NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.70219 mai 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE PARTIEL DE LA 702e SÉANCE*

tenue au Palais des Nations, à Genèvele jeudi 4 mai 2006, à 15 heures

Présidence: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Géorgie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/73/Add.1 et CAT/C/GEO/Q/3) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation géorgienne prend place à la table du Comité.

2.M. CHECHELASHVILI (Géorgie), répondant à une question sur les mauvais traitements, remercie le Comité d’avoir constaté que des lois et des mécanismes destinés à les combattre avaient été mis en place. Le nombre croissant de plaintes indique que les institutions s’acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de ces lois. Les procédures ont été simplifiées et les données sont de plus en plus précises, même si des plaintes abusives émanant de détenus pèsent sur le fonctionnement du système. La question posée par le Comité à ce propos soulève le problème de la collaboration entre les autorités et les organisations non gouvernementales. En Géorgie, les ONG sont protégées par la loi et dans la pratique jouent un rôle important en matière de prévention des mauvais traitements. Elles ont le droit de demander toute information jugée nécessaire à l’administration. Le Gouvernement les invite régulièrement à participer à l’exécution de plans d’action et à des séminaires pour la protection des droits de l’homme. Le Bureau du Procureur général les tient informées de l’évolution des questions relatives aux droits de l’homme comme il le fait pour les responsables gouvernementaux.

3.S’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, M. Chechelashvili indique que le nouveau gouvernement a entrepris de réformer en profondeur l’ensemble du système judiciaire en veillant notamment à éliminer la corruption, à favoriser la spécialisation des juges et à améliorer leur statut de manière à assurer leur indépendance et leur impartialité. Le fonctionnement des tribunaux a été en outre modernisé et rationalisé.

4.La composition du Conseil supérieur de la magistrature a été modifiée suivant les recommandations du Conseil de l’Europe. Désormais les affaires disciplinaires y sont examinées selon une procédure contradictoire durant laquelle tous les droits des personnes qui comparaissent sont garantis et les décisions prises sont susceptibles de recours devant la Cour suprême. S’agissant des trois juges dont le cas a été évoqué par le Comité, M. Turava et Mme Gvenetadze ont été relevés de leurs fonctions et M. Sulaqvelidze, coupable d’infractions moins graves, s’est vu infliger un blâme. La Géorgie est prête à fournir au Comité toute information utile sur ces trois affaires et sur les autres procès pénaux dont ont fait l’objet des juges en 2005.

5.Pour ce qui est du droit à dédommagement, M. Chechelashvili cite le paragraphe 9 de l’article 42 de la Constitution, qui prévoit l’indemnisation de toute personne ayant subi un préjudice du fait d’organismes ou d’agents de l’État, et mentionne les dispositions du Code de procédure pénale qui couvrent les cas de détention arbitraire (art. 73 et 76), de condamnation illégale et de traitement médical imposé illégalement (art. 219). En vertu de l’article 30 du même Code, une action civile peut être intentée pour dommage matériel, physique ou moral et, à compter de janvier 2007, une indemnisation pourra être obtenue même si l’auteur de la violation n’est pas identifié (art. 33). À ce jour, malgré toutes les facilités fournies, aucune demande d’indemnisation n’a été faite. Enfin, l’orateur dit ne pas avoir connaissance d’une loi sur la réparation qui serait à l’examen au Parlement et prie M. Grossman de lui communiquer la source de son information.

6.Mme TKHESHELASHVILI (Géorgie), évoquant les mesures de relèvement des salaires, souligne qu’elles ne peuvent véritablement porter leurs fruits que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une réforme globale. Elle indique que le salaire minimum dans les forces de police est cinq fois supérieur au salaire minimum garanti et que le nombre et la qualité des candidatures dénotent un intérêt général pour la carrière policière. S’agissant de l’accès des personnes sans ressources à une représentation en justice, la loi géorgienne garantit une aide juridictionnelle gratuite financée par le Ministère de la justice.

