NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.8812 juillet 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 881e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 6 mai 2009, à 15 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique d’Israël (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique d’Israël (CAT/C/ISR/4; CAT/C/ISR/Q/A) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation israé l ienne repren d place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation à poursuivre un dialogue qui s’annonce à la fois dense et constructif.

3.M. NITZAN (Israël) dit que sa délégation s’emploiera dans le temps imparti à répondre le mieux possible à la centaine de questions qui ont été posées en les regroupant par thèmes.

4.Mme SCHONMAN (Israël) rappelle que l’applicabilité de la Convention contre la torture à la Cisjordanie ou à la bande de Gaza a été considérablement débattue ces dernières années, notamment au Comité. Dans son rapport (CAT/C/ISR/4), Israël n’évoque pas la mise en œuvre de la Convention dans ces zones pour diverses raisons, aussi bien juridiques que pratiques. En particulier, une interprétation trop large de l’article 16 de la Convention donnerait à penser que les questions à l’examen sont visées par ledit article, ce qui est contestable compte tenu des circonstances dans lesquelles la Convention a été rédigée, lesquelles montrent clairement que telle n’était pas l’intention des rédacteurs, qui ont d’ailleurs adopté cet article au titre d’un point de l’ordre du jour portant sur les droits des personnes détenues.

5.Pour évaluer et interpréter comme il convient la nature des obligations qui incombent à Israël en vertu de la Convention, il est crucial de tenir compte d’une réalité changeante et des événements importants intervenus sur le terrain depuis 2001. On songera à l’initiative de désengagement de la bande de Gaza prise par Israël en août 2005, qui s’est traduite par un retrait total des forces israéliennes, le démantèlement de son administration militaire et l’évacuation de plus de 8 500 civils et qui a été suivie par la mise en place d’une administration terroriste violente dirigée par le Hamas, qui s’est donné pour but la destruction d’Israël.

6.L’histoire des négociations qui ont abouti à l’adoption de la Convention confirme le point de vue d’Israël sur cette question, point de vue partagé par nombre d’autres États, à savoir l’inapplicabilité extraterritoriale de la Convention dans des zones situées hors du territoire national des États, auxquelles s’applique un ensemble de règles distinctes, notamment le droit régissant les conflits armés et la conduite des hostilités. Quiconque cherche à établir que la Convention est applicable à la Cisjordanie ou à Gaza méconnaît le statut tout à fait spécifique de ces zones et les changements qu’elles ont connus et continuent de connaître, et cela est particulièrement vrai de la bande de Gaza. Depuis le désengagement d’Israël, la situation est encore plus claire: avec le départ de l’administration militaire des forces armées israéliennes et de tous les Israéliens, on ne saurait évidemment prétendre qu’Israël exerce un contrôle effectif au sens du Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Israël est donc invité à rendre compte de la relation existant entre deux sphères juridiques distinctes: le droit des conflits armés et de la guerre et le droit des droits de l’homme. Cette relation fait l’objet d’importants débats théoriques et pratiques et pour sa part Israël reconnaît qu’il existe un lien étroit entre les droits de l’homme et le droit des conflits armés et qu’à certains égards, il existe bien une convergence entre ces deux domaines du droit. Cependant, en l’état actuel du droit international et de la pratique des États, ces deux systèmes juridiques, qui sont codifiés dans des instruments séparés, demeurent distincts et s’appliquent à des situations différentes, en sorte que la lex specialis du droit des conflits armés l’emporte sur l’autre. La Convention contre la torture est un élément clef des droits de l’homme et ses dispositions sont dans une certaine mesure et d’une certaine façon reprises dans le droit des conflits armés; mais toute tentative pour appliquer simultanément ces deux régimes juridiques distincts ne pourrait que nuire à l’un et à l’autre. Israël n’a jamais fait de déclaration visant expressément à se réserver le droit d’étendre l’applicabilité de la Convention à la bande de Gaza ou à la Cisjordanie. Or un principe fondamental du droit des traités veut qu’en l’absence d’une telle déclaration faite volontairement, la Convention, dont l’application est territoriale, ne s’applique pas dans des zones situées à l’extérieur du territoire national des États. Toutefois, même si la situation dans les territoires n’est pas visée par la Convention et ne relève nullement de la compétence du Comité, Israël estime qu’elle peut faire l’objet d’un examen et d’un débat public et que cela ne le dégage pas de ses responsabilités humanitaires. On notera dans ce contexte que la situation des Palestiniens est actuellement abondamment débattue au sein d’un grand nombre de forums internationaux auxquels Israël participe. Sans remettre en cause le point de vue d’Israël sur le champ d’application de la Convention, qu’il s’agisse de son application territoriale ou de questions de fond, la délégation se propose de répondre en détail aux questions posées par les membres du Comité au sujet des territoires.

7.M. NITZAN (Israël), se référant à certaines allégations dirigées contre des enquêteurs des agents du Service général de sécurité (SGS), selon lesquelles ceux‑ci auraient recours à des méthodes interdites par la Convention, souligne à nouveau que la loi pénale israélienne interdit totalement le recours à la force, à la violence ou à la menace à l’encontre de qui que ce soit dans le but d’extorquer des aveux ou des renseignements. Les termes de cette loi couvrent intégralement tous les aspects de la définition de la torture donnée dans la Convention, y compris en ce qui concerne les souffrances mentales. À ce sujet, il convient de préciser que le débat qui a eu lieu à la Knesset au sujet de l’interdiction de la torture portait sur la future constitution: la question était uniquement de savoir s’il convenait d’inscrire cette interdiction dans la Constitution ou s’il était suffisant qu’elle soit consacrée dans la loi.

8.En ce qui concerne l’état de nécessité invoqué comme moyen de défense, M. Nitzan souligne que la Cour suprême a décidé de manière non équivoque que le SGS n’est nullement autorisé par la loi israélienne à recourir à des pressions physiques pour interroger des personnes suspectées de terrorisme. À ce sujet, il cite un arrêt de la Cour qui précise que tout recours à des moyens brutaux ou inhumains et toute atteinte à la dignité des suspects sont interdits de manière absolue et sans exception, sans qu’aucune circonstance puisse permettre d’y déroger. Cependant, la Cour a estimé que bien que les enquêteurs du SGS ne soient pas autorisés à recourir à la force physique, si l’un d’eux affirme qu’il a fait usage de la force d’une manière raisonnable en raison d’un état de nécessité, c’est un argument qui pourrait jouer en sa faveur dans le cadre d’une affaire pénale − ce qui ne signifie évidemment pas qu’il est autorisé par avance à recourir à la force au cours d’un interrogatoire. Concernant les moyens de défense, il convient de préciser que dans le système pénal israélien, le procureur ne peut pas prononcer une inculpation s’il constate que le suspect dispose d’un moyen de défense efficace. L’inculpation ne peut alors être décidée que par un haut fonctionnaire des services du Procureur, et cette décision est susceptible d’être réexaminée par les services judiciaires. À ce propos, M. Nitzan souligne que les procureurs israéliens sont des juristes nommés compte tenu de leurs compétences et leur indépendance et non en fonction de considérations politiques.

