NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.70622 mai 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 706e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le lundi 8 mai 2006, à 15 heures

Présidence: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique des États‑Unis d’Amérique (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique des États‑Unis d’Amérique (CAT/C/48/Add.3 et Rev.1, et CAT/C/USA/Q/2) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation des États ‑Unis d’Amérique reprend place à la table du Comité.

2.M. BELLINGER (États‑Unis d’Amérique) remercie le Comité pour les questions importantes qu’il lui a posées à la précédente séance. La délégation a préparé des réponses aussi complètes que possible, articulées autour de trois principaux thèmes, à savoir les questions de droit liées à la mise en œuvre de la Convention contre la torture par les États‑Unis; les opérations de détention à Guantánamo, en Afghanistan et en Iraq et l’obligation de rendre des comptes en cas d’abus; et la surveillance des activités des services de renseignement. Une chose doit être très claire: il est interdit aux fonctionnaires de tous les organes de l’État, en toutes occasions et en tous lieux, de commettre des actes de torture ou d’infliger des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux obligations incombant aux États‑Unis en vertu de la Convention contre la torture. Cette interdiction s’applique également dans les situations régies par le droit des conflits armés. Ainsi, à la question de M. Wang relative au point de savoir si les États‑Unis estiment que certaines personnes ne méritent pas d’être traitées humainement, on peut répondre par un non catégorique. L’engagement des États‑Unis en faveur de l’élimination de la torture a été réaffirmé par le Président Bush, le 26 juin 2004, à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture. En outre, pour se conformer aux obligations nationales et internationales qui leur incombent en matière de lutte contre la torture, les États‑Unis entretiennent des contacts réguliers avec les ONG par l’intermédiaire de la Secrétaire d’État Condoleezza Rice ainsi que de nombreux autres hauts fonctionnaires, dont certains membres de la délégation ici présents, tant à Washington qu’à l’occasion de leurs déplacements. La plupart des incidents regrettables, avérés ou allégués, concernant les mauvais traitements infligés aux combattants ennemis en détention remontent à plusieurs années. Il ne s’agit nullement de minimiser la gravité de ces événements, mais de mettre l’accent sur le fait que la situation s’est incontestablement améliorée depuis grâce à une rigueur accrue de la législation, des procédures, de la formation et des mécanismes de surveillance.

3.M. Bellinger (États‑Unis d’Amérique), répondant aux préoccupations exprimées par M. Camara au sujet des réserves formulées par les États‑Unis au moment de la ratification de la Convention en 1994 et plus particulièrement à la question de savoir si, bien que n’étant pas partie à la Convention de Vienne sur le droit des traités, les États‑Unis se considèrent liés par les dispositions de cette dernière en matière de réserves, indique que la formulation de réserves par les États‑Unis n’est contraire ni à la Convention de Vienne − dont l’article 19 prévoit qu’un État, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins que la réserve ne soit interdite par le traité ou qu’elle ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité − ni à la Convention contre la torture qui ne contient aucune disposition interdisant la formulation de réserves. S’agissant plus particulièrement de la réserve formulée à l’égard de l’article 16 de la Convention, celle-ci n’avait nullement pour but de soustraire les États‑Unis aux obligations qui leur incombent en vertu du droit coutumier international, mais visait au contraire à préciser la portée de l’obligation résultant pour eux de la Convention contre la torture, cette dernière ne comportant pas de définition de l’expression «peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Pour ce qui est du droit général des traités, M. Bellinger ne souscrit pas à l’argument de M. Camara selon lequel, en cas de divergence d’opinion entre le Comité contre la torture et un État partie quant à l’interprétation de la Convention, l’avis du Comité doit prévaloir sur celui de l’État partie, arguant que les États‑Unis, bien que respectant le point de vue du Comité, n’ont pas reconnu à ce dernier la qualité d’autorité absolue en matière d’interprétation et que le Comité n’est pas habilité, par la Convention, à rendre des avis juridiquement contraignants concernant la nature des obligations incombant aux États‑Unis en vertu de cette dernière.

4.En réponse à la question relative aux raisons pour lesquelles les États‑Unis n’ont pas érigé la torture en infraction pénale sur leur territoire, M. Bellinger fait valoir qu’avant de ratifier la Convention, les États‑Unis, à l’instar d’autres États parties à la Convention, se sont assurés, en procédant à un examen exhaustif de leur législation pénale en vigueur, que cette dernière était suffisante pour mettre en œuvre l’article 4 de la Convention contre la torture. En outre, contrairement à ce que M. Mariño Menéndez avait cru comprendre, la définition de la torture énoncée dans la loi pénale concernant les délits extraterritoriaux de torture n’a pas été limitée au fait d’infliger une douleur ou des souffrances «extrêmement aiguës», le mot «extrêmes» a simplement été utilisé comme synonyme de l’adjectif «aiguës» employé dans la Convention. Les États‑Unis n’ont à aucun moment cherché à limiter la portée de l’article premier de la Convention, ni en ce qui concerne la définition de la notion de «douleur ou souffrances mentales aiguës», ni pour ce qui est des «sanctions légitimes». Cette dernière expression a au contraire été précisée et définie comme incluant les mesures judiciaires et toute autre mesure légale visant à faire respecter la loi. Aucun État partie à la Convention ne s’est opposé à cette interprétation.

5.En ce qui concerne l’application du droit des conflits armés aux opérations des États‑Unis en Afghanistan et en Iraq, M. Bellinger explique que les opérations de détention des États‑Unis en Afghanistan et en Iraq, ainsi qu’à Guantánamo, s’inscrivent dans le cadre d’un conflit armé, notamment contre Al-Qaida, ses groupes affiliés et ses partisans, et qu’à ce titre, elles sont régies par le droit des conflits armés, qui constitue la lex specialis applicable à ce type de situation. La Convention continue quant à elle de s’appliquer au traitement des détenus des prisons nationales américaines qui ne relèvent pas du droit des conflits armés. Quoiqu’il en soit, dans la mesure où la torture est interdite aussi bien par le droit des conflits armés que par les instruments relatifs aux droits de l’homme tels que la Convention contre la torture, l’application du droit des conflits armés n’autorise en aucun cas les États‑Unis à commettre des actes de torture.

6.La déclaration de 1984 des États‑Unis figurant dans les travaux préparatoires de la Convention citée par M. Mariño Menéndez selon laquelle la Convention «n’a jamais été destinée à s’appliquer aux conflits armés» (was never intended to apply to armed conflicts) doit être replacée dans son contexte. En effet à l’époque, les États‑Unis, ainsi que d’autres pays tels que la Suisse, la Norvège et Israël, craignaient que l’application de la Convention à des situations régies par le droit des conflits armés, qui lui aussi interdit la torture, ne fasse double emploi avec ce dernier et ne nuise à l’objectif d’élimination de la torture.