7.Pour ce qui est de l’efficacité de la formation destinée aux agents des forces de l’ordre et des fonctionnaires du ministère public, elle s’évalue par la qualité du travail des personnes formées, qui fait l’objet d’une analyse statistique détaillée et permanente. Elle est aussi évaluée au moyen de divers mécanismes de contrôle interne et externe.

8.En ce qui concerne les sanctions prises à l’encontre d’agents de police mentionnées par le Président, il est bien question dans les chiffres fournis de destitutions et non de suspensions.

9.Répondant à la question de savoir si l’«organe indépendant de surveillance» chargé de déceler et de prévenir les violations des droits de l’homme est réellement indépendant, étant donné qu’il relève du Ministère de l’intérieur, l’oratrice précise qu’il ne s’agit pas d’un organe autonome mais d’une division spéciale du Ministère de l’intérieur, créée pour assurer le contrôle interne.

10.En ce qui concerne la collaboration avec le Médiateur, un mémorandum d’accord permettant aux ONG d’accéder sans restriction aux cellules de garde à vue a été signé. Les ONG font fréquemment usage de ce droit. L’objectif du Gouvernement est de favoriser l’émergence d’un vaste réseau d’ONG pour assurer un contrôle externe des agents responsables des cellules de garde à vue.

11.Pour ce qui est de l’utilisation du numéro d’appel d’urgence de l’Inspectorat général du Ministère de l’intérieur, elle est assez intensive, et ce numéro permet de recevoir des citoyens de nombreuses informations sur les violations commises. Toutes les informations reçues sont analysées par les services compétents du Ministère de l’intérieur. Une base de données informatique est actuellement mise en place, ce qui permettra de fournir à l’avenir des renseignements détaillés à ce propos.

12.En ce qui concerne la possibilité d’un examen médical indépendant durant la détention provisoire, Mme Tkheshelashvili indique que ce droit est pleinement garanti aux personnes en détention et le personnel chargé de la garde les encourage à en faire usage, puisque cela lui permet de gérer tout incident de manière transparente. Le personnel médical relève de la Division chargée de surveiller la situation des droits de l’homme au Ministère de l’intérieur, ce qui lui assure une certaine indépendance. Pour ce qui est de l’examen médical obligatoire des détenus, l’oratrice précise qu’il a lieu non seulement au début de la détention mais aussi chaque fois que le détenu quitte sa cellule pour les besoins de l’enquête et qu’il y revient. C’est pourquoi le nombre total d’examens médicaux dépasse largement celui des détenus, qui était de 8 799 en 2005.

13.S’agissant de la durée de la garde à vue, la Division des droits de l’homme donne des instructions précises aux agents de la force publique pour que tout détenu sur le sort duquel il n’a pas été statué soit libéré dans un délai de 72 heures. Ce délai se compose en fait d’une première période de 48 heures durant laquelle le détenu doit avoir été informé des accusations portées contre lui et avoir comparu devant un juge et d’une période de 24 heures au cours de laquelle le juge doit avoir décidé s’il y a lieu de prolonger la garde à vue ou d’ordonner la mise en liberté. Si la Division de contrôle du respect des droits de l’homme constate que ces prescriptions n’ont pas été respectées, elle en réfère au Bureau du Procureur général. L’intéressé lui-même peut saisir l’une ou l’autre de ces deux instances.

14.Seules les forces spéciales d’intervention portent des masques ou des cagoules et cela uniquement pour des raisons de sécurité. Consciente que l’anonymat des forces d’intervention peut poser des problèmes en cas d’allégation de mauvais traitement ou de torture, la Géorgie réfléchit, en collaboration avec les organisations non gouvernementales compétentes, à un moyen d’identifier facilement les agents qui participent à telle ou telle opération spéciale. La criminalité prenant de plus en plus d’ampleur dans le pays, les forces de l’ordre ont renforcé la répression et ont parfois eu recours à des méthodes plus musclées. Des personnes ont effectivement été tuées lors de descentes de police mais il s’agissait d’opérations contre la mafia dans lesquelles l’emploi de la force était inévitable. La situation devrait grandement s’améliorer avec le retour de l’état de droit et de la sécurité dans le pays. En outre, avec le concours de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Géorgie élabore des directives à l’intention de la police sur l’emploi de la force et les moyens de recourir à d’autres méthodes pour rétablir l’ordre.

