NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.5782 janvier 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 578e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 12 novembre 2003, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Colombie ( suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Colombie (CAT/C/39/Add.4; HRI/CORE/1/Add.56/Rev.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation colombienne reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation colombienne à répondre aux questions posées par les membres du Comité à une séance précédente.

3.Mme FORERO UCROS (Colombie) reviendra tout d’abord sur les observations de M. Mariño Menéndez, qui s’est particulièrement intéressé à la politique de sécurité démocratique actuellement mise en œuvre et qui a donné l’impression qu’à ses yeux, cette politique risquait de poser des problèmes pour l’application de la Convention. La délégation colombienne ne saurait partager ce point de vue et tient à préciser en quoi consiste cette politique. Dès avant son élection, le Président Uribe Vélez a fait de la protection des citoyens son objectif prioritaire, car c’est la faiblesse de l’État colombien, se traduisant par une carence de l’autorité dans de nombreuses régions du territoire, qui a favorisé l’implantation des groupes illégaux dont la population civile est la victime. La politique de sécurité démocratique a pour but de protéger l’ensemble de la population contre les activités terroristes de bandes armées irrégulières qui, dans un vaste pays qui compte près de 400 000 km2 de forêt vierge, ont tiré parti de la faiblesse de l’État. Cette politique a commencé à porter ses fruits: sur les 1 100 communes que compte la Colombie, 170 ne disposaient d’aucun service de police; 150 en sont désormais dotées et cet effort va se poursuivre. On note déjà une diminution du nombre d’assassinats, d’enlèvements, de massacres et autres graves atteintes au droit à la vie et à l’intégrité de la personne. La lutte contre les bandes armées irrégulières et les groupes d’autodéfense illégaux s’est intensifiée. Récemment, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le Président de la Colombie a été en mesure de donner un état chiffré des résultats significatifs obtenus à ce jour. La Colombie, endeuillée par ces violences insensées, aspire à devenir une nation pluraliste et à se libérer de la barbarie. Mais dans la lutte qu’elle mène contre le terrorisme, elle tient à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire; ses soldats et policiers ont donc pour consigne d’être de plus en plus efficaces mais aussi de plus en plus respectueux de ces droits. Le Gouvernement colombien est entièrement ouvert à la supervision de la communauté internationale et coopère activement avec le Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et avec le dispositif interaméricain de protection des droits de l’homme. Le mandat du représentant du Haut‑Commissaire en Colombie a d’ailleurs été renouvelé à l’initiative du Gouvernement et le Président a sollicité les bons offices du Secrétaire général de l’ONU pour tenter de parvenir à la paix en recherchant un cessez‑le‑feu et la libération des personnes séquestrées. Ainsi que l’a souligné M. Mariño Menéndez, la Colombie est un État régi par le droit, caractérisé par la séparation des pouvoirs et une collaboration harmonieuse entre ceux‑ci. Le Congrès débat librement des initiatives tant présidentielles que parlementaires. Les organes d’information se font l’écho de toutes les opinions, les points de désaccord sont discutés et le consensus est recherché. Enfin, la Cour constitutionnelle exerce un contrôle sur les lois.

4.Le système des paysans soldats a pour but de permettre aux jeunes paysans de faire leur service militaire − lequel est obligatoire en Colombie − là où ils vivent; pendant deux ans, ils sont chargés de veiller sur les communes où ils habitent, après avoir reçu un entraînement de trois mois comportant notamment une formation en matière de droits de l’homme. Comme toute autre personne se trouvant sous les drapeaux, ils relèvent du Ministère de la défense nationale et sont responsables de leurs actes devant le Procureur général de la nation.

5.Une question a été posée sur les renseignements que la population est invitée à fournir sur les infractions susceptibles de porter atteinte à sa sécurité. Il s’agit d’inciter les citoyens à participer à la prévention du terrorisme dont ils sont les premières victimes, de les encourager à surmonter l’indifférence, à ne pas collaborer avec les groupes illégaux et violents et d’apporter leur soutien aux organes de sécurité dans le respect de la Constitution et de la loi. C’est ainsi que des centaines d’attentats ont pu être évités ces derniers mois à Bogota, et les responsables municipaux et autres élus soutiennent ces initiatives de collaboration citoyenne avec les autorités.