7.M. STIMSON (États‑Unis d’Amérique), se référant au thème du traitement des détenus en Iraq et dans le cadre du conflit armé contre Al-Qaida, réaffirme que la loi de 2005 sur le traitement des détenus constitue un grand pas en avant dans ce domaine. Cette loi interdit expressément le recours à des méthodes d’interrogatoire ou à des traitements non compris dans la liste des traitements et méthodes autorisés en matière d’interrogatoire par le Manuel des opérations militaires sur le terrain. En réponse à Mme Sveaass, M. Stimson indique que le Département de la défense a mis au point plusieurs documents de fond relatifs au traitement des détenus, notamment une version révisée du manuel susmentionné, qui font actuellement l’objet d’ultimes consultations avec le Congrès. Des exemplaires des nouvelles directives en matière de traitement des détenus et du Manuel révisé seront communiqués au Comité dès que ces documents auront été publiés.

8.En ce qui concerne la pratique de la quasi-noyade (waterboarding), il convient de préciser que d’une part, cette pratique ne figurant pas dans le Manuel des opérations militaires sur le terrain, son utilisation à l’égard des détenus sous le contrôle du Département de la défense n’est pas autorisée, et que, d’autre part, elle est expressément interdite par la version révisée dudit manuel.

9.Le Département de la défense a procédé à quelque 800 enquêtes, dont 600 enquêtes criminelles, concernant les allégations faisant état de mauvais traitements à l’égard des détenus, notamment à Abou Ghraib. Dans 270 cas, l’enquête a conclu à l’existence de comportements répréhensibles et des sanctions administratives, disciplinaires ou judiciaires, selon les cas, ont été prises contre plus de 250 militaires. Environ 170 enquêtes sont toujours en cours.

10.Au sujet de l’apparent décalage relevé par M. Mariño Menéndez entre les statistiques communiquées par Human Rights Watch, entre autres ONG, et celles du Département de la défense, M. Stimson indique que les chiffres indiqués par Human Rights Watch sont faux. En effet, 103 procès en cour martiale, et non 54 comme annoncé par Human Rights Watch, ont eu lieu et 89 militaires et non 40 ont été reconnus coupables. En outre, 19 militaires ont été condamnés à des peines d’un an et plus. Plus de 100 militaires ont fait l’objet de sanctions non judiciaires; plus de 60 ont reçu un blâme et 28 ont été radiés de l’armée. La recherche des responsables se poursuit, y compris parmi les officiers supérieurs.

11.Revenant sur le cas de M. Martin Mubanga évoqué par M. Camara, M. Stimson rappelle que celui-ci avait été placé en détention à Guantánamo en tant que combattant ennemi en raison de ses activités contre les forces américaines en Afghanistan. Ses allégations selon lesquelles il avait été victime d’insultes racistes et d’intimidations de la part d’un gardien se sont avérées sans fondement après enquête. Se référant à la question de Mme Belmir sur le point de savoir si des lacunes dans la formation du personnel de détention ou une mauvaise interprétation des règles et politiques applicables avaient pu être à l’origine des abus commis à Abou Ghraib, M. Stimson souligne que lorsque les événements choquants d’Abou Ghraib ont été découverts, le Département de la défense a engagé des enquêtes concernant les opérations de détention, tant sur le plan de la formation du personnel qu’au sujet des méthodes utilisées et du comportement de la hiérarchie. Ces enquêtes ont abouti à la conclusion que les abus étaient le fait d’un nombre relativement faible de militaires. Il a toutefois été reconnu que les actes odieux commis à Abou Ghraib étaient révélateurs de manquements de la part des supérieurs et d’un encadrement insuffisant par les membres de l’État‑major responsables de la supervision des opérations de détention en Iraq. Le Département de la défense met en œuvre des programmes de formation très complets sur le traitement et l’interrogatoire des détenus, que contribuent à améliorer les recommandations des différents groupes de travail indépendants. Il va de soi qu’aucun programme de formation, aussi approfondi soit-il, ne suffira à empêcher que des abus tels que ceux d’Abou Ghraib ne se reproduisent. C’est pour cette raison que les opérations de détention sont désormais sous étroite surveillance. Les événements d’Abou Ghraib n’auraient jamais dû se produire; les États‑Unis ont failli à leurs obligations à l’égard des détenus iraquiens. Les auteurs des abus qui ont été commis doivent être punis, les procédures réévaluées et les lacunes corrigées. C’est dans sa capacité à reconnaître ouvertement les problèmes et à s’efforcer de les résoudre qu’une nation libre puise sa force.

12.Pour ce qui est de la nécessité de mener davantage d’enquêtes indépendantes évoquées par M. Mavrommatis, M. Stimson tient à assurer le Comité que les 12 enquêtes majeures menées par le Département de la défense ont été honnêtes et impartiales et qu’aucune pression ni aucune restriction n’a été exercée par la direction du Département de la défense sur les enquêteurs, tant au stade de l’établissement des faits qu’à celui de la formulation des constatations et recommandations. Le Congrès des États‑Unis a également longuement examiné ces questions. De nombreuses audiences ont eu lieu et plus de 150 membres du Congrès se sont rendus sur les lieux de détention. Le Département de la défense a déjà introduit plusieurs réformes et améliorations à partir des conclusions de ces enquêtes et procèdera à toute nouvelle enquête jugée nécessaire au vu des renseignements qui seront portés à sa connaissance.

13.En réponse à la question de Mme Belmir relative à la présence de mineurs à Guantánamo et aux raisons de leur détention, M. Stimson affirme qu’aucun mineur n’est actuellement détenu à Guantánamo. Les trois mineurs qui l’ont été sont retournés dans leur pays d’origine en janvier 2004 où ils ont été placés, avec le concours d’organisations non gouvernementales, dans un environnement favorable à leur réinsertion. L’un d’entre eux a cependant repris les armes. Pendant leur séjour à Guantánamo, les trois mineurs ont été placés dans un quartier distinct auquel les autres détenus n’avaient pas accès. Ils n’étaient pas dans des cellules mais logeaient dans un espace commun. Des experts leur ont fait passer des tests médicaux, de comportement et de connaissances pour identifier leurs besoins. Des cours de mathématiques, d’anglais et de lecture leur ont été dispensés et la pratique d’activités sportives quotidiennes leur a été proposée. Il est regrettable qu’Al-Qaida et les Taliban recrutent des combattants mineurs, mais les trois mineurs susvisés étaient des combattants engagés dans le conflit armé contre les États‑Unis, et c’est pour les empêcher de se faire du mal et de nuire aux forces américaines qu’ils ont été détenus.

14.Intervenant sur le thème des services de renseignement des États‑Unis, M. BELLINGER (États‑Unis d’Amérique) indique que tous les organes du Gouvernement, y compris les services de renseignement, sont tenus de se conformer aux obligations qui incombent aux États‑Unis en vertu de la Convention contre la torture ainsi qu’aux prescriptions de la loi sur le traitement des détenus. En outre, toutes les activités de la Central Intelligence Agency (CIA) sont soumises à des inspections et à des enquêtes effectuées par l’Inspecteur général indépendant de la CIA ainsi qu’à la surveillance des comités du renseignement du Congrès. La CIA examine constamment ses procédures et les modifie si nécessaire pour garantir leur conformité avec les politiques du Gouvernement et toutes les obligations juridiques en vigueur, notamment au titre de la Convention contre la torture et de la loi sur le traitement des détenus. De nouvelles directives et procédures ont été mises en place à cette fin au cours des dernières années.