15.M. MIKANADZE (Géorgie) dit que les prisons géorgiennes sont aux mains de quelques caïds qui font la loi et rançonnent les autres détenus, comme cela était déjà le cas du temps de l’ex‑Union soviétique. Afin de mieux contrôler la situation dans les établissements pénitentiaires, le Gouvernement géorgien a décidé d’isoler les caïds du reste de la population carcérale, de rénover les prisons ou d’en construire de nouvelles plus conformes aux normes internationales. Ainsi, quatre prisons ont été construites et une a été rénovée au cours des deux dernières années.

16.M. Mikanadze revient en détail sur les troubles et émeutes qui ont secoué les prisons géorgiennes depuis décembre 2005. Tout a commencé avec le transfert des caïds dans la prison no 7 de Tbilissi où, privés de leurs privilèges, ils ont tenté d’organiser une grève de la faim et ont lancé un appel à la désobéissance dans toutes les prisons. Compte tenu de la situation, un chef de l’administration pénitentiaire a instauré un régime spécial pour restreindre provisoirement l’accès de tous, y compris des avocats, aux prisons.

17.Les caïds n’ont épargné aucun effort pour recouvrer leurs privilèges et leur mainmise sur les prisons. L’administration pénitentiaire a décidé d’établir un système de vidéosurveillance dans les cellules, comme l’ont fait de nombreux pays démocratiques. Le 25 mars 2006, les caïds de la prison‑hôpital de Tbilissi ont appelé les détenus à semer le trouble et à se battre entre eux pour imputer ensuite leurs blessures à l’administration pénitentiaire. Les émeutes ont continué le jour suivant et l’administration pénitentiaire a décidé de transférer les fauteurs de troubles vers d’autres prisons pour éviter que la situation ne dégénère. Le 27 mars 2006, en pleine nuit, les caïds ont refusé d’obéir à l’administration, ont opposé résistance et ont exhorté les autres prisonniers à se rebeller. Le transfert a finalement eu lieu mais les détenus ont commencé à casser des fenêtres et à allumer des incendies. Les émeutes se sont notamment étendues aux prisons no 5 et no 1 de Tbilissi. La situation a pris une tournure inquiétante dans la prison no 5, où le feu menaçait des centaines de détenus. Dans ces circonstances, l’administration pénitentiaire a décidé de recourir à la force pour rétablir le calme. Des prisonniers ont blessé deux chefs de l’administration pénitentiaire avec des armes à feu tandis que 7 prisonniers ont trouvé la mort et 22 ont été blessés. Des émeutes ont également éclaté dans la prison no 1 de Tbilissi, mais l’emploi de la force n’a pas été nécessaire. Des enquêtes préliminaires sont menées par le Ministère de la justice, sous la supervision du Bureau du Procureur général, afin de déterminer les responsabilités dans les émeutes. Le 13 avril 2006, les fauteurs de trouble ont eu à répondre de leurs actes devant le tribunal de Tbilissi.

18.Force est de constater que le système pénitentiaire se heurte à de nombreux problèmes, parmi lesquels la surpopulation dans les établissements de détention provisoire qui abritent 11 500 personnes environ. En mars et avril 2006, afin d’améliorer la situation, le Ministère de la justice a pris les mesures suivantes: la période de détention provisoire a été réduite de neuf à quatre mois; les personnes condamnées en première instance sont immédiatement transférées vers des établissements accueillant uniquement des personnes condamnées; les 100 postes vacants de juges seront pourvus dans les meilleurs délais; le Bureau du Procureur général a entrepris de réexaminer la situation des personnes en détention provisoire et a déjà demandé que 50 d’entre elles soient libérées sous caution; le nombre de libérations sous caution a considérablement augmenté ces derniers mois.