6.Le décret no 128 de 2003 sur la réinsertion dans la vie civile a pour but de faire bénéficier les personnes démobilisées en vertu d’accords conclus avec des groupes armés en marge de la loi ou à titre individuel, si leur situation au regard de la loi le permet, des programmes de réinsertion mis en place par le Gouvernement. Un comité est chargé de délivrer à chacun d’eux une attestation certifiant que l’intéressé est membre d’un groupe armé en marge de la loi et qu’il est résolu à le quitter. Cette attestation lui permettra de bénéficier des aides prévues par le législateur. Le Comité est présidé par un représentant du Ministère de la justice et du droit et se compose de représentants du Ministère de la défense nationale, du fonctionnaire du Ministère de l’intérieur chargé du programme de réinsertion, de représentants du Fiscal General de la Nación, du Défenseur du peuple et de l’Institut de protection de la famille, car les personnes démobilisées sont souvent des mineurs. Les titulaires de cette attestation pourront se prévaloir d’une mesure de clémence (qui concerne les délits politiques mais non les atrocités), de la suspension conditionnelle de leur peine, d’un non‑lieu, etc. Le décret comporte également, entre autres, des dispositions en matière de santé et de protection des personnes.

7.Il a été fait allusion à deux projets de loi en cours d’examen au Congrès. Le premier, qui prévoit une alternative pénale, est le fruit de plusieurs études réalisées sous l’égide de responsables colombiens compte tenu de différents textes internationaux relatifs aux droits de l’homme; il s’inspire notamment directement du processus de paix qui s’est déroulé en Irlande et fait l’objet de discussions libres et approfondies. Cette initiative vise non pas à mettre en place un dispositif d’amnistie et d’oubli des crimes les plus graves comparable à ce qu’on a pu voir dans le passé, mais à élaborer une solution totalement nouvelle, fondée sur des valeurs telles que la vérité, la justice, la réparation et les droits des victimes et de la société, ce qui va dans le sens des orientations prises actuellement sur le plan international en matière de lutte contre l’impunité. Il ne s’agirait pas d’une mesure de grâce entraînant une mise en liberté inconditionnelle et définitive, non assortie d’une peine et sans aucun contrôle de l’État sur le comportement futur de l’intéressé. Au contraire, en vertu de ce nouveau dispositif, la liberté ne serait consentie qu’à la condition de remplir certaines obligations, elle serait révocable et supposerait une réparation intégrale des préjudices aux victimes et l’application d’une peine de remplacement. Cette initiative a pour but de convaincre les groupes armés en marge de la loi de s’orienter vers une nouvelle vie en assumant leurs responsabilités à l’égard des victimes, et en démantelant leur arsenal guerrier. Ainsi, ce projet de loi n’est nullement contraire aux traités et autres textes internationaux ratifiés par la Colombie; ses dispositions, notamment en matière pénale, sont susceptibles d’examen et de discussion. Conscient que les victimes sont les oubliés de la société et que toute politique de paix devra les prendre en considération, le Gouvernement a cherché à mettre au point une stratégie rétablissant la mémoire historique, la prise de conscience étant le seul moyen pour une société de parvenir à vivre en paix avec elle‑même.

8.Le projet de loi no 223 de 2003, dit «antiterroriste», a déjà fait l’objet de multiples débats qui seront suivis par d’autres, conformément à ce qui est prévu pour toute réforme constitutionnelle; il s’agit en effet d’une véritable réforme, débattue non seulement par le législateur, mais aussi par l’ensemble de la société colombienne et également sur le plan international. Son adoption se fera à la majorité qualifiée. À propos de ce projet, il faut savoir qu’en Colombie les groupes terroristes mettent à profit les difficultés du terrain et l’absence de communications caractérisant certaines régions du pays, où l’on n’a souvent aucun moyen d’accéder à l’autorité judiciaire, soit parce que les centres urbains sont éloignés, soit parce que les représentants de la justice y sont systématiquement assassinés. L’action de la Fiscalía et de la police judiciaire se trouve entravée par l’éloignement ou l’impossibilité matérielle de se rendre sur les lieux où des crimes ont été commis et l’État est dans une impasse, n’ayant aucun moyen d’enquêter et d’arrêter les coupables. En ce qui concerne la recherche de preuves par la police et leur examen par les juges, il faut savoir que les informations recueillies par la police judiciaire n’ont pas en elles‑mêmes valeur de preuve dans la procédure pénale et qu’elles permettent seulement de clarifier la situation et de retrouver les faits, les personnes et les objets qui pourront être présentés comme éléments de preuve; tout risque d’arbitraire est ainsi écarté.