15.La question de la distinction faite entre les actes de torture et les peines ou traitements cruels, inhumain ou dégradants a été soulevée par plusieurs membres du Comité. Les actes de torture de même que les peines ou traitements cruels, inhumain ou dégradants sont interdits en vertu de la législation des États‑Unis, qu’ils surviennent sur le territoire des États‑Unis ou en dehors. Toutefois, il est difficile de définir dans l’abstrait, sans connexion avec les faits, quelles catégories de pratiques constituent des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, la connaissance des faits ne rend pas forcément la distinction plus facile.

16.Dans les cas des disparitions forcées et de la détention au secret évoqués par le Rapporteur, la question de savoir s’il s’agit d’actes de torture doit être tranchée en fonction des faits de la cause et en vérifiant si les normes en la matière s’appliquent. Par conséquent, M. Bellinger juge préférable de ne pas spéculer dans l’abstrait sur cet épineux problème. S’agissant de la détention au secret, il rappelle que, sans être directement applicable ici, la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de Genève) dispose que, dans certains cas, une personne appréhendée en tant qu’espion ou saboteur ou soupçonnée de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de la puissance occupante peut être privée des droits de communication protégés par cet instrument.

17.Concernant la possibilité de saisir les tribunaux d’une requête en habeas corpus, la loi sur le traitement des détenus de 2005 accorde des garanties de procédure inédites aux combattants ennemis détenus à la base de Guantánamo en leur donnant la possibilité de s’adresser aux cours d’appel afin qu’elles se prononcent sur la constitutionnalité et la légalité des procédures utilisées pour les qualifier de combattants ennemis et afin qu’elles réexaminent les décisions rendues par les commissions militaires. S’agissant du discours prononcé par le Président des États‑Unis lors de la signature de ladite loi, M. Bellinger nie fermement que le Président ait manifesté l’intention de prendre des mesures violant cette loi. La politique des États‑Unis est de proscrire le recours aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, que ce soit sur son sol ou à l’étranger, et ce principe est inscrit dans le droit interne.

18.Pour ce qui est de la position juridique des États‑Unis sur l’application territoriale de l’article 3 de la Convention, tout en reconnaissant que le principe de non‑refoulement contenu dans cet article est un moyen essentiel de prévenir la torture, M. Bellinger fait observer que les obligations définies à l’article 2 de la Convention ne valent que pour les territoires placés sous la juridiction des États parties. Le Gouvernement des États‑Unis considère donc que l’article 3 ne s’applique pas aux individus qui se trouvent en dehors du territoire national. Toutefois, malgré cette interprétation, la politique appliquée à toutes les personnes privées de liberté ou placées sous le contrôle des États‑Unis, quel que soit le lieu de détention, est de ne pas les renvoyer vers des pays où elles risquent fort d’être torturées. Par exemple, les migrants appréhendés en pleine mer ont la possibilité de demander une protection contre les persécutions ou la torture. S’agissant du transfert et du renvoi de personnes détenues à la base de Guantánamo, les autorités américaines déploient beaucoup d’efforts pour appliquer le principe du non‑refoulement lorsque le risque de torture est très probable − politique décrite en détail dans les annexes au deuxième rapport périodique − et les départements et organismes du Gouvernement ont renforcé leurs procédures internes afin d’appliquer scrupuleusement cette politique.

19.Pour ce qui est de l’expression «fort probable» (more likely than not) utilisée dans le contexte de l’application de l’article 3 de la Convention, M. Bellinger indique que cette notion usuelle du droit interne sert à qualifier le risque de torture encouru par un non‑ressortissant en cas de renvoi ou d’extradition vers un pays tiers. Les tribunaux compétents en matière d’immigration appliquent ce critère au moins depuis 1980, année de l’adoption de la loi sur les réfugiés, et ils s’y réfèrent chaque année dans environ 20 000 décisions. Quant aux assurances diplomatiques, elles ne sont utilisables que dans certains cas et ne sauraient remplacer un examen au cas par cas des risques de torture en cas de renvoi ou d’extradition. Ainsi, lorsque les États‑Unis considèrent qu’il est fort probable que la personne dont le renvoi est envisagé soit torturée dans un pays donné, ils s’abstiennent de renvoyer cette personne même s’ils ont reçu des assurances diplomatiques.

20.Concernant la question de savoir si l’opinion d’organismes internationaux peut servir de base pour déterminer si la torture est pratiquée systématiquement dans un pays, M. Bellinger rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la Convention les États‑Unis sont tenus de déterminer au cas par cas s’il est «fort probable» qu’un individu soit torturé dans un pays donné. La pratique systématique de la torture dans un pays est indéniablement un élément à prendre en compte, mais une analyse des risques de torture encourus personnellement par l’individu n’en reste pas moins nécessaire. À cet égard, c’est à l’État partie et non à des organismes internationaux d’effectuer cette analyse.

21.D’autre part, la personne chargée de prendre les décisions relatives à l’application de l’article 3 de la Convention est le Secrétaire ou le Vice‑Secrétaire d’État. La réglementation du Département d’État prévoit que les demandeurs d’asile ont la possibilité de présenter tous les documents susceptibles d’étayer leur requête, que le Département examine, de même que les documents soumis par les représentants du demandeur ou d’autres parties prenantes ainsi que d’autres informations pertinentes. Lorsque le risque de torture est invoqué par le demandeur d’asile ou d’autres parties prenantes, les services compétents du Département d’État examinent ses allégations en collaboration avec le Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail du Département d’État, ainsi qu’avec tous les autres bureaux concernés et, à l’issue de ce processus, il adresse des recommandations au Secrétaire d’État. La délégation des États‑Unis confirme l’information donnée par M. Mariño Menéndez selon laquelle les décisions du Secrétaire d’État relatives aux requêtes présentées en vertu de la réglementation d’application de l’article 3 de la Convention ne sont pas susceptibles de recours. Les tribunaux nationaux se penchent actuellement sur la question dans le cadre de plusieurs affaires.

22.Enfin, en réponse à la question posée par M. Kovalev sur la Cour internationale de Justice, il y a lieu de dire que les États‑Unis soutiennent fermement le principe selon lequel les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité doivent répondre de leurs actes. Malgré la position qui est la leur à l’égard de cette juridiction, les États‑Unis respectent le droit des autres États de reconnaître sa compétence. En outre, les États‑Unis ont joué un rôle clef lors de la définition des éléments constitutifs des actes érigés en crimes dans le Statut de Rome et continuent de promouvoir les objectifs de cet instrument en étant le principal bailleur de fonds des tribunaux nationaux et internationaux chargés de juger les criminels de guerre et en aidant des États à retrouver et appréhender des criminels de guerre en fuite tels que Ratko Mladić et Charles Taylor.