19.Parallèlement, des mesures ont été prises pour poursuivre la construction et la rénovation des établissements pénitentiaires et améliorer la qualité des soins de santé dispensés aux détenus. Des renseignements détaillés sur ces points sont fournis dans les réponses 24, 38 et 40 de la liste des points à traiter. En 2005, le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) avait examiné quelque 1 800 détenus et fait soigner 300 d’entre eux.

20.M. Mikanadze indique qu’en 2005, 49 décès ont été enregistrés dans les prisons, parmi lesquels 11 cas de mort violente et 5 suicides. S’agissant des morts violentes, tous les prisonniers ont été tués par d’autres détenus, la plupart du temps à la suite de bagarres. La délégation transmettra ultérieurement une réponse écrite détaillée au Comité.

21.En avril 2006, le Parlement géorgien a adopté une loi sur la violence conjugale, qui marque un grand pas en avant dans la protection des femmes. Les forces de police ont été informées de la nouvelle législation et ont suivi une formation, notamment sur les expériences menées à l’échelon international. Il convient de signaler qu’aucune femme détenue n’a porté plainte pour viol. Dans les prisons pour femmes, la plupart des employés sont de sexe féminin. Conformément à la loi sur la prison, les femmes détenues sont toujours séparées des hommes. Enfin, les établissements pénitentiaires pour femmes sont conformes aux normes internationales en vigueur.

22.En 2005, un centre de détention provisoire pour mineurs a ouvert ses portes à Tbilissi. Il existe également un établissement pénitentiaire pour mineurs à Avchala, près de Tbilissi, où sont emprisonnés 19 mineurs. Ces détenus bénéficient d’avantages par rapport aux autres: ils peuvent recevoir plus de visites de leurs proches, disposent de 3,5 m2 chacun et sont mieux nourris. Ils peuvent aussi poursuivre leur scolarité et suivre des cours d’informatique dispensés par des ONG locales.

23.L’administration pénitentiaire, qui comprend l’administration centrale et 17 établissements pénitentiaires, relève du Ministère de la justice. En avril 2006, des amendements ont été apportés à la loi sur les prisons pour promouvoir une plus grande décentralisation. Ainsi, le nouveau Code pénitentiaire, qui devrait être adopté fin 2006, accordera davantage de pouvoirs aux établissements pénitentiaires, l’administration pénitentiaire se contentant d’exercer des fonctions de coordination et le Ministère de la justice des fonctions de contrôle et d’orientation politique.

24.Mme TOMASHVILI (Géorgie) indique que la définition de la torture énoncée dans le Code pénal de la Géorgie s’inscrit dans le cadre plus large de la définition des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Si elle inclut aussi bien les actes de torture commis par des agents de la fonction publique que ceux commis par des particuliers, l’appartenance de l’auteur de tels actes à la fonction publique constitue toutefois une circonstance aggravante sanctionnée d’une peine pouvant atteindre 15 ans de prison, contre 10 ans au maximum pour un particulier. Cette définition élargie de la torture permet de poursuivre les auteurs non étatiques d’actes de torture commis dans le cadre de conflits armés.

25.Sur le point de savoir si la Constitution prévoit des dérogations à l’interdiction de la torture, Mme Tomashvili réaffirme que la torture ainsi que les peines ou traitement inhumains ou dégradants sont expressément interdits par l’article 17 2) de la Constitution et que l’article 46 de cette dernière, relatif à l’état d’urgence, ne prévoit aucune dérogation à ce principe. Le fait que l’état d’urgence puisse être invoqué pour déroger aux dispositions de l’article 18 4) de la Constitution relatif à l’interdiction de recourir à la violence physique ou psychologique sur des personnes en détention ou privées de liberté ne devrait pas préoccuper outre mesure le Comité, étant donné que l’interdiction de la torture constitue une norme de jus cogens et que l’article 6 2) de la Constitution prévoit expressément que tout texte de loi doit être conforme aux principes généraux du droit international.

26.La poursuite des auteurs de persécutions à l’égard de minorités religieuses fait partie des principales priorités de la Procurature. Toutes les audiences relatives à ce type d’affaires sont conduites par un procureur. En outre, les responsables de l’inspection des services de police ont rencontré des représentants du Ministère de l’intérieur pour échanger des directives concernant spécifiquement la manière de traiter ces questions.