9.Des questions ont été posées au sujet des quelque 600 plaintes déposées à l’encontre d’enquêteurs du SGS qui n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales − même si, il faut le signaler, des procédures disciplinaires ont dans certains cas été engagées. Le fait qu’il y ait eu 600 plaintes ne signifie évidemment pas nécessairement qu’il y aurait dû avoir 600 inculpations. Un grand nombre de ces affaires sont classées faute de preuves. Le système pénal israélien dispose que pour inculper quelqu’un, il faut que le procureur dispose de suffisamment d’éléments pour établir la culpabilité au‑delà de tout doute raisonnable. Lorsque le seul élément est le témoignage du suspect et qu’il est contredit par l’enquêteur, il devient très difficile d’inculper. Par ailleurs, d’importantes contradictions ont souvent été constatées dans la version des faits donnée par le suspect, ce qui rend impossible toute inculpation. Dans quelques affaires où c’est une ONG qui avait porté plainte au nom d’un suspect, celui‑ci a par la suite déclaré n’avoir subi aucun mauvais traitement et ne pas vouloir porter plainte; quelles que soient ses raisons, il devient impossible d’inculper dans ces conditions. En outre, certaines allégations sont manifestement dénuées de fondement; les plaignants sont membres d’organisations terroristes qui mènent campagne contre Israël, et faire des allégations mensongères à l’encontre des enquêteurs participe de l’action menée auprès de l’opinion publique. Il peut aussi arriver que des personnes qui ont été interrogées formulent de fausses accusations pour se disculper aux yeux de l’organisation terroriste à laquelle elles appartiennent en expliquant que si elles sont passées aux aveux, c’est qu’elles ont été torturées durant l’interrogatoire. Enfin et surtout, dans l’immense majorité des 600 cas qui ont été examinés par le Contrôleur chargé d’examiner ces plaintes, l’enquêteur mis en cause a affirmé qu’il n’avait nullement fait usage de la force, ce que le Contrôleur n’a pas pu réfuter faute de suffisamment d’éléments. Dans quelques cas seulement, il a été reconnu que les agents chargés de l’interrogatoire avaient eu recours à des pressions physiques parce que la situation les y avait obligés. En pareil cas, il appartient au procureur de décider si cette affirmation est crédible et s’il estime que le suspect a là un solide moyen de défense, il ne peut pas l’inculper. Enfin, tout récemment, le chef du Département des enquêtes du SGS a déclaré sous serment à la Cour suprême que, ces dernières années, les cas où des enquêteurs du SGS avaient estimé être confrontés à un état de nécessité et avaient agi en conséquence étaient extrêmement peu nombreux et exceptionnels, et n’avaient concerné qu’une proportion minime des personnes faisant l’objet d’une enquête parce que soupçonnées d’activités terroristes.

10.L’article 18 de la loi sur le Service général de sécurité dispose que les personnes agissant au nom du SGS ne sont pas responsables pénalement ni civilement d’actes ou d’omissions commis de bonne foi et raisonnablement. Il est évident qu’une infraction pénale ou un manquement à la discipline ne peut pas être commis de bonne foi ou raisonnablement et qu’en conséquence, cet article de la loi ne s’applique pas dans ces cas, ce qui est tout à fait conforme aux prescriptions de la Convention. D’ailleurs, jamais des plaintes portées contre des enquêteurs du SGS n’ont été rejetées sur la base dudit article 18. Quant à l’indépendance du Contrôleur chargé d’examiner les plaintes portées à l’encontre des enquêteurs du SGS, elle n’est pas sujette à caution, ses actions étant supervisées par un haut fonctionnaire des services du Procureur de l’État et aucun fonctionnaire du SGS ne pouvant s’immiscer dans ses activités. Il est à noter qu’il est donné suite à toute plainte, qu’elle émane d’un détenu ou d’une ONG; de fait, dans la plupart des cas, les enquêtes sont ouvertes à la suite de plaintes déposées par des ONG au nom d’un détenu. Il a été suggéré que le nombre de plaintes déposées avait diminué parce qu’elles donneraient rarement lieu à des inculpations. Le nombre de plaintes déposées a effectivement diminué, mais assez peu, et il serait déraisonnable d’augmenter le nombre des inculpations sans disposer d’éléments suffisants dans le seul but d’encourager l’ouverture de nouvelles enquêtes.

11.Il a été demandé à qui incombait la charge de la preuve dans les procédures concernant des allégations de torture. En Israël, pour toute action pénale, c’est au parquet qu’il incombe de prouver au-delà de tout doute raisonnable qu’une infraction pénale a été commise; cette règle s’applique à toutes les affaires pénales, y compris celles concernant des cas de torture. En matière civile en revanche, la charge de la preuve incombe au plaignant mais les exigences à cet égard sont beaucoup moins strictes que dans les affaires pénales. M. Nitzan croit savoir qu’il en va de même dans la plupart des systèmes juridiques et il indique que de très nombreuses actions civiles ont été intentées auprès des tribunaux israéliens à la suite d’interrogatoires menés par le SGS; dans certains cas, une indemnisation a été octroyée à titre gracieux.

12.L’internement administratif de personnes présentant un danger pour la sécurité est une mesure reconnue en droit international et totalement conforme à l’article 78 de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Cette mesure n’est appliquée que dans les cas où l’on dispose de preuves qu’un individu se livre à des activités illégales compromettant la sécurité de l’État et la vie des populations civiles; toute décision d’internement est susceptible de réexamen judiciaire et l’intéressé peut faire appel de la décision auprès de la Cour d’appel militaire, puis adresser une requête à la Haute Cour de justice pour demander l’annulation de l’ordonnance d’internement. Les requérants peuvent être représentés par un conseil de leur choix à tous les stades de la procédure et prendre connaissance des preuves retenues contre eux si elles ne sont pas couvertes par le secret. Il est à noter que toute mesure d’internement administratif est limitée à six mois et que pour la proroger, il faut procéder à une réévaluation des renseignements concernant l’intéressé ainsi qu’à un réexamen judiciaire; enfin, il peut être fait appel de cette mesure qui ne peut être utilisée qu’à titre exceptionnel, lorsqu’il existe des éléments concrets et fiables qui, pour des raisons de confidentialité et de protection des sources, ne peuvent être produits dans la procédure pénale ordinaire. Dès lors que ces éléments peuvent être présentés dans le cadre d’une action pénale, le placement en internement administratif est exclu. Tout interné a le droit de rencontrer un conseil de son choix depuis le premier jour de son internement et aussi souvent que nécessaire. Un membre du Comité a évoqué une affaire où l’internement administratif avait été prorogé à 13 reprises: il s’agit là d’un cas très rare et le seul motif permettant de prolonger autant de fois l’internement est l’existence d’éléments de preuve très convaincants attestant que la libération immédiate de l’intéressé mettrait la vie de civils en danger. À supposer par exemple que l’on dispose d’informations fiables et vérifiées selon lesquelles un détenu a déclaré qu’il commettrait un attentat-suicide aussitôt libéré, et si ces renseignements ne peuvent pas être utilisés dans une procédure pénale parce que cela mettrait en danger la vie de la source, devra-t-on libérer cette personne? La réponse est non. Le droit à la vie est le plus fondamental des droits de l’homme, et l’article 78 de la quatrième Convention de Genève ne fixe aucune limite à la durée de l’internement. Cela dit, la Cour suprême a à de nombreuses reprises souligné que l’élément temporel est très important lorsque la prorogation d’une mesure d’internement administratif est envisagée et il sera d’autant plus difficile de l’autoriser que la personne est internée depuis longtemps. La meilleure garantie qu’une mesure d’internement administratif ne sera pas indument prolongée est la disposition figurant dans la loi selon laquelle toute prorogation doit être approuvée par un tribunal et peut faire l’objet d’un recours auprès d’une cour d’appel militaire puis auprès de la Cour suprême. Cette dernière est d’ailleurs saisie quasi quotidiennement de recours de ce genre. En tout état de cause, chaque fois que possible, l’action pénale est préférée à l’internement administratif. Enfin, des précisions ont été demandées au sujet du dispositif de réexamen garantissant le respect des droits des internés. Tout élément de preuve qui n’a pas été classé comme confidentiel doit être communiqué à l’intéressé et à son avocat. Tous les renseignements considérés comme secrets pour des raisons de sécurité doivent quant à eux être présentés au juge, qui peut interroger le spécialiste qui a recueilli ces données au sujet de leur contenu et de leur fiabilité. Si le juge estime que tel ou tel renseignement confidentiel peut être divulgué, il est tenu de le communiquer. Quant à la personne internée, elle a le droit de s’assurer les services d’un conseil à tous les stades de la procédure.