23.M. MONHEIM (États‑Unis d’Amérique), répondant aux questions relatives au système pénitentiaire posées par Mme Sveaass, signale qu’il n’y a aucun retard dans la mise en œuvre de la loi sur l’élimination du viol en prison, qui prévoit notamment la création d’une commission chargée de cette question et l’établissement d’un rapport final destiné à être présenté à l’Attorney général des États‑Unis d’ici à juin 2007. En effet, une enquête de grande envergure a été menée dans les prisons et d’autres centres de détention aux plans fédéral et local et à l’échelon des États; des analyses approfondies de la nature du viol en milieu carcéral ont été effectuées; 22 millions de dollars ont été alloués aux États afin de les aider à lutter contre ce problème; et la commission chargée de la prévention du viol en prison a tenu des auditions sur la question. S’agissant des violences sexuelles dont sont victimes les étrangers placés dans les centres de rétention, le Département de la sécurité du territoire a pris d’importantes mesures afin de prévenir cette pratique et les mauvais traitements dans ces établissements, notamment en adoptant un système de classification et de détection tendant à séparer les détenus pacifiques des détenus potentiellement violents et en affichant partout des instructions concernant la procédure de dénonciation des abus sexuels commis par le personnel de surveillance ou les détenus. Tous les centres de rétention, y compris les établissements sous contrat, doivent respecter les normes relatives à la détention établies par le Département de la sécurité du territoire, notamment celles qui ont trait à la protection de la santé et de la sécurité des détenus. En outre, dans les centres de détention relevant du Département, une formation aux dispositions de la loi sur l’élimination du viol en prison est dispensée au personnel.

24.La prévention et la répression des violences sexuelles contre les détenus demeurent une priorité pour les fonctionnaires chargés de l’application des lois aussi bien au plan fédéral qu’au niveau des États. Le Bureau fédéral des prisons prône une politique de tolérance zéro s’agissant des violences sexuelles commises dans les établissements pénitentiaires fédéraux. Le Gouvernement mène des enquêtes fouillées sur les allégations portant sur des infractions de ce type conformément à la loi sur les droits civils des personnes placées en institution et, lorsque ces allégations sont fondées, il intente une action contre l’institution publique concernée et suit l’exécution de la décision judiciaire − notamment en effectuant des inspections sur place et en interrogeant les détenus et le personnel de la prison − pour s’assurer que les réformes sont appliquées en profondeur et de manière systématique.

25.Lorsque des fonctionnaires chargés de l’application des lois sont soupçonnés d’avoir commis des violences sexuelles, le Département de la justice ouvre une enquête et, le cas échéant, entame des poursuites. Depuis octobre 1999, la section pénale de la Division des droits civils a porté des accusations de violences sexuelles contre 44 personnes, dont 16 gardiens de prison, la plupart des 28 autres personnes appartenant à la police. Le Département de la justice a obtenu que de lourdes peines soient prononcées contre les membres des forces de l’ordre et du personnel des prisons reconnus coupables de violences sexuelles. Par exemple, dans l’Oklahoma, un shérif qui avait commis des agressions sexuelles contre plusieurs détenues et employées a été condamné à 25 ans de prison.

26.En ce qui concerne la formation des agents de la force publique au respect de la dignité humaine, en particulier s’agissant des femmes, M. Monheim indique que le Bureau des prisons offre une formation approfondie axée sur des questions spécifiques touchant le traitement des détenues et, au Département de la sécurité du territoire, le personnel des prisons reçoit une formation complète à l’emploi rationnel de la force et aux méthodes d’arrestation et de fouille de suspects de sexe féminin. Les inspecteurs des services de l’immigration apprennent au cours de leur formation que les hommes doivent être séparés des femmes et les adultes des mineurs pendant toute la durée de la procédure d’inspection. De manière plus générale, le personnel des forces de l’ordre reçoit une formation à tout un ensemble de dispositions de la Constitution, de lois, de règlements, de politiques et de dispositions protégeant les droits individuels.

27.S’agissant de la protection des détenus particulièrement vulnérables, de nombreuses garanties sont prévues. En effet, les détenus sont répartis dans les cellules compte tenu de la sécurité des autres détenus et de leur vulnérabilité réelle ou potentielle. Pour ce faire, ils sont généralement classés notamment par sexe, âge, état de santé, nature des infractions commises et antécédents. En outre, ceux qui sont victimes de menaces ou d’actes de violence peuvent être séparés du reste des détenus et, si nécessaire, transférés dans un autre établissement. En principe, il n’y a pas de détenus mineurs parmi la population carcérale aux États‑Unis mais la situation est complexe du fait que l’âge de la responsabilité pénale varie d’un État à l’autre et que, par conséquent, dans certains États, des mineurs peuvent être considérés comme des adultes et être détenus avec d’autres adultes. En vertu de la législation fédérale, les mineurs délinquants ne peuvent pas être placés dans des établissements où ils pourraient être en contact avec des adultes. Au cas où un mineur doit être placé en garde à vue dans des locaux où se trouvent des adultes, il est gardé dans une cellule à part. S’agissant des centres de détention privés sous contrat, le Bureau fédéral des prisons s’emploie activement à informer les administrateurs de ces établissements qu’ils doivent appliquer une politique de tolérance zéro en matière de mauvais traitements contre les détenus et a notamment organisé un grand nombre de cours de formation à leur intention. Par ailleurs, le Département de la sécurité du territoire a pris des mesures en vue de protéger les étrangers potentiellement vulnérables retenus dans les centres placés sous sa responsabilité: les personnes vulnérables qui en font la demande peuvent être placées dans une unité administrative spéciale, par exemple pour qu’elles ne soient pas en contact avec une personne violente, et les mineurs non accompagnés sont complètement séparés des adultes.

28.En ce qui concerne la surveillance des conditions dans les prisons et les centres de détention, la loi sur les droits civils des personnes placées en institution continue d’être appliquée avec détermination par les autorités compétentes. Le Département de la justice a mené depuis 2001 des enquêtes dans 42 prisons et centres de rééducation pour mineurs et suit actuellement l’application d’accords portant sur 97 établissements. Le Département de la sécurité du territoire vérifie chaque année si ses normes nationales de détention sont respectées dans les centres de rétention d’étrangers.

29.Les détenus placés dans les centres de détention fédéraux et ceux des États peuvent demander réparation aux juridictions civiles. Celle‑ci peut consister en un dédommagement pécuniaire, une réparation en équité ou un jugement déclaratoire en leur faveur. Les détenus victimes de violences sont généralement examinés par un médecin et bénéficient d’un soutien psychologique. Les étrangers retenus dans les centres relevant du Département de la sécurité du territoire qui sont victimes d’agressions sexuelles sont immédiatement orientés vers un service d’urgence qui leur dispense des soins médicaux, réunit des preuves scientifiques, effectue un examen psychiatrique et prend des mesures d’urgence, le cas échéant.

30.À propos des détenues qui accouchent en prison, M. Monheim réitère que le Bureau fédéral des prisons n’a nullement pour pratique d’imposer des mesures de contention physique aux femmes enceintes ou en travail, sauf dans l’éventualité où une détenue représenterait un danger pour elle‑même, son enfant ou d’autres détenues. En cas d’allégations faisant état de l’utilisation abusive de moyens de contention dans les prisons fédérales et les prisons des États, une enquête est menée par le Département de la justice et l’affaire peut être portée devant les tribunaux civils. Par exemple, dans l’affaire Shawanna Nelson, qui est encore en instance devant les tribunaux de l’État de l’Arkansas, bien que le Gouvernement fédéral ne soit pas mis en cause, le Département de la justice a mené une enquête dans l’établissement concerné, mais les détenues qu’il a interrogées ne lui ont signalé aucun autre incident de cette nature. Un mémorandum d’accord privé de surveillance a été conclu afin de garantir que les conditions de détention dans cet établissement ne violent pas la Constitution.