9.L’éventuelle création par la Fiscalía d’unités spéciales de police judiciaire travaillant en collaboration avec les forces armées qui agiraient sous son autorité serait un moyen de répondre aux difficultés rencontrées par l’État et ne serait nullement contraire à la mission de la police judiciaire; le mandat de ces unités serait extrêmement limité et précis et leurs interventions auraient un caractère exceptionnel et n’affecteraient en rien le travail de la Fiscalía et du juge. À ce propos, Mme Forero Ucros tient à souligner qu’il serait totalement exclu de nommer des magistrats non armés dans des zones rurales où des organisations armées combattent les forces de l’ordre et s’attaquent à la population civile, dans un vaste pays où la forêt vierge n’est jamais loin. Le projet de loi en question, qui est encore en discussion, prévoit qu’une personne placée en détention provisoire doit comparaître devant le juge compétent dans les 36 heures, ce qui est conforme au principe de l’habeas corpus, contrairement à ce qui a été affirmé. Le Gouvernement a d’ailleurs procédé à une étude de droit comparé d’où il est ressorti que dans plusieurs démocraties de l’Union européenne victimes elles aussi du terrorisme, la législation antiterroriste prévoit également des périodes de détention non confirmées par un juge. Dans l’un de ces pays, la détention dans ces conditions est autorisée pour la durée strictement nécessaire à l’établissement des faits et jusqu’à 72 heures en cas de nécessité urgente ou exceptionnelle, s’agissant d’auteurs présumés d’actes commis en relation avec des bandes armées, terroristes ou rebelles. Dans un autre de ces pays, une personne fortement soupçonnée d’avoir commis des infractions particulièrement graves ou en employant des armes de guerre ou des explosifs, peut être maintenue en détention jusqu’à 96 heures sans qu’un juge ait avalisé la mesure.

10.Il y a lieu de préciser que le projet de réforme de la justice tend notamment à rationaliser, mais en aucun cas à supprimer, les mécanismes destinés à protéger des droits gravement menacés. Par ailleurs, il a été demandé sur quels critères se fonde le Conseil supérieur de la magistrature pour résoudre les conflits de compétence entre la justice ordinaire et la justice militaire. Constitué de magistrats indépendants, ce Conseil est saisi de tous les conflits de ce type, y compris pour des affaires de violation des droits de l’homme, et il statue à la lumière d’une analyse approfondie de chaque cas. Il est à noter que les conflits de compétence entre ces deux juridictions ont beaucoup diminué, puisqu’ils sont passés de 100 en 1998 à 43 en 2002, ce qui atteste que le champ de compétence de chacune est de mieux en mieux défini grâce notamment à l’adoption du Code de justice militaire.

11.En ce qui concerne la tolérance qui serait manifestée à l’égard des agissements des groupes d’autodéfense illégaux, les chiffres parlent d’eux‑mêmes puisqu’en 2002 les forces de l’ordre ont capturé 1 356 membres de ces groupes − soit 25 % de plus que l’année précédente. Le nombre d’actions pénales engagées à l’encontre des groupes d’autodéfense a lui aussi nettement augmenté puisque l’on en a compté 183 entre 1995 et 2002. Les mandats d’arrestation lancés contre des membres de groupes d’autodéfense sont presque aussi nombreux que ceux lancés contre les guérilleros, et les inculpations de membres de groupes d’autodéfense ont été au nombre de 610 en 2002, contre 241 contre les guérilleros. Citant d’autres chiffres à l’appui de ses affirmations, Mme Forero Ucros insiste sur le fait que dans le cas de personnes faisant l’objet de mandat d’arrestation que l’on n’est pas parvenu à arrêter, on ne saurait parler d’amnistie de fait. De nombreux individus qui n’ont pas pu être capturés sont recherchés sans relâche, comme cela a été le cas de Pablo Escobar, narcotrafiquant de triste renom qui a été tué au moment de son arrestation après des décennies de recherches acharnées. À ce propos, il faut souligner que l’extradition ne manque pas d’être utilisée par la Colombie comme instrument de coopération judiciaire internationale.