13.La loi de 2002 sur la détention des combattants irréguliers incorpore dans la législation interne israélienne le droit qu’a tout État en droit international des conflits armés d’interner des personnes prenant directement part aux hostilités et mettant en danger la sécurité de l’État mais ne pouvant bénéficier du statut de prisonnier de guerre tel qu’il est défini à l’article 4 de la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre. L’incarcération de ces combattants est conforme aux prescriptions de la quatrième Convention de Genève concernant l’internement administratif; elle est admise depuis longtemps par de nombreux experts en droit international et demeure un outil essentiel dans la lutte contre les organisations terroristes, qui opèrent au mépris du droit des conflits armés, par exemple en ne se distinguant pas de la population civile. Il a été demandé pourquoi ces personnes internées ne sont pas déférées devant un juge. En vertu de l’article 5 de la loi susmentionnée, tout prisonnier doit comparaître devant un juge civil quatorze jours au plus tard après que l’ordonnance d’incarcération, qui est une mesure administrative, a été rendue. La Cour suprême a décidé que ce délai devait être le plus court possible et les prisonniers comparaissent généralement plus rapidement. À l’heure actuelle, 12 personnes seulement, toutes résidentes de la bande de Gaza, sont incarcérées au titre de cette loi. Un réexamen judiciaire de l’incarcération est effectué tous les six mois par un tribunal civil, et la décision peut faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême. En juin 2008, la Cour suprême a rejeté un appel formé par deux de ces internés; à cette occasion, elle s’est penchée pour la première fois depuis la promulgation de la loi sur divers aspects juridiques de l’incarcération des combattants irréguliers. Ayant réaffirmé la légalité des ordonnances d’incarcération qui faisaient l’objet du recours, la Cour suprême a estimé que la législation était conforme à la loi constitutionnelle israélienne et au droit international humanitaire, lequel est applicable à la lutte d’Israël contre les groupes terroristes palestiniens; la Cour a noté que la loi dans son ensemble n’empiétait pas de manière disproportionnée sur le droit à la liberté et était compatible avec les dispositions pertinentes de la quatrième Convention de Genève. En outre, la Cour suprême a interprété les principes énoncés dans la loi sur la détention des combattants irréguliers comme tendant à instaurer un subtil équilibre entre les normes généralement acceptées en matière de droits de l’homme et les exigences légitimes de la sécurité. Compte tenu de la situation actuelle, Israël estime que le recours à ces dispositions est indispensable pour prévenir l’activité terroriste.

14.Il a été allégué qu’au cours de l’Opération «Plomb durci», Israël n’avait pas permis aux Palestiniens de la bande de Gaza de se rendre en Israël pour se faire soigner. Ces dernières années et y compris depuis que l’organisation terroriste Hamas a pris le pouvoir à Gaza, les habitants de la bande de Gaza qui ont besoin de soins médicaux n’ont pas cessé d’être accueillis en Israël. Toutefois, lorsque des considérations de sécurité impératives l’imposaient, seules les personnes nécessitant des soins essentiels étaient admises en Israël et ce, même si cela présentait des risques pour la sécurité. Les statistiques montrent qu’entre 2007 et 2008, alors qu’un conflit armé se déroulait et que des roquettes étaient continuellement lancées contre Israël, plus de 14 000 résidents de la bande de Gaza ont été soignés en Israël − contrairement aux allégations selon lesquelles cela leur aurait été refusé. Même au cours de l’Opération «Plomb durci» et en dépit de graves problèmes de sécurité, les personnes qui ont besoin des soins y ont eu accès; au reste, tout refus d’entrer motivé par des risques pour la sécurité peut faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême. Une politique analogue a été appliquée à l’égard des habitants de la Cisjordanie: en 2007‑2008, ce sont quelque 270 000 patients et leurs accompagnateurs qui ont été autorisés à entrer en Israël. On notera à ce sujet que l’existence de la clôture de sécurité n’empêche pas les habitants de la Cisjordanie d’avoir accès aux soins médicaux car il existe de nombreux passages permettant d’entrer en Israël. À ce propos, une question a été posée au sujet de la confirmation par la Cour suprême d’Israël d’une décision de s’opposer à l’entrée en Israël d’un résident de Gaza nécessitant des soins. Dans son arrêt, la Cour a souligné qu’elle attachait une grande importance au risque de perdre la vue ou un membre, éléments indispensables à la qualité de vie de la personne, et en pareil cas, l’État devait tout faire pour lui venir en aide. Il a été avancé qu’au cours de l’Opération «Plomb durci», les Forces de défense israéliennes (FDI) avaient attaqué des établissements et du personnel médicaux. Une enquête approfondie menée récemment par Israël a montré que l’organisation terroriste Hamas s’était délibérément installée avec des armes lourdes à proximité d’installations jouissant d’une protection et d’un statut spéciaux en droit international, telles que des hôpitaux et dispensaires. De nombreux éléments de preuve attestent que les terroristes se sont même cachés dans le principal hôpital de Gaza et ont utilisé des ambulances pour transporter des munitions et des hommes d’un endroit à l’autre, et ce, en violation flagrante du droit international. Or, même au plus fort des combats, les FDI avaient pour consigne de veiller tout particulièrement à ne pas porter atteinte aux équipes et installations médicales et elles ont souvent interrompu leurs opérations si un véhicule ou du personnel médical se trouvait à proximité. Les FDI se sont même parfois abstenues d’attaquer des véhicules sanitaires qu’elles soupçonnaient d’être utilisés par le Hamas et d’autres organisations terroristes. Les ordres concernant les précautions à prendre à proximité de véhicules médicaux ont même été renforcés au cours de l’opération, instaurant de ce fait des règles plus strictes encore que celles imposées par le droit international. En outre, les FDI ont mis en place une cellule médicale au sein du service de coordination et de liaison à Gaza, qui était chargée de coordonner l’évacuation des corps, des blessés et des civils pris au piège dans la zone des combats. Au cours de l’opération, la cellule médicale a traité 150 demandes diverses. Il est vrai qu’au cours de leurs opérations militaires, si les FDI ont respecté scrupuleusement les normes du droit international et du droit des conflits armés, il est arrivé que des installations médicales soient accidentellement touchées lors d’attaques contre des objectifs du Hamas, par exemple si ces installations se trouvaient à proximité de bases de lancement de roquettes. De même, si des ambulances servaient manifestement au transport de munitions ou de terroristes, Israël a été contraint de réagir. Enfin, en dépit des tentatives continuelles de l’organisation terroriste Hamas d’attaquer les points de passage entre Israël et Gaza, les autorités israéliennes ont veillé à les maintenir ouverts, non sans danger pour ceux à qui cette tâche était confiée, afin de maintenir l’approvisionnement de Gaza. Des pauses ont été décidées par les FDI à des fins humanitaires, afin de permettre à la population civile de s’approvisionner. Malheureusement, cette initiative unilatérale a été exploitée par le Hamas, qui lançait alors systématiquement des roquettes.

15.En ce qui concerne l’application des dispositions de l’article 3 de la Convention, M. Nitzan souligne qu’Israël respecte scrupuleusement le principe du non-refoulement. Il faut savoir que l’immense majorité des éléments infiltrés entrés en Israël ces dernières années provenaient de pays africains n’ayant pas de frontière commune avec Israël. Ils pénètrent illégalement en Israël depuis l’Égypte, où ils ont déjà obtenu une protection ou auraient pu obtenir une protection puisque ce pays est partie à la Convention relative au statut des réfugiés. Ces personnes peuvent donc généralement être renvoyées vers le pays de premier asile, pratique également conforme à la conclusion no 58 du Comité exécutif du Haut-Commissariat pour les réfugiés sur le problème des réfugiés et des demandeurs d’asile quittant de façon irrégulière un pays où la protection leur a déjà été accordée. Toutefois, si un élément infiltré venu d’Égypte affirme qu’il risque d’être torturé s’il est renvoyé, et qu’il présente des éléments convaincants à l’appui de cette affirmation, il ne sera pas renvoyé vers un pays où il risque d’être torturé ou tué tant qu’il n’aura pas été procédé à un examen approfondi de ses allégations. On notera que le HCR considère l’Égypte comme un pays d’asile sûr, ce dont Israël tient compte. Tout récemment, il a été précisé à la Cour suprême que si un élément infiltré demande l’asile, et à condition qu’un examen préliminaire ne donne pas à penser que la demande d’asile est infondée, cette personne ne doit pas être renvoyée vers un pays où sa vie serait en danger tant que sa demande n’aura pas été examinée; il sera remis au Ministère de l’intérieur où une unité spécialisée l’interrogera de manière approfondie.

16.La mise en œuvre de la loi relative à l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire des suspects, qui nécessite d’équiper les salles d’interrogatoire et de former le personnel policier, se fait de façon graduelle en raison de contraintes financières. Une fois ces mesures en place, Israël entend appliquer la loi à tous les interrogatoires menés par la police. Toutefois à l’heure actuelle elle ne s’applique pas aux interrogatoires menés par le Service général de sécurité ou en rapport avec la sécurité nationale. L’exception prévue par la loi à l’égard des personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité nationale n’est valable que jusqu’en décembre 2010.