31.En ce qui concerne la violence familiale, la position adoptée par les États‑Unis est que les actes de ce type ne sont tous ni nécessairement en dehors du champ de la Convention, ni forcément couverts par cette dernière. Il convient d’examiner au cas par cas s’ils constituent des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention. De plus amples informations sur cette question figurent dans le troisième rapport périodique des États‑Unis au Comité des droits de l’homme (CCPR/C/USA/3, par. 81 à 86). Les victimes de la violence au foyer peuvent obtenir l’asile si elles remplissent les conditions définies dans la législation pertinente. Les actes de violence familiale sont punis par toute une série de sanctions pénales et sont susceptibles de recours devant les juridictions civiles.

32.Répondant à une question posée par M. Mavrommatis, M. Monheim indique à propos des allégations de mauvais traitements dont la responsabilité est attribuée à un lieutenant de la police de Chicago, Jon Burge, que le juge de l’État de l’Illinois a nommé un procureur chargé spécialement de mener une enquête sur ces allégations. À ce jour, plusieurs décisions judiciaires fondées sur des aveux obtenus par la contrainte ont été annulées, ce qui confirme le principe fondamental consacré dans le droit interne selon lequel personne ne saurait être au‑dessus des lois.

33.S’agissant du «syndrome du quartier des condamnés à mort», M. Monheim rappelle que la peine de mort n’est pas proscrite par la Convention et que les États‑Unis ont précisé au moment de ratifier cet instrument qu’ils pouvaient appliquer la peine capitale, y compris toute période de réclusion prévue par la Constitution avant l’exécution de la sentence. Bien que la Convention ne puisse être prise en compte dans ce cas de figure, le Gouvernement américain reconnaît qu’une attente prolongée de l’exécution peut avoir des répercussions psychologiques néfastes, qui peuvent être exacerbées par la séparation du condamné à mort d’avec le reste des détenus. Toutefois, il convient de souligner que la durée prolongée de cette attente résulte généralement de l’utilisation des recours visant à vérifier le bien‑fondé de la condamnation et que le placement dans le couloir de la mort de ces détenus, qui sont plus dangereux que les autres au vu de leur passé, permet de prévenir les violences entre détenus.

34.En conclusion, M. BELLINGER (États‑Unis d’Amérique) réitère que le Gouvernement des États‑Unis est fermement déterminé à respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et à poursuivre la mise en œuvre de politiques qui offrent des garanties allant au‑delà de ses obligations conventionnelles. M. Bellinger espère que les renseignements fournis oralement et par écrit, qui témoignent de l’importance accordée par les États‑Unis à leurs obligations découlant de la Convention, seront pris en compte par le Comité lorsqu’il élaborera ses conclusions et recommandations.

35.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour les États-Unis) remercie vivement la délégation de ses réponses détaillées et dit qu’il ne reviendra que sur quelques points très concrets. Tout d’abord, la délégation a réaffirmé que les États‑Unis étaient engagés dans un conflit armé avec Al‑Qaida sans toutefois qualifier ce conflit. Or il importe de savoir s’il s’agit d’un conflit international, ce qui détermine les dispositions du droit qui sont applicables. Ainsi le Comité a toujours considéré que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques s’appliquait dans le cas d’un conflit international. M. Mariño Menéndez demande en outre si l’État partie estime que ce conflit va prendre fin bientôt.

36.La délégation a expliqué qu’un nouveau manuel des opérations sur le terrain avait été adopté et le Comité souhaite connaître les méthodes d’interrogatoire qui y sont autorisées et celles qui sont proscrites. La question de la détention au secret est évoquée dans les réponses écrites de l’État partie mais il n’est rien dit des disparitions forcées. Cette question a été traitée par de nombreuses organisations et organes internationaux qui considèrent majoritairement qu’il s’agit d’un crime international et, pour les familles de disparus, d’une torture. Or au moins deux cas de disparition forcée sont établis dans le cadre de la lutte livrée par les États‑Unis contre le terrorisme. La question est d’autant plus importante que le risque de torture est encore plus grand dans le cas d’une personne dont on ignore le sort. Pour ce qui est de la détention au secret, la délégation a expliqué que cette détention n’était pas pratiquée; mais dans les lieux de détention mis en place à l’étranger, personne n’en a la certitude. On ne sait pas non plus combien d’individus ont été ou sont encore ainsi détenus; des investigations sont en cours au plan international et il ne reste qu’à en attendre l’issue.

37.La question des assurances diplomatiques demandées à l’État dans lequel un individu doit être envoyé est très importante. Le Comité contre la torture a été saisi d’une affaire dans laquelle l’État de renvoi avait donné des assurances mais ne les a pas respectées, et il a établi que l’État qui avait procédé à l’expulsion de l’intéressé avait commis une violation de l’article 3 de la Convention. L’affaire Mahmoud Habib, qui a fait la une des journaux, a elle aussi montré la faiblesse du système des assurances diplomatiques. Le Comité voudrait donc savoir comment le Gouvernement des États‑Unis surveille la suite qui est donnée aux assurances diplomatiques qu’il a reçues et si, dans le cas où il apprend qu’un individu qu’il avait renvoyé dans un État après avoir reçu de celui‑ci des garanties, a été torturé, il continuera à renvoyer des individus dans ce même pays.

38.Passant à l’interdiction des aveux obtenus sous la torture, M. Mariño Menéndez demande comment les autorités américaines garantissent que les tribunaux d’examen du statut de combattant rendent des décisions dans le respect de cette interdiction, c’est‑à‑dire qu’ils s’assurent que les aveux éventuellement obtenus n’ont pas été arrachés sous la torture. Existe‑t‑il une possibilité pour les procureurs d’enquêter ou les preuves obtenues sont‑elles gardées secrètes?

39.Il existe une distinction entre les territoires placés «sous la juridiction des États‑Unis» et les lieux placés «sous le contrôle des États‑Unis». Toutefois, aux fins de la prévention de la torture ou des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il est évident que la distinction ne doit avoir aucune incidence et le Comité souhaiterait des éclaircissements à ce sujet.

40.M. CAMARA (Corapporteur pour les États‑Unis d’Amérique) se félicite des efforts louables fournis par la délégation des États‑Unis pour répondre au nombre considérable de questions posées par le Comité. Estimant que ce dernier dispose de suffisamment d’informations pour évaluer la façon dont est appliquée la Convention dans l’État partie, M. Camara se borne à demander à la délégation des États‑Unis de faire parvenir ultérieurement au Comité des statistiques sur les procédures entamées contre des auteurs d’actes de torture et les condamnations prononcées par les juridictions nationales.