12.Les programmes de protection mis en place par le Ministère de l’intérieur ont pour but de préserver la vie de personnes menacées pour des motifs politiques ou en raison du conflit armé interne en cours, et notamment des défenseurs des droits de l’homme. Des mesures de protection existent pour différentes catégories de personnes en danger ou vulnérables: dirigeants ou militants politiques, d’opposition notamment, d’organisations civiques ou paysannes et de groupes ethniques, d’ONG s’occupant des droits de l’homme, témoins de violations des droits de l’homme, journalistes, députés, etc. En vertu de la loi no 782 de 2002, ce programme de protection a été étendu aux membres de la mission médicale et aux fonctionnaires chargés de superviser les élections. Les moyens alloués au programme de protection ont été considérablement augmentés, ce qui s’est traduit notamment par la mise en place de dispositifs mobiles de protection, d’un réseau de communications entre la police nationale, le Département administratif de sécurité, les autorités locales et nationales et les personnes protégées, etc. Des milliers de personnes ont bénéficié de ces mesures de protection. De son côté, le Ministère de la défense nationale a donné des instructions en matière de protection dans une directive de juillet 2003; les programmes de formation des militaires et des policiers comporteront des éléments relatifs aux droits des travailleurs et dirigeants syndicaux ainsi que des informations sur la mission des défenseurs des droits de l’homme.

13.Il a été fait état de quelques cas récents sur lesquels la délégation colombienne va s’efforcer d’apporter les précisions dont elle dispose. À la suite du décès de Hernando Muican et de Wilson Duarte, une commission d’enquête a été créée pour effectuer des recherches dans les zones où la présence des groupes armés illégaux en cause avait été signalée. À la suite de la visite sur le terrain des membres de cette commission (où étaient représentés les services du Défenseur du peuple et du Procureur général, les autorités du Cundinamarca, le réseau de solidarité sociale et le Programme présidentiel pour les droits de l’homme), l’emplacement des fosses communes a été retrouvé. Les services compétents ont constaté le décès et identifié les corps de Duarte et Muican et l’enquête a été confiée à l’Unité nationale des droits de l’homme de la Fiscalía. Par ailleurs, le bureau du Procureur général de la nation, ayant eu connaissance par l’intermédiaire d’une association d’avocats des plaintes déposées à ce sujet, a ouvert une enquête disciplinaire préliminaire à l’encontre de membres des forces armées et des forces d’autodéfense. D’autre part, l’Unité des droits de l’homme de la Fiscalía a ouvert une enquête préliminaire sur les assassinats, tortures et actes de terrorisme commis depuis mars 2003, enquête qui a permis d’établir la responsabilité du groupe illégal Autodefensas del Casanare; parmi les personnes assassinées figuraient Duarte et Muican. Pour ce qui est des faits survenus le 5 mai 2003 à l’inspection de la police de Betoyes (commune de Tame), ils font actuellement l’objet d’une enquête préliminaire qui a été ouverte à l’encontre de membres de la 18e brigade des forces armées nationales. Des informations complémentaires seront envoyées au Comité sur cette affaire lorsqu’elles seront disponibles. Au sujet des mauvais traitements qui auraient été infligés à Juan Carlos Celis González en décembre 2002, il semble qu’à ce jour aucune plainte n’a été déposée.

14.Enfin, Mme Forero Ucros souhaite rappeler, à propos d’une suggestion faite par un membre du Comité tendant à ce que la responsabilité du maintien de l’ordre public soit transférée de l’armée à la police, que la Colombie est confrontée à une situation de terrorisme dont les premières victimes sont les policiers, car les terroristes s’en prennent aux institutions de la société civile. Il faut espérer qu’un jour, une fois la paix rétablie, il sera possible de conférer un rôle nouveau et plus moderne aux forces de l’ordre; mais dans les circonstances actuelles, cela est exclu.

15.Mme PLATA GÓMEZ (Colombie) répondra aux questions portant sur tout le domaine pénitentiaire, qu’elle connaît bien de par ses fonctions. Elle occupe en effet au Ministère de l’intérieur et de la justice le poste de conseillère pour la politique pénitentiaire et carcérale et avocate spécialisée en droit pénal, en criminologie, en droit de la famille et en administration pénitentiaire, ce qui, par parenthèse, montre qu’aucune discrimination à l’égard des femmes n’est exercée en Colombie en matière d’emploi.