17.Pour ce qui est de la protection des droits des mineurs, conformément au droit international et sauf impossibilité absolue, le commandant des Forces de défense israéliennes en Judée et Samarie respecte le droit jordanien qui était précédemment en vigueur dans la région placée sous son autorité. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 9 ans mais un enfant de moins de 12 ans ne peut être considéré comme pénalement responsable que s’il a été prouvé qu’il était capable de comprendre le caractère dommageable de ses actes au moment où il les a commis. Toutefois, les différentes ordonnances émises par le commandant des FDI renforcent la protection garantie aux mineurs de 12 ans en fixant l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans comme le droit pénal israélien. Les tribunaux militaires ainsi que le système de poursuites et le système législatif assurent la protection des droits de l’homme, dont le droit à une procédure régulière, de tous les accusés, mineurs ou adultes. En outre, dans les affaires impliquant des mineurs, des mesures de protection spéciales sont mises en œuvre: l’intéressé bénéficie systématiquement de l’assistance d’un avocat, le pouvoir de retarder l’entretien avec l’avocat n’est pas exercé et la durée de la détention avant jugement est réduite au minimum. De plus, l’arrestation d’un mineur ne peut se faire que sur accord préliminaire du Procureur militaire principal de Judée et Samarie. Il convient de relever qu’en raison des limitations prévues par l’ordonnance militaire applicable, le degré des peines prononcées dans le cas de mineurs en Cisjordanie est de factoanalogue à celui des peines prononcées par les tribunaux israéliens en Israël. Le système de justice militaire en Cisjordanie ne comprend pas de tribunaux pour mineurs comme il en existe en Israël; toutefois, les juges militaires sont tenus de prendre en considération l’âge du défendeur, en particulier pour déterminer la peine. Plusieurs mesures ont récemment été prises pour promouvoir les droits de l’enfant: ainsi un projet de loi visant à créer un tribunal pour mineurs a été élaboré et se trouve actuellement à l’examen.

18.En Cisjordanie, les juridictions compétentes pour connaître des affaires impliquant des mineurs sont les tribunaux militaires. Tous les juges qui y siègent sont des professionnels, sont indépendants et n’obéissent qu’à la loi. Ils sont nommés selon une procédure analogue à celle utilisée pour désigner les juges dans le système judiciaire civil israélien. L’interrogatoire des mineurs soupçonnés d’infractions liées à la sécurité est mené dans le respect des lois par des agents spécialement formés. Selon l’Administration pénitentiaire israélienne, les mineurs sont détenus séparément des adultes. On ne les place jamais à l’isolement pour les punir ou leur extraire des aveux. Cette mesure n’est utilisée que dans des cas exceptionnels, lorsqu’un mineur menace de porter atteinte à lui‑même ou à autrui, et les procédures de l’Administration pénitentiaire israélienne sont alors strictement respectées. Les mineurs ont le droit de s’entretenir avec les représentants du CICR, les membres du personnel soignant et d’autres personnes. Tout comme les adultes, ils ont le droit de recevoir des soins médicaux à tout moment, droit qui ne souffre aucune restriction. Conformément aux règles de l’Administration pénitentiaire, les mineurs peuvent recevoir la visite de leur famille au même titre que tout autre détenu. En avril 2009, il y avait 378 mineurs détenus pour des infractions liées à la sécurité dans les établissements de l’Administration pénitentiaire. Il y avait en outre 10 mineurs en internement administratif, tous de sexe masculin et ayant 17 ans révolus. Si l’âge de la majorité est de 16 ans en Cisjordanie alors qu’il est de 18 ans en Israël, c’est parce que l’âge de la majorité relève du droit interne de la Cisjordanie et qu’Israël n’applique pas les lois israéliennes dans ces territoires. Toutefois, toute personne âgée entre 16 et 18 ans placée en garde à vue en Israël est considérée comme mineure aux fins de la détention.

19.La raison pour laquelle l’enquête interne relative aux allégations d’infractions liées à l’Opération «Plomb durci» a été menée par les FDI elles-mêmes est qu’elles avaient l’obligation professionnelle, morale et juridique de procéder à l’examen approfondi d’un certain nombre de plaintes relatives à la conduite de la guerre. Dans le cadre de cet examen, plusieurs enquêtes opérationnelles ont été menées, conformément à la procédure généralement suivie dans les FDI et dans les armées des pays occidentaux. Ces enquêtes ont été effectuées par cinq enquêteurs experts ayant rang de colonel qui n’avaient pas été impliqués directement dans les événements en question. L’examen des allégations est toujours en cours. Conformément à la pratique établie, un compte rendu de chaque enquête et les allégations s’y rapportant seront présentés à l’Avocat général de la juridiction militaire qui a compétence pour décider s’il y a lieu d’effectuer des vérifications supplémentaires ou si suffisamment d’éléments sont réunis pour permettre l’ouverture d’une autre enquête. L’Avocat général prend sa décision en toute indépendance et n’est soumis qu’à la loi. Étant donné l’importance de ces affaires, les conclusions des enquêtes, les allégations et les avis rendus par l’Avocat général de la juridiction militaire seront transmis pour examen au Procureur général qui décidera s’il y a lieu d’ouvrir une enquête pénale.

20.Au sujet des événements survenus en octobre 2000 lorsque, pendant des émeutes de grande ampleur, 13 citoyens arabes ont été tués par la police, il est expliqué en détail dans le rapport que les preuves étaient insuffisantes pour inculper les policiers mis en cause. Dans deux de ces cas, une autopsie aurait peut-être permis de recueillir des preuves supplémentaires mais les familles s’y étaient opposées et l’enquête n’a pas pu continuer. Un des membres du Comité a demandé pourquoi il n’y avait pas eu d’autopsie avant l’inhumation et quelle était la procédure suivie lorsqu’il est nécessaire de procéder à une autopsie pour déterminer les causes de la mort. M. Nitzan explique que la police doit demander l’autorisation du juge pour pouvoir procéder à une autopsie. Le juge examine la nécessité de cette mesure et recueille l’avis de la famille. Dans les deux affaires mentionnées, les familles se sont d’emblée opposées à une autopsie et leur volonté a été respectée. Quelques années plus tard, soucieux de faire avancer l’enquête, le Département des enquêtes sur le personnel de police a présenté au juge une demande d’exhumation pour l’un des corps aux fins d’autopsie. La famille s’y est vivement opposée et le juge a recommandé le retrait de la demande; l’État a décidé de ne pas aller à l’encontre de la volonté de la famille.

21.Un membre du Comité a demandé comment il se pouvait que 34 citoyens israéliens arabes aient été tués lors d’émeutes suite aux événements d’octobre 2000 sans qu’aucun policier ne soit inculpé. Cette information émanait d’une organisation non gouvernementale et, d’après l’enquête préliminaire du Département des enquêtes sur le personnel de police, 15 cas seulement ont été signalés, qui ont tous fait l’objet d’une enquête. Une de ces affaires a été classée parce que l’auteur des faits n’avait pas pu être identifié, 3 affaires ont été classées faute de preuves, dans 5 cas des poursuites pénales pour homicide involontaire ont été engagées devant les tribunaux de district, et dans 6 affaires les accusés ont été acquittés parce qu’il a été établi que l’usage de la force était justifié par la légitime défense.

22.Les statistiques concernant les enquêtes sur l’usage de la force contre des détenus demandées par un membre du Comité se trouvent dans les réponses écrites (réponse à la question no 29), à l’exception des statistiques relatives au Service d’enquête sur les gardiens chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre le personnel de l’Administration pénitentiaire. En 2008, 226 affaires relatives à l’usage illégal de la force ont été ouvertes, dont 218 portaient sur des agressions et 8 sur des menaces. Dans 16 cas, il a été recommandé d’engager des poursuites pénales ou disciplinaires contre les gardiens; les autres affaires ont été transmises aux services du Procureur de l’État. En 2009, au 30 avril, 54 affaires portant sur l’usage illégal de la force avaient été ouvertes; dans 8 il avait été recommandé d’engager des poursuites pour actes de violence. Il ne faut pas oublier que dans de nombreux cas les détenus portent plainte pour se venger des gardiens et falsifient donc les faits.

