Nations Unies

CAT/C/SR.1035

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 novembre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique de la 1035e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 10 novembre 2011, à 15 heures

Présidente: Mme Gaer

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Bulgarie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Bulgarie (CAT/C/BGR/4-5, CAT/C/BGR/Q/4-5, CAT/C/BGR/Q/4-5/Add.1; HRI/CORE/1/Add.81) (suite)

Sur l’invitation de la Présidente, la délégation bulgare reprend place à la table du Comité.

2.M. Tzantchev (Bulgarie) dit à propos de la législation bulgare relative à la torture que le Code pénal érige en infraction et punit l’ensemble des faits visés par l’article premier de la Convention. Au nombre des dispositions pertinentes du Code pénal figurent l’article 287, qui porte sur les préjudices corporels et punit le recours par un agent public à des moyens de coercition illicites pour obtenir des renseignements ou des aveux, l’article 143, qui traite plus largement de la coercition et l’article 131, qui dispose que des circonstances aggravantes sont retenues en cas de préjudice corporel infligé par un agent public agissant dans l’exercice de ses fonctions. Les garanties procédurales afférentes à l’interdiction de la torture sont énoncées dans le Code de procédure pénale ainsi que dans la loi sur l’exécution des peines et dans plusieurs décisions réglementaires. Il convient également de mentionner l’article 9 de la directive no Iz-2451 du Ministre de l’intérieur relative à la procédure suivie par la police lors de la détention de personnes dans les établissements relevant du Ministère de l’intérieur, concernant l’aménagement et le règlement intérieur des lieux de détention, qui dispose que «[d]ans leurs actions, les services de police s’abstiennent de commettre, provoquer ou tolérer quelque acte de torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant que ce soit […]».

3.Un groupe de travail du Ministère de la justice élabore actuellement un nouveau projet de code pénal. Les observations faites par le Comité au sujet de la définition de la torture seront dûment prises en considération lorsque sera élaborée la section de ce code où pourrait figurer une disposition énonçant une telle définition.

4.Concernant la situation des apatrides, M. Tzantchev signale que les autorités compétentes se penchent sur cette question et qu’une décision à cet égard devrait être prise sous peu.

5.Enfin, M. Tzanchev indique que la Constitution bulgare dispose que les lois et dispositions relatives aux droits de l’homme ne sauraient être abolies ou suspendues, quelles que soient les circonstances, ce qui suffit à assurer le respect des paragraphes 2 et 3 de l’article 2 de la Convention.

6.M. Petrov (Bulgarie), répondant à des questions portant sur l’accès des détenus à un avocat, indique qu’en avril 2011, le Procureur général a publié une directive disposant notamment qu’une personne en détention doit pouvoir s’entretenir en privé avec un avocat dans les deux heures qui suivent son arrestation. Cette directive dispose également que l’avocat doit pouvoir s’entretenir avec cette personne dans un délai de trente minutes à compter du moment où il se présente dans le lieu où cette personne est détenue, par exemple un poste de police.

7.MmeMakeva-Naydenova (Bulgarie) rappelle qu’un projet de surveillance civile des forces de police est mis en œuvre depuis 2005 et a fait l’objet d’un rapport établi par l’ONG Open Society Institute auquel le Comité Helsinki bulgare fait référence dans un rapport au Comité. Répondant aux affirmations figurant dans ce rapport, Mme Makeva-Naydenova souligne que ce projet bénéficie du plein appui du Ministère de l’intérieur et que les autorités s’emploient depuis des années à mettre en œuvre la recommandation du Comité Helsinki bulgare concernant l’accès des personnes en état d’arrestation à un avocat. Des mesures ont été prises pour remédier aux lacunes qui ont été signalées au cours de l’exécution du projet, notamment l’imposition de sanctions disciplinaires en cas de non-respect des dispositions relatives au droit d’accéder à un avocat et à l’obligation de fournir quotidiennement des informations sur le nombre de personnes ayant sollicité les services d’un conseil et sur la suite donnée à leur demande. En outre, les recommandations figurant dans le rapport de l’Open Society Institute ont fait l’objet d’un examen approfondi aux fins de définir les moyens de les mettre en œuvre. Enfin, l’ONG responsable de la surveillance de la tenue des registres dans le cadre de ce projet a indiqué qu’il avait été tenu compte des recommandations formulées à cet égard et que l’ensemble des registres étaient désormais disponibles et tenus de manière satisfaisante.