16.Tout d’abord un membre du Comité a demandé des précisions sur la formation du personnel et en particulier du personnel médical en milieu pénitentiaire. Il n’existe pas de formation médicale spécialement axée sur la population carcérale, la médecine étant une profession universelle. Dans le cadre de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC), en revanche il existe divers programmes d’information, de prévention et de dépistage appliqués par un personnel médical qualifié, qui visent à diminuer l’incidence et la prévalence de problèmes sociaux importants ainsi que les risques d’apparition de cas de nouvelles maladies, à réduire le coût de la santé et la mortalité de la population carcérale et à inculquer aux détenus de bonnes règles de comportement favorisant leur propre santé et facilitant la vie avec les codétenus. Parmi ces programmes on retiendra un programme de prévention générale de la toxicomanie qui vise à former les gardiens à aider les détenus à ne pas sombrer dans la drogue et aussi à savoir intervenir d’urgence face aux manifestations de manque dont peuvent être victimes les détenus qui étaient toxicomanes avant d’être incarcérés. Il existe également un programme de dépistage du cancer du sein, un programme national de soins ophtalmologiques, un programme de vaccination contre la grippe, un programme relatif à la santé sexuelle et génésique, un plan pilote de santé communautaire visant à donner à un groupe de détenus une formation à la mise en œuvre d’un système de soins de santé primaires, assorti de la création d’un diplôme de soins de santé primaires pour la population vulnérable qui a été décerné à ce jour à 60 détenus. Dans le cadre du programme national de prévention de la tuberculose tous les détenus sans exception ont subi les tests. Tous ces programmes d’aide et de prévention ont permis d’obtenir une réduction de l’incidence et de la prévalence des pathologies, de modifier les comportements des détenus et de leur donner les moyens de prendre en charge leur santé. Le programme de soins de santé, qui fait partie du système général de santé publique, est mis en œuvre à l’intention des secteurs de la population à faible revenu ainsi qu’à l’intention de la population carcérale. Au troisième trimestre de 2003 chaque détenu avait été examiné au moins trois fois, en plus de l’examen général obligatoire à l’entrée en prison. En outre, au troisième trimestre de 2003, 83 431 consultations dentaires avaient été réalisées. L’analyse de morbidité qui est menée tous les ans permet de connaître les principaux motifs de consultation ou les principales maladies dans les établissements de détention du pays et d’élaborer ensuite les programmes de prévention et de soins voulus. L’INPEC dispose de cinq unités spécialisées, dans les établissements pénitentiaires des plus grandes villes du pays, où sont internés des détenus souffrant de troubles mentaux nécessitant en permanence des soins, mais qui ne sont pas considérés comme légalement irresponsables. Pour assurer les autres types de soins, l’INPEC fait appel à un réseau national de prestataires de services et certains traitements spécialisés sont assurés par les hôpitaux psychiatriques des principales villes. Lorsqu’un détenu est déclaré irresponsable, l’INPEC effectue auprès du Ministère de la protection sociale les démarches nécessaires pour qu’il soit pris en charge dans le service qui convient. Toujours en matière de santé, l’INPEC a souscrit une police d’assurance visant à couvrir les coûts des soins des détenus et des enfants de moins de trois ans qui vivent avec leur mère dans un établissement pénitentiaire, souffrant de pathologies dites coûteuses, comme les cancers, le sida ou les affections cardiaques. Il a également confié à des entreprises privées la prestation de certains services de santé, ainsi que la surveillance du respect des normes sanitaires dans le domaine de l’alimentation. L’INPEC a également investi dans des équipements médicaux et dentaires et chaque établissement comprend au moins une unité de soins. Enfin dans le cadre d’un programme d’assainissement de base des campagnes de désinfection, de dératisation et de désinsectisation sont menées à bien.

17.Il a été demandé quelles étaient les dispositions de la législation colombienne qui donnaient effet à l’article 10 de la Convention contre la torture. La loi no 65 de 1993, très antérieure à la signature de la Convention par la Colombie, dispose en son article 38 que pour devenir agent pénitentiaire il faut avoir suivi la formation et l’apprentissage dispensés par l’École pénitentiaire nationale. Pour occuper les fonctions de directeur de prison, il faut avoir un diplôme universitaire qui comprenne des connaissances en criminologie, en droit pénal, sur les prisons, la sécurité et les droits de l’homme. Cette année, l’École pénitentiaire nationale a dispensé à 800 agents de l’Institut national pénitentiaire et carcéral des cours de formation aux droits de l’homme.

18.Tous les établissements pénitentiaires sont visités régulièrement par les défenseurs du peuple, par des organisations non gouvernementales et par d’autres organismes, comme le Comité international de la Croix‑Rouge, qui font des rapports à l’État.