23.Au sujet de l’affaire Yisascharov, dans laquelle la Cour suprême a établi une règle d’exclusion relative selon laquelle les preuves rassemblées illégalement, et d’une façon qui porte atteinte aux droits du suspect pouvaient être déclarées irrecevables, on a demandé sur quel fondement le juge décide d’exclure ou non les preuves qui auraient été obtenues illégalement et si un contrôle est exercé sur la faculté du juge. La Cour suprême a statué sur les directives relatives à la discrétion des juges, exposées dans la réponse écrite à la question no 31. De plus amples renseignements figurent sur le site Web de l’administration judiciaire où l’arrêt de la Cour suprême a été publié. La discrétion des juges peut faire l’objet d’un contrôle de la part de la cour d’appel et, dans certains cas, de la Cour suprême. Il convient de rappeler que les juges sont indépendants et ne sont soumis à aucune influence dans l’exercice de leur pouvoir. Un membre du Comité a demandé pourquoi cette règle d’exclusion était relative alors que l’article 15 de la Convention dispose que toute déclaration obtenue par la torture ne peut en aucune circonstance être admise comme preuve. M. Nitzan explique que la règle d’exclusion posée par la Cour suprême a un champ d’application bien plus large que la règle énoncée à l’article 15 de la Convention, puisqu’elle vise les preuves obtenues par la torture mais également à la suite de toute irrégularité survenue au cours de l’enquête. Ainsi, dans l’affaire Yisascharov, les preuves ont été exclues non pas en raison d’une allégation de torture ou de mauvais traitements, mais parce que l’intéressé n’avait pas été informé de son droit d’être assisté d’un avocat. Étant donné l’étendue du champ d’application de cette règle, il n’était pas possible d’en faire une règle absolue.

24.En ce qui concerne les visites rendues aux détenus par leur famille, la délégation ne connaît pas le nombre exact de demandes de visites rejetées pour des raisons de sécurité, mais elle peut affirmer avec certitude qu’il est faible.

25.Les colons soupçonnés d’avoir commis des infractions pénales envers des Palestiniens relèvent de la juridiction d’Israël. Des centaines d’enquêtes sont ouvertes chaque année et, lorsque les preuves sont suffisantes, des inculpations sont prononcées. Le Gouvernement israélien, qui attache une grande importance à cette question, a mis en place un groupe interministériel chargé de coordonner les activités des forces de défense, de la police, des services du Procureur de l’État et du Service général de sécurité. Ce groupe s’occupe notamment des questions touchant à la répression des atteintes à l’ordre public et au règlement des litiges fonciers, qui nécessitent une attention permanente. La police et les FDI sont encore plus attentives pendant les périodes tendues de l’année, telles que la saison de la cueillette des olives, et dans les affaires sensibles en particulier les différends fonciers. Les données récentes de la police indiquent qu’un nombre considérable d’actions ont été ouvertes en Cisjordanie, ce qui démontre une réelle application de la loi dans ce district. En 2007, la police a ouvert 491 enquêtes pour des troubles de la paix occasionnés par des Israéliens en Cisjordanie, et 57 inculpations ont été prononcées contre 73 personnes. En 2008, la police a ouvert 525 enquêtes pour des troubles de la paix occasionnés par des Israéliens en Cisjordanie, et 106 inculpations ont été prononcées contre 140 personnes. Ces chiffres montrent clairement que l’application de la loi envers les Israéliens a été renforcée et qu’il est faux de dire qu’Israël n’applique pas la loi aux colons israéliens. Des sanctions administratives sont également prises contre des colons israéliens. Ainsi, les Israéliens qui mettent en danger la vie et la sécurité des Palestiniens peuvent être soumis à des restrictions de mouvement ou à l’interdiction d’entrer en Cisjordanie. Dans des cas exceptionnels, une mesure d’internement administratif peut être ordonnée à l’encontre de colons israéliens si les preuves nécessaires ont été réunies. La mesure fait généralement l’objet d’un contrôle par les tribunaux militaires. Il est interdit d’établir des colonies sur les propriétés privées des Palestiniens, et de nombreux postes avancés illégaux installés ces dernières années sur des propriétés privées palestiniennes ont été évacués, parfois non sans de vifs affrontements entre les forces de sécurité et les colons.

26.Un membre du Comité a posé une question au sujet des terribles violences parfois infligées aux Palestiniens par d’autres Palestiniens, notamment par les terroristes du Hamas aux militants du Fatah. Comme il est expliqué en détail dans ses réponses écrites (réponse à la question no 10), Israël n’a pas compétence lorsque les faits sont commis dans la bande de Gaza. Pour ce qui est du nombre de plaintes déposées contre des soldats des FDI et du nombre d’inculpations et de condamnations prononcées, toutes les informations figurent dans la réponse écrite à la question no 29.

27.Concernant la décision de la Cour suprême au sujet du Camp 1391, la Cour a examiné les allégations de mauvais traitements dans ce camp et a conclu qu’elles avaient été dûment examinées et qu’il n’y avait pas lieu d’engager des poursuites. Il convient de préciser que le Service général de sécurité n’a plus utilisé ce camp depuis des années et que personne n’y a été détenu depuis septembre 2006.

28.L’allégation d’une organisation non gouvernementale qui affirme que l’article 8 de la loi fondamentale sur la dignité et la liberté de la personne peut être interprété comme une dérogation à l’interdiction totale de la torture est sans fondement; il n’est fait aucune dérogation à cette interdiction par le biais de cette loi. Aucun médecin n’assiste aux interrogatoires conduits par le Service général de sécurité, qui n’emploie pas de médecins sur les lieux d’interrogatoire. En revanche, tous les suspects sont examinés par un médecin de l’Administration pénitentiaire ou de la police dans l’infirmerie du lieu où ils sont interrogés. Le rapport d’une organisation non gouvernementale qui affirme que des bâtiments et des personnels médicaux auraient été attaqués a été reçu très récemment et est en train d’être examiné avec attention.

29.En ce qui concerne la définition en droit israélien de la torture, une réponse a déjà été apportée, mais il est extrêmement difficile de définir les autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont on ne trouve aucune définition, même dans la Convention. Quoi qu’il en soit, toutes les formes de mauvais traitements sont interdites par la loi israélienne.

30.Les représentants du CICR sont autorisés à rendre visite à tout Palestinien détenu par l’État israélien et à tout détenu d’un pays qui n’a pas de représentation diplomatique en Israël. Malheureusement, il n’en va pas de même pour le soldat israélien Gilad Shalit détenu au secret par le régime terroriste du Hamas depuis plus de 1 000 jours, et dont on ignore toujours le sort.

31.Plusieurs organisations non gouvernementales, dont le CICR, participent aux activités de formation relatives à la Convention.

32.Tous les agents de l’État sont soumis à la juridiction pénale d’Israël, devant laquelle ils doivent rendre compte de toute infraction commise par eux sur le territoire israélien ou en dehors. Par conséquent, tout agent de l’État qui a torturé une personne, où que ce soit, sera jugé par un tribunal israélien et condamné. Dans les zones où le droit des conflits armés s’applique, des mécanismes efficaces sont mis en œuvre pour garantir le respect de l’interdiction de la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Autrement dit, si Israël est d’avis que la Convention contre la torture n’est pas applicable, en tant que telle dans les zones extérieures à son territoire national, il ne conteste nullement que le droit des conflits armés, qui est le droit applicable dans la bande de Gaza, interdit strictement l’utilisation de la torture et d’autres mauvais traitements.

33.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour Israël) remercie la délégation israélienne de ses réponses détaillées et franches, notamment en ce qui concerne la situation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Il rappelle que la Cour de Justice de La Haye a considéré que les principes universels des droits de l’homme devaient également être appliqués dans les territoires occupés, que selon les juristes internationaux l’interdiction de la torture est une norme impérative du droit international, et que le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie a estimé qu’il ne pouvait y avoir de dérogation ou de suspension à cette interdiction, même dans les situations d’urgence, de guerre, de conflit ou autres. L’État d’Israël est donc tenu de faire respecter cette norme partout où s’applique sa juridiction, y compris dans les territoires occupés. Conformément à la Convention de Vienne, les traités sont sujets à interprétation, mais les États restent malgré tout tenus d’appliquer toutes les normes du droit international. Or Israël a clairement indiqué que la Convention n’était pas applicable en dehors des territoires qui relèvent de sa juridiction. Cette question mériterait un débat de fond.

34.Le Comité souhaiterait savoir si les services de sécurité israéliens disposent d’un manuel où sont exposées les techniques d’interrogatoire autorisées et celles qui sont prohibées. Peut‑être faudrait‑il élaborer un protocole d’interrogatoire énonçant les règles à suivre impérativement.