8.L’indépendance de la Direction de l’inspection du Ministère de l’intérieur est garantie par la loi. Ce service n’est subordonné à aucun organe et mène ses enquêtes en toute indépendance. La Direction de l’inspection veille à ce que toute plainte pour violence contre un policier fasse l’objet d’une enquête et à ce que le public soit informé de ses résultats. Lorsqu’il est établi que des violations des droits de l’homme ont été commises ou qu’un policier a manqué à son devoir, des sanctions disciplinaires sont imposées. Mme Makeva-Naydenova souligne que, contrairement à ce qu’affirme le Comité Helsinki bulgare, il existe des données sur les policiers ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires et que ces données ont été fournies au Comité. Elle indique à cet égard qu’entre 2005 et 2011, la Direction de l’inspection a enquêté sur 37 plaintes visant des policiers, et que des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de 35 policiers, dont deux ont été démis de leurs fonctions. Dans quatre cas, les résultats de l’enquête ont été transmis au procureur compétent.

9.MmeNikolova (Bulgarie) dit que la législation bulgare prévoit que les victimes d’infractions, notamment de tortures ou de mauvais traitements, ont droit à des réparations effectives, y compris à une indemnisation équitable, dont le montant est fixé par les tribunaux. Une personne victime de tortures peut intenter une action civile en réparation dans le cadre d’une procédure pénale, et si celle-ci ou les membres de sa famille ont subi un préjudice du fait de l’infraction pénale considérée, ils peuvent intenter une action civile en réparation, en qualité de plaignants. Lorsqu’une personne qui a subi un préjudice corporel grave n’a pas intenté l’une ou l’autre des actions mentionnées précédemment, elle peut demander à être indemnisée au titre de la loi sur l’assistance aux victimes et leur indemnisation. Les victimes de faits visés par la Convention ont également la possibilité d’engager une action en vertu de la loi sur la responsabilité de l’État et des municipalités en cas de préjudice, qui dispose que la responsabilité des forces de l’ordre est engagée pour tout acte préjudiciable. Dans ce cas, les conditions de dédommagement sont celles fixées par la loi sur l’assistance aux victimes et leur indemnisation. Il convient également de signaler que conformément à la loi sur la médiation, l’Association nationale des médiateurs a présenté diverses propositions et projets d’amendement au Code pénal et au Code de procédure pénale visant à faire de la médiation une institution efficace, capable de contribuer à une indemnisation rapide et équitable des personnes lésées, y compris, si possible, des victimes de torture.

10.MmePetrova (Bulgarie) dit que le problème du surpeuplement des prisons reste complexe et difficile à résoudre. Les autorités ont adopté un programme d’amélioration des conditions carcérales pour la période 2008-2015, qui a été actualisé par deux plans d’action complémentaires adoptés en 2010. Ce programme prévoit l’affectation de 20 millions de leva à l’amélioration du système carcéral. S’il est vrai que beaucoup reste à faire en la matière, des progrès notables ont été accomplis. Ainsi, entre 2008 et 2010, les prisons de Lovech, de Vratsa, de Burgas et de Pleven ont été rénovées et modernisées. En 2012, un nouvel établissement fermé, pouvant accueillir 450 détenus, sera mis en service afin de réduire l’encombrement de la prison de Vratsa et, en 2013, l’ouverture d’une nouvelle prison devrait permettre d’atténuer les problèmes de surpeuplement à la prison de Varna. Les autorités s’efforcent également de remédier au problème par un recours accru à des mesures de libération conditionnelle et de grâce et à des peines autres que l’emprisonnement. Ainsi, en 2011, 1 014 détenus ont bénéficié d’une libération conditionnelle et 45 ont été graciés.

11.M. Petrov dit que la principale mesure non privative de liberté à laquelle les tribunaux ont recours est la mise à l’épreuve. Le nombre de personnes qui en ont bénéficié a considérablement augmenté, passant de 2 000 en 2005 à 16 000 en 2009. Environ 52 % des personnes condamnées pendant cette période ont fait l’objet d’une telle mesure, qui s’est révélée être très efficace pour réduire la population carcérale.

