à vue en 2012, il serait utile de savoir si l’État partie envisage de relever l’âge de la responsabilité pénale, qui est actuellement fixé à 10 ans. Étant donné que la Fédération de la police prévoit de porter à 36 000 le nombre d’agents munis de pistolets à impulsion électrique, le Président souhaiterait savoir si des ressources supplémentaires ont été prévues pour la formation des agents concernés à l’usage de ces armes. L’expulsion par l’État partie de demandeurs d’asile tamouls vers Sri Lanka où ceux-ci ont été torturés après leur renvoi est le signe que l’évaluation du risque de torture effectuée dans le cadre de la procédure de détermination du statut de réfugié est déficiente et appelle des améliorations. Il serait intéressant de savoir si les critères appliqués ont été modifiés en conséquence.

37.Le Président demande s’il est exact qu’en vertu du projet de loi sur la justice et la sécurité le Gouvernement peut invoquer la protection de la sécurité nationale pour empêcher que des preuves de sa responsabilité dans des actes de torture commis à l’étranger ne soient rendues publiques. Il souhaiterait également savoir si les forces armées ont reçu une formation aux règles de 2009 sur les méthodes d’interrogatoire applicables dans les enquêtes du MI5 et du MI6, qui interdisent expressément la torture. Enfin, il demande des explications concernant le poids accordé par l’État partie aux assurances diplomatiques, y compris dans les cas où l’existence d’un risque de torture dans le pays de renvoi a été établi.

38.M.  Bruni (Rapporteur pour le Royaume-Uni) dit que la législation de l’État partie est ambivalente en ce qu’elle interdit la torture mais contient parallèlement des dispositions qui permettent de déroger à cette interdiction. La délégation voudra bien commenter par exemple la disposition de la loi de 1994 sur le renseignement (1994 Intelligence Act) qui prévoit que nul agent de l’État ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée pour des actions accomplies à l’étranger sous l’autorité du Secrétaire d’État. Il ressort de certaines directives administratives que les autorités sont tenues d’évaluer le degré de probabilité du risque de torture pour déterminer si des mesures de protection sont nécessaires. Cela est contraire à la position du Comité qui est que toute personne exposée à un risque de torture mérite protection, indépendamment du point de savoir si ce risque est élevé ou faible. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet.

39.M. Tugushi (Corapporteur pour le Royaume-Uni) demande si le Gouvernement a prévu d’encadrer l’utilisation des pistolets à impulsion électrique par des règles strictes pour empêcher que ces armes soient utilisées contre des mineurs ou des personnes vulnérables, comme cela a été le cas dans le passé.

40.Le Président remercie la délégation et les membres du Comité et les invite à reprendre le dialogue à une séance ultérieure.

La première partie (publique) de la séance prend fin à midi.