35.Pour ce qui est de l’état de nécessité dont la Cour suprême a établi dans un arrêt qu’il pouvait être invoqué dans certaines situations concrètes, et dans ces situations seulement, le Comité a reçu de nombreuses communications d’ONG et d’autres sources qui signalent l’utilisation dans la pratique de méthodes d’interrogatoires particulièrement dures; les autorités se retranchent toujours derrière l’argument selon lequel les interrogatoires sont «nécessaires» ce qui laisse supposer une acceptation tacite de la nécessité d’avoir recours à de telles méthodes.

36.Concernant la question de la possession de la terre, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir s’il existe un cadastre actualisé et public des propriétés foncières de Jérusalem-Est et des territoires occupés. Les colonies se situent en principe sur des terrains qui étaient publics et qui ont été expropriés par les autorités israéliennes. Les paysans n’ont cependant parfois aucun titre officiel de propriété. En droit de tradition romaine, la possession vaut titre; cette possession doit être attestée, par exemple par des témoins, et le titre peut ensuite être enregistré, ce qui constitue une garantie juridique.

37.Des personnes tentant de s’«infiltrer» en Israël depuis l’Égypte sont refoulées ou expulsées selon une procédure extrêmement rapide et sans que leur situation soit examinée. Bien que l’Égypte soit considérée comme un pays de refuge sûr, notamment par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), des informations dignes de foi indiquent que des Érythréens et des Soudanais qui ont été refoulés ou expulsés par Israël ont par la suite été renvoyés dans leur pays par les autorités égyptiennes, où ils ont fait l’objet de traitements inhumains. Or le principe du non-refoulement interdit de remettre une personne à un pays susceptible de la remettre à son tour à un autre pays où elle court le risque d’être victime d’actes de torture ou d’autres traitements inhumains. Le Comité voudrait savoir si Israël tient compte de la possibilité que l’Égypte remette les personnes qu’il refoule ou qu’il expulse à d’autres pays où elles peuvent être maltraitées. Une collaboration avec le HCR pourrait être établie pour déterminer ce qu’il advient des personnes ainsi renvoyées.

38.Des informations ont été données sur le nombre d’habitants de Gaza qui se sont rendus en Israël pour recevoir des soins médicaux pendant la récente opération armée menée par les forces israéliennes; or selon d’autres informations ces personnes ont rencontré de grandes difficultés pour entrer en Israël. Certes, les questions de sécurité sont primordiales dans ce type de situation mais des obstacles injustifiés semblent avoir été opposés et l’arme de l’autorisation de se rendre en Israël pour se faire soigner semble avoir été utilisée pour obtenir un changement de comportement, ce qui constitue une forme de traitement inhumain.

39.Mme GAER (Corapporteuse pour Israël) se demande si Israël a des observations à formuler sur la position du Bureau des affaires juridiques de l’ONU concernant le principe de la lex specialis, position qui est diamétralement opposée à celle d’Israël. Le Bureau avait présenté sa position sur la question au Comité en 2001 et Israël à l’époque n’avait pas formulé d’observations.

40.Mme Gaer note avec intérêt qu’aucune des plaintes déposées contre le Service général de sécurité n’a été rejetée en vertu de l’article 18 de la loi no 5762-2002 sur le Service général

de sécurité et elle se demande donc toujours comment il est possible que si peu de plaintes donnent lieu à des enquêtes, même si certaines sont dénuées de fondement.

41.L’État partie a indiqué que les personnes détenues en vertu de la loi de 2002 sur la détention des combattants irréguliers sont généralement déférées devant un juge avant l’expiration du délai prescrit de quatorze jours. Si tel est le cas, Israël a-t-il envisagé de réduire ce délai, ce qui serait davantage conforme aux normes internationales acceptables en la matière et serait favorablement accueilli?

42.Au sujet de l’article 3 de la Convention, Mme Gaer s’étonne du terme d’«infiltrés» utilisé pour désigner des personnes que le Comité qualifierait de migrants ou de demandeurs d’asile. Elle souhaiterait savoir si Israël a tenté de suivre la situation des personnes qui ont été renvoyées à partir d’août 2007 en application de sa politique de retour coordonné et de s’informer du traitement qui leur a été réservé. Elle s’étonne aussi que, dans sa réponse aux questions relatives à l’article 3, l’État partie n’ait fait référence qu’à la Convention relative au statut des réfugiés et n’ait pas évoqué la Convention contre la torture. Les deux instruments sont différents, la Convention contre la torture étant plus particulièrement axée sur le risque d’être soumise à la torture encouru par une personne expulsée, refoulée ou extradée. Il serait utile de savoir si les personnes qui prennent les décisions concernant les migrants, les demandeurs d’asile ou les réfugiés reçoivent une formation sur la définition de la torture, si elles font la distinction entre les deux conventions précitées et si elles connaissent les obligations qui incombent à l’État partie en vertu de la Convention contre la torture. Il semble en effet que l’évaluation de la situation des personnes refoulées ou expulsées soit faite par des fonctionnaires placés aux postes frontière ou par des soldats sans expérience.

43.La délégation a indiqué que tout Palestinien ayant entre 16 et 18 ans qui est conduit en Israël pour y être incarcéré est considéré comme mineur. Il importe de savoir si ces personnes sont placées dans des établissements distincts, exclusivement réservés aux mineurs, et combien de mineurs arrêtés ou détenus en Cisjordanie ont été incarcérés en Israël.

44.L’information selon laquelle le nombre d’Arabes israéliens tués à la suite des manifestations d’octobre 2000 en Israël était de 34 émane non pas d’un ONG mais d’une association israélienne de défense des droits civils, qui n’a pas soumis d’informations au Comité. Mme Gaer souhaiterait savoir quelles ont été les peines prononcées dans les cinq affaires qui ont donné lieu à une inculpation pour homicide involontaire. D’après certaines sources, les inculpations pour ce type de faits étaient rares et les peines prononcées étaient très légères. La même association indique également que les policiers impliqués dans les cas qui ont été examinés par la Commission Orr ont conservé leur poste et n’ont pas été sanctionnés. Cette information est-elle exacte?

45.La délégation a indiqué que le nombre de cas dans lesquels des Palestiniens se sont vu refuser un permis d’entrée en Israël pour rendre visite à un membre de leur famille en prison était relativement bas. Mme Gaer souhaiterait savoir combien de demandes de visite ont été refusées et quelle proportion des demandes sont refusées.

46.M. GALLEGOS CHIRIBOGA demande, compte tenu des informations figurant dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 daté du 21 janvier 2008 et des informations fournies par Amnesty International et par d’autres organisations, quel est le nombre de personnes qui souffrent d’un handicap, physique ou psychique, résultant de la violence dans les territoires palestiniens occupés. La question des services hospitaliers en situation de conflit et des soins dispensés devrait faire l’objet d’une réflexion approfondie.

47.M. WANG Xuenxian reprend à son compte la question de M. Mariño Menéndez au sujet des colonies et relève que l’État partie, dans ses réponses, fait preuve d’une grande prudence et utilise le terme de «terres palestiniennes privées», établissant ainsi une distinction avec les terres publiques, ce qui appelle des commentaires.

48.Une chaîne de télévision a rapporté que, selon une source de l’ONU, 1 300 personnes, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées, avaient perdu la vie au cours de l’Opération «Plomb durci», information qui, si elle est vérifiée, montre qu’il a été fait un usage excessif de la force. L’État partie affirme que ses forces armées font preuve de la plus grande prudence lorsqu’elles mènent des opérations et que les dommages causés l’ont été accidentellement. L’ONU a mis en place une commission chargée d’enquêter sur les attaques dont ses propres installations ont été la cible à Gaza et dans son rapport, cette commission critique Israël pour sa négligence et son imprudence. Des attaques ont été menées contres des écoles et des hôpitaux, notamment l’hôpital Al-Wafa, quand bien même des éléments armés du Hamas s’y trouveraient il n’est pas légitime de prendre un hôpital pour cible et on peut se demander si toutes les précautions voulues ont vraiment été prises.

49.Mme BELMIR dit qu’il apparaît que le Comité et l’État partie ne raisonnent pas selon la même logique. Le Comité n’a fait que réitérer ce qui a déjà été souligné par d’autres comités, c’est‑à‑dire qu’Israël a des obligations qu’il est tenu de respecter. Les personnes vivant dans les territoires occupés ne sont pas venues de nulle part; elles poursuivent une lutte sans fin pour obtenir un statut juridique qu’elles n’ont pas. Ces territoires sont sous la juridiction de l’État partie, et le Comité, dans son Observation générale no 2, relative à l’application de l’article 2 de la Convention, a indiqué que les États parties étaient tenus de faire respecter l’interdiction de la torture dans tous les territoires placés sous leur juridiction.