27.En réponse à la demande de précisions concernant la situation de Mohamed Mahaev, Mme Tomashvili indique que des représentants du Bureau du Procureur ont obtenu de ce dernier confirmation qu’il n’avait été soumis à aucune forme de violence, physique ou psychologique. En ce qui concerne les 1 100 cas de personnes torturées cités par Amnesty International dans son rapport sur la base du rapport du Défenseur du peuple, des précisions s’imposent. En effet, les 1 100 cas cités dans le rapport du Défenseur du peuple concernent des personnes en détention avant jugement présentant des lésions corporelles, lésions dont il n’est à aucun moment expressément établi qu’elles sont le résultat d’actes de torture. Dans la pratique, toute allégation transmise par les services du Défenseur du peuple donne lieu à une visite des représentants du Bureau du Procureur au détenu concerné afin qu’ils s’assurent de l’origine des légions présentées par ce dernier, et une enquête est immédiatement ouverte s’il s’avère que celles-ci lui ont été infligées par des agents de police.

28.En ce qui concerne le rapport de l’ONG Ex-prisonniers politiques pour les droits de l’homme, les services du Procureur mettront à profit les données complémentaires qu’il contient, notamment en ce qui concerne les noms des victimes, pour poursuivre le travail d’investigation entrepris à l’égard de chacun des cas de torture recensés dans l’ensemble du pays.

29.Pour ce qui est de l’extradition, le Comité peut être assuré que le Ministère de la justice comme les services du Procureur veillent au respect des principes énoncés en la matière dans la Convention contre la torture ainsi que dans la Convention européenne des droits de l’homme. Dans le cas précis des Tchétchènes, plusieurs d’entre eux n’ont pas été extradés parce qu’ils avaient la nationalité géorgienne. D’autres décisions d’extradition ont par ailleurs été annulées par la Cour suprême.

30.Un projet de loi sur le rapatriement et l’indemnisation des Meskhètes est en cours d’élaboration et l’Office des réfugiés et des demandeurs d’asile travaille à l’instauration de conditions favorables à leur intégration dans la société géorgienne. Les mesures prises par le Gouvernement pour encourager le retour des Meskhètes comportent notamment l’octroi automatique de la nationalité géorgienne.

31.La Géorgie a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2003 et adopté la législation de mise en œuvre correspondante. La question qui se pose est celle de savoir si les accords dits d’impunité conclus par le Gouvernement géorgien avec les États-Unis d’Amérique constituent une violation de la Convention contre la torture. Le Gouvernement estime que non, d’une part parce que l’article 3 de la Convention traite de l’extradition alors que les accords bilatéraux conclus avec les États-Unis d’Amérique portent sur les restitutions extraordinaires, et d’autre part, parce qu’aucune instance de droit public international n’a déclaré ces accords contraires aux principes du droit international.

32.Pour garantir l’objectivité des procédures d’enquête en matière de torture, en particulier dans les provinces, les enquêtes sont menées exclusivement par les services du Procureur, sans ingérence des services de police. Des mécanismes de prévention sont mis en place, notamment sous la forme de directives internes à l’intention des parquets, qui récapitulent les éléments constitutifs de la définition de la torture au sens de la Convention contre la torture et de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que la jurisprudence en la matière. Ces directives préconisent également l’application de mesures non privatives de liberté lorsqu’il n’y a pas de circonstances aggravantes et que les actes en cause présentent un degré modéré de gravité. Les services du Procureur s’efforcent également d’améliorer la prévention de la torture en analysant les éventuelles lacunes de la législation en vigueur et des mécanismes à leur disposition et en proposant des modifications pour en renforcer l’efficacité.