19.Pour ce qui est des cas de mauvais traitements infligés aux détenus, l’article 50 de la loi no 65 de 1993 définit les fonctions du juge de l’application des peines, qui sont notamment de garantir la légalité de l’exécution de la peine. Les défenseurs du peuple et les services du Procureur général effectuent régulièrement des visites, ainsi que des organisations non gouvernementales et des médias qui en font la demande à la direction de l’établissement. En ce qui concerne les services médicaux, l’insuffisance de médicaments et de personnel médical représentait un point faible auquel il a été remédié grâce à la sous‑traitance des services de santé.

20.MmeForero Ucros (Colombie), répondant aux interrogations suscitées par les chiffres figurant dans les paragraphes 28 et 29 du rapport, précise que la source des informations est une organisation non gouvernementale, la CINEP. Sans pouvoir être catégorique, elle croît pouvoir avancer que l’augmentation des actes de torture attribuables aux groupes illégaux d’autodéfense entre 1999 et 2000 correspond à une période d’escalade dans le conflit. Tous les chiffres disponibles, provenant de différentes sources y compris des ONG, montrent que les organisations armées illégales, à partir de 2000, ont eu davantage recours à la torture.

21.En ce qui concerne la violence sexuelle, selon le Centre d’information sur les activités délictueuses (CISAD), organisme public à caractère interinstitutionnel, dans 80 % des cas la violence sexuelle s’exerce malheureusement au sein de la famille. Par le biais de la Fiscalía General de la Nación et dans le cadre de la politique «Haz Paz» («Faisons la paix»), l’État colombien a créé à Bogota, en 1999, un centre d’accueil pour les victimes de délits sexuels, qui a reçu 49,2 % de plaintes en plus par rapport à l’année précédente. Parallèlement, on crée dans tout le pays des unités spécialisées dans les délits sexuels et depuis novembre 2001, il existe à Bogota une unité consacrée à la violence dans la famille. Par ailleurs, conjointement, les défenseurs du peuple, l’Institut colombien de protection de la famille, la police, le Ministère de la santé, l’Institut national de médecine légale, la mairie de Bogota, avec le soutien technique et financier du Fonds des Nations Unies pour la population, travaillent depuis trois ans à élaborer et à mettre en œuvre des programmes de prise en charge intégrale des victimes de délits sexuels. De même, la Fiscalía a participé à l’élaboration de protocoles pour la prise en charge de ces victimes et des victimes du trafic international d’êtres humains. L’Institut national de médecine légale a établi une «carte des agressions sexuelles». La violence sexuelle se retrouve dans tous les groupes irréguliers en marge de la loi, comme l’attestent d’innombrables témoignages d’enfants démobilisés et les rapports récents d’organisations internationales, comme Human Rights Watch. Le Gouvernement colombien a pris des mesures spécifiques pour assurer la démobilisation des enfants et leur réinsertion dans la société civile. Le décret no 128, du 22 janvier 2003, régit les procédures relatives à la remise des mineurs démobilisés, prévoit un examen médical conçu pour faire un bilan de leur état, énonce les compétences des institutions et les prestations sociales et économiques auxquelles ils ont droit. Le mineur démobilisé doit être intégré à un programme spécial mis en œuvre par l’Institut colombien de protection de la famille (ICBF). Au premier semestre de 2003, 297 mineurs ont été pris en charge dans le cadre d’un programme visant à assurer l’insertion sociale des jeunes. Enfin, il importe de signaler que le Gouvernement a élaboré, en date du 10 juillet 2003, une loi portant ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés; la loi est actuellement révisée par la Cour constitutionnelle.

22.Mme PLATA GÓMEZ (Colombie) donne les statistiques sur la population carcérale qui ont été demandées. Il existe 150 établissements de détention en Colombie répartis en différentes catégories: 1 pénitencier agricole, 74 établissements pénitentiaires et carcéraux, 4 établissements pénitentiaires de haute et de moyenne sécurité, 6 établissements à régime spécial et 11 centres de détention pour femmes. La population carcérale totale est de 75 324 détenus au 11 novembre 2003, dont 4 175 femmes; il y a 28 196 prévenus et 34 013 condamnés. Pour des raisons touchant notamment à la sécurité, la population carcérale a été divisée en catégories: les «subversifs» (personnes appartenant à des groupes en marge de la loi communément appelés guérillas), les «paramilitaires» (appartenant à des organisations armées en marge de la loi) et les «sociaux» (les délinquants de droit commun). Les subversifs et les paramilitaires seraient respectivement au nombre de 3 516 et de 1 650 sans que l’on puisse garantir l’exactitude de ces chiffres étant donné que des personnes arrêtées pour certains délits se déclarent parfois membres de groupes de guérilla, par exemple afin d’obtenir davantage de protection de la part des organisations chargées de défendre les droits des membres de ces groupes. À l’inverse des détenus de la catégorie des «paramilitaires» peuvent ne pas se déclarer en tant que tels parce qu’il n’existe pas d’organisations chargées de les défendre.