50.Mme KLEOPAS demande à nouveau à l’État partie d’expliquer pourquoi il a repris les démolitions de maisons à titre punitif alors qu’il avait abandonné cette pratique. Lors d’une précédente intervention, elle a également évoqué les conséquences du blocus de Gaza par Israël, et en particulier le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 daté du 21 janvier 2008, d’où il ressort que ces conséquences pourraient équivaloir à des mauvais traitements (par. 17 et suiv.).

51.L’État partie a indiqué que 600 plaintes avaient été déposées mais que dans quatre cas seulement les preuves apportées étaient suffisantes pour justifier des mesures disciplinaires, ce qui conduit à s’interroger sur la nature des preuves retenues − de simples témoignages ou de rapports médicaux. À ce sujet, il faudrait savoir à quel moment les personnes arrêtées sont examinées par un médecin et quel organisme conserve les dossiers médicaux. Étant donné que l’État partie est souvent accusé de pratiquer la torture, il devrait veiller à faire examiner les détenus par un médecin avant et après les interrogatoires, ce qui lui permettrait de disposer d’éléments concrets pour réfuter les accusations portées contre lui.

52.Concernant la question des colonies, l’État partie a indiqué que de nombreux avant-postes autorisés qui avaient été établis sur des terres privées palestiniennes ont été évacués en 2008, ce qui signifie que d’autres ne l’ont pas été. Le Comité dispose également d’informations indiquant que 40 % des terres sur lesquelles se trouvent les colonies israéliennes appartiennent à des Palestiniens, et le reste appartient à l’État. Mme Kleopas demande comment l’État a acquis ces terres et si elles ont été confisquées.

53.Mme SVEAASS dit que la délégation a souligné que le Code pénal interdisait formellement l’usage de la force, de la violence et de la torture et a donné des précisions très claires sur des plaintes qui ont fait l’objet d’enquêtes; elle se demande comment il se fait, dans ces conditions, que les mêmes accusations dénonçant des méthodes d’interrogatoire répréhensibles reviennent toujours, depuis des années. L’État partie aurait intérêt à renforcer encore ses mécanismes de contrôle indépendants, par exemple en associant davantage les ONG. Afin de garantir que les détenus ne subissent pas de mauvais traitements, il faudrait mettre en place un examen, à tous les stades de la détention, par un médecin indépendant qui appliquerait les manuels élaborés pour détecter les signes de torture. La question de la participation de médecins aux interrogatoires fait depuis longtemps l’objet d’un débat et récemment encore des médecins israéliens n’étaient pas opposés à l’emploi d’un certain degré de pression sur les suspects. Il est donc rassurant d’entendre qu’aucun médecin n’assiste aux interrogatoires.

54.Mme Sveaass croit savoir que la Knesset est saisie d’un projet de loi prévoyant que pour toute expérience médicale ou scientifique le consentement éclairé du sujet doit être obtenu également dans le cas des membres des FDI, car jusqu’ici seuls les civils étaient visés. Elle souhaiterait savoir si cette loi a déjà été adoptée.

55.Mme Sveaass a pris bonne note des réponses de la délégation israélienne sur le contenu du rapport de cinq experts indépendants sur la mission d’enquête qu’ils ont menée dans la bande de Gaza à la suite des opérations militaires de décembre 2008 et janvier 2009. Elle demande toutefois de plus amples renseignements sur la question de la pénurie de matériel médical et du problème de l’accès aux hôpitaux et souhaiterait connaître l’avis de la délégation concernant l’utilisation de bombes au phosphore blanc et d’armes antipersonnel lors de ces opérations qui a été signalée. Enfin, la délégation voudra bien indiquer si les travaux des spécialistes israéliens des troubles post-traumatiques et de la réadaptation des victimes des conflits, tels que Z. Solomon et A. Shalev, sont utilisés pour aider les personnes traumatisées, y compris celles qui ont subi des violences en détention, à les surmonter.

56.M. KOVALEV note qu’en vertu de l’article 277 du Code pénal, un agent de l’État qui aurait fait usage de la force pour obtenir des aveux ou des informations d’un suspect ou qui l’aurait menacé de recourir à la force à cette fin − c’est-à-dire, qui aurait commis des actes de torture ou proféré des menaces de torture − encourt une peine de trois ans d’emprisonnement seulement, ce qui appelle un commentaire de la délégation.

57.Le PRÉSIDENT croit avoir compris d’après les réponses orales de la délégation que le Service général de sécurité était doté d’un mécanisme interne de poursuites et que les décisions rendues par ce dernier étaient susceptibles de recours devant la Cour suprême. La délégation voudra bien préciser si la Cour suprême statue uniquement sur des points de droit ou si elle réexamine l’affaire au fond lorsqu’elle est saisie d’un recours de ce type et si les indemnisations accordées aux victimes de torture par les juridictions civiles l’ont été dans tous les cas à titre gracieux. Enfin, le Président rappelle que toutes les dispositions pénales sans exception doivent être applicables en toutes circonstances et à tous les citoyens. À propos de la question de l’accès du personnel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux détenus palestiniens, si le Comité avait à examiner le rapport d’un État partie dans lequel le CICR se verrait refuser l’accès à des détenus israéliens, il interrogerait de la même manière la délégation de l’État concerné.

58.M. NITZAN (Israël) dit que le Procureur général et le ministère public sont tout à fait indépendants du Service général de sécurité et que les plaintes mettant en cause des membres de cet organe sont traitées selon la même procédure que les plaintes déposées contre des membres de la police ou de l’armée ou contre des particuliers. Il n’existe donc pas de système de poursuites propre au Service général de sécurité. La Cour suprême peut être saisie d’un recours contre les décisions rendues dans les affaires de violations des droits de l’homme imputées à des membres du SGS et, en pareil cas, elle réexamine la procédure et le fond. Pour ce qui est des indemnisations accordées aux victimes de torture par les juridictions civiles, certaines seulement ont été octroyées à titre gracieux.

59.La législation pénale israélienne est applicable en toutes circonstances dans les territoires occupés et tout Israélien qui commet une infraction pénale (viol, vol, meurtre, etc.) dans ces zones est passible de poursuites pénales, qu’il s’agisse d’un agent de l’État ou non. Un ressortissant israélien soupçonné d’avoir commis des actes de torture à l’étranger sera poursuivi par la justice israélienne du fait qu’il a perpétré ces actes dans l’exercice de ses fonctions; en revanche, un ressortissant israélien qui commet des actes de torture à l’étranger mais qui a agi à titre individuel et non en tant qu’agent de l’État israélien doit être poursuivi et jugé par les juridictions du pays dans lequel ces violations ont eu lieu.

60.M. Nitzan convient avec M. Mariño Menéndez que la Convention est applicable en théorie dans les territoires occupés et ne nie pas que l’interdiction de la torture vaut aussi bien pour ces zones que pour le territoire israélien. Le Procureur général a établi des directives précises sur les méthodes d’interrogatoire à l’intention des enquêteurs du Service général de sécurité et, dans ce document, le recours à la torture et aux mauvais traitements est clairement et explicitement proscrit.

61.Des travaux sont en cours afin d’inscrire au registre foncier les terres situées dans les territoires occupés mais, vu l’ampleur de la tâche, seule la moitié de ces terres y est pour le moment consignée. En tout état de cause, toute personne qui estime avoir des droits de propriété foncière sur des terres situées dans ces zones peut les revendiquer devant un tribunal et, si elle parvient à démontrer le bien‑fondé de ses prétentions, le juge ordonne l’évacuation du terrain. M. Nitzan reconnaît que les avant-postes qui ont été établis sur des terres appartenant à des Palestiniens n’ont aucune légitimité et qu’ils doivent disparaître. S’ils n’ont pas tous été évacués à ce jour, c’est que cette tâche ne peut être menée à bien d’un jour à l’autre.

62.M. Nitzan rejette catégoriquement l’allégation selon laquelle 40 % des colonies de peuplement auraient été construites sur des biens fonciers appartenant à des particuliers; il ne peut citer de chiffres mais affirme que ce pourcentage est en réalité bien plus faible. En effet, actuellement en Israël, 87 % des terres appartiennent à l’État et, en Cisjordanie, une proportion comparable des terres appartenait à l’État jordanien jusqu’en 1967. En conséquence, il n’y a que très peu de colonies de peuplement construites sur des biens fonciers privés. En outre, dans une décision qui a fait date un tribunal a déclaré illégale la confiscation de propriétés privées en vue de la construction de colonies de peuplement et a considéré que les biens fonciers privés ne pouvaient être confisqués que pour des raisons impératives de sécurité.