41.Mme BELMIR salue l’effort considérable déployé par les membres de la délégation pour répondre aux nombreuses questions du Comité. Elle souhaite quant à elle s’arrêter sur la question de l’accès effectif aux juridictions. En effet, d’après des documents fournis par différentes sources, il apparaît que dans le cadre de poursuites engagées en vertu de l’article 242 du titre 18 du Code des États‑Unis, il incomberait à la victime d’apporter la preuve que le coupable a agi intentionnellement. En outre, pour obtenir réparation, la victime doit prouver qu’elle a subi un dommage matériel en plus du préjudice moral, qui n’est pas suffisant à cette fin. D’après des sources d’information, 135 personnes, condamnées sur aveux, ont affirmé avoir été torturées mais n’ont pas eu accès à la justice. Le fait que les détenus de Guantánamo n’aient pas accès aux tribunaux des États‑Unis est difficilement acceptable. D’autre part, l’utilisation des armes neutralisantes est inquiétante car ce genre d’armes est employé sans discrimination, sur des femmes, des enfants et des malades, et 150 décès ont été enregistrés, ce qui est considérable. Il est temps assurément de réglementer l’usage de ces dispositifs, en associant le Ministère de la santé car des cardiaques, des handicapés ou des personnes en mauvaise santé ont subi ce genre de traitement.

42.Mme SVEAASS remercie la délégation de ses réponses très approfondies et a relevé avec une grande satisfaction un changement dans la façon de présenter les choses; en effet à la séance précédente la délégation avait semblé considérer que bon nombre des questions posées par le Comité dépassaient le champ d’application de la Convention, alors que les réponses qui viennent d’être données ont placé les explications beaucoup plus au regard de la Convention. La délégation a expliqué que tous les éléments de la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention étaient inclus dans la législation interne et qu’il n’était pas nécessaire de modifier ou compléter celle‑ci. Il reste que certaines différences sont manifestes, en particulier en ce qui concerne l’élément d’intention, et il ne serait pas inutile d’en débattre pour essayer de rapprocher le plus possible le droit interne des États‑Unis et les termes de la Convention. Il en va de même pour ce qu’il faut entendre de l’expression «peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» que, dans sa réserve à l’article 16, le Gouvernement des États‑Unis a considérée équivalente à l’expression «traitements ou peines cruels, inusités et inhumains prohibés par le cinquième, le huitième ou le quatorzième amendement à la Constitution». Il existe toutefois des différences qui devraient conduire les États‑Unis à s’engager à interdire également les «peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» et non pas seulement à les empêcher, comme il est indiqué dans les réponses écrites (p. 87).

43.La ferme condamnation de toute forme de torture faite par la délégation est extrêmement rassurante. Toutefois, d’après des documents officiels des États‑Unis, certaines méthodes d’interrogatoire qui sont appliquées couvrent des pratiques que le Comité qualifie d’actes de torture, comme la mise à nu forcée, l’obligation de rester dans des positions pénibles, l’exploitation des phobies de la personne interrogée. Mme Sveaass espère que la nouvelle version du manuel d’opérations qui, d’après la délégation, améliore considérablement la situation, contiendra une interdiction explicite de ces actes. Sans bien sûr demander des renseignements qui relèvent du secret‑défense, elle souhaiterait connaître la teneur de la réglementation qui s’applique à toutes les personnes «agissant à titre officiel», selon l’expression de l’article premier de la Convention, et donc aux personnels de la CIA et aux personnels de sécurité qui ne relèvent pas du Département de la défense. Elle voudrait en effet avoir l’assurance que tous les maillons de la chaîne de commandement reçoivent des instructions expresses leur donnant les moyens de respecter la Convention. On ne soulignera jamais assez l’importance de la formation pour éviter des dérapages intolérables.

44.En ce qui concerne la question des visites dans les centres de détention, la délégation a donné l’assurance qu’il n’y avait pas de restriction; il reste que le Comité a connaissance de cas de personnes qui n’ont pas pu rendre visite à des détenus et il serait bon de réfléchir aux moyens à mettre en place pour que cela ne se reproduise pas.

45.Mme Sveaass souhaite évoquer la question des donneurs d’alerte, qui se trouvent bien souvent dans une situation difficile. Toute société a besoin de donneurs d’alerte mais il importe de leur assurer une certaine protection et elle se demande si le Gouvernement des États‑Unis applique des stratégies dans ce sens. Cette question conduit au problème de l’établissement des responsabilités et des enquêtes. La délégation a indiqué que 12 enquêtes avaient été effectuées et les a qualifiées d’impartiales et d’indépendantes. Or cette indépendance a été mise en doute par certains et Mme Sveaass se demande si le Gouvernement envisage de charger un procureur indépendant, une commission indépendante ou même un tribunal d’examiner la question.

46.La délégation a traité de la question de la réparation et de la réadaptation et a cité un nombre considérable de personnes qui ont été inculpées suite au dépôt d’une plainte par une victime de torture. Il serait très utile de disposer de données relatives aux demandes de réparation et d’indemnisation et Mme Sveaass se demande s’il existe une base nationale de données relatives aux allégations de torture. L’annexe 8 des réponses écrites, qui donne le nombre de personnes qui ont déposé plainte, le nombre de celles qui ont demandé une réparation et de celles qui en ont reçu une est très intéressante. Il en ressort que sur les 33 demandes d’indemnisation, 6 ont été examinées et rejetées et 23 sont en cours. À ce jour, il a été fait droit à 2 demandes seulement. La réparation accordée était une indemnisation. Il serait utile de savoir s’il existe d’autres formes de réparation non financières, par exemple un traitement médical ou une réadaptation sociale.

47.D’après les renseignements disponibles, la loi sur le traitement des détenus (Detainee Treatment Act) votée en 2005 interdit aux détenus de Guantánamo de saisir un tribunal pour tortures ou mauvais traitements, même après avoir été libérés. Mme Sveaass demande si tel est bien le cas et souhaiterait des précisions sur la façon dont s’exerce le droit de plainte et s’il est vrai que les détenus de Guantánamo ne peuvent pas dénoncer des mauvais traitements même après avoir été libérés.

48.La réponse à la question du placement à l’isolement n’est pas suffisante. La délégation a affirmé que l’isolement n’était pas utilisé dans les établissements relevant du Bureau fédéral des prisons. Or nul n’ignore que, en tout cas dans un établissement de sécurité maximale, l’isolement est pratiqué de façon très rigoureuse puisque le détenu ne sort de cellule que cinq heures par semaine. Il est encourageant d’apprendre qu’il n’y a pas d’enfant détenu avec les adultes mais le nombre toujours très élevé de mineurs en détention, dont certains pour des peines de réclusion à perpétuité, est inquiétant et appelle des mesures. Mme Sveaass demande ce qui peut être fait pour améliorer cette situation.

49.D’après certaines informations, la loi portant réforme du droit de recours des prisonniers (Prisoner Litigation Reform Act) peut être utilisée pour empêcher les détenus d’engager des actions civiles et Mme Sveaass souhaiterait qu’il lui soit précisé s’il en est ainsi.