12.Mme Petrova (Bulgarie) précise qu’en 2010, près de 10 000 personnes ont fait l’objet de mesures de probation, ce qui a permis de ne pas aggraver le surpeuplement carcéral.

13.La mise au secret des prisonniers est une mesure disciplinaire décidée par un tribunal, d’une durée de quatorze jours pouvant aller jusqu’à deux mois lorsque le prisonnier présente un risque pour la vie et la sécurité des autres détenus ou des membres du personnel pénitentiaire. Les conditions de la mise au secret sont définies dans la législation conformément aux normes internationales; ceux qui en font l’objet sont séparés des autres détenus, mais ne sont pas privés de promenade, de courrier ou d’exercice physique. Dans la pratique, la mise au secret est une mesure rarement utilisée.

14.La gestion du personnel pénitentiaire est complexe et, faute de candidats, il est difficile de pourvoir les postes. S’agissant de la violence entre les prisonniers, tous les incidents sont enregistrés par le personnel, y compris les insultes, ce qui explique sans doute que les chiffres publiés soient si élevés. Les directeurs de prison sont tenus de motiver les mesures disciplinaires qu’ils imposent.

15.Mme Makeva-Naydenova (Bulgarie) précise que les barres de métal ont été retirées depuis longtemps des commissariats et qu’il est désormais illégal d’y menotter des prisonniers.

16.Le Ministère de l’intérieur a pris des mesures concrètes contre les abus perpétrés par des policiers, en mettant en place un système spécial d’enregistrement des plaintes pour violence et rendant obligatoires les enquêtes et la transmission au procureur des éléments de preuve recueillis lors des investigations internes. Quant une violation est établie, les auteurs et parfois leurs supérieurs hiérarchiques immédiats sont sanctionnés. Concernant l’indépendance des enquêtes, le Code de procédure pénale prévoit qu’en cas d’accusation portée contre des policiers, les enquêtes doivent être effectuées par des magistrats et non par la police. Tous les agents de police reçoivent une formation aux règles régissant le recours à la force et aux armes à feu axée sur les normes internationales. La législation primaire et secondaire prévoit que les policiers ne peuvent avoir recours à des armes à feu que dans des cas extrêmes et en tout dernier recours.

17.M. Tzantchev (Bulgarie) indique que la formation des nouveaux membres du personnel pénitentiaire, à laquelle participent des médecins, porte notamment sur la détection des signes de mauvais traitements et de consommation de stupéfiants. En outre, tout décès de prisonnier est immédiatement signalé au procureur.

18.M. Petkov (Bulgarie) dit, à propos de l’accident de Katunitsa, qui a coûté la vie à un jeune homme et suscité des discours haineux, qu’une procédure pénale est en cours. Le responsable présumé est en prison et des chefs d’accusation ont été retenus contre lui. Malheureusement, d’aucuns ont essayé d’exploiter cet incident à des fins politiques, mais ces tentatives ont été condamnées sans équivoque par le Gouvernement et la société civile. Une enquête a été effectuée afin d’éviter que de tels dérapages ne se reproduisent, notamment en ce qui concerne l’incitation à la haine, la violence raciale et l’intolérance ethnique. La portée des textes sur l’incitation à la haine a été élargie et la diffusion de discours incitant à la haine ou à la discrimination, notamment par le biais des médias, est désormais passible d’un à quatre ans d’emprisonnement et d’une amende d’un montant équivalant à 2 500 euros au minimum. Parmi la centaine de personnes qui ont manifesté à la suite de l’accident, plusieurs ont été condamnées, et la police est intervenue, notamment auprès de la communauté rom, pour éviter d’exacerber les tensions tout en respectant les normes juridiques garantissant la liberté de réunion. Le Gouvernement a aussi lancé un plan-cadre d’intégration des Roms (2010-2020), axé sur l’éducation, la santé et le logement.

19.L’ombudsman est élu par l’Assemblée nationale et exerce ses fonctions de manière indépendante conformément à la Constitution, au droit national et aux accords internationaux auxquels la Bulgarie est partie. Il a pour mission de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, de veiller au respect des droits fondamentaux et d’assurer une protection à certains groupes en cas d’intolérance ou de discrimination. Il est habilité à saisir la Cour constitutionnelle et peut se rendre dans des lieux de détention. Ayant déposé une demande d’accréditation en tant qu’institution nationale de protection des droits de l’homme et de lutte contre la discrimination, conformément aux Principes de Paris, il attend la décision du Comité international de coordination à cet égard.