63.Concernant les risques de torture que pourraient courir les individus qui sont expulsés vers l’Égypte, M. Nitzan indique que le principal danger pour les intéressés n’est pas d’être torturés dans cet État mais d’être ensuite transférés au Soudan, où ils risqueraient d’être soumis à la torture. Pour cette raison, le Gouvernement israélien a conclu avec le Président Moubarak une entente par laquelle l’Égypte s’engage à ne pas expulser vers le Soudan les personnes qu’Israël lui a remises s’il y a des raisons de penser que celles-ci pourraient y être torturées.

64.En réponse aux préoccupations exprimées au sujet de la situation des personnes qui auraient dû avoir accès à des soins médicaux pendant l’Opération «Plomb durci» et qui n’ont pas été autorisées à entrer en Israël pour s’y faire soigner, M. Nitzan rappelle qu’en temps de guerre la liberté de mouvement des civils est inévitablement restreinte et souligne que le Gouvernement israélien a fait tout son possible pour que les civils palestiniens puissent aller se faire soigner en Israël, surtout vers la fin de l’opération militaire. Contrairement à ce qui a été affirmé, des milliers de personnes ont pu se rendre en Israël pour recevoir des soins. À ce propos, M. Nitzan se demande si beaucoup d’autres États laisseraient leurs ennemis passer la frontière pour venir se faire soigner chez eux comme Israël l’a fait et souligne qu’aucune différence de traitement n’est pratiquée dans les hôpitaux israéliens entre les patients palestiniens et les patients israéliens et que souvent les médecins ne savent même pas, lorsqu’un patient est arabophone, s’il s’agit d’un Arabe israélien ou d’un Palestinien des territoires occupés.

65.Si la durée de la détention provisoire des combattants illégaux est fixée à quatorze jours dans la loi de 2002 sur les combattants irréguliers, c’est que le législateur avait à l’esprit une situation de guerre réelle, où il est parfaitement imaginable que des centaines de combattants puissent être faits prisonniers en une fois; il serait donc impossible de les présenter à un juge dans les quarante‑huit heures ni même dans les quatre‑vingt‑seize heures. C’est pour couvrir cette éventualité qu’un délai aussi large a été prévu mais, dans la pratique, et conformément à une décision de la Cour suprême en vertu de laquelle les suspects doivent être présentés à un juge dès que possible, les combattants ennemis présumés sont traduits devant un juge bien avant l’expiration du délai de 14 jours prévu dans la loi. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement israélien ne voit pas la nécessité d’en modifier les dispositions.

66.Répondant aux questions relatives aux mineurs en détention, M. Nitzan indique que les mineurs de 16 à 18 ans sont détenus séparément des adultes et que la majorité des mineurs palestiniens privés de liberté sont détenus dans des centres en Israël, où les conditions de détention sont exactement les mêmes pour eux que pour les mineurs israéliens. Concernant l’allégation selon laquelle les membres de la police impliqués dans les meurtres commis lors de la répression des émeutes de 2000 auraient gardé leur poste, une commission d’enquête, la Commission Orr, a mené des investigations sur l’incident et formulé des recommandations au sujet du traitement à réserver à chacun des fonctionnaires mis en cause dans cette affaire, dont le chef de la police et le Ministre de l’intérieur. Ces recommandations ont été approuvées puis appliquées par le Gouvernement, qui a limogé un haut fonctionnaire et interdit un autre fonctionnaire de promotion pendant cinq ans.

67.Pour ce qui est de la question de savoir si l’usage de la force qui a été fait lors de l’Opération «Plomb durci» a été excessif, M. Nitzan rappelle que les populations civiles de Sderot et Ashkelon essuyaient quotidiennement des tirs de roquettes lancées par le Hamas, soit en moyenne un millier par an, et que le Gouvernement israélien se devait de réagir. Le fait que les terroristes du Hamas se cachaient parmi la population civile et tiraient à partir de maisons d’habitation a rendu l’opération militaire extrêmement difficile. L’armée israélienne s’est volontairement abstenue de bombarder l’hôpital de Gaza, alors qu’elle savait que le chef du Hamas se cachait dans un abri situé sous cet hôpital. Quant au bombardement de l’école administrée par l’ONU et les 42 morts qui en auraient résulté, l’ONU elle‑même a publié un communiqué pour préciser que les missiles n’étaient pas tombés sur l’école mais à proximité et qu’en réalité, le nombre de morts avait été nettement inférieur à 42. Les personnes tuées étaient en fait pour la plupart des terroristes du Hamas.

68.Contrairement à ce qu’a affirmé un membre du Comité, les personnes qui vivent en Cisjordanie ont un statut juridique: elles ont le statut des personnes vivant dans un territoire occupé et, à ce titre, elles jouissent d’une protection conformément aux dispositions de l’article 4 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Pour ce qui est des démolitions de logements à Jérusalem-Est, depuis 2005, plus aucune maison n’avait été démolie à titre punitif dans cette partie de la ville. Toutefois, à la suite de la série d’attentats terribles commis au cours des derniers mois écoulés et conformément à une décision de la Cour suprême, qui a déclaré que la démolition de logements était licite dans des cas exceptionnels, les autorités ont démoli le logement d’un terroriste à titre dissuasif; toutefois seule la partie de la maison où il vivait a été rasée.

69.Enfin, toute personne interrogée par les enquêteurs du Service général de sécurité est obligatoirement examinée par un médecin indépendant et le dossier médical de l’intéressé est conservé indéfiniment. S’il le demande, le suspect peut consulter un médecin après son interrogatoire et cette demande doit obligatoirement être satisfaite. Le certificat médical établi à l’issue de l’examen peut être utilisé comme moyen de preuve dans une action en justice et a davantage de poids que les déclarations orales. Les 600 plaintes déposées contre des membres du SGS s’échelonnent sur une période de neuf ans et aucun des plaignants n’a apporté de preuves médicales à l’appui de ses allégations. En ce qui concerne les prétendues fuites émanant de médecins qui auraient dénoncé certaines pratiques illégales du SGS, on ne voit pas comment un médecin aurait pu être témoin de ce type de pratique étant donné que le SGS ne compte pas de médecins parmi ses personnels. En tout état de cause, si un médecin devait avoir connaissance de faits de torture ou de mauvais traitements, il aurait l’obligation professionnelle de faire tout son possible pour prévenir de tels actes. Enfin, pour ce qui est de la peine prévue à l’article 277 du Code pénal, qui a été considérée comme trop légère, M. Nitzan dit qu’une personne qui torturerait un suspect afin d’obtenir de lui des aveux serait poursuivie au titre de l’article 277 du Code pénal mais aussi en vertu des articles du Code pénal réprimant les atteintes à l’intégrité physique applicables au cas d’espèce, et que l’auteur encourrait une peine de réclusion criminelle d’au moins quinze ans.

70.M. YAAR (Israël) revient sur la question des demandes de visites présentées par les proches de Palestiniens détenus en Israël, et précise que sur 75 000 demandes, seules 1 000 ont été rejetées.

71.Pour conclure, M. Yaar se félicite du dialogue franc et fructueux que la délégation a eu avec le Comité et de la possibilité que ce dialogue a offerte à son pays de procéder à une autocritique de ses politiques en matière de lutte contre la torture, dont l’amélioration ne peut qu’être bénéfique tant pour le peuple israélien que pour les autres peuples. Même au cœur de la lutte contre le terrorisme, Israël ne ménage aucun effort pour demeurer fidèle à ses idéaux et s’efforce de trouver un équilibre entre le respect des droits de l’homme et la prise en compte des impératifs liés à la sécurité. Le Gouvernement israélien ne manquera pas d’examiner de près les observations finales que le Comité formulera sur l’examen du rapport périodique et continuera de coopérer avec la société civile et les organisations non gouvernementales afin de contribuer à la réalisation des droits de l’homme.

72.Le PRÉSIDENT remercie la délégation israélienne de ses réponses approfondies et annonce que le Comité a ainsi achevé l’examen du quatrième rapport périodique d’Israël.

73. La délégation israélienne se retire.

La séance est levée à 17 h 45.

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