33.M. NALBANDOV (Géorgie), répondant à la question relative au Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale de la Géorgie, indique que ce dernier a été initialement créé en 1997 pour surveiller, sous la direction du Secrétaire adjoint chargé de la protection des droits de l’homme, la situation des droits de l’homme à travers le pays, en particulier en ce qui concerne les activités des organes chargés de l’application des lois et de la sécurité. Depuis la Révolution des roses, son rôle a évolué en raison du transfert des responsabilités en matière de protection des droits de l’homme aux services du Procureur et au Ministère de l’intérieur et de la mise en place de nouveaux mécanismes de coordination. Les services du Défenseur du peuple ont par ailleurs considérablement gagné en efficacité et l’élaboration des rapports destinés aux organes conventionnels de l’ONU, qui incombait auparavant au Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire, a été confiée au Ministère des affaires étrangères.

34.La coopération continue entre les organes de l’État géorgien et l’OSCE a permis l’élaboration et la mise en œuvre de deux plans d’action, l’un contre la torture, l’autre contre la traite d’êtres humains. Plusieurs programmes de l’OSCE sont en outre mis en œuvre en coopération avec le Ministère de l’intérieur, et visent notamment à améliorer l’efficacité et la transparence de la gestion des ressources affectées à la protection des droits de l’homme, à développer la police de proximité et à assurer la formation professionnelle continue des effectifs de la police.

35.En ce qui concerne la traite des êtres humains, la situation s’est considérablement améliorée, notamment grâce au plan d’action contre la traite, ce qui a permis à la Géorgie de progresser sensiblement dans le classement des pays à surveiller établi par le Département d’État des États-Unis d’Amérique dans son rapport 2005 sur les pays de la traite. Un programme de formation à l’intention des agents de police et des agents douaniers a été établi, axé en particulier sur les méthodes d’identification des victimes de la traite. Certaines des activités menées à ce titre ont bénéficié de la supervision de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des stages ont également été organisés, notamment en Belgique et en Italie. Une loi contre la traite, établissant les bases juridiques de la protection des victimes et de l’aide aux victimes de la traite, devrait prochainement entrer en vigueur et un mécanisme national de protection des victimes est actuellement mis en place.

36.Enfin, l’orateur indique qu’il n’existe pas de programmes spécifiques de réadaptation à l’intention des victimes de la torture. Des soins médicaux gratuits sont offerts aux personnes appartenant aux groupes de population les plus vulnérables qui sont au bénéfice de programmes publics de soins mais, pour le moment, aucun soutien psychologique n’est offert. En revanche une assistance psychiatrique est proposée.

37.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour la Géorgie) se félicite des réponses complètes fournies par la délégation géorgienne et attend avec intérêt le complément d’information qui sera envoyé ultérieurement sur les affaires touchant d’anciens prisonniers politiques. Par ailleurs, il invite la délégation à rappeler aux hauts responsables du Gouvernement que le respect des droits de l’homme passe avant la lutte contre la criminalité et le terrorisme et à les rendre attentifs au fait que les pratiques héritées du passé ne disparaissent pas du jour au lendemain et que les efforts doivent se poursuivre afin de les éradiquer.

38.À propos des assurances diplomatiques, le Rapporteur fait observer que, dès lors qu’un État demande de telles assurances à un autre État, c’est qu’il n’est pas certain que le risque de torture soit exclu. L’État partie devrait donc bien peser toute décision tendant à renvoyer une personne dans son pays en se fondant principalement sur l’article 3 de la Convention. Enfin, en ce qui concerne la distinction entre les lois spéciales et les lois générales, le Rapporteur rappelle que les premières ne sauraient être invoquées pour déroger aux secondes s’agissant de la torture et des mauvais traitements. Sur cette question, une décision d’un organe judiciaire supérieur tel que la Cour suprême serait la bienvenue.

39.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour la Géorgie), se félicitant des réponses claires et précises de la délégation géorgienne, dit qu’il a pris bonne note des explications fournies par la délégation géorgienne concernant l’usage de la force dans les cas où la police est confrontée à des personnes armées. Toutefois, s’agissant de la mutinerie survenue le 27 mars 2006 dans une prison, il se demande si les moyens utilisés à cette occasion n’étaient pas disproportionnés. Enfin, bien que l’État partie fasse preuve d’une grande volonté politique dans la lutte contre la torture, force est de constater que les efforts considérables déployés en vue d’améliorer la législation et le fonctionnement de la justice n’ont pas encore eu beaucoup d’effets dans la pratique. Le Corapporteur espère que ces efforts porteront leurs fruits dans un avenir proche.