20.M. Petrov (Bulgarie) donne un aperçu de l’organisation du système judiciaire en Bulgarie, dont l’indépendance a été renforcée, notamment grâce à la création, en 2007, de l’Inspectorat du Conseil suprême de la magistrature qui a, entre autres, pour mandat de contrôler le comportement des magistrats sans porter atteinte à leur indépendance. L’Inspectorat agit de sa propre initiative ou à la demande des pouvoirs publics et surtout des citoyens, ce qui en fait un outil précieux aux mains de la société civile.

21.Les magistrats, juges et procureurs ne disposent d’aucune immunité au pénal. En cas de délit, ils peuvent être traduits en justice sans que soit nécessaire l’approbation du Conseil suprême de la magistrature ou du Parlement. Outre la création de l’Inspectorat, il y a lieu de mentionner le renforcement, en 2008, des pouvoirs du Ministère de la justice qui, depuis cette date, administre le budget et gère les biens de l’administration judiciaire et peut proposer la nomination, la promotion ou la révocation de magistrats. Avec la dernière modification apportée à la loi sur le pouvoir judiciaire en 2011, le principe de l’ouverture du recrutement et de la promotion à la concurrence a été établi. Chaque avocat peut donc désormais présenter sa candidature, qui est évaluée par une commission avant d’être soumise au Conseil. En outre, toutes les décisions du Conseil font l’objet d’un contrôle réel de la part de la Cour administrative suprême.

22.S’agissant de la recevabilité des aveux obtenus sous la torture, l’article 116 du Code de procédure pénale prévoit qu’une accusation ou une condamnation ne peut être fondée uniquement sur les déclarations du défendeur. Malgré l’absence de statistiques, il est possible d’affirmer que les tribunaux bulgares respectent l’article 15 de la Convention. Ainsi, la Cour suprême a acquitté un ancien Premier Ministre qui avait été accusé de complot à la fin des années 90, lorsqu’il a été prouvé qu’il avait subi des violences dans les locaux du Ministère de l’intérieur.

23.Mme Makeva (Bulgarie) dit que la loi de 2005 sur la lutte contre la violence familiale est pleinement conforme à toutes les normes internationales applicables en la matière et a permis d’accomplir de grandes avancées, grâce notamment au renversement de la charge de la preuve en faveur de la victime et à la prise en compte de toutes les formes de violence au foyer, y compris la violence psychologique. En 2009, la loi a été modifiée pour y ériger en infraction la violence émotionnelle, en particulier celle que peuvent subir les enfants dans la famille. Chaque tribunal tient un registre spécial dans lequel tous les cas de violence au foyer sont enregistrés. En 2009, 1 271 ordonnances de protection, d’une validité de trois à dix-huit mois, ont été prononcées par les tribunaux contre 1 408 en 2010. La loi prévoit la possibilité d’émettre une ordonnance de protection en se fondant uniquement sur la déclaration de la victime, sans exiger d’autres éléments de preuve.

24.MmeNikolova (Bulgarie) dit que le plan d’action pour la désinstitutionnalisation des enfants est fondé sur une nouvelle conception du placement des enfants et des soins et services à leur fournir. La Bulgarie s’attachera désormais à privilégier le placement des enfants dans un environnement plus proche de la cellule familiale et à mettre l’accent sur l’évaluation individuelle des besoins des enfants et la facilitation de leur insertion dans la société à l’âge adulte. Le premier projet mis en œuvre dans le cadre du plan d’action concerne le placement des enfants handicapés en famille d’accueil alors qu’ils étaient auparavant systématiquement placés en institution. La Bulgarie souhaite aussi placer le plus grand nombre d’enfants handicapés dans des grandes villes où ils auront plus facilement accès à des soins et à des services de qualité.