50.Les actions menées pour lutter contre les violences et le harcèlement sexuel en prison ainsi que les efforts pour prévenir les brutalités policières, en particulier aux frontières, sont à saluer. Enfin, même si la question ne relève pas de la Convention, Mme Sveaass souhaiterait des renseignements concernant le déroulement des opérations de secours après le passage du cyclone Katrina et en particulier sur la façon dont les prisonniers et les personnes hospitalisés ont été secourus.

51.Le PRÉSIDENT remercie vivement la délégation de ses réponses détaillées. Avant de poursuivre, il signale à l’attention de la délégation et des membres du Comité qu’il a reçu d’un avocat représentant l’ancien Président de l’Iraq, Sadam Hussein, une lettre dans laquelle il était allégué que Sadam Hussein avait été torturé par des agents des États‑Unis quand il était en détention et aussi qu’il risquait d’être condamné à mort à l’issue d’un procès inéquitable. La deuxième allégation ne concerne pas le Comité et de plus Sadam Hussein est jugé par un tribunal iraquien. La délégation des États‑Unis aura une copie de cette lettre.

52.Les médias ont tout récemment annoncé que quelques prisonniers avaient été libérés de Guantánamo et qu’ils ne seraient pas renvoyés dans leur pays d’origine mais seraient envoyés en Albanie, nouvelle très intéressante qui appelle confirmation. Est‑il vrai aussi que le pouvoir exécutif a pris une décision tendant à fermer le centre de détention de Guantanamo?

53.En ce qui concerne la définition de la torture, il est évident que l’État partie en applique une qui lui est propre et nul ne contestera que c’est le droit le plus strict de tout État. Toutefois, le Comité a besoin de connaître la teneur des dispositions de la législation applicable en la matière afin d’apprécier si tous les éléments de la définition donnée dans la Convention sont bien couverts.

54.En ce qui concerne les conditions pénitentiaires, les réponses permettent d’avoir une idée générale des dispositifs existants pour empêcher certaines pratiques, comme les viols, mais il est nécessaire de connaître les résultats des mesures de prévention prises. Des statistiques dans ce domaine pourraient figurer dans le prochain rapport périodique. Le Comité serait heureux également de connaître la suite des affaires dites de Chicago. Le Comité n’est par ailleurs toujours pas convaincu que les détenus de Guantánamo ont véritablement le droit d’habeas corpus car la loi qui leur est applicable contient une disposition qui a pour effet de les empêcher d’engager une action en réparation pour des actes survenus pendant leur détention dans la base, même après leur remise en liberté. Si les détenus peuvent prouver qu’ils ont subi des tortures, ils doivent pouvoir engager une action. Le Président invite la délégation à répondre dans la mesure du possible aux nombreuses questions qui ont été posées mais souligne que le Comité n’attend pas de réponse immédiate à toutes. Il remercie la délégation d’avoir eu avec le Comité un dialogue très fructueux.

55.M. BELLINGER (États‑Unis d’Amérique) dit qu’il s’efforcera de répondre au plus grand nombre possible de questions dans le peu de temps qui reste. Les membres de la délégation ont pris des notes et apporteront leur réponse dès que possible avant que le Comité n’ait achevé l’établissement des conclusions et recommandations. M. Bellinger tient à signaler au Comité que la teneur du dialogue et les conclusions et recommandations seront rendues immédiatement publiques, à l’intention de la société civile.

56.En ce qui concerne le conflit armé dans lequel les États‑Unis se trouvent engagés, il s’agit incontestablement d’un conflit armé international. Les forces américaines sont allées en Afghanistan conformément à une résolution du Conseil de sécurité. Ce conflit n’a pas cessé et il est vrai que personne ne croît qu’il va s’achever bientôt. La question revient régulièrement et soulève une difficile question de politique. Toutefois la réponse ne peut pas être que parce que le conflit n’est pas près de cesser il faut s’abstenir d’arrêter des suspects ou relâcher tous ceux qui sont en détention. Ce qu’il faut faire, c’est veiller à ce que les procédures appliquées aux personnes arrêtées et détenues soient de nature à garantir que leur statut est déterminé correctement et par la suite puisse être réexaminé, ce qui est le cas puisqu’un conseil de révision administrative réexamine chaque année la détention de chaque détenu. Il s’agit là d’une situation sans précédent dans l’histoire d’un conflit armé, car généralement les autorités attendent la fin du conflit pour remettre les prisonniers en liberté.

57.En ce qui concerne l’applicabilité du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la position des États‑Unis est claire: les États‑Unis ont toujours considéré que cet instrument ne s’appliquait pas en dehors de leur territoire, position qui est du reste partagée par un grand nombre d’autres États.

58.Les services de renseignement ont effectivement leurs procédures et c’est le propre d’un service de renseignement que de ne pas les rendre publiques. Les membres de ces services reçoivent des instructions et des orientations très précises concernant leurs obligations et ils ont également des consultations extérieures auprès du Ministère de la justice par exemple, ce qui garantit le respect de leurs obligations et de la loi.

59.La question de savoir si la détention dans un lieu secret constitue un acte de torture est sujette à débat, si l’on s’en tient à la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention: il s’agit d’actes par lesquels «une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées». Le fait de ne pas avoir accès à certaines autorités ne constitue pas, de l’avis de la délégation des États‑Unis, une douleur ou des souffrances aiguës. De plus, même les Conventions de Genève reconnaissent que dans un conflit armé certaines catégories de personnes sont réputées avoir renoncé à leur droit de communication, comme les saboteurs et les espions. Cela dit, il est important de veiller à ce que tout prisonnier, où qu’il se trouve, soit détenu dans le respect du droit et ne soit pas soumis à des tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

60.Pour ce qui est des assurances diplomatiques, il est certain que s’il apparaît qu’un pays de renvoi, qui dans le passé avait donné l’assurance que l’intéressé ne serait pas soumis à la torture, n’a pas tenu cet engagement, aucun renvoi dans ce pays ne sera plus envisagé.

61.En ce qui concerne les déclarations faites sous la coercition et leur utilisation dans certaines procédures, il faut bien voir que l’article 15 de la Convention est une disposition contraignante et que l’obligation qu’il contient est applicable pour toute procédure. Dans le contexte des commissions militaires, cette obligation fait l’objet de règles spécifiques. Pour l’application territoriale de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, l’obligation est de la même manière contraignante et les agents de l’État américains, où qu’ils se trouvent dans le monde, ont l’obligation de ne pas se livrer à des actes de torture ou à des traitements cruels. Certes, les États‑Unis considèrent que les dispositions de la Convention s’appliquent à leur propre territoire et ont fait connaître clairement cette position mais la pratique et la réalité sont tout aussi claires, et l’interdiction de la torture s’applique en tout lieu.

62.Il n’est pas exact de dire que la charge de prouver que l’auteur d’un acte de torture avait agi intentionnellement incombe à la victime. Ce genre d’infraction est poursuivi par l’État et il appartient donc à l’État, et non à la victime d’apporter la preuve de l’intention, élément qui est au demeurant l’un des plus importants.