23.Pour ce qui est de la ventilation par âge, les chiffres sont les suivants: dans la tranche d’âge des 18 à 29 ans, il y a 26 239 détenus hommes pour 1 802 femmes, pour les 30 à 44 ans, 20 318 hommes et 1 675 femmes, pour les 45 à 59 ans, 7 236 hommes et 638 femmes et dans la catégorie des plus de 60 ans, 1 017 détenus hommes et 96 femmes. Les établissements de détention relevant de l’INPEC sont répartis par zone géographique. En ce qui concerne la nature des délits, le Code pénal colombien est très détaillé. Il n’est donc pas possible de donner le chiffre des détenus pour chaque qualification pénale mais les statistiques pour les infractions les plus graves montrent que pour le délit d’atteinte à la vie et à l’intégrité de la personne, il y a 4 183 prévenus et 12 139 condamnés (171 et 314 femmes), les condamnés pour génocide sont au nombre de 11, tous des hommes. Pour les délits d’atteintes arbitraires à la liberté, il y a 1 827 condamnés (114 femmes) et 1 453 prévenus (131 femmes). Un total de 3 380 personnes sont détenues pour enlèvement, dont 1 412 prévenus (130 femmes) et 1 724 condamnés (114 femmes). Les condamnés et prévenus pour menace à l’existence de l’État sont respectivement au nombre de 87 (1 femme) et 103 (2 femmes). Enfin pour le délit d’atteinte au régime constitutionnel et légal (rébellion, sédition et émeutes), on compte 2 184 prévenus (221 femmes) et 739 condamnés (58 femmes).

24.Mme FORERO UCROS (Colombie) dit qu’il n’existe pas encore de données statistiques désagrégées sur le nombre de plaintes contre des membres de la force publique déposées auprès des services du Procureur général de la nation. Cependant, le logiciel qui a été mis au point à cet effet dans le cadre d’un projet mené depuis trois ans en collaboration avec l’Agence pour le développement international sera opérationnel très prochainement. Entre 1995 et novembre 2002, le Procureur général a été saisi de 10 804 plaintes mais a considéré que 1 399 seulement donnaient matière à enquête; 42 actions ont été engagées contre des membres des forces de police soupçonnés d’avoir commis des violations des droits de l’homme, ce qui est très peu. En 2002, la Procurature déléguée aux droits de l’homme a sanctionné 57 membres de la force publique et en a mis 48 hors de cause. Entre 1997 et 2002, le Procureur général a prononcé des sanctions contre 254 membres des forces de l’ordre reconnus coupables de violations des droits de l’homme.

25.Pour ce qui est des activités de la Fiscalía general de la Nación et en particulier de l’Unité des droits de l’homme qui a été créée fin 1994 avec pour mission de mener des enquêtes sur les violations les plus graves des droits de l’homme commises en Colombie, des données statistiques sont diffusées sur l’Internet. Pour la période allant d’août 2001 à décembre 2002 plus de 500 personnes ont été inculpées, plus de 500 ont fait l’objet de mesures de sécurité (détention) et près de 450 ont été mises en accusation; une part minime des intéressés était des membres de la police et de l’armée, la majorité appartenant à des groupes d’autodéfense illégaux et des groupes subversifs. La Fiscalía reconnaît que des violations des droits de l’homme sont commises parfois par des agents de l’État agissant de leur propre chef et de manière exceptionnelle mais, le plus souvent, ces violations sont le fait de membres de la guérilla, de groupes d’autodéfense et de bandes organisées. Pour bien s’acquitter de ses fonctions, la Fiscalía a créé des commissions spéciales d’enquête qui ont mené leurs travaux dans plusieurs villes et régions difficiles. Par exemple, la commission d’enquête chargée de la ville de Barrancabermeja, ville particulièrement marquée par la violence, est parvenue à arrêter 15 des principaux membres du groupe dit du sud des Unités d’autodéfense de Colombie et, grâce à la commission chargée du département d’Arauca, cinq policiers ont été inculpés pour homicide et torture; à la suite de son enquête sur le décès d’un membre de la police nationale, un membre des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a également été inculpé. Afin de garantir que les procureurs et les magistrats chargés de faire la lumière sur des violations des droits de l’homme soient en mesure de s’acquitter de leurs fonctions en toute indépendance, plusieurs programmes de protection des personnels judiciaires et des témoins ont été mis en place. En outre, dans le cadre de la politique d’appui à l’administration de la justice en matière de droits de l’homme, le Comité spécial chargé de soutenir les enquêtes sur les violations des droits de l’homme est renforcé; cet organe est composé du Vice‑Président de la République, du Ministre de l’intérieur, du Fiscal general de la Nación et du Procureur général de la nation et le représentant du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Colombie est invité à y participer à titre permanent. Le Comité spécial a approuvé un projet dont l’objectif principal est de suivre 100 affaires de violations graves des droits de l’homme; les affaires qui seront les premières à faire l’objet d’enquêtes ont été sélectionnées en fonction des critères arrêtés dans le rapport du Rapporteur spécial sur la question de l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme (droits civils et politiques) (E/CN.4/Sub.2/1997/20 et Rev.1).