25.Mme Andreeva (Bulgarie) dit que la stratégie nationale 2011-2020 relative aux demandeurs d’asile vise à renforcer la coopération entre l’Agence d’État pour les réfugiés, le Ministère des affaires étrangères et la police des frontières, l’objectif étant d’accélérer l’instruction des demandes d’asile, de mettre en place des procédures plus transparentes en matière d’asile et de mettre fin à la rétention des demandeurs d’asile dans des centres fermés. Elle souligne que tous les demandeurs d’asile bénéficient des mêmes soins médicaux et des mêmes services sociaux que les citoyens bulgares. Contrairement aux allégations transmises aux membres du Comité, l’État n’a pas décidé de suspendre l’aide juridictionnelle gratuite aux demandeurs d’asile.

26.Mme Kleopas (Rapporteuse pour la Bulgarie) n’est pas satisfaite des explications fournies par la délégation au sujet de la définition de la torture et juge essentiel que l’État partie érige la torture en infraction dans son droit pénal. Elle voudrait obtenir des précisions sur les points suivants: la nouvelle réglementation concernant l’emploi des armes à feu par la police; les poursuites engagées et les sanctions prises contre les policiers qui ont fait un usage excessif de la force, et les mesures de réparation et d’indemnisation offertes aux victimes; la formation dispensée aux personnes chargées d’enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements, notamment sur la base des dispositions du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). La Rapporteuse demande des statistiques sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines infligées dans des affaires de violence au foyer. Elle évoque des sources d’information selon lesquelles une procédure pénale ne pourrait être ouverte que sur la base d’une plainte officielle déposée par la victime, ce qui n’est pas conforme à l’article 12 de la Convention. Mme Kleopas appelle l’attention sur les conclusions formulées par la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats à l’issue de sa visite en Bulgarie du 9 au 16 mai 2011 (http://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=11020&LangID=E) concernant le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et l’insuffisance des ressources financières et humaines consacrées à l’aide juridictionnelle. La délégation bulgare est invitée à réagir à ces conclusions. La Rapporteuse demande quelle est la suite donnée aux recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance tendant à ce que la Bulgarie poursuive et réprime les infractions à caractère raciste et inclue dans son Code pénal une disposition permettant de considérer la motivation raciale d’une infraction comme une circonstance aggravante. Enfin, elle voudrait que la délégation bulgare réponde aux questions déjà posées sur les mariages forcés touchant des personnes âgées de 14 à 20 ans et sur l’accès des ONG aux lieux de détention, notamment les raisons pour lesquelles le Comité Helsinki bulgare aurait besoin d’une autorisation préalable pour pouvoir se rendre dans des commissariats de police.

27.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour la Bulgarie) voudrait obtenir des exemples concrets d’affaires dans lesquelles des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ont obtenu réparation. Il demande en particulier quelle suite a été donnée par l’État partie à la communication no 257/2004 Keremedchiev c. Bulgarie dont le Comité contre la torture a été saisi. S’agissant des enfants handicapés mentaux morts par négligence de soins dans des institutions spécialisées de l’État, le Corapporteur demande si les responsables ont été condamnés et si les familles des victimes ont obtenu réparation.

28.M. Wang Xuexian note au paragraphe 144 des réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/BGR/Q/4-5/Add.1) que 1 265 étrangers ont été expulsés entre 2005 et 2011. Il voudrait savoir si, parmi les concernés, certains avaient demandé l’asile. Enfin, il voudrait obtenir des renseignements détaillés sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les expulsions de Roms en 2009-2010 et souhaite savoir si les violences contre des Roms qui se sont produites à Katunitsa ont donné lieu à des enquêtes et à des poursuites.

29.M. Bruni demande si l’État partie envisage de mettre un terme à la pratique du placement en isolement cellulaire pour raisons disciplinaires, mesure qui a des conséquences psychologiques dévastatrices pour les détenus. Il évoque le cas de deux réfugiés palestiniens qui ont été expulsés de Bulgarie vers le Liban où ils auraient été torturés et demande comment l’État partie veille à s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention, en ce qui concerne particulièrement l’examen approfondi des risques de torture avant l’expulsion d’une personne vers un autre État.

30.M. Mariño Menéndez demande dans quelles conditions la Bulgarie a recours à la détention au secret et combien dure cette détention. Il voudrait savoir s’il existe une procédure de recours d’urgence permettant à une personne dont la demande d’asile a été rejetée d’obtenir une suspension de l’arrêté d’expulsion en attendant que les autorités compétentes se prononcent sur son cas.