40.Mme SVEAASS prie la délégation géorgienne d’indiquer s’il existe dans l’État partie un mécanisme chargé d’examiner les demandes d’asile de réfugiés et de victimes de la torture venant d’autres pays.

41.Mme BELMIR souhaiterait savoir si les magistrats jouissent de la liberté d’expression et d’association, sachant que la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par des magistrats géorgiens alléguant être abusivement poursuivis pour corruption, ce qui selon eux constituerait un moyen d’intimidation employé contre les magistrats qui refusent de céder à certaines pressions.

42.M. GROSSMAN indique, en réponse à une question de la délégation géorgienne sur ses sources, que l’organisation non gouvernementale dont il a cité précédemment le rapport est l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Par ailleurs, il souhaiterait savoir si les traités internationaux auxquels la Géorgie est partie, dont la Convention contre la torture, sont directement applicables en droit interne et si un particulier peut les invoquer devant les tribunaux.

43.Mme GAER voudrait savoir si les personnes appartenant à la minorité meskhète qui ne sont pas des ressortissants géorgiens et craignent d’être torturés dans le pays d’où ils viennent bénéficient de la protection prévue dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

44.Mme TKHESHELASHVILI (Géorgie) indique que la Géorgie a été confrontée pour la première fois dans son histoire à un afflux massif de réfugiés lorsque le conflit en Tchétchénie a éclaté. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a apporté une assistance précieuse au Gouvernement géorgien en l’aidant à élaborer des textes de loi et à mettre en place les mécanismes pertinents. Ainsi, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et les Protocoles y relatifs sont pleinement appliqués en Géorgie et toute personne qui s’estime victime de persécutions dans un pays donné peut y demander l’asile. Les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié jouissent de tous les droits garantis dans ces instruments, notamment de l’accès aux soins de santé. Le HCR a librement accès aux demandeurs d’asile ou réfugiés poursuivis par la justice qui se trouvent en détention provisoire, lesquels jouissent de tous les droits de la défense, notamment celui de bénéficier gratuitement des services d’un conseil.

45.Concernant la place des traités internationaux en droit interne, Mme Tkheshelashvili précise que les Conventions ratifiées par la Géorgie sont directement applicables et qu’en cas de conflit entre les principes de jus cogens ou les traités internationaux et la Constitution, les premiers l’emportent sur la seconde. De plus, les conventions internationales peuvent être directement invoquées devant les juridictions géorgiennes et, depuis quelques années, les tribunaux, dont la Cour suprême, s’appuient largement sur les normes du droit international dans leurs décisions.

46.Mme TOMASHVILI (Géorgie) indique, à propos de la question de la proportionnalité de l’usage de la force soulevée par le Corapporteur, que des lignes directrices sur cette question sont actuellement élaborées à l’intention des membres de la police. Présentées d’une manière claire et accessible, elles comportent une description des moyens employés à cette fin, des armes non meurtrières aux armes meurtrières, et des exemples de situations et de comportements à adopter selon les circonstances.

47.En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des accusations de corruption seraient portées contre des magistrats afin de restreindre leur liberté d’expression, Mme Tomashvili dit qu’en Géorgie les plaintes pour corruption lancées contre les magistrats sont prises très au sérieux et que les poursuites sont toujours fondées sur des éléments matériels de preuve, tels que les empreintes digitales et des résultats d’investigations menées par les services de police scientifique, et ne s’appuient jamais sur des dépositions orales uniquement.

48.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour la Géorgie), se félicitant de l’échange de vues constructif qui a eu lieu avec la délégation géorgienne, invite cette dernière à revenir à une séance ultérieure afin d’entendre lecture des conclusions et recommandations du Comité.

49. La délégation géorgienne se retire.

Le débat résumé prend fin à 16 h 50.

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