63.M. MONHEIM (États‑Unis d’Amérique) ajoute, au sujet de la charge de la preuve, que si l’élément d’intention dans l’article 242 du titre 18 est si important, c’est à cause d’une décision très marquante de la Cour suprême qui a établi, dans l’affaire Screws v. United States, que l’article 242 exigeait la preuve que l’accusé avait agi dans une intention spécifique pour pouvoir le priver d’un droit expressément consacré par la Constitution ou par la législation.

64.Pour ce qui est de l’emploi des armes neutralisantes, il est vrai qu’elles ont fait quelques victimes mais leur utilisation a permis une diminution extrêmement importante du nombre de blessés et de morts parmi les membres des forces de l’ordre et les personnes étrangères à l’incident mais qui se trouvaient sur place. Les opérations de maintien de l’ordre sont dévolues au premier chef aux autorités de chaque État et aux gouvernements locaux et, à ce jour, le Congrès n’a pas estimé nécessaire ou approprié d’interférer dans le processus de prise de décisions des autorités locales en réglementant l’usage de ces dispositifs. Néanmoins, si une plainte était déposée pour violation d’un droit garanti par la Constitution, le Ministère de la justice ouvrirait une enquête et engagerait les poursuites voulues. Le Bureau fédéral des prisons donne aux autorités locales des instructions concernant le bon usage des armes neutralisantes et le Gouvernement cherche en permanence à mettre au point des dispositifs moins dangereux et plus sûrs pour assurer la protection de tous.

65.M. BELLINGER (États‑Unis d’Amérique) poursuit avec les questions relatives à l’absence d’accès aux tribunaux des États‑Unis pour les détenus de Guantanamo. Il souligne tout d’abord qu’il n’est pas de cas dans l’histoire d’un conflit armé international où les soldats aient pu accéder aux juridictions de la puissance détentrice et engager une action en réparation contre la puissance détentrice. Certes le conflit armé international dans lequel les États‑Unis sont engagés avec Al-Qaida diffère des conflits passés mais son caractère différent n’en fait pas pour autant simplement une vaste opération criminelle. Si tel était le cas, la seule chose que le Gouvernement des États‑Unis serait en mesure de faire à ce stade à l’égard de Ben Laden serait de demander son extradition au pays, quel qu’il soit, où il se trouve. Les États‑Unis comprennent les inquiétudes qu’une telle situation peut soulever, raison pour laquelle ils ont ouvert toujours plus de procédures aux individus arrêtés pendant le conflit avec Al-Qaida. Les détenus de Guantánamo ont le droit d’habeas corpus et peuvent contester la conduite du tribunal d’examen du statut de combattant ou de la commission militaire.

66.Mme Belmir a évoqué la situation des journalistes. La délégation ne connaît aucun cas de détenu à Guantánamo qui se déclare journaliste et n’a jamais entendu d’allégation dans son sens mais elle ne manquera pas de faire des recherches.

67.Il a été demandé quelles méthodes spécifiques d’interrogatoire seront interdites dans le nouveau manuel des opérations sur le terrain. Il est impossible de le dire puisque ce manuel n’a pas encore été rendu public mais le Comité peut d’ores et déjà avoir l’assurance que la liste des techniques interdites est longue. Il faudra bien sûr se garder de considérer que parce que telle ou telle technique d’interrogatoire est interdite, elle est officiellement qualifiée d’acte constitutif de torture. La liste du manuel des opérations reflète simplement une décision de politique générale adoptée par le Département de la défense qui interdit l’emploi de certaines techniques. Il est évidemment indispensable d’assurer une formation à tout agent appelé à employer des techniques d’interrogatoire, qu’il relève du Département de la défense ou des services de renseignement. L’une des leçons tirées de l’expérience passée est que le renforcement du commandement et la formation de tous sont des éléments essentiels.

68.Les visites à Guantánamo sont bien autorisées et un grand nombre de parlementaires et de journalistes se sont rendus dans la base. Récemment c’est une délégation de l’OSCE, conduite par le Président du Sénat belge, qui y a effectué une visite et on attend son rapport pour la fin du mois de mai.

69.Les donneurs d’alerte représentent une tradition respectée aux États‑Unis comme dans beaucoup d’autres pays et il existe même des dispositions législatives qui encouragent les actions entreprises par ces personnes.

70.Enfin, répondant aux questions du Président, M. Bellinger souligne que les allégations portées dans la lettre de l’avocat de Sadam Hussein n’ont rien de nouveau et il croit savoir que le Gouvernement a déjà eu l’occasion de les démentir. La nouvelle de la libération de plusieurs détenus de Guantánamo est vraie: en effet cinq détenus ont été envoyés le jeudi 4 mai en Albanie, pays qui avait accepté de les accueillir. À ce jour, plus de 200 personnes ont été remises en liberté ou transférées de Guantanamo. Il faut bien voir que certains détenus sont extrêmement dangereux et que les États‑Unis ont véritablement besoin de l’aide de la communauté internationale pour garantir qu’ils ne soient pas une menace pour le pays. Le Comité n’ignore sans doute pas qu’environ 10 % d’individus qui ont été remis en liberté ont aussitôt repris la lutte contre les États‑Unis. Le Président Bush a effectivement fait savoir récemment qu’il ne voulait pas garder Guantánamo en service plus longtemps qu’il n’est nécessaire, ce qui répond à la préoccupation de beaucoup. Toutefois personne parmi ceux qui demandent la fermeture de Guantánamo n’est en mesure de dire ce qu’il convient de faire des personnes qui ont reçu un entraînement aux tactiques terroristes, à la fabrication de bombes et à d’autres actes terroristes. D’aucuns ont suggéré qu’il fallait juger les détenus de Guantánamo selon la législation pénale des États‑Unis mais ce n’est pas aisé puisque la grande majorité des détenus ne sont pas citoyens américains. Ils ont été capturés hors du territoire des États‑Unis et dans la plupart des cas n’ont pas commis une infraction pénale spécifique qui était qualifiée dans la législation des États‑Unis telle qu’elle existait au 11 septembre. L’un des enseignements que les États‑Unis ont tirés des attentats du 11 septembre est que le cadre légal pour traiter du terrorisme – qu’il s’agisse de droit pénal national, de droit international ou de droit humanitaire – n’est pas suffisamment développé parce personne n’avait jamais imaginé qu’il se trouverait un jour un aussi grand nombre d’individus agissant comme ont agi les détenus de Guantanamo.

71.En ce qui concerne la définition de la torture, la délégation des États‑Unis estime que les éléments de celle qui est appliquée au plan interne couvrent tous les éléments de celle figurant à l’article premier de la Convention mais les rédacteurs du prochain rapport périodique veilleront à les décrire en détail. En ce qui concerne l’efficacité des mesures de prévention pour lutter contre la violence dans les prisons, le Comité recevra des statistiques de même que sur les peines infligées aux auteurs d’actes de torture en général. Enfin, une réponse sera apportée à toutes les questions auxquelles il n’a pas pu être répondu à la séance.

72.Le PRÉSIDENT remercie la délégation des États‑Unis de ses observations et souligne la grande richesse de l’échange qui vient d’avoir lieu avec le Comité.

73. La délégation des États ‑Unis se retire.

74. La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 20.

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