31.MmeSveaass voudrait savoir si les peines de substitution à la privation de liberté ont contribué à réduire le surpeuplement carcéral et à juguler la violence entre prisonniers. Elle voudrait également savoir si des mesures ont été prises pour réduire le nombre de personnes placées en institution. La délégation pourrait-elle aussi donner des informations à jour sur le résultat de l’enquête menée par le Procureur général concernant 166 décès et 30 cas de sévices sur des enfants? Des renseignements sur les garanties juridiques applicables à l’hospitalisation d’office seraient également les bienvenus. Enfin, Mme Sveaass voudrait savoir quelles mesures ont été prises par les autorités à la suite de l’agression violente de cinq Témoins de Jéhovah à Burgas.

32.MmeBelmir remercie la délégation de ses réponses particulièrement précises et voudrait savoir pourquoi la règle de l’inamovibilité des juges ne s’applique qu’aux hauts magistrats, ce qui semble pour le moins surprenant. L’inamovibilité est en effet une garantie fondamentale normalement octroyée à l’ensemble des magistrats. Il semblerait, par ailleurs, que les conditions des personnes condamnées à des peines d’emprisonnement à vie soient particulièrement difficiles, en particulier pendant les cinq premières années de leur détention. Il serait intéressant d’entendre la délégation à ce sujet. Enfin, le Comité voudrait savoir si les personnes âgées de 14 ans sont passibles de sanctions pénales.

33.Mme Andreeva (Bulgarie) dit que le centre de transit frontalier de Pastrogor n’a pas pu être ouvert en 2009 à cause d’un retard dans les travaux de construction; il devrait néanmoins être opérationnel fin 2011, les crédits supplémentaires requis ayant été alloués. Le centre de Pastrogor sera un établissement ouvert, avec des équipements modernes, y compris l’Internet. Une aile sera réservée aux plus jeunes et les demandeurs d’asile ne seront plus placés dans les mêmes locaux que les étrangers en attente d’expulsion ou de reconduite à la frontière.

34.M. Petrov (Bulgarie) dit que, conformément à l’article 32 du Code pénal, les mineurs de moins de 14 ans ne sont pas pénalement responsables. La responsabilité pénale des mineurs de 14 à 18 ans peut, en revanche, être engagée s’il est établi que les intéressés étaient capables de discernement au moment des faits. De plus, conformément aux dispositions générales de l’article 62 du Code pénal, les mineurs peuvent obtenir une réduction de peine et les magistrats doivent privilégier les peines de substitution à la privation de liberté telles que la liberté conditionnelle ou le sursis. On notera également que lorsqu’un mineur est condamné à une peine d’emprisonnement − mesure qui ne peut être appliquée qu’en tout dernier recours − le tribunal peut l’exempter de purger sa peine et le placer en internat (art. 64 du Code pénal). Au 11 juillet 2001, 65 mineurs, soit moins de 1 % de la population carcérale, purgeaient une peine de prison en Bulgarie. Concernant l’inamovibilité des magistrats, il y a lieu de préciser qu’en Bulgarie, tous les magistrats bulgares peuvent être révoqués par le Conseil suprême de la magistrature, quel que soit leur rang.

35.Les incidents de Katunitsa ont donné lieu à l’ouverture de 38 enquêtes sur la base des articles 161 et 162 du Code pénal qui incriminent les actes de haine raciale et l’incitation à la haine raciale. La délégation tient à la disposition du secrétariat un document recensant toutes les poursuites engagées et les condamnations prononcées sur la base de ces articles. Des poursuites ont également été engagées à l’encontre des auteurs de l’agression dont ont été victimes des Témoins de Jéhovah à Burgas; les procès ont abouti à des condamnations dans huit cas.

36.L’article 131 du Code pénal dispose que l’accès des organisations non gouvernementales aux prévenus aux fins de contrôler le respect des droits de l’homme doit être autorisé par le Procureur général ou par un tribunal. Cette disposition a pour but de préserver l’efficacité de l’enquête préliminaire et n’empêche pas le prévenu de recevoir la visite de ses proches. Il faut ajouter qu’il est très rare, dans la pratique, que des ONG se voient refuser l’accès à un prévenu.