26.En ce qui concerne les résultats du projet mené en collaboration avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur le rôle préventif des services du Procureur général, mentionné dans le rapport (par. 89), des renseignements ont été demandés aux services compétents et seront donnés dans les meilleurs délais au Comité. Les services du Procureur général ont fait tenir au représentant du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme en Colombie un document complet contenant des informations sur un ensemble de questions, notamment sur les enquêtes disciplinaires ouvertes pour violations des droits de l’homme commises par les groupes d’autodéfense et les infractions au droit international humanitaire et les obstacles et difficultés qui entravent ces enquêtes; les menaces, attentats et enlèvements visant des représentants du ministère public; les mesures prises par le Procureur général de la nation pour examiner périodiquement les archives du renseignement militaire afin de détecter les informations erronées ou tendancieuses sur les défenseurs des droits de l’homme; les mesures adoptées par le Procureur général pour veiller au respect d’une procédure régulière dans les affaires de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire portées devant les tribunaux militaires; les mesures prises par le Procureur en application du décret de 2002 sur les troubles intérieurs et les opérations qu’il a menées conjointement avec les forces de l’ordre après l’entrée en vigueur de ce décret; les mesures prises dans le cadre de la directive présidentielle no 11 pour contrôler la légalité des initiatives des autorités en matière d’ordre public, en particulier dans les zones dites de réhabilitation et de consolidation; les mesures adoptées par le Procureur pour donner suite aux recommandations des organes internationaux de défense des droits de l’homme; les accords conclus avec le Défenseur du peuple en vue de dispenser aux fonctionnaires une formation dans le domaine des droits de l’homme et du droit international humanitaire; l’évaluation des mesures prises par le Gouvernement pour garantir la présence d’un procureur dans toutes les régions et municipalités du pays.

27.En ce qui concerne la coordination des activités de l’Institut national pénitentiaire et carcéral et du Défenseur du peuple, ces institutions et le Ministère de la justice ont signé en 1999 un accord de coopération qui a fait depuis la preuve de son efficacité. Le Défenseur du peuple contribue grandement à trouver des solutions aux problèmes de la Colombie dans le domaine pénitentiaire. Conformément à la Convention et au droit coutumier il n’y a jamais eu en Colombie d’amnisties ni de grâces pour les auteurs d’actes de torture. Le projet relatif à l’alternative pénale prévoit que le bénéfice de la mesure est supprimé si l’intéressé commet une infraction grave. La société colombienne, notamment les organisations non gouvernementales, ainsi que les institutions internationales de protection des droits de l’homme, sont associées à l’étude de ce projet de texte.

28.Le PRÉSIDENT remercie la délégation colombienne de ses réponses très détaillées et en particulier des statistiques désagrégées qui ont été présentées, information qui est rarement fournie au Comité.

29.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour la Colombie) remercie la délégation. Il souhaiterait des précisions sur le décret no 2450 de 2002, qui interdit le renvoi d’un individu dans un pays où sa vie est menacée mais ne semble pas offrir de protection lorsqu’il y a risque de torture. La délégation pourrait‑elle donner des exemples d’application de ce décret par les organes judiciaires?

30.Mme FERERO UCROS (Colombie) répond qu’elle demandera tous les éclaircissements nécessaires aux autorités compétentes et fera parvenir ultérieurement une réponse écrite au Comité.

31.Le PRÉSIDENT remercie la délégation colombienne et l’invite à revenir à une prochaine séance pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

32. La délégation colombienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 heures.

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