37.Concernant les cas de décès de mineurs placés dans des établissements pour enfants handicapés mentaux, des enquêtes rigoureuses ont été menées sous la supervision des plus hautes autorités du parquet. Toutefois, il n’a pas été possible d’engager des poursuites car, en raison de l’ancienneté des faits, qui remontent dans certains cas à plus de dix ans, les éléments de preuve nécessaires n’ont pas pu être rassemblés. Le Comité doit néanmoins savoir que 117 procédures sont toujours en cours.

38.MmeAndreeva (Bulgarie), répondant aux questions relatives aux deux Palestiniens expulsés vers le Liban en 2010 après que leur demande d’asile a été rejetée, rappelle que la législation bulgare garantit pleinement le respect du principe de non-refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention contre la torture. En effet, conformément au paragraphe 3 de l’article 4 de la loisur l’asile et les réfugiés, l’étranger qui entre en Bulgarie pour solliciter une protection ne peut être renvoyé vers un pays où sa vie ou sa liberté pourraient être menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social donné, de ses opinions politiques, ou s’il risque d’être torturé ou soumis à d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. S’agissant des deux réfugiés palestiniens expulsés vers l’Iran, leurs demandes d’asile n’étaient pas suffisamment étayées pour qu’une protection internationale puisse leur être accordée et les autorités bulgares ne disposaient d’aucune information donnant à penser qu’ils pouvaient subir des actes de torture ou des mauvais traitements s’ils étaient renvoyés dans ce pays. À cet égard, un Centre d’information sur les pays d’origine a récemment été créé; il permettra davantage d’efficacité dans la collecte des informations requises. Pour ce qui est des mécanismes de suivi des étrangers renvoyés dans leur pays d’origine, la Bulgarie ne dispose malheureusement pas des fonds nécessaires pour les financer. Concernant la procédure d’asile accélérée, Mme Andreeva propose, vu l’heure tardive, de transmettre au secrétariat un document présentant toutes les informations utiles.

39.Mme Nikolova (Bulgarie) dit, concernant la suite donnée à la décision rendue par le Comité dans l’affaire Keremedchiev (communication no 257/2004), que l’intéressé n’a pas épuisé les recours internes. Il peut intenter une action en justice sur le fondement de la loi sur la responsabilité délictuelle de l’État et des collectivités territoriales. Dans plusieurs affaires concernant la Bulgarie, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que cette loi offrait un recours utile.

40.M. Tzantchev(Bulgarie) dit que les résidents roms, qui s’étaient installés sur des terrains privés aux abords de la ville de Burgas, ont volontairement quitté leur campement après que la municipalité a pris un arrêté d’expulsion pour raisons de sécurité, et qu’ils ont eu la possibilité de se réinstaller ailleurs. Pour ce qui est de l’explosion, le 14 octobre 2011, de la voiture de Sasho Dikov, journaliste d’opposition, il faut souligner que ces faits ont été condamnés avec force par le Premier Ministre bulgare, M. Boïko Borissov, et qu’une enquête a été immédiatement ouverte.

41.MmeKleopas (Rapporteuse pour la Bulgarie) note que la délégation n’a pas répondu à certaines de ses questions. Ainsi, aucun renseignement n’a été donné concernant l’existence de dispositions établissant la compétence universelle des juridictions bulgares pour connaître des infractions de torture. Le Comité ne sait pas non plus si la législation bulgare prévoit des enquêtes et des poursuites d’office en cas d’actes de violence domestique. La délégation pourrait peut-être utiliser le temps restant pour répondre à cette question.

42.Mme Makeva (Bulgarie) dit que la législation bulgare prévoit que des poursuites sont ex officio en cas d’acte constitutif d’infraction pénale. De plus, l’article 296 du Code pénal bulgare prévoit désormais la possibilité pour les tribunaux d’émettre des ordonnances de protection, dont le non-respect est systématiquement puni.

43.La Présidente remercie la délégation bulgare de ses réponses et rappelle qu’elle dispose de quarante-huit heures pour transmettre par écrit au secrétariat toute information complémentaire qu’elle jugerait utile de porter à la connaissance des membres du Comité.

La séance est levée à 18 heures.